Décisions
CA Dijon, 2 e ch. civ., 10 octobre 2024, n° 23/01226
DIJON
Arrêt
Autre
[F] [V]
SCI DU PRETAN
C/
[I] [Y]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024
N° RG 23/01226 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GIQR
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 septembre 2023,
rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 20/1521
APPELANTES :
Madame [F] [V]
née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 5] (71)
domiciliée :
[Adresse 2]
[Localité 4]
SCI DU PRETAN, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié au siège :
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentées par Me Pierre DELARRAS, membre de la SELAS ADIDA & ASSOCIES, avocat au barreau de MACON
assistées de Me Alice GIRARDOT, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
INTIMÉ :
Monsieur [I] [Y]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 6] (21)
domicilié :
[Adresse 7]
[Localité 4]
représenté par Me Caroline ANDRIEU-ORDNER, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2024 pour être prorogée au 23 Mai 2024, 27 Juin 2024, 19 Septembre 2024, 03 Octobre 2024 puis au 10 Octobre 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [I] [Y] et Mme [F] [V] ont vécu en concubinage à compter de 1995 et ont conclu le 31 mars 2010 un PACS enregistré devant le tribunal d'instance de Chalon-sur-Saône.
Suivant acte reçu par Maître [D] [H] [S], notaire à [Localité 8] (71), le 7 février 2000, ils ont constitué la société immobilière du Prétan.
En conséquence des apports et de diverses donations intervenues entre les concubins, et en dernier lieu le 31 mars 2010, les statuts de la SCI du Prétan ont été modifiés, de sorte que la répartition du capital social est désormais la suivante :
M. [Y] :
- l'usufruit de 153 parts sociales n°191 à 343,
- l'usufruit de 37 parts sociales n°154 à 190.
Madame [V] :
- la pleine propriété de 153 parts sociales n°1 à 153
- la nue-propriété de 37 parts sociales n°154 à 190,
- la nue-propriété de 153 parts sociales n°191 à 343,
- la pleine propriété de 95 parts sociales n°344 à 438.
A la demande de Mme [V], le PACS a été dissout le 11 juin 2018.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2019, Mme [V] a convoqué M. [Y] à une assemblée générale extraordinaire des associés de la SCI du Prétan, qui s'est tenue le 7 mars 2019.
L'ordre du jour fixé par Madame [V] était le suivant :
1. Mise en vente de l'immeuble sis [Adresse 7] ' [Localité 4],
2. Conditions de la vente,
3. Décision de libération des lieux,
4. Pour le cas où M. [I] [Y] occupe toujours les lieux, sans droit ni titre, le 7 avril 2019, un Huissier de Justice pourra demander son expulsion,
5. Diagnostics obligatoires de l'immeuble pour la vente.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 7 mars 2019, Mme [V], en dépit du refus de M. [Y] d'adopter les 5 résolutions, a considéré que l'ensemble des résolutions étaient adoptées au motif qu'elle détenait la majorité des 2/3 des parts sociales.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2019, le conseil de M. [Y] a indiqué à Mme [V] que, compte-tenu des dispositions de l'article 27 b des statuts de la SCI du Prétan, le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 7 mai 2019 devait être considéré comme nul et non avenu.
Suivant lettres recommandées avec accusé de réception des 17 octobre 2019 et 20 décembre 2019, Mme [V] a notifié à M. [Y] son droit de retrait de la SCI du Prétan puis l'a convoqué à une assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue le 20 janvier 2020 avec pour ordre du jour la dissolution de la SCI.
Lors de cette assemblée générale extraordinaire, M. [Y] s'est opposé à la dissolution de la SCI du Prétan.
C'est dans ces conditions que, par acte du 19 octobre 2020, Mme [V] et la SCI du Prétan ont fait citer M. [Y] devant le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône aux fins de voir notamment prononcer la dissolution judiciaire anticipée de la SCI du Prétan sur le fondement de l'article 1844-7 5°du code civil, et condamner M. [I] [Y] à régler à la SCI du Prétan la somme de 30 800 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues pour la période du 1er juin 2018 au 31 septembre 2020, ainsi qu'une indemnité d'occupation de 1 100 euros par mois à compter de la délivrance de l'assignation et jusqu'à l'accomplissement des formalités de liquidation.
Par acte du 25 mars 2021, M. [Y] a saisi le tribunal judiciaire aux fins de solliciter l'annulation de la donation de parts sociales de la SCI du Prétan reçue par Maître [P] [N] le 31 mars 2010, considérant que cette donation était viciée en raison des manoeuvres frauduleuses commises par Mme [V].
