Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-6, 24 octobre 2024, n° 22/12008
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/276
Rôle N° RG 22/12008 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ6QU
[O] [M]
C/
S.A. MAAF ASSURANCES
Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Société E.P.I.C LA POSTE
Société MUTUELLE GENERALE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Roselyne SIMON-THIBAUD
- Me Henri LABI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 19 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/13363.
APPELANT
Monsieur [O] [M] assuré [Numéro identifiant 1]
né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 15], demeurant [Adresse 7] - [Localité 5]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat postulant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrice CHICHE, avocat plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Daniel AMAR, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
S.A. MAAF ASSURANCES venant aux droits de la société NEXX ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal demeurant audit siège,, demeurant [Adresse 14] - [Localité 10]
représentée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Signification de la DA le 19/11/2022, à personna habilitée. Signification le 06/12/2022, à personne habilitée.
Signification de conclusions en date du 18/01/2023 à personne habilitée., demeurant [Adresse 6] - [Localité 4]
défaillante
E.P.I.C LA POSTE
Signification de la DA, le 10/11/2022 à personne habilitée. Signification le 05/12/2022, à personne habilitée., demeurant [Adresse 11] - [Localité 9]
défaillante
MUTUELLE GENERALE
Signification de la DA le 10/11/2022, à personne habilitée. Signification le 05/12/2022, à personne habilitée., demeurant [Adresse 2] - [Localité 8]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre
Greffier lors des débats : Madame Sancie ROUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024 puis prorogé jusqu'au 24 octobre 2024.
ARRÊT
réputé contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
Signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre pour le Président, et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET PRETENTIONS
Le 7 septembre 2014 M.[O] [M] au guidon de sa motocycette a été victime d'un accident de la circulation à [Localité 15] (13), [Adresse 12], impliquant, le véhicule automobile conduit par M [P] [S] et assuré auprès de la societe Nexx Assurances.
Saisi par M.[O] [M] le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a par ordonnance du 4 février 2016, ordonné une expertise médicale et a désigné le docteur [H]
[H] [G] en qualité d'expert. Il a par ailleurs alloué à la victime une indemnité de 20 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice corporel.
Par ordonnance du 13 février 2017, le juge des référés a condamné la société Nexx Assurances à payer M. [O] [M] une provision complémentaire de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et par ordonnance du 8 décembre 2017, la société Nexx Assurances a été condamnée à lui payer une provision complémentaire de 10 000 euros.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 5 juin 2018.
Par acte du 29 novembre 2018, M.[O] [M] a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Marseille, la société MAAF Assurances, venant aux droits de la société Nexx Assurances et la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône aux 'ns d'indemnisation de son préjudice.
Suivant acte du 18 novembre 2020, M. [O] [M] a fait dénoncer la procédure à La Poste et à la Mutuelle Généra1e.
La jonction de ces deux instances a été prononcée le 3 février 2021.
Par jugement du 19 juillet 2022 le tribunal judiciaire de Marseille a :
- dit que la faute commise par M.[O] [M] limite son droit à indemnisation à concurrence de 75 % ;
- condamné la MAAF à réparer dans la proportion de 25 % le préjudice corporel subi par M.[O] [M] à la suite de l'accident de la circulation survenu le 7 septembre 2014;
- fixé le préjudice corporel de M.[O] [M] hors déduction des provisions et après imputation de la créance des tiers payeurs à la somme de 71 464,68 euros;
- condamné, en conséquence, la société MAAF Assurances à payer à M. [O] [M] la somme de 31 464,68 euros, déduction faite de la somme de 40 000 euros déjà versée à titre de
provision en réparation de son préjudice corporel;
- déclaré le présent jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à la Mutuelle Générale et à La Poste;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes;
- condamné la société MAAF Assurances à verser à M.[O] [M] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la société MAAF Assurances aux entiers dépens de la présente instance et autorisé maître Patrice Chiche à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
- assorti le présent jugement de l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi notamment sur la réduction du droit à indemnisation, le tribunal a considéré d'une part qu'en circulant à une vitesse non-adaptée avec un véhicule qu'il' n'avait jamais piloté précédemment, M.[O] [M] n'a pas fait preuve de la prudence nécessaire qu'implique la conduite d'une motocyclette en agglomération et n'est pas resté maitre de sa vitesse en ne parvenant pas à éviter le véhicule automobile conduit par M.[P] [S] qui était sur le point de finir de traverser la voie de circulation sur laquelle il circulait ; et d'autre part, que le fait de traverser une voie de circulation pour accéder à une station essence n'est pas évènement imprévisible pour un usager, de la voie publique circulant en zone urbaine.
Le tribunal en a déduit que le comportement de M. [O] [M] qui caractérise un manquement aux articles R.424-6 et,R.413-.17 du, code de la route, a incontestablement contribué à la réalisation de l'accident.
Par déclaration du 30 août 2022 M. [O] [M] a interjeté appel de la décision rendue en toutes ses dispositions.
La MAAF assurances a formé appel incident.
La clôture de l'instruction est en date du 15 mai 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2022, M. [O] [M] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a d'une part reconnu, un droit à indemnisation limité de à 25 % et d'autre part, en ce qu'il a manifestement sous-évalué et/ou ignoré les postes de préjudices suivants :
* frais divers,
* perte de gains professionnels actuelle,
* assistance par tierce personne,
* frais de logement adapté,
* frais de véhicule adapté,
* perte de gains professionnels future,
* incidence professionnelle,
* déficit fonctionnel temporaire et partiel,
* souffrances endurées,
* préjudice esthétique temporaire et permanent,
* préjudice d'agrément,
- préjudice sexuel ;
Statuant à nouveau, l demande à la cour de :
- fixer le montant des sommes allouées au titre de :
* frais divers: 3 860 euros,
* perte de gains professionnels actuelle : 19 073,32 euros,
* assistance par tierce personne : 19 536 euros,
* frais de logement adapté : 105,90 euros,
* frais de véhicule adapté : 19 414,50 euros,
* perte de gains professionnels future : 927 835,50 euros,
* incidence professionnelle: 200 000 euros,
* déficit fonctionnel temporaire et partiel: 22 286 euros,
* souffrances endurées: 55 000 euros,
* préjudice esthétique temporaire : 20 000 euros,
* préjudice esthétique permanent : 25 000 euros
* préjudice d'agrément : 45 000 euros,
* préjudice sexuel : 25 000 euros ;
- condamner la société MAAF assurances au paiement de la somme d'un montant de 1 440 111, 00 euros déductions faites des indemnités provisionnelles judiciairement allouées d'un montant total de 40 000 euros et de la créance des tiers payeurs au titre de l'indemnisation intégrale de son préjudice corporel;
Y ajoutant,
- condamner la société MAAF assurances au paiement de la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel ces derniers distraits au profit de maître Roselyne Simon-Badie sur son affirmation de droit.
Il fait valoir en substance qu'il n'a commis aucune faute et conteste le rapport d'accidentologie et sa conclusion de vitesse excessive qui ne saurait être déduite de l'état de la moto après impact ou du fait que ce soit une grosse cylindrée.
Il soutient ainsi qu'en l'absence d'étude cinétique sérieuse la vitesse excessive n'est pas démontrée pas plus que n'est démontrée l'absence de maîtrise du véhicule.
Il considère que les circonstances de l'accident ne sont pas connues avec exactitude ; il n'a pu être entendu immédiatement et il existe des incohérences entre les dires de M.[S] et les suppositions des services de police ; enfin, il se trouvait sur sa voie de circulation et c'est bien lui qui a franchi une voie opposée pour entrer dans une station-service.
S'agissant de ses préjudices :
* sur les pertes de gains actuelles : il produit un rapport d'expertise comptable qui démontre que sur les années précédant l'accident ses revenus étaient stabilisés avec une rémunération moyenne de 1 430 euros mensuels ; il projette une augmentation d'1 % et après déduction des indemnités journalières, il dégage une perte de salaire de 19 073,02 euros;
* sur la tierce personne, il demande une indemnisation à hauteur de 22 euros de l'heure;
* sur l'aménagement du logement, il demande l'achat et le renouvellement d'un barre de douche tous les 5 ans (105,90 euros) ;
* sur les frais de véhicule adaptés, il capitalise le surcoût de l'achat d'un véhicule à boite automatique;
* sur la perte de gains professionnels future, il indique qu'il était postier salarié âgé de 35 ans et que son licenciement est en lien avec l'accident et qu'il a été déclaré inapte à son activité professionnelle; il aurait dû percevoir 1 600 euros de salaire et ne percevra que 299,83 euros mensuels; il calcule sa perte sur la base d'un salaire de référence annuel de 15 614 euros capitalisé jusqu'à sa retraite sur la base de la gazette du palais 2022 ;
* sur les préjudices extra-patrimoniaux le tribunal les a purement et simplement sous-évalués notamment le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel.
Dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 5 janvier 2023, la SA MAAF assurances demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a accordé 25 % du principe indemnitaire à M.[O] [M] résultant de l'accident de la circulation du 7 septembre 2014,
- dire que, au regard de l'article 4 de la Loi du 5 juillet 1985, l'accumulation des fautes commises par l'appelant principal est exclusive du droit à indemnisation,
- débouter M. [O] [M] de l'ensemble de ses demandes;
* à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement dont appel sur le principe indemnitaire,
- recevoir l'appel incident sur le quantum,
- dire les présentes offres satisfactoires,
- débouter M.[O] [M] de l'ensemble de ses demandes pour le surplus ;
* à titre encore plus infiniment subsidiaire,
- le condamner, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, à communiquer ses avis d'imposition concernant :
- Les années fiscales 2013 à 2022,
- Sa déclaration d'impôt 2022,
- Les fiches de paie au sein de la Société de fruits et légumes durant 25 mois de « FULL SHOP»,
- Sa situation auprès de Pôle emploi ;
En toute hypothèse, le condamner à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que l'ampleur des dégâts de l'accident suffit à démontrer la vitesse excessive et la preuve scientifique de la vitesse, a minima, probablement deux fois autorisée en agglomération, sur un engin dont il ne pouvait avoir la maîtrise pour l'avoir découvert quelques minutes auparavant et après avoir doublé, probablement par la droite, un véhicule pour se trouver, au moment de l'impact, à l'extrême droite de sa chaussée (point de choc matérialisé par les Services de police). Sa faute est à l'origine de l'accident et est parfaitement rapportée.
S'agissant de l'évaluation des préjudices par la victime est contestable car il a été fait appel à un expert-comptable privé qui a rédigé un rapport qui prend pour axiome définitif qu'il prendra sa retraite à 67 ans et qu'il ne travaillera plus jamais de quelque façon que ce soit. Or cette affirmation est erronée par la propre communication, des pièces en cause d'appel de M.[O] [M] qui laissent apparaître qu'il a travaillé en 2019, en 2020 et en 2021 en qualité de vendeur.
S'agissant de l'indemnisation de l'incidence professionnelle seule la fatigabilité et la pénibilité, pour les emplois à venir, ainsi que la nécessité de reclassement, sans manutention de plus de 6 kilos et sans station debout de plus d'une heure, sont démontrées.
Par conclusions notifiées par la voie électroniques le 24 mai 2024, elle demande à la cour de:
- déclarer irrecevable la communication intervenue le 13 mai 2024 à 15 heures 45 pour une ordonnance de clôture du 14 mai 2024 à 8 heures 04,
- écarter des débats l'ensemble des documents,
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la procédure
La SA MAAF demande à la cour d'écarter des débats les pièces communiquées tardivement la veille de l'ordonnance de clôture.
