Décisions
CA Grenoble, ch. soc. -A, 8 octobre 2024, n° 22/02101
GRENOBLE
Arrêt
Autre
C1
N° RG 22/02101
N° Portalis DBVM-V-B7G-LMLU
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me David HERPIN
la SELARL CABINET JP
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 08 OCTOBRE 2024
Appel d'une décision (N° RG F20/00110)
rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Montélimar
en date du 05 avril 2022
suivant déclaration d'appel du 30 mai 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. EPIONE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, dont la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère rendu 16 janvier 2024,
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE,
INTIME :
Monsieur [D] [N]
né le 07 Avril 1981 à [Localité 10] (58)
[Adresse 1]
[Localité 9]
représenté par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE, substitué par Me Marine FARDEAU, avocat au barreau de GRENOBLE,
PARTIES INTERVENANTES :
Association CGEA AGS D'ANNECY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
n'ayant pas constituée avocat, assignée à comparaitre devant la cour d'appel de Grenoble par acte de commissaire de justice remis le 05 avril 2024 au siège à personne habilitée,
S.E.L.A.R.L. SBCMJ, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4], représentée par M. [I] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EPIONE, dont le siège est situé,
[Adresse 3]-[Localité 6]
[Localité 6]
représentée par Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère,
Monsieur Frédéric BLANC, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 juin 2024,
Mme Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 08 octobre 2024.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [D] [N] a été embauché par la SARL Epione en qualité de directeur comptable et juridique selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2008.
Par courrier du 9 septembre 2019, la SARL Epione a convoqué M. [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 30 septembre 2019.
Par courrier du 4 octobre 2019 envoyé par lettre recommandée avec avis de réception, la SARL Epione a communiqué à M. [N] le contrat de sécurisation professionnelle.
Par courrier du 31 octobre 2019, la SARL Epione a proposé à M. [N] deux postes, qu'il a refusé par courrier du 15 novembre 2019.
Par courrier du 15 novembre 2019 envoyé en recommandé avec avis de réception, la SARL Epione a licencié M. [N] pour motif économique.
M. [N] n'ayant pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a été rompu au terme du préavis de trois mois, soit le 20 février 2020.
La SARL Epione ne s'étant pas acquittée du paiement de l'intégralité des sommes dues au titre de la rupture de la relation de travail, M. [N] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar en vue d'obtenir la condamnation de la SARL Epione à lui payer le solde des sommes dues.
Par ordonnance du 11 septembre 2020, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar a accordé à la SARL Epione des délais de paiement pour régler le solde des sommes dues à M. [N] au titre de la rupture du contrat de travail.
Par requête du 16 novembre 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement pour motif économique, obtenir la condamnation de la SARL Epione à lui payer des dommages et intérêts au titre de la rupture abusive de la relation de travail, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, un rappel de salaire au titre des astreintes, des dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 4 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :
Fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [N] à la somme de 5 382,50 euros,
Dit et jugé que le licenciement de M. [N] est justifié,
Dit et jugé que M. [N] n'apporte pas d'élément permettant de caractériser un harcèlement moral,
Condamné en outre la SARL Epione à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues sur son solde de tout compte,
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 4 598,80 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés restant due,
- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
- 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté M. [N] de toutes ses autres demandes,
Débouté la SARL Epione de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la SARL Epione aux dépens.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.
La SARL Epione en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 30 mai 2022.
Par jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 15 janvier 2024, la SARL Epione a été placée en liquidation judiciaire et M. [I] [U] de la SELARL SBCMJ a été nommé en qualité de mandataire liquidateur.
La SELARL SBCMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Epione est intervenue volontairement à la présente procédure.
M. [N] a assigné l'AGS CGEA d'Annecy à comparaître avec signification des conclusions d'intimé par acte d'huissier du 5 avril 2024.
Par courrier du 15 avril 2024, l'AGS CGEA de [Localité 11] a informé la cour que le CGEA ne serait ni présent ni représenté dans l'actuelle procédure.
Par conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2024, la SELARL SBCMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Epione et la SARL Epione demandent à la cour de :
" Déclarer recevable et bien fondée l'intervention de la SELARL SBCMJ représentée par M. [I] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Epione,
Déclarer irrecevables les demandes de M. [N] tendant à la condamnation de la SARL Epione,
Déclarer irrecevables les demandes de M. [N] formulées à l'encontre de la société Réseau Alois service,
Déclarer irrecevable la demande de M. [N] de voir fixer au passif la somme de 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte s'agissant d'une demande nouvelle,
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montélimar en ce qu'il a condamné la SARL Epione à payer à M. [N] les sommes de :
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues sur son solde de tout compte,
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 4 598,80 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés restant due,
- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
- 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Débouter M. [N] de ses demandes de rappel de salaires (heures supplémentaires) présentées à l'encontre de la SARL Epione,
Débouter M. [N] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
Débouter M. [N] de sa demande au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte,
Débouter M. [N] de sa demande de dommages et intérêts,
Limiter le rappel au titre de l'indemnité de licenciement à la somme de 7 491,38 euros,
Confirmer le jugement pour le surplus, et en conséquence, débouter M. [N] de son appel incident,
Y ajoutant,
Condamner M. [N] à payer à la SELARL représentée par M. [I] [U], en qualité de liquidateur de la SARL Epione la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ".
Par conclusions transmises par voie électronique le 30 avril 2024, M. [N] demande à la cour de :
" Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Fixé le salaire mensuel brut de M. [N] à la somme de 5 382,50 euros,
- Retenu l'existence d'heures supplémentaires effectuées par M. [N],
- Condamné en conséquence la SARL Epione à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues sur son solde de tout compte,
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 4 598,80 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés restant due,
- 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et sur l'appel incident,
Déclarer M. [N] recevable et bien fondé en son appel incident,
Y ajoutant,
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
- Dit et jugé que le licenciement de M. [N] est justifié,
- Dit et jugé que M. [N] n'apporte pas d'élément permettant de caractériser un harcèlement moral,
- Débouter M. [N] de toutes ses autres demandes,
Statuant à nouveau,
Déclarer le licenciement de M. [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Dire et juger que le harcèlement moral dont M. [N] a été victime est avéré,
En conséquence,
Fixer au passif de la SARL Epione, représentée par la SELARL SBCMJ, dont le siège social est situé au [Adresse 3] - [Localité 6], [Localité 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 6] sous le numéro 504 384 504, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4] représentée par M. [I] [U] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, agissant en qualité de liquidateur de la SARL Epione, fonction à laquelle il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 16 janvier 2024, à verser à M. [N] les sommes suivantes qui seront prises en charge par les AGS CGEA d'Annecy :
- Au titre des rappels de salaire :
- 1 451 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité de licenciement,
- 15 480 euros au titre de la compensation de l'astreinte,
- 34 536 euros au titre des heures de travail effectif au cours des périodes d'astreinte,
- 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte,
- 32 295 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- Au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- 56 516,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Au titre du harcèlement moral :
- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts sur harcèlement moral,
- Au titre du règlement tardif :
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
En tout état de cause,
Déclarer opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS CGEA,
Ordonner à l'AGS CGEA de garantir l'ensemble des créances de M. [N] au passif de la SARL Epione, représentée par la SELARL SBCMJ, dont le siège social est situé au [Adresse 3] - [Localité 6], [Localité 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 6] sous le numéro 504 384 504, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4] représentée par M. [I] [U] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, agissant en qualité de liquidateur de la SARL Epione, fonction à laquelle il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 16 janvier 2024,
Fixer au passif de la SARL Epione, représentée par la SELARL SBCMJ, dont le siège social est situé au [Adresse 3] - [Localité 6], [Localité 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 6] sous le numéro 504 384 504, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4] représentée par M. [I] [U] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, agissant en qualité de liquidateur de la SARL Epione, fonction à laquelle il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 16 janvier 2024, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2024, reportée au 21 mai 2024.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 17 juin 2024, a été mise en délibéré au 8 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Epione
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En premier lieu, la cour constate M. [N] ne formule aucune demande dirigée contre la société Réseau Alois service dans le dispositif de ses conclusions devant la présente juridiction.
En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la SELARL SBCMJ ès qualités visant à déclarer irrecevables les demandes de M. [N] formulées à l'encontre de la société Réseau Alois service est inopérante, et doit être rejetée.
En deuxième lieu, il apparaît que la demande de M. [N] de voir fixer au passif la somme de 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte a été formulée pour la première fois en appel par le salarié dans ses conclusions récapitulatives et responsives et sur appel incident, transmises par la voie électronique le 30 avril 2024.
Pour autant, il y a lieu de relever que devant le premier juge, M. [N] avait sollicité la condamnation de la société Epione à lui payer les sommes suivantes :
- 64 546,68 euros au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 15 480 euros au titre de la compensation de l'astreinte,
- 34 536 euros au titre des heures de travail effectif au cours des périodes d'astreinte,
- 11 456,27 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire.
La somme globale de 11 456,27 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés afférentes aux rappels de salaire sollicités par le salarié au titre des heures supplémentaires, au titre des heures réalisées au cours des périodes astreintes, et au titre des indemnités d'astreinte, il doit être retenu que M. [N] avait bien formulé une demande d'indemnité compensatrice de congés payés en première instance au titre des rappels de salaire sollicités au titre des astreintes.
Or, il apparaît que la somme de 5 001,60 euros sollicitée par le salarié en cause d'appel correspond aux indemnités compensatrices de congés payés auxquelles M. [N] pourrait prétendre s'il était fait droit à ses demandes, formulées devant le premier juge, et reprises en appel dans ses premières conclusions d'intimé, de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione les sommes suivantes:
- 15 480 euros au titre de la compensation de l'astreinte,
- 34 536 euros au titre des heures de travail effectif au cours des périodes d'astreinte,
En conséquence, la demande de M. [N] de voir fixer au passif la somme de 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel au sens des dispositions susvisées de l'article 564 du code de procédure civile, de sorte qu'elle doit être déclarée recevable devant la cour.
Cette fin de non-recevoir soulevée par la SELARL SBCMJ ès qualités est donc rejetée.
En troisième lieu, la SELARL SBCMJ ès qualités ne développe aucun moyen au soutien de sa fin de non-recevoir visant à voir déclarer irrecevables les demandes de M. [N] tendant à la condamnation de la SARL Epione.
Et la cour rappelle que le liquidateur étant dans la cause, il lui appartient de se prononcer sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement (Cass.Soc. 10-11-2021 n° 20-14.529 FS-B).
En conséquence, cette fin de non-recevoir est également rejetée.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Le salarié a communiqué un tableau réalisé pour les besoins de la cause, sans aucun autre élément pouvant justifier des prétendues heures supplémentaires effectuées non rémunérées,
- Les explications fournies pour expliquer l'origine de ces heures supplémentaires ne sont pas démontrées,
- Il n'a jamais exercé les fonctions de responsable de l'agence de [Localité 5] de la société Réseau Alois service,
- La SARL Epione n'avait que la charge d'une assistance dans la gestion administrative, juridique, sociale et financière de la société Réseau Alois service, comme le démontre la convention signée entre ces deux sociétés,
- La SARL Epione n'avait aucun intérêt à lui demander d'effectuer des missions non prévues par la convention de service profitant à la société Réseau Alois service,
- A compter de 2014, après la cession des établissements de soins à la société Colisée, M. [N] a vu sa charge de travail diminuer de manière significative, la SARL Epione étant passée de la gestion de la comptabilité de huit sociétés à la gestion de la comptabilité d'une seule société.
En réponse, M. [N] fait valoir que :
- En plus de la gestion, financière, comptable et juridique de l'ensemble des sociétés dont le gérant de la SARL Epione, M. [W], était gérant ou président, il a occupé le poste de responsable d'agence de [Localité 5] au démarrage de l'activité en décembre 2015 de la société Réseau Alois service, sans qu'aucun avenant à son contrat de travail ne soit régularisé ou qu'un contrat avec la société Réseau Alois service ne soit conclu,
- Il assurait également, en tant que responsable d'agence, les astreintes téléphoniques 24h/24h et 7j/7j,
- A la suite de son licenciement, son poste de responsable d'agence a été remplacé par trois postes distincts et l'embauche de trois salariés : une responsable d'agence, une assistante d'agence, une comptable, outre le recours à un cabinet d'expertise comptable extérieur,
- Les heures supplémentaires effectuées dans le cadre de son activité ne lui ont jamais été payées,
- Il produit plusieurs éléments démontrant qu'il exerçait de manière effective les fonctions de responsable d'agence,
- Il produit un décompte précis des heures travaillées qui ne lui ont pas été payées.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l'article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l'article L. 3121-29.
Selon l'article L. 3121-36 du code du travail, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
Selon l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article D. 3171-8 du code du travail, lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :
1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;
2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.
Selon l'article D. 3171-12, lorsque des salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, est établi pour chaque salarié.
Ce document comporte les mentions prévues à l'article D. 3171-11 ainsi que :
1° Le cumul des heures supplémentaires accomplies depuis le début de l'année ;
2° Le nombre d'heures de repos compensateur de remplacement acquis en application des articles L. 3121-28, L. 3121-33 et L. 3121-37 ;
3° Le nombre d'heures de repos compensateur effectivement prises au cours du mois ;
4° Le nombre de jours de repos effectivement pris au cours du mois, dès lors qu'un dispositif de réduction du temps de travail par attribution de journées ou de demi-journées de repos dans les conditions fixées par les articles L. 3121-44 et D. 3121-27 s'applique dans l'entreprise ou l'établissement.
Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il ressort des termes du contrat de travail à durée indéterminée de M. [N] en date du 1er juillet 2008 que les parties n'ont pas défini contractuellement les horaires de travail du salarié, seule la durée de travail étant fixée contractuellement à la durée légale, soit 151,67 heures par mois.
Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, M. [N] verse aux débats un décompte des horaires de travail qu'il prétend avoir réalisés chaque jour travaillé sur la période du 2 janvier 2017 jusqu'au 12 septembre 2019, date de son arrêt de travail, ce décompte faisant également apparaître la durée totale de temps de travail quotidien, le temps de pause déjeuner (1 heure), le nombre d'heures supplémentaires réalisées et non rémunérées, et parmi ces heures, celles devant être majorées de 25 % et celles devant l'être de 50 %, soit pour la totalité de la période la somme de 64 564,68 euros brut.
Ce décompte est suffisamment précis pour engager le débat et permettre à l'employeur, chargé de contrôler les horaires de travail de ses salariés, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Or, en réponse, la SELARL SBCMJ ès qualités se limite à contester la réalisation des heures supplémentaires alléguées tout en s'abstenant de produire des éléments permettant d'établir les horaires de travail réalisés par le salarié sur la période contestée.
Si le représentant de l'employeur allègue que le salarié était " soumis aux horaires de bureau comme l'ensemble des salariés administratifs de la société EPIONE ", il ne verse aux débats aucun élément démontrant qu'il existait des horaires collectifs de travail au sein de la société, auxquels était soumis M. [N], la cour d'appel relevant au demeurant que ces horaires ne sont pas mentionnés dans les conclusions de l'employeur.
Et si l'employeur allègue que le temps de travail revendiqué comprend des heures réalisées pour un autre employeur du même groupe, il ne produit aucun élément pertinent et précis permettant de l'établir ou de décompter le nombre d'heures effectuées pour la société Epione.
Il ne caractérise pas non plus d'incohérences dans les décomptes produits par le salarié.