Il a également, par conclusions récapitulatives, sollicité le prononcé de la nullité de la SCI du Prétan sur le fondement de l'article 1844-14 du code civil.
Ces deux affaires ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 15 avril 2021.
Par ordonnance du 22 novembre 2021, confirmée par la présente cour le 30 juin 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables la demande aux fins de nullité de la SCI du Prétan et la demande aux fins de nullité de la donation du 31 mars 2010 formulées par M. [I] [Y], et déclaré irrecevable la demande de provision formée par Mme [F] [V] au titre d'une reconnaissance de dette du 20 novembre 1997, cette prétention n'ayant pas été formulée dans le cadre de l'instance au fond.
Par conclusions du 15 mars 2023, M. [Y] a saisi le juge de la mise en état d'un nouvel incident.
Aux termes de ses dernières conclusions sur incident notifiées le 19 septembre 2023, il demandait au juge de la mise en état de :
- constater que la demande de Mme [V] tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 39 131,58 est prescrite,
- juger irrecevable la demande de Mme [V] tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 39 131,58 euros,
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [V] aux dépens de l'instance.
En ses dernières conclusions sur incident notifiées le 1er septembre 2023, Mme [V] sollicitait du juge de la mise en état qu'il :
- déboute M. [Y] de l'ensemble des fins de non-recevoir tirées de l'absence de lien suffisant avec les demandes principales et de la prescription soulevées relatives à la demande en paiement de la somme de 39 131,58 euros qu'elle a formée,
- condamne M. [Y] à payer à la SCI du Prétan la somme de 68 200 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due,
En conséquence,
- condamne M. [Y] à lui payer la somme de 56 469,60 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due,
- condamne M. [Y] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la fin de non-recevoir soulevée tardivement à des fins dilatoires,
- condamne M. [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [Y] aux entiers dépens de l'incident.
Par une ordonnance du 18 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a :
- déclaré recevables les fins de non-recevoir soulevées par M. [I] [Y],
- déclaré irrecevable la demande de Mme [F] [V] en paiement au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 pour cause de prescription,
- débouté la SCI du Prétan et Mme [F] [V] de leur demande de provision au titre d'une indemnité d'occupation,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 8 novembre 2023 pour les conclusions de Mme [F] [V] et de la SCI du Prétan,
- condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan aux entiers dépens de l'incident,
- condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan à verser à M. [I] [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [V] et la SCI du Prétan ont relevé appel de cette décision le 25 septembre 2023.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 7 novembre 2023, Mme [V] et la SCI du Prétan demandent à la cour, au visa des articles 789 et suivants du code de procédure civile, des articles 65 et 70 du code de procédure civile, des articles 122 et 123 du même code et des articles 544 et 1848 du code civil, de :
- juger recevable et fondé l'appel relevé le 25 septembre 2023 et y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire du 18 septembre 2023 en ce qu'il a :
déclaré irrecevable la demande de Mme [F] [V] en paiement au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 pour cause de prescription,
débouté la SCI du Prétan et Mme [F] [V] de leur demande de provision au titre d'une indemnité d'occupation,
renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 8 novembre 2023 pour conclusions de Mme [V] et de la SCI du Prétan,
condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan aux entiers dépens de l'incident,
condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan à verser à M. [I] [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [Y] de l'ensemble des fins de non-recevoir tirées de l'absence de lien suffisant avec les demandes principales et de la prescription soulevées relatives à la demande en paiement de la somme de 39 131,58 euros formée par Mme [V],
- condamner M. [Y] à payer à la SCI du Prétan la somme de 71 500 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due,
- condamner M. [Y] à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la fin de non-recevoir soulevée tardivement à des fins dilatoires,
- condamner M. [Y] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, outre celle de 3 000 euros à hauteur d'appel,
- condamner M. [Y] aux entiers dépens de l'incident de première instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées des appelantes pour un exposé complet de leurs moyens.
M. [I] [Y], bien qu'ayant constitué avocat, n'a pas déposé de conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2024.
MOTIFS
Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la recevabilité de la demande en paiement de Mme [V] au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997
Sur la recevabilité des fins de non-recevoir soulevées par M. [Y]
L'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, donne compétence exclusive au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Il précise en son dernier alinéa que les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
Si ces dernières dispositions consacrent l'existence d'un principe de concentration des fins de non-recevoir, cette obligation ne pèse que sur le demandeur à l'incident (et le cas échéant les parties s'y étant associées ou ayant soulevé leurs propres fins de non-recevoir), qui doit exposer en un seul incident toutes les fins de non-recevoir dont il pourrait disposer.
