Décisions
CA Douai, 3e ch., 10 octobre 2024, n° 23/03321
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE :24/303
N° RG 23/03321 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VAJU
Jugement (N° 22-002467) rendu le 15 Mai 2023 par le Tribunal judiciaire de Lille
APPELANT
Monsieur [F] [T]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Anne-sophie Duez, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
SA AWP P&C, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuel Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Me Bénédicte Esquelisse, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 06 juin 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2024
****
EXPOSE DU LITIGE
Le 22 février 2021, M. [T] a réservé un voyage pour quatre personnes en Sicile du 6 au 20 août 2021 auprès de la société Btp Voyages au prix de 6 221,06 euros et a souscrit une assurance annulation auprès de la société AWO P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel.
Le 5 août 2021, il a sollicité l'annulation de son voyage et le remboursement de son coût auprès de la société AWO P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel au motif d'une impossibilité de prendre l'avion.
Par courrier du 8 octobre 2021, l'assureur a demandé la transmission de pièces médicales complémentaires.
Le 10 décembre 2021, l'assureur a refusé la mise en oeuvre de la garantie annulation et le remboursement du prix du voyage sollicité par M. [T] au motif que la pathologie à l'origine du désistement s'inscrit dans le cadre des exclusions prévues par le contrat souscrit.
Par acte du 19 août 2022, M. [T] a fait assigner la société Allianz Travel aux fins d'indemnisation de son préjudice.
Par un jugement du 15 mai 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :
rejeté les demandes de M. [F] [T]
condamné M. [F] [T] aux dépens de l'instance
rejeté le surplus des demandes
Par déclaration du 17 juillet 2023, M. [F] [T] a formé appel de cette décision en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 1 et 2 ci-dessus.
Dans ses conclusions notifiées le 12 février 2024, M. [T] demande à la cour, au visa des articles L. 211-1 du code de la consommation et des articles 1103 et 1231-1 du code civil, de :
infirmer le jugement dont appel en qu'il a rejeté ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance
Statuant de nouveau
déclarer la clause d'exclusion de garantie opposée par la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel inopposable
condamner la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel au versement de la somme de 6 481,06 euros au titre du remboursement des frais restés à sa charge à la suite de l'annulation du voyage conformément au contrat d'assurance annulation souscrit
condamner la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel au versement d'une indemnité de 1 500 euros au titre de la réparation de son préjudice moral
débouter la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel de l'ensemble de ses demandes
condamner la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel à lui verser une indemnité de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant pour les frais de première instance qu'en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
le premier juge a opéré une interprétation erronée des dispositions contractuelles
la clause d'exclusion de garantie prévue à l'article 4.2 des conditions générales du contrat d'assurance n'est ni claire ni précise en visant, d'une part, la notion d' »évolution » de la maladie, précisant à cet égard que l'évolution de son état de santé était favorable durant les 30 jours précédant la réservation, et, d'autre part, celle de « modification de traitement » laquelle n'implique pas nécessairement un changement de posologie alors en outre que les douleurs thoraciques, pour lesquelles un traitement lui a été prescrit, sont distinctes des séquelles respiratoires qu'il a conservé à la suite de son accident de ski en 2019, de sorte que cette clause, qui n'est ni formelle ni limitée, ne lui est pas opposable.