Enfin, le fait que les tâches que le salarié prétend avoir effectuées en sus de ses tâches contractuellement définies ne rentraient ni dans ses fonctions contractuelles ni dans le cadre de la convention de service conclue entre les sociétés Epione et Réseau Alois Service, en charge de la gestion de plusieurs agences de service d'accompagnement et d'aide à domicile, dont l'agence de [Localité 5], ne permet pas d'exclure que le salarié a réalisé les heures supplémentaires revendiquées dans le cadre de sa relation de travail avec son employeur, la société Epione, dès lors que celle-ci échoue à établir les horaires de travail effectivement réalisés par son salarié.
Au surplus, il doit être relevé que la SELARL SBCMJ ès qualités ne soulève pas l'irrecevabilité de la demande formulée par le salarié au motif qu'elle ne serait pas dirigée contre la bonne personne morale.
En considération de l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées pour un montant de 64 546,68 euros brut, et d'inscrire ce montant au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 6 454,67 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Le salarié n'ayant effectué aucune heure supplémentaire, sa demande ne peut prospérer,
- Le salarié ne démontre pas une intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations de déclaration des heures de travail effectuées.
M. [N] affirme que l'infraction de travail dissimulé est caractérisée.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Il apparaît que le salarié a réalisé un nombre important d'heures supplémentaires au cours de sa période d'emploi, qui ne lui ont pas été rémunérées et au titre desquelles l'employeur n'a versé aucune contribution et charge sociales, ces heures n'apparaissant pas sur les bulletins de salaire.
Eu égard à l'importance des heures effectuées, et au fait que l'employeur s'est délibérément abstenu de tout suivi du temps de travail, l'intention de la société Epione de dissimuler une partie des heures travaillées par M. [N] est établie, celui-ci étant dès lors fondé à solliciter l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 susvisé du code du travail.
La rémunération brute mensuelle du salarié s'élevant à 5 382,50 euros brut, il y a lieu d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 32 295 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande au titre des astreintes et heures d'intervention
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Elle n'a jamais demandé au salarié d'effectuer des astreintes téléphoniques,
- Le salarié a été engagé par la SARL Epione en qualité de directeur comptable et juridique et le contrat de travail ne mentionne pas la réalisation d'astreinte,
- Il ne démontre pas avoir effectué des heures d'intervention auprès des clients de la société Réseau Alois service lors de ces prétendues astreintes,
- La SARL Epione n'avait pas d'activité d'aide à domicile, n'avait pas vocation à intervenir auprès de personnes bénéficiaires d'une aide à domicile, et n'avait pas le droit, faute d'autorisations, d'exercer une telle activité,
- la demande de rappel de salaire au titre des astreintes et des heures de travail au cours des périodes d'astreinte n'étant pas fondée, la demande d'indemnité de congés payés y afférents ne l'est pas non plus.
M. [N] fait valoir que :
- Il assurait à la demande de son employeur les astreintes téléphoniques 24h/24h et 7j/7j de l'ensemble des agences de la société Réseau Alois service depuis le démarrage de l'activité de service à domicile en 2015,
- Son numéro de téléphone portable professionnel était communiqué aux clients via le répondeur téléphonique du siège de la SARL Epione, qui est également le numéro de téléphone fixe principal des autres sociétés du groupe Asclepios dont le Réseau Alois service,
- D'autres responsables d'agences avaient des astreintes, mais seul lui avait une astreinte 24h/24h et 7j/7j du fait de sa présence au siège social,
- Il a réalisé ces astreintes sans bénéficier d'aucune contrepartie financière.
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Aux termes de l'article L. 3121-9 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
Il est de principe que l'indemnité d'astreinte est destinée à compenser une servitude permanente de l'emploi, ce dont il résulte qu'elle constitue un élément de salaire.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail du salarié ne prévoyait aucune astreinte.
Pour démontrer qu'il a réalisé des astreintes téléphoniques 24h/24h et 7j/7j en dehors de tout cadre contractuel et conventionnel, le salarié verse aux débats :
- Un courriel du salarié à M. [W] du 10 septembre 2019 dans lequel M. [N] sollicite des explications sur la décision du gérant de lui retirer la carte SIM professionnelle du numéro dont il disposait depuis son embauche en qualité de directeur comptable et juridique de la société Epione, le salarié indiquant que cette carte SIM a été ensuite remise à la secrétaire de direction de la société Réseau Alois Service, Mme [S] [O],
- Un courriel en réponse de M. [W] du 11 septembre 2019 dans lequel celui-ci indique : " Sans attendre le compte rendu de notre réunion du 09 09 2019 que je vous ai remis hier après-midi vous avez prévenu dès hier matin les intervenants par SMS que vous interrompiez immédiatement la gestion de l'agence de [Localité 5] y compris les astreintes. C'est donc à bon droit et pour assurer la continuité du service que je vous ai demandé de me donner votre SIM afin que les intervenants et les bénéficiaires puissent trouver un interlocuteur sur le numéro qu'ils appellent habituellement ",
- Un courriel en réponse de M. [N] du même jour dans lequel le salarié précise : " Ce lundi 9 septembre 2019, vous avez décidé de me retirer du poste de Responsable d'agence de [Localité 5]/[Localité 9] que j'assume, sans compter mon temps et mon énergie en sus de mon poste de Directeur comptable et juridique d'Epione, et de donner mes missions à Mme [S] [O] et les astreintes téléphoniques en partage à Mme [S] [O] et à M. [H] [M], ce que ce dernier a fait dès ce lundi soir. (') Vous savez très bien que je réalise les astreintes 7/7 jours et je vous ai rappelé ce lundi et ce mardi que celles-ci ne m'étaient toujours pas rémunérées. D'ailleurs, cela fait plusieurs années que je vous demande une indemnité d'astreinte (') ",
- Une attestation de Mme [C] [E], auxiliaire de vie sociale, qui indique qu'au " cours de mes relations professionnelles, je recevais mes ordres par Monsieur [N] [D] Responsable de l'agence de [Localité 5]. (') Il était joignable à toute heure de la journée, même tard ainsi que les week-ends en cas (de) difficultés sur des missions ",
- Une attestation de M. [F] [Z], employé polyvalent, qui indique : " J'ai constaté, qu'outre ses fonctions de directeur comptable et juridique, M. [D] [N], pour le compte de la société Réseau Alois Service à [Localité 5], gérait les plannings des salariés, les absences et remplacements, les communications téléphoniques, la réception de la clientèle, les visites chez les bénéficiaires, les astreintes de l'agence de [Localité 5] et celles du siège social, vérifiait les fiches d'heures mensuelles, signait les contrats de prestations des bénéficiaires et contrats de travail des salariés, etc. ".
Pris ensemble, ces éléments sont suffisamment précis et concordants pour établir que M. [N] a réalisé des astreintes au cours de sa période d'emploi.
S'il ressort de ces mêmes éléments que ces astreintes ont été réalisées au bénéfice de la société Réseau Alois Service, et qu'elles n'étaient pas prévues au contrat de travail de M. [N], il n'en demeure pas moins que les deux sociétés concernées, à savoir la société Epione et la société Réseau Alois Service, avaient toutes les deux le même gérant, M. [W], et qu'une convention de service liait la société Epione et la société Réseau Alois Service.
Or, c'est bien dans ce cadre que M. [N], salarié de la société Epione, s'est vu confier la réalisation d'astreintes, de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir intenté son action à l'encontre de la société Réseau Alois Service.
Aussi, peu importe, comme le soutient la SELARL SBCMJ ès qualités, que la société Epione ne disposait pas, contrairement à la société Réseau Alois service, des autorisations nécessaires pour exercer une activité d'aide à domicile.
En effet, le fait que M. [W], dirigeant des deux sociétés, a confié la réalisation d'astreintes à un salarié de la société Epione, alors qu'elle ne bénéficiait pas d'autorisations à ce titre, ne permet pas à la société Epione de s'exonérer de leur paiement.
Il s'ensuit que le salarié est fondé dans ses demandes de rappel d'indemnité d'astreinte et de rappel de salaire au titre des astreintes, et de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, dirigées contre la société Epione.
Le salarié, pour justifier du montant de l'indemnité d'astreinte qu'il sollicite, allègue que les autres responsables d'agence percevaient une prime forfaitaire mensuelle au titre de la compensation des astreintes de 430 euros, montant qui ne fait l'objet d'aucune critique utile de la part du représentant de l'employeur.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 15 480 euros brut au titre des indemnités d'astreinte, correspondant à la somme que le salarié aurait dû percevoir si l'indemnité susvisée lui avait été versée au cours des trois dernières années de la relation de travail.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
En outre, M. [N] soutient qu'il a effectué entre 4 et 5 heures de travail supplémentaires par semaine au cours des périodes d'astreinte, y compris durant ses périodes de congés et lors des jours fériés, en cohérence avec les courriels précités, sans que la SELARL SBCMJ ès qualités ne présente de critique utile de son calcul.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 34 536 euros brut à titre de rappel de salaire, cette somme correspondant à 780 heures de travail effectif réalisées au titre des astreintes au cours des trois dernières années de la relation de travail.
Le jugement entrepris est également infirmé de ce chef.
Enfin, l'indemnité d'astreinte étant destinée à compenser une servitude permanente de l'emploi, elle constitue un élément de salaire, et le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente (cour de cassation, chambre sociale, 2 mars 2016, n° 14-14.919).
Dès lors, il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione les sommes suivantes à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, par infirmation du jugement entrepris de ce chef :
- 1 548 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux indemnités d'astreinte,
- 3 453,60 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures de travail effectif réalisées au cours des périodes d'astreinte.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral
Moyens des parties,
M. [N] fait valoir que :
- La relation avec son employeur s'est dégradée au cours de l'année 2019,
- Il a subi une surcharge de travail importante à l'origine de son arrêt de travail pour burn-out en septembre 2019,
- Son employeur a tenté de l'isoler et a refusé de lui venir en aide,
- M. [W], le gérant, a tenu de manière répétée des propos et actes méprisants et vexatoires, et il lui hurlait dessus pour des motifs injustifiés,
- Lors de la réunion du 9 septembre 2019, M. [W] a adopté deux mesures en rétorsion à ses demandes d'indemnisation de ses heures supplémentaires : le retrait immédiat de ses fonctions de responsable d'agence et de service d'astreinte ; le retrait de la carte SIM du téléphone professionnel qu'il utilisait depuis le début de son contrat de travail, cela en vue de l'isoler du reste des salariés.
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir pour leur part que :
- Le salarié ne démontre ni une charge de travail insurmontable ni la volonté de la SARL Epione de l'isoler,
- Le salarié ne fait pas état d'un harcèlement moral dans les courriers qu'il produit et qui ne démontrent que l'existence de directives de travail données à M. [N],
- Le salarié ne démontre pas qu'il aurait été contraint d'accepter des missions sous la pression du dirigeant de la SARL Epione, M. [W],
- Les certificats d'arrêt de travail ne font état que d'une dépression du salarié sans établir de lien entre cette dépression et ses conditions de travail, les médecins ne faisant que rapporter les propos tenus par M. [N],
- Le salarié ne produit aucun élément démontrant que M. [W] lui aurait hurlé dessus, ni qu'il lui aurait demandé de lui remettre la carte SIM de son téléphone professionnel de manière brutale,
- le salarié ne fait pas la démonstration du préjudice qu'il prétend avoir subi.
Sur ce,
L'article L. 1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.
Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral dispose :
" En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".
La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
A titre liminaire, il y a lieu de constater que le salarié ne formule, dans le dispositif de ses conclusions, qu'une demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et non pas au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité.
En outre, il apparaît que dans le développement de ses conclusions venant au soutien de cette demande, les moyens de droit et de fait soulevés par le salarié visent exclusivement à voir reconnaître l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Ainsi, dès lors que les notions de harcèlement moral et d'obligation de sécurité sont distinctes et obéissent chacune à un régime probatoire différent, il est sans incidence que le salarié ait intitulé " Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité ", la cour n'étant, eu égard aux dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, saisie d'aucune demande de dommages et intérêts au titre de l'obligation de sécurité, ni à titre principal, ni à titre subsidiaire.
Le salarié reproche à la société Epione de lui avoir fait subir une situation de harcèlement moral caractérisée par :
- des reproches adressés par courriers recommandés pendant ses périodes de congés et à ses retours de congés au cours de l'année 2015,
- une charge de travail insurmontable au cours de l'année 2019,
- des pressions à son encontre, afin qu'il accepte de nouvelles fonctions non prévues contractuellement,
- la volonté du gérant, M. [W], de l'isoler du reste de l'équipe et de lui refuser toute aide afin de lui permettre de faire face à sa charge de travail,
- des propos et des actes méprisants et vexatoires tenus par M. [W] à son encontre,
- le retrait de la carte SIM professionnelle et le numéro de téléphone qui lui avaient été attribués depuis le début de la relation contractuelle en rétorsion de sa demande de paiement des heures supplémentaires, ce retrait s'étant accompagné du retrait des fonctions de responsable d'agence et des astreintes.
Premièrement, s'agissant des propos et des actes méprisants et vexatoires tenus par M. [W] à son encontre, l'attestation de Mme [G] [L], assistante de vie sociale, qui indique avoir entendu "M. [W] crier de toutes ses forces sur M. [N] " le 8 septembre 2019 est insuffisante, à elle seule, pour établir la matérialité de tels faits.
Outre le fait que la salariée précise qu'elle n'était pas dans le bureau où avait lieu la réunion, le salarié ne verse aux débats aucun autre élément pertinent permettant de matérialier des propos méprisants et vexatoires tenus à son encontre.
Deuxièmement, M. [N] ne produit aucun élément permettant de matérialiser des pressions exercées afin qu'il accepte de nouvelles fonctions non prévues contractuellement (responsable d'agence et astreintes), le fait qu'aucun avenant au contrat de travail n'ait été conclu et qu'aucune augmentation de sa rémunération ne soit intervenue en conséquence n'étant pas un élément permettant d'établir la matérialité des pressions alléguées.
Troisièmement, s'agissant de la volonté du gérant de l'isoler du reste de l'équipe, M. [N] ne produit aucun élément susceptible de la matérialiser.
Par ailleurs, le salarié, qui indique que M. [M] lui aurait proposé son aide, mais que M. [W] aurait interdit à ce dernier de lui apporter " une quelconque assistance ", ne produit aucune pièce visée dans ses conclusions au soutien de son allégation.
Quatrièmement, s'agissant des reproches adressés pendant ses congés ou à ses retours de congés, le salarié indique que les faits allégués se sont produits " pendant tout le courant de l'année 2015 ", puis que ses relations avec le gérant, M. [W], se sont " apaisées " avant de " se dégrader considérablement au cours de l'année 2019 pour atteindre leur paroxysme début septembre 2019 ".
Le grand espacement de temps entre les faits invoqués n'exclut pas leur caractère répétitif.
Pour établir que M. [W] lui a adressé des reproches pendant ses congés ou immédiatement à son retour de congés, le salarié verse aux débats :
- un courrier du 18 mai 2015 adressé à M. [W], dans lequel M. [N] indique : " Je prends connaissance avec étonnement de votre courrier du 5 mai 2015, reçu pendant ma semaine de congés " ; puis : " Je regrette que vous n'ayez pas attendu mon retour de congés pour en échanger de vive voix. Vous avez préféré me transmettre votre courrier du 05 mai 2015 par voie postale sans même m'en avertir préalablement. Or, j'aurais pu vous rappeler les directives que vous m'avez données il y a quelques temps ", avec le courrier susvisé de M. [W] du 5 mai 2015,
- un courrier du 5 novembre 2015 adressé à M. [W] dans lequel M. [N] indique : " J'ai pris connaissance de votre courrier du 2 novembre 2015, remis en main propre le même jour, à ma reprise de poste (congés du 15 octobre 2015 au 1er novembre 2015 inclus). (') Je ne vous cache pas que je déplore recevoir ces reproches par courrier plutôt que d'échanger avec vous préalablement. En effet, j'aurais pu vous faire part ou vous rappeler les difficultés rencontrées pour exécuter ces missions (') ", avec le courrier susvisé de M. [W] du 5 novembre 2015.