Toutefois, si ces pièces ont effectivement étaient communiquées la veille de la clôture, elles sont nécessaires aux débats et notamment à l'examen du rapport d'expertise extrajudiciaire sur lequel se fonde M.[O] [M]. Ce sont en effet des bulletins de salaires et des documents fiscaux venant à l'appui du rapport déjà produit et qui étaient annexés au rapport.
Déposées la veille de la clôture, il était possible à la MAAF qui au demeurant les réclamait, de solliciter la révocation de la clôture pour y répondre avant l'audience fixée 16 jours après leur transmission.
Par voie de conséquence, la demande de les écarter des débats sera rejetée.
Au fond,
1-Sur la faute de la victime
En application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur victime d'un accident de la circulation est indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice qui a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation et qui doit s'apprécier en faisant abstraction du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.
M.[O] [M] fait grief au tribunal d'avoir retenu des fautes à son encontre alors que l'accident n'est dû qu'à la manoeuvre de M.[S] qui a traversé la route pour aller dans une station-service sans effectuer les contrôles nécessaires et suffisants, lui permettant de respecter la priorité des véhicules circulant sur l'avenue et particulièrement sa motocyclette à laquelle il a coupé la route, sans que sa vitesse ait eu une quelconque incidence. Il ajoute que les pièces du dossier ne permettent pas de conclure à une vitesse excessive de la motocyclette.
La MAAF assurances considère pour sa part qu'au contraire, le caractère excessif de sa vitesse est établie et que le comportement de M.[O] [M] qui a pris en main sur une voie de circulation, un véhicule non assuré et qu'il ne maitrisait pas, est seul à l'origine de son dommage et doit exclure son droit à indemnisation.
Il résulte de la première audition de M. [S] que la motocyclette de M.[O] [M] qu'il « circulait à bord de son véhicule citroën sur le [Adresse 13] en direction de [Localité 16] ' il s'apprétait à tourner sur la gauche en direction de la station essence Avia, j'avais actionné mon clignotant gauche j'avais le temps de tourner car la voie était libre et la première voiture était assez loin. Et c'est à ce moment- là qu'une grosse cylindré a doublé une voiture par la droite et m'a percuté à l'arrière droit ».
Dans sa seconde audition, il ajoute que « lorsque l'avant de mon véhicule s'est retrouvé sur la voie d'insertion pour rentrer dans la station essence et l'arrière de mon véhicule sur la chaussée, une moto a percuté l'aile arrière droite de mon véhicule ».
Mme [C] a été témoin des faits et a pour sa part indiqué aux services enquêteur : « arrivait à proximité de la station essence AVIA j'ai entendu le bruit d'un moteur de moto sur ma gauche. Cette moto roulait à vive allure » ' « elle m'a doublée par la gauche et a doublé le véhicule qui me précédait. C'est quelques secondes après que la moto a percuté l'arrière droit d'un véhicule qui se trouvait dans la voie inverse et qui tournait pour rentrer dans la station essence » ' « Je précise que lorsque le véhicule a tourné, mon véhicule et celui qui me précédait étions assez éloignés. Nous n'avons pas était obligé de procéder à un freinage d'urgence. »
Ainsi, sauf en ce qui concerne le dépassement par la moto du véhicule qui la précédait par la droite qu'elle ne pourra confirmer, ses déclarations sont conformes à celles de M.[S].
M. [O] [M] conteste cette version des faits et notamment sa vitesse excessive mais il indique quand même, qu'il essayait une moto avant de l'acheter en sachant qu'elle n'était pas assurée.
Concernant les circonstances de l'accident, il ressort de la procédure d'enquête et des constatations, que l'accident s'est produit en agglomération vers 14h00, que la limitation de vitesse n'est pas indiquée de manière précise et que la route est à double sens séparée par une ligne discontinue.
Il est établi que M.[S] a traversé cette route pour aller à la station -service AVIA qui se trouvait de l'autre côté de sa voie de circulation sur la gauche et que son véhicule a été percuté par la moto conduite par M. [O] [M] sur l'arrière droit. Les services enquêteurs en déduisent que le choc a eu lieu sur le côté droit de la voie de circulation de la moto, ce qui indique que le véhicule de M.[S] était sur le point de terminer sa traversée et avait une partie avancée dans l'espace de la station- service et non plus sur la route. Pour autant et malgré les déclarations de M.[S], aucune des constations ne permet de dire que la moto aurait doublé le dernier véhicule avant le choc, par la droite.
En revanche, s'agissant de la vitesse de la moto et de son caractère excessif, s'il est exact que d'une part, les services enquêteurs n'indiquent pas la vitesse autorisée, il doit être retenu qu'il ne peut s'agir que d'une vitesse autorisée en agglomération (inférieure à 50km/h s'agissant d'une voie à double sens).
D'autre part, le témoignage de Mme [C] qui parle d'une « vive allure », certes, ne la définit pas avec certitude mais permet toutefois au regard des déclarations suivantes : « je précise que lorsque le véhicule a tourné e, mon véhicule et celui qui me précédait étions assez éloignés. Nous n'avons pas eu à procéder à un freinage forcé », de retenir que la vitesse de la moto qui les a alors doublés, était nettement supérieure à la leur.
Cet élément est également confirmé par les photographies de l'enquête montrant la gravité des dégâts subis par le véhicule de M.[S] qui évoluait pour sa part forcément lentement à l'entrée dans la station -service et enfin, par l'appréciation de l'expert amiable soumis à la libre discussion des parties qui évalue la vitesse de la moto au moment du choc entre 74 et 92 km/h.
Il se déduit de ces éléments qu'en toute hypothèse, sa vitesse n'était pas adaptée à une circulation en agglomération aux conditions climatiques normales et elle ne lui a pas permis de rester maître de son véhicule.
Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, M. [O] [M] a pris en main un véhicule qu'il n'avait jamais conduit et par voie de conséquence qu'il ne maitrisait pas complétement, et a roulé à une vitesse non adaptée aux conditions de circulation en agglomération qui ne lui a pas permis de rester constamment maitre de son véhicule et de gérer les difficultés de la circulation qui se sont présentées à lui, en infraction avec l'article R. 413-17 du code de la route qui prescrit à tout conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée des difficultés de circulation et des obstacles prévisibles.
Cette faute de conduite de M.[O] [M] a contribué à la réalisation des dommages qu'il a subis, l'énergie cinétique acquise par la motocyclette ayant contribué à la violence du choc et à l'importance de ses blessures.
Dès lors, compte tenu de la nature et de la gravité de la faute commise par M.[O] [M] qui a contribué à la réalisation de son préjudice, c'est à juste titre que le tribunal a réduit son droit à indemnisation de 75%, de sorte qu'il peut obtenir l'indemnisation des préjudices subis consécutivement à l'accident qu'à hauteur de 25%.
Le jugement déféré mérite confirmation.
2- Sur la liquidation du préjudice corporel
L'expert judiciaire aux termes de son rapport a conclu de la manière suivante:
« Séquelles, en lien avec l'accident : un enraidissement modéré de l'épaule droite, séquelles importantes au niveau du membre inférieur droit ; des douleurs dorsales ; un enraidissement du poignet gauche et une répercussion psycho-émotionnelle ;
- Consolidation des blessures fixée au 18 mai 2018 ;
- Tierce personne temporaire : 10 heures par semaine du 22 novembre 2014 au 22 novembre 2015 et du 15 juin 2016 au 4 octobre 2016, puis de 4 heures par semaine du 23 novembre 2015 au 9 juin 2016 et du 6 octobre 2016 au 20 mars 2017 ;
- Arrêt temporaire des activités professionnelles :
total du 7 septembre 2014 au 18 avril 2016, puis du 10 juin 2014 au 20 mars 2017,
puis une reprise mi-temps thérapeutique du 21 mars 2017 au 31 aout 2017,
puis un arrêt de travail temporaire total du 15 septembre 2017 au 8 février 2018 (date du licenciement);
- Préjudice professionnel: le licenciement survenu est imputable aux conséquences du "traumatisme en cause et pour le futur nous confirmons l'imputabilité des restrictions émises par la médecine du travail la savoir qu'il pourrait occuper un poste de reclassement sans distribution, sans manutention de plus de 6 kilos- sans station debout de plus d'1 heure ;
- Déficit fonctionnel temporaire total du 7 septembre 2014 au 21 novembre 2014, du 1er juin 2016 au 14 juin 2016, du 11 septembre 2016 au 13 septembre 2016, du 14 février 2017 au 16 février 2017 et du 7 décembre 2017 au 9 décembre 2017;
- Déficit fonctionnel temporaire partiel taux de 50 % : du 22novembre 2014 au 22 novembre 2015 et du 15 juin 2016 au 4 octobre 2016 ;
- Déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 40 % : du 5 octobre 2016 au 20 mars
2017 ;
- Déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 33 % : du 23 novembre 2015 au 9 juin 2016 , du 2] mars 2017 au 31 août 2017, du 1er septembre 2017 au 6 décembre 2017 et du 10 décembre 2017 au 18 mars 2018 ;
- Souffrances endurées cotées à 6/ 7 ;
- Préjudice esthétique temporaire côté 5,5 / 7 pendant trois mois ;
- Déficit fonctionnel permanent au taux de 28 % ;
- Préjudice d'agrément : inaptitude définitive pour le football et le footing et également pour les activités physiques qui nécessitent l'utilisation des membres inférieurs ;
- Préjudice esthétique permanent côté à 4,5 / 7;
- Préjudice sexuel: « nous qualifierons ce préjudice hédonique en rapport avec l'altération de l'image également de la perturbation de la sensibilité sur l'ensemble des terrains cicatriciels ».
2-Sur l'indemnisation du préjudice corporel
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.
L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident ( 27 ans), de la consolidation (31 ans), de la présente décision (37 ans) et de son activité (Facteur), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Par ailleurs, conformément à l'article 31 de la loi du 05/07/1985 dans sa version issue de la loi du 21/12/2006, dès lors que le droit à indemnisation de la victime est limité dans une proportion donnée, son droit de préférence justifie que le préjudice corporel, évalué poste par poste, soit intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, le payeur n'exerçant son recours que sur le reliquat.
L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. La cour s'en réfère pour les préjudices futurs au barème de capitalisation de la gazette du palais du 15 septembre 2020 au taux de + 0,30%.
Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M.[M] doit être évalué comme suit.
I. Préjudices patrimoniaux
1-1 préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Dépenses de santé actuelles
Il s'agit des dépenses de santé prise en charge par la CPAM des Bouches du Rhône s'élevant à la somme de 192 368,63 euros et des frais assumés par la Mutuelles Générale pour un montant de 8 546,58 euros.
Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.
Frais divers
Ce poste de préjudice se décompose comme suit:
- frais de médecin-conseil :
La MAAF assurances maintient sa contestation de l'octroi d'une somme supérieure aux frais d'expertise judiciaire et propose l'évaluation de ce poste à 1 500 euros.
Toutefois, M. [O] [M] produit les factures justifiant des frais qu'il a engagés dans le cadre de l'assistance à expertise par le Dr [Y]. Ces frais constituent une dépense nécessaire pour présenter sa défense et peu importe que le médecin conseil n'ait présenté aucun dire.
