Livv
Décisions

CA Grenoble, ch.secu-fiva-cdas, 10 octobre 2024, n° 23/00519

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/00519

10 octobre 2024

C6

N° RG 23/00519

N° Portalis DBVM-V-B7H-LV3R

N° Minute :

Notifié le :

Copie exécutoire délivrée le :

La SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE SOCIALE - PROTECTION SOCIALE

ARRÊT DU JEUDI 10 OCTOBRE 2024

Appel d'une décision (N° RG 19/00295)

rendue par le pôle social du tribunal judiciaire de Gap

en date du 16 février 2022

suivant déclaration d'appel du 16 mars 2022 (N° RG 22/01079)

Affaire radiée le 26 octobre 2022 et réinscrite le 31 janvier 2023

APPELANTE :

Société [3]

[Adresse 4]

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Thibault DOUBLET de la SELARL THIBAULT DOUBLET, avocat au barreau de QUIMPER substitué par Me Anne-Gaëlle LE BAIL, avocat au barreau de QUIMPER

INTIMEE :

L'URSSAF PACA, prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 7]

[Localité 2]

représentée par Me Marie GIRARD-MADOUX de la SCP GIRARD-MADOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY substituée par Me Antoine GIRARD-MADOUX, avocat au barreau de CHAMBERY

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DES DEBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président,

M. Pascal VERGUCHT, Conseiller,

Mme Elsa WEIL, Conseiller,

Assistés lors des débats de Mme Chrystel ROHRER, Greffier,

DÉBATS :

A l'audience publique du 04 juin 2024,

Mme Elsa WEIL, Conseiller chargée du rapport, M. Jean-Pierre DELAVENAY, Président et M. Pascal VERGUCHT, Conseiller ont entendu les représentants des parties en leurs dépôts de conclusions et observations,

Et l'affaire a été mise en délibéré à la date de ce jour à laquelle l'arrêt a été rendu.

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

Au terme d'un contrôle portant sur l'application de la législation sur les cotisations et contributions sociales pour la période du 1er janvier 2014 au 31 décembre 2016, l'URSSAF a adressé à la SAS [3] une lettre d'observation en date du 11 décembre 2017 portant sur les 7 chefs de redressements suivants :

- chef de redressement n° 1 : participation intéressement

- chef de redressement n° 2 : forfait social et CSG/CRDS

- chef de redressement n° 3 : CSG/CRDS indemnités transactionnelles

- chef de redressement n° 4 : réduction générale des cotisations

- chef de redressement n° 5 : frais professionnel-indemnités forfaitaires de panier

- chef de redressement n° 6 : avantages en nature-produits de l'entreprise

- chef de redressement n° 7 : avantages en nature.

L'URSSAF a adressé une mise en demeure le 31 janvier 2018 à la SAS [3] pour un montant total de 222 557 € de cotisations, outre 3 028 € de majorations de retard, soit 252 785 €.

La SAS [3] a saisi par courrier du 29 mars 2018 la commission de recours amiable d'une contestation de la mise en demeure.

Le 3 avril 2018 l'URSSAF a émis une contrainte, signifiée le 11 avril 2018, pour la somme de 252 781 €, la différence de 4 € s'expliquant par l'affectation d'une somme de 4 € au compte de la société à titre de versement.

Par requête déposée le 24 avril 2018 au greffe du TASS de Gap, la SAS [3] a formé opposition à cette contrainte.

La commission de recours amiable a rejeté par décision du 26 septembre 2018 les contestations de la SAS [3] qui a nouveau a saisi le TASS de Gap d'un recours contre cette décision le 28 février 2019.

Par jugement en date du 16 février 2022, le pôle social du tribunal judiciaire de Gap a prononcé la jonction des deux recours, débouté la SAS [3] de l'ensemble de ses demandes, l'a condamnée à payer à l'URSSAF la somme de 251 784 € au titre de la contrainte et 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le 16 mars 2022, la SAS [3] a interjeté appel de cette décision.

Par ordonnance en date du 26 octobre 2022, le dossier a été radié du rôle en l'absence de diligence des parties.

Les débats ont eu lieu, après réinscription au rôle en date du 31 janvier 2023, à l'audience du 4 juin 2024 et les parties avisées de la mise à disposition au greffe de la présente décision le 10 octobre 2024.

EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

La SAS [3], selon ses conclusions d'appel responsives et récapitulatives n° 2 déposées le 16 mai 2024, et reprises à l'audience demande à la cour de :

A titre principal,

- infirmer le jugement rendu le 16 février 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Gap,

- annuler l'avis de contrôle du 22 mai 2017 et le contrôle lui-même,

- débouter l'URSSAF PACA de l'intégralité de ses demandes,

- condamner l'URSSAF PACA à lui verser la somme de 3000 € au titre des frais irrépétibles,

A titre subsidiaire,

- annuler le chef de redressement n° 5 ainsi que la mise en demeure et la contrainte correspondante,

- annuler le chef de redressement n°4 ainsi que la mise en demeure et la contrainte correspondante.

La SAS [3] soutient que l'URSSAF n'a pas respecté le principe du contradictoire posé par l'article 243-59 du code de la sécurité sociale. A ce titre, elle estime que :

- l'avis de contrôle est nul car l'accès à la charte du cotisant était particulièrement difficile au moment où celui-ci a été effectué, ce qui ne permettait pas d'en avoir connaissance,

- le contrôle en lui-même est nul car les documents de la société ont été transmis à l'URSSAF par une personne qui n'avait aucune délégation de la part du représentant légal de la société pour le faire ; la liste des éléments consultés est partielle, l'ensemble des contrats de travail ainsi que l'accord transactionnel de Mme [E] et les tableaux d'extraction des données ne figurant pas dans la liste des éléments consultés alors qu'il en est fait état par l'inspecteur du recouvrement,

- le contrôle est nul car les calculs de l'URSSAF ne sont pas exacts et qu'elle n'a pas été mise en mesure de les comprendre. A ce titre, elle souligne que sa contestation devant la commission de recours amiable portait sur la totalité du contrôle, ce qui lui laisse le loisir de ne développer que certains moyens de contestation, sans pour autant renoncer aux autres.

- sur le chef de redressement n°5 : frais professionnels : indemnités forfaitaires de panier d'un montant de 14 739 €, la SAS [3] explique que l'URSSAF n'a pas rebrutalisé ces sommes avant de les réintégrer à l'assiette, ce qui n'est pas conforme aux textes et à la jurisprudence de la Cour de cassation et que l'inspecteur ne lui a pas expliqué cette base juridique pendant le contrôle, ce qui l'a empêchée de connaître véritablement la cause de son obligation. A ces yeux, le simple fait que le calcul ne respecte pas les textes rend celui-ci nul pour une raison de pure forme, quand bien même le calcul retenu par l'URSSAF en net serait plus avantageux pour elle qu'en brut. Elle souligne que l'URSSAF n'expliquant pas pourquoi elle n'appliquait pas la rebrutalisation, elle a empêché un débat contradictoire à ce sujet, contrairement à ce que lui impose l'article R. 243-59, quand bien même elle aurait apporté des éléments postérieurement et surtout si ces derniers ont été donnés après la phase contradictoire.

- sur le chef de redressement n°4 : réduction générale des cotisations : paramètre SMIC-horaire légal d'un montant de 129 646 €, la SAS [3] explique qu'elle ne comprend pas le classement opéré par l'URSSAF et notamment « les rémunérations atypiques », nomenclature qui n'existe pas dans le code de la sécurité sociale et que l'URSSAF n'a pas explicité. De plus, elle souligne que l'URSSAF n'a pas appliqué la bonne formule de calcul puisqu'elle n'a pas appliqué le « ratio en montant » prévu par le 4ème alinéa de II de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale, alors même que la Cour de cassation retient que toutes les mesures permettant au cotisant de diminuer ses charges sociales sont d'application stricte.

