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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 11, 17 octobre 2024, n° 23/01161

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/01161

17 octobre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 17 OCTOBRE 2024

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01161 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG6KN

Décision déférée à la Cour : jugement du 08 novembre 2022 - tribunal judiciaire de BOBIGNY - RG n° 20/05568

APPELANT

Monsieur [S] [P]

[Adresse 10]

[Adresse 10]

[Localité 19]

Né le [Date naissance 8] 1981 à [Localité 21]

Représenté et assisté par Me Hadrien MULLER, avocat au barreau de PARIS, toque : E0871

INTIMEES

Société CARMA

[Adresse 14]

[Localité 16]

Représentée et assistée par Me Patrice ITTAH de la SCP LETU ITTAH ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0120

CPAM DU VAL DE MARNE

[Adresse 5]

[Localité 18]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, chargée du rapport, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Sylvie LEROY, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 5 septembre 2016, au [Localité 20] (93), M. [S] [P], qui circulait au guidon de son scooter pour se rendre sur son lieu de travail, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué un véhicule conduit par M. [J] [B] et assuré auprès de la société Carma.

Cet accident de trajet a été pris en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Val-de-Marne (la CPAM) au titre de la législation professionnelle.

Une première expertise amiable contradictoire a été réalisée le 31 mai 2018 par les Docteurs [U] et [F] qui ont constaté que l'état de M. [S] [P] n'était pas consolidé.

Saisi par M. [S] [P], le juge des référés du tribunal de grande instance de Bobigny a, par ordonnance du 22 février 2019, ordonné une mesure d'expertise médicale, confiée au Docteur [K] [D] qui a établi son rapport le 16 juillet 2019.

Par acte d'huissier du 15 juillet 2020, M. [S] [P], agissant tant en son nom personnel qu'en qualité de représentant légal de son fils mineur, [E] [P], a fait assigner la société Carma et la CPAM devant le tribunal judiciaire de Bobigny afin d'obtenir l'indemnisation des préjudices consécutifs à l'accident du 5 septembre 2016.

Par un jugement du 8 novembre 2022, cette juridiction a :

- condamné la société Carma à payer à M. [S] [P] la somme de 1 079 326,32 euros en réparation de ses préjudices, les provisions à hauteur de 55 000 euros ayant été déduites, outre une rente trimestrielle de 3 244,50 euros au titre de l'assistance par une tierce personne définitive,

- condamné la société Carma à payer à M. [E] [P] la somme de 10 000 euros au titre de son préjudice moral,

- dit que ces sommes porteront intérêts à un taux double entre le 16 avril 2020 et le 10 mai 2021,

- dit qu'il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts, dans les conditions prévues par l'article 1343-2 du code civil,

- condamné la société Carma, qui succombe, à supporter l'intégralité des dépens de la présente procédure, dont distraction au profit de Maître Muller,

- condamné la société Carma, en tant que partie qui succombe, à verser à M. [S] [P] la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la société Carma de sa demande faite au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit,

- déclaré le jugement commun à la CPAM.

Par déclaration du 3 janvier 2023, M. [S] [P] a relevé appel du jugement en ce qu'il a :

- condamné la société Carma à lui payer la somme de 1 079 326,32 euros en réparation de ses préjudices, les provisions à hauteur de 55 000 euros ayant été déduites, outre une rente trimestrielle de 3 244,50 euros au titre de l'assistance à tierce personne définitive,

- dit que ces sommes porteront intérêts à un taux double entre le 16 avril 2020 et le 10 mai 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de M. [S] [P], notifiées le 9 avril 2024 aux termes desquelles, il demande à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation,

Vu les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances,

- juger M. [S] [P] recevable et bien fondé en son appel du jugement du tribunal judiciaire de Paris du 8 novembre 2022,

- infirmer le jugement du 8 novembre 2022 sur les points suivants :

- en ce qu'il a limité l'indemnisation de M. [S] [P] à la somme de 1 079 326,32 euros en capital et 3 244,50 euros sous forme de rente trimestrielle

- en ce que le tribunal a dit que ces sommes porteront intérêts à un taux double entre le 16 avril 2020 et le 10 mai 2021,

- confirmer le jugement dans ses autres dispositions,

Statuant à nouveau,

- juger M. [S] [P] fondé à solliciter l'indemnisation de son entier préjudice résultant de l'accident du 5 septembre 2016,

- condamner la société Carma à payer à M. [S] [P] [les sommes suivantes]:

* frais de santé : 6 064,97 euros

* frais divers : 10 840 euros

* assistance par tierce personne temporaire : 39 446 euros

* perte de gains professionnels actuels : 42 411,31 euros

* frais de véhicule adapté : 246 177, 31 euros

Subsidiairement : 239 503, 61 euros

* perte de gains professionnels futurs : 1 139 387, 60 euros

subsidiairement : 848 575,92 euros en excluant la perte des droits à la retraite

* incidence professionnelle : 80 000 euros

subsidiairement : 459 795,86 euros en incluant la perte des droits à la retraite

* assistance par tierce personne définitive : 681 493,27 euros

* déficit fonctionnel temporaire : 16 927,50 euros

* souffrances endurées : 40 000 euros

* déficit fonctionnel permanent : 412 802,53 euros

* préjudice d'agrément : 25 000 euros

* préjudice esthétique permanent : 8 000 euros

* préjudice sexuel : 25 000 euros

- surseoir à statuer sur l'indemnisation du logement adapté,

- ordonner une expertise architecturale et désigner un expert architecte afin de décrire les aménagements nécessaires pour rendre le logement de M. [S] [P] adapté à son handicap,

- condamner la société Carma au paiement d'intérêts de retard au double du taux légal, du 17 décembre 2019 jusqu'au jour de l'arrêt devenu définitif, calculés sur le montant alloué par la cour de tous les préjudices subis par le requérant, avant déduction de la créance de la CPAM, et avant déduction des provisions déjà versées, avec capitalisation annuelle des intérêts échus à partir de la première année,

- condamner la société Carma au paiement d'une somme de 5 000 euros à M. [S] [P] au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure en appel, ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hadrien Muller, avocat aux offres de droit, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

- déclarer l'arrêt commun à la CPAM.

Vu les dernières conclusions de la société Carma, notifiées le 15 mai 2024, aux termes desquelles, elle demande à la cour de :

Vu la loi du 5 juillet 1985,

- recevoir la société Carma en ses conclusions et y faire droit,

- infirmer le jugement rendu le 8 novembre 2022 par le tribunal judiciaire de Bobigny en ce qu'il a :

- condamné la société Carma à payer à M. [S] [P] la somme de 1 079 326,32 euros en réparation de ses préjudices, les provisions à hauteur de 55 000 euros ayant été déduites, outre une rente trimestrielle de 3 244,50 euros au titre de l'assistance à tierce personne définitive

- dit que ces sommes porteront intérêts à un taux double entre le 16 avril 2020 et le 10 mai 2021,

Statuant de nouveau,

- juger qu'il sera fait application du barème BCRIV 2023,

- fixer l'entier préjudice de M. [S] [P] tel qu'exposé dans le corps des présentes :

* total préjudices patrimoniaux : 224 064,30 euros + 3 150 euros de rente trimestrielle, sauf à déduire les arrérages échus et le capital représentatif de la rente AT,

- fixer les dépenses de santé actuelles à la somme de 6 064,97 euros,

- fixer les frais divers à la somme de 5 320 euros,

- juger que la tierce personne avant consolidation sera calculée sur la base de 15 euros de l'heure,

- fixer l'assistance par tierce personne avant consolidation à la somme de 26 895 euros,

- fixer les pertes de gains professionnels actuels à la somme de 26 799 euros,

- débouter M. [S] [P] de sa demande au titre des frais de logement adapté,

- juger que l'indemnisation au titre des frais de véhicule adapté sera calculée en prenant en compte un renouvellement du véhicule tous les 7 ans et sur la base du BCRIV 2023,

- fixer les frais de véhicule adapté à la somme de 60 984,39 euros,

- fixer les pertes de gains professionnels futurs du 15 mai 2019 au 1er 31 décembre 2020 à la somme de 17 958,34 euros,

- débouter M. [S] [P] de sa demande relative aux pertes de gains professionnels à compter du 1er janvier 2021,

- fixer l'incidence professionnelle à la somme de 40 000 euros,

- juger que la tierce personne après consolidation sera calculée sur la base de 18 euros de l'heure et de 400 jours par an,

- fixer l'assistance par tierce personne après consolidation à la somme de 40 036,50 euros pour la période allant jusqu'au 8 novembre 2022 et à une rente trimestrielle de 3 150 euros pour la période à échoir,

A titre subsidiaire,

* total préjudices patrimoniaux: 206 302,57 euros + 8 450,78 euros de rente trimestrielle, sauf à déduire les arrérages échus et le capital représentatif de la rente AT,

- fixer les dépenses de santé actuelles à la somme de 6 064,97 euros,

- fixer les frais divers à la somme de 5 320 euros,

- juger que la tierce personne avant consolidation sera calculée sur la base de 15 euros de l'heure,

- fixer l'assistance par tierce personne avant consolidation à la somme de 26 895 euros,

- fixer les pertes de gains professionnels actuels à la somme de 31 944,52 euros,

- juger que les frais de logement adaptés seront indemnisés sous forme de rente trimestrielle de 430,20 euros,

- juger que l'indemnisation au titre des frais de véhicule adapté sera calculée en prenant en compte un renouvellement du véhicule tous les 7 ans et sur la base du BCRIV 2023,

