Décisions
CA Versailles, ch civ.. 1-4 construction, 7 octobre 2024, n° 21/04215
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 54A
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 OCTOBRE 2024
N° RG 21/04215
N° Portalis DBV3-V-B7F-UTR6
AFFAIRE :
S.C.P. WARGNY ' RETEL ' LELONG ' DE VILLARTAY ' FAVERY ' MERCIER
et autres
C/
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
et autres
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de NANTERRE
N° RG : 14/10347
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Barthélemy LACAN,
Me Sophie POULAIN,
Me Charles-henri DE GAUDEMONT,
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTES
S.C.P. WARGNY ' RETEL ' LELONG ' DE VILLARTAY ' FAVERY ' MERCIER
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentant : Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
S.A. MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
****************
INTIMÉE
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180
Pladant : Me Ferouze MEGHERBI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0474
****************
PARTIES INTERVENANTES
S.A. ALLIANZ IARD recherchée ès qualités d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société JDC Conseil Immobilier
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représentant : Me Charles-henri DE GAUDEMONT de la SELARL MCH AVOCATS, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 21
S.A.R.L. JDC CONSEIL IMMOBILIER
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
Plaidant : Me Alexandra MORIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
La société Horace Stevenson properties (ci-après « la société HSP ») a fait l'acquisition le 31 mars 2010 deux bâtiments industriels situés au [Adresse 3] à [Localité 10] (92), afin de les transformer en immeubles à usage d'habitation et de vendre les structures « brutes de béton, parties communes achevées », en lots de copropriété à charge pour les acquéreurs de réaliser, à leurs frais, l'aménagement intérieur de chaque lot.
Par compromis des 20 décembre 2009, 14 et 15 janvier 2010, elle a régularisé deux offres de vente, d'une part, à M. [O] [U] et Mme [E] [I] conseillés par l'agence immobilière JDC conseil immobilier (ci-après « la société JDC »), et d'autre part, à M. [P] [C] et Mme [Y] [B], respectivement d'un appartement de 129,50 m² (602 000 euros) et d'un appartement de 78,50 m² dans cet ensemble immobilier.
Par contrats des 7 et 20 décembre 2009, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont confié les travaux d'aménagement intérieur de leurs lots respectifs au cabinet d'architecture Les ateliers d'Horace. La société HSP a confié à cette société une mission complète de maîtrise d''uvre de conception et d'exécution des travaux de rénovation par contrat du 15 janvier 2010.
Les actes authentiques de vente ont été signés les 9 avril et 10 juin 2010 en l'étude notariale de la SCP Christophe Wargny, Vincent Retel, Cyrille Lelong, Solenne de Villartay, Antoine Favery et Colbert Mercier (ci-après « société Wargny »).
Ces ventes n'ont pas été soumises au régime des immeubles à rénover, les actes précisaient que les parties communes étaient achevées et que le maître d'ouvrage avait souscrit une assurance dommages-ouvrage.
Par procès-verbal d'huissier du 25 juillet 2011, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont fait constater des désordres et malfaçons affectant l'immeuble.
La société Les ateliers d'Horace a été placée en redressement judiciaire par jugement du 5 octobre 2011 puis en liquidation judiciaire par jugement du 21 mars 2012.
Les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par ordonnance du 14 février 2012 a désigné M. [Z] [A] en qualité d'expert avec pour mission de procéder à l'examen des appartements. Par arrêt du 31 octobre 2012, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette ordonnance, ajoutant à la mission de l'expert l'examen des jardins et parkings de l'ensemble immobilier.
Par ordonnance du 27 novembre 2012, le juge des référés a étendu la mission de l'expert aux nouveaux désordres survenus entre-temps selon les acquéreurs.
L'expert a mené à bien sa mission au contradictoire de :
- la société HSP, venderesse,
- la société EISL, désignée comme assureur dommages-ouvrage dans l'acte de vente,
- la société Les ateliers d'Horace, prise en la personne de son liquidateur judiciaire,
- la société Mutuelle des architectes de France (ci-après "la société MAF"), assureur de la société Les ateliers d'Horace,
- la société Wargny, notaire ayant reçu les ventes,
- la société JDC, agent immobilier ayant conseillé les consorts [U]-[I].
M. [A], expert, a déposé son rapport le 23 décembre 2013.
Par actes d'huissier des 18 et 19 août 2014, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société HSP, la société MAF ès qualités d'assureur de la société Les ateliers d'Horace, la société Wargny et la société JDC afin d'obtenir la résolution des ventes.
Par acte du 22 avril 2015, la société JDC a fait assigner en intervention forcée son assureur de responsabilité civile professionnelle, la société Allianz Iard.
Les instances ont été jointes par ordonnance du 9 juin 2015.
La société HSP ayant été admise au bénéfice de la liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de Paris du 18 mars 2016, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont également fait assigner en intervention forcée Me [J] [G] de la société SCP Brouard-[G], ès qualités de mandataire judiciaire et Me [X] [V] de la société SCP Thévenot-[V]-Maniere-Elbaze en sa qualité d'administratrice judiciaire de la société HSP.
Par assignation du 18 août 2014, les acquéreurs ont saisi le tribunal au fond d'une demande d'annulation et subsidiairement de résolution des ventes.
En cours de procédure, le 11 janvier 2018, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles (ci-après « les sociétés MMA ») ont conclu avec les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] un accord transactionnel aux termes duquel elles leur payaient l'équivalent des prix de vente, l'indemnisation intégrale de tous les préjudices allégués en justice et leurs frais d'avocats et elles finançaient l'achèvement des travaux des parties communes.
En contrepartie, les consorts [U]-[I] et [C]-[B] renonçaient à leurs demandes à l'encontre de la société Wargny, se désistaient de leurs demandes à l'égard des autres parties, subrogeaient les sociétés MMA dans leurs droits dans la présente procédure et s'engageaient à leur reverser intégralement le prix de revente des biens, quel qu'il soit, avant le 31 décembre 2023.
Les sociétés MMA ont effectivement fait réaliser les travaux nécessaires à partir d'octobre 2018.
L'exécution de la transaction a donné lieu à l'établissement de deux quittances subrogatives du 26 novembre 2018 dans les droits et actions contre le vendeur et toute personne pouvant être tenue à la dette susvisée à hauteur de 965 723,47 euros pour les consorts [U]-[I] et de 650 059,31 euros pour les consorts [C]-[B].
Le 27 décembre 2019, un autre expert judiciaire, désigné à la demande d'autres acquéreurs, Mme [N] [F], a déposé un rapport opposable à toutes les parties à la procédure selon lequel le coût de l'achèvement et de la mise en conformité des parties communes de l'immeuble s'élevait à 1 072 830 euros hors taxes.