Par ailleurs, elle relève que :

- certains salariés ont été exclus des calculs alors même que l'URSSAF affirme avoir effectué ses calculs annuellement par salarié et par contrat. De plus, elle considère que l'URSSAF se trompe quand elle affirme que certains salariés ne seraient pas éligibles à la réduction générale des cotisations et qu'en tout état de cause l'appréciation doit être globale pour pouvoir faire la balance entre les salariés permettant de faire un redressement créditeur et ceux à l'origine d'un redressement débiteur,

- l'URSSAF a opéré un double redressement sur le même salarié, M. [L], sans aucune explication alors même qu'il n'a travaillé qu'une seule fois de janvier à mars 2015,

- il existe des discordances sur les bases redressées, l'examen des tableaux produits en annexes de la lettre d'observation montrant des erreurs de calcul, ou des oublis de données, sans explication de l'URSSAF, ce qui n'a pas permis un débat contradictoire avant la mise en demeure.

- la prise en compte des heures supplémentaires et complémentaires n'est pas compréhensible, cette donnée apparaissant absente de certains tableaux fournis par le contrôleur, ce qui ne lui a pas permis de comprendre le calcul et un débat contradictoire avant la mise en demeure,

- l'URSSAF a cumulé, pour le calcul des réductions dites Fillon, des contrats distincts pour le même salarié alors qu'un calcul contrat de travail par contrat de travail aurait dû être réalisé.

L'URSSAF PACA, par ses conclusions d'intimée déposées le 22 avril 2024 et reprises à l'audience demande à la cour de :

- confirmer le jugement en date du 16 février 2022 rendu par le pôle social du tribunal judiciaire de Gap,

Statuant à nouveau,

- condamner la SAS [3] à lui verser au titre de la contrainte du 3 avril 2018 la somme actualisée de 73 169, 52 € au titre des cotisations, outre 28 371 € de majorations de retard,

- condamner la SAS [3] à lui verser la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'URSSAF PACA expose, à titre liminaire, qu'une irrégularité dans la composition de la commission de recours amiable saisi de la contestation de la mise en demeure, invaliderait la décision de celle-ci mais pas le redressement URSSAF, le tribunal restant valablement saisi en tout état de cause de l'opposition à contrainte.

Sur la demande d'annulation de l'avis de contrôle pour difficulté d'accès à la charte du cotisant, l'URSSAF PACA rappelle que l'article R. 243-59 I alinéa 5 du code de la sécurité sociale lui impose uniquement de faire état de l'adresse électronique permettant d'accéder au lien vers la charte pour pouvoir consulter celle-ci.

Sur la demande d'annulation du contrôle en lui-même, pour non-respect du contradictoire, l'URSSAF rappelle que la SAS [3] n'a transmis aucune observation pendant la période contradictoire et qu'à l'inverse sa saisine de la commission de recours amiable et du tribunal montre qu'elle a parfaitement compris les redressements qui lui ont été notifiés.

Sur le fond, elle relève que :

- Sur le chef de redressement n°4 : réduction générale des cotisations : paramètre SMIC-horaire légal d'un montant de 129 646 €, le mode de calcul est différent avant et après le 1er janvier 2015. Ainsi, du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, le montant de la réduction est égal au produit de la rémunération annuelle par un coefficient déterminé en fonction du rapport entre le SMIC calculé pour un an et la rémunération annuelle du salarié en tenant compte de la présence d'au moins ou de moins de 20 salariés dans l'entreprise. Inversement, à compter du 1er janvier 2015, le montant de la réduction est obtenu par application d'un coefficient à la rémunération annuelle brute, ce coefficient étant obtenu par la formule suivante : (T/0,6)x(1, 6x(smic annualisé x nombre d'heures supplémentaires et complémentaires)/rémunération annuelle brute)1), la valeur T correspondant à la somme des taux de cotisations et contributions exonérées. Elle souligne que l'inspecteur du recouvrement a respecté les deux modes de calcul, selon l'année contrôlée et que la société ne produit pas d'éléments précis permettant de remettre en cause les calculs qui ont été explicités dans la lettre d'observation.

De même elle explique :

- qu'elle a exclu les salariés non éligibles à la réduction ou présentant des écarts non significatifs, et tenu compte de l'erreur concernant M. [L] qui avait été comptabilisé deux fois, en minorant le redressement de 851 €.

