CA Toulouse, 1re ch. sect. 1, 23 octobre 2024, n° 21/02530
TOULOUSE
Arrêt
Infirmation
PARTIES
Demandeur :
Sccv Flogui Natural Home
Défendeur :
Midi Foncière (SA)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme Rouger
Conseillers :
Mme Robert, Mme Leclercq
Avocats :
Me Yeponde, Me De Sars de Roquette
EXPOSÉ DU LITIGE ET PROCÉDURE
La Sa Midi Foncière est un fonds de placement immobilier appartenant au groupe Caisse d'épargne Midi-Pyrénées.
La société civile immobilière de construction vente (Sccv) Flogui Natural Home exerce une activité de promotion immobilière. Elle a notamment été constituée en vue de réaliser un programme immobilier consistant en la construction d'une résidence "[8]" à [Localité 7] (31).
Suivant acte authentique du 25 août 2011, passé par-devant Maître [O] [P], notaire, la Sarl Flogui Capital a cédé à la Sa Midi Foncière 60 parts sociales composant le capital social de la Sccv Flogui Natural Home. Les autres parts sont détenues par la Sarl Flogui Capital (139 parts sociales) et par M. [Z] [C] (une part sociale), gérant de la Sccv Flogui Natural Home et de la Sarl Flogui Capital.
Suivant convention de compte courant d'associé du 13 septembre 2011, la Sa Midi Foncière, en sa qualité d'associée de la Sccv Flogui Natural Home, lui a consenti une avance en compte-courant d'un montant de 375.000 euros, pour lui permettre de faire face à son apport en fonds propres exigé à hauteur de 1.250.000 euros pour le financement du programme immobilier.
Aux termes de cette convention, il était notamment prévu par les parties que :
- les sommes avancées par la Sa Midi Foncière et celles remboursées par la Sccv Flogui Natural Home seront inscrites au débit et au crédit d'un compte ouvert au nom de la Sa Midi Foncière dans les livres de la Sccv Flogui Natural Home,
- les sommes prêtées produiront un intérêt annuel calculé au taux de 3%,
- la convention prendrait fin 'le jour du remboursement de la totalité de l'avance consentie à l'emprunteur et sauf accord exprès des parties, et au plus tard dans un délai de trois mois après la déclaration d'achèvement des travaux programmés.
Toutefois, l'emprunteur pourra procéder au remboursement anticipé de la totalité de l'avance consentie aux termes des présentes, sous réserve d'en informer la Sa Midi Foncière par lettre recommandée avec accusé de réception adressée 15 jours avant la date prévue pour le remboursement.
Dans ce cas, les intérêts courront jusqu'à la date du remboursement effectif des sommes'.
En 2017, la Sa Midi Foncière a été rendue destinataire d'une mise en demeure émanant du syndicat des copropriétaires de la résidence [8] du 28 juillet 2017, faisant état de nombreux désordres affectant la résidence, ayant justifié la mobilisation de la garantie dommage-ouvrage, et lui enjoignant de s'acquitter de la somme de 42.062,60 euros correspondant au règlement du coût d'une surprime appliquée par la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (Smabtp) et de la quote-part d'indemnisation non perçue par le syndicat des copropriétaires.
Par courrier recommandé du 25 septembre 2017, la Sa Midi Foncière a alors enjoint à la Sccv Flogui Natural Home de lui adresser :
- l'état des comptes de la société au 30 juin 2017,
- l'état de la commercialisation de l'immeuble au 30 juin 2017,
- la réponse adressée au courrier du conseil du syndicat des copropriétaires du 28 juillet 2017.
La Sa Midi Foncière a également indiqué à la Sccv Flogui Natural Home qu'elle était toujours créditrice d'une somme de 206.120 euros au titre de son compte courant non remboursée au jour de la missive.