- fixer les frais de véhicule adapté à la somme de 60 984,39 euros,

- juger que M. [S] [P] subi une perte de chance de gains professionnels futurs à compter du 1er janvier 2021 à hauteur de 65 %,

- fixer les pertes de gains professionnels futurs du 15 mai 2019 au 31 décembre 2021 à la somme de 35 054,19 euros,

- juger que les pertes de gains professionnels à compter du 1er janvier 2022 seront indemnisées sous forme de rentre trimestrielle de 4 870,58 euros,

- débouter M. [S] [P] de ses demandes au titre de l'incidence professionnelle,

- juger que la tierce personne après consolidation sera calculée sur la base de 18 euros de l'heure et de 400 jours par an,

- fixer l'assistance par tierce personne après consolidation à la somme de 40 036,50 euros

* total préjudice extra- patrimoniaux : 261 142 euros

à déduire provisions : - 75 000 euros,

solde préjudice extra-patrimoniaux : 186 142 euros,

- fixer le déficit fonctionnel temporaire à la somme de 13 542 euros,

- fixer les souffrances endurées à la somme de 35 000 euros,

- juger que le déficit fonctionnel définitif sera calculé sur une base de 3 800 euros le point,

- fixer le préjudice d'agrément à la somme de 25 000 euros,

- fixer le préjudice esthétique définitif à la somme de 8 000 euros,

- fixer le préjudice sexuel à la somme de 20 000 euros,

En tout état de cause,

- débouter M. [S] [P] du surplus de ses demandes plus amples et/ou contraires,

- débouter M. [S] [P] de sa demande de doublement des intérêts,

A titre subsidiaire,

- juger que la période de doublement des intérêts est du 16 avril 2020 au 10 mai 2021,

- débouter M. [S] [P] de ses demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] [P] à verser à la société Carma la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner M. [S] [P] aux dépens.

La CPAM à laquelle la déclaration d'appel été signifiée par acte d'huissier du 1er février 2023, délivré à personne habilitée, n'a pas constitué avocat mais a transmis à la demande de la cour le décompte définitif de sa créance établi le 4 juillet 2023, lequel a été communiqué aux parties par les soins du greffe.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l'indemnisation des préjudices de M. [S] [P]

L'expert, le Docteur [D], a indiqué dans son rapport en date du 17 mai 2019, que M. [S] [P] avait présenté à la suite de l'accident survenu le 5 septembre 2016 une luxation traumatique du genou gauche avec déficit moteur du pied gauche en raison des lésions vasculaires de l'artère poplitée à gauche et qu'il conservait comme séquelles une paralysie sensitivo-motrice de la jambe gauche signant l'atteinte du tronc sciatique avant sa bifurcation au niveau du creux poplité [paralysie du SPE (nerf sciatique poplité externe) et du SPI (nerf sciatique poplité interne)], des séquelles au niveau du genou (laxité multidirectionnelle), au niveau de l'équin fixé de la cheville gauche, et de la griffe des orteils.

Il a conclu son rapport ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire total du 5 septembre 2016 au 24 septembre 2016, du 18 janvier 2017 au 23 mars 2017, du 29 juin 2017 au 28 juillet 2017, le 14 décembre 2017

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75% du 25 septembre 2016 au 17 janvier 2017,

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50% du 24 mars 2017 au 28 juin 2017, du 29 juillet 2017 au 13 décembre 2017, et du 15 décembre 2017 jusqu'à la date de consolidation,

- M. [P] n'a pas repris son travail depuis l'accident

- consolidation le 17 mai 2019

- souffrances endurées : 5,5/7

- besoin d'assistance temporaire par une tierce personne non spécialisée de 3 heures par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 % et de 2 heures par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 50 %

- besoin d'aide par une tierce personne non spécialisée à titre viager de 1h45 par jour

- déficit fonctionnel permanent de 42%

- inaptitude sur le plan professionnel au poste d'agent de quai et à tout métier impliquant des déplacements, une station debout ou assise prolongée, le port de charges ;

- préjudice d'agrément : M. [P] ne peut avoir une quelconque activité sportive en orthostatisme

- préjudice esthétique de 3/7

- dépenses de santé futures : achat d'une paire de cannes anglaises tous les deux ans et d'embouts tous les six mois

- véhicule adapté : M. [P] doit bénéficier d'une voiture automatique (impossibilité d'utiliser une pédale d'embrayage) ; il doit aussi être tenu compte du secteur de mobilité réduit de son genou gauche, ce qui implique que l'habitacle soit adapté à son handicap

- un logement en rez-de-chaussée est souhaitable ; il convient de prévoir l'aménagement d'une douche avec une surface permettant au demandeur de se doucher assis

- nécessité d'une voiture automatique, avec un habitacle suffisamment spacieux pour son handicap.

Son rapport constitue sous les amendements qui suivent une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 8] 1981, de ses activités professionnelles antérieures à l'accident de pilote de production dans un centre de distribution de la société La Poste et d'agent d'accueil et de surveillance pour plusieurs employeurs dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Par ailleurs, M. [S] [P] s'étant vu attribuer une rente d'accident du travail par la CPAM à compter du 15 novembre 2019, il convient de relever qu'eu égard à sa finalité de réparation d'une incapacité permanente de travail, qui lui est assignée à l'article L. 431-1 du code de la sécurité sociale, et à son mode de calcul, en fonction du salaire de référence défini à l'article L 434-2 du même code, la rente d'accident du travail doit être regardée comme ayant pour objet exclusif de réparer les préjudices subis par la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident, c'est-à-dire ses pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle de l'incapacité et que dès lors cette prestation ne saurait être imputée sur le déficit fonctionnel permanent qu'elle n'a pas vocation à réparer.

Les parties s'opposent sur les modalités de réparation des préjudices consécutifs à l'accident, M. [P] sollicitant une réparation sous forme de capital, y compris en ce qui concerne les postes de préjudice liés à la perte de gains professionnels futurs et à l'assistance par une tierce personne après consolidation, alors que la société Carma estime qu'il est de l'intérêt de la victime d'être indemnisée de ses besoins d'assistance permanente par une tierce personne sous forme de rente et qu'il en est de même de ses pertes de gains professionnels futurs dans le cas où la cour retiendrait qu'un tel préjudice est caractérisé à compter du 1er janvier 2021.

M. [S] [P] dont seule la mobilité a été affectée par l'accident et qui ne présente aucun trouble cognitif, est en mesure d'assurer lui-même la gestion des fonds qui lui seront alloués en indemnisation de ses préjudices, de sorte qu'il convient, conformément à sa demande, de prévoir que l'indemnisation sera faite sous forme de capital et non de rente.

Enfin, l'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue ; et le barème de capitalisation utilisé sera celui publié par la Gazette du Palais du 31 octobre 2022 avec un taux d'intérêts de 0 % qui est le plus approprié, comme s'appuyant sur les données démographiques et financières les plus pertinentes.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Dépenses de santé actuelles

Ce poste de préjudice vise à indemniser l'ensemble des dépenses de santé, incluant les frais d'hospitalisation, médicaux et pharmaceutiques, exposés avant la date de la consolidation.

Ce poste correspond :

° aux frais d'hospitalisation, frais médicaux et pharmaceutiques, frais d'appareillage et frais de transport pris en charge par la CPAM avant la date de consolidation, soit la somme de 143 354,29 euros, selon le décompte définitif de créance établi le 4 juillet 2023,

° aux dépenses de santé restées à la charge de la victime, soit la somme non contestée de 6 064,97 euros.

Le montant de l'indemnité revenant à M. [S] [P] au titre de ce poste de préjudice s'élève ainsi à la somme de 6 064,97 euros.

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

M. [S] [P] réclame à ce titre, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 10 840 euros, incluant 3 720 euros au titre des honoraires d'assistance à expertise par son médecin conseil, le Docteur [F], 600 euros en indemnisation des effets vestimentaires et équipements détruits lors de l'accident (casque, blouson, pantalon, bottes), un forfait de 1 000 euros au titre des frais de déplacement engagés pendant sa convalescence, 5 520 euros correspondant aux honoraires facturés par M. [A], architecte conseil auquel il a fait appel pour déterminer les travaux nécessaires à l'adaptation de la maison dont il a fait l'acquisition à [Localité 23] en Seine-et-Marne par acte notarié du 4 juillet 2023.

La société Carma demande à la cour de confirmer le jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 5 320 euros, intégrant les frais de médecin conseil, le remboursement des équipements de moto et les frais de déplacement.

Elle conclut, en revanche, au rejet de la demande formée au titre des honoraires d'architecte en soutenant, notamment, que ces frais engagés à la suite de l'achat par M. [S] [P] d'une maison sur trois niveaux d'une surface de 230 m², inadaptée à son handicap, ne sauraient être mis à sa charge, la décision d'acquérir ce bien n'étant pas une conséquence de l'accident mais résultant d'un choix personnel.

Sur ce, les parties s'accordent sur l'indemnisation au titre des frais divers :

- des honoraires d'assistance à expertise par le Docteur [F], médecin conseil, soit 3 720 euros au vu des factures produites,

- des frais de remplacement des effets vestimentaires et équipements de moto endommagés dans l'accident à hauteur de la somme de 600 euros,

- des frais de déplacement de la victime pour se rendre aux consultations médicales, séances de rééducation et réunions d'expertise amiable et judiciaire, pour un montant non contesté de 1 000 euros, étant précisé qu'au regard du parcours de soins décrit dans le rapport d'expertise cette indemnité qui ne peut revêtir un caractère forfaitaire est parfaitement justifiée, ce qui n'est pas contesté.