- que les tableaux figurant en annexes permettent de disposer d'un calcul individualisé pour chacun des salariés et de comprendre les régularisations opérées, quand bien même il existerait une erreur de calcul dans la colonne « différence constatée ». A ce titre, elle souligne avoir tenu compte des erreurs favorables au cotisant, en minorant notamment le redressement sur l'année 2015 de 150 €,

- que les annexes permettent de comprendre comment les heures supplémentaires et complémentaires ont été prises en compte, à travers la formule de calcul applicable salarié par salarié et que la société ne verse aucun élément précis permettant de remettre en cause les calculs opérés par l'inspecteur du recouvrement,

- qu'elle a bien réalisé un calcul de la réduction contrat de travail par contrat de travail et que des discordances ou des erreurs mineurs, dont elle a tenu compte pour minorer le redressement, ne permettent pas de remettre en cause la totalité de celui-ci.

- sur le chef de redressement n°5 : frais professionnels : indemnités forfaitaires de panier d'un montant de 14 739 €, l'URSSAF explique que la société SAS [3] avait versé des indemnités de panier à 14 personnels qui ne pouvaient pas en bénéficier. Elle souligne que le cotisant ne conteste pas le bien fondé du redressement sur ce point mais le fait qu'il a été opéré en net alors qu'il aurait dû, selon lui, être opéré en brut, et que dans cette hypothèse, le calcul lui aurait été nettement défavorable.

Pour le surplus de l'exposé des moyens des parties au soutien de leurs prétentions il est renvoyé à leurs conclusions visées ci-dessus par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

MOTIVATION

A titre liminaire, il convient de rappeler que la cour est tenue de répondre aux moyens invoqués par les parties dont elle est valablement saisie soit, l'énonciation par une partie d'un fait, d'un acte, dont la preuve est offerte ou d'une règle de droit et dont un raisonnement juridique utile à la solution du litige est tiré au soutien d'une prétention ou d'une défense, et pas aux simples considérations factuelles dont il n'est tiré aucune conséquence juridique.

Sur la régularité du contrôle et le respect du débat contradictoire lors de celui-ci :

Sur l'accessibilité à la charte du cotisant :

1. L'article R. 243-59 I aliéna 5 dispose que l'avis de contrôle adressé au cotisant « fait état de l'existence d'un document intitulé " Charte du cotisant contrôlé " présentant à la personne contrôlée la procédure de contrôle et les droits dont elle dispose pendant son déroulement et à son issue, sur le fondement du présent code. Il précise l'adresse électronique où ce document approuvé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, est consultable et indique qu'il est adressé au cotisant sur sa demande. Les dispositions contenues dans la charte sont opposables aux organismes effectuant le contrôle ».

2. En l'espèce, la société [5] reproche à l'URSSAF d'avoir eu des difficultés pour accéder à cette charte. Toutefois, l'avis de contrôle du 22 mai 2017 mentionne en page 2, dernier paragraphe « vous avez la faculté de vous faire assister au cours de ce contrôle par le conseil de votre choix. Je vous informe qu'un document intitulé "Charte du cotisant contrôlé" dont le modèle est fixé par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale est consultable sur le site http://www.urssaf.fr. A votre demande cette charte peut vous être adressée. Ce document vous présente la procédure de contrôle et les droits dont vous disposez pendant son déroulement, tels qu'ils sont définis par le code de la sécurité sociale » (pièce 10 de l'appelante).

La société [5] a donc été informée de l'existence de la charte conformément aux textes applicables. Par ailleurs, elle n'a jamais fait état pendant la durée du contrôle et de la période contradictoire de l'existence de difficultés pour avoir accès à la charte dont elle n'a d'ailleurs pas demandé la communication papier.

3. Le moyen soulevé apparaît donc inopérant et sera donc écarté.

Sur la transmission des documents de la société utiles au contrôle à l'URSSAF :

4. L'article R. 243-59 II précise également que la personne contrôlée est tenue de mettre à disposition des agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés par ces agents comme nécessaires à l'exercice du contrôle.

Sauf autorisation de la personne contrôlée, seules des copies des documents remis peuvent être exploitées hors de ses locaux. L'agent chargé du contrôle peut demander que les documents à consulter lui soient présentés selon un classement nécessaire au contrôle dont il aura au préalable informé la personne contrôlée. Sans préjudice de demandes complémentaires ou du recours à la méthode d'évaluation du redressement par échantillonnage et extrapolation prévue à l'article R. 243-59-2, et afin de limiter le nombre des documents et données collectées, il peut également choisir de ne demander que des données et documents partiels.

