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Décisions

CA Versailles, ch. soc. 4-6, 10 octobre 2024, n° 24/02715

VERSAILLES

Arrêt

Autre

CA Versailles n° 24/02715

10 octobre 2024

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 88B

Chambre sociale 4-6

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 10 OCTOBRE 2024

N° RG 24/02715 -

DOSSIER DISJOINT AU RG : 21/3152

N° Portalis DBV3-V-B7I-WZCK

AFFAIRE :

S.A.S. [6]

C/

Société URSAFF D'[Localité 4]

Décision déférée à la cour : Sur requête en interprétation d'un arrêt rendu le 14 Novembre 2017 par les chambres sociales réunies de la cour d'appel de VERSAILLES

Copies exécutoires délivrées à :

Me Franck DREMAUX de la SELARL SELARL PRK & Associes

SOCIETE URSAFF D'[Localité 4]

Copies certifiées conformes délivrées à :

S.A.S. [6]

Société URSAFF D'[Localité 4]

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE DIX OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

La cour d'appel de Versailles, a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :

Ayant saisi la cour d'appel de Versailles par déclaration enregistrée au greffe social le 7 novembre 2023 en exécution d'un arrêt de la Cour de cassation du 7 septembre 2023 cassant et annulant l'arrêt rendu le 11 mars 2021 par la cour d'appel de Versailles

S.A.S. [6]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

représentée par Me Franck DREMAUX de la SELARL SELARL PRK & Associes, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312 substituée par Me Benjamin GEVAERT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0312

DEMANDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

SOCIETE URSAFF D'[Localité 4]

Division recours amiables et judiciaires

[Adresse 7]

[Adresse 7]

représentée par M. [F] [G] (Représentant légal) en vertu d'un pouvoir général

DEFENDERESSE DEVANT LA COUR DE RENVOI

****************

Composition de la cour :

L'affaire a été débattue à l'audience publique du 04 Juin 2024, devant la cour composée de :

Madame Nathalie COURTOIS, Présidente,

Madame Véronique PITE, Conseillère,

Madame Odile CRIQ, Conseillère,

et que ces mêmes magistrats en ont délibéré conformément à la loi,

dans l'affaire,

Greffière, lors des débats : Madame Juliette DUPONT

Greffière lors du prononcé : Madame Isabelle FIORE

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS [6] (ci-après, la 'Société') exerce son activité dans le secteur de la construction de réseaux pour fluide. Elle est une filiale du groupe [3].

Le 20 janvier 2014, la société a été avisée par l'URSSAF [Localité 4] de ce qu'elle allait effectuer un contrôle au sein de tous les établissements de la société situés en France, pour la période comprise entre le 1er janvier 201l et le 31 décembre 2013.

Le 8 octobre 2014, aux termes des opérations de contrôle, une lettre d'observations a été adressée à la Société, s'agissant de son établissement situé à [Localité 2], dans laquelle l'URSSAF indiquait envisager de procéder à un redressement à hauteur de la somme de 33 248 euros au titre de six chefs de redressement.

Le 10 novembre 2014, la Société a fait valoir ses observations et par courrier du 27 novembre 2014, l'URSSAF lui a notifié réduire le redressement envisagé à la somme de 33 206 euros.

Par lettre du 30 décembre 2014, notifiée le 31 décembre 2014, l'URSSAF a mis en demeure la Société d'avoir à payer la somme de 33 206 euros à laquelle s'ajoutait la somme de 5 534 euros au titre des majorations de retard.

Par courrier du 29 janvier 2015, la Société a saisi la commission de recours amiable de 1'URSSAF (ci-après, la 'CRA') pour contester cette mise en demeure.

Le 5 février 2015, 1'URSSAF a fait signifier à la Société une contrainte émise le 2 février 2015, au titre des redressements pour les années 2011 à 2013, pour un montant total de 38 740 euros.

Le 16 février 2015, la Société a formé opposition à la contrainte devant le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (ci-après, le 'TASS').

La CRA a rendu une décision de rejet en sa séance du 9 février 2016.

Par jugement contradictoire rendu le 14 novembre 2017, le TASS a :

dit la Société recevable en son opposition à la contrainte qui lui a été signifiée le 5 février 2015 à la demande de l'URSSAF à la suite du contrôle dont elle a fait l'objet concernant son établissement sis à [Localité 2] suivant lettre d'observations du 8 octobre 2014

dit l'URSSAF prescrite en son action en recouvrement des cotisations dues pour l'année 2011

dit que la mise en demeure adressée le 30 décembre 2014 à la Société est régulière

dit que la contrainte émise le 2 février 2015 à l'encontre de la Société qui lui a été signifiée le 5 février 2015 est régulière

validé les chefs de redressement n°1, 2, 3, 4, 5 et 6 qui ont été notifiés à la Société par l'URSSAF à la suite du contrôle dont elle a fait l'objet s'agissant de son établissement de [Localité 2] suivant lettre d'observations du 8 octobre 2014

validé la contrainte dont opposition pour la somme de 14 228 euros dont 1 718 euros au titre des majorations de retard

rejeté toute autre demande des parties

laissé les frais de signification de la contrainte dont opposition à la charge de la Société

rappelé que la procédure devant le tribunal est exempte de dépens

rejeté la demande de la Société relative au droit proportionnel et au droit de recouvrement visés dans l'acte de signification de la contrainte dont opposition.

Selon déclaration du 5 février 2018, la Société a relevé appel du jugement.

Les parties ont été convoquées à l'audience du 24 octobre 2019 et, compte tenu de la carence des parties, un arrêt de radiation a été rendu le 7 novembre 2019.

La Société a sollicité la réinscription de son dossier le 17 juillet 2020.