Par un jugement contradictoire du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- constaté le désistement de M. [U], Mme [I], M. [C] et Mme [B] de l'ensemble de leurs demandes,
- déclaré recevables les interventions volontaires de la société MMA Iard et de la société MMA Iard assurances mutuelles en tant que subrogées conventionnellement dans les droits de M. [U], de Mme [I], de M. [C] et de Mme [B],
- déclaré la société MAF tenue à garantie du fait de la société Les ateliers d'Horace pour la construction litigieuse,
- fixé la créance de la société MMA Iard et de la société MMA Iard assurances mutuelles au passif du redressement judiciaire de la société Horace Stevenson properties à hauteur de 550 074,16 euros,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], aux dépens de l'instance dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile par Me Lacan, Me Caroline Cohen et Me Megherbi,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], à payer à la société MMA Iard, la société MMA Iard assurances mutuelles et la société Wargny, ensemble, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], à payer à la société JDC la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], à payer à la société Allianz la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le tribunal a jugé recevables les interventions volontaires des sociétés MMA, qui agissaient en tant que subrogées dans les droits des demandeurs Il a retenu la validité de la subrogation conventionnelle des MMA, pour des dettes réglées liées à l'achat immobilier, notamment le prix de vente et divers préjudices.
Le tribunal a fixé la créance des sociétés MMA à la somme de 550 074,16 euros au passif de la société HSP, en raison de son manquement à l'obligation de délivrance des parties communes de l'immeuble.
Il a rejeté les demandes des sociétés MMA à l'encontre la société MAF, les sociétés MMA ayant indemnisé les préjudices liés à 1'acquisition des biens litigieux et aux frais exposés avant la reprise des travaux mais non le coût de reprise des désordres et malfaçons.
Par déclaration du 1er juillet 2021, la société Wargny, la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions n°5 (42 pages), remises au greffe le 23 octobre 2023, les sociétés Wargny et MMA demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il les a reçus en leur recours subrogatoire, comme subrogées dans les droits des acquéreurs [U]-[I] et [C]-[B] et en ce qu'il a condamné la société MAF à garantir les causes de la responsabilité encourue par la société les Ateliers d'Horace,
- d'infirmer le jugement,
- de condamner la société MAF à payer aux sociétés MMA, principalement, la somme de 489 400,98 euros, subsidiairement, la somme de 463 657,50 euros, avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 26 novembre 2018,
- de condamner la société MAF à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- de condamner la société MAF aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que Me Lacan, avocat, pourra, en application de l'article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision et dire que ces dépens incluront les honoraires des experts judiciaires [Z]-[A] et [F].
Aux termes de ses conclusions n°4 (44 pages), remises au greffe le 2 février 2024, la société MAF forme appel incident et demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés MMA de leurs demandes à son encontre,
- le reformer en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires des sociétés MMA en tant que subrogées conventionnellement dans les droits de M. [U], Mme [I], M. [C] et Mme [B], en ce qu'il l'a déclarée tenue à garantie du fait de la société Ateliers d'Horace pour la construction litigieuse et en ce qu'il a dit que le plafond de garantie de 500 000 euros revendiqué par la société MAF n'était pas applicable.
- rejeter comme irrecevables (sic) les demandes de condamnation des sociétés MMA,
- à titre subsidiaire, juger que la faute de l'architecte en lien avec les dommages allégués n'est pas démontrée,
- débouter les sociétés MMA de leurs demandes de condamnations à son égard,
- à titre plus subsidiaire, juger que la société Ateliers d'Horace n'a pas participé à la réalisation matérielle des travaux,
- la juger fondée à se prévaloir de son exclusion de garantie,
- en conséquence, débouter les sociétés MMA de leurs demandes à son encontre,
- à titre encore plus subsidiaire, la juger fondée à se prévaloir de l'application de la clause d'exclusion de solidarité,
- juger qu'elle ne pourra dès lors être tenue que dans la seule limite de la faute de l'architecte,
- juger le quantum des demandes non justifié,
- en conséquence, débouter les sociétés MMA de leurs demandes à son encontre,
- à titre infiniment plus subsidiaire, rejeter les demandes se rapportant à la restitution des honoraires d'architecte, exclu du champ de la garantie d'assurance,
- la juger fondée à se prévaloir de son plafond de garantie à hauteur de 500 000 euros,
- la juger fondée à se prévaloir de l'application de sa franchise contractuelle,
- la condamner dans ces seules limites contractuelles,
- la juger fondée à opposer la clause de globalisation du risque stipulée à sa police,
- juger dès lors qu'elle ne pourra être tenue de mobiliser ses garanties pour l'ensemble des sinistres que dans la seule et unique limite de son plafond fixé à 500 000 euros,
- la condamner dans cette seule limite contractuelle,
- la juger fondée à obtenir de la société Wargny et des sociétés MMA qu'elles supportent une part majeure des conséquences du sinistre,
- en conséquence, condamner la société Wargny et les sociétés MMA à supporter une part majeure des conséquences du sinistre,
- la juger fondée à obtenir la garantie intégrale de la société JDC et de la société Allianz Iard du chef de toutes condamnations pouvant intervenir à son encontre,
- en conséquence, condamner la société JDC et la société Allianz Iard à la garantir de toutes condamnations à son encontre,
- condamner les sociétés MMA à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés par Me Megherbi suivant les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions n°2 (19 pages), remises au greffe le 27 juin 2022, la société JDC demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le recours subrogatoire exercé par les sociétés MMA,
- juger sans objet le recours de la société MAF à son encontre,
- juger qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité,
- débouter la société MAF de l'ensemble de ses demandes à son encontre,
- à titre subsidiaire, juger que les indemnités versées au titre de l'indemnisation des préjudices subis par les consorts [C]-[B] ne sauraient donner lieu à la garantir,
- limiter à hauteur de 5 % le recours de la société MAF au titre des indemnités versées à M. [U] et Mme [I],
- débouter la société Allianz de sa demande d'application d'une exclusion de garantie,
- condamner la société Allianz à la garantir des condamnations prononcées à son encontre,
- condamner in solidum la société Wargny et les sociétés MMA à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge,
- en tout état de cause, reformer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté sa demande à l'encontre les sociétés MMA et de la société MAF au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés MMA et la société MAF à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en première instance,
- condamner in solidum les sociétés MMA et la société MAF à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en appel.