Ces agents peuvent interroger les personnes rémunérées, notamment pour connaître leurs nom et adresse ainsi que la nature des activités exercées et le montant des rémunérations y afférentes, y compris les avantages en nature.

Puis dans son III le même article indique qu'à l'issue du contrôle ou lorsqu'un constat d'infraction de travail dissimulé a été transmis en application des dispositions de l'article L. 8271-6-4 du code du travail afin qu'il soit procédé à un redressement des cotisations et contributions dues, les agents chargés du contrôle mentionnés à l'article L. 243-7 communiquent au représentant légal de la personne morale contrôlée ou au travailleur indépendant une lettre d'observations datée et signée par eux mentionnant l'objet du contrôle réalisé par eux ou par d'autres agents mentionnés à l'article L. 8271-1-2 du code du travail, le ou les documents consultés, la période vérifiée, le cas échéant, la date de la fin du contrôle et les observations faites au cours de celui-ci.

5. En l'espèce, la société [5] reproche à l'URSSAF d'avoir demandé à une de ses salariées, Mme [P] [V] une série de documents afin de réaliser son contrôle (pièce 13 de l'appelante). Elle n'apporte, cependant, aucune information sur les fonctions et les pouvoirs confiés par la société à cette salariée, alors même que l'article susvisé précise clairement qu'il appartient au cotisant contrôlé de mettre à disposition des agents tout document et de permettre l'accès à tout support d'information qui leur sont demandés dans l'exercice du contrôle.

6. Par ailleurs, contrairement à ce qu'affirme la société, qui n'a formulé aucune contestation ni observation pendant la période contradictoire, l'inspecteur du recouvrement a bien listé en page 2 et 3 de la lettre d'observation l'ensemble des documents qu'il a été amené à consulter dans le cadre de son contrôle. Les deux moyens soulevés seront donc écartés.

Sur la compréhension du redressement par le cotisant :

7. La société [5] estime enfin que l'URSSAF a commis des erreurs de calcul, ne lui permettant pas de comprendre le redressement opéré et à l'origine d'un manquement au débat contradictoire.

8. Toutefois, comme l'ont justement relevé les premiers juges, la société appelante n'a jamais émis la moindre contestation pendant la période contradictoire, puis une fois la mise en demeure délivrée, elle a précisément critiqué le redressement tant devant la commission de recours amiable que devant le pôle social du tribunal judiciaire de Gap, montrant qu'elle avait parfaitement compris celui-ci. De plus, il convient de souligner que si la société [5] a contesté devant la commission de recours amiable l'ensemble du contrôle, seuls les chefs de redressement 4 et 5 ont fait véritablement l'objet d'une critique précise. Elle n'a donc pas contesté en phase pré-contentieuse les 5 autres chefs de redressement qui représentent une somme de 78 172 €.

9. La société [5] a donc parfaitement compris le redressement opéré et a pu dans le cadre d'un débat contradictoire renouvelé à trois reprises, largement faire état de ses observations à travers plus de 40 pages de conclusions tant en première instance qu'en appel. Le moyen sera donc également écarté.

10. Sur le fond, la cour rappelle qu'il appartient à l'opposant à la contrainte de rapporter la preuve du caractère erroné de la créance dont le recouvrement est poursuivi par l'organisme social ou de ce qu'il s'est déjà acquitté des sommes réclamées par voie de contrainte.

Sur le chef de redressement n°4 : réduction générale des cotisations :

11. La loi n° 200347 du 17 janvier 2003 relative aux salaires, au temps de travail et au développement de l'emploi a mis en place à compter du 1er juillet 2003 une réduction de cotisations patronales de Sécurité sociale égale au produit de la rémunération mensuelle brute soumise à cotisations du salarié multiplié par un coefficient déterminé par application d'une formule spécifique.

La Loi de financement de la Sécurité sociale pour 2012 prévoit l'intégration de la rémunération des heures supplémentaires et complémentaires dans le calcul du coefficient d'allégement afin d'assurer une égalité de traitement entre les employeurs, que la rémunération soit ou non composée d'heures supplémentaires, complémentaires.