Par arrêt du 11 mars 2021, la cinquième chambre de la cour d'appel de Versailles a statué comme suit :

confirme en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine le 14 novembre 2017, sauf en ce qu'il a dit que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'[Localité 4] était prescrite en son action en recouvrement des cotisations dues pour l'année 2011 et en ce qui concerne le montant validé de la contrainte

Statuant à nouveau et y ajoutant,

décide que l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales d'[Localité 4] n'est pas prescrite en son action en recouvrement des cotisations dues pour l'année 2011

valide la contrainte signifiée à la société [6] le 5 février 2015 pour son montant rapporté à la somme de 38 129 euros, dont 32 595 euros de cotisations et 5 534 euros de majorations de retard provisoires

rappelle que les majorations de retard sont dues jusqu'à complet paiement du montant principal des cotisations

condamne la société [6] aux dépens depuis le 1er janvier 2019

déboute les parties de toute demande autre, plus ample ou contraire.

La société a formé un pourvoi en cassation.

Par arrêt du 7 septembre 2023, la Cour de cassation a cassé et annulé mais seulement en ce qu'il valide les chefs de redressement n°4 et 5 relatifs aux « avantage en nature véhicule » et « avantage en nature logement » et valide la contrainte pour la somme de 38 129 euros, et a remis, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d'appel de Versailles, autrement composée, aux motifs suivants :

Sur le premier moyen

4. Selon l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. A cette fin, il importe qu'elle précise à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elle se rapporte, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

5. L'arrêt retient, par motifs propres et adoptés, que la mise en demeure du 30 décembre 2014 fait expressément référence à la période contrôlée et à la lettre d'observations du 3 octobre 2014 comme à la réponse et au nouveau chiffrage calculé par l'inspecteur du recouvrement. Il relève

également que ce chiffrage a été effectué année par année, ce qui confirme que la société ne pouvait rien ignorer de la nature, de la cause ou de l'étendue de ses obligations.

6. De ces constatations, la cour d'appel a exactement déduit que la procédure était régulière.

7. Le moyen n'est, dès lors, pas fondé.

Sur le second moyen

Vu les articles L242-1 du code de la sécurité sociale, alinéa 1, et 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 modifié, relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations sociales :

9. Revêtent le caractère d'avantages en nature, au sens du premier de ces textes, devant être réintégrés dans l'assiette des cotisations sociales, les avantages constitués par l'économie de frais de transport réalisée par les salariés bénéficiaires de la mise à disposition d'un véhicule dont l'entreprise assume entièrement la charge.

10. En application du second de ces textes, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

11. Pour dire que les salariés bénéficiaient de l'avantage en nature résultant de la mise à disposition à titre permanent d'un véhicule, l'arrêt retient qu'ils sont membres d'une [1], auprès de laquelle ils obtiennent, en échange d'une cotisation annuelle, un véhicule qu'ils peuvent utiliser aussi bien à des fins professionnelles que personnelles et que si la société règle à l'association les factures correspondant aux kilomètres parcourus par ses adhérents à titre professionnel avec la mention de l'identité du collaborateur, de la marque, du type et de l'immatriculation du véhicule concerné ainsi que du nombre de kilomètres professionnels et de la valeur unitaire de l'indemnité kilométrique conforme à ce que retient l'administration fiscale, la cotisation versée par les salariés est dérisoire et ne permet à l'évidence pas de couvrir la charge de leurs déplacements personnels. Il souligne qu'il n'est pas justifié qu'en plus de cette cotisation, les salariés prennent à leur charge les kilomètres parcourus à titre personnel et qu'il est acquis qu'ils ne supportent pas les frais de réparation ni d'entretien des véhicules utilisés.

12. Il ajoute que les statuts de l'association ne prévoient pas qu'une cotisation soit obligatoire et qu'il n'existe aucun système de contrôle mis en place par la société pour s'assurer du nombre de kilomètres parcourus à quelque titre que ce soit.

13. En statuant ainsi, par des motifs insuffisants à caractériser, dans son principe et dans son montant, l'avantage en nature litigieux, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Sur le troisième moyen

Vu les articles 2, 8 et 10 de l'arrêté du 20 décembre 2002 modifié relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations sociales :

15. Il ressort du deuxième de ces textes que la mobilité professionnelle implique un changement de lieu de résidence lié à un changement de poste de travail du salarié dans un autre lieu de travail et que l'employeur est autorisé à déduire de l'assiette des cotisations sociales les indemnités destinées à compenser les dépenses inhérentes à l'installation dans le nouveau logement, qui sont réputées être utilisées conformément à leur objet pour un certain montant.

16. Pour valider le redressement relatif à l'avantage en nature logement, l'arrêt retient que chacune des personnes concernées a bénéficié gratuitement, pendant six mois, d'un local d'habitation qui n'était pas destiné à faciliter la recherche d'un nouveau logement mais à constituer sa résidence permanente, dès la mutation intervenue.

17. En se déterminant ainsi, sans rechercher si, comme le soutenait la société, cette prise en charge temporaire du loyer du nouveau logement ne visait pas à compenser forfaitairement les dépenses inhérentes à la nécessité, pour ces salariés, de s'installer dans ce nouveau logement en raison de leur mutation professionnelle, la cour d'appel a privé sa décision de base légale

Les 7 et 8 novembre 2023, la société [6] a saisi à deux reprises la cour d'appel de Versailles, autrement composée.

Par ordonnance de jonction du 22 novembre 2023, le magistrat de la mise en état a joint les procédures inscrites sous les numéros RG 23/03186 et 23/03152 et dit qu'elles se poursuivront sous le numéro RG 23/03152.

L'affaire a été appelée à l'audience du 4 juin 2024.

Aux termes de ses conclusions écrites du 5 janvier 2024, et reprises oralement à l'audience, la société [6], établissement de [Localité 2], demande à la cour de :

infirmer le jugement rendu par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Nanterre du 14 novembre 2017 et statuant de nouveau demande :

1. L'annulation de la contrainte et de sa signification en demeure en raison des irrégularités qu'elles présentent et de son absence de fondement

Vu les articles L.244-2, L.244-3, L.244-9 et R.133-3 et suivants du code de la Sécurité sociale.

dire et juger que la contrainte du 2 février 2015 et sa signification sont irrégulières, nulle et de nul effet

dire et juger en outre que la contrainte est sans fondement

en conséquence, annuler contrainte du 2 février 2015 et de sa signification

2. L'annulation des chefs de redressement relatifs à l'avantage en nature véhicule et logement

Vu notamment l'article 6-1 de la convention Européenne des droits de l'Homme les articles R.243-59, et R.242-5 du code de la Sécurité sociale

au fond, dire et juger que les chefs de redressement retenus sont infondés

en conséquence, annuler les chefs de redressement relatifs à l'avantage en nature véhicule et avantage en nature logement

dans tous les cas, dire que tant la contrainte que sa signification sont irrégulières et les annuler

débouter 1'URSSAF de l'ensemble de ses demandes fins et conclusions

dire et juger que l'URSSAF conservera à sa charge les frais de signification de la contrainte.