Aux termes de ses conclusions n°2 (21 pages), remises au greffe le 8 septembre 2022, la société Allianz demande à la cour de :
- déclarer que la société JDC n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile professionnelle à l'égard des consorts [U]-[I], ou de toute autre partie au litige,
- débouter la société MAF de ses demandes à son encontre,
- débouter la société JDC ou toute autre partie au litige, de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,
- subsidiairement, la déclarer recevable et bien fondée à se prévaloir de l'exclusion de garantie au titre des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré,
- la déclarer en conséquence recevable et bien fondée en son refus de voir mobiliser ses garanties au titre du contrat Multagim n°86.181.229,
- débouter la société MAF ou toute autre partie au litige, de ses demandes à son encontre,
- débouter en tout état de cause la société MAF de sa demande à être garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre relatives aux conséquences dommageables de ce litige afférentes à la vente des consorts [C]-[B], à laquelle la société JDC est totalement étrangère,
- très subsidiairement, la déclarer recevable et bien fondée à se prévaloir de l'exclusion de garantie au titre de toutes réclamations aux fins de remboursement des frais et honoraires perçus par la société JDC,
- la déclarer recevable et bien fondée à se prévaloir de son plafond de garantie à hauteur de 160 000 euros par an et par sinistre,
- la déclarer recevable et bien fondée à opposer le montant de sa franchise contractuelle, fixée à hauteur de 10 % du montant du sinistre, avec un minimum de 185 euros et un maximum de 915 euros,
- condamner in solidum la société Wargny et les sociétés MMA à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge,
- en toutes hypothèses, condamner la société MAF et/ou toute autre partie succombant à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la ou les mêmes parties aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me de Gaudemont, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024, l'affaire a été initialement appelée à l'audience 11 septembre 2023 puis a été renvoyée au 24 juin 2024 en raison de l'indisponibilité du président. L'affaire a été mise en délibéré au 7 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En l'absence de toute contestation, le jugement est définitif concernant les demandes des sociétés MMA à l'encontre de la procédure collective de la société HSP et notamment en ce qu'il a fixé leur créance au passif du redressement judiciaire de la société HSP à hauteur de 550 074,16 euros.
Sur l'intervention volontaire des sociétés MMA
Le tribunal a jugé, au visa de l'article 335 du code de procédure civile, que les demandes des sociétés MMA, qui agissent en tant que subrogées dans les droits des acheteurs, présentaient un lien très étroit avec les prétentions originelles des parties et qu'elles étaient par conséquent recevables.
Si la société MAF réclame la réformation du jugement « en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires des sociétés MMA » en tant que subrogées conventionnellement dans les droits de M. [U], Mme [I], M. [C] et Mme [B], elle ne développe aucune critique du jugement qui a déclaré recevable l'intervention volontaire des sociétés MMA. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point qui est définitif.
Sur la subrogation
Au visa des articles 1346-1 du code civil et L.121-12 du code des assurances, le tribunal a retenu que les quittances subrogatives produites justifiaient une subrogation conventionnelle mais ne justifiaient pas de la subrogation légale du code des assurances et que le recours subrogatoire ne s'exerçait que dans la limite de 550 074,16 euros.
À l'appui de son appel, la société MAF fait valoir que la subrogation, légale ou conventionnelle, est subordonnée à la condition d'un paiement effectué par un tiers qui libère le débiteur envers le créancier et qu'en l'espèce, au regard du protocole et des quittances subrogatives, il apparaît que les règlements opérés par les MMA ne correspondent pas au coût des travaux de reprises des désordres et des malfaçons mais à la réparation des préjudices liés à l'acquisition des bien litigieux.
Elle souligne que les intervenants à l'acte de construire ne sont pas tenus au remboursement des prix d'acquisition payés et que les MMA ont modifié à trois reprises le quantum de leurs demandes.
Elle estime que les sommes réclamées correspondent à des créances de restitution de prix et autres frais qui ne pouvaient venir en exécution du contrat d'assurance, non produit, dont l'objet est d'indemniser un préjudice. Elle rappelle que la validité de la subrogation est subordonnée à l'existence d'un règlement effectué en vertu d'un contrat d'assurance.
Elle ajoute que des avenants ont été établis plus de cinq années après le protocole et confirment que les indemnisations perçues portent sur le prix d'acquisition et de nombreux frais annexes qui sont sans rapport avec le sinistre. Elle note que l'expertise n'a chiffré aucun travaux de reprise.
De leur côté, les sociétés MMA invoquent des subrogations expressément conventionnelles et précisent qu'elles ont repris les prétentions des demandeurs initiaux qui réclamaient réparation des préjudices subis par eux du fait de l'impossibilité de jouir des biens acquis.
Elles soulignent que les quittances visent la société HSP mais également « toutes autres personnes pouvant être tenues à quelque titre que ce soit de la dette susvisée ». Elles estiment justifier de la réalité du paiement par chèque émis à l'ordre de la CARPA et virements bancaires. Selon elles, la concomitance du paiement n'est pas exigée en cas de protocole d'accord préalable prévoyant la subrogation.
Elles invoquent en toute hypothèse la subrogation légale puisqu'elles avaient selon elles un intérêt légitime au paiement de la dette, la responsabilité de la SCP Wargny étant recherchée par les acquéreurs.
Réponse de la cour
En premier lieu, et comme l'ont retenu les premiers juges, la cour constate que les sociétés MMA ne produisent toujours pas à hauteur d'appel la police d'assurance de responsabilité civile de la SCP Wargny susceptible de justifier et d'expliciter le quantum de l'indemnisation accordée en application des garanties souscrites.
Dans ces conditions, la subrogation légale prévue à l'article L.121-12 du code des assurances ne s'applique pas et les appelantes ne peuvent l'invoquer pour justifier de leur subrogation.
Il ressort néanmoins des quittances subrogatives établies en exécution du protocole transactionnel qu'elles visent expressément l'article 1346-1 définissant la subrogation conventionnelle.
Aux termes de l'article 1346-1 alinéa 2 la subrogation conventionnelle « doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement », ce qui est le cas en l'espèce.
Il est admis que la subrogation conventionnelle est possible même si le subrogé a acquitté une dette personnelle, à la condition que ce paiement libère envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette.
Dans ces conditions, le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé les sociétés MMA recevables à agir en qualité de subrogées conventionnelles dans les droits des acheteurs au titre des paiements effectués dans la limite, non contestée par les parties, de 550 074,16 euros.
Sur la faute de l'architecte dans la réalisation des dommages
A titre préliminaire, il est rappelé que la garantie de la société MAF est dépendante de la responsabilité de son assuré, ce qui justifie d'examiner en premier lieu la question de la responsabilité.
Les appelantes invoquent la responsabilité contractuelle de la société Les ateliers d'Horace.
Il leur incombe par conséquent, en application de l'article 1231-1 du code civil, de rapporter la preuve d'une faute contractuelle à l'origine des dommages invoqués.
Elles font valoir que les acquéreurs ont souffert de l'inachèvement des parties communes mais surtout des désordres, malfaçons et non conformités qui ne sont pas imputables au notaire mais au vendeur et à l'architecte. Elles estiment les avoir indemnisés de l'ensemble de leurs préjudices matériel, financier, de jouissance et moral résultant du fait de n'avoir pu jouir des biens acquis rendus indisponibles par l'effet de l'incurie de l'architecte.
Elles soutiennent que la société Les ateliers d'Horace a commis de nombreux manquements dans ses missions de maîtrise d''uvre tant sur les parties communes que sur les parties privatives qui ont été démontrés par les deux experts.
Pour débouter les sociétés MMA de leur demande, le tribunal a retenu que les manquements contractuels de la société Les ateliers d'Horace étaient établis mais que les préjudices indemnisés par les sociétés MMA étaient liés à l'acquisition des bien litigieux et aux frais exposés avant la reprise des travaux mais aucunement au coût des reprises de désordres et malfaçons. Il a ajouté qu'elles ne pouvaient réclamer le préjudice résultant des travaux dont les acquéreurs n'ont jamais exposé le coût.