En l'espèce, M. [Y] a soulevé l'irrecevabilité de la demande en paiement de Mme [V] au titre d'une reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 en faisant valoir que celle-ci est prescrite, et qu'elle ne présente en outre pas un lien suffisant avec les prétentions initiales.
Mme [V] reproche au juge de la mise en état, qui a déclaré recevables ces fins de non-recevoir, de ne pas avoir tiré argument du fait que M. [Y] se soit abstenu d'évoquer les deux causes d'irrecevabilité lors de la saisine du juge de la mise en état puis de la cour d'appel de Dijon chargés de statuer sur la demande de provision fondée sur la même demande en paiement.
Il sera toutefois objecté que, par hypothèse, une partie n'est en mesure d'invoquer l'irrecevabilité des demandes de son adversaire que lorsque celles-ci ont été formulées.
Tel n'est pas le cas lorsqu'une partie s'est abstenue de réclamer au fond le paiement de la dette alléguée, laquelle constitue le support de sa demande de provision.
En effet, les fins de non-recevoir telles que la prescription ou le défaut de lien suffisant entre la demande incidente et les prétentions originaires sont des moyens qui tendent à voir rejeter la demande en exécution d'une obligation, et non la demande de provision formulée sur le fondement de l'article 789, 3°du code de procédure civile.
Or, il ressort des éléments du dossier que, bien qu'elle ait préalablement saisi le juge de la mise en état d'une demande de provision fondée sur la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997, Mme [V] n'a présenté au fond sa demande en paiement de sa créance au titre de cette reconnaissance de dette que par conclusions notifiées le 14 mars 2022.
M. [Y] n'a donc pu opposer des moyens de défense à cette prétention, notamment par la présentation de fins de non-recevoir, qu'à compter de cette date.
Il ne peut donc valablement se voir opposer la concentration des fins de non-recevoir pour n'avoir pas soulevé la prescription de la demande en paiement de Mme [V] et l'absence de lien suffisant avec les prétentions initiales lors du premier incident ayant donné lieu à l'ordonnance du 22 novembre 2021.
Bien que ladite ordonnance ait été frappée d'appel, il ne saurait pas plus être fait grief à M. [Y] de ne pas avoir soulevé ces fins de non-recevoir devant la présente cour, dès lors qu'une telle demande se serait heurtée à l'interdiction de soumettre de nouvelles prétentions en appel telle que prévue par l'article 564 du code de procédure civile.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du 18 septembre 2023 en ce qu'elle a déclaré recevables les fins de non-recevoir présentées par M. [Y].
Sur la prescription de l'action en paiement de Mme [V]
Mme [V] conclut à l'infirmation de l'ordonnance du 18 septembre 2023 en ce qu'elle a déclaré irrecevable sa demande en paiement, pour cause de prescription, au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 (acte qu'elle ne produit pas dans le cadre de la présente instance).
Elle ne développe toutefois dans ses écritures que des moyens tendant à justifier de l'existence d'un lien suffisant entre sa demande en paiement et ses prétentions initiales, sans s'expliquer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Ainsi que l'a justement relevé le juge de la mise en état, la prescription trentenaire à laquelle était soumise l'action en paiement, en vertu de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de la reconnaissance de dette, a été ramenée à cinq ans en application de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008.
En conséquence, conformément aux dispositions transitoires prévues à l'article 26 II de cette loi, le délai de prescription de Mme [V] expirait en théorie le 19 juin 2013.
Toutefois, l'article 2236 du code civil disposant que la prescription ne court pas ou est suspendue entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité, c'est par un juste calcul que le premier juge, tenant compte du PACS ayant lié les parties entre le 31 mars 2010 et le 11 juin 2018, a retenu que le délai pour agir expirait le 29 août 2021.
Ainsi, dès lors que la demande en paiement a été présentée non dans l'assignation délivrée par Mme [V] le 19 octobre 2020, mais par des conclusions notifiées le 14 mars 2022, il convient de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Mme [V] en paiement de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 pour cause de prescription.
Compte tenu de cette décision, il n'est pas nécessaire d'examiner la demande de Mme [V] et de la SCI du Prétan tendant à voir rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'absence de lien suffisant avec les demandes principales.
Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 123 du code de procédure civile
En vertu de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Mme [V] et la SCI du Prétan sollicitent sur ce fondement une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, au motif que M. [Y] a agi de manière purement dilatoire.
L'intimé n'a en effet saisi le juge de la mise en état qu'un an après la formulation de la demande en paiement de Mme [V].