Selon ses conclusions écrites du 16 mai 2024, et reprises oralement à l'audience, l'URSSAF [Localité 4] demande à la cour de :

confirmer le jugement du 14 novembre 2017 du tribunal des affaires de Sécurité sociale de Nanterre en ce qu'il a maintenu les chefs de redressement n°4 et n°5 relatifs à l'avantage en nature véhicule et à l'avantage en nature logement et validé la contrainte dont opposition

réformer le jugement du 14 novembre 2017 du tribunal des affaires de sécurité social de Nanterre en qu'il a dit l'URSSAF [Localité 4] prescrite en son action en recouvrement des cotisations de l'année 2011 et en ce qu'il a validé la contrainte dont opposition pour la somme de 14 228 euros dont 1. 718 euros au titre des majorations de retard,

Ce faisant et statuant à nouveau, y ajoutant,

valider la contrainte du 02 février 2015 pour la somme totale ramenée à 38 129 euros soit 32 595 euros de cotisations et 5 534 euros de majorations de retard provisoires au titre des exercices 2011, 2012 et 2013

subsidiairement et si par impossible, la cour décidait d'annuler les chefs de redressement n°4 et n°5 relatifs à l'avantage en nature véhicule et à l'avantage en nature logement

valider la contrainte du 02 février 2015 pour la somme totale ramenée à 26 167 euros soit 22 141 euros de cotisations et 4 026 euros de majorations de retard provisoires au titre des périodes en cause

et en tout état de cause, débouter la société [6] de ses autres et plus amples demandes (annulation de la mise en demeure et de la contrainte ainsi que des autres chefs de redressement),

condamner la société [6] aux frais de signification de la contrainte du 02 février 2015

condamner la société [6] aux entiers dépens de l'instance.

Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra et de la note d'audience.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la disjonction

Selon l'article 367 du code de procédure civile, 'Le juge peut, à la demande des parties ou d'office, ordonner la jonction de plusieurs instances pendantes devant lui s'il existe entre les litiges un lien tel qu'il soit de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire ou juger ensemble.

Il peut également ordonner la disjonction d'une instance en plusieurs'.

Il convient de constater que le magistrat chargé d'instruire l'affaire a ordonné la jonction entre les dossiers RG23-3151 et RG23-3152 alors que les parties sont différentes, le premier dossier concernant le siège social de la SAS [6] et le second, l'établissement de [Localité 2] de la société, de sorte qu'il y a lieu d'ordonner la disjonction de ces deux affaires et de préciser que l'ancien numéro RG23-3151 est remplacé par le numéro RG24-2715.

Sur le moyen tiré de la nullité de la contrainte

Sur la recevabilité de l'exception

La société soulève le fait que la référence de la mise en demeure visée dans la contrainte ne correspond pas à la mise en demeure qui lui a été notifiée le 30 décembre 2014 et soulève la nullité de la contrainte pour irrégularité de forme.

L'Urssaf indique que la Cour n'est saisie que de la contestation des chefs de redressement n°4 et 5 et non de la validité de la mise en demeure qui a été tranchée par la cour de cassation.

Il convient de rappeler que la Cour de renvoi dispose de la plénitude de juridiction, dans la mesure où l'affaire est à nouveau jugée en fait et en droit par la juridiction de renvoi à l'exclusion des chefs non atteints par la cassation (article 638 du code de procédure civile).

En l'espèce, la cassation porte sur les chefs de redressement n°4 et n°5 et donc de tous les actes s'y rattachant dont la contrainte.

Si la cour de cassation a eu à trancher une autre formulation du moyen, la société ayant relevé que la mise en demeure du 30 décembre 2014 ne comportait pas la mention année par année des cotisations et majorations de retard réclamées pour les trois années de la période contrôlée pour laquelle elle lui a été délivrée, pour autant la Société est en droit d'invoquer de nouveaux moyens en lien direct avec l'objet de la saisine qu'il convient d'étudier dès lors que le moyen porte sur la validité de la contrainte pour défaut de mention des références de la mise en demeure préalable et non sur la validité de la mise en demeure déjà tranchée par la cour de cassation.

Sur le bien-fondé du moyen tiré de la nullité de la contrainte

Selon l'article R133-3 du code précité, ' Si la mise en demeure ou l'avertissement reste sans effet au terme du délai d'un mois à compter de sa notification, les directeurs des organismes créanciers peuvent décerner, dans les domaines mentionnés aux articles L. 133-8-7, L. 161-1-5 ou L. 244-9, une contrainte comportant les effets mentionnés à ces articles. La contrainte est notifiée au débiteur par tout moyen permettant de rapporter la preuve de sa date de réception ou lui est signifiée par acte d'huissier de justice. La contrainte est signifiée au débiteur par acte d'huissier de justice ou par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. A peine de nullité, l'acte d'huissier ou la notification mentionne la référence de la contrainte et son montant, le délai dans lequel l'opposition doit être formée, l'adresse du tribunal compétent et les formes requises pour sa saisine.

L'huissier de justice avise dans les huit jours l'organisme créancier de la date de signification.

Le débiteur peut former opposition par inscription au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort duquel il est domicilié ou pour les débiteurs domiciliés à l'étranger, au secrétariat du tribunal compétent dans le ressort de l'organisme créancier par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée au secrétariat dudit tribunal dans les quinze jours à compter de la notification ou de la signification. L'opposition doit être motivée ; une copie de la contrainte contestée doit lui être jointe. Le secrétariat du tribunal informe l'organisme créancier dans les huit jours de la réception de l'opposition.