Les appelantes reprochent au tribunal de s'être mépris sur l'objet de leur recours qui ne concerne pas le coût des reprises de désordres et malfaçons. Elles confirment que leur recours repose sur les indemnités versées aux acquéreurs, hors prix d'acquisition, en réparation des préjudices subis liés à leur acquisition et aux frais exposés avant la reprise des travaux : impôts fonciers, frais d'hébergement, frais de garde-meuble, honoraires d'architecte versés en pure perte, factures d'entreprises payées en pure perte, frais de constat d'huissier et d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Elles produisent à hauteur d'appel deux avenants à la quittance récapitulative signés en septembre 2023, soit près de cinq ans après les quittances subrogatives, et détaillant les postes indemnisés ainsi que les 271 pièces remises initialement par les acquéreurs pour faire valoir leurs droits à réparation.
Il ressort du protocole transactionnel que les sommes versées par les sociétés MMA étaient destinées à indemniser les préjudices subis par les acheteurs du fait de leurs acquisitions et concernaient le remboursement des prix payés, des débours et préjudices subis et des frais d'avocats.
L'examen des avenants produits devant la cour montre qu'outre les postes visés supra, ils mentionnent aussi : des frais d'actes notariés, des frais d'agence immobilière, des frais intercalaires liés au défaut de délivrance, des frais de déménagement, « 25 000 euros à titre de dommages-intérêts », des honoraires d'avocat, des dépens, des charges de copropriété, des diagnostics techniques en vue de la revente, l'assurance habitation 2018, des frais d'établissement des procurations notariées et des charges « copro » (sic). La société MAF note à juste titre que certains postes sont sans lien avec le dommage ou non justifiés ou même non indemnisables.
Par ailleurs, comme le souligne la société MAF, qui conteste la démonstration lapidaire des manquements contractuels retenus, la demande d'annulation de la vente immobilière était justifiée par le dommage né de l'incompatibilité du régime juridique de la vente choisie par le notaire et aucunement par les diligences prétendument réalisées par le cabinet d'architecture.
Il n'est pas contestable également que l'expertise de Mme [F] relève d'une procédure distincte, initiée par d'autres acquéreurs, et que le présent litige portant sur une demande d'annulation de vente a généré la désignation de M. [A] comme expert judiciaire.
Ce dernier a relevé que les acquéreurs n'avaient jamais rencontré la gérante et unique associée du cabinet d'architecture. Il a conclu qu'il n'avait aucun élément papier pour se prononcer sur l'intervention matérielle du cabinet Les ateliers d'Horace concernant les parties communes.
En outre, lors de l'expertise, le conseil du notaire avait indiqué que M. [S], gérant de la société HSP, était le véritable maître d''uvre, le cabinet Horace apparaissant comme une façade. Il est patent que sa dénomination démontre les liens étroits avec la société venderesse.
Dans ces conditions, la cour constate qu'à hauteur d'appel, les sociétés MMA ne rapportent toujours pas la preuve d'une diligence fautive imputable au cabinet d'architecture et qui serait à l'origine des préjudices dont il est réclamé réparation. La seule conclusion d'un contrat de maîtrise d''uvre ne suffit pas à rapporter cette preuve. Il est contradictoire de reprocher au maître d''uvre des désordres, des malfaçons et des non-conformités et de soutenir que les indemnisations réclamées ne concernent pas le coût des travaux de reprise de ceux-ci. En l'absence de lien de causalité, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés MMA de leurs demandes à l'encontre de la société MAF.
Les demandes contre la société MAF étant rejetées, les appels en garantie qu'elle réclame contre les sociétés JDC immobilier n'ont pas d'objet, de même que ceux formulés à l'encontre de la société Allianz. Il n'y a donc pas lieu de les examiner.
Sur la garantie de la société MAF
La société MAF se prévaut de l'exclusion de garantie prévue par l'article 2.124 des conditions générales du contrat d'assurance en l'absence d'intervention et de participation effective à la mission de maîtrise d''uvre.
Il ressort néanmoins du dossier que les acquéreurs ont bien signé des contrats de maîtrise d''uvre avec la société Les ateliers d'Horace, que des factures ont été émises, que des plans portent le cartouche de la société et que l'activité d'architecte confiée à cette société a bien été accomplie par des préposés de la société. Ce moyen n'est pas fondé.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré la société MAF tenue à garantie du fait de la société Les ateliers d'Horace pour la construction litigieuse.
Au regard de la solution apportée au litige supra, il n'y a pas lieu de statuer sur l'application de la clause d'exclusion de solidarité et du plafond de garantie applicables aux dommages immatériels non consécutifs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP Wargny et les sociétés MMA qui succombent en appel, doivent être condamnées aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code par Me Férouze Megherbi et par Me de Gaudemont, avocats.
Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les circonstances de l'espèce justifient de condamner en appel les sociétés MMA à payer à la société MAF une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens.
Les sociétés MMA et MAF sont également condamnées à payer à la société JDC une somme totale de 2 000 euros et à la société Allianz une somme totale de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SCP Wargny-Retel-Lelong-de Villartay-Faverie-Mercier, la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Férouze Megherbi et par Me de Gaudemont, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard à payer à la société Mutuelle des architectes français une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard d'une part et la société Mutuelle des architectes français à payer à la société JDC conseil immobilier une somme totale de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard d'une part et la société Mutuelle des architectes français à payer à la société Allianz Iard une somme totale de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
DE
VERSAILLES
Code nac : 54A
Ch civ. 1-4 construction
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 OCTOBRE 2024
N° RG 21/04215
N° Portalis DBV3-V-B7F-UTR6
AFFAIRE :
S.C.P. WARGNY ' RETEL ' LELONG ' DE VILLARTAY ' FAVERY ' MERCIER
et autres
C/
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
et autres
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Avril 2021 par le Tribunal judiciaire de NANTERRE
N° RG : 14/10347
Expéditions exécutoires, Copies certifiées conforme délivrées le :
à :
Me Barthélemy LACAN,
Me Sophie POULAIN,
Me Charles-henri DE GAUDEMONT,
Me Stéphanie TERIITEHAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
APPELANTES
S.C.P. WARGNY ' RETEL ' LELONG ' DE VILLARTAY ' FAVERY ' MERCIER
[Adresse 5]
[Localité 9]
Représentant : Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
S.A. MMA IARD
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentant : Me Barthélemy LACAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E0435
****************
INTIMÉE
MUTUELLE DES ARCHITECTES FRANCAIS
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentant : Me Sophie POULAIN, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 180
Pladant : Me Ferouze MEGHERBI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B0474
****************
PARTIES INTERVENANTES
S.A. ALLIANZ IARD recherchée ès qualités d'assureur responsabilité civile professionnelle de la société JDC Conseil Immobilier
[Adresse 11]
[Adresse 11]
[Localité 8]
Représentant : Me Charles-henri DE GAUDEMONT de la SELARL MCH AVOCATS, avocat au barreau de VAL D'OISE, vestiaire : 21
S.A.R.L. JDC CONSEIL IMMOBILIER
[Adresse 1]
[Localité 10]
Représentant : Me Stéphanie TERIITEHAU de la SELEURL MINAULT TERIITEHAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 619
Plaidant : Me Alexandra MORIN, Plaidant, avocat au barreau de PARIS
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 24 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Fabienne TROUILLER, Présidente chargée du rapport et Madame Séverine ROMI, Conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Fabienne TROUILLER, Présidente,
Madame Séverine ROMI, Conseillère,
Madame Marie-Cécile MOULIN-ZYS, Conseillère,
Greffière, lors des débats : Madame Jeannette BELROSE,
FAITS ET PROCÉDURE
La société Horace Stevenson properties (ci-après « la société HSP ») a fait l'acquisition le 31 mars 2010 deux bâtiments industriels situés au [Adresse 3] à [Localité 10] (92), afin de les transformer en immeubles à usage d'habitation et de vendre les structures « brutes de béton, parties communes achevées », en lots de copropriété à charge pour les acquéreurs de réaliser, à leurs frais, l'aménagement intérieur de chaque lot.