Par voie de conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le montant global des factures produites à savoir la somme de 2 360 euros.
La part revenant à M. [O] [M] après réduction de son droit à indemnisation s'élève ainsi à la somme de 590 euros.
- frais d'expertise comptable :
Le sort des frais engagés pour faire évaluer son préjudice économique et notamment sa perte de gains professionnels, ne relève pas nécessairement des frais divers dés lors que pour apprécier si cette demande est fondée encore faut-il apprécier de son utilité pour la liquidation du préjudice.
Soutenant la complexité de son préjudice économique M. [O] [M] a eu recours à un cabinet conseil aux fins d'établir son préjudice professionnel. Il réclame ainsi la somme de 1 500 euros justifiée par la facture produite.
Il considère ainsi que cette expertise était le seul moyen pour lui d'étayer sa demande au titre de son préjudice financier.
Pour autant, il ne peut être jugé de son utilité que si la cour fait droit à sa demande de perte de gains professionnels en s'appuyant sur ce rapport.
Ainsi la cour considère que ces frais relèvent des frais irrépétibles s'il est par la suite démontré que l'expertise qui est à l'origine de ces frais a été utile à l'évaluation des pertes de gains professionnels.
- assistance par tierce personne temporaire :
Les parties s'opposent sur ce poste de préjudice.
Il sera rappelé qu'en application d'une jurisprudence constante est indemnisé le besoin et non la dépense, et que l'indemnisation du préjudice ne doit pas être réduit en cas d'assistance bénévole par un proche .
M. [O] [M] demande la fixation du taux horaire à 22 euros de l'heure, la compagnie d'assurance soutient qu'il n'a pas été fait appel à une aide salariée et que subsidiairement, la cour ne doit retenir qu'une base n'excédant pas 15 euros de l'heure.
La cour retiendra toutefois , le taux horaire de 22 euros de l'heure demandé s'agissant d'une aide non spécifique, au regard des tarifs moyens habituellement pratiqués par les services prestataires de la région où demeure M. [O] [M].
Ainsi en reprenant les conclusions de l'expert judiciaire qui ne sont pas contestées, le montant de l'indemnisation au titre de l'aide par tierce personne temporaire sera fixé comme suit :
* sur la période du semaine du 22 novembre 2014 au 22 novembre 2015 et du 15 juin 2016 au 4 octobre 2016 soit 67 semaines, 10 heures par semaine :
10 x 22 x 67 = 14 740 euros ;
* sur la période du 23 novembre 2015 au 9 juin 2016 et du 6 octobre 2016 au 20 mars 2017, soit 51 semaines, 4h par semaine :
4 x 22 x 51 = 4 488 euros ;
soit un total de 19 228 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 4 807 euros.
Ce poste de préjudice sera ainsi infirmé.
Perte de gains professionnels actuels
Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.
Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.
Enfin, il sera rappelé que l'évaluation de la perte de gains doit être effectuée in concreto. Elle se calcule en net et hors incidence fiscale (Cass. 2e Civ., 8 juillet 2004, 03-16.173) et elle s'apprécie en fonction des justificatifs produits.
M. [O] [M], âgée de 27 ans lors de l'accident demande à la cour de prendre en compte le rapport du cabinet NOVEA Conseils qui a en fonction des pièces produites calculer sa perte de gains actuelle à la somme de 19 073,32 euros.
La MAAF conteste le caractère probant de ce rapport qui n'est pas contradictoire.
La cour rappelle toutefois qu'un rapport extrajudiciaire non contradictoire peut servir de preuve dés lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties et qu'il est corroboré par d'autres éléments versés aux débats.
Pour calculer l'éventuelle perte de gains la cour se fondera sur les bulletins de salaire antérieurs à l'accident, M. [O] [M] étant salarié du groupe La poste .
Il résulte ainsi du bulletin de salaire de décembre 2013 un cumul net imposable de 17 031,44 euros soit 1 419,29 euros mensuels.
Sur la période d'incapacité du 7 septembre 2014 au 8 mai 2018 (date de consolidation) soit 3,67 années, le salaire de référence est de 17 031,44 euros M.[M] aurait dû percevoir : 17 031,44 x 3,67 = 62 505,38 euros.
Certes, M. [O] [M] invoque en s'appuyant sur le rapport du cabinet NOVEA conseils, une évolution de la grille des salaires de la convention collective sans que cette dernière soit entièrement versée aux débats et il sera observé que les parties de cette convention se rapportant à la rémunération, ne concernent que celle « des ingénieurs et cadres supérieurs », ce que n'est pas M. [O] [M] engagé en qualité de facteur.
La victime a perçu sur cette période, des indemnités journalières d'un montant de 11 541,68 euros versées par la CPAM des Bouches du Rhône au cours de cette période suivant débours 22 août 2022.
Enfin, sa rémunération a été maintenue par son employeur tel que cela résulte des bulletins de salaires de février 2014 à janvier 2018 (il a été licencié ensuite et inscrit à Pôle emploi) pour un montant de 42 268,65 euros (et non 35 057 euros).
Sa perte de gains professionnelle actuelle revenant à la victime s'établit à la somme de :
( 62 505,38 euros ' (42 268,65 + 11 541,68 ) ) x 25% = 8695,05 euros x 25%= 2 173,76 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
1-2 préjudices patrimoniaux permanents après consolidation
Dépenses de santé futures
Aucun élément n'est produit à ce titre ni aucune demande n'est formulée.
Frais de logement adapté
Ce poste inclut l'aménagement du domicile de la victime.
M. [O] [M] sollicite la somme de 105,90 euros et justifie de l'achat d'une barre de douche par la production de la facture.
L'expert a effectivement mentionné la nécessité de cet équipement et le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a fixé ce poste de préjudice à ce montant et la part revenant à la victime à la somme de 26,48 euros après réduction de son droit à indemnisation.
Frais de véhicule adapté
Ce poste comprend notamment le surcout de l'acquisition d'un véhicule adapté ou les frais d'adaptation du véhicule de la victime atteint d'un handicap permanent.
Le tribunal s'appuyant sur les conclusions de l'expert a retenu et les devis produits par la victime, a retenu un surcoût initial de 1 600 euros et un renouvellement de l'équipement (surcout d'un véhicule avec boite de vitesse automatique) tous les 6 ans. Il a ensuite capitalisé ce surcout sur la base de l'euro de rente viagère pour un homme de 37 ans au jour du premier renouvellement.
M. [O] [M] ne conteste pas le raisonnement mais seulement les bases de calcul. Il estime ainsi que la période de renouvellement à retenir doit être de 5 ans et que la capitalisation doit se faire sur l'euro de rente viagère de la gazette du palais 2022.
La cour sur la base d'un renouvellement tous les 6 ans retenu par le tribunal et de l'euro de rente au premier renouvellement suivant le barème retenu ci-dessus, soit pour un homme de 37 ans au jour du premier renouvellement fixé au mois de mai 2024 (39.970), ce poste sera calculé de la manière suivante :
- période échue :de la consolidation au jour où la cour statue (premier renouvellement mai 2024)
1 600 + (1 600/6) =1 866,67 euros ;
- période à échoir :
1 600 /6 x 39.970 =10 658,67 euros ;
Soit un total de 12 525,34 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 3 131,33 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Perte de gains professionnels future
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.
Il est de jurisprudence constante qu'une victime ne peut être indemnisée d'une perte intégrale de gains professionnels futurs que si en raison du dommage après la consolidation elle se trouve dans l'impossibilité définitive d'exercer une activité professionnelle lui procurant des gains.
Le 8 février 2018, c'est-à-dire peu avant la consolidation intervenue le 8 mai 2018, M. [O] [M] a été licencié du groupe La Poste pour inaptitude et a été inscrit à Pôle emploi.
L'expert judiciaire a retenu que le licenciement pour inaptitude était imputable aux conséquences du traumatisme subi et a mentionné que pour le futur « nous confirmons l'imputabilité des restrictions émises par la médecine du travail à savoir qu'il pourrait occuper un poste de reclassement sans distribution sans manutention et sans position debout de plus d'une heure. »
Il en résulte que la victime conserve une capacité aux activités professionnelles.
Il est également constant que M. [O] [M] a pu retravailler en qualité de vendeur sur une période de 25 mois à compter du 6 mai 2019 jusqu'au 31 mai 2021.
Par voie de conséquence, il ne peut être suivi lorsqu'il demande à la cour de prendre en compte les conclusions du cabinet NOVEA conseils qui retiennent qu'il ne peut plus exercer d'activité professionnelle et ce jusqu'à la date de son départ à la retraite à 67 ans.
En effet, si ses capacités sont réduites, il n'est absolument pas démontré qu'il ne peut pas travailler ni se procurer des revenus équivalents à ceux qu'il percevait avant l'accident. Il sera ajouté que la reconnaissance de travailleur n'a pas de conséquence sur sa capacité au travail.
Enfin, le fait qu'il n'ait perçu au titre de l'année 2021 (avis d'imposition 2022 sur les revenus 2021) que la somme de 3 598 euros, n'implique pas que ses seuls revenus pour l'avenir ne pourront s'élever qu'à la somme de 298,83 euros par mois.
Ainsi au regard de l'ensemble de ces éléments et à défaut d'autres éléments notamment médicaux de nature à contredire les conclusions de l'expert [G], M. [O] [M] n'établit pas qu'il ne pourra pas percevoir pour l'avenir un salaire annuel égal au salaire de référence retenu ci-dessus de 17 031,44 euros annuels.
Par voie de conséquence, aucune perte de gains professionnels futurs comprenant la perte de droit à la retraite, n'est démontrée. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Incidence professionnelle
Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail. Ont vocation à être inclus dans ce poste de dommage les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par le tiers payeur ou la victime, et de façon générale tous les frais nécessaires à un retour de la victime dans la vie professionnelle, qui seraient imputables au dommage corporel subi.
Le docteur [G] mentionne que le licenciement de M. [O] [M] est imputable aux conséquences du traumatisme en cause et il indique que pour le futur, les restrictions émises par la médecine du travail à savoir qu'il pourrait occuper un poste de reclassement sans distribution, sans manutention de plus de 6kg et sans station débout de plus d'une heure.
L'incidence professionnelle est indemnisée en fonction de l'analyse de chacune des composantes de ce poste et non à compter d'une perte annuelle de revenus ou d'un taux donné de déficit fonctionnel permanent.
Il en résulte que le métier qu'exerçait précédemment la victime a dû être abandonné. Ce métier qu'il exerçait en CDI lui offrait des perspectives de stabilité réelle dans son emploi et une progression de carrière conforme aux grilles indiciaires du groupe La poste.
Du fait de l'accident, il est conduit à rechercher un emploi avec de nombreuses restrictions et qui ne lui assurera plus aucune stabilité ni sécurité. Il subit également une incontestable pénibilité aux activités professionnelles notamment au regard de son impossibilité à se tenir debout plus d'une heure.
Enfin, il ne peut-être occulté que le licenciement pour inaptitude et les faibles capacité à l'emploi créent pour lui une forte dévalorisation sur le marché du travail.
Âgé de 31 ans à la consolidation, M. [O] [M] n'en était qu'au début de sa vie professionnelle. La MAAF Assurances ne conteste pas la réalité d'une incidence professionnelle mais offre la somme de 25 000 euros bien trop faible pour réparer l'entier préjudice décrit ci-dessus.