La décision du tribunal, statuant sur opposition, est exécutoire de droit à titre provisoire'.

Il résulte de cet article que la contrainte doit permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. Aucun texte n'impose la mention de la référence de la mise en demeure préalable dès lors que la contrainte comporte des éléments suffisants pour permettre au cotisant de vérifier qu'une mise en demeure lui a bien été délivrée préalablement et qu'il y a adéquation du montant, de la nature et de l'étendue de la créance entre la mise en demeure et la contrainte.

En l'espèce, la contrainte fait état d'une mise en demeure en date du 30 décembre 2014 et porte sur un montant de cotisations, pour les années 2011 à 2013, de 33 206 euros, informations correspondant en tous points aux mentions figurant dans la mise en demeure.

La SAS [6], établissement de [Localité 2], ne pouvait donc rien ignorer de la nature, de la cause ou de l'étendue de ses obligations, de sorte que la procédure est régulière et le moyen de nullité rejeté.

Sur la prescription de l'année 2011

Il convient de relever que le jugement entrepris a dit prescrites les cotisations réclamées au titre de l'année 2011; que l'arrêt de la cour d'appel de Versailles du 11 mars 2021 a dit non prescrite cette année, la Cour relevant que les parties s'accordaient à l'audience à considérer sur le principe que les réclamations de l'Urssaf n'étaient pas prescrites en ce qui concernait l'année 2011; que la question de la prescription n'a pas été soulevée devant la Cour de Cassation, de sorte que ce point est définitivement tranché.

Sur le chef de redressement n°4

Sur le fond

Selon l'article L242-1 du code de sécurité sociale dans sa version applicable au litige, ' Pour le calcul des cotisations des assurances sociales, des accidents du travail et des allocations familiales, sont considérées comme rémunérations toutes les sommes versées aux travailleurs en contrepartie ou à l'occasion du travail, notamment les salaires ou gains, les indemnités de congés payés, le montant des retenues pour cotisations ouvrières, les indemnités, primes, gratifications et tous autres avantages en argent, les avantages en nature, ainsi que les sommes perçues directement ou par l'entremise d'un tiers à titre de pourboire.[...]'

Selon l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale dans sa version applicable au litige, ' Sous réserve des dispositions de l'article 5 ci-dessous, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

Les dépenses réellement engagées sont évaluées comme suit :

- en cas de véhicule acheté, elles comprennent l'amortissement de l'achat du véhicule sur cinq ans, l'assurance et les frais d'entretien et, le cas échéant, les frais de carburant. Si le véhicule a plus de cinq ans, l'amortissement de l'achat du véhicule est de 10 % ;

- en cas de location ou de location avec option d'achat, elles comprennent le coût global annuel de la location, l'entretien et l'assurance du véhicule et, le cas échéant, les frais de carburant.

Les dépenses sur la base d'un forfait sont évaluées comme suit :

- en cas de véhicule acheté, l'évaluation est effectuée sur la base de 9 % du coût d'achat et lorsque le véhicule a plus de cinq ans sur la base de 6 % du coût d'achat. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ces derniers pourcentages auxquels s'ajoute l'évaluation des dépenses du carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 12 % du coût d'achat du véhicule et de 9 % lorsque le véhicule a plus de cinq ans ;

- en cas de véhicule loué ou en location avec option d'achat, l'évaluation est effectuée sur la base de 30 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ce dernier pourcentage auquel s'ajoute l'évaluation des dépenses de carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 40 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien, l'assurance du véhicule et le carburant'.

Selon l'article 5 du décret précité, ' Les montants des forfaits prévus aux articles 1er, 2, 3 et 4 ci-dessus constituent des évaluations minimales, à défaut de stipulations supérieures arrêtées par convention ou accord collectif, et peuvent être remplacés par des montants supérieurs d'un commun accord entre les travailleurs et leurs employeurs.

S'agissant des personnes relevant des 11°, 12° et 23° de l'article L. 311-3 du code de la sécurité sociale, les avantages nourriture et logement sont déterminés d'après la valeur réelle'.

Selon la circulaire DSS/SDFSS/5B n°2007/07 du 7 janvier 2003, ' L'utilisation d'un véhicule mis à disposition du salarié de façon permanente constitue un avantage en nature qu'il s'agisse d'un véhicule dont l'employeur est propriétaire ou locataire, ou d'un véhicule dont l'employeur acquiert la propriété dans le cadre de location avec option d'achat. La mise à disposition à titre permanent du véhicule chaque fois que les circonstances de fait permettent au salarié d'utiliser à titre privé - et donc en dehors du temps de travail -un véhicule professionnel. On considère donc qu'il y a mise à disposition permanente lorsque le salarié n'est pas tenu à restituer le véhicule en dehors de ses périodes de travail, notamment en fin de semaine (samedi et dimanche) ou pendant ses périodes de congés.[...]'.

L'avantage en nature véhicule est constitué par la mise à disposition permanente et gratuite ou à un prix inférieur au coût supporté par l'employeur d'un véhicule pour l'utilisation personnelle qu'en font les salariés leur permettant ainsi de réaliser une économie sur leurs dépenses personnelles. L'avantage en nature consenti par l'employeur à ses salariés peut être accordé par

l'intermédiaire d'un tiers auquel l'employeur rembourse le coût financier de l'avantage.

Lorsque des salariés sont membres d'une association qui met à leur disposition permanente des véhicules pour leur usage privé ou professionnel moyennant une cotisation personnelle pour l'utilisation personnelle et que l'association facture mensuellement à l'employeur les indemnités kilométriques correspondant à l'usage professionnel de ces véhicule, la simple constatation du caractère modique de la redevance acquittée par les salariés ne suffit pas à caractériser l'existence d'un avantage en nature et d'en déterminer le montant (Cour de cassation, ch.soc. n°21-10760 du 22 septembre 2022; ch.soc.n°98-18722 du 20 avril 2000 rendu dans une affaire opposant l'Urssaf aux différentes sociétés du groupe [3]).