Les faits invoqués par le salarié sont suffisamment établis par les pièces produites par le salarié.
Cinquièmement, s'agissant de la charge de travail " insurmontable " au cours de l'année 2019, il a été retenu précédemment que :
- Le salarié a effectué un grand nombre d'heures supplémentaires non rémunérées au cours de trois dernières années de la relation de travail, le tableau produit par le salarié au soutien de sa demande faisant état de 399,75 heures pour la période du 1er janvier au 12 septembre 2019, date du début de son arrêt de travail,
- M. [W] a confié la responsabilité de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] de la société Réseau Alois Service au salarié, en sus de ses fonctions contractuellement définies de directeur financier de la société Epione,
- M. [N] a réalisé des astreintes téléphoniques 7j/7j et 24h/24h dans le cadre de ses fonctions de responsable d'agence.
En outre, le salarié verse aux débats :
- Une attestation de Mme [G] [L], assistante de vie sociale, et une attestation de Mme [C] [E], auxiliaire de vie sociale, dans lesquelles ces deux salariées de la société Réseau Alois Service indiquent qu'après le retrait des fonctions de responsable de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] à M. [N], celui-ci a été remplacé par ce poste par une responsable d'agence (Mme [S] [O]) et une assistante d'agence,
- Un SMS du 10 septembre 2019 de [D] [N] dans lequel celui-ci indique : " Suite à une décision de réorganisation de notre Président, M. [J] [W], je vous informe que je ne serai plus en charge de la gestion de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9]. Je n'assurerai plus les astreintes. La nouvelle responsable d'agence de [Localité 5]/[Localité 9] sera désormais et à compter de ce jour, Mme [S] [O]. (') Les astreintes seront (') assurées par M. [H] [M] et Mme [S] [O] à tour de rôle ".
Pris ensemble, ces éléments sont suffisamment précis et concordants pour établir qu'après le retrait de ses fonctions de responsable d'agence et des astreintes que le salarié réalisait en sus de ses fonctions contractuelles, plusieurs personnes ont été nommées pour la gestion de l'agence et la réalisation des astreintes.
Le salarié matérialise ainsi suffisamment l'existence d'une surcharge de travail au cours de l'année 2019.
Par ailleurs, il apparaît que l'ensemble des directives de travail à l'origine de cette surcharge proviennent de M. [W], gérant de la société Epione et de la société Réseau Allois service.
La cour rappelle que l'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.
Dès lors, il est sans pertinence que certaines des tâches exercées par le salarié à l'origine de la surcharge de travail l'ont été pour le compte d'une autre société gérée par M.[W], et non pour le compte de la société Epione qui employait M. [N], dès lors que M. [W] exerçait sur le salarié une autorité de droit en tant que gérant de la société Epione.
La surcharge de travail matériellement établie par le salarié, en tant que fait susceptible de laisser supposer un harcèlement moral, est ainsi imputable à la société Epione.
Sixièmement, l'échange de courriels susvisés échangés entre M. [W] et M. [N] les 10 et 11 septembre 2010 permet d'établir, ce fait n'étant au demeurant pas contredit par l'employeur, qu'il a été décidé de retirer au salarié les fonctions de responsable d'agence de [Localité 5]/[Localité 9], en ce compris les astreintes, et de lui retirer la carte SIM professionnelle et le numéro de téléphone détenus par le salarié depuis le début de la relation contractuelle.
Par ailleurs, le salarié démontre avoir connu une dégradation de son état de santé ensuite de ces événements.
Il ressort des conclusions et des moyens échangés que le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 12 septembre 2019, prolongé jusqu'à son licenciement.
Et M. [N] verse aux débats :
- un courrier de Mme [X] [R], médecin du travail, du 19 septembre 2019, dans lequel celle-ci évoque des " difficultés relationnelles importantes avec son employeur depuis au moins août 2019 devenues ingérables pour lui depuis la semaine dernière avec changement de tâches " relatées par M. [N], et indique que " ces difficultés ont un impact sur son sommeil, son moral, avec une tendance à boire de l'alcool pour oublier et essayer de dormir (') ",
- un courrier de M. [A] [P], médecin généraliste, du 14 octobre 2019, dans lequel celui-ci indique que M. [N] " présente une dépression par épuisement avec un MADRS à 17/60. Malgré un mois d'arrêt de travail, il me parle de son incapacité à reprendre son ancien travail avec cette notion d'angoisse et de quasi panique à l'évocation de celui-ci. Dans ce contexte, il me semble logique d'envisager une inaptitude à tout poste dans l'entreprise. Une reprise entraînerait un échec et une aggravation de son état ".
Il résulte de ce qui précède que le salarié établit des éléments précis et concordants permettant de supposer qu'il a subi des agissements répétés de la part de M. [W], gérant de la société Epione, pouvant caractériser un harcèlement moral ayant engendré une dégradation importante de ses conditions de travail avec pour conséquence un état dépressif.
Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits précédemment retenus sont étrangers à tout harcèlement moral.
S'agissant de la surcharge de travail du salarié, la SELARL SBCMJ ès qualités ne produit aucun élément permettant d'établir dans quel cadre ces tâches nouvelles (responsabilité de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] et astreintes) ont été confiées au salarié.
Si le salarié échoue à démontrer qu'il aurait accepté ces tâches sous la pression de M. [W], et si M. [N] a pu indiquer dans des courriers à destination de son employeur que sa motivation demeurait intacte pour continuer à travailler avec M. [W] (courrier du 5 novembre 2015 visé par l'employeur), plusieurs éléments du dossier établissent qu'un contentieux s'est noué entre M. [W] et M. [N] sur le paiement des nombreuses heures supplémentaires réalisées en conséquence de ces nouvelles fonctions venant s'ajouter à ses fonctions contractuelles, et que la demande du salarié d'en obtenir le paiement serait à l'origine de la décision de M. [W] de lui retirer la gestion de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] et les astreintes en septembre 2019.
Dès lors, il apparaît que la SELARL SBCMJ ès qualités échoue à justifier, par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, d'une part la surcharge de travail matériellement établie par le salarié, d'autre part la décision de lui retirer la responsabilité de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] et les astreintes en septembre 2019.
En conséquence, il doit également être retenu que la SELARL SBCMJ ès qualités ne justifie pas, par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la décision de l'employeur de retirer au salarié la carte SIM et son numéro de téléphone professionnel qu'il détenait depuis le début de la relation contractuelle aux dires du salarié, cette allégation n'étant pas utilement contestée par l'employeur.
S'agissant des reproches adressés au salarié pendant ses congés ou immédiatement à son retour de congés au cours de l'année 2015, s'il ressort de l'examen des courriers produits par le salarié que M. [W] donne aux salariés des directives de travail dans des termes compatibles avec l'exercice de son pouvoir de direction, la SELARL SBCMJ ès qualités ne justifie pas, par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la décision de lui faire part de ces reproches par lettre recommandée au cours d'une période de congés du salarié, ou par écrit par lettre remise en main propre contre signature immédiatement après son retour de congés, ce mode de communication et la temporalité retenue, de nature à exercer une forme de pression sur le salarié, n'étant pas justifiés dans les circonstances de l'espèce.
Il résulte de ces constatations que l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. [N] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement moral dénoncé est donc établi.
Compte tenu des circonstances et de la dégradation démontrée de l'état de santé du salarié qui a suivi, laquelle a entraîné un arrêt de travail en raison d'un état dépressif, il convient de réparer le préjudice subi par M. [N] en ordonnant l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande de solde d'indemnité compensatrice de congés-payés
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Le salarié sollicite la condamnation de la SARL Epione à lui payer la somme de 5 784,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux congés payés non pris à N-2,
- Les congés payés non pris à N-2 n'ont pas fait l'objet de report et le salarié n'est pas fondé à en solliciter le paiement,
- Le salarié ne communique aucun élément démontrant son accord pour le report de ces congés payés.
M. [N] fait valoir que :
- Le report de ces jours de congé a été validé par la SARL Epione,
- Leur cumul apparaît sur ses bulletins de salaire.
Sur ce,
Selon l'article L. 3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur.
Aux termes de l'article L. 3141-24 du code du travail :
I. - le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :
1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;
2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;
3° Des périodes assimilées à un temps de travail par l'article L. 3141-4 et par les 1° à 6° de l'article L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement ;
4° Des périodes assimilées à un temps de travail par le 7° du même article L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement, dans la limite d'une prise en compte à 80 % de la rémunération associée à ces périodes.
Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
II. - Toutefois, l'indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
2° De la durée du travail effectif de l'établissement.
III. - Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d'application du présent article dans les professions mentionnées à l'article L. 3141-32.
Selon l'article L. 3141-28 du même code, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.
Cette indemnité est également due aux ayants droit du salarié dont le décès survient avant qu'il ait pris son congé annuel payé. L'indemnité est versée à ceux des ayants droit qui auraient qualité pour obtenir le paiement des salaires arriérés.
Pour établir qu'il a obtenu l'accord de la société Epione de reporter ses droits à congés non pris au cours de la période 2018/2019, M. [N] verse aux débats :
- un courrier qu'il a adressé à M. [W] le 2 mai 2019 ayant pour objet " Congés acquis en 2017/2018 Congés à prendre en 2018/2019 " dans lequel il indique que l'activité ne lui permet pas de poser l'intégralité de ses congés avant le 31 mai 2019, qu'il lui reste 33 jours de congés à prendre avant cette date, le salarié demandant l'autorisation à M. [W] de " différer le solde des jours restant à prendre sur la période 2019/2020 ",
- le bulletin de salaire du mois de janvier 2020 faisant apparaître un solde de 52 jours de congés pour l'année N-1 et de 21,36 de congés payés pour l'année N,
- le bulletin de salaire du mois de février 2020 faisant apparaître des soldes de congés payés à 0 pour les années N-1 et N, et le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour un montant de 12 867,85 euros brut,
- l'attestation employeur destinée à Pôle emploi faisant mention du versement de la somme de 12 868 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 52 jours de congés payés.
Ces éléments sont suffisants pour retenir que la SELARL SBCMJ ès qualités a accepté le report des congés non pris de l'année N-2 apparaissant sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2020.
Il apparaît que la société Epione a versé au salarié une indemnité compensatrice de congés payés au titre de 52 jours de congés.
Le salarié ayant travaillé jusqu'au 20 février 2020, il reste donc dû au salarié, au titre de ce mois, 1,66 jours de congés calculés sur la base de 2,5 jours de congés payés par mois (20x2,5/30), et non 1,84 jours comme le demande le salarié, celui-ci n'expliquant pas pourquoi il a retenu une base de 2,67 jours de congés par mois, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir son calcul, outre les 21,36 jours mentionnés sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2020 qui ne lui ont pas été payés, soit au total 23,02 jours de congés payés.
Le salarié ayant perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 12 867,85 euros brut pour 52 jours, il en résulte que la société Epione lui a versé 247,45 euros brut pour chaque jour de congés payés non pris.
Et dès lors que M. [N] ne discute pas la somme qui lui a été versée à ce titre, il y a lieu de retenir cette somme pour calculer le solde de l'indemnité compensatrice de congés payés, soit la somme totale de 5 696,30 euros brut (23,02x247,45).
Il y a lieu d'ordonner l'inscription de cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande de solde de l'indemnité de licenciement
La SELARL SBCMJ ès qualités reconnaît dans ses conclusions que la société Epione a commis une erreur dans le calcul du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement dû au salarié, et qu'il reste dû la somme de 1 451,01 euros brut à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement.
Il y a lieu, en conséquence, d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 1 451 euros brut à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement.
Sur le rappel au titre du solde de tout compte et la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir pour leur part que :
- Le conseil de prud'hommes a condamné la SARL Epione à payer à M. [N] la somme de 8 491,38 euros sans prendre en compte les éléments démontrant les règlements effectués par la SARL Epione,
- Il reste dû à ce jour la somme de 7 491,38 euros,
- Le salarié ne fait la démonstration d'aucune résistance abusive de sa part, ni d'un préjudice justifiant qu'il soit octroyé des dommages et intérêts.
M. [N] fait valoir que :
- Il n'a pas accepté le contrat de sécurisation professionnelle de sorte que son contrat de travail a pris fin à l'issue de son préavis le 20 février 2020,
- Il a reçu son bulletin de salaire du mois de février 2020 et les documents légaux afférents à la rupture dans une enveloppe envoyée le 27 février 2020, sans le règlement du solde de tout compte d'un montant de 32 491,38 euros,
- Il a réclamé le règlement de la somme due par courriel du 28 février 2020, puis par courrier de mise en demeure du 11 mars 2020, auquel la SARL Epione n'a pas répondu,
- Il a reçu sans explication plusieurs règlements d'un montant de 4 000 euros à partir du mois d'avril 2020 et s'est trouvé contraint de saisir le conseil de prud'hommes dans sa formation de référé afin de solliciter le règlement du solde des sommes dues,
- La SARL Epione n'a pas respecté l'échéancier fixé par les juges à l'audience de référé,
- Elle n'a réglé à ce jour que la somme de 24 000 euros et elle reste redevable de la somme de 8 491,38 euros,
- Après deux ans, et malgré la mise en place de l'échéancier, il n'a toujours pas perçu l'intégralité du règlement du montant total de ce qui lui était dû,
- Il a subi un préjudice résultant de la résistance abusive et du règlement tardif du solde de tout compte.
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Premièrement, il ressort du reçu du solde de tout compte du 24 février 2020 et de son annexe que la SELARL SBCMJ ès qualités devait verser à M. [N] au titre de l'ensemble des sommes dues résultant de son licenciement pour motif économique la somme de 32 491,38 euros net.
Deuxièmement, M. [N] verse aux débats un courriel du 28 février 2020 adressé à M. [W], ainsi qu'un courrier envoyé par lettre recommandé avec avis de réception le 11 mars 2020, dans lesquels il sollicite le paiement de la somme due au titre de son licenciement, M. [N] indiquant qu'aucun chèque de banque n'était joint aux documents de fin de contrat qu'il a reçus.
Troisièmement, M. [N] démontre que la société Epione ne lui a pas versé en une seule fois la somme due au titre de la rupture en produisant :
- deux courriers des 3 avril et 4 mai 2020 reçus de la société Réseau Alois service accompagnés chacun d'un chèque d'un montant de 4 000 euros sur le compte de la société Epione, les courriers indiquant que ces chèques correspondent à un premier et à un second acompte de la somme due ; le salarié indique qu'il a reçu deux autres chèques de 4 000 euros par courriers des 27 mai et 26 juin 2020,
- l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar du 11 septembre 2020, par laquelle la formation de référé, saisie par M. [N], après avoir constaté que la société Epione avait procédé au règlement de la somme due à M. [N] par des virements de 4 000 euros et qu'il restait dû un solde de 16 491,38 euros à la fin du mois de juin 2020, a défini un échéancier de quatre mensualités de 3 000 euros et d'un solde de 4 491,38 euros,
- un détail des paiements effectués à compter du mois d'octobre 2020 au mois de juin 2021 pour un montant total de 8 000 euros, le virement du 11 mars 2021 ayant été annulé le 2 avril 2021.