12. Par ailleurs, les articles L. 241-13 et D. 241-7 du code de la sécurité sociale applicables à la présente espèce ont été modifiés le 1er janvier 2015. Deux versions sont donc applicables au litige, l'une jusqu'au 31 décembre 2014 et l'autre à compter du 1er janvier 2015.

Il résulte de ces articles que, dans leur version applicable du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2014, le montant de la réduction est égal, à compter du 1er janvier 2012, au produit de la rémunération annuelle par un coefficient déterminé en fonction du rapport entre le SMIC calculé pour un an et la rémunération annuelle du salarié, en tenant compte des paramètres suivants :

Entreprises d'au moins vingt salariés :

(0,260 / 0,6) x (1,6 x (SMIC calculé pour un an (*) / rémunération annuelle brute hors heures de pause (a) (b))1)

Entreprises de moins de vingt salariés :

(0,281 / 0,6) x (1,6 x (SMIC calculé pour un an (*) / rémunération annuelle brute hors heures de pause (a)(b))1)

(*) sur la base de la durée légale du travail augmentée, le cas échéant :

Du produit du nombre d'heures supplémentaires listées à l'article L.24118 du code de la Sécurité sociale ou complémentaires légales mentionnées aux articles L.312317 et L.312318 du code du travail, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu, rémunérées au cours de l'année par le salaire minimum de croissance prévu par l'article L. 32312 du code du travail.

(a)hors les rémunérations des temps de pause, d'habillage, de déshabillage et de douche versées en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 11 octobre 2007 (Cour de cassation du 31/03/2016 Urssaf d'Aquitaine cl Aoste).

(b) dans la limite d'un taux de 25 %, la majoration salariale des heures d'équivalence lorsque le salarié est soumis à un régime d'heures d'équivalences payées à un taux majoré en application d'une convention ou d'un accord collectif étendu en vigueur au 1er janvier 2010.

En revanche à compter du 1er janvier 2015, le montant de la réduction est obtenu par application d'un coefficient à la rémunération annuelle brute.

Ce coefficient, arrondi au dix millième le plus proche, est déterminé selon la formule suivante :

(T/0,6) x (1,6 x (smic annualisé + (smic horaire x nombre d'heures supplémentaires et complémentaires) / Rémunération annuelle brute)1)

La valeur T correspond à la somme des taux de cotisations et contributions exonérées.

En 2015, la valeur T sera de 27,95 % pour une entreprise assujettie à un FNAL à 0,1 % et de 28,35 % pour une entreprise assujettie à un FNAL à 0,5 %.

En 2016, la valeur T sera de 28,02 % pour une entreprise assujettie à un FNAL à 0,1 % et de 28,42 % pour une entreprise assujettie à un FNAL à 0,5 %.

Pour les salariés entrant dans le champ de la mensualisation qui ne sont pas présents toute l'année ou dont le contrat de travail est suspendu avec maintien partiel de salaire ou sans maintien de salaire : la fraction du montant du SMIC, correspondant au mois où a lieu l'absence, est corrigée par le rapport entre la rémunération versée et celle qui aurait été versée si le salarié avait été présent tout le mois, hors éléments de rémunération qui ne sont pas affectés par l'absence.

L'URSSAF rappelle ainsi :

- qu'il ne faut pas tenir compte dans le rapport (numérateur et dénominateur) des éléments de rémunération type primes ou heures supplémentaires qui ne sont pas affectés par l'absence.

- que la circulaire ministérielle précise que sont pris en compte, dans la comparaison entre le salaire versé et celui qui aurait été versé si le salarié n'avait pas été absent, les seuls éléments entrant dans le calcul de la retenue sur salaire liée à cette absence.

- que le SMIC est corrigé selon les mêmes modalités pour les salariés n'entrant pas dans le champ d'application de la mensualisation dont le contrat de travail est suspendu avec paiement partiel de la rémunération.

- que pour la détermination du SMIC porté au numérateur, l'employeur peut également appliquer à la fraction du SMIC correspondant au mois considéré les règles de calcul de la retenue de salaire issue de la mensualisation.