En effet, l'avantage en nature se distingue de la catégorie des frais professionnels qui sont destinés à couvrir des charges de caractère spécial inhérentes à la fonction et à l'emploi que le salarié supporte au titre de l'accomplissement de ses missions. A ce titre, ils sont exclus de l'assiette des cotisations en application des dispositions de l'article 1er de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale. Il est de jurisprudence constante qu'il appartient à l'employeur de justifier de cette qualification en rapportant la preuve de la nature et du montant des frais professionnels engagés.

L'article 2 du même arrêté précise que l'indemnisation des frais professionnels s'effectue au choix de l'employeur soit sous la forme du remboursement des dépenses réellement engagées par le travailleur salarié, à charge pour l'entreprise de produire les justificatifs qui y afférent, soit sur la base d'allocations forfaitaires, l'employeur étant autorisé à déduire leurs montants dans les limites fixées par l'arrêté sous réserve de l'utilisation effective des indemnités forfaitaires allouées conformément à leur objet.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations du 3 décembre 2014 que l'inspectrice a constaté les faits suivants:

' Certains collaborateurs bénéficient à titre permanent de la mise à disposition d'un véhicule de

tourisme pour effectuer leurs déplacements professionnels. Compte tenu de cette mise à disposition à titre permanent, il y a lieu d'évaluer un avantage en nature. Les véhicules sont fournis par l'[1] ([1]). Il s'agit d'une association déclarée auprès de la Préfecture dont les membres bénéficiaires d'un véhicule sont salariés du groupe [3]. L'Association prend en charge l'ensemble des frais du véhicule, y compris l'assurance, I'entretien, et le carburant. Les membres adhérents de 1'[1] versent personnellement une cotisation annuelle correspondant à l'utilisation personnelle du véhicule. Cette cotisation est déterminée en fonction du type de véhicule mis à la disposition. Par ailleurs, I'employeur verse à l'[1] une redevance calculée sur le nombre de kilomètres professionnels parcourus qui est déclaré chaque mois par les salariés de l'entreprise à l'Association. Afin d'évaluer le montant des avantages, un courrier a été adressé le 11 juin à l'[1] Sanzillon, en

lettre recommandé avec accusé de réception, demandant de produire :

- la liste des bénéficiaires, le modèle du véhicule affecté

- le coût global annuel du véhicule (prix d'achat, ou coût du loyer, assurance, entretien, carburant)

- le montant de la participation individualisée par salarié

- le détail des kilomètres effectués (privés et professionnels) accompagnés de justificatifs probants pour établir la réalité des déplacements.

Au vu des éléments fournis, l'évaluation de l'avantage a été effectuée sur la base forfaitaire de 12% du coût d'achat des véhicules. Faute de justificatif permettant de valider le nombre de kilomètres effectués à titre privé et professionnel, cette évaluation n'a pas été proratisée en fonction du rapport : km parcourus à titre privé/ km totaux parcourus. Le redressement tient compte du montant de la cotisation annuelle versée par le salarié bénéficiaire'.

Pour une meilleure compréhension, il convient de préciser que selon l'article 2 des statuts de l'association [1], celle-ci ' a pour objet, dans un but de solidarité, de défendre les intérêts de ses adhérents dans les rapports qu'ils entretiennent avec leurs employeurs ou avec quelconque tiers et concernant l'utilisation professionnelle des véhicules qu'ils possèdent ou dont ils se sont assurés la disposition' et selon l'article 5, ' dans le but de faire fonctionner l'association, des cotisations pourront être versées par les membres à première demande des administrateurs. En outre, les ressources de l'association seront constituées par l'ensemble des remboursements de frais, qui seront versés par les entreprises ou sociétés qui emploient des utilisateurs de véhicules, chaque fois que ces véhicules seront utilisés pour les besoins de leur travail. A l'aide de ces ressources, l'association fera son affaire, pour le compte de ses adhérents, des règlements des factures de location et des différentes factures d'entretien et de réparation concernant les véhicules de ses membres'.

Il se déduit de ces différents textes qu'il y a avantage en nature dès lors que le salarié fait l'économie de dépenses qu'il aurait dû normalement supporter, ce qui, au cas d'espèce, correspondrait à l'utilisation d'un véhicule automobile à des fins personnelles sans assumer les frais d'entretien courant, d'essence ou de location. L'avantage en nature doit être pris en compte au titre de la rémunération, au sens des dispositions précitées, dès lors que cet octroi est fourni en considération de l'appartenance du salarié à l'entreprise concernée. C'est pourquoi, l'intervention d'un tiers dans la mise à disposition d'un véhicule au profit d'un salarié n'exclut pas par elle-même l'existence d'un avantage en nature conféré par l'employeur à son salarié. Il en est de même pour l'éventuelle participation du salarié, laquelle ne vient que minorer la valeur de l'avantage en nature du montant de sa participation.

La SAS [6] soutient qu'elle ne met aucun véhicule à disposition de ses salariés, que les véhicules concernés par le redressement ne lui appartiennent pas et qu'elle ne règle que des kilomètres parcourus à titre professionnel dans le respect du barème fiscal.

Dès lors que la SAS [6] soutient que les sommes redressées sont des frais professionnels, il lui appartient de le démontrer, la charge de la preuve pesant sur elle et non sur l'Urssaf.

En effet, les frais professionnels s'entendent des charges de caractère spécial :

- inhérentes à la fonction ou à l'emploi du travailleur salarié ou assimilé

- et que celui-ci supporte au titre de l'accomplissement de ses missions pour l'entreprise.

Les remboursements effectués par l'employeur au titre des frais professionnels et correspondant aux dépenses réellement engagées par le salarié ne sont susceptibles d'être exonérés que si les frais auxquels ils sont destinés à faire face sont appuyés de justifications suffisamment précises pour en établir la réalité et le montant, et s'il est clairement démontré que les frais en cause ont été exposés dans l'intérêt de l'entreprise et ne sont pas d'un niveau exagéré. Les justifications doivent pouvoir être produites dès que l'administration le demande.