Quatrièmement, la SELARL SBCMJ ès qualités soutient avoir versé la somme de 9 000 euros et non de 8 000 euros après l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes à différentes dates dont elle produit un détail dans ses conclusions, mais s'abstient de justifier des paiements allégués.
En conséquence, il y a lieu de retenir qu'il reste dû à M. [N] la somme de 8 491,38 euros net au titre du solde de tout compte, et d'ordonner en conséquence l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione de ladite somme, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Cinquièmement, il est établi que la société Epione n'a pas versé la totalité des sommes restant dues selon l'échéancier qu'elle avait elle-même proposé devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar, aucun versement n'ayant eu lieu au-delà du mois de juin 2020.
Il est constant que la société Epione a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 15 janvier 2024.
Toutefois, la SELARL SBCMJ ès qualités ne formule aucune explication dans ses conclusions pour justifier de l'absence de versement des sommes restant dues entre juin 2020 et son placement en liquidation judiciaire, de sorte qu'il y a lieu de retenir l'existence d'une résistance abusive de la part de l'employeur dans le paiement de la totalité de la somme due au titre solde de tout compte.
Les premiers juges, qui ont évalué à la somme de 2 000 euros les dommages et intérêts dus au salarié à ce titre, ont fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi en conséquence.
Il y a donc lieu d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur la contestation du licenciement pour motif économique
Selon L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité des difficultés économiques.
Premièrement, il ressort des termes de la lettre de licenciement du 15 novembre 2019 que la société Epione a justifié le licenciement pour motif économique de M. [N] par des difficultés économiques justifiant sa réorganisation afin d'assurer sa pérennité, cette réorganisation impliquant de réduire ses charges sociales et salariales en raison de leur importance dans les charges d'exploitation.
Et la cour constate que la société Epione, aux termes de la lettre de licenciement, ne fonde celui-ci que sur les difficultés économiques de l'entreprise, et non sur une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité au sens des dispositions précitées.
En outre, la SARL SBCMJ ès qualités ne se prévaut pas de la nécessité de réorganiser l'entreprise dans le but de sauvegarder sa compétitivité dans ses conclusions. Dès lors, il y a lieu de statuer uniquement sur le motif des difficultés économiques au sens du 1° de l'article L. 1233-3 susvisé du code du travail.
Deuxièmement, dès lors que la réalité des difficultés économiques s'apprécie à la date du licenciement, il n'y a pas lieu de prendre en compte, aux fins de se prononcer sur l'existence de difficultés économiques justifiant le licenciement, sur la détérioration de la situation économique de la société Epione alléguée par le représentant de l'employeur à compter de la fin de l'année 2014 après la cession des différentes EHPAD du groupe Les jardins d'Asclépios, lesquels constituaient les principaux clients de la société Epione.
Le licenciement étant intervenu le 15 novembre 2019, l'existence de difficultés économiques à cette date doit s'apprécier au regard des éléments produits portant sur les années 2018 et 2019.
Troisièmement, pour établir l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement, la SELARL SBCMJ ès qualités verse aux débats :
- le bilan de la société Epione au 31 décembre 2018 (bilan actif-passif, soldes intermédiaires de gestion, compte de résultat),
- le bilan de la société Epione au 31 décembre 2019 (bilan actif-passif, soldes intermédiaires de gestion, compte de résultat, détail des comptes bilan actif passif, détail soldes intermédiaires de gestion, détail compte de résultat).
Il ressort de l'examen de ces éléments que :
- le total général des actifs net est passé de 468 802 euros en 2018 à 637 581 euros en 2019,
- le total général du passif net est passé de 468 802 euros en 2018 à 611 920 euros en 2019,
- le chiffre d'affaires net est passé de 101 100 euros en 2018 à 150 000 euros en 2019,
- le total des charges d'exploitation est passé de 599 822 euros en 2018 à 562 772 euros en 2019,
- le résultat d'exploitation est passé de -283 563 euros en 2018 à -412 363 euros en 2019,
- les pertes sont passées de 301 464 euros en 2018 à 341 261 euros en 2019,
- les capitaux propres négatifs sont passés de 2 502 442 euros en 2019 à 2 843 703 euros en 2019.
Si l'employeur fait valoir l'existence d'une situation financière et économique de la société Epione fragile depuis la cession des EPHAD en 2014, les différents indicateurs économiques susvisés pour les années 2018 et 2019 mettent en évidence une détérioration de cette situation, notamment en raison de l'évolution à la baisse du résultat d'exploitation, des pertes, et des capitaux propres négatifs.
Quatrièmement, s'agissant des manipulations des données financières par le gérant de la société Epione alléguées par le salarié, aucun élément suffisamment probant n'est versé aux débats permettant d'établir que la société Epione avait conclu des conventions de prestation service avec d'autres sociétés appartenant à M. [W], parmi lesquelles des SCI, ce que conteste le représentant de l'employeur en indiqunat que que la société Epione avait uniquement conclu une convention de prestation de service avec la société Réseau Alois service.
Cependant, il ressort du bilan actif versé par la SELARL SBCMJ ès qualités que les créances des clients de la société Epione en 2019 s'élevaient à 548 654 euros, et qu'elles s'élevaient à 417 254 euros en 2018.
Or, la SELARL SBCMJ ès qualités n'apporte aucune explication en réponse aux allégations de M. [N] selon lesquelles ces créances clients sont toutes dues par des sociétés dont M. [W] est également le gérant, la société Epione n'ayant jamais eu d'autres clients que des sociétés des différents groupes de sociétés détenus par M. [W].
En outre, la SELARL SBCMJ ès qualités ne produit non plus aucune explication sur le fait que le chiffre d'affaires de la société Epione pour l'année 2018 s'est élevé à 101 000 euros, soit moins que le montant prévu par la convention de prestation de services la liant à la société Réseau Alois service du 21 décembre 2015 (12 000 euros HT par mois).
En considération de ces constatations, il apparaît que l'évolution négative de certains indicateurs économiques (résultat d'exploitation, pertes, des capitaux propres négatifs) entre l'année 2018 et l'année 2019 ne caractérise pas une évolution significative permettant d'établir l'existence de difficultés économiques au sens des dispositions susvisées de l'article L. 1233-3 du code du travail.
En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par le salarié, concernant la réalité de la suppression de son poste et le respect de l'obligation de reclassement, il y a lieu de déclarer le licenciement pour motif économique prononcé à l'encontre de M. [N] le 15 novembre 2019 comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [N] justifie de sa situation personnelle par la production de plusieurs attestations Pôle emploi établissant qu'il a perçu l'allocation de retour à l'emploi jusqu'à la fin du mois de décembre 2020.
Par ailleurs, il ressort d'une décision de la MDPH d'Avignon du 8 septembre 2020 produite par le salarié que celui-ci s'est vu attribuer la reconnaissance de travailleur handicapé pour la période du 8 septembre 2020 au 7 septembre 2021.
Enfin, M. [N] justifie qu'il n'a perçu aucune rémunération en sa qualité de gérant de la société Domicilat dont il est associé pour la période du 12 mai 2020 au 31 décembre 2022.
En considération de l'ancienneté du salarié (11 ans), de sa rémunération mensuelle moyenne (5 382,50 euros brut), de son âge lors de la rupture du contrat de travail (38 ans), de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi ou de reconversion professionnelle et des aides dont il a pu bénéficier, il convient de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 43 060 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 43 060 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris est infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la SARL Epione, partie perdante aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par la SELARL SBCMJ ès qualités visant à voir déclarer irrecevables les demandes de M. [D] [N] ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que M. [D] [N] a subi des agissements de harcèlement moral sur son lieu de travail ;
DIT que le licenciement de M. [D] [N] pour motif économique est sans cause réelle et sérieuse;
ORDONNE l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Epione les sommes suivantes à titre de créances dues à M. [D] [N] :
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 32 295 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 15 480 euros brut au titre des indemnités d'astreinte,
- 1 548 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés aux indemnités d'astreinte,
- 34 536 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures de travail effectif réalisées au cours des périodes d'astreinte,
- 3 453,60 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures de travail effectif réalisées au cours des périodes d'astreinte,
- 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,
- 5 696,30 euros brut à titre de solde de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1 451 euros brut à titre de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues au titre du solde de tout compte,
- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
- 43 060 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Débouté la SARL Epione de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SARL Epione aux dépens.
DÉCLARE l'arrêt commun et opposable à l'UNEDIC Délégation de l'AGS CGEA d'Annecy ;
DÉCLARE que l'UNEDIC Délégation de l'AGS CGEA d'Annecy doit sa garantie dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu, de l'article 204 du code général des impôts, incluse ;
DIT n'y avoir lieu à indemnisation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;
CONDAMNE la SARL Epione, aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,
N° RG 22/02101
N° Portalis DBVM-V-B7G-LMLU
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée le :
Me David HERPIN
la SELARL CABINET JP
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE GRENOBLE
Ch. Sociale -Section A
ARRÊT DU MARDI 08 OCTOBRE 2024
Appel d'une décision (N° RG F20/00110)
rendue par le conseil de prud'hommes - formation paritaire de Montélimar
en date du 05 avril 2022
suivant déclaration d'appel du 30 mai 2022
APPELANTE :
S.A.R.L. EPIONE, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, dont la liquidation judiciaire a été prononcée par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère rendu 16 janvier 2024,
[Adresse 8]
[Localité 5]
représentée par Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE,
INTIME :
Monsieur [D] [N]
né le 07 Avril 1981 à [Localité 10] (58)
[Adresse 1]
[Localité 9]
représenté par Me Jean POLLARD de la SELARL CABINET JP, avocat au barreau de VALENCE, substitué par Me Marine FARDEAU, avocat au barreau de GRENOBLE,
PARTIES INTERVENANTES :
Association CGEA AGS D'ANNECY, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7]
n'ayant pas constituée avocat, assignée à comparaitre devant la cour d'appel de Grenoble par acte de commissaire de justice remis le 05 avril 2024 au siège à personne habilitée,
S.E.L.A.R.L. SBCMJ, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4], représentée par M. [I] [U] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SARL EPIONE, dont le siège est situé,
[Adresse 3]-[Localité 6]
[Localité 6]
représentée par Me David HERPIN, avocat au barreau de VALENCE,
COMPOSITION DE LA COUR :
LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Madame Hélène BLONDEAU-PATISSIER, conseillère faisant fonction de Présidente,
Madame Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère,
Monsieur Frédéric BLANC, conseiller,
DÉBATS :
A l'audience publique du 17 juin 2024,
Mme Gwenaëlle TERRIEUX, conseillère chargée du rapport, assistée de Mme Mériem CASTE-BELKADI, greffière, a entendu les parties en leurs conclusions et observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions de l'article 805 du code de procédure civile.
Puis l'affaire a été mise en délibéré au 08 octobre 2024, délibéré au cours duquel il a été rendu compte des débats à la Cour.
L'arrêt a été rendu le 08 octobre 2024.
EXPOSÉ DU LITIGE
M. [D] [N] a été embauché par la SARL Epione en qualité de directeur comptable et juridique selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er juillet 2008.
Par courrier du 9 septembre 2019, la SARL Epione a convoqué M. [N] à un entretien préalable à un éventuel licenciement pour motif économique fixé au 30 septembre 2019.
Par courrier du 4 octobre 2019 envoyé par lettre recommandée avec avis de réception, la SARL Epione a communiqué à M. [N] le contrat de sécurisation professionnelle.
Par courrier du 31 octobre 2019, la SARL Epione a proposé à M. [N] deux postes, qu'il a refusé par courrier du 15 novembre 2019.
Par courrier du 15 novembre 2019 envoyé en recommandé avec avis de réception, la SARL Epione a licencié M. [N] pour motif économique.
M. [N] n'ayant pas adhéré au contrat de sécurisation professionnelle, son contrat de travail a été rompu au terme du préavis de trois mois, soit le 20 février 2020.
La SARL Epione ne s'étant pas acquittée du paiement de l'intégralité des sommes dues au titre de la rupture de la relation de travail, M. [N] a saisi la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar en vue d'obtenir la condamnation de la SARL Epione à lui payer le solde des sommes dues.
Par ordonnance du 11 septembre 2020, la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar a accordé à la SARL Epione des délais de paiement pour régler le solde des sommes dues à M. [N] au titre de la rupture du contrat de travail.
Par requête du 16 novembre 2020, M. [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Montélimar aux fins de contester le bien-fondé de son licenciement pour motif économique, obtenir la condamnation de la SARL Epione à lui payer des dommages et intérêts au titre de la rupture abusive de la relation de travail, un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, un rappel de salaire au titre des astreintes, des dommages et intérêts au titre d'un harcèlement moral, outre une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 4 avril 2022, le conseil de prud'hommes de Montélimar a :
Fixé le salaire mensuel moyen brut de M. [N] à la somme de 5 382,50 euros,
Dit et jugé que le licenciement de M. [N] est justifié,
Dit et jugé que M. [N] n'apporte pas d'élément permettant de caractériser un harcèlement moral,
Condamné en outre la SARL Epione à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues sur son solde de tout compte,
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 4 598,80 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés restant due,
- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
- 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Débouté M. [N] de toutes ses autres demandes,
Débouté la SARL Epione de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamné la SARL Epione aux dépens.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettres recommandées avec avis de réception.
La SARL Epione en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 30 mai 2022.
Par jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 15 janvier 2024, la SARL Epione a été placée en liquidation judiciaire et M. [I] [U] de la SELARL SBCMJ a été nommé en qualité de mandataire liquidateur.
La SELARL SBCMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Epione est intervenue volontairement à la présente procédure.
M. [N] a assigné l'AGS CGEA d'Annecy à comparaître avec signification des conclusions d'intimé par acte d'huissier du 5 avril 2024.
Par courrier du 15 avril 2024, l'AGS CGEA de [Localité 11] a informé la cour que le CGEA ne serait ni présent ni représenté dans l'actuelle procédure.
Par conclusions transmises par voie électronique le 6 mai 2024, la SELARL SBCMJ ès qualités de mandataire liquidateur de la SARL Epione et la SARL Epione demandent à la cour de :
" Déclarer recevable et bien fondée l'intervention de la SELARL SBCMJ représentée par M. [I] [U], en qualité de liquidateur judiciaire de la SARL Epione,
Déclarer irrecevables les demandes de M. [N] tendant à la condamnation de la SARL Epione,
Déclarer irrecevables les demandes de M. [N] formulées à l'encontre de la société Réseau Alois service,
Déclarer irrecevable la demande de M. [N] de voir fixer au passif la somme de 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte s'agissant d'une demande nouvelle,
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montélimar en ce qu'il a condamné la SARL Epione à payer à M. [N] les sommes de :
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues sur son solde de tout compte,
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 4 598,80 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés restant due,
- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
- 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
Débouter M. [N] de ses demandes de rappel de salaires (heures supplémentaires) présentées à l'encontre de la SARL Epione,
Débouter M. [N] de sa demande au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,
Débouter M. [N] de sa demande au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte,
Débouter M. [N] de sa demande de dommages et intérêts,
Limiter le rappel au titre de l'indemnité de licenciement à la somme de 7 491,38 euros,
Confirmer le jugement pour le surplus, et en conséquence, débouter M. [N] de son appel incident,
Y ajoutant,
Condamner M. [N] à payer à la SELARL représentée par M. [I] [U], en qualité de liquidateur de la SARL Epione la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de l'instance ".