- que la valeur du SMIC annuel au numérateur de la formule est constituée du cumul des SMIC mensuels entiers et des SMIC corrigés selon les règles définies ci-dessus, augmentée, le cas échéant, du produit du nombre d'heures supplémentaires listées à l'article L. 241-18 du code de la Sécurité sociale ou complémentaires légales mentionnées aux articles L. 3123-17 et L. 3123-18 du code du Travail, sans prise en compte des majorations auxquelles elles donnent lieu, rémunérées au cours de l'année par le salaire minimum de croissance prévu par l'article L. 3231-2 du code du travail.

13. Il résulte de la lettre d'observation et des annexes jointes (pièce 1 de l'appelante), que l'inspecteur du recouvrement a procédé à deux types de calcul afin de déterminer la valeur de la réduction des cotisations pour chacun des salariés, en raisonnant contrat par contrat.

Il a ainsi opéré un calcul annuel par salarié et par contrat de travail en tenant compte du prorata entre le nombre d'heures effectuées et celui d'un temps plein pour l'appréciation du SMIC déterminant la valeur du coefficient et un calcul mois par mois par salarié et par contrat de travail pour les salariés ayant une rémunération qualifiée « d'atypique » au regard des règles de calcul de la réduction comprenant les arrêts maladie, les maintiens de salaire'L'annexe 2 de la lettre d'observation comporte la période d'emploi, l'identification des salariés, l'ensemble des données relatives à la rémunération de ces derniers, la proratisation appliquée, les formules de calcul utilisées et les différences constatées, mettant à même la société [5] de comprendre le redressement opéré.

14. Par ailleurs, si la société [5] produit certains bulletins de salaires, ces derniers ne permettent de déterminer si ces salariés sont éligibles ou non à la réduction litigieuse. Le moyen n'est donc pas pertinent.

15. Enfin, si la société [5] affirme que les formules appliquées par l'URSSAF sont erronées, elle ne démontre pas en quoi celles-ci le sont, alors même que la charge de cette preuve pèse sur elle.

16. En ce qui concerne l'exclusion de certains salariés des calculs de régularisation, l'URSSAF relève à juste titre, qu'elle n'a porté son attention et réalisé un redressement que pour les salariés pour lesquelles des erreurs avaient été commises dans le calcul de la réduction par le cotisant. Dès lors, l'URSSAF n'avait pas à faire figurer des salariés pour lesquels aucun redressement n'était appliqué.

17. En outre, il n'est pas contesté que l'inspecteur du recouvrement a comptabilisé à deux reprises la situation de M. [L], ce qui l'a amené à doubler le redressement relatif à ce dernier. Toutefois, cette erreur a été corrigée tant par la commission de recours amiable que par l'URSSAF qui a déduit la somme de 851 € pour le redressement relatif à l'année 2015. Cette erreur, relativement minime par rapport à la somme globale réclamée par l'URSSAF à hauteur de plus de 220 000 € ne saurait être de nature à entraîner l'annulation de la totalité du redressement.

18. Sur les discordances relatives aux bases redressées, il n'est pas contesté que l'URSSAF a commis deux erreurs de calcul, dans la colonne « différences constatées » l'une en 2015 à hauteur de 150 €, pour un montant total de redressement de 32 583 €, et l'autre en 2016 à hauteur de 380,22 €, pour un montant total de redressement de 60 480 €. Ces deux erreurs de calcul n'apparaissent, cependant, pas de nature à faire échec à la compréhension du redressement et sont particulièrement minimes par rapport aux sommes constituant le redressement en lui-même. De plus, elles ont soit bénéficié au cotisant pour l'année 2016, soit été corrigées pour l'année 2015. Elles ne sauraient donc entraîner l'annulation du redressement.

19. En ce qui concerne la prise en compte des heures supplémentaires et complémentaires dans le calcul des réductions, la société [5] relève à juste à titre, que les colonnes dédiées à cet effet pour l'année 2014, « HS et HC », sont absentes des années 2015 et 2016. L'URSSAF indique à ce titre qu'elle a tenu compte des heures supplémentaires et complémentaires dans ses calculs, même si elle ne les a pas fait figurer spécifiquement dans une colonne, et il appartient effectivement au cotisant sur qui pèse la charge de la preuve de démontrer le contraire.