Au regard de ces éléments, ce poste de dommage a été de manière pertinente évalué à la somme de 80 000 euros et cette décision mérite confirmation
La part revenant à la victime s'élève après réduction à la somme de 20 000 euros.
II. Préjudices extra- patrimoniaux
2-1 préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé au regard de la gêne subi par M.[O] [M] dans sa vie quotidienne sur la base de 27,00 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.
L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera calculée comme suit et suivant les périodes retenues par l'expert rappelées ci-dessus :
- déficit fonctionnel temporaire 100 % x 90 jours x 27 euros = 2 430 euros,
- déficit fonctionnel temporaire 50 % x 475 jours x 27 euros = 6 412,50 euros,
- déficit fonctionnel temporaire 40 % x 164 jours x 27 euros = 1 771,20 euros,
- déficit fonctionnel temporaire 33 % x 621 jours x 27 euros = 5 533,11 euros ;
Soit un total de 16 146,81 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 4 036,70 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Souffrances endurées
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime.
L'expert l'a évalué à 6/7 ce qui constitue un préjudice important.
M. [O] [M] sollicite une évaluation à hauteur de 55 000 euros.
Les multiples fractures, les atteintes thoraciques du rachis cervical et le traumatisme crânien subis, les troubles neuropsychologiques qui s'en sont suivis et la nécessité d'hospitalisation et d'une rééducation fonctionnelle longue justifient une évaluation de ce poste à la somme de 50 000 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 12 500 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Le préjudice esthétique temporaire
L'expert l'a évalué à 5,5/7 en raison des polytraumatismessubis et des plaies notamment celle de la cuisse droite.
M. [O] [M] sollicite la somme de 20 000 euros car il considère que son préjudice est d'une exceptionnelle gravité.
Il est certain que la longueur de la période de consolidation (4 ans) avec de multiples interventions chirurgicales (scalp, thorax, membres), impliquant un sentiment de diminution du fait de l'alitement mais également l'importance de la plaie ouverte à la cuisse justifie que soit allouée en réparation de ce préjudice la somme de 15 000 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 3 750 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
2-2 préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
Déficit fonctionnel permanent
Ce poste tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).
Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.
L'expert l'a évalué à 28%.
M. [O] [M] demande une indemnisation à hauteur de 3 500 euros du point.
Sur la base de 3 090 euros du point de déficit fonctionnel la cour fixe ce poste de préjudice à la somme de 3 090 x 28 = 86 520 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 21 630 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Préjudice esthétique permanent
L'expert l'a évalué à 4,5/7 au regard des cicatrices importantes du membre inférieur droit, du poignet de la greffe sur la crête iliaque. Il existe également une amyotrophie du moignon de l'épaule.
M. [O] [M] considère que la somme de 5 000 euros n'est pas de nature à réparer son préjudice et sollicite la somme de 25 000 euros de ce chef.
Le tribunal a évalué ce poste de préjudice de manière pertinente à la somme de 20 000 euros qui sera confirmée.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 5 000 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Préjudice d'agrément
Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident.
Ce poste n'est pas circonscrit à l'impossibilité absolue pour la victime de poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir; il inclut en effet l'impossibilité de poursuivre ladite activité dans les mêmes conditions qu'avant l'accident. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.
L'expert a admis l'existence d'une inaptitude physique aux activités de football de footing et pour toutes els activité s qui nécessitent l'utilisation des membres inférieurs.
M. [O] [M] a déclaré pratiquer le footing la musculation le football et la boxe régulièrement ce dont il justifie par la production de l'attestation du club se sport le Sporting spirit of Saint Louis.
Au regard de ces éléments et de son jeune âge lors de l'accident, qui lui permettait une pratique régulière mais aussi plus soutenue, ce poste sera évalué à la somme de 12 000 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 3 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Préjudice sexuel
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.
L'expert a retenu un préjudice sexuel hédonique en rapport avec l'altération de l'image de soi et également de la perturbation de la sensibilité sur l'ensemble des terrains cicatriciels.
Ces éléments caractérisent une perte de la capacité à accéder au plaisir.
Ainsi si l'expert n'indique pas qu'il y a une perte totale du plaisir ou une incapacité physique à l'acte sexuel ou à accéder au plaisir , il retient des troubles dans la relation sexuelle pour un homme jeune, vivant en couple, ce qui justifie d'indemniser ce poste de préjudice par la somme de 10 000 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 2 500 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
****
Le préjudice corporel de M.[O] [M] s'établit désormais comme suit :
- dépenses de santé actuelles: 192 368,63 euros (débours de la CPAM) + 8 546,58 euros (débours de la Mutuelle générale),
- frais divers:
* frais de médecin-conseil: 2 360 euros
* frais d'expertise comptable : ils relèvent des frais irrépétibles,
* assistance par tierce personne temporaire: 19 228 euros
- perte de gains professionnels actuels: 62 505,38 euros (sur lesquels s'imputent 42 268,65 euros de maintien de salaires et 11 541,68 euros d'IJ versées par la CPAM )
- frais de logement adapté : 105,90 euros
- frais de véhicule adapté :12 525,34 euros
- perte de gains professionnels futurs: rejet
- incidence professionnelle : 80 000 euros
- déficit fonctionnel temporaire': 16 146,81 euros
- souffrances endurées: 50 000 euros
- préjudice esthétique temporaire :15 000 euros
- déficit fonctionnel permanent: 86 520 euros
- préjudice esthétique permanent: 20 000 euros
- préjudice d'agrément': 10 000 euros
- préjudice sexuel': 10 000 euros ;
Soit un préjudice corporel global de la victime de : 585 306,64 euros.
Les prestations servies par les tiers payeur :
La CPAM : 192 368,63 euros +11 541,68 euros soit 203 910,31 euros.
La Mutuelle Générale : 8 546,58 euros ;
Les salaires maintenus par l'employeur : 42 268,65 euros ;
Soit après imputation des sommes versées par les tiers payeurs et réduction du droit à indemnisation de la victime, le montant d'indemnisation lui revenant s'élève hors déduction des provisions déjà versées à la somme de : (585 306,64 ' 203 910,31 ' 8546,58 ' 42 268,65 ) x 25% =82 645,27 euros.
La SA MAAF sera ainsi condamnée à payer à M. [O] [M] cette somme hors provision déjà versée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé le préjudice corporel de M. [O] [M] hors déduction des provisions et après imputation de la créance des tiers payeurs à la somme de 71 464,68 euros et a condamné la société MAAF Assurances à payer à M. [O] [M] la somme de 31 464,68 euros, déduction faite de la somme de 40 000 euros déjà versée à titre de provision en réparation de son préjudice corporel.
3-Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.
La MAAF assurances est débitrice de l'obligation d'indemnisation et succombe partiellement dans leurs prétentions. Elle supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité justifie de Assurances à payer à M. [O] [M] la somme de 2 500 au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Rejette la demande de la SA MAAF de voir écarter des débats les picèes communiquées par M. [O] [M] le 13 mai 2024 ;
Infirme le jugement déféré mais seulement sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Fixe désormais le préjudice corporel de M.[O] [M] de la manière suivante :
- dépenses de santé actuelles: 192 368,63 euros (débours de la CPAM) + 8 546,58 euros (débours de la Mutuelle générale),
- frais divers:
* frais de médecin-conseil ; 2 360 euros
* frais d'expertise comptable : ils relèvent des frais irrépétibles,
* assistance par tierce personne temporaire: 19 228 euros
- perte de gains professionnels actuels: 62 505,38 euros (sur lesquels s'imputent 42 268,65 euros de maintien de salaires et 11 541,68 euros d'IJ versées par la CPAM )
- frais de logement adapté : 105,90 euros
- frais de véhicule adapté :12 525,34 euros
- perte de gains professionnels futurs': rejet
- incidence professionnelle : 80 000 euros
- déficit fonctionnel temporaire: 16 146,81 euros
- souffrances endurées: 50 000 euros
- préjudice esthétique temporaire :15 000 euros
- déficit fonctionnel permanent: 86 520 euros
- préjudice esthétique permanent: 20 000 euros
- préjudice d'agrément: 10 000 euros
- préjudice sexuel: 10 000 euros ;
Soit une somme totale de : 585 306,64 euros ;
Fixe après imputation des sommes versées par les tiers payeurs et réduction du droit à indemnisation de la victime, le montant d'indemnisation revenant à M.[O] [M], hors déduction des provisions déjà versées à 82 645,27 euros ;
Condamne la SA MAAF à payer à M. [O] [M] cette somme hors provisions déjà versées ;
La condamne aux entiers dépens d'appel et ordonne leur recouvrement direct au bénéfice du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
La condamne à payer à M.[O] [M] la somme de 2 500,00 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Chambre 1-6
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/276
Rôle N° RG 22/12008 - N° Portalis DBVB-V-B7G-BJ6QU
[O] [M]
C/
S.A. MAAF ASSURANCES
Société CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Société E.P.I.C LA POSTE
Société MUTUELLE GENERALE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
- Me Roselyne SIMON-THIBAUD
- Me Henri LABI
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de MARSEILLE en date du 19 Juillet 2022 enregistré (e) au répertoire général sous le n° 18/13363.
APPELANT
Monsieur [O] [M] assuré [Numéro identifiant 1]
né le [Date naissance 3] 1987 à [Localité 15], demeurant [Adresse 7] - [Localité 5]
représenté par Me Roselyne SIMON-THIBAUD de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat postulant, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, Me Patrice CHICHE, avocat plaidant, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Daniel AMAR, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMEES
S.A. MAAF ASSURANCES venant aux droits de la société NEXX ASSURANCES, prise en la personne de son représentant légal demeurant audit siège,, demeurant [Adresse 14] - [Localité 10]
représentée par Me Henri LABI, avocat au barreau de MARSEILLE
CPAM DES BOUCHES DU RHONE
Signification de la DA le 19/11/2022, à personna habilitée. Signification le 06/12/2022, à personne habilitée.
Signification de conclusions en date du 18/01/2023 à personne habilitée., demeurant [Adresse 6] - [Localité 4]
défaillante
E.P.I.C LA POSTE
Signification de la DA, le 10/11/2022 à personne habilitée. Signification le 05/12/2022, à personne habilitée., demeurant [Adresse 11] - [Localité 9]
défaillante
MUTUELLE GENERALE
Signification de la DA le 10/11/2022, à personne habilitée. Signification le 05/12/2022, à personne habilitée., demeurant [Adresse 2] - [Localité 8]
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 mai 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président, et Madame Elisabeth TOULOUSE,Présidente de chambre, chargée du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Monsieur Jean-Wilfrid NOEL, Président
Madame Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre
Monsieur Jean-Marc BAÏSSUS, Premier Président de chambre
Greffier lors des débats : Madame Sancie ROUX.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 19 septembre 2024 puis prorogé jusqu'au 24 octobre 2024.
ARRÊT
réputé contradictoire
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
Signé par Mme Elisabeth TOULOUSE, Présidente de chambre pour le Président, et Mme Sancie ROUX, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSE DES FAITS ET PRETENTIONS
Le 7 septembre 2014 M.[O] [M] au guidon de sa motocycette a été victime d'un accident de la circulation à [Localité 15] (13), [Adresse 12], impliquant, le véhicule automobile conduit par M [P] [S] et assuré auprès de la societe Nexx Assurances.
Saisi par M.[O] [M] le juge des référés du tribunal de grande instance de Marseille a par ordonnance du 4 février 2016, ordonné une expertise médicale et a désigné le docteur [H]
[H] [G] en qualité d'expert. Il a par ailleurs alloué à la victime une indemnité de 20 000 euros à valoir sur la réparation du préjudice corporel.
Par ordonnance du 13 février 2017, le juge des référés a condamné la société Nexx Assurances à payer M. [O] [M] une provision complémentaire de 10 000 euros à valoir sur la réparation de son préjudice corporel et par ordonnance du 8 décembre 2017, la société Nexx Assurances a été condamnée à lui payer une provision complémentaire de 10 000 euros.
L'expert judiciaire a déposé son rapport le 5 juin 2018.
Par acte du 29 novembre 2018, M.[O] [M] a fait assigner, devant le tribunal de grande instance de Marseille, la société MAAF Assurances, venant aux droits de la société Nexx Assurances et la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) des Bouches-du-Rhône aux 'ns d'indemnisation de son préjudice.
Suivant acte du 18 novembre 2020, M. [O] [M] a fait dénoncer la procédure à La Poste et à la Mutuelle Généra1e.
La jonction de ces deux instances a été prononcée le 3 février 2021.
Par jugement du 19 juillet 2022 le tribunal judiciaire de Marseille a :
- dit que la faute commise par M.[O] [M] limite son droit à indemnisation à concurrence de 75 % ;
- condamné la MAAF à réparer dans la proportion de 25 % le préjudice corporel subi par M.[O] [M] à la suite de l'accident de la circulation survenu le 7 septembre 2014;
- fixé le préjudice corporel de M.[O] [M] hors déduction des provisions et après imputation de la créance des tiers payeurs à la somme de 71 464,68 euros;
- condamné, en conséquence, la société MAAF Assurances à payer à M. [O] [M] la somme de 31 464,68 euros, déduction faite de la somme de 40 000 euros déjà versée à titre de
provision en réparation de son préjudice corporel;
- déclaré le présent jugement commun à la Caisse primaire d'assurance maladie des Bouches-du-Rhône, à la Mutuelle Générale et à La Poste;
- débouté les parties du surplus de leurs demandes;
- condamné la société MAAF Assurances à verser à M.[O] [M] une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamné la société MAAF Assurances aux entiers dépens de la présente instance et autorisé maître Patrice Chiche à recouvrer directement contre la partie condamnée ceux des dépens dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision ;
- assorti le présent jugement de l'exécution provisoire.
Pour statuer ainsi notamment sur la réduction du droit à indemnisation, le tribunal a considéré d'une part qu'en circulant à une vitesse non-adaptée avec un véhicule qu'il' n'avait jamais piloté précédemment, M.[O] [M] n'a pas fait preuve de la prudence nécessaire qu'implique la conduite d'une motocyclette en agglomération et n'est pas resté maitre de sa vitesse en ne parvenant pas à éviter le véhicule automobile conduit par M.[P] [S] qui était sur le point de finir de traverser la voie de circulation sur laquelle il circulait ; et d'autre part, que le fait de traverser une voie de circulation pour accéder à une station essence n'est pas évènement imprévisible pour un usager, de la voie publique circulant en zone urbaine.
Le tribunal en a déduit que le comportement de M. [O] [M] qui caractérise un manquement aux articles R.424-6 et,R.413-.17 du, code de la route, a incontestablement contribué à la réalisation de l'accident.
Par déclaration du 30 août 2022 M. [O] [M] a interjeté appel de la décision rendue en toutes ses dispositions.
La MAAF assurances a formé appel incident.
La clôture de l'instruction est en date du 15 mai 2024.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS
Aux termes de ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 30 novembre 2022, M. [O] [M] demande à la cour de :
- infirmer le jugement en ce qu'il a d'une part reconnu, un droit à indemnisation limité de à 25 % et d'autre part, en ce qu'il a manifestement sous-évalué et/ou ignoré les postes de préjudices suivants :
* frais divers,
* perte de gains professionnels actuelle,
* assistance par tierce personne,
* frais de logement adapté,
* frais de véhicule adapté,
* perte de gains professionnels future,
* incidence professionnelle,
* déficit fonctionnel temporaire et partiel,
* souffrances endurées,
* préjudice esthétique temporaire et permanent,
* préjudice d'agrément,
- préjudice sexuel ;
Statuant à nouveau, l demande à la cour de :
- fixer le montant des sommes allouées au titre de :
* frais divers: 3 860 euros,
* perte de gains professionnels actuelle : 19 073,32 euros,
* assistance par tierce personne : 19 536 euros,
* frais de logement adapté : 105,90 euros,
* frais de véhicule adapté : 19 414,50 euros,
* perte de gains professionnels future : 927 835,50 euros,
* incidence professionnelle: 200 000 euros,
* déficit fonctionnel temporaire et partiel: 22 286 euros,
* souffrances endurées: 55 000 euros,
* préjudice esthétique temporaire : 20 000 euros,
* préjudice esthétique permanent : 25 000 euros
* préjudice d'agrément : 45 000 euros,
* préjudice sexuel : 25 000 euros ;
- condamner la société MAAF assurances au paiement de la somme d'un montant de 1 440 111, 00 euros déductions faites des indemnités provisionnelles judiciairement allouées d'un montant total de 40 000 euros et de la créance des tiers payeurs au titre de l'indemnisation intégrale de son préjudice corporel;
Y ajoutant,
- condamner la société MAAF assurances au paiement de la somme de 4000 euros au titre des frais irrépétibles ;
- la condamner aux dépens de première instance et d'appel ces derniers distraits au profit de maître Roselyne Simon-Badie sur son affirmation de droit.
Il fait valoir en substance qu'il n'a commis aucune faute et conteste le rapport d'accidentologie et sa conclusion de vitesse excessive qui ne saurait être déduite de l'état de la moto après impact ou du fait que ce soit une grosse cylindrée.
Il soutient ainsi qu'en l'absence d'étude cinétique sérieuse la vitesse excessive n'est pas démontrée pas plus que n'est démontrée l'absence de maîtrise du véhicule.
Il considère que les circonstances de l'accident ne sont pas connues avec exactitude ; il n'a pu être entendu immédiatement et il existe des incohérences entre les dires de M.[S] et les suppositions des services de police ; enfin, il se trouvait sur sa voie de circulation et c'est bien lui qui a franchi une voie opposée pour entrer dans une station-service.
S'agissant de ses préjudices :
* sur les pertes de gains actuelles : il produit un rapport d'expertise comptable qui démontre que sur les années précédant l'accident ses revenus étaient stabilisés avec une rémunération moyenne de 1 430 euros mensuels ; il projette une augmentation d'1 % et après déduction des indemnités journalières, il dégage une perte de salaire de 19 073,02 euros;
* sur la tierce personne, il demande une indemnisation à hauteur de 22 euros de l'heure;
* sur l'aménagement du logement, il demande l'achat et le renouvellement d'un barre de douche tous les 5 ans (105,90 euros) ;
* sur les frais de véhicule adaptés, il capitalise le surcoût de l'achat d'un véhicule à boite automatique;
* sur la perte de gains professionnels future, il indique qu'il était postier salarié âgé de 35 ans et que son licenciement est en lien avec l'accident et qu'il a été déclaré inapte à son activité professionnelle; il aurait dû percevoir 1 600 euros de salaire et ne percevra que 299,83 euros mensuels; il calcule sa perte sur la base d'un salaire de référence annuel de 15 614 euros capitalisé jusqu'à sa retraite sur la base de la gazette du palais 2022 ;
* sur les préjudices extra-patrimoniaux le tribunal les a purement et simplement sous-évalués notamment le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel.
Dans ses conclusions notifiées par la voie électronique le 5 janvier 2023, la SA MAAF assurances demande à la cour de :
- réformer le jugement déféré en ce qu'il a accordé 25 % du principe indemnitaire à M.[O] [M] résultant de l'accident de la circulation du 7 septembre 2014,
- dire que, au regard de l'article 4 de la Loi du 5 juillet 1985, l'accumulation des fautes commises par l'appelant principal est exclusive du droit à indemnisation,
- débouter M. [O] [M] de l'ensemble de ses demandes;
* à titre subsidiaire,
- confirmer le jugement dont appel sur le principe indemnitaire,
- recevoir l'appel incident sur le quantum,
- dire les présentes offres satisfactoires,
- débouter M.[O] [M] de l'ensemble de ses demandes pour le surplus ;
* à titre encore plus infiniment subsidiaire,
- le condamner, sous astreinte de 20 euros par jour de retard, à communiquer ses avis d'imposition concernant :
- Les années fiscales 2013 à 2022,
- Sa déclaration d'impôt 2022,
- Les fiches de paie au sein de la Société de fruits et légumes durant 25 mois de « FULL SHOP»,
- Sa situation auprès de Pôle emploi ;
En toute hypothèse, le condamner à la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Elle soutient essentiellement que l'ampleur des dégâts de l'accident suffit à démontrer la vitesse excessive et la preuve scientifique de la vitesse, a minima, probablement deux fois autorisée en agglomération, sur un engin dont il ne pouvait avoir la maîtrise pour l'avoir découvert quelques minutes auparavant et après avoir doublé, probablement par la droite, un véhicule pour se trouver, au moment de l'impact, à l'extrême droite de sa chaussée (point de choc matérialisé par les Services de police). Sa faute est à l'origine de l'accident et est parfaitement rapportée.
S'agissant de l'évaluation des préjudices par la victime est contestable car il a été fait appel à un expert-comptable privé qui a rédigé un rapport qui prend pour axiome définitif qu'il prendra sa retraite à 67 ans et qu'il ne travaillera plus jamais de quelque façon que ce soit. Or cette affirmation est erronée par la propre communication, des pièces en cause d'appel de M.[O] [M] qui laissent apparaître qu'il a travaillé en 2019, en 2020 et en 2021 en qualité de vendeur.
S'agissant de l'indemnisation de l'incidence professionnelle seule la fatigabilité et la pénibilité, pour les emplois à venir, ainsi que la nécessité de reclassement, sans manutention de plus de 6 kilos et sans station debout de plus d'une heure, sont démontrées.
Par conclusions notifiées par la voie électroniques le 24 mai 2024, elle demande à la cour de:
- déclarer irrecevable la communication intervenue le 13 mai 2024 à 15 heures 45 pour une ordonnance de clôture du 14 mai 2024 à 8 heures 04,
- écarter des débats l'ensemble des documents,
Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il est fait renvoi aux dernières écritures déposées conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la procédure
La SA MAAF demande à la cour d'écarter des débats les pièces communiquées tardivement la veille de l'ordonnance de clôture.
Toutefois, si ces pièces ont effectivement étaient communiquées la veille de la clôture, elles sont nécessaires aux débats et notamment à l'examen du rapport d'expertise extrajudiciaire sur lequel se fonde M.[O] [M]. Ce sont en effet des bulletins de salaires et des documents fiscaux venant à l'appui du rapport déjà produit et qui étaient annexés au rapport.
Déposées la veille de la clôture, il était possible à la MAAF qui au demeurant les réclamait, de solliciter la révocation de la clôture pour y répondre avant l'audience fixée 16 jours après leur transmission.
Par voie de conséquence, la demande de les écarter des débats sera rejetée.
Au fond,
1-Sur la faute de la victime
En application de l'article 4 de la loi du 5 juillet 1985, le conducteur victime d'un accident de la circulation est indemnisé des dommages qu'il a subis sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice qui a pour effet de limiter ou d'exclure son indemnisation et qui doit s'apprécier en faisant abstraction du comportement du conducteur de l'autre véhicule impliqué.
M.[O] [M] fait grief au tribunal d'avoir retenu des fautes à son encontre alors que l'accident n'est dû qu'à la manoeuvre de M.[S] qui a traversé la route pour aller dans une station-service sans effectuer les contrôles nécessaires et suffisants, lui permettant de respecter la priorité des véhicules circulant sur l'avenue et particulièrement sa motocyclette à laquelle il a coupé la route, sans que sa vitesse ait eu une quelconque incidence. Il ajoute que les pièces du dossier ne permettent pas de conclure à une vitesse excessive de la motocyclette.
La MAAF assurances considère pour sa part qu'au contraire, le caractère excessif de sa vitesse est établie et que le comportement de M.[O] [M] qui a pris en main sur une voie de circulation, un véhicule non assuré et qu'il ne maitrisait pas, est seul à l'origine de son dommage et doit exclure son droit à indemnisation.
Il résulte de la première audition de M. [S] que la motocyclette de M.[O] [M] qu'il « circulait à bord de son véhicule citroën sur le [Adresse 13] en direction de [Localité 16] ' il s'apprétait à tourner sur la gauche en direction de la station essence Avia, j'avais actionné mon clignotant gauche j'avais le temps de tourner car la voie était libre et la première voiture était assez loin. Et c'est à ce moment- là qu'une grosse cylindré a doublé une voiture par la droite et m'a percuté à l'arrière droit ».
Dans sa seconde audition, il ajoute que « lorsque l'avant de mon véhicule s'est retrouvé sur la voie d'insertion pour rentrer dans la station essence et l'arrière de mon véhicule sur la chaussée, une moto a percuté l'aile arrière droite de mon véhicule ».
Mme [C] a été témoin des faits et a pour sa part indiqué aux services enquêteur : « arrivait à proximité de la station essence AVIA j'ai entendu le bruit d'un moteur de moto sur ma gauche. Cette moto roulait à vive allure » ' « elle m'a doublée par la gauche et a doublé le véhicule qui me précédait. C'est quelques secondes après que la moto a percuté l'arrière droit d'un véhicule qui se trouvait dans la voie inverse et qui tournait pour rentrer dans la station essence » ' « Je précise que lorsque le véhicule a tourné, mon véhicule et celui qui me précédait étions assez éloignés. Nous n'avons pas était obligé de procéder à un freinage d'urgence. »
Ainsi, sauf en ce qui concerne le dépassement par la moto du véhicule qui la précédait par la droite qu'elle ne pourra confirmer, ses déclarations sont conformes à celles de M.[S].
M. [O] [M] conteste cette version des faits et notamment sa vitesse excessive mais il indique quand même, qu'il essayait une moto avant de l'acheter en sachant qu'elle n'était pas assurée.
Concernant les circonstances de l'accident, il ressort de la procédure d'enquête et des constatations, que l'accident s'est produit en agglomération vers 14h00, que la limitation de vitesse n'est pas indiquée de manière précise et que la route est à double sens séparée par une ligne discontinue.
Il est établi que M.[S] a traversé cette route pour aller à la station -service AVIA qui se trouvait de l'autre côté de sa voie de circulation sur la gauche et que son véhicule a été percuté par la moto conduite par M. [O] [M] sur l'arrière droit. Les services enquêteurs en déduisent que le choc a eu lieu sur le côté droit de la voie de circulation de la moto, ce qui indique que le véhicule de M.[S] était sur le point de terminer sa traversée et avait une partie avancée dans l'espace de la station- service et non plus sur la route. Pour autant et malgré les déclarations de M.[S], aucune des constations ne permet de dire que la moto aurait doublé le dernier véhicule avant le choc, par la droite.
En revanche, s'agissant de la vitesse de la moto et de son caractère excessif, s'il est exact que d'une part, les services enquêteurs n'indiquent pas la vitesse autorisée, il doit être retenu qu'il ne peut s'agir que d'une vitesse autorisée en agglomération (inférieure à 50km/h s'agissant d'une voie à double sens).
D'autre part, le témoignage de Mme [C] qui parle d'une « vive allure », certes, ne la définit pas avec certitude mais permet toutefois au regard des déclarations suivantes : « je précise que lorsque le véhicule a tourné e, mon véhicule et celui qui me précédait étions assez éloignés. Nous n'avons pas eu à procéder à un freinage forcé », de retenir que la vitesse de la moto qui les a alors doublés, était nettement supérieure à la leur.
Cet élément est également confirmé par les photographies de l'enquête montrant la gravité des dégâts subis par le véhicule de M.[S] qui évoluait pour sa part forcément lentement à l'entrée dans la station -service et enfin, par l'appréciation de l'expert amiable soumis à la libre discussion des parties qui évalue la vitesse de la moto au moment du choc entre 74 et 92 km/h.
Il se déduit de ces éléments qu'en toute hypothèse, sa vitesse n'était pas adaptée à une circulation en agglomération aux conditions climatiques normales et elle ne lui a pas permis de rester maître de son véhicule.
Ainsi, contrairement à ce qu'il soutient, M. [O] [M] a pris en main un véhicule qu'il n'avait jamais conduit et par voie de conséquence qu'il ne maitrisait pas complétement, et a roulé à une vitesse non adaptée aux conditions de circulation en agglomération qui ne lui a pas permis de rester constamment maitre de son véhicule et de gérer les difficultés de la circulation qui se sont présentées à lui, en infraction avec l'article R. 413-17 du code de la route qui prescrit à tout conducteur de rester constamment maître de sa vitesse et de régler cette dernière en fonction de l'état de la chaussée des difficultés de circulation et des obstacles prévisibles.
Cette faute de conduite de M.[O] [M] a contribué à la réalisation des dommages qu'il a subis, l'énergie cinétique acquise par la motocyclette ayant contribué à la violence du choc et à l'importance de ses blessures.
Dès lors, compte tenu de la nature et de la gravité de la faute commise par M.[O] [M] qui a contribué à la réalisation de son préjudice, c'est à juste titre que le tribunal a réduit son droit à indemnisation de 75%, de sorte qu'il peut obtenir l'indemnisation des préjudices subis consécutivement à l'accident qu'à hauteur de 25%.
Le jugement déféré mérite confirmation.
2- Sur la liquidation du préjudice corporel
L'expert judiciaire aux termes de son rapport a conclu de la manière suivante:
« Séquelles, en lien avec l'accident : un enraidissement modéré de l'épaule droite, séquelles importantes au niveau du membre inférieur droit ; des douleurs dorsales ; un enraidissement du poignet gauche et une répercussion psycho-émotionnelle ;
- Consolidation des blessures fixée au 18 mai 2018 ;
- Tierce personne temporaire : 10 heures par semaine du 22 novembre 2014 au 22 novembre 2015 et du 15 juin 2016 au 4 octobre 2016, puis de 4 heures par semaine du 23 novembre 2015 au 9 juin 2016 et du 6 octobre 2016 au 20 mars 2017 ;
- Arrêt temporaire des activités professionnelles :
total du 7 septembre 2014 au 18 avril 2016, puis du 10 juin 2014 au 20 mars 2017,
puis une reprise mi-temps thérapeutique du 21 mars 2017 au 31 aout 2017,
puis un arrêt de travail temporaire total du 15 septembre 2017 au 8 février 2018 (date du licenciement);
- Préjudice professionnel: le licenciement survenu est imputable aux conséquences du "traumatisme en cause et pour le futur nous confirmons l'imputabilité des restrictions émises par la médecine du travail la savoir qu'il pourrait occuper un poste de reclassement sans distribution, sans manutention de plus de 6 kilos- sans station debout de plus d'1 heure ;
- Déficit fonctionnel temporaire total du 7 septembre 2014 au 21 novembre 2014, du 1er juin 2016 au 14 juin 2016, du 11 septembre 2016 au 13 septembre 2016, du 14 février 2017 au 16 février 2017 et du 7 décembre 2017 au 9 décembre 2017;
- Déficit fonctionnel temporaire partiel taux de 50 % : du 22novembre 2014 au 22 novembre 2015 et du 15 juin 2016 au 4 octobre 2016 ;
- Déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 40 % : du 5 octobre 2016 au 20 mars
2017 ;
- Déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de 33 % : du 23 novembre 2015 au 9 juin 2016 , du 2] mars 2017 au 31 août 2017, du 1er septembre 2017 au 6 décembre 2017 et du 10 décembre 2017 au 18 mars 2018 ;
- Souffrances endurées cotées à 6/ 7 ;
- Préjudice esthétique temporaire côté 5,5 / 7 pendant trois mois ;
- Déficit fonctionnel permanent au taux de 28 % ;
- Préjudice d'agrément : inaptitude définitive pour le football et le footing et également pour les activités physiques qui nécessitent l'utilisation des membres inférieurs ;
- Préjudice esthétique permanent côté à 4,5 / 7;
- Préjudice sexuel: « nous qualifierons ce préjudice hédonique en rapport avec l'altération de l'image également de la perturbation de la sensibilité sur l'ensemble des terrains cicatriciels ».
2-Sur l'indemnisation du préjudice corporel
Le propre de la responsabilité civile est de rétablir, aussi exactement que possible, l'équilibre détruit par le dommage et de replacer la victime dans la situation où elle se serait trouvée si l'acte dommageable ne s'était pas produit, sans qu'il n'en résulte pour elle ni perte ni profit.
L'évaluation doit intervenir au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime au moment de l'accident ( 27 ans), de la consolidation (31 ans), de la présente décision (37 ans) et de son activité (Facteur), afin d'assurer la réparation intégrale du préjudice et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 05/07/1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.
Par ailleurs, conformément à l'article 31 de la loi du 05/07/1985 dans sa version issue de la loi du 21/12/2006, dès lors que le droit à indemnisation de la victime est limité dans une proportion donnée, son droit de préférence justifie que le préjudice corporel, évalué poste par poste, soit intégralement réparé pour chacun de ces postes dans la mesure de l'indemnité laissée à la charge du tiers responsable, le payeur n'exerçant son recours que sur le reliquat.
L'évaluation du dommage doit être faite au moment où la cour statue. La cour s'en réfère pour les préjudices futurs au barème de capitalisation de la gazette du palais du 15 septembre 2020 au taux de + 0,30%.
Sous le bénéfice de ces observations, le préjudice corporel de M.[M] doit être évalué comme suit.
I. Préjudices patrimoniaux
1-1 préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Dépenses de santé actuelles
Il s'agit des dépenses de santé prise en charge par la CPAM des Bouches du Rhône s'élevant à la somme de 192 368,63 euros et des frais assumés par la Mutuelles Générale pour un montant de 8 546,58 euros.
Ce poste de préjudice n'est contesté en appel par aucune des parties.
Frais divers
Ce poste de préjudice se décompose comme suit:
- frais de médecin-conseil :
La MAAF assurances maintient sa contestation de l'octroi d'une somme supérieure aux frais d'expertise judiciaire et propose l'évaluation de ce poste à 1 500 euros.