La SAS [6] soutient justifier la nature professionnelle des frais kilométriques pris en charge par elle en produisant quelques factures mensuelles établies par l'association [1], celles-ci mentionnant le nom des salariés concernés, leur numéro d'adhérent, le numéro d'immatriculation et la marque du véhicule utilisé, le nombre de kilomètres professionnels retenus, le taux de l'indemnité kilométrique appliqué et le montant dû par l'employeur. Néanmoins, les factures produites aux débats (pièces 4 et 16) sont insuffisantes pour démontrer la nature professionnelle des kilomètres facturés, l'association n'ayant ni le rôle ni le pouvoir de contrôle sur les salariés qui sont autorisés à utiliser ces véhicules à titre professionnel et à titre personnel sans aucune limitation de kilométrage. Si des notes de frais, visées par le responsable hiérarchique du salarié concerné, sont jointes aux dites factures et semblent s'inscrire dans un processus de contrôle interne, pour autant la société est tenue de produire les justificatifs sur la base desquels le responsable hiérarchique a validé ces notes de frais, ce qu'elle ne fait pas. Il ne lui suffit pas, comme proposé par la société, de soustraire le nombre de kilomètres facturés à la société du nombre total de kilomètres parcourus pour que cela prouve le caractère professionnel des kilomètres facturés outre le fait que la distinction repose sur le déclaratif du salarié adhérent.

Comme relevé par l'Urssaf, la SAS [6] ne produit aucun état détaillé des missions et des dépenses des salariés concernés, aucun justificatif du motif de leurs déplacements, des dates, des lieux de départ et de destination alors que ces véhicules sont utilisés tant à titre professionnel que personnel et sont mis à la disposition des adhérents sans aucune limitation. C'est à juste titre que l'Urssaf constate que la SAS [6], sur qui pèse la charge de la preuve de la nature et du montant des frais engagés, ne s'assure pas de la réalité du nombre de kilomètres parcourus à titre professionnel et ne procède à aucune vérification alors qu'elle est tenue à une telle preuve dans le cadre d'une exonération de cotisations constituant une exception au principe d'assujettissement.

Cette seule carence probatoire suffit à justifier le chef de redressement, la SAS [6] ne justifiant pas de la réalité des frais professionnels qu'elle exclut de l'assiette de ses cotisations, de sorte que la prise en charge par la société d'indemnités kilométriques au titre de l'utilisation par chaque salarié concerné d'un véhicule dont il a la disposition permanente en considération de son appartenance à la société constitue bien un avantage en nature.

Surabondamment, c'est à juste titre que tant l'Urssaf que les premiers juges relèvent qu'au regard des cotisations annuelles modiques réglées par les salariés concernés et de l'étendue de la prise en charge financière par l'association (règlement des factures de location des véhicules, paiement des factures d'entretien et de réparation, prise en charge de l'assurance et d'une carte carburant), seules les sommes réglées par la société pouvaient couvrir l'intégralité de ces dépenses et donc nécessairement les dépenses de nature personnelle.

La SAS [6] ne justifiant d'aucune autre source de financement au profit de cette association, ne démontrant pas, comme soutenu, que celle-ci accueillait les salariés d'autres entreprises et ne justifiant par aucun document comptable l'équilibre des comptes entre les recettes (cotisations annuelles réglées par les salariés adhérents et les frais kilométriques réglés par la société) et les charges précitées, aucun élément probant ne permet de déterminer le nombre de kilomètres réalisés à titre personnel et leur coût, les salariés ne faisant aucune avance de frais et les statuts et règlement de l'association ne prévoyant aucune réactualisation du montant de la cotisation annuelle en fonction des kilomètres réellement parcourus à titre personnel au cours de l'année concernée. Par ailleurs, l'examen des statuts et règlement de ladite association fait clairement apparaître l'emprise du groupe [3] dont fait partie la SAS [6] sur le fonctionnement de l'association, les adhérents étant tous des salariés d'une des filiales du groupe [3], telle que la SAS [6], et les administrateurs de l'association étant des salariés ou anciens salariés du groupe [3].

Sur le montant du redressement et le moyen tiré du caractère irrégulier du recours à la taxation forfaitaire

Subsidiairement, la SAS [6] conteste l'évaluation réalisée de l'avantage en nature, estimant que les conditions du recours à cette estimation forfaitaire constitutive d'une taxation forfaitaire n'étaient pas réunies, ce que conteste l'Urssaf.

Il convient de rappeler que dans le cadre d'un contrôle d'assiette, l'employeur est tenu de présenter aux agents chargés du contrôle visés à l'article L243-7 du code de sécurité sociale, tout document et doit permettre l'accès à tout support d'information qui leur serait demandé.

L'évaluation de l'avantage en nature véhicule peut se faire au réel sur la base des dépenses réellement engagées ou selon le mode forfaitaire.

Comme indiqué par l'Urssaf, l'inspectrice s'est vu communiquer la liste nominative des utilisateurs au sein de la société, la marque et le type des véhicules mis à disposition, le montant de la cotisation annuelle acquittée par chaque utilisateur auprès de l'association et le coût d'achat TTC des véhicules, l'Urssaf précisant que l'inspectrice avait obtenu ces données suite à ses échanges avec l'association [1], la société n'ayant fourni que des fichiers Excel sans mention du coût des véhicules utilisés. Ces seuls éléments étant insuffisants pour évaluer l'avantage en nature sur la base du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance des véhicules, c'est sur la base forfaitaire dans le cadre de l'achat des véhicules que le redressement a été calculé sur la base de 12% du coût d'achat des véhicules utilisés, la société ayant communiqué le modèle ou la puissance du véhicule, et déduction faite des cotisations réglées par les adhérents. Il ne s'agit donc pas d'une taxation forfaitaire mais d'une évaluation forfaitaire de l'avantage en nature.

Selon l'article 3 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale dans sa version applicable au litige, 'Sous réserve des dispositions de l'article 5 ci-dessous, lorsque l'employeur met à la disposition permanente du travailleur salarié ou assimilé un véhicule, l'avantage en nature constitué par l'utilisation privée du véhicule est évalué, sur option de l'employeur, sur la base des dépenses réellement engagées ou sur la base d'un forfait annuel estimé en pourcentage du coût d'achat du véhicule ou du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule en location ou en location avec option d'achat, toutes taxes comprises.