S'agissant des honoraires facturés par la société LMCPI le 8 décembre 2023 pour un montant de 5 520 euros au titre de l'évaluation technique en vue de l'adaptation au handicap de M. [S] [P] de la maison d'habitation dont il a fait l'acquisition avec sa nouvelle épouse, Mme [Z] [V], à [Localité 23] (77) par acte authentique en date du 4 juillet 2023, ils seront examinés, s'agissant de frais postérieurs à la consolidation ne relevant pas du poste des frais divers, sous la rubrique relative aux frais de logement adaptés.

Le poste des frais divers s'élève ainsi à la somme de 5 320 euros (3 720 euros + 600 euros + 1 000 euros).

- Assistance temporaire par une tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le besoin d'assistance par une tierce personne de la victime directe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

M. [S] [P] réclame en réparation de ce poste de préjudice, en infirmation du jugement, une indemnité d'un montant de 39 446 euros calculée sur la base d'un tarif horaire de 22 euros.

La société Carma, qui juge excessif le taux horaire de 18 euros retenu par les premiers juges, propose d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 26 895 euros, calculée en fonction d'un taux de 15 euros par jour.

Sur ce, le Docteur [D] a conclu à un besoin d'assistance par une tierce personne non spécialisée de 3 heures par jour pendant la période de déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 75 %, soit du 25 septembre 2016 au 17 janvier 2017 et de 2 heures par jour pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire partielle au taux de 50 %, soit du 24 mars 2017 au 28 juin 2017, du 29 juillet 2017 au 13 décembre 2017 et du 15 décembre 2017 jusqu'à la date de consolidation le17 mai 2019.

Cette évaluation, en rapport avec la nature et l'importance des lésions, doit être entérinée.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 20 euros, conformément à la demande de M. [S] [P].

L'indemnité de tierce personne temporaire s'établit ainsi de la manière suivante :

- du 25 septembre 2016 au 17 janvier 2017 (115 jours)

* 115 jours x 3 heures x 20 euros = 6 900 euros

- du 24 mars 2017 au 28 juin 2017 (97 jours), du 29 juillet 2017 au 13 décembre 2017 (138 jours) et du 15 décembre 2017 jusqu'à la date de consolidation le17 mai 2019 (519 jours)

* 754 jours x 2 heures x 20 euros = 30 160 euros

Soit un total de 37 060 euros.

- Perte de gains professionnels actuels

Ce poste vise à indemniser la perte ou la diminution de revenus causée par l'accident pendant la période antérieure à la consolidation.

M. [S] [P] fait valoir qu'il travaillait depuis 2003 en qualité d'agent de quai au sein du groupe La Poste, son poste consistant à transporter des colis, trier des lettres et préparer des commandes, qu'il occupait parallèlement d'autres emplois à temps partiel, le dernier en date en tant qu'agent de sécurité pour divers employeurs dans le cadre de contrats à durée déterminée, qu'il a été placé en arrêt de travail jusqu'à la date de consolidation le 17 mai 2019, que l'expert a estimé qu'il était inapte à tout métier impliquant des déplacements, une station debout ou assise prolongée et le port de charge, qu'il a bénéficié d'indemnités journalières en ce qui concerne son emploi auprès de la société La Poste et n'a pu reprendre son activité d'agent de sécurité en contrat à durée indéterminé

En retenant un revenu de référence de 27 253 euros correspondant au montant du salaire annuel figurant sur son avis d'imposition 2016 sur les revenus de l'année 2015, il évalue sa perte de revenus entre le 5 septembre 2016 et le 17 mai 2019 à la somme de 73 546,76 euros, soit après actualisation en fonction de l'évolution du SMIC entre 2015 et 2024, la somme de 89 157,97 euros.

Après déduction des indemnités journalières versées par la CPAM, soit 45 817,42 euros et des salaires maintenus par la société La Poste à hauteur de 929,24 euros, il réclame en infirmation du jugement une indemnité de 42 411,31 euros.

La société Carma conclut à la confirmation du jugement qui a évalué la perte de gains professionnels actuels de M. [S] [P] à la somme de 26 799,10 euros après déduction des indemnités journalières servies par la CPAM à concurrence de 45 817,42 euros et des salaires maintenus par la société La Poste à hauteur de 929,24 euros.

Elle s'oppose à titre principal à la demande d'actualisation en fonction de l'évolution du SMIC et demande à la cour, à titre subsidiaire, d'appliquer le coefficient d'érosion monétaire de l'année 2016, soit 1,192.

Sur ce, il ressort des pièces versées aux débats (contrats de travail, avenants, bulletins de paie), qu'au moment de l'accident, M. [S] [P] occupait un poste de pilote de production dans un centre de distribution de la société La Poste et qu'il exerçait parallèlement des emplois à temps partiel d'agent d'accueil et d'agent de sécurité dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage pour divers employeurs.

Il résulte du rapport d'expertise que consécutivement à l'accident du 5 septembre 2016, M. [S] [P] a été placé en arrêt de travail continu jusqu'à la date de consolidation fixée au 17 mai 2019, son état de santé lui interdisant, selon l'expert, tout métier impliquant des déplacements, une station debout ou assise prolongée et le port de charges.

Au vu de l'avis d'imposition 2016 au titre des revenus de l'année 2015, dernière année entière précédant l'accident, M. [S] [P] a perçu pendant cette période un salaire annuel d'un montant de 27 253 euros qui sera retenu comme revenu de référence.

La perte de revenus de M. [S] [P] pendant sa période d'arrêt de travail imputable à l'accident entre le 5 septembre 2016 et la date de consolidation, le 17 mai 2019, s'établit, avant imputation de la créance des tiers payeurs, à la somme de 73 545,77 euros (27 253 euros / 365 jours x 985 jours).

Dès lors qu'elle est demandée, ce qui est le cas en l'espèce, il convient de procéder à l'actualisation au jour de la décision de la perte de gains professionnels actuels de M. [S] [P] afin de tenir compte de la dépréciation monétaire.

Cette actualisation sera effectuée non en fonction de l'évolution du SMIC qui ne constitue pas un indice pertinent pour mesurer les effets de la dépréciation monétaire s'agissant d'une victime salariée dont la rémunération excédait le SMIC, mais, comme le suggère la société Carma, en faisant application du coefficient d'érosion monétaire prévu par l'administration fiscale, soit 1,194 entre 2015 et 2024.

Après actualisation, la perte de revenus de M. [S] [P] s'élève ainsi, avant imputation de la créance des tiers payeurs, à la somme de 87 813,65 euros (73 545,77 euros x 1,194).

Il convient en application de l'article 29,1° de la loi du 5 juillet 1985 d'imputer sur ce poste de préjudice qu'elles ont vocation à réparer les indemnités journalières servies par la CPAM avant la date de consolidation, soit la somme de 45 817,42 euros selon le décompte définitif de créance établi le 4 juillet 2023 par cet organisme.

Il convient également de déduire en application de l'article 29,4° de la loi du 5 juillet 1985 les salaires maintenus par la société La Poste.

Selon le décompte définitif de créance établi par cette société le 27 novembre 2019, le montant des salaires maintenus par la société La Poste au bénéfice de son employé s'élève à la somme de 929,24 euros pour la période du 6 septembre 2016 au 20 octobre 2016.

Il est précisé que la période courant du 21 octobre 2016 au 17 mai 2019 a été indemnisée au titre du régime de prévoyance.

Au vu des bulletins de paie versés aux débats, il apparaît en effet que M. [S] [P] a perçu, en sus des indemnités journalières servies par la CPAM et des salaires maintenus par son employeur, des indemnités journalières complémentaires de prévoyance qui ont été payées par la société La Poste, subrogée dans les droits de son salarié.

Ces indemnités journalières de prévoyance dont le montant total n'est pas justifié figurent sur les fiches de paie versées aux débats sous les rubriques «IJ PREV ACC 100 %», puis « IJ PREV ACC 90 % ».

Le contrat de travail de M. [S] [P] auprès de la société La Poste en date du 29 juin 2004 prévoit effectivement qu'il bénéficiera des prestations de la convention commune La Poste - France Télécom relatives au contrat de prévoyance conclu par la société La Poste avec la Mutuelle Générale pour ses personnels contractuels.

En vertu de l'article 29,5° de la loi du 5 juillet 1985, ces indemnités journalières complémentaires versées par une mutuelle régie par le code de la mutualité ouvrent droit à un recours subrogatoire par détermination de la loi et doivent s'imputer sur le poste de la perte de gains professionnels actuels qu'elles ont vocation à réparer.

En l'absence de décompte de ces indemnités journalières de prévoyance, la cour n'est pas en mesure de déterminer le montant de l'indemnité revenant à M. [S] [P] au titre de ce poste de préjudice.

Il convient ainsi d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter les parties à conclure sur l'imputation de ces indemnités journalières complémentaires qu'aucune des parties n'a invoquée et d'inviter également M. [S] [P] à produire un décompte de ces indemnités journalières complémentaires établi par la société La Poste et/ou par l'organisme assureur.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Dépenses de santé futures

Ce poste vise les frais hospitaliers, médicaux, paramédicaux, pharmaceutiques et assimilés, même occasionnels mais médicalement prévisibles, rendus nécessaires par l'état pathologique de la victime après la consolidation et incluent les frais liés soit à l'installation de prothèses soit à la pose d'appareillages spécifiques nécessaires afin de suppléer le handicap physiologique.

Il est constitué des frais de canne métallique réglable prévus par la CPAM pour un montant de 1 188,16 euros, M. [P] ne formulant aucune demande au titre de ce poste de préjudice.