la garantie de l'assureur est due dans la mesure où la réalité de la maladie est établie et que cette maladie est incompatible avec le voyage prévu sans que l'assureur ne puisse exiger un certificat médical précisant la nature et la gravité de la maladie ainsi que ses conséquences prévisibles
la clause 4.2 des conditions générales du contrat d'assurance n'a pas vocation à s'appliquer puisque le traumatisme thoracique, pathologie retenue par l'assureur, est intervenue en mai 2019 soit plus de 30 jours avant la réservation du voyage et que les séquelles neuropathiques engendrées sont stabilisées par un traitement médicamenteux demeuré inchangé
il a subi à la suite du même accident de ski de 2019 une perforation du poumon à l'origine de plusieurs interventions dont il conserve des séquelles respiratoires lesquelles étaient stabilisées au moment de la réservation du voyage
ce n'est que deux jours avant son départ, que son état de santé s'est dégradé ayant rencontré des difficultés respiratoires compte tenu de la période caniculaire ce qui constitue une cause médicale
par ailleurs, il a subi un préjudice moral résultant de la mauvaise exécution contractuelle de l'obligation principale de remboursement de l'assureur alors que la garantie est acquise
Aux termes de ses conclusions notifiées le 15 mars 2024, la société Awp P&C demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes
condamner M. [T] au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
le tribunal a omis de statuer sur les conditions d'application des garanties du contrat comme elle le lui avait demandé
à cet égard, l'assuré qui revendique la mobilisation du contrat doit justifier d'un événement garanti et en conséquence transmettre tous les justificatifs
le risque médical constitue un événement garanti à condition que l'annulation soit consécutive à la survenance, postérieurement à la souscription de l'assurance, de l'un des événements garantis empêchant formellement le départ de l'assuré et notamment la maladie ou l'aggravation d'une maladie qui doit avoir entrainer, d'une part, une hospitalisation depuis le jour de l'annulation jusqu'au jour du départ initialement prévu ou la cessation de toute activité professionnelle ou le maintien à domicile si la personne ne travaille pas et, d'autre part, une consultation médicale ainsi que l'observation d'un traitement médicamenteux dès le jour de l'annulation ou la réalisation d'examens médicaux prescrits par un médecin
il incombe ainsi à l'assuré de démontrer la réalité de l'événement garanti par la production de justificatifs conformément à l'article 6 du contrat d'assurance mais également son droit à indemnisation, ce qu'il ne fait pas
les certificats médicaux ne permettent pas de justifier d'une aggravation médicale postérieure à la souscription du contrat et répondant aux conditions fixées par le contrat
si, selon l'assuré, l'annulation serait en lien avec des douleurs neuropathiques, séquelles de l'accident de ski de 2019, il n'est pour autant nullement justifié d'une aggravation ayant justifié un maintien à domicile et un traitement médicamenteux
les pièces produites ne permettent pas non plus de justifier d'une telle aggravation, la cause médicale n'étant pas précisée tout comme l'existence d'une aggravation de même qu'il n'est pas justifié d'une prescription médicale en lien avec cette aggravation
les ordonnances communiquées établissent au contraire que le traitement médicamenteux n'a pas été modifié entre la date de réservation et celle de l'annulation
en outre, l'assuré prétend lui-même que la décision d'annulation résulte des conséquences des séquelles de l'accident de ski de 2019, soit avant la souscription du contrat et alors que ces séquelles n'ont donné lieu à aucune modification du traitement
par suite, sa garantie n'est pas due
subsidiairement, sur les exclusions contractuelles de garantie, la clause 4.2 du contrat, laquelle est dénuée de toute ambigüité, a vocation à s'appliquer dès lors que la maladie a donné lieu à une modification du traitement durant les 30 jours précédant le voyage puisque l'ordonnance du 25 janvier 2021 a modifié la posologie
Pour un plus ample exposé des moyens de l'appelant, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour observe que le premier juge a examiné les clauses d'exclusion de garanties de la police d'assurance souscrite par M. [T] sans avoir préalablement vérifié, comme le demandait l'assureur, si les conditions de mise en 'uvre de la garantie annulation étaient remplies.
Il convient donc d'examiner ce point préalablement à l'étude des clauses d'exclusion contractuelles invoquées par la société Awp P&C.
Sur les conditions de la garantie annulation
Selon l'article 1134 du code civil applicable au présent litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En application de l'article 1315 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.
En application de ces textes, il incombe à l'assuré de faire la preuve des conditions de mise en jeu de la garantie et à l'assureur, qui se prévaut d'une clause d'exclusion de la garantie, de démontrer que les conditions de sa mise en 'uvre sont réunies.
Sur ce,
L'article 2 des conditions générales du contrat d'assurance n°602696 prévoit que « l'annulation ou la modification doit être consécutive à la survenance, postérieurement à la souscription de l'assurance, de l'un des événements garantis suivants empêchant formellement le départ de l'assuré :
Événements médicaux :
2.1. une maladie ou une épidémie/pandémie y compris liée à l'état de grossesse, un accident corporel, ainsi que les suites, séquelles, complications ou aggravation d'une maladie ou d'un accident corporel qui a été constaté avant la réservation du voyage.
impliquant obligatoirement :
- soit, une hospitalisation depuis le jour de l'annulation ou de la modification jusqu'au jour du départ initialement prévu,
soit la cessation de toute activité professionnelle ou le maintien à domicile si la personne ne travaille pas, depuis le jour de l' annulation /modification jusqu'au jour du départ prévu,
et
une consultation médicale, ainsi que l'observation d'un traitement médicamenteux dès le jour de l'annulation /modification, ou la réalisation d'examens médicaux prescrits par un médecin,
avec dans tous les cas, la prise en charge de tous ces actes par l'un des organismes d'assurance maladie auxquels l'assuré est affilié,
survenant à l'assuré, son conjoint, concubin notoire, ou partenaire de P.A.C.S. [...] ».
La maladie est définie par le contrat d'assurance comme « toute altération de l'état de santé d'une personne constatée par un médecin ».
L'article 6 dudit contrat (page 12) relatif aux « justificatifs à fournir » prévoit qu'en cas d'absence de justificatifs ou si les justificatifs fournis ne prouvent pas la matérialité de l'événement garanti invoqué, l'assureur est en droit de refuser la demande d'indemnisation de l'assuré. Ce dernier doit fournir, le cas échéant, le questionnaire médical à faire remplir par son médecin, les ordonnances de traitement médicamenteux, le compte-rendu des examens, la copie de l'arrêt de travail, le bulletin d'hospitalisation et après examens du dossier et à la demande de l'assureur, les bordereaux de remboursements de l'organisme d'assurance maladie auquel l'assuré est affilié.
Il ressort du questionnaire médical que M. [T] a été victime, en mars 2019, d'un accident de ski à l'origine d'un polytraumatisme avec notamment un pneumothorax ayant engendré des séquelles neuropathiques.
Il résulte en effet du compte-rendu d'hospitalisation établi par le docteur [H] [D] du Chu de [Localité 7] du 10 mai 2019 que M. [T] s'est présenté aux Urgences le 3 mai 2019 dans un contexte d'apparition d'essoufflement associé à des douleurs thoraciques gauches. Une radiographie et un scanner thoraciques ont mis en évidence un décollement pleural de type pneumothorax cloisonné avec majoration d'un épanchement pleural gauche et collapsus du lobe inférieur. Il a été opéré le 6 mai 2019. Une thoracoscopie gauche avec libération des adhérences pulmonaires, aspiration du liquide pleural et mise en place de deux drains thoraciques ont en effet été pratiquées. Il lui a alors été prescrit un traitement de Neurontin ainsi que 15 séances de kinésithérapie respiratoire et locomotrice avec la recommandation de poursuivre les auto exercices respiratoires.
S'il est établi que les difficultés respiratoires de M. [T] sont constitutives des séquelles de son accident de ski, celui-ci n'établit pas une aggravation de son état de santé postérieurement à la souscription du contrat d'assurance et ayant justifié un traitement médicamenteux ou des examens médicaux ainsi qu'un maintien à domicile ou un arrêt de travail, ces conditions étant cumulatives.
En effet, l'examen des ordonnances médicales produites révèle que le traitement médicamenteux de M. [T] n'a pas été modifié entre la date de réservation (22 février 2021) et celle de l'annulation du voyage puisque les médicaments prescrits le 25 janvier 2021 ont été renouvelés sans aucune modification les 13 avril 2021 et 11 juin 2021.
Si le docteur [P] a, deux jours avant le voyage, attesté que « l'état de santé de M. [T] ne lui permet pas de voyager en avion cette semaine », la cause médicale n'est nullement précisée et il n'est justifié ni d'une prescription ni d'un arrêt de travail ou d'un maintien à domicile.
S'il résulte des attestations, au demeurant postérieures à la déclaration de sinistre, du docteur [M] des 15 décembre 2021, et 26 mai 2023 que l'état de santé de M. [T] « s'est dégradé à partir du 3 août 2021 alors que son état était parfaitement stable d'ici là » et qu'il ne s'est pas dégradé entre le 2 octobre 2020 et le 25 janvier 2021, au contraire, l'amélioration a permis de réduire les thérapeutiques lors de la consultation du 25 janvier 2021 », il n'est pas justifié de la prescription d'un traitement médicamenteux ou d'examens médicaux et d'un maintien à domicile en lien avec une aggravation médicale qui aurait été constatée le 5 août 2021, date à laquelle il a annulé son voyage.
Les conditions de la garantie annulation relative au constat d'une maladie ou de ses suites ou aggravation d'une maladie avant la réservation du voyage ne sont donc pas remplies.
Par suite, et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les clauses d'exclusion de garantie prévues au contrat, M. [T] sera débouté de ses demandes de remboursement du coût du voyage et d'indemnisation de son préjudice moral.
Le jugement critiqué sera donc confirmé par substitution de motifs.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit :
d'une part, à confirmer le jugement critiqué sur ses dispositions relatives aux dépens,
et, d'autre part, à condamner M. [T], outre aux entiers dépens d'appel, à payer à la société Awp P&C la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 15 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Lille en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant :
Condamne M. [F] [T] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [T] à payer à la société Awp P&C la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Guillaume SALOMON
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE :24/303
N° RG 23/03321 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VAJU
Jugement (N° 22-002467) rendu le 15 Mai 2023 par le Tribunal judiciaire de Lille
APPELANT
Monsieur [F] [T]
né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représenté par Me Anne-sophie Duez, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
SA AWP P&C, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.
[Adresse 4]
[Localité 5]
Représentée par Me Emmanuel Masson, avocat au barreau de Lille, avocat constitué, assistée de Me Bénédicte Esquelisse, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 06 juin 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2024
****
EXPOSE DU LITIGE
Le 22 février 2021, M. [T] a réservé un voyage pour quatre personnes en Sicile du 6 au 20 août 2021 auprès de la société Btp Voyages au prix de 6 221,06 euros et a souscrit une assurance annulation auprès de la société AWO P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel.
Le 5 août 2021, il a sollicité l'annulation de son voyage et le remboursement de son coût auprès de la société AWO P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel au motif d'une impossibilité de prendre l'avion.
Par courrier du 8 octobre 2021, l'assureur a demandé la transmission de pièces médicales complémentaires.
Le 10 décembre 2021, l'assureur a refusé la mise en oeuvre de la garantie annulation et le remboursement du prix du voyage sollicité par M. [T] au motif que la pathologie à l'origine du désistement s'inscrit dans le cadre des exclusions prévues par le contrat souscrit.
Par acte du 19 août 2022, M. [T] a fait assigner la société Allianz Travel aux fins d'indemnisation de son préjudice.
Par un jugement du 15 mai 2023, le tribunal judiciaire de Lille a :
rejeté les demandes de M. [F] [T]
condamné M. [F] [T] aux dépens de l'instance
rejeté le surplus des demandes
Par déclaration du 17 juillet 2023, M. [F] [T] a formé appel de cette décision en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 1 et 2 ci-dessus.
Dans ses conclusions notifiées le 12 février 2024, M. [T] demande à la cour, au visa des articles L. 211-1 du code de la consommation et des articles 1103 et 1231-1 du code civil, de :
infirmer le jugement dont appel en qu'il a rejeté ses demandes et l'a condamné aux dépens de l'instance
Statuant de nouveau
déclarer la clause d'exclusion de garantie opposée par la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel inopposable
condamner la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel au versement de la somme de 6 481,06 euros au titre du remboursement des frais restés à sa charge à la suite de l'annulation du voyage conformément au contrat d'assurance annulation souscrit
condamner la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel au versement d'une indemnité de 1 500 euros au titre de la réparation de son préjudice moral
débouter la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel de l'ensemble de ses demandes
condamner la société Awp P&C exerçant sous l'enseigne Allianz Travel à lui verser une indemnité de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile tant pour les frais de première instance qu'en cause d'appel ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
le premier juge a opéré une interprétation erronée des dispositions contractuelles
la clause d'exclusion de garantie prévue à l'article 4.2 des conditions générales du contrat d'assurance n'est ni claire ni précise en visant, d'une part, la notion d' »évolution » de la maladie, précisant à cet égard que l'évolution de son état de santé était favorable durant les 30 jours précédant la réservation, et, d'autre part, celle de « modification de traitement » laquelle n'implique pas nécessairement un changement de posologie alors en outre que les douleurs thoraciques, pour lesquelles un traitement lui a été prescrit, sont distinctes des séquelles respiratoires qu'il a conservé à la suite de son accident de ski en 2019, de sorte que cette clause, qui n'est ni formelle ni limitée, ne lui est pas opposable.
la garantie de l'assureur est due dans la mesure où la réalité de la maladie est établie et que cette maladie est incompatible avec le voyage prévu sans que l'assureur ne puisse exiger un certificat médical précisant la nature et la gravité de la maladie ainsi que ses conséquences prévisibles
la clause 4.2 des conditions générales du contrat d'assurance n'a pas vocation à s'appliquer puisque le traumatisme thoracique, pathologie retenue par l'assureur, est intervenue en mai 2019 soit plus de 30 jours avant la réservation du voyage et que les séquelles neuropathiques engendrées sont stabilisées par un traitement médicamenteux demeuré inchangé
il a subi à la suite du même accident de ski de 2019 une perforation du poumon à l'origine de plusieurs interventions dont il conserve des séquelles respiratoires lesquelles étaient stabilisées au moment de la réservation du voyage
ce n'est que deux jours avant son départ, que son état de santé s'est dégradé ayant rencontré des difficultés respiratoires compte tenu de la période caniculaire ce qui constitue une cause médicale
par ailleurs, il a subi un préjudice moral résultant de la mauvaise exécution contractuelle de l'obligation principale de remboursement de l'assureur alors que la garantie est acquise
Aux termes de ses conclusions notifiées le 15 mars 2024, la société Awp P&C demande à la cour, au visa des articles 1101 et suivants du code civil, de :
confirmer le jugement en ce qu'il a débouté M. [T] de l'ensemble de ses demandes
condamner M. [T] au paiement d'une indemnité de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que :
le tribunal a omis de statuer sur les conditions d'application des garanties du contrat comme elle le lui avait demandé
à cet égard, l'assuré qui revendique la mobilisation du contrat doit justifier d'un événement garanti et en conséquence transmettre tous les justificatifs
le risque médical constitue un événement garanti à condition que l'annulation soit consécutive à la survenance, postérieurement à la souscription de l'assurance, de l'un des événements garantis empêchant formellement le départ de l'assuré et notamment la maladie ou l'aggravation d'une maladie qui doit avoir entrainer, d'une part, une hospitalisation depuis le jour de l'annulation jusqu'au jour du départ initialement prévu ou la cessation de toute activité professionnelle ou le maintien à domicile si la personne ne travaille pas et, d'autre part, une consultation médicale ainsi que l'observation d'un traitement médicamenteux dès le jour de l'annulation ou la réalisation d'examens médicaux prescrits par un médecin
il incombe ainsi à l'assuré de démontrer la réalité de l'événement garanti par la production de justificatifs conformément à l'article 6 du contrat d'assurance mais également son droit à indemnisation, ce qu'il ne fait pas
les certificats médicaux ne permettent pas de justifier d'une aggravation médicale postérieure à la souscription du contrat et répondant aux conditions fixées par le contrat
si, selon l'assuré, l'annulation serait en lien avec des douleurs neuropathiques, séquelles de l'accident de ski de 2019, il n'est pour autant nullement justifié d'une aggravation ayant justifié un maintien à domicile et un traitement médicamenteux
les pièces produites ne permettent pas non plus de justifier d'une telle aggravation, la cause médicale n'étant pas précisée tout comme l'existence d'une aggravation de même qu'il n'est pas justifié d'une prescription médicale en lien avec cette aggravation
les ordonnances communiquées établissent au contraire que le traitement médicamenteux n'a pas été modifié entre la date de réservation et celle de l'annulation
en outre, l'assuré prétend lui-même que la décision d'annulation résulte des conséquences des séquelles de l'accident de ski de 2019, soit avant la souscription du contrat et alors que ces séquelles n'ont donné lieu à aucune modification du traitement
par suite, sa garantie n'est pas due
subsidiairement, sur les exclusions contractuelles de garantie, la clause 4.2 du contrat, laquelle est dénuée de toute ambigüité, a vocation à s'appliquer dès lors que la maladie a donné lieu à une modification du traitement durant les 30 jours précédant le voyage puisque l'ordonnance du 25 janvier 2021 a modifié la posologie
Pour un plus ample exposé des moyens de l'appelant, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
A titre liminaire, la cour observe que le premier juge a examiné les clauses d'exclusion de garanties de la police d'assurance souscrite par M. [T] sans avoir préalablement vérifié, comme le demandait l'assureur, si les conditions de mise en 'uvre de la garantie annulation étaient remplies.
Il convient donc d'examiner ce point préalablement à l'étude des clauses d'exclusion contractuelles invoquées par la société Awp P&C.
Sur les conditions de la garantie annulation
Selon l'article 1134 du code civil applicable au présent litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.
En application de l'article 1315 du même code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré, doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de l'obligation.
En application de ces textes, il incombe à l'assuré de faire la preuve des conditions de mise en jeu de la garantie et à l'assureur, qui se prévaut d'une clause d'exclusion de la garantie, de démontrer que les conditions de sa mise en 'uvre sont réunies.
Sur ce,
L'article 2 des conditions générales du contrat d'assurance n°602696 prévoit que « l'annulation ou la modification doit être consécutive à la survenance, postérieurement à la souscription de l'assurance, de l'un des événements garantis suivants empêchant formellement le départ de l'assuré :
Événements médicaux :
2.1. une maladie ou une épidémie/pandémie y compris liée à l'état de grossesse, un accident corporel, ainsi que les suites, séquelles, complications ou aggravation d'une maladie ou d'un accident corporel qui a été constaté avant la réservation du voyage.
impliquant obligatoirement :
- soit, une hospitalisation depuis le jour de l'annulation ou de la modification jusqu'au jour du départ initialement prévu,
soit la cessation de toute activité professionnelle ou le maintien à domicile si la personne ne travaille pas, depuis le jour de l' annulation /modification jusqu'au jour du départ prévu,
et
une consultation médicale, ainsi que l'observation d'un traitement médicamenteux dès le jour de l'annulation /modification, ou la réalisation d'examens médicaux prescrits par un médecin,
avec dans tous les cas, la prise en charge de tous ces actes par l'un des organismes d'assurance maladie auxquels l'assuré est affilié,
survenant à l'assuré, son conjoint, concubin notoire, ou partenaire de P.A.C.S. [...] ».
La maladie est définie par le contrat d'assurance comme « toute altération de l'état de santé d'une personne constatée par un médecin ».
L'article 6 dudit contrat (page 12) relatif aux « justificatifs à fournir » prévoit qu'en cas d'absence de justificatifs ou si les justificatifs fournis ne prouvent pas la matérialité de l'événement garanti invoqué, l'assureur est en droit de refuser la demande d'indemnisation de l'assuré. Ce dernier doit fournir, le cas échéant, le questionnaire médical à faire remplir par son médecin, les ordonnances de traitement médicamenteux, le compte-rendu des examens, la copie de l'arrêt de travail, le bulletin d'hospitalisation et après examens du dossier et à la demande de l'assureur, les bordereaux de remboursements de l'organisme d'assurance maladie auquel l'assuré est affilié.
Il ressort du questionnaire médical que M. [T] a été victime, en mars 2019, d'un accident de ski à l'origine d'un polytraumatisme avec notamment un pneumothorax ayant engendré des séquelles neuropathiques.
Il résulte en effet du compte-rendu d'hospitalisation établi par le docteur [H] [D] du Chu de [Localité 7] du 10 mai 2019 que M. [T] s'est présenté aux Urgences le 3 mai 2019 dans un contexte d'apparition d'essoufflement associé à des douleurs thoraciques gauches. Une radiographie et un scanner thoraciques ont mis en évidence un décollement pleural de type pneumothorax cloisonné avec majoration d'un épanchement pleural gauche et collapsus du lobe inférieur. Il a été opéré le 6 mai 2019. Une thoracoscopie gauche avec libération des adhérences pulmonaires, aspiration du liquide pleural et mise en place de deux drains thoraciques ont en effet été pratiquées. Il lui a alors été prescrit un traitement de Neurontin ainsi que 15 séances de kinésithérapie respiratoire et locomotrice avec la recommandation de poursuivre les auto exercices respiratoires.
S'il est établi que les difficultés respiratoires de M. [T] sont constitutives des séquelles de son accident de ski, celui-ci n'établit pas une aggravation de son état de santé postérieurement à la souscription du contrat d'assurance et ayant justifié un traitement médicamenteux ou des examens médicaux ainsi qu'un maintien à domicile ou un arrêt de travail, ces conditions étant cumulatives.
En effet, l'examen des ordonnances médicales produites révèle que le traitement médicamenteux de M. [T] n'a pas été modifié entre la date de réservation (22 février 2021) et celle de l'annulation du voyage puisque les médicaments prescrits le 25 janvier 2021 ont été renouvelés sans aucune modification les 13 avril 2021 et 11 juin 2021.
Si le docteur [P] a, deux jours avant le voyage, attesté que « l'état de santé de M. [T] ne lui permet pas de voyager en avion cette semaine », la cause médicale n'est nullement précisée et il n'est justifié ni d'une prescription ni d'un arrêt de travail ou d'un maintien à domicile.
S'il résulte des attestations, au demeurant postérieures à la déclaration de sinistre, du docteur [M] des 15 décembre 2021, et 26 mai 2023 que l'état de santé de M. [T] « s'est dégradé à partir du 3 août 2021 alors que son état était parfaitement stable d'ici là » et qu'il ne s'est pas dégradé entre le 2 octobre 2020 et le 25 janvier 2021, au contraire, l'amélioration a permis de réduire les thérapeutiques lors de la consultation du 25 janvier 2021 », il n'est pas justifié de la prescription d'un traitement médicamenteux ou d'examens médicaux et d'un maintien à domicile en lien avec une aggravation médicale qui aurait été constatée le 5 août 2021, date à laquelle il a annulé son voyage.
Les conditions de la garantie annulation relative au constat d'une maladie ou de ses suites ou aggravation d'une maladie avant la réservation du voyage ne sont donc pas remplies.
Par suite, et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les clauses d'exclusion de garantie prévues au contrat, M. [T] sera débouté de ses demandes de remboursement du coût du voyage et d'indemnisation de son préjudice moral.
Le jugement critiqué sera donc confirmé par substitution de motifs.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt conduit :
d'une part, à confirmer le jugement critiqué sur ses dispositions relatives aux dépens,
et, d'autre part, à condamner M. [T], outre aux entiers dépens d'appel, à payer à la société Awp P&C la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 15 mai 2023 par le tribunal judiciaire de Lille en ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant :
Condamne M. [F] [T] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [T] à payer à la société Awp P&C la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Guillaume SALOMON