Il ressort toutefois des observations du juge de la mise en état, qui ne sont pas contredites sur ce point par l'appelante, que M. [Y] a soulevé l'acquisition de la prescription dans des conclusions au fond du 31 août 2022, et que, s'étant vu répondre par Mme [V], dans des conclusions notifiées le 7 décembre 2022, que cette demande présentée devant le juge du fond était irrecevable, il a saisi le juge de la mise en état le 15 mars 2023.
L'examen de cette chronologie ne permet pas de démontrer l'existence d'une intention dilatoire de M. [Y].
Il convient en conséquence pour la cour, réparant l'omission de statuer du juge de la mise en état, qui n'a pas repris dans son dispositif cette prétention sur laquelle il s'est expliqué dans les motifs de son ordonnance, de débouter Mme [V] et la SCI du Prétan de leur demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de provision de Mme [V] au titre de l'indemnité d'occupation
Aux termes de l'article 789 3° du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable.
Mme [V] et la SCI du Prétan sollicitent l'allocation au bénéfice de la SCI d'une somme de 71 500 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due par M. [Y], au visa des articles 544, 815-9 et 1848 du code civil, en faisant valoir que l'intimé use privativement du bien immobilier indivis depuis le 1er juin 2018 alors qu'il détient seulement l'usufruit de 90 parts de la SCI du Prétan.
Dès lors que le bien situé [Adresse 7] à [Localité 4] est la propriété de la seule SCI du Prétan, et ne relève pas d'une indivision, c'est à juste titre que le juge de la mise en état a refusé d'allouer une provision sur le fondement de l'article 815-9 du code civil.
Pour le surplus, il convient de relever que les modalités d'occupation et de jouissance de la maison sont fixées dans un cadre contractuel, à savoir les statuts de la SCI du Prétan datés du 7 février 2000 et mis à jour en dernier lieu le 31 mars 2010.
Dans leurs paragraphes afférents respectivement à la propriété et à la jouissance de la maison, les statuts stipulent que la société sera propriétaire des biens à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, et qu'elle en aura la jouissance à compter du même jour, sans autre précision.
Or, si comme le soulignent les appelantes, les statuts de la SCI ne prévoient pas d'occupation gratuite du bien, il sera relevé qu'ils ne contiennent pas plus de stipulations envisageant l'hypothèse et le cas échéant, les modalités, d'une occupation à titre onéreux.
Il en résulte que la demande de provision de Mme [V] se heurte à l'existence d'une contestation sérieuse dont l'examen relève du tribunal statuant au fond.
L'ordonnance du 18 septembre 2023 sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision présentée par l'appelante.
Sur les frais de procès
L'ordonnance dont appel sera confirmée en ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles exposés en première instance.
Mme [V] et la SCI du Prétan, qui succombent en leur recours, seront par ailleurs tenues in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
Il n'y a en outre pas lieu de faire droit à leur demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état de Chalon-sur-Saône du 18 septembre 2023 en toutes ses dispositions,
Réparant l'omission de statuer,
Déboute Mme [V] et la SCI du Prétan de leur demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 123 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [V] et la SCI du Prétan aux dépens de la procédure d'appel,
Déboute Mme [V] et la SCI du Prétan de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
SCI DU PRETAN
C/
[I] [Y]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024
N° RG 23/01226 - N° Portalis DBVF-V-B7H-GIQR
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 18 septembre 2023,
rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon sur Saône - RG : 20/1521
APPELANTES :
Madame [F] [V]
née le [Date naissance 3] 1956 à [Localité 5] (71)
domiciliée :
[Adresse 2]
[Localité 4]
SCI DU PRETAN, prise en la personne de son gérant en exercice domicilié au siège :
[Adresse 7]
[Localité 4]
représentées par Me Pierre DELARRAS, membre de la SELAS ADIDA & ASSOCIES, avocat au barreau de MACON
assistées de Me Alice GIRARDOT, avocat au barreau de CHALON SUR SAONE
INTIMÉ :
Monsieur [I] [Y]
né le [Date naissance 1] 1953 à [Localité 6] (21)
domicilié :
[Adresse 7]
[Localité 4]
représenté par Me Caroline ANDRIEU-ORDNER, avocat au barreau de CHALON-SUR-SAONE
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 11 janvier 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Maud DETANG,
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 21 Mars 2024 pour être prorogée au 23 Mai 2024, 27 Juin 2024, 19 Septembre 2024, 03 Octobre 2024 puis au 10 Octobre 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Marie-Pascale BLANCHARD, Président de Chambre, et par Maud DETANG, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [I] [Y] et Mme [F] [V] ont vécu en concubinage à compter de 1995 et ont conclu le 31 mars 2010 un PACS enregistré devant le tribunal d'instance de Chalon-sur-Saône.