Par compromis des 20 décembre 2009, 14 et 15 janvier 2010, elle a régularisé deux offres de vente, d'une part, à M. [O] [U] et Mme [E] [I] conseillés par l'agence immobilière JDC conseil immobilier (ci-après « la société JDC »), et d'autre part, à M. [P] [C] et Mme [Y] [B], respectivement d'un appartement de 129,50 m² (602 000 euros) et d'un appartement de 78,50 m² dans cet ensemble immobilier.
Par contrats des 7 et 20 décembre 2009, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont confié les travaux d'aménagement intérieur de leurs lots respectifs au cabinet d'architecture Les ateliers d'Horace. La société HSP a confié à cette société une mission complète de maîtrise d''uvre de conception et d'exécution des travaux de rénovation par contrat du 15 janvier 2010.
Les actes authentiques de vente ont été signés les 9 avril et 10 juin 2010 en l'étude notariale de la SCP Christophe Wargny, Vincent Retel, Cyrille Lelong, Solenne de Villartay, Antoine Favery et Colbert Mercier (ci-après « société Wargny »).
Ces ventes n'ont pas été soumises au régime des immeubles à rénover, les actes précisaient que les parties communes étaient achevées et que le maître d'ouvrage avait souscrit une assurance dommages-ouvrage.
Par procès-verbal d'huissier du 25 juillet 2011, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont fait constater des désordres et malfaçons affectant l'immeuble.
La société Les ateliers d'Horace a été placée en redressement judiciaire par jugement du 5 octobre 2011 puis en liquidation judiciaire par jugement du 21 mars 2012.
Les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Nanterre qui, par ordonnance du 14 février 2012 a désigné M. [Z] [A] en qualité d'expert avec pour mission de procéder à l'examen des appartements. Par arrêt du 31 octobre 2012, la cour d'appel de Versailles a confirmé cette ordonnance, ajoutant à la mission de l'expert l'examen des jardins et parkings de l'ensemble immobilier.
Par ordonnance du 27 novembre 2012, le juge des référés a étendu la mission de l'expert aux nouveaux désordres survenus entre-temps selon les acquéreurs.
L'expert a mené à bien sa mission au contradictoire de :
- la société HSP, venderesse,
- la société EISL, désignée comme assureur dommages-ouvrage dans l'acte de vente,
- la société Les ateliers d'Horace, prise en la personne de son liquidateur judiciaire,
- la société Mutuelle des architectes de France (ci-après "la société MAF"), assureur de la société Les ateliers d'Horace,
- la société Wargny, notaire ayant reçu les ventes,
- la société JDC, agent immobilier ayant conseillé les consorts [U]-[I].
M. [A], expert, a déposé son rapport le 23 décembre 2013.
Par actes d'huissier des 18 et 19 août 2014, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont fait assigner devant le tribunal de grande instance de Nanterre la société HSP, la société MAF ès qualités d'assureur de la société Les ateliers d'Horace, la société Wargny et la société JDC afin d'obtenir la résolution des ventes.
Par acte du 22 avril 2015, la société JDC a fait assigner en intervention forcée son assureur de responsabilité civile professionnelle, la société Allianz Iard.
Les instances ont été jointes par ordonnance du 9 juin 2015.
La société HSP ayant été admise au bénéfice de la liquidation judiciaire par décision du tribunal de commerce de Paris du 18 mars 2016, les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] ont également fait assigner en intervention forcée Me [J] [G] de la société SCP Brouard-[G], ès qualités de mandataire judiciaire et Me [X] [V] de la société SCP Thévenot-[V]-Maniere-Elbaze en sa qualité d'administratrice judiciaire de la société HSP.
Par assignation du 18 août 2014, les acquéreurs ont saisi le tribunal au fond d'une demande d'annulation et subsidiairement de résolution des ventes.
En cours de procédure, le 11 janvier 2018, la société MMA Iard et la société MMA Iard assurances mutuelles (ci-après « les sociétés MMA ») ont conclu avec les consorts [U]-[I] et les consorts [C]-[B] un accord transactionnel aux termes duquel elles leur payaient l'équivalent des prix de vente, l'indemnisation intégrale de tous les préjudices allégués en justice et leurs frais d'avocats et elles finançaient l'achèvement des travaux des parties communes.
En contrepartie, les consorts [U]-[I] et [C]-[B] renonçaient à leurs demandes à l'encontre de la société Wargny, se désistaient de leurs demandes à l'égard des autres parties, subrogeaient les sociétés MMA dans leurs droits dans la présente procédure et s'engageaient à leur reverser intégralement le prix de revente des biens, quel qu'il soit, avant le 31 décembre 2023.
Les sociétés MMA ont effectivement fait réaliser les travaux nécessaires à partir d'octobre 2018.
L'exécution de la transaction a donné lieu à l'établissement de deux quittances subrogatives du 26 novembre 2018 dans les droits et actions contre le vendeur et toute personne pouvant être tenue à la dette susvisée à hauteur de 965 723,47 euros pour les consorts [U]-[I] et de 650 059,31 euros pour les consorts [C]-[B].
Le 27 décembre 2019, un autre expert judiciaire, désigné à la demande d'autres acquéreurs, Mme [N] [F], a déposé un rapport opposable à toutes les parties à la procédure selon lequel le coût de l'achèvement et de la mise en conformité des parties communes de l'immeuble s'élevait à 1 072 830 euros hors taxes.