La société [5] s'appuie exclusivement sur le bulletin de salaire de décembre 2015 de M. [R] pour indiquer que les heures supplémentaires n'ont pas été comptabilisées par l'URSSAF. Or, l'examen de celui-ci (pièce 21 de l'appelante) montre que le salarié n'a pas été rémunéré pour des heures supplémentaires mais en raison d'heures de jours fériés à 100 % qui n'ont pas vocation à être prises en compte dans le cadre de la réduction FILLON. Dès lors, la société [6] ne démontre pas que l'URSSAF n'a pas tenu compte dans ses calculs des heures supplémentaires ou complémentaires réalisées par ses salariés dans le calcul de la réduction FILLON. Le moyen sera donc également écarté.

20.Enfin, la société [5] affirme que, lorsque les salariés bénéficiaient de plusieurs contrats, l'URSSAF a globalisé les périodes sans procéder à un calcul contrat par contrat, contrairement à ce que prévoient les dispositions de l'article D. 241-7 du code de la sécurité sociale. Toutefois l'annexe 2 de la lettre d'observation signale spécifiquement à côté de chaque nom de salarié les termes « ct1, ct2 ou ct3 ». Ainsi pour M. [C] [K], pris pour exemple par le cotisant, la nomenclature « ct1, 2 et 3 » apparaît pour l'année 2016, alors même que l'employeur ne fournit au débat que deux contrats de travail pour l'année 2015 et 2016 concernant ce salarié (pièce 21 de l'appelante). Il en est de même pour Mme [S] pour laquelle trois contrats de travail apparaissent dans l'annexe 2 alors que la société appelante ne produit aucun des contrats de travail. Enfin, en ce qui concerne Mme [N] pour laquelle une seule ligne apparaît dans l'annexe 2, la société [5] indique que cette salariée a bénéficié de deux contrats de travail distincts mais elle ne fournit, à nouveau, pas ces derniers, et les extraits partiels des deux bulletins de salaires produits au sein des conclusions ne permettent pas de déterminer qu'elle a bénéficié de plusieurs contrats de travail.

21. La société [5] sera donc déboutée de l'intégralité de ses contestations sur le chef de redressement n°4.

Sur le chef de redressement n°5 : frais professionnel-indemnités forfaitaires de panier :

22. A titre liminaire, la cour souligne que la société [5] ne conteste pas le bien-fondé du redressement relatif au versement de primes de panier indues mais uniquement le fait que l'inspecteur du recouvrement n'a pas procédé à une rebrutalisation des sommes réclamées à ce titre, ce qui à ses yeux rendrait nul le redressement en raison d'un calcul illégal qui ne permettrait pas la réalisation d'un débat contradictoire.

23. L'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale ne précise pas si les sommes versées à titre de gratifications et tous autres avantages en argent, ou en nature considérées comme des rémunérations sont à prendre en compte en brut ou en net. C'est donc la jurisprudence de la Cour de cassation qui va venir préciser ce point. Toutefois, si dans un premier temps la Cour de cassation estimait que l'avantage accordé au salarié devait faire l'objet d'une remontée en brut, elle a par la suite, par deux arrêts du 24 septembre 2020, régulièrement confirmés depuis, considéré que l'avantage litigieux doit être considéré comme un montant brut, qui ne nécessite donc pas une « rebrutalisation » de celui-ci.

24. Dès lors, au-delà du fait que la demande de la société de voir les sommes réclamées par l'URSSAF majorées par une remontée en brut apparaît paradoxale, force est de constater que cette remontée est inutile puisque les sommes litigieuses doivent être analysées comme des sommes brutes.

25. La société [5] ne rapporte, dès lors, pas la preuve d'une irrégularité dans le calcul opéré par l'URSSAF et elle sera également déboutée de sa contestation de ce chef de redressement.

26. Le jugement sera donc intégralement confirmé.

27. La société [5] succombant à l'instance sera condamnée aux entiers dépens ainsi qu'à verser à l'URSSAF PACA la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire, en dernier ressort après en avoir délibéré conformément à la loi,

Confirme le jugement RG n°19/00295 rendu le 16 février 2022 par le pôle social du tribunal judiciaire de Gap en toutes ses dispositions,

Y ajoutant,

Condamne la société [5] aux dépens de l'appel,

Condamne la société [5] à verser à l'URSSAF PACA la somme de 2 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. DELAVENAY, Président et par M. OEUVRAY, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier Le Président