- Assistance permanente par une tierce personne

Ce poste vise à indemniser pour la période postérieure à la consolidation, le besoin d'assistance permanente par une tierce personne de la victime directe pour l'aider dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

M. [S] [P] sollicite, en infirmation du jugement, une indemnité en capital d'un montant de 681 493,27 euros, calculée sur la base d'un taux horaire de 22 euros sur une année de 412 jours pour la période à échoir, afin de tenir compte des congés payés et des jours fériés.

La société Carma conclut à la confirmation du jugement en ce qu'il a fixé à la somme de 40 036,50 euros le montant des arrérages échus au 8 novembre 2022 calculés sur la base d'un tarif horaire de 18 euros et à son infirmation sur le montant de la rente trimestrielle allouée à la victime dont elle demande à voir ramener le montant à la somme de 3 150 euros (18 euros x 1,75 heurtes x 400 jours/ 4).

Sur ce, pour les motifs énoncés plus haut relatifs aux modalités de réparation des préjudices de M. [S] [P], il convient d'indemniser son besoin d'assistance permanente par une tierce personne, évalué par l'expert à 1h45 par jour, sous forme de capital et non de rente.

En application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 20 euros sur une année de 412 jours pour tenir compte des jours fériés et des congés payés.

L'indemnité de tierce personne s'établit ainsi de la manière suivante :

- arrérages échus du 18 mai 2019 (lendemain de la date de consolidation) jusqu'à la date du présent arrêt

* 1 980 jours x 1,75 heures x 20 euros / 365 jours x 412 jours = 78 223,56 euros

- arrérages à échoir calculés en fonction d'une dépense annuelle de 14 420 euros (1,75 heures x 20 euros x 412 jours)

* 14 420 euros x 37,591 (euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 43 ans à la date de la liquidation) = 542 062,22 euros

Soit un total de 620 285,78 euros.

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Ce poste de préjudice peut inclure les pertes de droit à la retraite, lorsque comme dans le cas de l'espèce, aucune demande d'indemnisation distincte n'est formulée au titre du poste de l'incidence professionnelle.

Le tribunal a estimé que M. [S] [P] n'était pas inapte à tout emploi et que son préjudice s'analysait en une perte de chance de 65 % de percevoir des revenus après consolidation.

Il a évalué cette perte de chance de gains à la somme de 67 841,27 euros, s'agissant des arrérages échus entre le 18 mai 2019 et le 8 novembre 2022, date du jugement, et à celle de 761 954,71 euros, s'agissant des arrérages à échoir à compter du 9 novembre 2022, soit un total de 829 262,21 euros dont il a déduit la rente d'accident du travail servie par la CPAM pour un montant capitalisé de 298 667,46 euros.

M. [S] [P] conclut à l'infirmation du jugement.

A l'appui de ses prétentions, il expose qu'il travaillait depuis 2003 comme agent de quai pour la société La Poste, cet emploi impliquant une station debout prolongée, des déplacements itératifs et de la manutention avec port de charges lourdes ; il ajoute qu'il a été déclaré inapte par la médecine du travail à son poste d'agent de quai le 20 décembre 2019 avec impossibilité de reclassement et qu'il a été licencié pour inaptitude par la société La Poste le 18 janvier 2021.

Il indique qu'il travaillait parallèlement comme vigile, ce qui impliquait également une station debout prolongée et surtout la faculté de pouvoir intervenir en cas de vol.

Il rappelle que l'expert a conclu qu'il était inapte à tout métier impliquant des déplacements, une station debout ou assise prolongée et le port de charge.

Il soutient qu'en raison de l'importance de ses séquelles justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent de 42 %, et de son absence d'autre qualification professionnelle, toute reconversion est illusoire, de sorte que son préjudice ne se limite pas à une simple perte de chance de gains et que sa perte de gains professionnels futurs est totale.

Il évalue cette perte, après actualisation en fonction de l'évolution du SMIC, à la somme annuelle de 33 038, 23 euros, capitalisée selon un euro de rente viagère pour tenir compte de sa perte de droits à la retraite ; il sollicite à titre principal après déduction de la rente d'accident du travail qui lui est attribuée, le versement de la somme de 1 139 387,60 euros.

Il précise qu'il ne perçoit plus d'indemnités journalières comme en atteste le décompte de créance définitif de la CPAM, ni de salaire de son employeur, la société La Poste, les revenus figurant dans ses avis d'imposition correspondant à des allocations de retour à l'emploi qui ne sont pas imputables sur la perte de gains professionnels futurs, s'agissant de prestations n'ouvrant droit à aucun recours subrogatoire en application des articles 29 et 33 de la loi du 5 juillet 1985 ; il ajoute que le montant des allocations d'aide au retour à l'emploi s'est élevé à la somme de 22 217 euros en 2022 et à celle de 2 033 euros seulement en 2023, dans la mesure où il était en fin de droit.

Dans le cas où la cour inclurait sa perte de droits à la retraite dans le poste de l'incidence professionnelle, il réclame à titre subsidiaire au titre de sa perte de gains professionnels futurs une indemnité d'un montant de 848 575,92 euros, correspondant à 2/3 de l'indemnité totale, le tiers restant étant alors inclus dans l'incidence professionnelle.

La société Carma conclut également à l'infirmation du jugement.

Elle soutient que si l'expert a retenu que M. [S] [P] était inapte à tout métier impliquant des déplacements, les stations debout et assise prolongées et le port de charges, il n'a pas conclu qu'il était inapte à toute activité professionnelle.

Elle fait observer que les avis d'imposition de la victime au titre des revenus des années 2019, 2020 et 2021 laissent apparaître des revenus déclarés au titre de salaires à hauteur de 13 045 euros en 2019, 20 447 euros en 2020 et de 2 764 euros en 2021 ; elle ajoute qu'en l'absence de tout justificatif permettant de corroborer l'affirmation de M. [S] [P] selon laquelle il s'agirait d'allocations de retour à l'emploi, ces revenus doivent être pris en compte dans le calcul de sa perte de gains professionnels.

Après actualisation du revenu de référence, la société Carma évalue la perte de gains professionnels futurs de M. [S] [P] entre le 19 mai 2019 et le 31 décembre 2020 à la somme totale de 17 958,34 euros.

Elle conclut à titre principal au rejet de la demande formée par M. [S] [P]

au titre de sa perte de revenus à compter du 1er janvier 2021, faute de justificatif concernant les allocations chômage perçues, les éventuelles recherches d'emploi effectuées et la demande de minima sociaux, tels que le RSA et l'allocation adulte handicapé.

Elle ajoute que la seule information communiquée relative au versement par la société La Poste d'une somme de 22 217 euros en 2022, ne peut se rapporter à des allocations d'aide au retour à l'emploi qui ne sont jamais versées par l'employeur.

Elle propose, à titre subsidiaire, de retenir à compter du 1er janvier 2021 l'existence d'une simple perte de chance de gains, estimant que la victime est en mesure d'occuper un emploi à mi-temps.

Elle demande ainsi à la cour à titre subsidiaire, dans le dispositif de ses dernières conclusions, de chiffrer la perte de gains professionnels futurs de M. [S] [P] entre la date de consolidation et le 31 décembre 2021 [31 décembre 2022 dans le corps de ses écritures] à la somme de 35 054,19 euros au titre des arrérages échus, outre une rente trimestrielle de 4 870,58 euros ; elle ajoute qu'il conviendra de déduire de l'indemnité allouée la rente d'accident du travail servie à la victime dont le montant capitalisé s'élève à la somme de 298 667,46 euros.

Sur ce, il résulte des pièces versées aux débats et notamment du contrat de travail à durée indéterminée conclu avec la société La Poste, des avenants à ce contrat, ainsi que du certificat de travail établi par cet employeur à la suite du licenciement pour inaptitude de M. [P], que ce dernier a été embauché à temps plein par cette société à compter du 5 juillet 2004, d'abord en qualité d' « agent rouleur distribution », puis comme agent de production, et enfin en tant que pilote de production, ce dernier poste étant celui qu'il occupait à la date de l'accident ainsi qu'il résulte des fiches de paie versées aux débats.

A la suite de la visite de reprise réalisée par le médecin du travail le 22 octobre 2019, M. [S] [P] a été déclaré inapte à son poste de travail de pilote de production et cariste, le Docteur [L] indiquant dans son avis du 20 décembre 2019, que « tout maintien du salarié dans un emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ».

C'est dans ces conditions que la société La Poste, après avis de la commission consultative paritaire, a notifié le 18 janvier 2021 à M. [P] son licenciement pour inaptitude et impossibilité de reclassement, précisant que compte tenu des conclusions écrites du médecin du travail, elle était dispensée de toutes recherche de reclassement au niveau du groupe La Poste.

Selon les pièces versées aux débats (contrats de travail et bulletins de paie), M. [S] [P] travaillait également, avant l'accident, comme agent d'accueil et comme agent de sécurité pour différents employeurs dans le cadre de contrats à durée déterminée d'usage ; il a ainsi été employé au cours de l'année 2015 et jusqu'à la date de l'accident comme agent d'accueil par une société organisatrice de spectacles vivants, la société Surprize, et comme agent de sécurité pour plusieurs sociétés spécialisées dans le domaine de la sécurité, notamment, la société Unit sécurité et la société Squad sécurité.

Après avoir relevé que M. [S] [P] conservait comme séquelles une paralysie sensitivo-motrice de la jambe gauche avec paralysie du nerf sciatique poplité interne (SPI) et du nerf sciatique poplité externe (SPE), une laxité multidirectionnelle au niveau du genou gauche, une cheville gauche en équin et des orteils en griffe, justifiant un taux de déficit fonctionnel permanent de 42 % et précisé qu'il se déplaçait avec deux cannes anglaises, le Docteur [D] a conclu que l'intéressé était inapte à tout métier impliquant des déplacements, une station debout ou assise prolongée et le port de charges.