Les dépenses réellement engagées sont évaluées comme suit :

- en cas de véhicule acheté, elles comprennent l'amortissement de l'achat du véhicule sur cinq ans, l'assurance et les frais d'entretien et, le cas échéant, les frais de carburant. Si le véhicule a plus de cinq ans, l'amortissement de l'achat du véhicule est de 10 % ;

- en cas de location ou de location avec option d'achat, elles comprennent le coût global annuel de la location, l'entretien et l'assurance du véhicule et, le cas échéant, les frais de carburant.

Les dépenses sur la base d'un forfait sont évaluées comme suit :

- en cas de véhicule acheté, l'évaluation est effectuée sur la base de 9 % du coût d'achat et lorsque le véhicule a plus de cinq ans sur la base de 6 % du coût d'achat. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ces derniers pourcentages auxquels s'ajoute l'évaluation des dépenses du carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 12 % du coût d'achat du véhicule et de 9 % lorsque le véhicule a plus de cinq ans ;

- en cas de véhicule loué ou en location avec option d'achat, l'évaluation est effectuée sur la base de 30 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien et l'assurance du véhicule. Lorsque l'employeur paie le carburant du véhicule, l'avantage est évalué suivant ce dernier pourcentage auquel s'ajoute l'évaluation des dépenses de carburant à partir des frais réellement engagés ou suivant un forfait global de 40 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien, l'assurance du véhicule et le carburant'.

Le pourcentage de 12% retenu par l'Urssaf est le plus avantageux des taux applicables, les autres étant de 30 % du coût global annuel comprenant la location, l'entretien, l'assurance, toutes taxes comprises lorsque le salarié paie son carburant, ou 40 % lorsque ce dernier ne le paie pas.

L'Urssaf a en outre déduit de cette somme la cotisation annuelle versée par chaque salarié à l'[1], de sorte que la réintégration dans l'assiette des cotisations n'a porté que sur le strict avantage dont il a bénéficié.

C'est donc à juste titre que l'Urssaf a fixé à la somme de 10 040 euros le montant du chef de redressement n°4 au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Le jugement est infirmé sur le quantum.

Sur le chef de redressement n°5: avantage en nature logement

La société conteste ce chef de redressement en exposant qu'à l'occasion de la mobilité professionnelle des deux salariées concernées, elle a participé aux frais d'installation dans leur nouveau logement supportés par les intéressées; que dans un souci de simplification de gestion, la société a modifié ses pratiques ( versement d'une prime de rideau exonérée de charges sociales dans les conditions fixées par l'arrêté du 20 décembre 2002) sans pour autant remettre en cause le principe de l'indemnisation inhérente à la mobilité professionnelle, ce que conteste l'Urssaf.

En l'espèce, il résulte de la lettre d'observations que l'inspectrice a constaté que 'Lorsque des collaborateurs sont amenés à déménager dans le cadre de la mobilité, et lorsque ceux-ci sont logés par l'employeur ( bail au nom de la société), il a été constaté qu'aucun avantage en nature n'était retenu sur la paie des intéressés pendant les premiers mois (3 ou 6 mois selon la région). Or les dépenses provisoires d'hébergement ne peuvent être exonérées de cotisations dans le cadre de la mobilité qu'à la condition que le salarié soit à la recherche d'un nouveau logement (preuve que le salarié réside en hôtel, mobile home, location...). Dans le cas présent, les salariés mutés ne sont pas exposés à de telles dépenses puisque logés par l'employeur. De ce fait, il y a lieu de réintégrer la valeur de l'avantage en nature logement dans l'assiette des cotisations. L'évaluation ci-dessous est effectuée selon les barèmes en vigueur (fonction de la rémunération et du nombre de pièces)'.

Ainsi, ce chef de redressement concernait deux salariées en situation de mobilité professionnelle, Mmes [H] et [W].

Selon l'article 2 de l'arrêté du 10 décembre 2002 relatif à l'évaluation des avantages en nature en vue du calcul des cotisations de sécurité sociale, ' pour les travailleurs salariés et assimilés auxquels l'employeur fournit le logement, l'estimation de l'avantage en nature est évaluée forfaitairement. Elle peut également être calculée, sur option de l'employeur, d'après la valeur locative servant à l'établissement de la taxe d'habitation dans les conditions prévues aux articles 1496 et 1516 du code général des impôts et d'après la valeur réelle pour les avantages accessoires[...]'.

Selon l'article 8 de l'arrêté du 20 décembre 2002 relatif aux frais professionnels déductibles pour le calcul des cotisations de sécurité sociale dans sa version applicable au litige, 'Les frais engagés par le travailleur salarié ou assimilé dans le cadre d'une mobilité professionnelle sont considérés comme des charges de caractère spécial inhérentes à l'emploi.

La mobilité professionnelle suppose un changement de lieu de résidence lié à un changement de poste de travail du salarié dans un autre lieu de travail. Le travailleur salarié ou assimilé est présumé placé dans cette situation lorsque la distance séparant l'ancien logement du lieu du nouvel emploi est au moins de 50 kilomètres et entraîne un temps de trajet aller ou retour au moins égal à 1 h 30. Toutefois, lorsque le critère de distance kilométrique n'est pas rempli, le critère du trajet aller doit, en tout état de cause et quel que soit le mode de transport, être égal au moins à 1 h 30.'

L'employeur est autorisé à déduire de l'assiette des cotisations sociales les indemnités suivantes:

1° Les indemnités destinées à compenser les dépenses d'hébergement provisoire et les frais supplémentaires de nourriture, dans l'attente d'un logement définitif : elles sont réputées utilisées conformément à l'objet pour la partie qui n'excède pas 60 Euros par jour pour une durée ne pouvant dépasser 9 mois ;

2° Les indemnités destinées à compenser les dépenses inhérentes à l'installation dans le nouveau logement : elles sont réputées utilisées conformément à l'objet pour la partie n'excédant pas 1 200 Euros, majorés de 100 Euros par enfant à charge dans la limite de 1 500 Euros ;[...]'.