Toutefois, M. [O] [M] produit les factures justifiant des frais qu'il a engagés dans le cadre de l'assistance à expertise par le Dr [Y]. Ces frais constituent une dépense nécessaire pour présenter sa défense et peu importe que le médecin conseil n'ait présenté aucun dire.
Par voie de conséquence le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu le montant global des factures produites à savoir la somme de 2 360 euros.
La part revenant à M. [O] [M] après réduction de son droit à indemnisation s'élève ainsi à la somme de 590 euros.
- frais d'expertise comptable :
Le sort des frais engagés pour faire évaluer son préjudice économique et notamment sa perte de gains professionnels, ne relève pas nécessairement des frais divers dés lors que pour apprécier si cette demande est fondée encore faut-il apprécier de son utilité pour la liquidation du préjudice.
Soutenant la complexité de son préjudice économique M. [O] [M] a eu recours à un cabinet conseil aux fins d'établir son préjudice professionnel. Il réclame ainsi la somme de 1 500 euros justifiée par la facture produite.
Il considère ainsi que cette expertise était le seul moyen pour lui d'étayer sa demande au titre de son préjudice financier.
Pour autant, il ne peut être jugé de son utilité que si la cour fait droit à sa demande de perte de gains professionnels en s'appuyant sur ce rapport.
Ainsi la cour considère que ces frais relèvent des frais irrépétibles s'il est par la suite démontré que l'expertise qui est à l'origine de ces frais a été utile à l'évaluation des pertes de gains professionnels.
- assistance par tierce personne temporaire :
Les parties s'opposent sur ce poste de préjudice.
Il sera rappelé qu'en application d'une jurisprudence constante est indemnisé le besoin et non la dépense, et que l'indemnisation du préjudice ne doit pas être réduit en cas d'assistance bénévole par un proche .
M. [O] [M] demande la fixation du taux horaire à 22 euros de l'heure, la compagnie d'assurance soutient qu'il n'a pas été fait appel à une aide salariée et que subsidiairement, la cour ne doit retenir qu'une base n'excédant pas 15 euros de l'heure.
La cour retiendra toutefois , le taux horaire de 22 euros de l'heure demandé s'agissant d'une aide non spécifique, au regard des tarifs moyens habituellement pratiqués par les services prestataires de la région où demeure M. [O] [M].
Ainsi en reprenant les conclusions de l'expert judiciaire qui ne sont pas contestées, le montant de l'indemnisation au titre de l'aide par tierce personne temporaire sera fixé comme suit :
* sur la période du semaine du 22 novembre 2014 au 22 novembre 2015 et du 15 juin 2016 au 4 octobre 2016 soit 67 semaines, 10 heures par semaine :
10 x 22 x 67 = 14 740 euros ;
* sur la période du 23 novembre 2015 au 9 juin 2016 et du 6 octobre 2016 au 20 mars 2017, soit 51 semaines, 4h par semaine :
4 x 22 x 51 = 4 488 euros ;
soit un total de 19 228 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 4 807 euros.
Ce poste de préjudice sera ainsi infirmé.
Perte de gains professionnels actuels
Ce poste vise à compenser les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évalué au regard de la preuve d'une perte effective de revenus. La durée et l'importance, généralement décroissante, de l'indisponibilité temporaire professionnelle sont à apprécier depuis la date du dommage jusqu'à la date de la consolidation.
Il convient de déduire des revenus dont la victime a été privée pendant cette indisponibilité professionnelle temporaire, le montant des indemnités journalières versées par son organisme de sécurité sociale comme celui du salaire maintenu par son employeur.
Enfin, il sera rappelé que l'évaluation de la perte de gains doit être effectuée in concreto. Elle se calcule en net et hors incidence fiscale (Cass. 2e Civ., 8 juillet 2004, 03-16.173) et elle s'apprécie en fonction des justificatifs produits.
M. [O] [M], âgée de 27 ans lors de l'accident demande à la cour de prendre en compte le rapport du cabinet NOVEA Conseils qui a en fonction des pièces produites calculer sa perte de gains actuelle à la somme de 19 073,32 euros.
La MAAF conteste le caractère probant de ce rapport qui n'est pas contradictoire.
La cour rappelle toutefois qu'un rapport extrajudiciaire non contradictoire peut servir de preuve dés lors qu'il est soumis à la libre discussion des parties et qu'il est corroboré par d'autres éléments versés aux débats.
Pour calculer l'éventuelle perte de gains la cour se fondera sur les bulletins de salaire antérieurs à l'accident, M. [O] [M] étant salarié du groupe La poste .
Il résulte ainsi du bulletin de salaire de décembre 2013 un cumul net imposable de 17 031,44 euros soit 1 419,29 euros mensuels.
Sur la période d'incapacité du 7 septembre 2014 au 8 mai 2018 (date de consolidation) soit 3,67 années, le salaire de référence est de 17 031,44 euros M.[M] aurait dû percevoir : 17 031,44 x 3,67 = 62 505,38 euros.
Certes, M. [O] [M] invoque en s'appuyant sur le rapport du cabinet NOVEA conseils, une évolution de la grille des salaires de la convention collective sans que cette dernière soit entièrement versée aux débats et il sera observé que les parties de cette convention se rapportant à la rémunération, ne concernent que celle « des ingénieurs et cadres supérieurs », ce que n'est pas M. [O] [M] engagé en qualité de facteur.
La victime a perçu sur cette période, des indemnités journalières d'un montant de 11 541,68 euros versées par la CPAM des Bouches du Rhône au cours de cette période suivant débours 22 août 2022.
Enfin, sa rémunération a été maintenue par son employeur tel que cela résulte des bulletins de salaires de février 2014 à janvier 2018 (il a été licencié ensuite et inscrit à Pôle emploi) pour un montant de 42 268,65 euros (et non 35 057 euros).
Sa perte de gains professionnelle actuelle revenant à la victime s'établit à la somme de :
( 62 505,38 euros ' (42 268,65 + 11 541,68 ) ) x 25% = 8695,05 euros x 25%= 2 173,76 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
1-2 préjudices patrimoniaux permanents après consolidation
Dépenses de santé futures
Aucun élément n'est produit à ce titre ni aucune demande n'est formulée.
Frais de logement adapté
Ce poste inclut l'aménagement du domicile de la victime.
M. [O] [M] sollicite la somme de 105,90 euros et justifie de l'achat d'une barre de douche par la production de la facture.
L'expert a effectivement mentionné la nécessité de cet équipement et le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a fixé ce poste de préjudice à ce montant et la part revenant à la victime à la somme de 26,48 euros après réduction de son droit à indemnisation.
Frais de véhicule adapté
Ce poste comprend notamment le surcout de l'acquisition d'un véhicule adapté ou les frais d'adaptation du véhicule de la victime atteint d'un handicap permanent.
Le tribunal s'appuyant sur les conclusions de l'expert a retenu et les devis produits par la victime, a retenu un surcoût initial de 1 600 euros et un renouvellement de l'équipement (surcout d'un véhicule avec boite de vitesse automatique) tous les 6 ans. Il a ensuite capitalisé ce surcout sur la base de l'euro de rente viagère pour un homme de 37 ans au jour du premier renouvellement.
M. [O] [M] ne conteste pas le raisonnement mais seulement les bases de calcul. Il estime ainsi que la période de renouvellement à retenir doit être de 5 ans et que la capitalisation doit se faire sur l'euro de rente viagère de la gazette du palais 2022.
La cour sur la base d'un renouvellement tous les 6 ans retenu par le tribunal et de l'euro de rente au premier renouvellement suivant le barème retenu ci-dessus, soit pour un homme de 37 ans au jour du premier renouvellement fixé au mois de mai 2024 (39.970), ce poste sera calculé de la manière suivante :
- période échue :de la consolidation au jour où la cour statue (premier renouvellement mai 2024)
1 600 + (1 600/6) =1 866,67 euros ;
- période à échoir :
1 600 /6 x 39.970 =10 658,67 euros ;
Soit un total de 12 525,34 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 3 131,33 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Perte de gains professionnels future
Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour elle d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Ce poste n'englobe pas les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste qui ne sont que des conséquences indirectes du dommage.
Il est de jurisprudence constante qu'une victime ne peut être indemnisée d'une perte intégrale de gains professionnels futurs que si en raison du dommage après la consolidation elle se trouve dans l'impossibilité définitive d'exercer une activité professionnelle lui procurant des gains.
Le 8 février 2018, c'est-à-dire peu avant la consolidation intervenue le 8 mai 2018, M. [O] [M] a été licencié du groupe La Poste pour inaptitude et a été inscrit à Pôle emploi.
L'expert judiciaire a retenu que le licenciement pour inaptitude était imputable aux conséquences du traumatisme subi et a mentionné que pour le futur « nous confirmons l'imputabilité des restrictions émises par la médecine du travail à savoir qu'il pourrait occuper un poste de reclassement sans distribution sans manutention et sans position debout de plus d'une heure. »
Il en résulte que la victime conserve une capacité aux activités professionnelles.
Il est également constant que M. [O] [M] a pu retravailler en qualité de vendeur sur une période de 25 mois à compter du 6 mai 2019 jusqu'au 31 mai 2021.
Par voie de conséquence, il ne peut être suivi lorsqu'il demande à la cour de prendre en compte les conclusions du cabinet NOVEA conseils qui retiennent qu'il ne peut plus exercer d'activité professionnelle et ce jusqu'à la date de son départ à la retraite à 67 ans.
En effet, si ses capacités sont réduites, il n'est absolument pas démontré qu'il ne peut pas travailler ni se procurer des revenus équivalents à ceux qu'il percevait avant l'accident. Il sera ajouté que la reconnaissance de travailleur n'a pas de conséquence sur sa capacité au travail.
Enfin, le fait qu'il n'ait perçu au titre de l'année 2021 (avis d'imposition 2022 sur les revenus 2021) que la somme de 3 598 euros, n'implique pas que ses seuls revenus pour l'avenir ne pourront s'élever qu'à la somme de 298,83 euros par mois.
Ainsi au regard de l'ensemble de ces éléments et à défaut d'autres éléments notamment médicaux de nature à contredire les conclusions de l'expert [G], M. [O] [M] n'établit pas qu'il ne pourra pas percevoir pour l'avenir un salaire annuel égal au salaire de référence retenu ci-dessus de 17 031,44 euros annuels.
Par voie de conséquence, aucune perte de gains professionnels futurs comprenant la perte de droit à la retraite, n'est démontrée. Le jugement entrepris est confirmé de ce chef.
Incidence professionnelle
Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou de l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap, de la perte des droits à retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, ou de la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail. Ont vocation à être inclus dans ce poste de dommage les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste assumés par le tiers payeur ou la victime, et de façon générale tous les frais nécessaires à un retour de la victime dans la vie professionnelle, qui seraient imputables au dommage corporel subi.
Le docteur [G] mentionne que le licenciement de M. [O] [M] est imputable aux conséquences du traumatisme en cause et il indique que pour le futur, les restrictions émises par la médecine du travail à savoir qu'il pourrait occuper un poste de reclassement sans distribution, sans manutention de plus de 6kg et sans station débout de plus d'une heure.
L'incidence professionnelle est indemnisée en fonction de l'analyse de chacune des composantes de ce poste et non à compter d'une perte annuelle de revenus ou d'un taux donné de déficit fonctionnel permanent.
Il en résulte que le métier qu'exerçait précédemment la victime a dû être abandonné. Ce métier qu'il exerçait en CDI lui offrait des perspectives de stabilité réelle dans son emploi et une progression de carrière conforme aux grilles indiciaires du groupe La poste.
Du fait de l'accident, il est conduit à rechercher un emploi avec de nombreuses restrictions et qui ne lui assurera plus aucune stabilité ni sécurité. Il subit également une incontestable pénibilité aux activités professionnelles notamment au regard de son impossibilité à se tenir debout plus d'une heure.
Enfin, il ne peut-être occulté que le licenciement pour inaptitude et les faibles capacité à l'emploi créent pour lui une forte dévalorisation sur le marché du travail.
Âgé de 31 ans à la consolidation, M. [O] [M] n'en était qu'au début de sa vie professionnelle. La MAAF Assurances ne conteste pas la réalité d'une incidence professionnelle mais offre la somme de 25 000 euros bien trop faible pour réparer l'entier préjudice décrit ci-dessus.
Au regard de ces éléments, ce poste de dommage a été de manière pertinente évalué à la somme de 80 000 euros et cette décision mérite confirmation
La part revenant à la victime s'élève après réduction à la somme de 20 000 euros.
II. Préjudices extra- patrimoniaux
2-1 préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste inclut la perte de la qualité de la vie et des joies usuelles de l'existence ainsi que le préjudice d'agrément et le préjudice sexuel pendant l'incapacité temporaire.
Il doit être réparé au regard de la gêne subi par M.[O] [M] dans sa vie quotidienne sur la base de 27,00 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total, sauf à proratiser en fonction du taux de déficit fonctionnel temporaire partiel, eu égard à la nature des troubles et de la gêne subie.
L'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire sera calculée comme suit et suivant les périodes retenues par l'expert rappelées ci-dessus :
- déficit fonctionnel temporaire 100 % x 90 jours x 27 euros = 2 430 euros,
- déficit fonctionnel temporaire 50 % x 475 jours x 27 euros = 6 412,50 euros,
- déficit fonctionnel temporaire 40 % x 164 jours x 27 euros = 1 771,20 euros,
- déficit fonctionnel temporaire 33 % x 621 jours x 27 euros = 5 533,11 euros ;
Soit un total de 16 146,81 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 4 036,70 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Souffrances endurées
Ce poste prend en considération les souffrances physiques et psychiques et les troubles associés supportés par la victime.
L'expert l'a évalué à 6/7 ce qui constitue un préjudice important.
M. [O] [M] sollicite une évaluation à hauteur de 55 000 euros.
Les multiples fractures, les atteintes thoraciques du rachis cervical et le traumatisme crânien subis, les troubles neuropsychologiques qui s'en sont suivis et la nécessité d'hospitalisation et d'une rééducation fonctionnelle longue justifient une évaluation de ce poste à la somme de 50 000 euros.
La part revenant à la victime après réduction de son droit à indemnisation s'élève à la somme de 12 500 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Le préjudice esthétique temporaire
L'expert l'a évalué à 5,5/7 en raison des polytraumatismessubis et des plaies notamment celle de la cuisse droite.
M. [O] [M] sollicite la somme de 20 000 euros car il considère que son préjudice est d'une exceptionnelle gravité.
Il est certain que la longueur de la période de consolidation (4 ans) avec de multiples interventions chirurgicales (scalp, thorax, membres), impliquant un sentiment de diminution du fait de l'alitement mais également l'importance de la plaie ouverte à la cuisse justifie que soit allouée en réparation de ce préjudice la somme de 15 000 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 3 750 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
2-2 préjudices extra-patrimoniaux permanents (après consolidation)
Déficit fonctionnel permanent
Ce poste tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, et notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales).
Il s'agit, pour la période postérieure à la consolidation, de la perte de qualité de vie, des souffrances après consolidation et des troubles ressentis par la victime dans ses conditions d'existence du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.
L'expert l'a évalué à 28%.
M. [O] [M] demande une indemnisation à hauteur de 3 500 euros du point.
Sur la base de 3 090 euros du point de déficit fonctionnel la cour fixe ce poste de préjudice à la somme de 3 090 x 28 = 86 520 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 21 630 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Préjudice esthétique permanent
L'expert l'a évalué à 4,5/7 au regard des cicatrices importantes du membre inférieur droit, du poignet de la greffe sur la crête iliaque. Il existe également une amyotrophie du moignon de l'épaule.
M. [O] [M] considère que la somme de 5 000 euros n'est pas de nature à réparer son préjudice et sollicite la somme de 25 000 euros de ce chef.
Le tribunal a évalué ce poste de préjudice de manière pertinente à la somme de 20 000 euros qui sera confirmée.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 5 000 euros.
Le jugement sera confirmé de ce chef.
Préjudice d'agrément
Le préjudice d'agrément ne peut être indemnisé distinctement de la gêne dans les actes de la vie courante, déjà indemnisée au titre du déficit fonctionnel, que si la victime justifie de la pratique antérieure d'une activité sportive ou de loisir exercée régulièrement avant l'accident.
Ce poste n'est pas circonscrit à l'impossibilité absolue pour la victime de poursuivre la pratique d'une activité spécifique sportive ou de loisir; il inclut en effet l'impossibilité de poursuivre ladite activité dans les mêmes conditions qu'avant l'accident. Ce poste inclut en effet la limitation de la pratique antérieure.
L'expert a admis l'existence d'une inaptitude physique aux activités de football de footing et pour toutes els activité s qui nécessitent l'utilisation des membres inférieurs.
M. [O] [M] a déclaré pratiquer le footing la musculation le football et la boxe régulièrement ce dont il justifie par la production de l'attestation du club se sport le Sporting spirit of Saint Louis.
Au regard de ces éléments et de son jeune âge lors de l'accident, qui lui permettait une pratique régulière mais aussi plus soutenue, ce poste sera évalué à la somme de 12 000 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 3 000 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
Préjudice sexuel
Ce poste comprend divers types de préjudices touchant à la sphère sexuelle et notamment celui lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel.
L'expert a retenu un préjudice sexuel hédonique en rapport avec l'altération de l'image de soi et également de la perturbation de la sensibilité sur l'ensemble des terrains cicatriciels.
Ces éléments caractérisent une perte de la capacité à accéder au plaisir.
Ainsi si l'expert n'indique pas qu'il y a une perte totale du plaisir ou une incapacité physique à l'acte sexuel ou à accéder au plaisir , il retient des troubles dans la relation sexuelle pour un homme jeune, vivant en couple, ce qui justifie d'indemniser ce poste de préjudice par la somme de 10 000 euros.
La part revenant à la victime s'élève après réduction du droit à indemnisation à la somme de 2 500 euros.
Le jugement sera infirmé de ce chef.
****
Le préjudice corporel de M.[O] [M] s'établit désormais comme suit :
- dépenses de santé actuelles: 192 368,63 euros (débours de la CPAM) + 8 546,58 euros (débours de la Mutuelle générale),
- frais divers:
* frais de médecin-conseil: 2 360 euros
* frais d'expertise comptable : ils relèvent des frais irrépétibles,
* assistance par tierce personne temporaire: 19 228 euros
- perte de gains professionnels actuels: 62 505,38 euros (sur lesquels s'imputent 42 268,65 euros de maintien de salaires et 11 541,68 euros d'IJ versées par la CPAM )
- frais de logement adapté : 105,90 euros
- frais de véhicule adapté :12 525,34 euros
- perte de gains professionnels futurs: rejet
- incidence professionnelle : 80 000 euros
- déficit fonctionnel temporaire': 16 146,81 euros
- souffrances endurées: 50 000 euros
- préjudice esthétique temporaire :15 000 euros
- déficit fonctionnel permanent: 86 520 euros
- préjudice esthétique permanent: 20 000 euros
- préjudice d'agrément': 10 000 euros
- préjudice sexuel': 10 000 euros ;
Soit un préjudice corporel global de la victime de : 585 306,64 euros.
Les prestations servies par les tiers payeur :
La CPAM : 192 368,63 euros +11 541,68 euros soit 203 910,31 euros.
La Mutuelle Générale : 8 546,58 euros ;
Les salaires maintenus par l'employeur : 42 268,65 euros ;
Soit après imputation des sommes versées par les tiers payeurs et réduction du droit à indemnisation de la victime, le montant d'indemnisation lui revenant s'élève hors déduction des provisions déjà versées à la somme de : (585 306,64 ' 203 910,31 ' 8546,58 ' 42 268,65 ) x 25% =82 645,27 euros.
La SA MAAF sera ainsi condamnée à payer à M. [O] [M] cette somme hors provision déjà versée et le jugement sera infirmé en ce qu'il a fixé le préjudice corporel de M. [O] [M] hors déduction des provisions et après imputation de la créance des tiers payeurs à la somme de 71 464,68 euros et a condamné la société MAAF Assurances à payer à M. [O] [M] la somme de 31 464,68 euros, déduction faite de la somme de 40 000 euros déjà versée à titre de provision en réparation de son préjudice corporel.
3-Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles alloués à la victime doivent être confirmées.
La MAAF assurances est débitrice de l'obligation d'indemnisation et succombe partiellement dans leurs prétentions. Elle supportera la charge des entiers dépens d'appel et ne peut de ce fait, bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
L'équité justifie de Assurances à payer à M. [O] [M] la somme de 2 500 au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Rejette la demande de la SA MAAF de voir écarter des débats les picèes communiquées par M. [O] [M] le 13 mai 2024 ;
Infirme le jugement déféré mais seulement sur le montant de l'indemnisation de la victime et les sommes lui revenant ;
Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,
Fixe désormais le préjudice corporel de M.[O] [M] de la manière suivante :
- dépenses de santé actuelles: 192 368,63 euros (débours de la CPAM) + 8 546,58 euros (débours de la Mutuelle générale),
- frais divers:
* frais de médecin-conseil ; 2 360 euros
* frais d'expertise comptable : ils relèvent des frais irrépétibles,
* assistance par tierce personne temporaire: 19 228 euros
- perte de gains professionnels actuels: 62 505,38 euros (sur lesquels s'imputent 42 268,65 euros de maintien de salaires et 11 541,68 euros d'IJ versées par la CPAM )
- frais de logement adapté : 105,90 euros
- frais de véhicule adapté :12 525,34 euros
- perte de gains professionnels futurs': rejet
- incidence professionnelle : 80 000 euros
- déficit fonctionnel temporaire: 16 146,81 euros
- souffrances endurées: 50 000 euros
- préjudice esthétique temporaire :15 000 euros
- déficit fonctionnel permanent: 86 520 euros
- préjudice esthétique permanent: 20 000 euros
- préjudice d'agrément: 10 000 euros
- préjudice sexuel: 10 000 euros ;
Soit une somme totale de : 585 306,64 euros ;
Fixe après imputation des sommes versées par les tiers payeurs et réduction du droit à indemnisation de la victime, le montant d'indemnisation revenant à M.[O] [M], hors déduction des provisions déjà versées à 82 645,27 euros ;
Condamne la SA MAAF à payer à M. [O] [M] cette somme hors provisions déjà versées ;
La condamne aux entiers dépens d'appel et ordonne leur recouvrement direct au bénéfice du conseil qui en a fait la demande conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;
La condamne à payer à M.[O] [M] la somme de 2 500,00 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés en cause d'appel.
LE GREFFIER LE PRESIDENT