Il est ainsi établi d'une part, que le licenciement de M. [S] [P] de son emploi de pilote de production auprès de la société La Poste et la perte des revenus en résultant est en lien de causalité avec l'accident, d'autre part qu'il ne peut plus exercer les emplois d'agent d'accueil et d'agent de sécurité qu'il exerçait avant l'accident, ces activités impliquant une station assise ou debout prolongées et pour la seconde une bonne mobilité lors des interventions inhérentes au métier d'agent de sécurité.

A la suite de son licenciement pour inaptitude, M. [S] [P] a été inscrit à Pôle emploi le 10 mars 2021 (pièce n° 73) et a perçu des allocations de retour à l'emploi versées par son employeur, la société La Poste, qui est son propre assureur en matière d'assurance chômage en application de l'article L. 5424-1 du code du travail, ce que rappelle l'attestation adressée par la société La Poste à l'UNEDIC le 24 février 2021, laquelle vise expressément les dispositions de ce texte et comporte la mention « employeur en auto-assurance ».

Le versement d'allocations de retour à l'emploi par la société La Poste est confirmé par une lettre adressée par cette dernière à M. [S] [P] le 4 janvier 2023 mentionnant que les sommes déclarées à l'administration fiscale au titre des allocations pour perte d'emploi versées au cours de l'année 2022 s'élèvent à la somme nette imposable de 22 117 euros ; cette somme figure d'ailleurs sur l'avis d'imposition de l'année 2023 au titre des revenus de l'année 2022 sous la rubrique « autres revenus imposables ».

Il convient de rappeler que les allocations de retour à l'emploi qui ne sont pas visées à l'article 29 de la loi du 5 juillet 1985 n'ouvrent pas droit à un recours subrogatoire et ne peuvent ainsi être déduites de la perte de gains professionnels futurs ; il en est de même du RSA et de l'allocation adulte handicapée.

L'absence d'information sur le montant total des allocations de retour à l'emploi versées à M. [P] depuis son licenciement pour inaptitude et son inscription à Pôle emploi et sur la perception de l'allocation adulte handicapé et des minima sociaux tels que le RSA, ne fait pas ainsi obstacle, contrairement à ce qu'avance la société Carma, à ce qu'il soit statué sur sa perte de gains professionnels futurs de M. [S] [P] pour la période postérieure au 1er janvier 2021.

Par ailleurs, la victime n'étant pas tenue de minimiser son préjudice dans l'intérêt du responsable, il ne peut être reproché à M. [S] [P], même s'il s'est vu reconnaître la qualité de travailleur handicapé, de ne pas justifier de ses recherches d'emploi à la suite de son licenciement.

M. [S] [P] se prévalant d'une perte de gains professionnels totale, il convient, en revanche, de rechercher, au regard de sa situation concrète, s'il est dans l'impossibilité de retrouver dans l'avenir un emploi, en tenant compte, notamment, de son état de santé, de son âge, de son expérience professionnelle, de ses diplômes de ses capacités de reconversion professionnelle et de la situation du marché de l'emploi.

Il est nécessaire, pour ce faire, de disposer de tous les éléments d'information permettant de déterminer son parcours professionnel depuis la date de consolidation et la nature des revenus qu'il a perçus afin de déterminer, notamment, si une reprise d'activité professionnelle, même partielle, a eu lieu.

En l'espèce il est établi, pour les motifs qui précèdent, que M. [S] [P] a perçu à la suite de son licenciement pour inaptitude des allocations de retour à l'emploi dont il n'y a pas lieu de tenir compte pour l'évaluation de ses pertes de revenus.

S'agissant des revenus figurant sur l'avis d'imposition de l'année 2020 au titre des revenus de l'année 2019 sous la rubrique « salaires » pour un montant de 13 045 euros, l'examen des bulletins de paie produits aux débats au titre de l'année 2019 permet d'établir que la société La Poste a versé directement à son salarié des indemnités journalières de prévoyance ainsi que des indemnités journalières de sécurité sociale, dans le cadre de la subrogation, jusqu'au mois de novembre 2019, date de la consolidation, étant relevé que la cour a ordonné la réouverture des débats afin de connaître le montant de ces indemnités journalières de prévoyance.

En ce qui concerne les revenus figurant sur l'avis d'imposition de l'année 2021 au titre des revenus de l'année 2020, sous la rubrique « salaires » pour un montant de 20 447 euros, il ne s'agit pas, contrairement à ce qu'allègue M. [P], d'allocations de retour à l'emploi dans la mesure où l'intéressé n'a été licencié pour inaptitude par la société La Poste qu'à compter du 18 janvier 2021 et qu'il n'a été inscrit à Pôle emploi qu'à compter du 10 mars 2021 (pièce n° 73).

Aucune des pièces versées aux débats ne permet de déterminer la nature exacte de ce revenu déclaré à l'administration fiscale et d'apprécier s'il s'agit d'un salaire versé en contrepartie d'une nouvelle activité ou seulement d'un maintien de salaire par la société La Poste en application de l'article L. 1226-11 du code travail qui prévoit que « Lorsque, à l'issue d'un délai d'un mois à compter de la date de l'examen médical de reprise du travail, le salarié déclaré inapte n'est pas reclassé dans l'entreprise ou s'il n'est pas licencié, l'employeur lui verse, dès l'expiration de ce délai, le salaire correspondant à l'emploi que celui-ci occupait avant la suspension de son contrat de travail ».

L'avis d'imposition de l'année 2022 au titre des revenus de l'année 2021 fait également état d'un revenu de 2 764 euros mentionné dans la rubrique « salaires » et non dans la rubrique « autres revenus imposables ».

La cour ne disposant pas, en l'état, des informations nécessaires pour statuer sur la demande formée par M. [S] [P], qui invoque une perte de gains professionnels totale, il convient d'ordonner la réouverture des débats afin d'inviter M. [S] [P] à justifier de la nature des revenus figurant sous la rubrique « salaires » sur ses avis d'imposition au titre des revenus de l'année 2020 et de l'année 2021, et d'inviter les parties à conclure sur le moyen relevé d'office, tiré de l'application de l'article L. 1226-11 du code du travail.

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 40 000 euros en retenant que l'exercice par M. [S] [P] d'une activité professionnelle se trouvait considérablement réduite en raison de la restriction des postes auxquels il pouvait prétendre, qu'il devait renoncer à une partie importante de sa vie professionnelle et qu'il en résultait une dévalorisation et un repli sur soi.

M. [P], qui sollicite l'infirmation du jugement, réclame en réparation de ce poste de préjudice une indemnité d'un montant de 80 000 euros en raison de son exclusion définitive du monde du travail et de la perte d'une grande partie de sa vie sociale qui en résulte.

A titre subsidiaire, dans le cas où la cour estimerait devoir inclure le préjudice de retraite dans le poste de l'incidence professionnelle, il réclame une indemnité d'un montant de 459 795,86 euros, dont 379 795,86 au titre de sa perte de droits à la retraite.

La société Carma demande à la cour de chiffrer ce poste de préjudice à la somme de 40 000 euros retenue par le tribunal, dont à déduire les sommes perçues par M. [S] [P] au titre de sa rente d'accident du travail.

Sur ce, la cour ne dispose pas des informations suffisantes pour apprécier si, comme il l'avance, M. [S] [P] a été définitivement exclu du monde du travail en raison de l'accident dont il a été victime le 5 septembre 2016.

Il convient de surseoir à statuer sur ce poste de préjudice dans l'attente de la production des pièces réclamées par la cour pour déterminer si M. [S] [P] est dans l'impossibilité de retrouver dans l'avenir un emploi.

- Frais de véhicule adapté

Ce poste comprend les dépenses nécessaires pour procéder à l'acquisition ou à l'adaptation d'un ou de plusieurs véhicules aux besoins de la victime atteinte d'un handicap permanent, incluant le ou les surcoût(s) lié(s) au renouvellement du véhicule et à son entretien ou les surcoûts en frais de transport rendus nécessaires à la victime en raison de ses difficultés d'accessibilité aux transports en commun survenues depuis le dommage.

Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 182 092 euros, calculée sur la base du coût initial d'acquisition d'un véhicule adapté d'un montant de 29 400 euros, d'un coût de renouvellement de 20 000 euros tenant compte du prix de revente du véhicule initialement acquis, et d'une périodicité de renouvellement tous les sept ans.

M. [P] qui conclut à l'infirmation du jugement expose qu'il se déplaçait avant l'accident en deux-roues, ce dont ses proches attestent, que les séquelles de l'accident ne lui permettent plus d'utiliser ce type de véhicule et qu'il est ainsi contraint de faire l'acquisition d'un véhicule automobile équipé d'une boîte de vitesses automatique et disposant d'un habitacle suffisamment spacieux.

Il expose que le véhicule le mieux adapté à son handicap qu'il a trouvé est un véhicule de marque Tesla, modèle Y, dont il a fait l'acquisition le 12 septembre 2023 pour un coût de 50 730 euros.

Il sollicite la prise en charge de cet achat initial, outre des frais de renouvellement d'un montant de 25 380 euros après déduction de la valeur de revente de ce véhicule au bout de cinq ans.

En retenant une périodicité de renouvellement du véhicule tous les cinq ans, il évalue ce poste de préjudice à la somme de 195 447,47 euros, calculée en capitalisant un arrérage annuel de 5 073 euros (25 380 euros / 5 ans) selon l'euro de rente viagère prévu pour un homme âgé de 42 ans à la date de la première acquisition en 2023.