Par un jugement contradictoire du 15 avril 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
- constaté le désistement de M. [U], Mme [I], M. [C] et Mme [B] de l'ensemble de leurs demandes,
- déclaré recevables les interventions volontaires de la société MMA Iard et de la société MMA Iard assurances mutuelles en tant que subrogées conventionnellement dans les droits de M. [U], de Mme [I], de M. [C] et de Mme [B],
- déclaré la société MAF tenue à garantie du fait de la société Les ateliers d'Horace pour la construction litigieuse,
- fixé la créance de la société MMA Iard et de la société MMA Iard assurances mutuelles au passif du redressement judiciaire de la société Horace Stevenson properties à hauteur de 550 074,16 euros,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], aux dépens de l'instance dont distraction conformément à l'article 699 du code de procédure civile par Me Lacan, Me Caroline Cohen et Me Megherbi,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], à payer à la société MMA Iard, la société MMA Iard assurances mutuelles et la société Wargny, ensemble, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], à payer à la société JDC la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Horace Stevenson properties, représentée par son mandataire judiciaire Me [G], à payer à la société Allianz la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Le tribunal a jugé recevables les interventions volontaires des sociétés MMA, qui agissaient en tant que subrogées dans les droits des demandeurs Il a retenu la validité de la subrogation conventionnelle des MMA, pour des dettes réglées liées à l'achat immobilier, notamment le prix de vente et divers préjudices.
Le tribunal a fixé la créance des sociétés MMA à la somme de 550 074,16 euros au passif de la société HSP, en raison de son manquement à l'obligation de délivrance des parties communes de l'immeuble.
Il a rejeté les demandes des sociétés MMA à l'encontre la société MAF, les sociétés MMA ayant indemnisé les préjudices liés à 1'acquisition des biens litigieux et aux frais exposés avant la reprise des travaux mais non le coût de reprise des désordres et malfaçons.
Par déclaration du 1er juillet 2021, la société Wargny, la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard ont interjeté appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions n°5 (42 pages), remises au greffe le 23 octobre 2023, les sociétés Wargny et MMA demandent à la cour :
- de confirmer le jugement en ce qu'il les a reçus en leur recours subrogatoire, comme subrogées dans les droits des acquéreurs [U]-[I] et [C]-[B] et en ce qu'il a condamné la société MAF à garantir les causes de la responsabilité encourue par la société les Ateliers d'Horace,
- d'infirmer le jugement,
- de condamner la société MAF à payer aux sociétés MMA, principalement, la somme de 489 400,98 euros, subsidiairement, la somme de 463 657,50 euros, avec intérêts de droit et capitalisation à compter du 26 novembre 2018,
- de condamner la société MAF à leur payer la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile,
- de condamner la société MAF aux entiers dépens de première instance et d'appel et dire que Me Lacan, avocat, pourra, en application de l'article 699 code de procédure civile, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont il déclarera avoir fait l'avance sans avoir reçu provision et dire que ces dépens incluront les honoraires des experts judiciaires [Z]-[A] et [F].
Aux termes de ses conclusions n°4 (44 pages), remises au greffe le 2 février 2024, la société MAF forme appel incident et demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a débouté les sociétés MMA de leurs demandes à son encontre,
- le reformer en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires des sociétés MMA en tant que subrogées conventionnellement dans les droits de M. [U], Mme [I], M. [C] et Mme [B], en ce qu'il l'a déclarée tenue à garantie du fait de la société Ateliers d'Horace pour la construction litigieuse et en ce qu'il a dit que le plafond de garantie de 500 000 euros revendiqué par la société MAF n'était pas applicable.
- rejeter comme irrecevables (sic) les demandes de condamnation des sociétés MMA,
- à titre subsidiaire, juger que la faute de l'architecte en lien avec les dommages allégués n'est pas démontrée,
- débouter les sociétés MMA de leurs demandes de condamnations à son égard,
- à titre plus subsidiaire, juger que la société Ateliers d'Horace n'a pas participé à la réalisation matérielle des travaux,
- la juger fondée à se prévaloir de son exclusion de garantie,
- en conséquence, débouter les sociétés MMA de leurs demandes à son encontre,
- à titre encore plus subsidiaire, la juger fondée à se prévaloir de l'application de la clause d'exclusion de solidarité,
- juger qu'elle ne pourra dès lors être tenue que dans la seule limite de la faute de l'architecte,
- juger le quantum des demandes non justifié,
- en conséquence, débouter les sociétés MMA de leurs demandes à son encontre,
- à titre infiniment plus subsidiaire, rejeter les demandes se rapportant à la restitution des honoraires d'architecte, exclu du champ de la garantie d'assurance,
- la juger fondée à se prévaloir de son plafond de garantie à hauteur de 500 000 euros,
- la juger fondée à se prévaloir de l'application de sa franchise contractuelle,
- la condamner dans ces seules limites contractuelles,
- la juger fondée à opposer la clause de globalisation du risque stipulée à sa police,
- juger dès lors qu'elle ne pourra être tenue de mobiliser ses garanties pour l'ensemble des sinistres que dans la seule et unique limite de son plafond fixé à 500 000 euros,
- la condamner dans cette seule limite contractuelle,
- la juger fondée à obtenir de la société Wargny et des sociétés MMA qu'elles supportent une part majeure des conséquences du sinistre,
- en conséquence, condamner la société Wargny et les sociétés MMA à supporter une part majeure des conséquences du sinistre,
- la juger fondée à obtenir la garantie intégrale de la société JDC et de la société Allianz Iard du chef de toutes condamnations pouvant intervenir à son encontre,
- en conséquence, condamner la société JDC et la société Allianz Iard à la garantir de toutes condamnations à son encontre,
- condamner les sociétés MMA à lui payer la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens lesquels pourront être recouvrés par Me Megherbi suivant les dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions n°2 (19 pages), remises au greffe le 27 juin 2022, la société JDC demande à la cour de :
- confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté le recours subrogatoire exercé par les sociétés MMA,
- juger sans objet le recours de la société MAF à son encontre,
- juger qu'elle n'a pas engagé sa responsabilité,
- débouter la société MAF de l'ensemble de ses demandes à son encontre,
- à titre subsidiaire, juger que les indemnités versées au titre de l'indemnisation des préjudices subis par les consorts [C]-[B] ne sauraient donner lieu à la garantir,
- limiter à hauteur de 5 % le recours de la société MAF au titre des indemnités versées à M. [U] et Mme [I],
- débouter la société Allianz de sa demande d'application d'une exclusion de garantie,
- condamner la société Allianz à la garantir des condamnations prononcées à son encontre,
- condamner in solidum la société Wargny et les sociétés MMA à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge,
- en tout état de cause, reformer le jugement rendu en ce qu'il a rejeté sa demande à l'encontre les sociétés MMA et de la société MAF au visa de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés MMA et la société MAF à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en première instance,
- condamner in solidum les sociétés MMA et la société MAF à lui payer une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés par elle en appel.