Suivant acte reçu par Maître [D] [H] [S], notaire à [Localité 8] (71), le 7 février 2000, ils ont constitué la société immobilière du Prétan.
En conséquence des apports et de diverses donations intervenues entre les concubins, et en dernier lieu le 31 mars 2010, les statuts de la SCI du Prétan ont été modifiés, de sorte que la répartition du capital social est désormais la suivante :
M. [Y] :
- l'usufruit de 153 parts sociales n°191 à 343,
- l'usufruit de 37 parts sociales n°154 à 190.
Madame [V] :
- la pleine propriété de 153 parts sociales n°1 à 153
- la nue-propriété de 37 parts sociales n°154 à 190,
- la nue-propriété de 153 parts sociales n°191 à 343,
- la pleine propriété de 95 parts sociales n°344 à 438.
A la demande de Mme [V], le PACS a été dissout le 11 juin 2018.
Suivant lettre recommandée avec accusé de réception du 18 février 2019, Mme [V] a convoqué M. [Y] à une assemblée générale extraordinaire des associés de la SCI du Prétan, qui s'est tenue le 7 mars 2019.
L'ordre du jour fixé par Madame [V] était le suivant :
1. Mise en vente de l'immeuble sis [Adresse 7] ' [Localité 4],
2. Conditions de la vente,
3. Décision de libération des lieux,
4. Pour le cas où M. [I] [Y] occupe toujours les lieux, sans droit ni titre, le 7 avril 2019, un Huissier de Justice pourra demander son expulsion,
5. Diagnostics obligatoires de l'immeuble pour la vente.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 7 mars 2019, Mme [V], en dépit du refus de M. [Y] d'adopter les 5 résolutions, a considéré que l'ensemble des résolutions étaient adoptées au motif qu'elle détenait la majorité des 2/3 des parts sociales.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 18 mars 2019, le conseil de M. [Y] a indiqué à Mme [V] que, compte-tenu des dispositions de l'article 27 b des statuts de la SCI du Prétan, le procès-verbal d'assemblée générale extraordinaire du 7 mai 2019 devait être considéré comme nul et non avenu.
Suivant lettres recommandées avec accusé de réception des 17 octobre 2019 et 20 décembre 2019, Mme [V] a notifié à M. [Y] son droit de retrait de la SCI du Prétan puis l'a convoqué à une assemblée générale extraordinaire qui s'est tenue le 20 janvier 2020 avec pour ordre du jour la dissolution de la SCI.
Lors de cette assemblée générale extraordinaire, M. [Y] s'est opposé à la dissolution de la SCI du Prétan.
C'est dans ces conditions que, par acte du 19 octobre 2020, Mme [V] et la SCI du Prétan ont fait citer M. [Y] devant le tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône aux fins de voir notamment prononcer la dissolution judiciaire anticipée de la SCI du Prétan sur le fondement de l'article 1844-7 5°du code civil, et condamner M. [I] [Y] à régler à la SCI du Prétan la somme de 30 800 euros correspondant aux indemnités d'occupation dues pour la période du 1er juin 2018 au 31 septembre 2020, ainsi qu'une indemnité d'occupation de 1 100 euros par mois à compter de la délivrance de l'assignation et jusqu'à l'accomplissement des formalités de liquidation.
Par acte du 25 mars 2021, M. [Y] a saisi le tribunal judiciaire aux fins de solliciter l'annulation de la donation de parts sociales de la SCI du Prétan reçue par Maître [P] [N] le 31 mars 2010, considérant que cette donation était viciée en raison des manoeuvres frauduleuses commises par Mme [V].
Il a également, par conclusions récapitulatives, sollicité le prononcé de la nullité de la SCI du Prétan sur le fondement de l'article 1844-14 du code civil.
Ces deux affaires ont été jointes par ordonnance du juge de la mise en état du 15 avril 2021.
Par ordonnance du 22 novembre 2021, confirmée par la présente cour le 30 juin 2022, le juge de la mise en état a déclaré irrecevables la demande aux fins de nullité de la SCI du Prétan et la demande aux fins de nullité de la donation du 31 mars 2010 formulées par M. [I] [Y], et déclaré irrecevable la demande de provision formée par Mme [F] [V] au titre d'une reconnaissance de dette du 20 novembre 1997, cette prétention n'ayant pas été formulée dans le cadre de l'instance au fond.
Par conclusions du 15 mars 2023, M. [Y] a saisi le juge de la mise en état d'un nouvel incident.
Aux termes de ses dernières conclusions sur incident notifiées le 19 septembre 2023, il demandait au juge de la mise en état de :
- constater que la demande de Mme [V] tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 39 131,58 est prescrite,
- juger irrecevable la demande de Mme [V] tendant à le voir condamner à lui verser la somme de 39 131,58 euros,
- débouter Mme [V] de l'ensemble de ses demandes,
- condamner Mme [V] aux dépens de l'instance.
En ses dernières conclusions sur incident notifiées le 1er septembre 2023, Mme [V] sollicitait du juge de la mise en état qu'il :
- déboute M. [Y] de l'ensemble des fins de non-recevoir tirées de l'absence de lien suffisant avec les demandes principales et de la prescription soulevées relatives à la demande en paiement de la somme de 39 131,58 euros qu'elle a formée,
- condamne M. [Y] à payer à la SCI du Prétan la somme de 68 200 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due,
En conséquence,
- condamne M. [Y] à lui payer la somme de 56 469,60 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due,
- condamne M. [Y] à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la fin de non-recevoir soulevée tardivement à des fins dilatoires,
- condamne M. [Y] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamne M. [Y] aux entiers dépens de l'incident.
Par une ordonnance du 18 septembre 2023, le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Chalon-sur-Saône a :
- déclaré recevables les fins de non-recevoir soulevées par M. [I] [Y],
- déclaré irrecevable la demande de Mme [F] [V] en paiement au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 pour cause de prescription,
- débouté la SCI du Prétan et Mme [F] [V] de leur demande de provision au titre d'une indemnité d'occupation,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 8 novembre 2023 pour les conclusions de Mme [F] [V] et de la SCI du Prétan,
- condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan aux entiers dépens de l'incident,
- condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan à verser à M. [I] [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [V] et la SCI du Prétan ont relevé appel de cette décision le 25 septembre 2023.
Aux termes de leurs conclusions notifiées le 7 novembre 2023, Mme [V] et la SCI du Prétan demandent à la cour, au visa des articles 789 et suivants du code de procédure civile, des articles 65 et 70 du code de procédure civile, des articles 122 et 123 du même code et des articles 544 et 1848 du code civil, de :
- juger recevable et fondé l'appel relevé le 25 septembre 2023 et y faisant droit,
- infirmer l'ordonnance rendue par le juge de la mise en état près le tribunal judiciaire du 18 septembre 2023 en ce qu'il a :
déclaré irrecevable la demande de Mme [F] [V] en paiement au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 pour cause de prescription,
débouté la SCI du Prétan et Mme [F] [V] de leur demande de provision au titre d'une indemnité d'occupation,
renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 8 novembre 2023 pour conclusions de Mme [V] et de la SCI du Prétan,
condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan aux entiers dépens de l'incident,
condamné in solidum Mme [F] [V] et la SCI du Prétan à verser à M. [I] [Y] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
- débouter M. [Y] de l'ensemble des fins de non-recevoir tirées de l'absence de lien suffisant avec les demandes principales et de la prescription soulevées relatives à la demande en paiement de la somme de 39 131,58 euros formée par Mme [V],
- condamner M. [Y] à payer à la SCI du Prétan la somme de 71 500 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due,
- condamner M. [Y] à leur payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre de la fin de non-recevoir soulevée tardivement à des fins dilatoires,
- condamner M. [Y] à leur payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance, outre celle de 3 000 euros à hauteur d'appel,
- condamner M. [Y] aux entiers dépens de l'incident de première instance et d'appel.
Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures susvisées des appelantes pour un exposé complet de leurs moyens.
M. [I] [Y], bien qu'ayant constitué avocat, n'a pas déposé de conclusions.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 3 janvier 2024.
MOTIFS
Il résulte de l'article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement, est réputée s'en approprier les motifs.
Sur la recevabilité de la demande en paiement de Mme [V] au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997
Sur la recevabilité des fins de non-recevoir soulevées par M. [Y]
L'article 789 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, donne compétence exclusive au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir.
Il précise en son dernier alinéa que les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état.
Si ces dernières dispositions consacrent l'existence d'un principe de concentration des fins de non-recevoir, cette obligation ne pèse que sur le demandeur à l'incident (et le cas échéant les parties s'y étant associées ou ayant soulevé leurs propres fins de non-recevoir), qui doit exposer en un seul incident toutes les fins de non-recevoir dont il pourrait disposer.