Il réclame, à titre subsidiaire, dans le cas où la cour ne retiendrait pas la prise en charge d'un véhicule de marque Tesla, une indemnité de 239 503,61 euros, calculée en retenant le coût d'acquisition, à la date de consolidation, d'un véhicule plus classique de marque Renault, de type [Localité 25] Scenic au prix de 36 600 euros, un prix de revente de ce véhicule au bout de cinq ans de 15 372 euros tenant compte d'une décote de 58 %, des frais d'installation d'une boîte de vitesses automatique évalués à 2 000 euros, et une capitalisation selon l'euro de rente viagère prévu pour un homme âgé de 37 ans à la date de consolidation.

La société Carma, qui sollicite également l'infirmation du jugement, objecte qu'il n'est pas justifié que l'acquisition d'un véhicule haut-de-gamme de marque Tesla est le mieux adapté au handicap de la victime, alors qu'un véhicule d'entrée de gamme au prix de 18 000 euros suffit à satisfaire les besoins de M. [P], ajoutant qu'un véhicule de marque Dacia, modèle Jogger est vendu au prix de 17 290 euros.

En retenant une date de première acquisition en 2023, une périodicité de renouvellement du véhicule tous les sept ans, et en déduisant du coût de la première acquisition un prix de revente de 8 667,16 euros correspondant à une décote de 20 % la première année, de 15 % la deuxième année, de 10 % la troisième année, de 10 % la quatrième année, de 7 % la cinquième année, et de 6 % la septième année, la société Carma évalue les frais de véhicule adapté à la somme de 60 984,39 euros, après capitalisation d'un coût annuel de renouvellement de 1 418,97 euros (9 332,84 euros / 7 ans) en fonction de l'euro de rente viagère prévu pour un homme âgé de 49 ans à la date du premier renouvellement en 2030.

Sur ce, le Docteur [D] a retenu que M. [S] [P] avait besoin en raison de ses séquelles au niveau de la jambe gauche ne lui permettant pas d'utiliser une pédale d'embrayage, d'un véhicule équipé d'une boîte de vitesses automatique et relevé que ce véhicule devait disposer d'un habitacle adapté à son handicap compte tenu du secteur de mobilité réduit de son genou gauche.

M. [P] démontre qu'il se déplaçait avant l'accident en motocyclette, ce qui résulte des attestations de ses proches versées aux débats mais également des circonstances de l'accident au cours duquel il circulait en deux-roues.

M. [P] justifie ainsi que les séquelles de l'accident lui imposent de faire l'acquisition d'un véhicule automobile ayant un habitacle suffisamment spacieux, adapté à son handicap, et doté d'une boîte de vitesses automatique.

L'achat d'un véhicule automatique haut-de-gamme de marque Tesla, modèle X grande autonomie avec jantes induction 20 pouces, intérieur noir premium, habitacle 5 places et autopilot, tel que décrit dans le bon de commande versé aux débats par M. [P] pour un prix de 50 730 euros constitue toutefois une dépense somptuaire, excédant les besoins de M. [P].

Il sera retenu le prix d'acquisition d'un véhicule neuf de marque Renault, et de type [Localité 25] Scenic avec boîte de vitesses automatique EDC dont le prix s'élève à la somme de 38 800 euros au vu des justificatifs fournis par M. [P] extraits du site internet l'Argus, étant observé que cette demande ne revêt aucun caractère somptuaire.

La proposition faite par la société Carma de limiter l'indemnisation des frais d'acquisition à la somme de 18 000 euros correspondant au prix d'un véhicule d'entrée de gamme de type Dacia Jogger ne sera pas retenue.

Compte tenu des séquelles conservées par M. [P] au niveau de la jambe gauche nécessitant le port de béquilles, il convient de retenir une périodicité de renouvellement du véhicule adapté tous les cinq ans, en tenant compte de ce que son état de santé implique une utilisation plus fréquente de son véhicule pour ses déplacements.

Les parties s'accordent sur le principe de la déduction du prix de revente de ce véhicule à la fin de la période de renouvellement, les frais de renouvellement étant calculés en tenant compte de cette déduction.

Il convient de retenir, comme le propose M. [P], qu'au bout de cinq ans, le véhicule acquis aura subi une décote de 58 %, ce qui correspond selon sa pièce n° 68 à la décote moyenne d'un véhicule de marque Renault au terme de cette période; la valeur de revente à l'issue de la période de renouvellement sera fixée à la somme de 16 296 euros [38 800 euros - (38 800 euros x 58 %)].

Le poste de préjudice lié aux frais de véhicule adapté devant être indemnisé en fonction des besoins et ne pouvant être subordonné à la justification des dépenses engagées, il y a lieu de constater que le besoin de M. [P] est caractérisé depuis la date de consolidation, le 27 mai 2019.

Le poste de préjudice lié aux frais de véhicule adapté s'établit ainsi de la manière suivante :

- frais de première acquisition : 38 800 euros

- frais de renouvellement : 22 504 euros (38 800 euros -16 296 euros)

- arrérage annuel : 4 500,80 euros (22 504 euros / 5 ans)

- arrérages échus entre le 27 mai 2019 et la date de la liquidation

* 4 500,80 euros x 5,39 ans = 24 259,31 euros

- arrérages à échoir par capitalisation de l'arrérage annuel selon l'euro de rente viagère prévu par le barème retenu par la cour pour un homme âgé de 43 ans à la date de la liquidation :

* 4 500,80 euros x 37,591 = 169 189,57 euros

Soit une somme totale de 232 248,88 euros (38 800 euros + 24 259,31 euros + 169 189,57 euros).

- Frais de logement adapté

Le tribunal, devant lequel M. [P] réclamait l'indemnisation d'un surcoût de loyers d'un montant de 525 509,47 euros, a estimé que cette demande n'était pas fondée.

M. [P], qui sollicite l'infirmation du jugement, expose qu'à la date de l'accident, il était locataire, avec son ex-épouse, Mme [Y] [C] dont il a divorcé en 2020, d'un logement social de 70,20 m², situé au 10ème étage d'un immeuble HLM à [Localité 22] et de deux emplacements de parking, que ce logement, qu'il a occupé jusqu'en 2020, n'était pas adapté à son handicap, l'ascenseur de l'immeuble étant fréquemment en panne, qu'il a emménagé par la suite dans le logement HLM loué par son actuelle compagne, Mme [V], d'une superficie de 54 m², situé au 7ème étage d'un immeuble sis [Adresse 10] [Localité 27] (94), que cet appartement n'était pas non plus adapté à son handicap, l'ascenseur étant très petit et souvent en panne, l'appartement étant assez étroit, de même que les toilettes dont il ne pouvait fermer la porte en raison de sa grade taille et de ses béquilles, que la salle de bains était équipée d'une petite baignoire, de sorte qu'il devait se laver couché, la jambe posée sur le rebord de la baignoire, ce qui était très douloureux ; il ajoute que l'absence d'emplacement de parking inclus dans le périmètre du bail rendait ses déplacements difficiles, aucune place de stationnement public réservé aux personnes handicapées n'étant implantée à proximité de l'immeuble.

M. [P] explique que, dans ces conditions, après que Mme [V] a vainement sollicité l'attribution d'un logement HLM situé en rez-de-chaussée, il a fait l'acquisition avec cette dernière d'une maison d'habitation située à [Localité 23] (77) au prix de 320 000 euros.

Il ajoute que cette maison n'étant pas adaptée à son handicap, il a fait réaliser une étude par son architecte conseil, M. [A], qui a proposé un certain nombre d'aménagements afin de faciliter ses déplacements.

Il sollicite ainsi la mise en oeuvre d'une mesure d'expertise architecturale afin de déterminer les aménagements nécessaires à l'adaptation de cette maison et demande qu'il soit sursis à statuer sur ce poste de préjudice dans l'attente du dépôt du rapport de l'expert désigné.

La société Carma fait valoir que si le Docteur [D] a indiqué dans son rapport d'expertise qu'un logement situé au rez-de-chaussée était souhaitable, il n'a pas retenu qu'il était nécessaire.

Elle soutient qu'il n'est pas établi que le logement HLM qu'occupait M. [S] [P], à l'époque de l'accident, était inadapté à son handicap, s'agissant d'un appartement de trois pièces avec salle d'eau d'une superficie de 70,82 m², situé au 10ème étage d'un immeuble HLM avec ascenseur, que l'affirmation de M. [P] selon laquelle l'ascenseur était régulièrement en panne n'est étayée par aucun élément de preuve, que son déménagement dans un nouveau logement HLM à [Localité 27] loué par Mme [V] n'est pas lié à l'inadaptation de son précédent logement mais à la séparation avec son épouse, dont il a divorcé le 14 mars 2018 et non en 2020 comme mentionné dans ses écritures, la cause de cette séparation n'étant en aucune façon liée à l'accident.

Elle ajoute que la demande d'attribution d'un logement social dont se prévaut M. [P] a été effectuée tardivement le 11 avril 2022 et qu'il est sollicité l'attribution d'un appartement de type T4, T5 ou T6, alors que le logement précédent comportait trois pièces.

La société Carma avance que l'acquisition d'une maison sur trois niveaux implantée sur un terrain de 715 m², disposant d'une cour, d'un jardin, de trois dépendances et d'un garage, est sans rapport avec la situation dans laquelle se trouvait M. [S] [P] avant l'accident, de sorte que l'achat de cette maison et le coût de son adaptation ne sauraient être indemnisés.

Elle conclut au rejet de la nouvelle demande de M. [S] [P] visant à voir ordonner une expertise architecturale et sollicite à titre principal la confirmation du jugement qui a débouté ce dernier de ses demandes relatives aux frais de logement adapté.