Suivant courrier recommandé distribué le 8 novembre 2017, la Sa Midi Foncière a mis en demeure la Sccv Flogui Natural Home de :
- lui payer la somme de 17.505,44 euros, sous toutes réserves de sommes complémentaires qui lui seraient dues, au titre de l'affectation du résultat de l'exercice clos le 31 décembre 2015,
- de convoquer une assemblée générale ayant notamment pour ordre du jour la communication aux associés des bilans, comptes de résultat, rapports de gestion et procès-verbaux d'approbation des comptes des années précédentes, l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016, le quitus à la gérance, la révocation du mandat de la gérance, le remboursement du compte courant de la Sa Midi Foncière à hauteur de 206.120 euros, l'information des associés sur l'état de la commercialisation de l'immeuble objet de la Sccv Flogui Natural Home, l'information sur la réponse émise par la Sccv Flogui Natural Home à la mise en demeure adressée le 28 juillet 2017 par le syndicat des copropriétaires de la résidence [8].
Le 26 décembre 2017, la Sa Midi Foncière a été convoquée par la Sccv Flogui Natural Home, à une assemblée générale ordinaire fixée au 18 janvier 2018 au terme de laquelle la résolution suivante était adoptée à l'unanimité :
« Cinquième résolution :
L'Assemblée générale constate qu'à ce jour, la société doit à la Sa Midi Foncière, la somme de 206.120 euros au titre de son compte courant.
Midi Foncière constate et déplore que le compte courant de la société Flogui Capital, associé majoritaire est totalement remboursé.
La société s'engage à rembourser le compte courant de Midi Foncière, en faisant un versement à hauteur de 70.000 euros à Midi Foncière dans le délai maximum de quinze jours à compter de ce jour et en réglant le solde, soit la somme de 136.120 euros, au plus tard le 31 décembre 2018 ».
Suivant courrier recommandé daté du 6 février 2018, distribué le 9, le conseil de la Sa Midi Foncière, constatant que la Sccv Flogui Natural Home n'avait pas respecté son engagement de payer la somme de 70.000 euros dans un délai de 15 jours, l'a mise en demeure de lui verser cette somme sous huitaine, et celle restant due de 136.120,00 euros au 31 décembre 2018 conformément à son engagement.
Par acte extra-judiciaire du 18 décembre 2018, la Sa Midi Foncière a dénoncé à la Sccv Flogui Natural Home le dépôt d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire publiée le 10 décembre 2018 sur son bien immobilier situé à [Localité 7] (31), Zac de [Localité 7] Gramont, résidence "[8]" [Adresse 2] et [Adresse 4] en vertu d'une ordonnance rendue par le juge de l'exécution près le tribunal de grande instance de Toulouse du 12 septembre 2018.
Autorisée par ordonnance du 11 juin 2019, la Sa Midi Foncière a fait pratiquer, par procès-verbaux des 17 et 18 juin 2019, à la saisie conservatoire des comptes de la Sccv Flogui Natural Home détenus par le Crédit agricole pour un montant de 249.405 euros, saisies dénoncées le 20 juin 2019 à la Sccv Flogui Natural Home. La seconde saisie a été fructueuse à hauteur de 138.654,50 euros.
Suivant jugement du 16 septembre 2020, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Toulouse, saisi par la Sccv Flogui Natural Home aux fins de mainlevée des deux saisies conservatoires, a débouté la Sccv Flogui Natural Home de ses contestations et demandes.
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Par acte du 9 janvier 2019, la Sa Midi Foncière a fait assigner la Sccv Flogui Natural Home devant le tribunal judiciaire de Toulouse, aux fins notamment d'obtenir sa condamnation au paiement de la somme de 249.405 euros.