Par conclusions transmises par voie électronique le 30 avril 2024, M. [N] demande à la cour de :
" Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- Fixé le salaire mensuel brut de M. [N] à la somme de 5 382,50 euros,
- Retenu l'existence d'heures supplémentaires effectuées par M. [N],
- Condamné en conséquence la SARL Epione à verser à M. [N] les sommes suivantes :
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues sur son solde de tout compte,
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 4 598,80 euros net au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés restant due,
- 1 500 euros net au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
Et sur l'appel incident,
Déclarer M. [N] recevable et bien fondé en son appel incident,
Y ajoutant,
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud'hommes en ce qu'il a :
- Dit et jugé que le licenciement de M. [N] est justifié,
- Dit et jugé que M. [N] n'apporte pas d'élément permettant de caractériser un harcèlement moral,
- Débouter M. [N] de toutes ses autres demandes,
Statuant à nouveau,
Déclarer le licenciement de M. [N] dépourvu de cause réelle et sérieuse,
Dire et juger que le harcèlement moral dont M. [N] a été victime est avéré,
En conséquence,
Fixer au passif de la SARL Epione, représentée par la SELARL SBCMJ, dont le siège social est situé au [Adresse 3] - [Localité 6], [Localité 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 6] sous le numéro 504 384 504, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4] représentée par M. [I] [U] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, agissant en qualité de liquidateur de la SARL Epione, fonction à laquelle il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 16 janvier 2024, à verser à M. [N] les sommes suivantes qui seront prises en charge par les AGS CGEA d'Annecy :
- Au titre des rappels de salaire :
- 1 451 euros à titre de rappel de salaire sur l'indemnité de licenciement,
- 15 480 euros au titre de la compensation de l'astreinte,
- 34 536 euros au titre des heures de travail effectif au cours des périodes d'astreinte,
- 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte,
- 32 295 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé,
- Au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
- 56 516,25 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Au titre du harcèlement moral :
- 50 000 euros à titre de dommages et intérêts sur harcèlement moral,
- Au titre du règlement tardif :
- 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
En tout état de cause,
Déclarer opposable l'arrêt à intervenir à l'AGS CGEA,
Ordonner à l'AGS CGEA de garantir l'ensemble des créances de M. [N] au passif de la SARL Epione, représentée par la SELARL SBCMJ, dont le siège social est situé au [Adresse 3] - [Localité 6], [Localité 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 6] sous le numéro 504 384 504, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4] représentée par M. [I] [U] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, agissant en qualité de liquidateur de la SARL Epione, fonction à laquelle il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 16 janvier 2024,
Fixer au passif de la SARL Epione, représentée par la SELARL SBCMJ, dont le siège social est situé au [Adresse 3] - [Localité 6], [Localité 6], immatriculée au registre du commerce et des sociétés de [Localité 6] sous le numéro 504 384 504, prise en son étude sise [Adresse 2] [Localité 4] représentée par M. [I] [U] agissant et ayant les pouvoirs nécessaires en tant que gérant, agissant en qualité de liquidateur de la SARL Epione, fonction à laquelle il a été désigné par jugement du tribunal de commerce de Romans sur Isère du 16 janvier 2024, la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.'
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été fixée au 30 avril 2024, reportée au 21 mai 2024.
L'affaire, fixée pour être plaidée à l'audience du 17 juin 2024, a été mise en délibéré au 8 octobre 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les fins de non-recevoir soulevées par la société Epione
Selon les dispositions de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfixe, la chose jugée.
Selon l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.
Selon l'article 565 du même code, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent.
Selon l'article 566 du même code, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.
En premier lieu, la cour constate M. [N] ne formule aucune demande dirigée contre la société Réseau Alois service dans le dispositif de ses conclusions devant la présente juridiction.
En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par la SELARL SBCMJ ès qualités visant à déclarer irrecevables les demandes de M. [N] formulées à l'encontre de la société Réseau Alois service est inopérante, et doit être rejetée.
En deuxième lieu, il apparaît que la demande de M. [N] de voir fixer au passif la somme de 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte a été formulée pour la première fois en appel par le salarié dans ses conclusions récapitulatives et responsives et sur appel incident, transmises par la voie électronique le 30 avril 2024.
Pour autant, il y a lieu de relever que devant le premier juge, M. [N] avait sollicité la condamnation de la société Epione à lui payer les sommes suivantes :
- 64 546,68 euros au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 15 480 euros au titre de la compensation de l'astreinte,
- 34 536 euros au titre des heures de travail effectif au cours des périodes d'astreinte,
- 11 456,27 euros au titre des congés payés sur rappel de salaire.
La somme globale de 11 456,27 euros correspondant à l'indemnité compensatrice de congés payés afférentes aux rappels de salaire sollicités par le salarié au titre des heures supplémentaires, au titre des heures réalisées au cours des périodes astreintes, et au titre des indemnités d'astreinte, il doit être retenu que M. [N] avait bien formulé une demande d'indemnité compensatrice de congés payés en première instance au titre des rappels de salaire sollicités au titre des astreintes.
Or, il apparaît que la somme de 5 001,60 euros sollicitée par le salarié en cause d'appel correspond aux indemnités compensatrices de congés payés auxquelles M. [N] pourrait prétendre s'il était fait droit à ses demandes, formulées devant le premier juge, et reprises en appel dans ses premières conclusions d'intimé, de voir fixer au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione les sommes suivantes:
- 15 480 euros au titre de la compensation de l'astreinte,
- 34 536 euros au titre des heures de travail effectif au cours des périodes d'astreinte,
En conséquence, la demande de M. [N] de voir fixer au passif la somme de 5 001,60 euros au titre des congés payés afférents aux heures d'astreinte ne constitue pas une demande nouvelle en cause d'appel au sens des dispositions susvisées de l'article 564 du code de procédure civile, de sorte qu'elle doit être déclarée recevable devant la cour.
Cette fin de non-recevoir soulevée par la SELARL SBCMJ ès qualités est donc rejetée.
En troisième lieu, la SELARL SBCMJ ès qualités ne développe aucun moyen au soutien de sa fin de non-recevoir visant à voir déclarer irrecevables les demandes de M. [N] tendant à la condamnation de la SARL Epione.
Et la cour rappelle que le liquidateur étant dans la cause, il lui appartient de se prononcer sur l'existence et le montant des créances alléguées en vue de leur fixation au passif, peu important que les conclusions du salarié aient tendu à une condamnation au paiement (Cass.Soc. 10-11-2021 n° 20-14.529 FS-B).
En conséquence, cette fin de non-recevoir est également rejetée.
Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Le salarié a communiqué un tableau réalisé pour les besoins de la cause, sans aucun autre élément pouvant justifier des prétendues heures supplémentaires effectuées non rémunérées,
- Les explications fournies pour expliquer l'origine de ces heures supplémentaires ne sont pas démontrées,
- Il n'a jamais exercé les fonctions de responsable de l'agence de [Localité 5] de la société Réseau Alois service,
- La SARL Epione n'avait que la charge d'une assistance dans la gestion administrative, juridique, sociale et financière de la société Réseau Alois service, comme le démontre la convention signée entre ces deux sociétés,
- La SARL Epione n'avait aucun intérêt à lui demander d'effectuer des missions non prévues par la convention de service profitant à la société Réseau Alois service,
- A compter de 2014, après la cession des établissements de soins à la société Colisée, M. [N] a vu sa charge de travail diminuer de manière significative, la SARL Epione étant passée de la gestion de la comptabilité de huit sociétés à la gestion de la comptabilité d'une seule société.
En réponse, M. [N] fait valoir que :
- En plus de la gestion, financière, comptable et juridique de l'ensemble des sociétés dont le gérant de la SARL Epione, M. [W], était gérant ou président, il a occupé le poste de responsable d'agence de [Localité 5] au démarrage de l'activité en décembre 2015 de la société Réseau Alois service, sans qu'aucun avenant à son contrat de travail ne soit régularisé ou qu'un contrat avec la société Réseau Alois service ne soit conclu,
- Il assurait également, en tant que responsable d'agence, les astreintes téléphoniques 24h/24h et 7j/7j,
- A la suite de son licenciement, son poste de responsable d'agence a été remplacé par trois postes distincts et l'embauche de trois salariés : une responsable d'agence, une assistante d'agence, une comptable, outre le recours à un cabinet d'expertise comptable extérieur,
- Les heures supplémentaires effectuées dans le cadre de son activité ne lui ont jamais été payées,
- Il produit plusieurs éléments démontrant qu'il exerçait de manière effective les fonctions de responsable d'agence,
- Il produit un décompte précis des heures travaillées qui ne lui ont pas été payées.
Sur ce,
Aux termes de l'article L. 3121-1 du code du travail, la durée du travail effectif est le temps pendant lequel le salarié est à la disposition de l'employeur et se conforme à ses directives sans pouvoir vaquer librement à des occupations personnelles.
Selon l'article L. 3121-27 du même code, la durée légale de travail effectif des salariés à temps complet est fixée à trente-cinq heures par semaine.
La durée légale du travail constitue le seuil de déclenchement des heures supplémentaires payées à un taux majoré dans les conditions de l'article L. 3121-28 du code du travail, les heures supplémentaires devant se décompter par semaine civile selon l'article L. 3121-29.
Selon l'article L. 3121-36 du code du travail, à défaut d'accord, les heures supplémentaires accomplies au-delà de la durée légale hebdomadaire fixée à l'article L. 3121-27 ou de la durée considérée comme équivalente donnent lieu à une majoration de salaire de 25 % pour chacune des huit premières heures supplémentaires. Les heures suivantes donnent lieu à une majoration de 50 %.
Selon l'article L. 3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.
Selon l'article D. 3171-8 du code du travail, lorsque les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe, au sens de l'article D. 3171-7, ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, la durée du travail de chaque salarié concerné est décomptée selon les modalités suivantes :
1° Quotidiennement, par enregistrement, selon tous moyens, des heures de début et de fin de chaque période de travail ou par le relevé du nombre d'heures de travail accomplies ;
2° Chaque semaine, par récapitulation selon tous moyens du nombre d'heures de travail accomplies par chaque salarié.
Selon l'article D. 3171-12, lorsque des salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe ne travaillent pas selon le même horaire collectif de travail affiché, un document mensuel, dont le double est annexé au bulletin de paie, est établi pour chaque salarié.
Ce document comporte les mentions prévues à l'article D. 3171-11 ainsi que :
1° Le cumul des heures supplémentaires accomplies depuis le début de l'année ;
2° Le nombre d'heures de repos compensateur de remplacement acquis en application des articles L. 3121-28, L. 3121-33 et L. 3121-37 ;
3° Le nombre d'heures de repos compensateur effectivement prises au cours du mois ;
4° Le nombre de jours de repos effectivement pris au cours du mois, dès lors qu'un dispositif de réduction du temps de travail par attribution de journées ou de demi-journées de repos dans les conditions fixées par les articles L. 3121-44 et D. 3121-27 s'applique dans l'entreprise ou l'établissement.
Selon l'article L. 3171-4 du même code, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d'enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
Il résulte de ces dispositions qu'en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.
Il ressort des termes du contrat de travail à durée indéterminée de M. [N] en date du 1er juillet 2008 que les parties n'ont pas défini contractuellement les horaires de travail du salarié, seule la durée de travail étant fixée contractuellement à la durée légale, soit 151,67 heures par mois.
Au soutien de sa demande d'heures supplémentaires, M. [N] verse aux débats un décompte des horaires de travail qu'il prétend avoir réalisés chaque jour travaillé sur la période du 2 janvier 2017 jusqu'au 12 septembre 2019, date de son arrêt de travail, ce décompte faisant également apparaître la durée totale de temps de travail quotidien, le temps de pause déjeuner (1 heure), le nombre d'heures supplémentaires réalisées et non rémunérées, et parmi ces heures, celles devant être majorées de 25 % et celles devant l'être de 50 %, soit pour la totalité de la période la somme de 64 564,68 euros brut.
Ce décompte est suffisamment précis pour engager le débat et permettre à l'employeur, chargé de contrôler les horaires de travail de ses salariés, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Or, en réponse, la SELARL SBCMJ ès qualités se limite à contester la réalisation des heures supplémentaires alléguées tout en s'abstenant de produire des éléments permettant d'établir les horaires de travail réalisés par le salarié sur la période contestée.
Si le représentant de l'employeur allègue que le salarié était " soumis aux horaires de bureau comme l'ensemble des salariés administratifs de la société EPIONE ", il ne verse aux débats aucun élément démontrant qu'il existait des horaires collectifs de travail au sein de la société, auxquels était soumis M. [N], la cour d'appel relevant au demeurant que ces horaires ne sont pas mentionnés dans les conclusions de l'employeur.
Et si l'employeur allègue que le temps de travail revendiqué comprend des heures réalisées pour un autre employeur du même groupe, il ne produit aucun élément pertinent et précis permettant de l'établir ou de décompter le nombre d'heures effectuées pour la société Epione.
Il ne caractérise pas non plus d'incohérences dans les décomptes produits par le salarié.
Enfin, le fait que les tâches que le salarié prétend avoir effectuées en sus de ses tâches contractuellement définies ne rentraient ni dans ses fonctions contractuelles ni dans le cadre de la convention de service conclue entre les sociétés Epione et Réseau Alois Service, en charge de la gestion de plusieurs agences de service d'accompagnement et d'aide à domicile, dont l'agence de [Localité 5], ne permet pas d'exclure que le salarié a réalisé les heures supplémentaires revendiquées dans le cadre de sa relation de travail avec son employeur, la société Epione, dès lors que celle-ci échoue à établir les horaires de travail effectivement réalisés par son salarié.
Au surplus, il doit être relevé que la SELARL SBCMJ ès qualités ne soulève pas l'irrecevabilité de la demande formulée par le salarié au motif qu'elle ne serait pas dirigée contre la bonne personne morale.
En considération de l'ensemble de ces constatations, il y a lieu de retenir que le salarié a effectué des heures supplémentaires non rémunérées pour un montant de 64 546,68 euros brut, et d'inscrire ce montant au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione à titre de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires, outre 6 454,67 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande d'indemnité au titre du travail dissimulé
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Le salarié n'ayant effectué aucune heure supplémentaire, sa demande ne peut prospérer,
- Le salarié ne démontre pas une intention de l'employeur de se soustraire à ses obligations de déclaration des heures de travail effectuées.
M. [N] affirme que l'infraction de travail dissimulé est caractérisée.
Sur ce,
Il résulte des dispositions de l'article L. 8221-5 du code du travail qu'est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
L'article L. 8223-1 du code du travail dispose qu'en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Pour allouer une indemnité pour travail dissimulé, les juges du fond doivent rechercher le caractère intentionnel de la dissimulation. Mais ce caractère intentionnel ne peut résulter du seul défaut de mention des heures supplémentaires sur les bulletins de paie.
Il apparaît que le salarié a réalisé un nombre important d'heures supplémentaires au cours de sa période d'emploi, qui ne lui ont pas été rémunérées et au titre desquelles l'employeur n'a versé aucune contribution et charge sociales, ces heures n'apparaissant pas sur les bulletins de salaire.
Eu égard à l'importance des heures effectuées, et au fait que l'employeur s'est délibérément abstenu de tout suivi du temps de travail, l'intention de la société Epione de dissimuler une partie des heures travaillées par M. [N] est établie, celui-ci étant dès lors fondé à solliciter l'indemnité prévue par l'article L. 8223-1 susvisé du code du travail.