A titre subsidiaire, elle propose d'indemniser un surcoût de loyer de 143,40 euros par mois, sous formé d'une rente viagère trimestrielle de 430,20 euros.

Sur ce, le poste de préjudice lié aux frais de logement adaptés comprend les frais que doit débourser la victime directe à la suite du dommage pour adapter son logement à son handicap et bénéficier ainsi d'un habitat en adéquation avec ce handicap après la consolidation. Il inclut non seulement l'aménagement du domicile préexistant mais éventuellement le surcoût financier engendré, soit par l'acquisition d'un domicile mieux adapté, soit par la location d'un logement plus grand. Il peut inclure les frais d'acquisition d'un logement lorsqu'un tel achat a été rendu nécessaire par le fait dommageable.

En l'espèce, le Docteur [D] a indiqué, s'agissant de l'adaptation du lieu de vie de la victime à son nouvel état, qu'un logement en rez-de-chaussée était souhaitable et qu'il convenait de prévoir l'aménagement d'une douche avec une surface permettant à M. [S] [P] de se doucher assis.

Au moment de l'accident, M. [S] [P] était locataire avec son épouse, Mme [Y] [C], d'un logement de trois pièces principales, avec cuisine et salle d'eau, d'une superficie de 70,82 m², au 10ème étage d'un immeuble HLM, avec ascenseur, situé [Adresse 6] à [Localité 22], ainsi que de deux emplacements de parking dans l'immeuble, ce qui résulte du contrat de location versé aux débats et des avis d'imposition mentionnant l'adresse de M. [S] [P], y compris l'étage de son appartement.

Compte tenu de l'importance de ses séquelles affectant sa mobilité et nécessitant l'usage de deux cannes anglaises pour ses déplacements, ce logement situé au 10ème étage n'était pas adapté à son handicap, M. [P] ne pouvant être tributaire des pannes et arrêts de fonctionnement de l'ascenseur lors de mises en conformité ou de travaux de réparation, et être ainsi placé dans l'impossibilité de sortir ou d'accéder à son logement, même temporairement.

M. [S] [P] qui a divorcé de Mme [Y] [C] le 14 mars 2018 (pièce n°30) a emménagé à une date non précisée dans le logement HLM loué par sa nouvelle compagne, Mme [V], auprès de la société Valophis habitat.

Selon la capture d'écran de la fiche récapitulative de la situation locative de Mme [V] (pièce n° 52), cet appartement d'une superficie de 54,34 m² est situé [Adresse 10] [Localité 27] (94).

Il ressort des photographies versées aux débats et de l'attestation établie par Mme [V] le 13 janvier 2022 que ce logement situé au 6ème étage et non au 7ème étage, n'est pas adapté au handicap de M. [S] [P] qui lui impose de se déplacer avec des cannes anglaises.

Mme [V] expose dans son attestation qui présente toutes garanties de crédibilité que l'ascenseur est très petit, que lorsqu'il tombe en panne, il est pratiquement impossible pour M. [S] [P] de monter les escaliers jusqu'au 6ème étage, de sorte qu'il doit passer la nuit chez sa mère, que M. [P] a des difficultés pour fermer la porte des toilettes en raison de sa taille et de ses béquilles, que le logement est équipé d'une petite baignoire et que M. [P] doit se laver couché en reposant sa jambe sur le rebord de la baignoire, ce qui est très douloureux.

Il est ainsi démontré que M. [S] [P] a été contraint de déménager de ce logement, inadapté à son handicap.

Il ressort de l'attestation établie par Maître [X] [M], notaire, que M. [S] [P] et Mme [V] avec laquelle il s'est marié le [Date mariage 12] 2023 sous le régime de la séparation des biens, ont fait l'acquisition le 4 juillet 2023, moyennant le prix principal de 320 000 euros, d'une maison d'habitation de type meulière située [Adresse 9] à [Localité 23] (77) comprenant, au rez-de-chaussée, une entrée, une cuisine, une salle à manger, un salon, des WC et une buanderie, au premier étage, un palier desservant deux chambres, une salle de douche avec WC et une autre pièce, et sous comble, un palier desservant une chambre ; il est précisé que le bien comprend en annexes, un garage, trois dépendances et un jardin.

Au vu de ces éléments, il convient, avant dire droit sur l'indemnisation du poste des frais de logement adapté et des frais liés à la réalisation par l'architecte conseil de la victime d'une étude de faisabilité concernant l'adaptation de cette maison à son handicap, d'ordonner, avant dire droit, une mesure d'expertise architecturale avec la mission définie au dispositif de la présente décision.

Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de la qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, y compris les préjudices d'agrément et sexuel temporaires.

M. [S] [P] réclame en réparation de ce poste de préjudice une indemnité d'un montant de 16 927,50 euros, calculée en fonction d'une base journalière d'indemnisation de 30 euros.

La société Carma conclut à la confirmation du jugement qui a évalué ce poste de préjudice à la somme de 13 542 euros en fonction d'une indemnité de 25 euros par jour.

Sur ce, eu égard à l'incapacité fonctionnelle subie par M. [P] et aux troubles apportés à ses conditions d'existence avant la date de consolidation, ce poste de préjudice sera évalué conformément aux conclusions de l'expert, et calculé sur une base journalière de 30 euros pour les périodes de déficit fonctionnel total et proportionnellement pour les périodes de déficit fonctionnel partiel.

Le déficit fonctionnel temporaire doit ainsi être évalué comme suit :

- 3 480 euros pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire total du 5 septembre 2016 au 24 septembre 2016, du 18 janvier 2017 au 23 mars 2017, du 29 juin 2017 au 28 juillet 2017, le 14 décembre 2017 (116 jours x 30 euros)

- 2 587,50 euros pour la période de déficit fonctionnel temporaire partiel à 75% (classe IV) du 25 septembre 2016 au 17 janvier 2017 (115 jours x 30 euros x 75 %)

- 11 310 euros pour les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel à 50% (classe III) du 24 mars 2017 au 28 juin 2017, du 29 juillet 2017 au 13 décembre 2017, et du 15 décembre 2017 au 17 mai 2019 (754 jours x 30 euros x 50 %)

Soit un total de 17 377,50 euros qui sera ramené à 16 927,50 euros pour rester dans les limites de la demande.

- Souffrances endurées

Ce poste de préjudice indemnise les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés que la victime endure pendant la maladie traumatique.

M. [S] [P] sollicite à ce titre une indemnité de 40 000 euros, alors que la société Carma demande à la cour d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 35 000 euros.

Sur ce, il y a lieu de prendre en considération pour évaluer ce poste de préjudice, coté 5,5/7 par l'expert, du traumatisme initial , des souffrances induites par les différentes lésions, de la pénibilité des soins, des hospitalisations, des six interventions chirurgicales recensées par le Docteur [D] dans le corps de son rapport et des douleurs ayant nécessité une prise en charge dans un centre spécialisé.

Au vu de ces éléments, ce préjudice a été justement évalué à la somme de 40 000 euros par le tribunal.

Préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice vise à indemniser, pour la période postérieure à la consolidation, les atteintes aux fonctions physiologiques, les souffrances chroniques, la perte de la qualité de vie et les troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence personnelles, familiales et sociales.

M. [S] [P] réclame à ce titre une somme de 412 802,53 euros, calculée sur la base d'une indemnité annuelle de 9 545,45 euros, capitalisée de manière viagère.

Il expose que selon le référentiel établi par M. [W], une victime âgée de 85 ans à la date de consolidation, présentant un taux de déficit fonctionnel permanent de 42 % va être indemnisée en fonction d'un point d'incapacité d'une valeur de 1 320 euros, à hauteur de 55 440 euros, ce qui représente en tenant compte de son espérance de vie une indemnisation annuelle de 9 545,45 euros, alors qu'un homme âgé de 37 ans présentant le même taux de déficit fonctionnel permanent sera indemnisé en fonction d'un point d'incapacité de 3 685 euros, à hauteur de 163 170 euros, ce qui représente rapporté à son espérance de vie une indemnité annuelle de 3 773,06 euros.

Il estime ainsi justifié d'être indemnisé en fonction d'une indemnité annuelle équivalente à celle d'un homme de 85 ans.

La société Carma, qui critique cette méthode de calcul propose d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 159 600 euros retenue par le tribunal.

Sur ce, le Docteur [D] a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 42% après avoir relevé que M. [S] [P] conserve comme séquelles une paralysie sensitivo-motrice de la jambe gauche avec laxité multidirectionnelle au niveau du genou gauche, une cheville gauche en équin et des orteils en griffe.

Au vu des séquelles constatées, des douleurs persistantes et des troubles induits dans les conditions d'existence de M. [P], qui était âgé de 37 ans à la date de consolidation, comme étant né le [Date naissance 8] 1981, il convient d'évaluer ce poste de préjudice à la somme de 165 000 euros, sans se référer à la valeur abstraite d'un point d'incapacité ni à l'indemnisation pouvant être allouée à un homme âgé de 85 ans, laquelle est dénuée de pertinence.

Pour les motifs qui précèdent, la rente d'accident du travail servie à M. [P] n'ayant pas à être déduite de ce poste de préjudice qu'elle n'a pas vocation à réparer, cette indemnité revient intégralement à la victime.

- Préjudice esthétique permanent

Ce poste de préjudice indemnise les atteintes physiques et plus généralement l'altération de l'apparence physique de la victime après la consolidation.

Compte tenu de l'accord des parties, ce poste de préjudice, coté 3/7 par l'expert, sera évalué à la somme de 8 000 euros, retenue par le tribunal.