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Par jugement du 2 avril 2021, le tribunal judiciaire de Toulouse a :
- prononcé la clôture au 5 février 2021,
- condamné la Sccv Flogui Natural Home à payer à la Sa Midi Foncière les sommes de :
* 206.120 euros au titre du compte courant d'associé, avec intérêts au taux légal sur la somme de 163.346,64 euros à compter du 18 janvier 2018,
* 86.877,30 euros au titre de la dette fiscale acquittée par la Sa Midi Foncière pour le compte de la Sccv Flogui Natural Home,
- débouté la Sa Midi Foncière du surplus de ses demandes,
- débouté la Sccv Flogui Natural Home de sa demande de délai de paiement,
- condamné la Sccv Flogui Natural Home aux dépens de l'instance,
- condamné la Sccv Flogui Natural Home à payer à la Sa Midi Foncière la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire du jugement,
- rejeté toutes les autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Pour statuer ainsi le premier juge a retenu au vu de la convention de compte courant d'associé du 13 septembre 2011, des procès-verbaux des délibérations de l'assemblée générale ordinaire de la Sccv des années 2014, 2015 et 2016 établissant une situation créditrice de la Sa Midi Foncière au titre de la répartition des bénéfices entre les associés pour les exercices 2013, 2014 et 2015, des extraits du Grand Livre Général, et de la délibération de l'assemblée générale du 18 janvier 2018, que la créance de la Sa Midi Foncière à hauteur d'un montant de 206.120 € était établie et que seuls les intérêts au taux légal à compter du 18 janvier 2018 pouvaient être réclamés, à défaut par la Sa Midi Foncière de démontrer que la somme restant due au titre de son compte-courant correspondait à l'avance en compte-courant de nature à justifier l'application de l'intérêt contractuel de 3%, alors que de surcroît un avenant du 28 juin 2013 prévoyait que les sommes versées en compte courant seraient productives d'un intérêt au moins élevé des deux taux suivants : 3 % l'an ou le taux annuel visé par l'article 39.1.3° du code général des impôts.
Retenant que l'associé qui désintéresse un créancier social en application des articles 1857 et 1858 paie la dette de la société et non une dette personnelle, il a estimé que la Sa Midi Foncière pouvait se prévaloir d'une subrogation pour obtenir paiement de la somme de 86.877,30 € objet de l'avis de mise en recouvrement et de la mise en demeure de payer délivrés à son endroit par l'administration fiscale les 24 et 25 octobre 2019.
Tenant compte des délais de fait déjà écoulés depuis 2018, du remboursement intégral du compte courant de la Sarl Flogui Capital, associée majoritaire, et de l'absence de pièces de nature à justifier des difficultés financières de la Sccv, il a rejeté la demande de délai de paiement formée par cette dernière.
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Par déclaration du 7 juin 2021, la Sccv Flogui Natural Home a relevé appel de ce jugement en toutes ses dispositions portant condamnation à paiement à son égard ainsi que de celle l'ayant déboutée de sa demande de délai de paiement.
La société Flogui Natural Home a fait l'objet d'une procédure de redressement judiciaire selon jugement du 8 mars 2022 publié au Bodacc « A » le 23 mars 2022, Me [N] [D] de la Selarl Aegis étant désignée en qualité de mandataire judiciaire.
Par jugement du 14 mars 2023, le tribunal judiciaire a prononcé la liquidation judiciaire de la société Flogui Natural Home et désigné en qualité de mandataire liquidateur maître [N] [D], laquelle est intervenue volontairement à l'instance d'appel ès qualités.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 6 juin 2023, Maître [N] [D], intervenant volontairement à l'instance en qualité de mandataire liquidateur de la Sccv Flogui Natural Home, appelante, demande à la cour de :
Rejetant toutes conclusions contraires,
- réformer le jugement dont appel en ce qu'il a :
condamné la Sccv Flogui Natural Home à payer à la Sa Midi Foncière les sommes de :
- 206.120 euros au titre du compte courant d'associé, avec intérêts au taux légal sur la somme 163.346,64 euros à compter du 18 janvier 2018,
- 86.877,30 euros au titre de la dette fiscale acquittée par la Sa Midi Foncière pour le compte de la Sccv Flogui Natural Home,
débouté la Sccv Flogui Natural Home de sa demande de délai de paiement,
condamné la Sccv Flogui Natural Home aux dépens de l'instance,
condamné la Sccv Flogui natural home à payer à la Sa Midi Foncière la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
'ordonné l'exécution provisoire du jugement,
Statuant à nouveau,
fixer les sommes dues par la Sccv Flogui Natural Home à la Sa Midi Foncière à 195.335,78 euros,
- débouter la Sa Midi Foncière de sa demande en paiement de la somme de 86.877,30 euros correspondant à 30% du montant total d'une amende fiscale dont est redevable la Sccv Flogui Natural Home,
- débouter la Sa Midi Foncière du surplus de ses demandes,
- condamner la Sa Midi foncière à payer à Maître [N] [D], ès qualités de mandataire liquidateur de la Sccv Flogui Natural Home, la somme de 4.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 8 août 2023, la Sa Midi Foncière, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1231-2, 1346 et 1857 du code civil, et de l'article 700 du code de procédure civile, de :
- recevoir la société Midi Foncière en ses conclusions et les dire bien fondées,
- déclarer commune et opposable à Maître [N] [D], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Flogui Natural Home, la procédure introduite devant la cour d'appel de Toulouse par déclaration du 7 juin 2021 et enrôlée sous le RG n°21/02530,
- débouter la société Sccv Flogui Natural Home et Maître [N] [D] ès qualités, de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions,
- confirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,
En conséquence,
fixer au passif de la société Sccv Flogui Natural Home, à titre hypothécaire et privilégié, les sommes de :
206.120 euros au titre du compte courant d'associé,
22.318,20 euros correspondant aux intérêts au taux légal sur la somme 163.346,64 euros à compter du 18 janvier 2018 et jusqu'au 8 mars 2022,
86.877,30 euros au titre de la dette fiscale acquittée pour le compte de la Sccv,
3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la première instance,
Y ajoutant,
- fixer au passif de la société Sccv Flogui Natural Home à titre privilégié, les sommes de :
10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour l'appel,
les dépens et frais taxables de première instance et d'appel,
- dire que les dépens de l'instance sont des frais privilégiés de procédure.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 4 juin 2024.
L'affaire a été examinée à l'audience du 17 juin 2024.
SUR CE, LA COUR :
En l'état de l'intervention volontaire à l'instance d'appel de Maître [N] [D] en qualité de mandataire liquidateur de la Sccv Flogui Natural Home, la procédure d'appel est nécessairement opposable et commune audit mandataire liquidateur.
1°/ Sur la demande au titre du solde du compte courant d'associé de la Sa Midi Foncière
Compte tenu de l'état de liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home, la société Midi Foncière ayant déclaré le 19 mai 2022 ses créances à titre hypothécaire et privilégié au titre du solde de son compte courant d'associé, des intérêts y afférents, de la dette fiscale acquittée pour le compte de la Sccv, des dépens et des indemnités article 700 du code de procédure civile, la demande ne peut tendre qu'à la fixation des créances au passif de la liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home. Les condamnations à paiement prononcées par le premier juge doivent en conséquence être infirmées.
En application des dispositions de l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l'espèce, il est justifié par la Sa Midi Foncière que par convention de compte courant d'associé du 13 septembre 2011 elle a consenti à la Sccv Flogui Natural Home, qualifié d'emprunteur, une avance en compte courant d'un montant de 375.000 € pour lui permettre de faire face à son apport en fonds propres exigé pour le financement du programme immobilier envisagé commune de [Localité 7], [Adresse 10], îlot A5C, devant comprendre 86 logements et commerces ainsi que 172 parkings, et qu'il a été convenu que les sommes avancées par la société Midi Foncière et celles remboursées par l'emprunteur seront inscrites au débit et au crédit d'un compte ouvert au nom de la société Midi Foncière dans les livres de l'emprunteur, les sommes prêtées produisant un intérêt annuel au taux de 3 %. Il était stipulé que la convention prendrait fin le jour du remboursement de la totalité de l'avance consentie à l'emprunteur et sauf accord express des parties, au plus tard dans un délai de trois mois après la déclaration d'achèvement des travaux du programme concerné. Il était aussi stipulé que l'emprunteur pourrait procéder au remboursement anticipé de la totalité de l'avance consentie sous réserve d'en informer la société Midi Foncière par LRAR 15jours avant la date prévue pour le remboursement.