La rémunération brute mensuelle du salarié s'élevant à 5 382,50 euros brut, il y a lieu d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 32 295 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande au titre des astreintes et heures d'intervention
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Elle n'a jamais demandé au salarié d'effectuer des astreintes téléphoniques,
- Le salarié a été engagé par la SARL Epione en qualité de directeur comptable et juridique et le contrat de travail ne mentionne pas la réalisation d'astreinte,
- Il ne démontre pas avoir effectué des heures d'intervention auprès des clients de la société Réseau Alois service lors de ces prétendues astreintes,
- La SARL Epione n'avait pas d'activité d'aide à domicile, n'avait pas vocation à intervenir auprès de personnes bénéficiaires d'une aide à domicile, et n'avait pas le droit, faute d'autorisations, d'exercer une telle activité,
- la demande de rappel de salaire au titre des astreintes et des heures de travail au cours des périodes d'astreinte n'étant pas fondée, la demande d'indemnité de congés payés y afférents ne l'est pas non plus.
M. [N] fait valoir que :
- Il assurait à la demande de son employeur les astreintes téléphoniques 24h/24h et 7j/7j de l'ensemble des agences de la société Réseau Alois service depuis le démarrage de l'activité de service à domicile en 2015,
- Son numéro de téléphone portable professionnel était communiqué aux clients via le répondeur téléphonique du siège de la SARL Epione, qui est également le numéro de téléphone fixe principal des autres sociétés du groupe Asclepios dont le Réseau Alois service,
- D'autres responsables d'agences avaient des astreintes, mais seul lui avait une astreinte 24h/24h et 7j/7j du fait de sa présence au siège social,
- Il a réalisé ces astreintes sans bénéficier d'aucune contrepartie financière.
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Aux termes de l'article L. 3121-9 du code du travail, une période d'astreinte s'entend comme une période pendant laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail et sans être à la disposition permanente et immédiate de l'employeur, doit être en mesure d'intervenir pour accomplir un travail au service de l'entreprise.
La durée de cette intervention est considérée comme un temps de travail effectif.
La période d'astreinte fait l'objet d'une contrepartie, soit sous forme financière, soit sous forme de repos.
Les salariés concernés par des périodes d'astreinte sont informés de leur programmation individuelle dans un délai raisonnable.
Il est de principe que l'indemnité d'astreinte est destinée à compenser une servitude permanente de l'emploi, ce dont il résulte qu'elle constitue un élément de salaire.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le contrat de travail du salarié ne prévoyait aucune astreinte.
Pour démontrer qu'il a réalisé des astreintes téléphoniques 24h/24h et 7j/7j en dehors de tout cadre contractuel et conventionnel, le salarié verse aux débats :
- Un courriel du salarié à M. [W] du 10 septembre 2019 dans lequel M. [N] sollicite des explications sur la décision du gérant de lui retirer la carte SIM professionnelle du numéro dont il disposait depuis son embauche en qualité de directeur comptable et juridique de la société Epione, le salarié indiquant que cette carte SIM a été ensuite remise à la secrétaire de direction de la société Réseau Alois Service, Mme [S] [O],
- Un courriel en réponse de M. [W] du 11 septembre 2019 dans lequel celui-ci indique : " Sans attendre le compte rendu de notre réunion du 09 09 2019 que je vous ai remis hier après-midi vous avez prévenu dès hier matin les intervenants par SMS que vous interrompiez immédiatement la gestion de l'agence de [Localité 5] y compris les astreintes. C'est donc à bon droit et pour assurer la continuité du service que je vous ai demandé de me donner votre SIM afin que les intervenants et les bénéficiaires puissent trouver un interlocuteur sur le numéro qu'ils appellent habituellement ",
- Un courriel en réponse de M. [N] du même jour dans lequel le salarié précise : " Ce lundi 9 septembre 2019, vous avez décidé de me retirer du poste de Responsable d'agence de [Localité 5]/[Localité 9] que j'assume, sans compter mon temps et mon énergie en sus de mon poste de Directeur comptable et juridique d'Epione, et de donner mes missions à Mme [S] [O] et les astreintes téléphoniques en partage à Mme [S] [O] et à M. [H] [M], ce que ce dernier a fait dès ce lundi soir. (') Vous savez très bien que je réalise les astreintes 7/7 jours et je vous ai rappelé ce lundi et ce mardi que celles-ci ne m'étaient toujours pas rémunérées. D'ailleurs, cela fait plusieurs années que je vous demande une indemnité d'astreinte (') ",
- Une attestation de Mme [C] [E], auxiliaire de vie sociale, qui indique qu'au " cours de mes relations professionnelles, je recevais mes ordres par Monsieur [N] [D] Responsable de l'agence de [Localité 5]. (') Il était joignable à toute heure de la journée, même tard ainsi que les week-ends en cas (de) difficultés sur des missions ",
- Une attestation de M. [F] [Z], employé polyvalent, qui indique : " J'ai constaté, qu'outre ses fonctions de directeur comptable et juridique, M. [D] [N], pour le compte de la société Réseau Alois Service à [Localité 5], gérait les plannings des salariés, les absences et remplacements, les communications téléphoniques, la réception de la clientèle, les visites chez les bénéficiaires, les astreintes de l'agence de [Localité 5] et celles du siège social, vérifiait les fiches d'heures mensuelles, signait les contrats de prestations des bénéficiaires et contrats de travail des salariés, etc. ".
Pris ensemble, ces éléments sont suffisamment précis et concordants pour établir que M. [N] a réalisé des astreintes au cours de sa période d'emploi.
S'il ressort de ces mêmes éléments que ces astreintes ont été réalisées au bénéfice de la société Réseau Alois Service, et qu'elles n'étaient pas prévues au contrat de travail de M. [N], il n'en demeure pas moins que les deux sociétés concernées, à savoir la société Epione et la société Réseau Alois Service, avaient toutes les deux le même gérant, M. [W], et qu'une convention de service liait la société Epione et la société Réseau Alois Service.
Or, c'est bien dans ce cadre que M. [N], salarié de la société Epione, s'est vu confier la réalisation d'astreintes, de sorte qu'il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir intenté son action à l'encontre de la société Réseau Alois Service.
Aussi, peu importe, comme le soutient la SELARL SBCMJ ès qualités, que la société Epione ne disposait pas, contrairement à la société Réseau Alois service, des autorisations nécessaires pour exercer une activité d'aide à domicile.
En effet, le fait que M. [W], dirigeant des deux sociétés, a confié la réalisation d'astreintes à un salarié de la société Epione, alors qu'elle ne bénéficiait pas d'autorisations à ce titre, ne permet pas à la société Epione de s'exonérer de leur paiement.
Il s'ensuit que le salarié est fondé dans ses demandes de rappel d'indemnité d'astreinte et de rappel de salaire au titre des astreintes, et de l'indemnité compensatrice de congés payés y afférents, dirigées contre la société Epione.
Le salarié, pour justifier du montant de l'indemnité d'astreinte qu'il sollicite, allègue que les autres responsables d'agence percevaient une prime forfaitaire mensuelle au titre de la compensation des astreintes de 430 euros, montant qui ne fait l'objet d'aucune critique utile de la part du représentant de l'employeur.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 15 480 euros brut au titre des indemnités d'astreinte, correspondant à la somme que le salarié aurait dû percevoir si l'indemnité susvisée lui avait été versée au cours des trois dernières années de la relation de travail.
Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.
En outre, M. [N] soutient qu'il a effectué entre 4 et 5 heures de travail supplémentaires par semaine au cours des périodes d'astreinte, y compris durant ses périodes de congés et lors des jours fériés, en cohérence avec les courriels précités, sans que la SELARL SBCMJ ès qualités ne présente de critique utile de son calcul.
En conséquence, il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 34 536 euros brut à titre de rappel de salaire, cette somme correspondant à 780 heures de travail effectif réalisées au titre des astreintes au cours des trois dernières années de la relation de travail.
Le jugement entrepris est également infirmé de ce chef.
Enfin, l'indemnité d'astreinte étant destinée à compenser une servitude permanente de l'emploi, elle constitue un élément de salaire, et le salarié a droit à l'indemnité compensatrice de congés payés y afférente (cour de cassation, chambre sociale, 2 mars 2016, n° 14-14.919).
Dès lors, il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione les sommes suivantes à titre d'indemnité compensatrice de congés payés, par infirmation du jugement entrepris de ce chef :
- 1 548 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux indemnités d'astreinte,
- 3 453,60 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures de travail effectif réalisées au cours des périodes d'astreinte.
Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral
Moyens des parties,
M. [N] fait valoir que :
- La relation avec son employeur s'est dégradée au cours de l'année 2019,
- Il a subi une surcharge de travail importante à l'origine de son arrêt de travail pour burn-out en septembre 2019,
- Son employeur a tenté de l'isoler et a refusé de lui venir en aide,
- M. [W], le gérant, a tenu de manière répétée des propos et actes méprisants et vexatoires, et il lui hurlait dessus pour des motifs injustifiés,
- Lors de la réunion du 9 septembre 2019, M. [W] a adopté deux mesures en rétorsion à ses demandes d'indemnisation de ses heures supplémentaires : le retrait immédiat de ses fonctions de responsable d'agence et de service d'astreinte ; le retrait de la carte SIM du téléphone professionnel qu'il utilisait depuis le début de son contrat de travail, cela en vue de l'isoler du reste des salariés.
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir pour leur part que :
- Le salarié ne démontre ni une charge de travail insurmontable ni la volonté de la SARL Epione de l'isoler,
- Le salarié ne fait pas état d'un harcèlement moral dans les courriers qu'il produit et qui ne démontrent que l'existence de directives de travail données à M. [N],
- Le salarié ne démontre pas qu'il aurait été contraint d'accepter des missions sous la pression du dirigeant de la SARL Epione, M. [W],
- Les certificats d'arrêt de travail ne font état que d'une dépression du salarié sans établir de lien entre cette dépression et ses conditions de travail, les médecins ne faisant que rapporter les propos tenus par M. [N],
- Le salarié ne produit aucun élément démontrant que M. [W] lui aurait hurlé dessus, ni qu'il lui aurait demandé de lui remettre la carte SIM de son téléphone professionnel de manière brutale,
- le salarié ne fait pas la démonstration du préjudice qu'il prétend avoir subi.
Sur ce,
L'article L. 1152-1 du code du travail énonce qu'aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L'article L. 1152-2 du même code dispose qu'aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l'objet d'une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d'affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir les agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L. 1152-4 du code du travail précise que l'employeur prend toutes dispositions nécessaires en vue de prévenir les agissements de harcèlement moral.
Sont considérés comme harcèlement moral notamment des pratiques persécutrices, des attitudes et/ou des propos dégradants, des pratiques punitives, notamment des sanctions disciplinaires injustifiées, des retraits de fonction, des humiliations et des attributions de tâches sans rapport avec le poste.
La définition du harcèlement moral a été affinée en y incluant certaines méthodes de gestion en ce que peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en 'uvre par un supérieur hiérarchique lorsqu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Le harcèlement moral est sanctionné même en l'absence de tout élément intentionnel.
Le harcèlement peut émaner de l'employeur lui-même ou d'un autre salarié de l'entreprise.
Il n'est, en outre, pas nécessaire que le préjudice se réalise. Il suffit pour le juge de constater la possibilité d'une dégradation de la situation du salarié.
A ce titre, il doit être pris en compte non seulement les avis du médecin du travail mais également ceux du médecin traitant du salarié.
L'article L. 1154-1 du code du travail dans sa rédaction postérieure à la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relatif à la charge de la preuve du harcèlement moral dispose :
" En cas de litige relatif à l'application des articles L 1151-1 à L 1152-3 et L 1152-3 à L 1152-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des éléments de faits qui permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral l'existence d'un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles ".
La seule obligation du salarié est de présenter des éléments de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble et non considérés isolément, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement, le juge ne pouvant se fonder uniquement sur l'état de santé du salarié mais devant pour autant le prendre en considération.
A titre liminaire, il y a lieu de constater que le salarié ne formule, dans le dispositif de ses conclusions, qu'une demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral et non pas au titre d'un manquement à l'obligation de sécurité.
En outre, il apparaît que dans le développement de ses conclusions venant au soutien de cette demande, les moyens de droit et de fait soulevés par le salarié visent exclusivement à voir reconnaître l'existence d'une situation de harcèlement moral.
Ainsi, dès lors que les notions de harcèlement moral et d'obligation de sécurité sont distinctes et obéissent chacune à un régime probatoire différent, il est sans incidence que le salarié ait intitulé " Sur le harcèlement moral et le manquement à l'obligation de sécurité ", la cour n'étant, eu égard aux dispositions de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, saisie d'aucune demande de dommages et intérêts au titre de l'obligation de sécurité, ni à titre principal, ni à titre subsidiaire.
Le salarié reproche à la société Epione de lui avoir fait subir une situation de harcèlement moral caractérisée par :
- des reproches adressés par courriers recommandés pendant ses périodes de congés et à ses retours de congés au cours de l'année 2015,
- une charge de travail insurmontable au cours de l'année 2019,
- des pressions à son encontre, afin qu'il accepte de nouvelles fonctions non prévues contractuellement,
- la volonté du gérant, M. [W], de l'isoler du reste de l'équipe et de lui refuser toute aide afin de lui permettre de faire face à sa charge de travail,
- des propos et des actes méprisants et vexatoires tenus par M. [W] à son encontre,
- le retrait de la carte SIM professionnelle et le numéro de téléphone qui lui avaient été attribués depuis le début de la relation contractuelle en rétorsion de sa demande de paiement des heures supplémentaires, ce retrait s'étant accompagné du retrait des fonctions de responsable d'agence et des astreintes.
Premièrement, s'agissant des propos et des actes méprisants et vexatoires tenus par M. [W] à son encontre, l'attestation de Mme [G] [L], assistante de vie sociale, qui indique avoir entendu "M. [W] crier de toutes ses forces sur M. [N] " le 8 septembre 2019 est insuffisante, à elle seule, pour établir la matérialité de tels faits.
Outre le fait que la salariée précise qu'elle n'était pas dans le bureau où avait lieu la réunion, le salarié ne verse aux débats aucun autre élément pertinent permettant de matérialier des propos méprisants et vexatoires tenus à son encontre.
Deuxièmement, M. [N] ne produit aucun élément permettant de matérialiser des pressions exercées afin qu'il accepte de nouvelles fonctions non prévues contractuellement (responsable d'agence et astreintes), le fait qu'aucun avenant au contrat de travail n'ait été conclu et qu'aucune augmentation de sa rémunération ne soit intervenue en conséquence n'étant pas un élément permettant d'établir la matérialité des pressions alléguées.
Troisièmement, s'agissant de la volonté du gérant de l'isoler du reste de l'équipe, M. [N] ne produit aucun élément susceptible de la matérialiser.
Par ailleurs, le salarié, qui indique que M. [M] lui aurait proposé son aide, mais que M. [W] aurait interdit à ce dernier de lui apporter " une quelconque assistance ", ne produit aucune pièce visée dans ses conclusions au soutien de son allégation.
Quatrièmement, s'agissant des reproches adressés pendant ses congés ou à ses retours de congés, le salarié indique que les faits allégués se sont produits " pendant tout le courant de l'année 2015 ", puis que ses relations avec le gérant, M. [W], se sont " apaisées " avant de " se dégrader considérablement au cours de l'année 2019 pour atteindre leur paroxysme début septembre 2019 ".
Le grand espacement de temps entre les faits invoqués n'exclut pas leur caractère répétitif.
Pour établir que M. [W] lui a adressé des reproches pendant ses congés ou immédiatement à son retour de congés, le salarié verse aux débats :
- un courrier du 18 mai 2015 adressé à M. [W], dans lequel M. [N] indique : " Je prends connaissance avec étonnement de votre courrier du 5 mai 2015, reçu pendant ma semaine de congés " ; puis : " Je regrette que vous n'ayez pas attendu mon retour de congés pour en échanger de vive voix. Vous avez préféré me transmettre votre courrier du 05 mai 2015 par voie postale sans même m'en avertir préalablement. Or, j'aurais pu vous rappeler les directives que vous m'avez données il y a quelques temps ", avec le courrier susvisé de M. [W] du 5 mai 2015,
- un courrier du 5 novembre 2015 adressé à M. [W] dans lequel M. [N] indique : " J'ai pris connaissance de votre courrier du 2 novembre 2015, remis en main propre le même jour, à ma reprise de poste (congés du 15 octobre 2015 au 1er novembre 2015 inclus). (') Je ne vous cache pas que je déplore recevoir ces reproches par courrier plutôt que d'échanger avec vous préalablement. En effet, j'aurais pu vous faire part ou vous rappeler les difficultés rencontrées pour exécuter ces missions (') ", avec le courrier susvisé de M. [W] du 5 novembre 2015.
Les faits invoqués par le salarié sont suffisamment établis par les pièces produites par le salarié.
Cinquièmement, s'agissant de la charge de travail " insurmontable " au cours de l'année 2019, il a été retenu précédemment que :
- Le salarié a effectué un grand nombre d'heures supplémentaires non rémunérées au cours de trois dernières années de la relation de travail, le tableau produit par le salarié au soutien de sa demande faisant état de 399,75 heures pour la période du 1er janvier au 12 septembre 2019, date du début de son arrêt de travail,
- M. [W] a confié la responsabilité de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] de la société Réseau Alois Service au salarié, en sus de ses fonctions contractuellement définies de directeur financier de la société Epione,
- M. [N] a réalisé des astreintes téléphoniques 7j/7j et 24h/24h dans le cadre de ses fonctions de responsable d'agence.
En outre, le salarié verse aux débats :
- Une attestation de Mme [G] [L], assistante de vie sociale, et une attestation de Mme [C] [E], auxiliaire de vie sociale, dans lesquelles ces deux salariées de la société Réseau Alois Service indiquent qu'après le retrait des fonctions de responsable de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] à M. [N], celui-ci a été remplacé par ce poste par une responsable d'agence (Mme [S] [O]) et une assistante d'agence,
- Un SMS du 10 septembre 2019 de [D] [N] dans lequel celui-ci indique : " Suite à une décision de réorganisation de notre Président, M. [J] [W], je vous informe que je ne serai plus en charge de la gestion de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9]. Je n'assurerai plus les astreintes. La nouvelle responsable d'agence de [Localité 5]/[Localité 9] sera désormais et à compter de ce jour, Mme [S] [O]. (') Les astreintes seront (') assurées par M. [H] [M] et Mme [S] [O] à tour de rôle ".
Pris ensemble, ces éléments sont suffisamment précis et concordants pour établir qu'après le retrait de ses fonctions de responsable d'agence et des astreintes que le salarié réalisait en sus de ses fonctions contractuelles, plusieurs personnes ont été nommées pour la gestion de l'agence et la réalisation des astreintes.
Le salarié matérialise ainsi suffisamment l'existence d'une surcharge de travail au cours de l'année 2019.
Par ailleurs, il apparaît que l'ensemble des directives de travail à l'origine de cette surcharge proviennent de M. [W], gérant de la société Epione et de la société Réseau Allois service.
La cour rappelle que l'employeur doit répondre des agissements des personnes qui exercent, de fait ou de droit, une autorité sur les salariés.
Dès lors, il est sans pertinence que certaines des tâches exercées par le salarié à l'origine de la surcharge de travail l'ont été pour le compte d'une autre société gérée par M.[W], et non pour le compte de la société Epione qui employait M. [N], dès lors que M. [W] exerçait sur le salarié une autorité de droit en tant que gérant de la société Epione.
La surcharge de travail matériellement établie par le salarié, en tant que fait susceptible de laisser supposer un harcèlement moral, est ainsi imputable à la société Epione.
Sixièmement, l'échange de courriels susvisés échangés entre M. [W] et M. [N] les 10 et 11 septembre 2010 permet d'établir, ce fait n'étant au demeurant pas contredit par l'employeur, qu'il a été décidé de retirer au salarié les fonctions de responsable d'agence de [Localité 5]/[Localité 9], en ce compris les astreintes, et de lui retirer la carte SIM professionnelle et le numéro de téléphone détenus par le salarié depuis le début de la relation contractuelle.
Par ailleurs, le salarié démontre avoir connu une dégradation de son état de santé ensuite de ces événements.
Il ressort des conclusions et des moyens échangés que le salarié a été placé en arrêt de travail à compter du 12 septembre 2019, prolongé jusqu'à son licenciement.
Et M. [N] verse aux débats :
- un courrier de Mme [X] [R], médecin du travail, du 19 septembre 2019, dans lequel celle-ci évoque des " difficultés relationnelles importantes avec son employeur depuis au moins août 2019 devenues ingérables pour lui depuis la semaine dernière avec changement de tâches " relatées par M. [N], et indique que " ces difficultés ont un impact sur son sommeil, son moral, avec une tendance à boire de l'alcool pour oublier et essayer de dormir (') ",
- un courrier de M. [A] [P], médecin généraliste, du 14 octobre 2019, dans lequel celui-ci indique que M. [N] " présente une dépression par épuisement avec un MADRS à 17/60. Malgré un mois d'arrêt de travail, il me parle de son incapacité à reprendre son ancien travail avec cette notion d'angoisse et de quasi panique à l'évocation de celui-ci. Dans ce contexte, il me semble logique d'envisager une inaptitude à tout poste dans l'entreprise. Une reprise entraînerait un échec et une aggravation de son état ".
Il résulte de ce qui précède que le salarié établit des éléments précis et concordants permettant de supposer qu'il a subi des agissements répétés de la part de M. [W], gérant de la société Epione, pouvant caractériser un harcèlement moral ayant engendré une dégradation importante de ses conditions de travail avec pour conséquence un état dépressif.
Il incombe dès lors à l'employeur de démontrer que les faits précédemment retenus sont étrangers à tout harcèlement moral.
S'agissant de la surcharge de travail du salarié, la SELARL SBCMJ ès qualités ne produit aucun élément permettant d'établir dans quel cadre ces tâches nouvelles (responsabilité de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] et astreintes) ont été confiées au salarié.
Si le salarié échoue à démontrer qu'il aurait accepté ces tâches sous la pression de M. [W], et si M. [N] a pu indiquer dans des courriers à destination de son employeur que sa motivation demeurait intacte pour continuer à travailler avec M. [W] (courrier du 5 novembre 2015 visé par l'employeur), plusieurs éléments du dossier établissent qu'un contentieux s'est noué entre M. [W] et M. [N] sur le paiement des nombreuses heures supplémentaires réalisées en conséquence de ces nouvelles fonctions venant s'ajouter à ses fonctions contractuelles, et que la demande du salarié d'en obtenir le paiement serait à l'origine de la décision de M. [W] de lui retirer la gestion de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] et les astreintes en septembre 2019.
Dès lors, il apparaît que la SELARL SBCMJ ès qualités échoue à justifier, par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, d'une part la surcharge de travail matériellement établie par le salarié, d'autre part la décision de lui retirer la responsabilité de l'agence de [Localité 5]/[Localité 9] et les astreintes en septembre 2019.
En conséquence, il doit également être retenu que la SELARL SBCMJ ès qualités ne justifie pas, par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la décision de l'employeur de retirer au salarié la carte SIM et son numéro de téléphone professionnel qu'il détenait depuis le début de la relation contractuelle aux dires du salarié, cette allégation n'étant pas utilement contestée par l'employeur.
S'agissant des reproches adressés au salarié pendant ses congés ou immédiatement à son retour de congés au cours de l'année 2015, s'il ressort de l'examen des courriers produits par le salarié que M. [W] donne aux salariés des directives de travail dans des termes compatibles avec l'exercice de son pouvoir de direction, la SELARL SBCMJ ès qualités ne justifie pas, par des raisons objectives étrangères à tout harcèlement moral, la décision de lui faire part de ces reproches par lettre recommandée au cours d'une période de congés du salarié, ou par écrit par lettre remise en main propre contre signature immédiatement après son retour de congés, ce mode de communication et la temporalité retenue, de nature à exercer une forme de pression sur le salarié, n'étant pas justifiés dans les circonstances de l'espèce.
Il résulte de ces constatations que l'employeur échoue à démontrer que les faits matériellement établis par M. [N] sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le harcèlement moral dénoncé est donc établi.
Compte tenu des circonstances et de la dégradation démontrée de l'état de santé du salarié qui a suivi, laquelle a entraîné un arrêt de travail en raison d'un état dépressif, il convient de réparer le préjudice subi par M. [N] en ordonnant l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande de solde d'indemnité compensatrice de congés-payés
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir que :
- Le salarié sollicite la condamnation de la SARL Epione à lui payer la somme de 5 784,42 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondant aux congés payés non pris à N-2,
- Les congés payés non pris à N-2 n'ont pas fait l'objet de report et le salarié n'est pas fondé à en solliciter le paiement,
- Le salarié ne communique aucun élément démontrant son accord pour le report de ces congés payés.
M. [N] fait valoir que :
- Le report de ces jours de congé a été validé par la SARL Epione,
- Leur cumul apparaît sur ses bulletins de salaire.
Sur ce,
Selon l'article L. 3141-1 du code du travail, tout salarié a droit chaque année à un congé payé à la charge de l'employeur.
Aux termes de l'article L. 3141-24 du code du travail :
I. - le congé annuel prévu à l'article L. 3141-3 ouvre droit à une indemnité égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié au cours de la période de référence.
Pour la détermination de la rémunération brute totale, il est tenu compte :
1° De l'indemnité de congé de l'année précédente ;
2° Des indemnités afférentes à la contrepartie obligatoire sous forme de repos prévues aux articles L. 3121-30, L. 3121-33 et L. 3121-38 ;
3° Des périodes assimilées à un temps de travail par l'article L. 3141-4 et par les 1° à 6° de l'article L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement ;
4° Des périodes assimilées à un temps de travail par le 7° du même article L. 3141-5 qui sont considérées comme ayant donné lieu à rémunération en fonction de l'horaire de travail de l'établissement, dans la limite d'une prise en compte à 80 % de la rémunération associée à ces périodes.
Lorsque la durée du congé est différente de celle prévue à l'article L. 3141-3, l'indemnité est calculée selon les règles fixées au présent I et proportionnellement à la durée du congé effectivement dû.
II. - Toutefois, l'indemnité prévue au I du présent article ne peut être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler.
Cette rémunération, sous réserve du respect des dispositions légales, est calculée en fonction :
1° Du salaire gagné dû pour la période précédant le congé ;
2° De la durée du travail effectif de l'établissement.
III. - Un arrêté du ministre chargé du travail détermine les modalités d'application du présent article dans les professions mentionnées à l'article L. 3141-32.
Selon l'article L. 3141-28 du même code, lorsque le contrat de travail est rompu avant que le salarié ait pu bénéficier de la totalité du congé auquel il avait droit, il reçoit, pour la fraction de congé dont il n'a pas bénéficié, une indemnité compensatrice de congé déterminée d'après les articles L. 3141-24 à L. 3141-27.
L'indemnité est due que cette rupture résulte du fait du salarié ou du fait de l'employeur.
Cette indemnité est également due aux ayants droit du salarié dont le décès survient avant qu'il ait pris son congé annuel payé. L'indemnité est versée à ceux des ayants droit qui auraient qualité pour obtenir le paiement des salaires arriérés.
Pour établir qu'il a obtenu l'accord de la société Epione de reporter ses droits à congés non pris au cours de la période 2018/2019, M. [N] verse aux débats :
- un courrier qu'il a adressé à M. [W] le 2 mai 2019 ayant pour objet " Congés acquis en 2017/2018 Congés à prendre en 2018/2019 " dans lequel il indique que l'activité ne lui permet pas de poser l'intégralité de ses congés avant le 31 mai 2019, qu'il lui reste 33 jours de congés à prendre avant cette date, le salarié demandant l'autorisation à M. [W] de " différer le solde des jours restant à prendre sur la période 2019/2020 ",
- le bulletin de salaire du mois de janvier 2020 faisant apparaître un solde de 52 jours de congés pour l'année N-1 et de 21,36 de congés payés pour l'année N,
- le bulletin de salaire du mois de février 2020 faisant apparaître des soldes de congés payés à 0 pour les années N-1 et N, et le versement d'une indemnité compensatrice de congés payés pour un montant de 12 867,85 euros brut,
- l'attestation employeur destinée à Pôle emploi faisant mention du versement de la somme de 12 868 euros à titre d'indemnité compensatrice de congés payés correspondant à 52 jours de congés payés.
Ces éléments sont suffisants pour retenir que la SELARL SBCMJ ès qualités a accepté le report des congés non pris de l'année N-2 apparaissant sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2020.
Il apparaît que la société Epione a versé au salarié une indemnité compensatrice de congés payés au titre de 52 jours de congés.
Le salarié ayant travaillé jusqu'au 20 février 2020, il reste donc dû au salarié, au titre de ce mois, 1,66 jours de congés calculés sur la base de 2,5 jours de congés payés par mois (20x2,5/30), et non 1,84 jours comme le demande le salarié, celui-ci n'expliquant pas pourquoi il a retenu une base de 2,67 jours de congés par mois, de sorte qu'il n'y a pas lieu de retenir son calcul, outre les 21,36 jours mentionnés sur le bulletin de salaire du mois de janvier 2020 qui ne lui ont pas été payés, soit au total 23,02 jours de congés payés.
Le salarié ayant perçu une indemnité compensatrice de congés payés de 12 867,85 euros brut pour 52 jours, il en résulte que la société Epione lui a versé 247,45 euros brut pour chaque jour de congés payés non pris.
Et dès lors que M. [N] ne discute pas la somme qui lui a été versée à ce titre, il y a lieu de retenir cette somme pour calculer le solde de l'indemnité compensatrice de congés payés, soit la somme totale de 5 696,30 euros brut (23,02x247,45).
Il y a lieu d'ordonner l'inscription de cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Sur la demande de solde de l'indemnité de licenciement
La SELARL SBCMJ ès qualités reconnaît dans ses conclusions que la société Epione a commis une erreur dans le calcul du montant de l'indemnité conventionnelle de licenciement dû au salarié, et qu'il reste dû la somme de 1 451,01 euros brut à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement.
Il y a lieu, en conséquence, d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 1 451 euros brut à titre de solde d'indemnité conventionnelle de licenciement.
Sur le rappel au titre du solde de tout compte et la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive
Moyens des parties,
La SARL Epione et la SELARL SBCMJ ès qualités font valoir pour leur part que :
- Le conseil de prud'hommes a condamné la SARL Epione à payer à M. [N] la somme de 8 491,38 euros sans prendre en compte les éléments démontrant les règlements effectués par la SARL Epione,
- Il reste dû à ce jour la somme de 7 491,38 euros,
- Le salarié ne fait la démonstration d'aucune résistance abusive de sa part, ni d'un préjudice justifiant qu'il soit octroyé des dommages et intérêts.
M. [N] fait valoir que :
- Il n'a pas accepté le contrat de sécurisation professionnelle de sorte que son contrat de travail a pris fin à l'issue de son préavis le 20 février 2020,
- Il a reçu son bulletin de salaire du mois de février 2020 et les documents légaux afférents à la rupture dans une enveloppe envoyée le 27 février 2020, sans le règlement du solde de tout compte d'un montant de 32 491,38 euros,
- Il a réclamé le règlement de la somme due par courriel du 28 février 2020, puis par courrier de mise en demeure du 11 mars 2020, auquel la SARL Epione n'a pas répondu,
- Il a reçu sans explication plusieurs règlements d'un montant de 4 000 euros à partir du mois d'avril 2020 et s'est trouvé contraint de saisir le conseil de prud'hommes dans sa formation de référé afin de solliciter le règlement du solde des sommes dues,
- La SARL Epione n'a pas respecté l'échéancier fixé par les juges à l'audience de référé,
- Elle n'a réglé à ce jour que la somme de 24 000 euros et elle reste redevable de la somme de 8 491,38 euros,
- Après deux ans, et malgré la mise en place de l'échéancier, il n'a toujours pas perçu l'intégralité du règlement du montant total de ce qui lui était dû,
- Il a subi un préjudice résultant de la résistance abusive et du règlement tardif du solde de tout compte.
Sur ce,
Selon l'article 1353 du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
Premièrement, il ressort du reçu du solde de tout compte du 24 février 2020 et de son annexe que la SELARL SBCMJ ès qualités devait verser à M. [N] au titre de l'ensemble des sommes dues résultant de son licenciement pour motif économique la somme de 32 491,38 euros net.
Deuxièmement, M. [N] verse aux débats un courriel du 28 février 2020 adressé à M. [W], ainsi qu'un courrier envoyé par lettre recommandé avec avis de réception le 11 mars 2020, dans lesquels il sollicite le paiement de la somme due au titre de son licenciement, M. [N] indiquant qu'aucun chèque de banque n'était joint aux documents de fin de contrat qu'il a reçus.
Troisièmement, M. [N] démontre que la société Epione ne lui a pas versé en une seule fois la somme due au titre de la rupture en produisant :
- deux courriers des 3 avril et 4 mai 2020 reçus de la société Réseau Alois service accompagnés chacun d'un chèque d'un montant de 4 000 euros sur le compte de la société Epione, les courriers indiquant que ces chèques correspondent à un premier et à un second acompte de la somme due ; le salarié indique qu'il a reçu deux autres chèques de 4 000 euros par courriers des 27 mai et 26 juin 2020,
- l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar du 11 septembre 2020, par laquelle la formation de référé, saisie par M. [N], après avoir constaté que la société Epione avait procédé au règlement de la somme due à M. [N] par des virements de 4 000 euros et qu'il restait dû un solde de 16 491,38 euros à la fin du mois de juin 2020, a défini un échéancier de quatre mensualités de 3 000 euros et d'un solde de 4 491,38 euros,
- un détail des paiements effectués à compter du mois d'octobre 2020 au mois de juin 2021 pour un montant total de 8 000 euros, le virement du 11 mars 2021 ayant été annulé le 2 avril 2021.
Quatrièmement, la SELARL SBCMJ ès qualités soutient avoir versé la somme de 9 000 euros et non de 8 000 euros après l'ordonnance de référé du conseil de prud'hommes à différentes dates dont elle produit un détail dans ses conclusions, mais s'abstient de justifier des paiements allégués.
En conséquence, il y a lieu de retenir qu'il reste dû à M. [N] la somme de 8 491,38 euros net au titre du solde de tout compte, et d'ordonner en conséquence l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione de ladite somme, par infirmation du jugement entrepris de ce chef.
Cinquièmement, il est établi que la société Epione n'a pas versé la totalité des sommes restant dues selon l'échéancier qu'elle avait elle-même proposé devant la formation de référé du conseil de prud'hommes de Montélimar, aucun versement n'ayant eu lieu au-delà du mois de juin 2020.
Il est constant que la société Epione a été placée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Romans-sur-Isère du 15 janvier 2024.
Toutefois, la SELARL SBCMJ ès qualités ne formule aucune explication dans ses conclusions pour justifier de l'absence de versement des sommes restant dues entre juin 2020 et son placement en liquidation judiciaire, de sorte qu'il y a lieu de retenir l'existence d'une résistance abusive de la part de l'employeur dans le paiement de la totalité de la somme due au titre solde de tout compte.
Les premiers juges, qui ont évalué à la somme de 2 000 euros les dommages et intérêts dus au salarié à ce titre, ont fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi en conséquence.
Il y a donc lieu d'inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive.
Sur la contestation du licenciement pour motif économique
Selon L. 1233-3 du code du travail, constitue un licenciement pour motif économique le licenciement effectué par un employeur pour un ou plusieurs motifs non inhérents à la personne du salarié résultant d'une suppression ou transformation d'emploi ou d'une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel du contrat de travail, consécutives notamment :
1° A des difficultés économiques caractérisées soit par l'évolution significative d'au moins un indicateur économique tel qu'une baisse des commandes ou du chiffre d'affaires, des pertes d'exploitation ou une dégradation de la trésorerie ou de l'excédent brut d'exploitation, soit par tout autre élément de nature à justifier de ces difficultés.
Une baisse significative des commandes ou du chiffre d'affaires est constituée dès lors que la durée de cette baisse est, en comparaison avec la même période de l'année précédente, au moins égale à :
a) Un trimestre pour une entreprise de moins de onze salariés ;
b) Deux trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins onze salariés et de moins de cinquante salariés ;
c) Trois trimestres consécutifs pour une entreprise d'au moins cinquante salariés et de moins de trois cents salariés ;
d) Quatre trimestres consécutifs pour une entreprise de trois cents salariés et plus ;
2° A des mutations technologiques ;
3° A une réorganisation de l'entreprise nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité ;
4° A la cessation d'activité de l'entreprise.
La matérialité de la suppression, de la transformation d'emploi ou de la modification d'un élément essentiel du contrat de travail s'apprécie au niveau de l'entreprise.
Les difficultés économiques, les mutations technologiques ou la nécessité de sauvegarder la compétitivité de l'entreprise s'apprécient au niveau de cette entreprise si elle n'appartient pas à un groupe et, dans le cas contraire, au niveau du secteur d'activité commun à cette entreprise et aux entreprises du groupe auquel elle appartient, établies sur le territoire national, sauf fraude.
Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.
Le secteur d'activité permettant d'apprécier la cause économique du licenciement est caractérisé, notamment, par la nature des produits biens ou services délivrés, la clientèle ciblée, ainsi que les réseaux et modes de distribution, se rapportant à un même marché.
Les dispositions du présent chapitre sont applicables à toute rupture du contrat de travail résultant de l'une des causes énoncées au présent article, à l'exclusion de la rupture conventionnelle visée aux articles L. 1237-11 et suivants et de la rupture d'un commun accord dans le cadre d'un accord collectif visée aux articles L. 1237-17 et suivants.
Il incombe à l'employeur de rapporter la preuve de la réalité des difficultés économiques.
Premièrement, il ressort des termes de la lettre de licenciement du 15 novembre 2019 que la société Epione a justifié le licenciement pour motif économique de M. [N] par des difficultés économiques justifiant sa réorganisation afin d'assurer sa pérennité, cette réorganisation impliquant de réduire ses charges sociales et salariales en raison de leur importance dans les charges d'exploitation.
Et la cour constate que la société Epione, aux termes de la lettre de licenciement, ne fonde celui-ci que sur les difficultés économiques de l'entreprise, et non sur une réorganisation nécessaire à la sauvegarde de sa compétitivité au sens des dispositions précitées.
En outre, la SARL SBCMJ ès qualités ne se prévaut pas de la nécessité de réorganiser l'entreprise dans le but de sauvegarder sa compétitivité dans ses conclusions. Dès lors, il y a lieu de statuer uniquement sur le motif des difficultés économiques au sens du 1° de l'article L. 1233-3 susvisé du code du travail.
Deuxièmement, dès lors que la réalité des difficultés économiques s'apprécie à la date du licenciement, il n'y a pas lieu de prendre en compte, aux fins de se prononcer sur l'existence de difficultés économiques justifiant le licenciement, sur la détérioration de la situation économique de la société Epione alléguée par le représentant de l'employeur à compter de la fin de l'année 2014 après la cession des différentes EHPAD du groupe Les jardins d'Asclépios, lesquels constituaient les principaux clients de la société Epione.
Le licenciement étant intervenu le 15 novembre 2019, l'existence de difficultés économiques à cette date doit s'apprécier au regard des éléments produits portant sur les années 2018 et 2019.
Troisièmement, pour établir l'existence de difficultés économiques à la date du licenciement, la SELARL SBCMJ ès qualités verse aux débats :
- le bilan de la société Epione au 31 décembre 2018 (bilan actif-passif, soldes intermédiaires de gestion, compte de résultat),
- le bilan de la société Epione au 31 décembre 2019 (bilan actif-passif, soldes intermédiaires de gestion, compte de résultat, détail des comptes bilan actif passif, détail soldes intermédiaires de gestion, détail compte de résultat).
Il ressort de l'examen de ces éléments que :
- le total général des actifs net est passé de 468 802 euros en 2018 à 637 581 euros en 2019,
- le total général du passif net est passé de 468 802 euros en 2018 à 611 920 euros en 2019,
- le chiffre d'affaires net est passé de 101 100 euros en 2018 à 150 000 euros en 2019,
- le total des charges d'exploitation est passé de 599 822 euros en 2018 à 562 772 euros en 2019,
- le résultat d'exploitation est passé de -283 563 euros en 2018 à -412 363 euros en 2019,
- les pertes sont passées de 301 464 euros en 2018 à 341 261 euros en 2019,
- les capitaux propres négatifs sont passés de 2 502 442 euros en 2019 à 2 843 703 euros en 2019.
Si l'employeur fait valoir l'existence d'une situation financière et économique de la société Epione fragile depuis la cession des EPHAD en 2014, les différents indicateurs économiques susvisés pour les années 2018 et 2019 mettent en évidence une détérioration de cette situation, notamment en raison de l'évolution à la baisse du résultat d'exploitation, des pertes, et des capitaux propres négatifs.
Quatrièmement, s'agissant des manipulations des données financières par le gérant de la société Epione alléguées par le salarié, aucun élément suffisamment probant n'est versé aux débats permettant d'établir que la société Epione avait conclu des conventions de prestation service avec d'autres sociétés appartenant à M. [W], parmi lesquelles des SCI, ce que conteste le représentant de l'employeur en indiqunat que que la société Epione avait uniquement conclu une convention de prestation de service avec la société Réseau Alois service.
Cependant, il ressort du bilan actif versé par la SELARL SBCMJ ès qualités que les créances des clients de la société Epione en 2019 s'élevaient à 548 654 euros, et qu'elles s'élevaient à 417 254 euros en 2018.
Or, la SELARL SBCMJ ès qualités n'apporte aucune explication en réponse aux allégations de M. [N] selon lesquelles ces créances clients sont toutes dues par des sociétés dont M. [W] est également le gérant, la société Epione n'ayant jamais eu d'autres clients que des sociétés des différents groupes de sociétés détenus par M. [W].
En outre, la SELARL SBCMJ ès qualités ne produit non plus aucune explication sur le fait que le chiffre d'affaires de la société Epione pour l'année 2018 s'est élevé à 101 000 euros, soit moins que le montant prévu par la convention de prestation de services la liant à la société Réseau Alois service du 21 décembre 2015 (12 000 euros HT par mois).
En considération de ces constatations, il apparaît que l'évolution négative de certains indicateurs économiques (résultat d'exploitation, pertes, des capitaux propres négatifs) entre l'année 2018 et l'année 2019 ne caractérise pas une évolution significative permettant d'établir l'existence de difficultés économiques au sens des dispositions susvisées de l'article L. 1233-3 du code du travail.
En conséquence, et sans qu'il soit nécessaire de statuer sur les autres moyens soulevés par le salarié, concernant la réalité de la suppression de son poste et le respect de l'obligation de reclassement, il y a lieu de déclarer le licenciement pour motif économique prononcé à l'encontre de M. [N] le 15 novembre 2019 comme dépourvu de cause réelle et sérieuse.
L'article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que si le licenciement d'un salarié survient pour une cause qui n'est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l'entreprise, avec maintien de ses avantages acquis ; et, si l'une ou l'autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l'employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux que cet article prévoit.
M. [N] justifie de sa situation personnelle par la production de plusieurs attestations Pôle emploi établissant qu'il a perçu l'allocation de retour à l'emploi jusqu'à la fin du mois de décembre 2020.
Par ailleurs, il ressort d'une décision de la MDPH d'Avignon du 8 septembre 2020 produite par le salarié que celui-ci s'est vu attribuer la reconnaissance de travailleur handicapé pour la période du 8 septembre 2020 au 7 septembre 2021.
Enfin, M. [N] justifie qu'il n'a perçu aucune rémunération en sa qualité de gérant de la société Domicilat dont il est associé pour la période du 12 mai 2020 au 31 décembre 2022.
En considération de l'ancienneté du salarié (11 ans), de sa rémunération mensuelle moyenne (5 382,50 euros brut), de son âge lors de la rupture du contrat de travail (38 ans), de sa formation et de sa capacité à retrouver un nouvel emploi, de la durée de sa période de recherche d'emploi ou de reconversion professionnelle et des aides dont il a pu bénéficier, il convient de lui allouer, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, la somme de 43 060 euros brut à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Il y a lieu d'ordonner l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la société Epione la somme de 43 060 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes accessoires
Le jugement entrepris est infirmé sur les frais irrépétibles et les dépens.
Au visa de l'article 696 du code de procédure civile, il convient de condamner la SARL Epione, partie perdante aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité et la situation économique respective des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
REJETTE les fins de non-recevoir soulevées par la SELARL SBCMJ ès qualités visant à voir déclarer irrecevables les demandes de M. [D] [N] ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
DIT que M. [D] [N] a subi des agissements de harcèlement moral sur son lieu de travail ;
DIT que le licenciement de M. [D] [N] pour motif économique est sans cause réelle et sérieuse;
ORDONNE l'inscription au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Epione les sommes suivantes à titre de créances dues à M. [D] [N] :
- 64 546,68 euros brut au titre du paiement des heures supplémentaires effectuées,
- 6 454,67 euros brut au titre des congés payés afférents,
- 32 295 euros net à titre d'indemnité pour travail dissimulé
- 15 480 euros brut au titre des indemnités d'astreinte,
- 1 548 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés aux indemnités d'astreinte,
- 34 536 euros brut à titre de rappel de salaire au titre des heures de travail effectif réalisées au cours des périodes d'astreinte,
- 3 453,60 euros brut à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférente aux heures de travail effectif réalisées au cours des périodes d'astreinte,
- 15 000 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral,
- 5 696,30 euros brut à titre de solde de l'indemnité compensatrice de congés payés,
- 1 451 euros brut à titre de solde de l'indemnité conventionnelle de licenciement,
- 8 491,38 euros net au titre des sommes restant dues au titre du solde de tout compte,
- 2 000 euros net à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et règlement tardif du solde de tout compte,
- 43 060 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- Débouté la SARL Epione de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la SARL Epione aux dépens.
DÉCLARE l'arrêt commun et opposable à l'UNEDIC Délégation de l'AGS CGEA d'Annecy ;
DÉCLARE que l'UNEDIC Délégation de l'AGS CGEA d'Annecy doit sa garantie dans les conditions des articles L. 3253-6 et suivants et D. 3253-5 du code du travail, étant précisé que les plafonds de garantie de l'AGS s'entendent en sommes brutes et retenue à la source de l'impôt sur le revenu, de l'article 204 du code général des impôts, incluse ;
DIT n'y avoir lieu à indemnisation au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance et en cause d'appel ;
CONDAMNE la SARL Epione, aux dépens d'appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
Signé par Mme Hélène Blondeau-Patissier, conseillère faisant fonction de présidente, et par Mme Fanny Michon, greffière, à qui la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
La greffière, La conseillère faisant fonction de présidente,