Aux termes de ses conclusions n°2 (21 pages), remises au greffe le 8 septembre 2022, la société Allianz demande à la cour de :
- déclarer que la société JDC n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité civile professionnelle à l'égard des consorts [U]-[I], ou de toute autre partie au litige,
- débouter la société MAF de ses demandes à son encontre,
- débouter la société JDC ou toute autre partie au litige, de l'ensemble de leurs demandes à son encontre,
- subsidiairement, la déclarer recevable et bien fondée à se prévaloir de l'exclusion de garantie au titre des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré,
- la déclarer en conséquence recevable et bien fondée en son refus de voir mobiliser ses garanties au titre du contrat Multagim n°86.181.229,
- débouter la société MAF ou toute autre partie au litige, de ses demandes à son encontre,
- débouter en tout état de cause la société MAF de sa demande à être garantie de toutes condamnations prononcées à son encontre relatives aux conséquences dommageables de ce litige afférentes à la vente des consorts [C]-[B], à laquelle la société JDC est totalement étrangère,
- très subsidiairement, la déclarer recevable et bien fondée à se prévaloir de l'exclusion de garantie au titre de toutes réclamations aux fins de remboursement des frais et honoraires perçus par la société JDC,
- la déclarer recevable et bien fondée à se prévaloir de son plafond de garantie à hauteur de 160 000 euros par an et par sinistre,
- la déclarer recevable et bien fondée à opposer le montant de sa franchise contractuelle, fixée à hauteur de 10 % du montant du sinistre, avec un minimum de 185 euros et un maximum de 915 euros,
- condamner in solidum la société Wargny et les sociétés MMA à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge,
- en toutes hypothèses, condamner la société MAF et/ou toute autre partie succombant à lui payer une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum la ou les mêmes parties aux entiers dépens de l'instance, dont distraction au profit de Me de Gaudemont, avocat, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 5 mars 2024, l'affaire a été initialement appelée à l'audience 11 septembre 2023 puis a été renvoyée au 24 juin 2024 en raison de l'indisponibilité du président. L'affaire a été mise en délibéré au 7 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En l'absence de toute contestation, le jugement est définitif concernant les demandes des sociétés MMA à l'encontre de la procédure collective de la société HSP et notamment en ce qu'il a fixé leur créance au passif du redressement judiciaire de la société HSP à hauteur de 550 074,16 euros.
Sur l'intervention volontaire des sociétés MMA
Le tribunal a jugé, au visa de l'article 335 du code de procédure civile, que les demandes des sociétés MMA, qui agissent en tant que subrogées dans les droits des acheteurs, présentaient un lien très étroit avec les prétentions originelles des parties et qu'elles étaient par conséquent recevables.
Si la société MAF réclame la réformation du jugement « en ce qu'il a déclaré recevables les interventions volontaires des sociétés MMA » en tant que subrogées conventionnellement dans les droits de M. [U], Mme [I], M. [C] et Mme [B], elle ne développe aucune critique du jugement qui a déclaré recevable l'intervention volontaire des sociétés MMA. Il n'y a donc pas lieu de statuer sur ce point qui est définitif.
Sur la subrogation
Au visa des articles 1346-1 du code civil et L.121-12 du code des assurances, le tribunal a retenu que les quittances subrogatives produites justifiaient une subrogation conventionnelle mais ne justifiaient pas de la subrogation légale du code des assurances et que le recours subrogatoire ne s'exerçait que dans la limite de 550 074,16 euros.
À l'appui de son appel, la société MAF fait valoir que la subrogation, légale ou conventionnelle, est subordonnée à la condition d'un paiement effectué par un tiers qui libère le débiteur envers le créancier et qu'en l'espèce, au regard du protocole et des quittances subrogatives, il apparaît que les règlements opérés par les MMA ne correspondent pas au coût des travaux de reprises des désordres et des malfaçons mais à la réparation des préjudices liés à l'acquisition des bien litigieux.
Elle souligne que les intervenants à l'acte de construire ne sont pas tenus au remboursement des prix d'acquisition payés et que les MMA ont modifié à trois reprises le quantum de leurs demandes.
Elle estime que les sommes réclamées correspondent à des créances de restitution de prix et autres frais qui ne pouvaient venir en exécution du contrat d'assurance, non produit, dont l'objet est d'indemniser un préjudice. Elle rappelle que la validité de la subrogation est subordonnée à l'existence d'un règlement effectué en vertu d'un contrat d'assurance.
Elle ajoute que des avenants ont été établis plus de cinq années après le protocole et confirment que les indemnisations perçues portent sur le prix d'acquisition et de nombreux frais annexes qui sont sans rapport avec le sinistre. Elle note que l'expertise n'a chiffré aucun travaux de reprise.
De leur côté, les sociétés MMA invoquent des subrogations expressément conventionnelles et précisent qu'elles ont repris les prétentions des demandeurs initiaux qui réclamaient réparation des préjudices subis par eux du fait de l'impossibilité de jouir des biens acquis.
Elles soulignent que les quittances visent la société HSP mais également « toutes autres personnes pouvant être tenues à quelque titre que ce soit de la dette susvisée ». Elles estiment justifier de la réalité du paiement par chèque émis à l'ordre de la CARPA et virements bancaires. Selon elles, la concomitance du paiement n'est pas exigée en cas de protocole d'accord préalable prévoyant la subrogation.
Elles invoquent en toute hypothèse la subrogation légale puisqu'elles avaient selon elles un intérêt légitime au paiement de la dette, la responsabilité de la SCP Wargny étant recherchée par les acquéreurs.
Réponse de la cour
En premier lieu, et comme l'ont retenu les premiers juges, la cour constate que les sociétés MMA ne produisent toujours pas à hauteur d'appel la police d'assurance de responsabilité civile de la SCP Wargny susceptible de justifier et d'expliciter le quantum de l'indemnisation accordée en application des garanties souscrites.
Dans ces conditions, la subrogation légale prévue à l'article L.121-12 du code des assurances ne s'applique pas et les appelantes ne peuvent l'invoquer pour justifier de leur subrogation.
Il ressort néanmoins des quittances subrogatives établies en exécution du protocole transactionnel qu'elles visent expressément l'article 1346-1 définissant la subrogation conventionnelle.
Aux termes de l'article 1346-1 alinéa 2 la subrogation conventionnelle « doit être consentie en même temps que le paiement, à moins que, dans un acte antérieur, le subrogeant n'ait manifesté la volonté que son cocontractant lui soit subrogé lors du paiement », ce qui est le cas en l'espèce.
Il est admis que la subrogation conventionnelle est possible même si le subrogé a acquitté une dette personnelle, à la condition que ce paiement libère envers leur créancier commun celui sur qui doit peser la charge définitive de la dette.
Dans ces conditions, le jugement est confirmé en ce qu'il a jugé les sociétés MMA recevables à agir en qualité de subrogées conventionnelles dans les droits des acheteurs au titre des paiements effectués dans la limite, non contestée par les parties, de 550 074,16 euros.
Sur la faute de l'architecte dans la réalisation des dommages
A titre préliminaire, il est rappelé que la garantie de la société MAF est dépendante de la responsabilité de son assuré, ce qui justifie d'examiner en premier lieu la question de la responsabilité.
Les appelantes invoquent la responsabilité contractuelle de la société Les ateliers d'Horace.
Il leur incombe par conséquent, en application de l'article 1231-1 du code civil, de rapporter la preuve d'une faute contractuelle à l'origine des dommages invoqués.
Elles font valoir que les acquéreurs ont souffert de l'inachèvement des parties communes mais surtout des désordres, malfaçons et non conformités qui ne sont pas imputables au notaire mais au vendeur et à l'architecte. Elles estiment les avoir indemnisés de l'ensemble de leurs préjudices matériel, financier, de jouissance et moral résultant du fait de n'avoir pu jouir des biens acquis rendus indisponibles par l'effet de l'incurie de l'architecte.
Elles soutiennent que la société Les ateliers d'Horace a commis de nombreux manquements dans ses missions de maîtrise d''uvre tant sur les parties communes que sur les parties privatives qui ont été démontrés par les deux experts.
Pour débouter les sociétés MMA de leur demande, le tribunal a retenu que les manquements contractuels de la société Les ateliers d'Horace étaient établis mais que les préjudices indemnisés par les sociétés MMA étaient liés à l'acquisition des bien litigieux et aux frais exposés avant la reprise des travaux mais aucunement au coût des reprises de désordres et malfaçons. Il a ajouté qu'elles ne pouvaient réclamer le préjudice résultant des travaux dont les acquéreurs n'ont jamais exposé le coût.
Les appelantes reprochent au tribunal de s'être mépris sur l'objet de leur recours qui ne concerne pas le coût des reprises de désordres et malfaçons. Elles confirment que leur recours repose sur les indemnités versées aux acquéreurs, hors prix d'acquisition, en réparation des préjudices subis liés à leur acquisition et aux frais exposés avant la reprise des travaux : impôts fonciers, frais d'hébergement, frais de garde-meuble, honoraires d'architecte versés en pure perte, factures d'entreprises payées en pure perte, frais de constat d'huissier et d'assistance à maîtrise d'ouvrage.
Elles produisent à hauteur d'appel deux avenants à la quittance récapitulative signés en septembre 2023, soit près de cinq ans après les quittances subrogatives, et détaillant les postes indemnisés ainsi que les 271 pièces remises initialement par les acquéreurs pour faire valoir leurs droits à réparation.
Il ressort du protocole transactionnel que les sommes versées par les sociétés MMA étaient destinées à indemniser les préjudices subis par les acheteurs du fait de leurs acquisitions et concernaient le remboursement des prix payés, des débours et préjudices subis et des frais d'avocats.
L'examen des avenants produits devant la cour montre qu'outre les postes visés supra, ils mentionnent aussi : des frais d'actes notariés, des frais d'agence immobilière, des frais intercalaires liés au défaut de délivrance, des frais de déménagement, « 25 000 euros à titre de dommages-intérêts », des honoraires d'avocat, des dépens, des charges de copropriété, des diagnostics techniques en vue de la revente, l'assurance habitation 2018, des frais d'établissement des procurations notariées et des charges « copro » (sic). La société MAF note à juste titre que certains postes sont sans lien avec le dommage ou non justifiés ou même non indemnisables.
Par ailleurs, comme le souligne la société MAF, qui conteste la démonstration lapidaire des manquements contractuels retenus, la demande d'annulation de la vente immobilière était justifiée par le dommage né de l'incompatibilité du régime juridique de la vente choisie par le notaire et aucunement par les diligences prétendument réalisées par le cabinet d'architecture.
Il n'est pas contestable également que l'expertise de Mme [F] relève d'une procédure distincte, initiée par d'autres acquéreurs, et que le présent litige portant sur une demande d'annulation de vente a généré la désignation de M. [A] comme expert judiciaire.
Ce dernier a relevé que les acquéreurs n'avaient jamais rencontré la gérante et unique associée du cabinet d'architecture. Il a conclu qu'il n'avait aucun élément papier pour se prononcer sur l'intervention matérielle du cabinet Les ateliers d'Horace concernant les parties communes.
En outre, lors de l'expertise, le conseil du notaire avait indiqué que M. [S], gérant de la société HSP, était le véritable maître d''uvre, le cabinet Horace apparaissant comme une façade. Il est patent que sa dénomination démontre les liens étroits avec la société venderesse.
Dans ces conditions, la cour constate qu'à hauteur d'appel, les sociétés MMA ne rapportent toujours pas la preuve d'une diligence fautive imputable au cabinet d'architecture et qui serait à l'origine des préjudices dont il est réclamé réparation. La seule conclusion d'un contrat de maîtrise d''uvre ne suffit pas à rapporter cette preuve. Il est contradictoire de reprocher au maître d''uvre des désordres, des malfaçons et des non-conformités et de soutenir que les indemnisations réclamées ne concernent pas le coût des travaux de reprise de ceux-ci. En l'absence de lien de causalité, le jugement ne peut qu'être confirmé en ce qu'il a débouté les sociétés MMA de leurs demandes à l'encontre de la société MAF.
Les demandes contre la société MAF étant rejetées, les appels en garantie qu'elle réclame contre les sociétés JDC immobilier n'ont pas d'objet, de même que ceux formulés à l'encontre de la société Allianz. Il n'y a donc pas lieu de les examiner.
Sur la garantie de la société MAF
La société MAF se prévaut de l'exclusion de garantie prévue par l'article 2.124 des conditions générales du contrat d'assurance en l'absence d'intervention et de participation effective à la mission de maîtrise d''uvre.
Il ressort néanmoins du dossier que les acquéreurs ont bien signé des contrats de maîtrise d''uvre avec la société Les ateliers d'Horace, que des factures ont été émises, que des plans portent le cartouche de la société et que l'activité d'architecte confiée à cette société a bien été accomplie par des préposés de la société. Ce moyen n'est pas fondé.
Le jugement est confirmé en ce qu'il a déclaré la société MAF tenue à garantie du fait de la société Les ateliers d'Horace pour la construction litigieuse.
Au regard de la solution apportée au litige supra, il n'y a pas lieu de statuer sur l'application de la clause d'exclusion de solidarité et du plafond de garantie applicables aux dommages immatériels non consécutifs.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le sens de l'arrêt conduit à confirmer le jugement en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.
La SCP Wargny et les sociétés MMA qui succombent en appel, doivent être condamnées aux dépens d'appel, conformément à l'article 696 du code de procédure civile. Les dépens pourront être recouvrés directement dans les conditions prévues par l'article 699 du même code par Me Férouze Megherbi et par Me de Gaudemont, avocats.
Selon l'article 700 1° de ce code, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
Les circonstances de l'espèce justifient de condamner en appel les sociétés MMA à payer à la société MAF une indemnité de 5 000 euros au titre des frais exclus des dépens.
Les sociétés MMA et MAF sont également condamnées à payer à la société JDC une somme totale de 2 000 euros et à la société Allianz une somme totale de 1 000 euros au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Statuant après débats en audience publique, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions ;
Y ajoutant,
Condamne la SCP Wargny-Retel-Lelong-de Villartay-Faverie-Mercier, la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard aux dépens d'appel, dont distraction au profit de Me Férouze Megherbi et par Me de Gaudemont, avocats, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;
Condamne la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard à payer à la société Mutuelle des architectes français une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard d'une part et la société Mutuelle des architectes français à payer à la société JDC conseil immobilier une somme totale de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société MMA Iard assurances mutuelles et la société MMA Iard d'une part et la société Mutuelle des architectes français à payer à la société Allianz Iard une somme totale de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Fabienne TROUILLER, Présidente et par Madame Jeannette BELROSE, Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,