Par lettre recommandée avec accusé de réception, datée du 25 septembre 2017, la société Midi Foncière, ayant eu connaissance d'une mise en demeure du 28 juillet 2017 émanant de l'avocat du syndicat des copropriétaires de la résidence [8] [Adresse 2] à [Localité 7] adressée à la Caisse d'Epargne et de Prévoyance Midi-Pyrénées au titre de la garantie financière d'achèvement, tendant au paiement d'une surprime d'assurance dommage-ouvrage et à l'indemnisation de désordres, s'inquiétant de difficultés financières potentielles de la Sccv et se plaignant de n'avoir jamais pu obtenir aucun document relatif aux comptes de la Sccv et de l'absence d'assemblée générale d'approbation des comptes, rappelait que son compte courant restait créancier de 206.120 € non remboursé, et déplorait n'être toujours pas informée de la commercialisation de l'immeuble [8], sollicitant que lui soit transmis au plus vite l'état des comptes de la Sccv au 30 juin 2017, l'état de la commercialisation de l'immeuble au 30/06/2017, ainsi que la réponse apportée à l'avocat du syndicat des copropriétaires.
Par mise en demeure du 3 novembre 2017 délivrée par l'intermédiaire de son conseil elle sollicitait la communication aux associés des bilans, comptes de résultat, rapports de gestion et procès-verbaux d'approbation des comptes au titre des exercices 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, l'approbation ou non des comptes de l'exercice clos au 31 décembre 2016, le quitus ou non de la gérance, le remboursement de son compte courant à hauteur de 206.120 € ainsi que l'information sur l'état de la commercialisation de l'immeuble.
Le 26 décembre 2017 la Sci Flogui Nartural Home convoquait la société Midi Foncière à l'assemblée générale ordinaire devant se tenir le 18 janvier 2018 aux fins de délibérer sur le rapport de gestion, l'approbation des comptes de l'exercice clos le 31 décembre 2016, le quitus à la gérance, l'affectation des résultats de l'exercice.
Par courrier recommandé avec accusé de réception, la société Midi Foncière sollicitait qu'il soit expressément répondu à l'occasion de cette assemblée générale par voie de résolutions sur la communication aux associés des bilans, comptes de résultats, rapports de gestion et procès-verbaux d'approbation des comptes au titre des exercices 2011, 2012, 2013, 2014 et 2015, et sur le remboursement de son compte courant à hauteur de 206.120 €, rappelant que la convention du 13 septembre 2011, dont le rapport spécial relatif aux conventions visées à l'article L 612-5 du code de commerce ne faisait pas mention, était toujours en vigueur et que la Sccv Flogui restait lui devoir en application de cette convention la somme de 206.120 €.
Par résolution n°5, adoptée à l'unanimité des associés, l'assemblée générale de la Sccv Flogui Natural Home tenue le 18 janvier 2018 constatait que la société devait à la société Midi Foncière au titre de son compte courant la somme de 206.120 €, s'engageant à lui rembourser ce montant par un versement de 70.000 € à intervenir dans un délai maximum de 15 jours et à régler le solde, soit la somme de 136.120 €, au plus tard le 31/12/2018. Cette résolution n'a fait l'objet d'aucun recours en annulation et vaut reconnaissance explicite du montant du solde créditeur du compte courant d'associé de la société Midi Foncière par la Sccv Flogui Natural Home et engagement de remboursement.
Ainsi que retenu par le premier juge, les procès-verbaux des délibérations de l'assemblée générale de la Sccv Flogui Natural Home ont établi que la Sa Midi Foncière s'était trouvée créditrice, pour les exercices 2014, 2015 et 2016, d'une somme totale de 252.488,54 € au titre de la répartition des bénéfices entre associés pour les exercices 2013 (162.510,90 €), 2014 (72.472,20 €) et 2015 (17.505,44 €). Compte tenu d'une créance initiale de 375.000 €, le montant total dû à la société Midi Foncière représentait, dividendes inclus, la somme de 627.488,54 €. Sur cette somme, la société Midi Foncière admet avoir perçu entre 2013 et 2015 un total de 464.142,45 €, soit le montant exact prétendu versé par la Sccv depuis janvier 2014 dans ses écritures (375.000+ 73.132+16.010,45). Tous les règlements invoqués par la Sccv ont donc bien été pris en compte.
Selon le décompte reproduit en page 11 des écritures de la société Midi Foncière, la somme de 206.120 € se composait d'intérêts à hauteur de 42.773,36 € et d'un capital à hauteur de 163.346,44 €, cette dernière somme étant inférieure dans son montant à celle que la Sccv Flogui Natural Home admet dans ses écritures rester devoir au titre de la distribution des dividendes (179.356,64 €). A compter de la délibération du 18 janvier 2018 ayant validé la créance en compte courant à hauteur de 206.120 €, la société Midi Foncière ne réclame désormais des intérêts que sur la somme principale de 163.346,44 €, et ce, uniquement au taux légal ainsi que retenu le premier juge. Le débat sur le taux contractuel initial de 3% sur la somme de 375.000 €, l'imputation des paiements selon leur nature (remboursement de l'avance initiale et/ou règlement de dividendes), et le calcul d'intérêts réalisé par la société Midi Foncière entre 2011 et fin 2017, tel qu'initié par la Sccv Flogui Natural Home, est donc vain. La somme de 206.120 € ayant été admise comme due par la Sccv Flogui Natural Home au titre du solde du compte courant d'associé toutes causes confondues, avec engagement de paiement de la Sccv selon délibération d'assemblée générale n'ayant fait l'objet d'aucune action en annulation, serait-ce par voie d'exception, l'imputation des paiements, y compris les reversements de dividendes sur les exercices 2014, 2015 et 2016, et le calcul d'intérêts effectués par la société Midi Foncière depuis l'avance de 375.000 € de 2011 pour arriver à ce solde définitivement admis par engagement de la société débitrice ne peuvent plus être utilement remis en cause.
En conséquence il ne peut qu'être considéré, ainsi que l'a fait le premier juge, que la somme de 206.120 € représente au 18 janvier 2018 le solde créditeur restant dû à la société Midi Foncière et que sur cette somme, ainsi qu'admis par l'intimée, seuls courent les intérêts au taux légal sur le montant en principal de 163.346,64 €, étant relevé que la mise en demeure de payer de nature à faire courir de plein droit des intérêts moratoires est antérieure à la délibération du 18 janvier 2018.
En l'absence de tout règlement complémentaire justifié par la société débitrice, il convient en conséquence de fixer la créance de la société Midi Foncière au passif de la liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home au titre du compte courant d'associé à la somme de 206.120 €, intérêts échus inclus, au 18 janvier 2018.
En l'absence de tout décompte justificatif du calcul de la somme de 22.318,20 € telle que sollicitée par l'intimée, il convient juste de fixer en sus au passif de ladite liquidation judiciaire la créance d'intérêts de la société Midi Foncière, courus du 18 janvier 2018 au 8 mars 2022 date de l'ouverture de la procédure collective, au taux légal, sur la somme principale de 163.346,64 €.
Les demandes de la société Midi Foncière ne pouvant tendre qu'à la fixation de créance soumise aux règles spécifiques de la procédure collective, le mandataire liquidateur de la Sccv, nonobstant la déclaration d'appel, ne formule pas dans le dispositif de ses dernières écritures, lequel seul lie la cour, de demande de délais de paiement qui serait sans objet. La disposition par laquelle le premier juge a débouté la Sccv Flogui Natural Home de sa demande de délais de paiement ne peut dès lors qu'être confirmée.
En l'état du bénéfice d'une inscription d'hypothèque judiciaire provisoire publiée au service de la publicité foncière de [Localité 9] 3 le 10 décembre 2018, renouvelée, ainsi qu'il en est justifié, le 19/11/2021 jusqu'au 19/11/2024 (volume 3104P03 2021 V n° 11353 en marge de la publicité publiée le 20/11/2018 volume 2018 V n°9405), les créances ci-dessus doivent être fixées au passif à titre hypothécaire et privilégié.
2°/ Sur la demande relative à la dette fiscale
Le 24 octobre 2019 le service des impôts des entreprises de [Localité 7] a établi à l'encontre de la société Midi Foncière pour le compte de la Sci Flogui Natural Home un avis de recouvrement d'une somme en principal et pénalités de 86.877,30 € représentant 30% de droits dus par la Sci (289.591 €) en exécution d'une rectification de taxe à la valeur ajoutée pour la période de janvier 2013 à décembre 2015.
Le 25 octobre 2019 l'administration fiscale délivrait à la Sa Midi Foncière « pour la Sci Flogui Natural Home » une mise en demeure valant commandement de payer ladite somme de 86.877,30 € .
Se prévalant de la subrogation légale et du paiement d'une dette sociale en lieu et place de la société débitrice, la société Midi Foncière revendique une créance à l'encontre de la Sccv Flogui Natural Home à hauteur dudit montant.
Selon les dispositions de l'article 1346 du code civil la subrogation a lieu par le seul effet de la loi au profit de celui qui, y ayant un intérêt légitime, paie dès lors que son paiement libère envers le créancier celui sur qui doit peser la charge définitive de tout ou partie de la dette.
En l'espèce, la société Midi Foncière est associée de la société civile de construction vente Flogui Natural Home à hauteur de 60 parts sur les 200 parts composant le capital social, soit à hauteur de 30% du capital social. La réclamation de l'administration fiscale ne lui a donc été adressée qu'à hauteur de ses droits dans le capital de la société débitrice.
Selon les dispositions de l'article L 211-2 du code de la construction et de l'habitation spécifique aux sociétés civiles de construction vente, telle la Sccv Flogui Natural Home, les associés sont tenus au passif social sur tous leurs biens à proportion de leurs droits sociaux.
A supposer que la société Midi Foncière ait effectivement réglé à l'administration fiscale la somme de 86.877,30 €, paiement dont elle ne justifie au demeurant pas, elle n'a donc pas réglé la dette sociale au-delà de ses droits sociaux, lesquels constituent aussi, dans ses rapports avec la société objet d'une procédure collective, le seuil de son obligation de contribution aux pertes sociales telle qu'édictée par l'article 1844-1 du code civil.
En conséquence, le société Midi Foncière qui ne justifie pas avoir réglé pour le compte de la société une quelconque dette sociale au-delà de la quote-part qu'elle aurait dû en toute hypothèse supporter à hauteur de ses droits dans le capital social ne peut se prévaloir d'une subrogation dans les droits du Trésor Public à l'égard de la Sccv Flogui Natural Home.
En conséquence, infirmant le jugement entrepris en ce que le premier juge a condamné la Sccv Flogui Natural Home à payer à la société Midi Foncière la somme de 86.877,30 € au titre de la dette fiscale acquittée, il convient de débouter la société Midi Foncière de sa demande de fixation de créance au passif de la liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home à ce titre.
3°/ Sur les demandes accessoires
En l'absence de tout appel incident formalisé par la société Midi Foncière relativement à la disposition du jugement entrepris l'ayant déboutée de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, la cour n'est pas saisie de cette disposition.
Partie principalement succombante, la Sccv Flogui Natural Home représentée par son mandataire liquidateur doit supporter, par fixation de créance au passif de sa liquidation judiciaire, les dépens de première instance et ceux d'appel, sans qu'il y ait lieu de dire que la créance de dépens fixée au passif doive avoir un caractère privilégié au titre des frais dits « de procédure ». En effet, d'une part, le privilège de l'article L 622-17 I du code pour les créances postérieures à l'ouverture de la procédure collective, ne s'applique qu'aux créances utiles au déroulement de la procédure collective ou dues par le débiteur en contrepartie d'une prestation à lui fournie après le jugement d'ouverture, conditions non caractérisées en l'espèce ; d'autre part, le privilège des frais de justice, tel que prévu par les articles 2331 et 2377 du code civil, est limité aux frais utiles à la conservation ou à la réalisation des biens de la société en liquidation et aux frais exposés dans l'intérêt commun des créanciers, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La Sccv Flogui Natural Home représentée par son mandataire liquidateur, qui succombe, se trouve débitrice, par fixation au passif, d'une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, tant au titre de la procédure de première instance, telle qu'arbitrée par le premier juge, qu'au titre de la procédure d'appel dans les conditions définies au dispositif du présent arrêt, sans pouvoir elle-même prétendre à l'application de ce texte à son profit.
Il ressort du bordereau de renouvellement d'inscription d'hypothèque judiciaire provisoire que cette inscription a été prise pour sûreté d'une somme de 249.405 €. Au vu de la requête en autorisation de mesure conservatoire ayant donné lieu à l'ordonnance du juge de l'exécution du 27 mai 2019, la somme de 249.405 € représente, à l'exclusion de toute autre somme, le solde du compte courant d'associé à hauteur de 206.120 €, outre une somme de 43.285 € au titre d'intérêts courus à 3% sur ce montant depuis le 13 septembre 2011. A défaut de justification d'un bordereau d'inscription d'hypothèque garantissant une indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'indemnité retenue par le premier juge ne peut pas être fixée au passif de la liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home à titre privilégié et hypothécaire ainsi que sollicité par l'intimée.
PAR CES MOTIFS :
La Cour,
Statuant dans les limites de sa saisine,
Prend acte de l'intervention à la procédure de Maître [N] [D], en qualité de mandataire liquidateur de la Sccv Flogui Natural Home
Infirme le jugement entrepris sauf en ce que le premier juge a reconnu une créance de la Sa Midi Foncière à l'encontre de la Sccv Flogui Natural Home de 206.120 € au titre du compte courant d'associé avec intérêts au taux légal sur la somme de 163. 346,64 € à compter du 18 janvier 2018, débouté la Sccv Flogui Natural Home de sa demande de délai de paiement, mis les dépens de première instance à sa charge ainsi qu'une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
Dit que la créance de 206.120 € au titre du compte courant d'associé outre intérêts au taux légal sur la somme de 163. 346,64 € à compter du 18 janvier 2018 jusqu'au 8 mars 2022 doit être fixée, à titre hypothécaire et privilégié, au passif de la liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home au profit de la Sa Midi Foncière
Déboute la Sa Midi Foncière de sa demande tendant à la fixation au passif de ladite liquidation d'une créance de 86.877,30 € au titre d'une dette fiscale
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home, à titre non privilégié, les dépens de première instance et d'appel
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la Sccv Flogui Natural Home au profit de la Sa Midi Foncière, à titre chirographaire, la créance de 3.000 € retenue par le premier juge sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance, et, sur le même fondement, une créance de 3.000 € au titre de la procédure d'appel
Déboute Maître [N] [D], en qualité de mandataire liquidateur de la Sccv Flogui Natural Home de sa demande d'indemnité sur ce même fondement.