En l'espèce, M. [Y] a soulevé l'irrecevabilité de la demande en paiement de Mme [V] au titre d'une reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 en faisant valoir que celle-ci est prescrite, et qu'elle ne présente en outre pas un lien suffisant avec les prétentions initiales.
Mme [V] reproche au juge de la mise en état, qui a déclaré recevables ces fins de non-recevoir, de ne pas avoir tiré argument du fait que M. [Y] se soit abstenu d'évoquer les deux causes d'irrecevabilité lors de la saisine du juge de la mise en état puis de la cour d'appel de Dijon chargés de statuer sur la demande de provision fondée sur la même demande en paiement.
Il sera toutefois objecté que, par hypothèse, une partie n'est en mesure d'invoquer l'irrecevabilité des demandes de son adversaire que lorsque celles-ci ont été formulées.
Tel n'est pas le cas lorsqu'une partie s'est abstenue de réclamer au fond le paiement de la dette alléguée, laquelle constitue le support de sa demande de provision.
En effet, les fins de non-recevoir telles que la prescription ou le défaut de lien suffisant entre la demande incidente et les prétentions originaires sont des moyens qui tendent à voir rejeter la demande en exécution d'une obligation, et non la demande de provision formulée sur le fondement de l'article 789, 3°du code de procédure civile.
Or, il ressort des éléments du dossier que, bien qu'elle ait préalablement saisi le juge de la mise en état d'une demande de provision fondée sur la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997, Mme [V] n'a présenté au fond sa demande en paiement de sa créance au titre de cette reconnaissance de dette que par conclusions notifiées le 14 mars 2022.
M. [Y] n'a donc pu opposer des moyens de défense à cette prétention, notamment par la présentation de fins de non-recevoir, qu'à compter de cette date.
Il ne peut donc valablement se voir opposer la concentration des fins de non-recevoir pour n'avoir pas soulevé la prescription de la demande en paiement de Mme [V] et l'absence de lien suffisant avec les prétentions initiales lors du premier incident ayant donné lieu à l'ordonnance du 22 novembre 2021.
Bien que ladite ordonnance ait été frappée d'appel, il ne saurait pas plus être fait grief à M. [Y] de ne pas avoir soulevé ces fins de non-recevoir devant la présente cour, dès lors qu'une telle demande se serait heurtée à l'interdiction de soumettre de nouvelles prétentions en appel telle que prévue par l'article 564 du code de procédure civile.
Il convient en conséquence de confirmer l'ordonnance du 18 septembre 2023 en ce qu'elle a déclaré recevables les fins de non-recevoir présentées par M. [Y].
Sur la prescription de l'action en paiement de Mme [V]
Mme [V] conclut à l'infirmation de l'ordonnance du 18 septembre 2023 en ce qu'elle a déclaré irrecevable sa demande en paiement, pour cause de prescription, au titre de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 (acte qu'elle ne produit pas dans le cadre de la présente instance).
Elle ne développe toutefois dans ses écritures que des moyens tendant à justifier de l'existence d'un lien suffisant entre sa demande en paiement et ses prétentions initiales, sans s'expliquer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription.
Ainsi que l'a justement relevé le juge de la mise en état, la prescription trentenaire à laquelle était soumise l'action en paiement, en vertu de l'article 2262 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de la reconnaissance de dette, a été ramenée à cinq ans en application de l'article 2224 du code civil issu de la loi du 17 juin 2008 entrée en vigueur le 19 juin 2008.
En conséquence, conformément aux dispositions transitoires prévues à l'article 26 II de cette loi, le délai de prescription de Mme [V] expirait en théorie le 19 juin 2013.
Toutefois, l'article 2236 du code civil disposant que la prescription ne court pas ou est suspendue entre partenaires liés par un pacte civil de solidarité, c'est par un juste calcul que le premier juge, tenant compte du PACS ayant lié les parties entre le 31 mars 2010 et le 11 juin 2018, a retenu que le délai pour agir expirait le 29 août 2021.
Ainsi, dès lors que la demande en paiement a été présentée non dans l'assignation délivrée par Mme [V] le 19 octobre 2020, mais par des conclusions notifiées le 14 mars 2022, il convient de confirmer l'ordonnance querellée en ce qu'elle a déclaré irrecevable la demande de Mme [V] en paiement de la reconnaissance de dette du 20 novembre 1997 pour cause de prescription.