- Préjudice d'agrément

Le préjudice d'agrément est constitué par l'impossibilité pour la victime de continuer de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs et inclut la limitation de la pratique antérieure.

Les parties s'accordant pour chiffrer ce poste de préjudice à la somme de 25 000 euros, cette évaluation sera retenue par la cour.

- Préjudice sexuel

Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.

Les parties s'accordant pour chiffrer ce poste de préjudice à la somme de 25 000 euros, cette évaluation sera retenue par la cour.

Récapitulatif

Après imputation de la créance des tiers payeurs, les préjudices patrimoniaux et extra-patrimoniaux de M. [P], hormis les pertes de gains professionnels actuels et futurs, l'incidence professionnelle et les frais de logement adaptés, s'établissent de la manière suivante :

- dépenses de santé actuelles : 6 604,97 euros

- frais divers : 5 320 euros

- assistance temporaire par une tierce personne : 37 060 euros

- assistance permanente par une tierce personne : 620 285,78 euros

- frais de véhicule adapté : 232 248,88 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 16 927,50 euros

- souffrances endurées : 40 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 165 000 euros

- préjudice d'agrément : 25 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 8 000 euros

- préjudice sexuel : 25 000 euros

Soit un total de 1 181 447,13 euros.

Le jugement qui a condamné la société Carma à payer à M. [S] [P] une somme globale de 1 079 326,32 euros, après déduction des provisions versées à hauteur de 55 000 euros, outre une rente trimestrielle de 3 244,50 euros au titre de l'assistance par une tierce personne définitive, sera infirmé.

Avant dire droit sur l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [S] [P] liés à la perte de gains professionnels actuels et futurs et à l'incidence professionnelle, il convient d'ordonner la réouverture des débats afin :

- d'inviter les parties à conclure sur l'imputation des indemnités journalières de prévoyance versées à M. [S] [P] sur le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels en application de l'article 29,5° de la loi du 5 juillet 1985,

- d'inviter M. [S] [P] à produire un décompte de ces indemnités journalières complémentaires établi par la société La Poste et/ou par l'organisme assureur,

- d'inviter M. [S] [P], qui invoque une perte de gains professionnels futurs totale, à justifier de la nature des revenus figurant sous la rubrique « salaires » sur ses avis d'imposition au titre des revenus de l'année 2020 et de l'année 2021,

- d'inviter les parties à conclure sur le moyen relevé d'office, tiré de l'application de l'article L. 1226-11 du code du travail.

Avant dire droit sur l'indemnisation du poste des frais de logement adapté et des frais liés à la réalisation par l'architecte conseil de la victime d'une étude de faisabilité concernant l'adaptation de cette maison à son handicap, il convient d'ordonner une mesure d'expertise architecturale avec la mission définie au dispositif de la présente décision.

Sur les autres demandes

Compte tenu de la réouverture des débats ordonnée, il convient de surseoir à statuer sur la demande d'application de la sanction prévue à l'article L. 211-13 du code des assurances et de réserver les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

Infirme le jugement en ce qu'il a condamné la société Carma à payer à M. [S] [P] la somme de 1 079 326,32 euros en réparation de ses préjudices, les provisions à hauteur de 55 000 euros ayant été déduites, outre une rente trimestrielle de 3 244,50 euros au titre de l'assistance par une tierce personne définitive,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

Condamne la société Carma à payer à M. [S] [P] , provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire non déduites, les indemnités suivantes au titre des postes de préjudice ci-après :

- dépenses de santé actuelles : 6 604,97 euros

- frais divers : 5 320 euros

- assistance temporaire par une tierce personne : 37 060 euros

- assistance permanente par une tierce personne : 620 285,78 euros

- frais de véhicule adapté : 232 248,88 euros

- déficit fonctionnel temporaire : 16 927,50 euros

- souffrances endurées : 40 000 euros

- déficit fonctionnel permanent : 165 000 euros

- préjudice d'agrément : 25 000 euros

- préjudice esthétique permanent : 8 000 euros

- préjudice sexuel : 25 000 euros.

Avant dire droit sur l'indemnisation des postes du préjudice corporel de M. [S] [P] liés à la perte de gains professionnels actuels et futurs et à l'incidence professionnelle, ordonne la réouverture des débats à l'audience du 5 décembre 2024 à 14 heures, salle [Localité 28], escalier Z, 4ème étage, afin :

- d'inviter les parties à conclure sur l'imputation des indemnités journalières de prévoyance versées à M. [S] [P] sur le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels en application de l'article 29,5° de la loi du 5 juillet 1985,

- d'inviter M. [S] [P] à produire un décompte de ces indemnités journalières complémentaires établi par la société La Poste et/ou par l'organisme assureur,

- d'inviter M. [S] [P], qui invoque une perte de gains professionnels futurs totale, à justifier de la nature des revenus figurant sous la rubrique « salaires » sur ses avis d'imposition au titre des revenus de l'année 2020 et de l'année 2021,

- d'inviter les parties à conclure sur le moyen relevé d'office, tiré de l'application de l'article L. 1226-11 du code du travail.

Avant dire droit sur l'indemnisation du poste des frais de logement adapté et des frais liés à la réalisation par l'architecte conseil de la victime d'une étude de faisabilité concernant l'adaptation de cette maison à son handicap,

Ordonne une expertise architecturale,

Commet pour y procéder :

Mme [N] [R] née [O]

[Adresse 11]

[Localité 15]

Tél : [XXXXXXXX01]

Port. : [XXXXXXXX03]

Email : [Courriel 24]

Et en cas d'indisponibilité de celle-ci,

M. [T] [I]

[Adresse 7]

[Localité 17]

Tél : [XXXXXXXX02]

Port. : [XXXXXXXX04]

Email : [Courriel 26]

Avec possibilité de s'adjoindre, si nécessaire, tout sapiteur de son choix dans une spécialité

distincte de la sienne,

Et mission de :

- convoquer toutes les parties figurant dans la procédure par lettre recommandée avec avis de réception et leurs avocats respectifs par lettre simple, procéder à leur audition contradictoire,

- se faire communiquer, même par des tiers, tous documents et pièces utiles à la réalisation de sa mission, notamment le rapport d'expertise médicale du Docteur [D], le titre notarié d'achat du logement actuel de M. [S] [P], à charge pour l'expert de communiquer aux avocats des parties les pièces directement obtenues, afin qu'elles en aient contradictoirement connaissance,

- procéder en tant que de besoin, à l'audition de tous les tiers concernés par le présent litige, à charge pour lui de reprendre les déclarations ainsi obtenues dans son rapport d'expertise,

Plus spécifiquement

- se rendre au domicile de M. [S] [P], [Adresse 9] , le décrire, le cas échéant prendre des photographies,

- dire si ce logement est adapté ou adaptable aux besoins de M. [S] [P] du fait de son déficit fonctionnel permanent,

- examiner les plans et les pièces relatives aux aménagements déjà réalisés et ceux restant à réaliser,

- donner un avis motivé sur le coût d'achat du terrain et du logement acquis,

- décrire et chiffrer le coût des travaux résultant du handicap de M. [S] [P] tant en ce qui concerne les aménagements spécifiques, extérieurs et intérieurs réalisés et ceux restant à réaliser, ainsi que le coût des honoraires d'architecte,

- donner un avis sur la surface complémentaire nécessaire en raison des séquelles de l'accident,

- donner tous renseignements et faire toutes remarques utiles à l'intention des parties pour la bonne évaluation des frais de logement adapté,

Dit que M. [S] [P] devra consigner auprès du Régisseur d'avances et de recettes de la cour d'appel de Paris - [Adresse 13] - avant le 15 novembre 2024, une somme de 4 000 euros à valoir sur les frais et honoraires de l'expert,

Dit que faute d'une telle consignation dans ce délai, la mission de l'expert deviendra caduque,

Dit que l'expert :

- sera saisi et effectuera sa mission conformément aux dispositions des articles 263 et suivants du code de procédure civile,

- adressera par lettre recommandée avec avis de réception un pré-rapport aux avocats des parties, lesquels disposeront d'un délai de cinq semaines à compter du jour de la réception de ce pré-rapport, pour faire valoir auprès de l'expert, sous formes de dires, leurs questions et observations,

- répondra de manière précise et circonstanciée à ces dires qui devront être annexés au rapport définitif qui sera établi à l'issue de ce délai de cinq semaines et dans lequel devra figurer impérativement :

* le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise en précisant pour chacune d'elle la date d'envoi de la convocation la concernant et la forme de cette convocation,

* le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise,

* la date de chacune des réunions tenues,

* la liste exhaustive de toutes les pièces par lui consultées,

* les déclarations des tiers éventuellement entendus par lui, en mentionnant leur identité complète, leur qualité et leur lien éventuel avec les parties,

* le cas échéant, l'identité du technicien dont il s'est adjoint le concours, ainsi que les constatations et avis de celui-ci (lesquels devront également figurer dans le pré-rapport),

* les dates d'envoi à chacun des avocats du pré-rapport puis du rapport définitif,

Dit que l'expert déposera son rapport définitif au greffe de la chambre et en enverra un exemplaire à l'avocat de chacune des parties avant le 27 mars 2025, délai de rigueur, sauf prorogation expresse accordée par le magistrat chargé du contrôle des expertises,

Dit qu'en application de l'article 282 du même code, le dépôt par l'expert de son rapport sera accompagné de sa demande de rémunération, dont il adressera un exemplaire aux parties

par tout moyen permettant d'en établir la réception,

Dit que, s'il y a lieu, les parties adresseront à l'expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au magistrat chargé du contrôle des mesures d'instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception,

Réserve les dépens et l'article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE