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CA Chambéry, 2e ch., 24 octobre 2024, n° 19/01618

CHAMBÉRY

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CA Chambéry n° 19/01618

24 octobre 2024

COUR D'APPEL de CHAMBÉRY

2ème Chambre

Arrêt du Jeudi 24 Octobre 2024

N° RG 19/01618 - N° Portalis DBVY-V-B7D-GJQ3

Décision déférée à la Cour : Jugement du Tribunal d'Instance de CHAMBERY en date du 11 Juillet 2019, RG 1117000831

Appelants

M. [L] [F] [V] [M]

né le 30 Juillet 1961 à [Localité 8],

et

Mme [Y] [T] épouse [M]

née le 24 Octobre 1952 à [Localité 9] (ESPAGNE), demeurant ensemble [Adresse 10]

Représentés par Me Clarisse DORMEVAL, avocat postulant au barreau de CHAMBERY et Me Frédéric MASQUELIER de l'AARPI MSC AVOCATS & ASSOCIES, avocat plaidant au barreau de DRAGUIGNAN

Intimée

Mme [A] [I]

née le 01 Août 1976 à [Localité 7] - ALGERIE, demeurant [Adresse 6]

Représentée par la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES, avocat au barreau de CHAMBERY

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COMPOSITION DE LA COUR :

Lors de l'audience publique des débats, tenue le 25 juin 2024 avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,

Et lors du délibéré, par :

- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente

- Monsieur Edouard THEROLLE, Conseiller,

- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,

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EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte authentique du 19 octobre 2002 établi par Me [B], notaire à [Localité 11], Mme [R] [X] veuve [K] a vendu en viager à M. [L] [M] et Mme [Y] [T] épouse [M] : 'sur la commune de [Localité 11] (Savoie) une maison à usage d'habitation en état vétuste sise sur le territoire de ladite commune, figurant au cadastre rénové de la manière suivante : section C n°[Cadastre 2] lieudit [Localité 11], contenance 1a36ca.'

Suivant testament olographe du 15 février 2003, Mme [K] a légué à Mme [A] [I] 'la maison dans l'impasse [Adresse 6] où elle demeure'.

Mme [K] est décédée le 4 février 2012.

En mai 2014, les époux [M] ont fait procéder à la division de la parcelle C [Cadastre 2] en deux parcelles cadastrées C [Cadastre 3] et C [Cadastre 4] d'une contenance respective de 57 m² et de 79 m².

Par acte authentique du 30 avril 2015, les époux [M] ont vendu à un tiers la maison mitoyenne en mauvais état sise sur la parcelle C [Cadastre 3], l'acte, à l'établissement duquel Me [B] a participé, précisant que les époux [M] restaient propriétaires du bien sis sur la parcelle C [Cadastre 4].

Mme [I] occupe l'ensemble des bâtiments construits sur les parcelles C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1], dont l'entrée commune se situe au [Adresse 6]. Les époux [M] estiment qu'elle occupe sans droit ni titre le bâtiment sis sur la parcelle C [Cadastre 4].

Par ordonnance du 23 janvier 2017, le juge des référés du tribunal d'instance de Chambéry a rejeté les demandes des époux [M] tendant :

- d'une part à l'expulsion de Mme [I] au motif que cette demande se heurtait à une contestation sérieuse,

- d'autre part à la réalisation d'une expertise aux fins de bornage des parcelles C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1], au motif qu'ils ne justifiaient pas d'un motif légitime au sens de l'article 145 du code de procédure civile.

Par acte du 24 novembre 2017, les époux [M] ont fait assigner Mme [I] devant le tribunal d'instance de Chambéry aux mêmes fins.

Par actes du 22 décembre 2017, Me [B] a :

- d'une part, pris l'initiative d'établir un acte rectificatif aux termes duquel la parcelle C [Cadastre 4] devait être considérée comme étant la propriété de Mme [K],

- d'autre part, délivré le legs particulier consenti par Mme [K] à Mme [I] portant sur une maison d'habitation sise « [Adresse 5] à [Localité 11], figurant au cadastre sous les références suivantes : C [Cadastre 1] et C [Cadastre 4] (ex [Cadastre 2]).

Par jugement du 11 juillet 2019, le tribunal d'instance de Chambéry a :

dit n'y avoir lieu à bornage des parcelles C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1] appartenant à Mme [I],

rejeté les demandes des époux [M],

condamné in solidum les époux [M] à payer à Mme [I] :

- 2 500 euros de dommages et intérêts pour procédure abusive,

- une indemnité de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné in solidum les époux [M] aux dépens de l'instance,

rejeté le surplus des demandes.

Les époux [M] ont interjeté appel de ce jugement par déclaration au greffe de la cour le 23 août 2019.

Par arrêt contradictoire rendu le 20 mai 2021, la cour d'appel de Chambéry a :

infirmé le jugement déféré en toutes ses dispositions,

constaté que :

- Mme [A] [I] est propriétaire de la parcelle partiellement bâtie située à [Localité 11] et cadastrée C [Cadastre 1],

- les époux [L] [M] / [Y] [T] sont propriétaires de la parcelle partiellement bâtie située à [Localité 11] et cadastrée C [Cadastre 4],

- Mme [A] [I] occupe sans droit ni titre la propriété des époux [M],

ordonné à Mme [I] et à tous occupants de son chef de libérer les lieux dans les meilleurs délais et au plus tard dans un délai de six mois à compter de la signification de l'arrêt,

dit qu'à défaut d'exécution volontaire de cette injonction, les époux [M] pourront procéder à l'expulsion de Mme [I] et de tous occupants de son chef selon les modalités prescrites par le code des procédures civiles d'exécution et si nécessaire, avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

dit que Mme [I] est débitrice à l'égard des époux [M] d'une indemnité d'occupation au titre de la période comprise entre le 4 décembre 2012 et la date de libération des lieux,

ordonné le bornage des parcelles sises à [Localité 11], cadastrées C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1],

avant dire-droit d'une part sur le montant, en principal et intérêts, de l'indemnité d'occupation, et d'autre part sur la limite séparative des fonds des parties, ordonné une expertise confiée à M. [P] [D], ultérieurement remplacé par Mme [S], avec essentiellement pour mission de :

- proposer aux parties et à la cour, les points utiles à la détermination de la ligne divisoire entre les parcelles C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1],

- indiquer si et où il convient de placer des bornes,

- décrire avec précision la partie bâtie de la parcelle C [Cadastre 4] tant dans son état actuel que le cas échéant dans son état au 4 décembre 2012 ; évaluer à cette date, la valeur locative mensuelle de cette partie de bâtiment,

mis l'avance des frais d'expertise de 2 500 euros à la charge des parties par moitié,

réservé les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [I] a formé un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Par ordonnance du 24 mars 2022, elle a été déclarée déchue de ce pourvoi.

Mme [S], expert judiciaire, a déposé son rapport le 12 mai 2023.

Par conclusions notifiées le 22 juin 2023, auxquelles il est expressément renvoyé pour l'exposé des moyens, M. [L] [M] et Mme [Y] [T], épouse [M], demandent en dernier lieu à la cour de :

ordonner le bornage des parcelles sises à [Localité 11], cadastrées C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1] conformément aux conclusions du rapport d'expertise de Mme [S] déposé le 12 mai 2023,

commettre de nouveau Mme [S] pour procéder à l'implantation des marques, clous ou bornes séparatives des fonds des parties correspondant aux parcelles cadastrées C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1],

juger que les honoraires à venir de l'expert judiciaire seront partagés à parts égales entre les époux [M], d'une part, et Mme [I], d'autre part,

condamner à ce titre Mme [I] à rembourser aux époux [M] les frais d'expertise dont ils se seraient acquittés en ses lieu et place,

condamner Mme [I] à verser aux époux [M] une indemnité d'occupation due depuis le 4 décembre 2012 à hauteur de 315 euros par mois jusqu'à complète libération des lieux,

à ce titre, condamner Mme [I] à verser aux époux [M] la somme de 40 005 euros arrêtée au 1er juillet 2023, somme à parfaire au jour de la décision à intervenir, augmentée des intérêts aux taux légal dus depuis le 4 décembre 2012,

ordonner la capitalisation des intérêts,

condamner Mme [I] à verser aux époux [M] la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens, en ce compris le solde de la moitié des frais d'expertise soit 1 469 euros, avec pour les dépens d'appel application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Clarisse Dormeval, avocat.

Mme [A] [I] n'a pas conclu après expertise, ni déposé de pièces. Aux termes de ses conclusions d'intimée n°1, notifiées le 13 février 2020, elle demande à la cour de :

confirmer en toutes ses dispositions le jugement du 11 juillet 2019,

déclarer irrecevables comme étant nouvelles en appel les demandes subsidiaires des époux [M] tendant à ce qu'elle soit condamnée à leur payer :

- une somme de 1 778 euros au titre du remboursement des taxes foncières et d'habitation acquittées par leurs soins,

- une somme de 813 euros au titre du remboursement des honoraires du géomètre,

si par impossible la cour considérait ces demandes recevables, limiter le montant des condamnations prononcées à ces titres à une somme globale maximale de 1 114,49 euros,

en tout état de cause, condamner solidairement les époux [M]

- à lui payer la somme complémentaire de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

- aux entiers dépens d'appel distraits au profit de la SCP Christine Visier-Philippe - Carole Ollagnon-Delroise & Associés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

L'affaire a été clôturée à la date du 29 avril 2024 et renvoyée à l'audience du 25 juin 2024, à laquelle elle a été retenue et mise en délibéré à la date du 24 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le bornage :

Le bornage des deux propriétés a d'ores et déjà été ordonné par l'arrêt du 20 mai 2021, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'ordonner à nouveau.

Concernant les limites, les époux [M] sollicitent qu'elles soient fixées conformément au plan proposé par l'expert judiciaire.

Il résulte de la lecture de ce rapport que l'expert a minutieusement examiné les lieux et les titres produits par les parties et propose une ligne divisoire entre les parcelles C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1] qui suit l'axe du mur mitoyen séparant les deux bâtiments, suivant les points 1, 2 et 3 définis sur le plan établi.

Mme [I] n'a formulé aucune observation sur les conclusions de l'expert. En conséquence il convient de fixer les limites des propriétés respectives des parties conformément aux conclusions de Mme [S] et au plan établi dont une copie restera annexée au présent arrêt.

La pose des bornes se fera à frais partagés par moitié entre les parties, à l'initiative de la partie la plus diligente, sans qu'il y ait lieu de désigner à nouveau Mme [S] qui a terminé sa mission, la cour étant par ailleurs dessaisie de l'affaire par le présent arrêt.

Sur l'indemnité d'occupation :

L'arrêt rendu le 20 mai 2021 a jugé que Mme [I] est tenue au paiement d'une indemnité d'occupation depuis le 4 décembre 2012 et jusqu'à la libération effective des lieux.

M. et Mme [M] indiquent, sans être contredits par Mme [I] qui n'a pas conclu après le dépôt du rapport d'expertise, que celle-ci n'a toujours pas quitté les lieux.

L'expert a estimé la valeur locative des locaux occupés illégalement par Mme [I] à 315 euros par mois à la date du 4 décembre 2012. M. et Mme [M] fondent leur demande sur cette estimation.

La lecture du rapport d'expertise révèle que l'expert a procédé à une évaluation complète et contradictoire de la valeur locative, de sorte qu'il y a lieu de retenir 315 euros par mois au titre de l'indemnité d'occupation due par l'intimée.

Ainsi, à la date du 30 juin 2023, Mme [I] est redevable à M. et Mme [M] de 127 mois d'indemnité d'occupation, soit une somme globale de 40 005 euros.

S'agissant d'une indemnité due par fractions successives de 315 euros par mois, les intérêts légaux ne peuvent courir sur l'intégralité de la somme à compter du 4 décembre 2012. Il convient donc de dire que cette somme portera intérêts au taux légal à pour chaque indemnité mensuelle à terme échu, soit au premier jour du mois suivant.

Conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, les intérêts dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts.

Sur les demandes accessoires :

Les frais d'expertise ont été partagés par moitié entre les parties par l'arrêt rendu le 20 mai 2021. Ces frais ont été taxés à la somme de 5 438,16 euros.

Aux termes de l'ordonnance de taxe du 16 mai 2023, M. et Mme [M] ont payé un total de 3 688,16 euros et Mme [I] 1 250,00 euros, soit un solde dû de 500,00 euros auquel Mme [I] a été condamnée.

M. et Mme [M] ne justifient pas avoir réglé cette somme supplémentaire de 500 euros, de sorte qu'ils sont fondés à demander le remboursement de la moitié de ce qu'ils ont versé en plus de la provision initiale de 1 250 euros, soit 1 219,08 euros.

Mme [I], qui succombe, supportera les entiers dépens de première instance et d'appel (sauf les frais d'expertise partagés par moitié), avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Clarisse Dormeval, avocat.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de M. et Mme [M] la totalité des frais exposés en première instance et en appel, non compris dans les dépens. Il convient en conséquence de leur allouer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Rappelle que l'arrêt rendu le 20 mai 2021 a ordonné le bornage des parcelles sises à [Localité 11], cadastrées C [Cadastre 4] et C [Cadastre 1],

Fixe la limite divisoire entre ces parcelles selon la ligne formée par les points 1, 2 et 3 définis par Mme [G] [S], expert judiciaire, dans son rapport du 12 mai 2023, selon le plan figurant en annexe 5 de ce rapport,

Dit qu'une copie de ce plan restera annexée au présent arrêt,

Dit qu'il appartiendra à la partie la plus diligente de faire matérialiser ces limites conformément à ce plan par un géomètre-expert, à frais partagés par moitié entre les parties,

Dit que Mme [A] [I] est tenue au paiement d'une indemnité d'occupation de 315,00 euros par mois à compter du 4 décembre 2012, et jusqu'à libération complète des lieux,

Condamne Mme [A] [I] à payer à M. [L] [M] et Mme [Y] [T], épouse [M], la somme de 40 005,00 euros au titre des indemnités d'occupation échues du 4 décembre 2012 au 30 juin 2023,

Dit que chaque indemnité courue depuis le 4 décembre 2012 et jusqu'au 30 juin 2023 sera assortie des intérêts au taux légal à terme échu, soit à compter du 1er du mois suivant l'échéance,

Dit que les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts,

Condamne Mme [A] [I] à payer à M. [L] [M] et Mme [Y] [T], épouse [M], une indemnité d'occupation de 315,00 euros par mois à compter du 1er juillet 2023 et jusqu'à libération complète des lieux,

Rappelle que l'expulsion de Mme [A] [I] a d'ores et déjà été ordonnée par l'arrêt du 20 mai 2021,

Condamne Mme [A] [I] à payer à M. [L] [M] et Mme [Y] [T], épouse [M], la somme de 1 219,08 euros en remboursement des frais d'expertise supportés par eux,

Condamne Mme [A] [I] aux entiers dépens de première instance et d'appel, à l'exclusion des frais d'expertise de Mme [S] partagés par moitié entre les parties, avec application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Me Clarisse Dormeval, avocat,

Condamne Mme [A] [I] à payer à M. [L] [M] et Mme [Y] [T], épouse [M], la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ainsi prononcé publiquement le 24 octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.

La Greffière La Présidente

Copies : 24/10/2024

Me Clarisse DORMEVAL

la SCP VISIER PHILIPPE - OLLAGNON DELROISE & ASSOCIES