Compte tenu de cette décision, il n'est pas nécessaire d'examiner la demande de Mme [V] et de la SCI du Prétan tendant à voir rejeter la fin de non-recevoir tirée de l'absence de lien suffisant avec les demandes principales.
Sur la demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 123 du code de procédure civile
En vertu de l'article 123 du code de procédure civile, les fins de non-recevoir peuvent être proposées en tout état de cause, à moins qu'il en soit disposé autrement et sauf la possibilité pour le juge de condamner à des dommages-intérêts ceux qui se seraient abstenus, dans une intention dilatoire, de les soulever plus tôt.
Mme [V] et la SCI du Prétan sollicitent sur ce fondement une somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts, au motif que M. [Y] a agi de manière purement dilatoire.
L'intimé n'a en effet saisi le juge de la mise en état qu'un an après la formulation de la demande en paiement de Mme [V].
Il ressort toutefois des observations du juge de la mise en état, qui ne sont pas contredites sur ce point par l'appelante, que M. [Y] a soulevé l'acquisition de la prescription dans des conclusions au fond du 31 août 2022, et que, s'étant vu répondre par Mme [V], dans des conclusions notifiées le 7 décembre 2022, que cette demande présentée devant le juge du fond était irrecevable, il a saisi le juge de la mise en état le 15 mars 2023.
L'examen de cette chronologie ne permet pas de démontrer l'existence d'une intention dilatoire de M. [Y].
Il convient en conséquence pour la cour, réparant l'omission de statuer du juge de la mise en état, qui n'a pas repris dans son dispositif cette prétention sur laquelle il s'est expliqué dans les motifs de son ordonnance, de débouter Mme [V] et la SCI du Prétan de leur demande de dommages et intérêts.
Sur la demande de provision de Mme [V] au titre de l'indemnité d'occupation
Aux termes de l'article 789 3° du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut accorder une provision au créancier lorsque l'existence d'une obligation n'est pas sérieusement contestable.
Mme [V] et la SCI du Prétan sollicitent l'allocation au bénéfice de la SCI d'une somme de 71 500 euros à titre de provision sur l'indemnité d'occupation due par M. [Y], au visa des articles 544, 815-9 et 1848 du code civil, en faisant valoir que l'intimé use privativement du bien immobilier indivis depuis le 1er juin 2018 alors qu'il détient seulement l'usufruit de 90 parts de la SCI du Prétan.
Dès lors que le bien situé [Adresse 7] à [Localité 4] est la propriété de la seule SCI du Prétan, et ne relève pas d'une indivision, c'est à juste titre que le juge de la mise en état a refusé d'allouer une provision sur le fondement de l'article 815-9 du code civil.
Pour le surplus, il convient de relever que les modalités d'occupation et de jouissance de la maison sont fixées dans un cadre contractuel, à savoir les statuts de la SCI du Prétan datés du 7 février 2000 et mis à jour en dernier lieu le 31 mars 2010.
Dans leurs paragraphes afférents respectivement à la propriété et à la jouissance de la maison, les statuts stipulent que la société sera propriétaire des biens à compter de son immatriculation au registre du commerce et des sociétés, et qu'elle en aura la jouissance à compter du même jour, sans autre précision.
Or, si comme le soulignent les appelantes, les statuts de la SCI ne prévoient pas d'occupation gratuite du bien, il sera relevé qu'ils ne contiennent pas plus de stipulations envisageant l'hypothèse et le cas échéant, les modalités, d'une occupation à titre onéreux.
Il en résulte que la demande de provision de Mme [V] se heurte à l'existence d'une contestation sérieuse dont l'examen relève du tribunal statuant au fond.
L'ordonnance du 18 septembre 2023 sera en conséquence confirmée en ce qu'elle a rejeté la demande de provision présentée par l'appelante.
Sur les frais de procès
L'ordonnance dont appel sera confirmée en ses dispositions afférentes aux dépens et aux frais irrépétibles exposés en première instance.
Mme [V] et la SCI du Prétan, qui succombent en leur recours, seront par ailleurs tenues in solidum aux dépens de la procédure d'appel.
Il n'y a en outre pas lieu de faire droit à leur demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme l'ordonnance du juge de la mise en état de Chalon-sur-Saône du 18 septembre 2023 en toutes ses dispositions,
Réparant l'omission de statuer,
Déboute Mme [V] et la SCI du Prétan de leur demande de dommages et intérêts fondée sur l'article 123 du code de procédure civile,
Y ajoutant,
Condamne in solidum Mme [V] et la SCI du Prétan aux dépens de la procédure d'appel,
Déboute Mme [V] et la SCI du Prétan de leur demande au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,