Comme relevé par l'Urssaf, lorsque c'est la prise en charge du loyer par l'employeur qui est en cause, il convient de déterminer s'il correspond à l'un des frais d'hébergement considérés comme déductibles au titre des frais professionnels dans le cadre de la mobilité professionnelle prévus par les alinéas 1 et 2 de l'article 8 précité à savoir les dépenses d'hébergement provisoire ou les dépenses inhérentes à l'installation dans le nouveau logement.

L'Urssaf produit une lettre en date du 4 mai 2012 adressée par la société à Mme [H] selon laquelle 'Nous avons l'avantage de vous définir les conditions dans lesquelles vous occupez, à effet du 7 novembre 2011, le logement avec dépendances que notre société met à votre disposition [...] à titre d'accessoire de votre contrat de travail.

Votre participation au coût de votre logement sera calculée de la façon suivante :

- Si le montant du loyer que paie pour vous la Société est inférieur à 20 % de votre salaire, la redevance d'occupation qui vous sera demandée s'élèvera à la moitié du montant de ce loyer, la Société gardant à sa charge 1'autre moitié.

Si le montant du loyer payé pour vous par la Société est supérieur à 20 % de votre salaire, la Société limite sa participation à 15 % de vos appointements et votre redevance d'occupation représente la différence.

Dans ces conditions, la redevance d'occupation qui sera retenue mensuellement sur votre

salaire sera égale à 150,25 € à compter du 7 mai 2012 et variera en fonction de la variation de vos appointements bruts mensuels ainsi que la variation du loyer versé au propriétaire,

En outre, vous aurez à supporter la totalité des charges afférentes aux locaux.

En conséquence, si nous avons à en faire l'avance, nous vous débiterons du montant de ces charges.

Nous vous précisons que la règle applicable en matière de location est limitée à six ans.

A compter du 6ème anniversaire de l'occupation du logement, une dégressivité de la participation "employeur" intervient à partir de la 7ème année avec un abattement du taux de 5 % à partir de la 7ème année, maintenu sur la 8ème année puis une nouvelle dégressivité de 5% du taux pour la 9ème année.[...]'

Il apparaît clairement que le logement était adossé au contrat de travail comme un accessoire à ce contrat. Cette lettre fait apparaître que le paiement des loyers par l'employeur était totale pendant les 6 premiers mois d'occupation. Enfin, ce logement ne constituait pas un logement provisoire dans l'attente pour la salariée de trouver sa résidence principale mais constituait son logement définitif.

Sans démentir les constats de l'Urssaf par aucune pièce utile, la SAS [6] se contente d'invoquer des jurisprudences et la situation de mobilité professionnelle des salariées sans autre élément alors qu'il lui appartient de justifier remplir les conditions de l'article 8 1° ou 2° de l'arrêté du 20 décembre 2002 précités. Or, elle ne justifie pas qu'il s'agit soit d'un 'hébergement provisoire', les termes de la lettre cadre précitée évoquant une mise à disposition limitée à une période de 6 ans ensuite de laquelle la participation employeur devient dégressive, soit des 'dépenses inhérentes à l'installation dans le nouveau logement', alors que la participation de la société porte sur le paiement intégral du loyer pendant six mois puis de façon dégressive durant une durée minimum de six ans outre le fait que le bail était conclu directement entre la société et le bailleur.

Il convient de rappeler que s'agissant de frais professionnels invoqués par l'employeur, la charge de la preuve pèse sur lui. Or, la SAS [6] est défaillante dans l'administration de la preuve de sorte que c'est à juste titre que l'Urssaf a qualifié d'avantage en nature la mise à disposition de logement à ces deux salariées. Ne justifiant pas remplir les conditions du forfait tel que fixé par l'alinéa 2 de l'article 8 précité, il n'y avait pas lieu de le prendre en compte dans le calcul du redressement.

Il convient donc de confirmer le jugement de ce chef.

Sur la demande reconventionnelle de l'Urssaf de validation de la contrainte

Au vu de ce qui précède, elle demande la validation de la contrainte du 2 février 2015 pour la somme ramenée à 38 129 euros dont 32 595 euros de cotisations et 5 534 euros de majorations de retard provisoires au titre des années 2011-2012 et 2013 qu'il convient d'ordonner.

Sur les frais

Selon l'article R133-6 du code de sécurité sociale, 'Les frais de signification de la contrainte faite dans les conditions prévues à l'article R. 133-3, ainsi que de tous actes de procédure nécessaires à son exécution, sont à la charge du débiteur, sauf au cas où l'opposition aurait été jugée valable'.

En conséquence, la SAS [6] sera condamnée à payer la somme de 73,60 euros correspondant au coût de la signification du 5 février 2015 de la contrainte datée du 2 février 2015.

Sur les dépens

Il convient de condamner la SAS [6] aux dépens.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Ordonne la disjonction des affaires enrôlées sous les numéros RG23-3151 et RG23-3152 et précise que l'ancien numéro RG23-3152 est remplacé par le numéro RG24-2715 ;

Dit recevable la fin de non-recevoir tirée de la nullité de la contrainte mais la dit mal-fondée;

Confirme le jugement du tribunal des affaires de sécurité sociale des Hauts-de-Seine (devenu tribunal judiciaire, pôle social) du 14 novembre 2017 sauf en ce qu'il a dit prescrite l'année 2011 pour le chef de redressement n°4;

Statuant à nouveau et y ajoutant;

Dit non prescrite l'année 2011 au titre du chef de redressement n°4;

Fixe à la somme totale de 10 040 euros le montant du chef de redressement n°4 au titre des années 2011, 2012 et 2013;

Valide la contrainte du 2 février 2015 pour la somme ramenée à 38 129 euros dont 32 595 euros de cotisations et 5 534 euros de majorations de retard provisoires au titre des années 2011-2012 et 2013 ;

Condamne la SAS [6] à payer à l'Urssaf [Localité 4] la somme de 73,60 euros correspondant au coût de la signification du 5 février 2015 de la contrainte datée du 2 février 2015;

Condamne la SAS [6] aux dépens.

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Nathalie COURTOIS, Présidente et par Madame Isabelle FIORE Greffière, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente