Décisions
CA Bordeaux, 1re ch. civ., 15 octobre 2024, n° 23/05678
BORDEAUX
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL DE BORDEAUX
1ère CHAMBRE CIVILE
--------------------------
ARRÊT DU : 15 OCTOBRE 2024
N° RG 23/05678 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NRUT
S.E.L.A.R.L. [K]
c/
[C] [O]
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 7]
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : décision rendu le 15 septembre 2023 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] suivant déclaration d'appel du 02 octobre 2023
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. [K], immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro [Numéro identifiant 4], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, sis [Adresse 5]
Représentée par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Maître BELLOCQ Grégory, avocat au barreau de Bordeaux
INTIMÉS :
[C] [O], membre de la SELARL [O]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 8]
de nationalité Française
Profession : Avocat, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me François DELMOULY de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau D'AGEN
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 7], demeurant [Adresse 2]
Non représenté, régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception à la première audience du 02 avril 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 03 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Présidente
Madame Bérengère VALLEE, Conseiller
Madame Bénédicte LAMARQUE, Conseiller
Greffier lors des débats : POUESSEL Mélina, greffier placé
Greffier lors du prononcé : BONNET Séléna
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [C] [O], Mme [M] [O], M. [Y] [G] et M. [T] [R], ont exercé depuis 2011 une activité d'avocats en qualité d'associés au sein de la selarl [O] - [G] - [R] ([K]) après que la Selarl [C] [O] et [M] [O] a intégré M.M. [G] et [R].
M. [C] [O] s'est retiré de cette société aux termes d'une assemblée générale extraordinaire du 8 avril 2013 et a cédé à cette occasion sa clientèle à la société [K]. Il a cependant continué à exercer au sein de la structure.
MM. [G] et [R] ainsi que Mme [M] [O] sont ainsi restés associés de la nouvelle société [K] détenant chacun 14 parts.
Mme [M] [O] a également souhaité se retirer de la structure pour raisons personnelles.
La séparation étant devenue conflictuelle, le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7], par décision du 14 octobre 2019 a autorisé Mme [M] [O] et MM. [G] et [R] à exercer séparément leur activité professionnelle.
Un protocole a été conclu entre Mme [M] [O], M. [Y] [G], M. [T] [R], la Selarl [K] et la Selarl [O], le 21 janvier 2020 actant un apport des 14 parts de Mme [M] [O] à la Selarl [O] et le retrait de la Selarl [O] de la société [K]. Il prévoyait également le sort des honoraires de certains dossiers du fait du retrait de l'associée.
Dans le cadre de l'instance initiale devant le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] opposant Mme [O] à la société [K] et à M.M. [G] et [R], la société [K] a formulé des demandes reconventionnelles.
Par décision en date du 9 octobre 2020, le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] a rejeté l'ensemble des demandes des parties.
Par courrier électronique en date du 1er octobre 2021, la selarl [K] a saisi le Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7], d'une demande tendant à voir:
- décider que dans le cadre du dossier RCI, M.M. [V] et [E] étaient assistés et accompagnés par la selarl [K],
- enjoindre Me [C] [O] de communiquer l'ensemble des sommes obtenues au titre de l'honoraire de résultat,
- décider que l'ensemble des honoraires de résultat revient à la selarl [K], à tout le moins 75%.
Par décision en date du 15 septembre 2023, le bâtonnier délégué de l'ordre des avocats de [Localité 7], après avoir écarté dans les motifs l'autorité de chose jugée opposée en défense, a :
- dit que la selarl [K] n'est pas fondée à prétendre obtenir reversement de tout ou partie de l'honoraire de résultat perçu par M. [O] et la Selarl [O] à la suite des décisions rendues par le Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (CIRDI) dans le contentieux opposant MM. [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire, les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
- débouté la Selarl [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Le 2 octobre 2023, la selarl [K] a saisi la cour d'appel de Bordeaux d'un recours contre cette décision.
La selarl [K], lors de l'audience des plaidoiries, poursuit les demandes contenues dans ses dernières conclusions récapitulatives et responsives du 28 juin 2024, demandant à la cour de :
À titre principal :
Confirmer l'ordonnance de Monsieur le Bâtonnier délégué de l'Ordre des avocats de [Localité 7] en date du 15 septembre 2023 en ce qu'elle a écarté l'exception de chose jugée soulevée par Me [C] [O] et la Selarl [O] ;
Infirmer l'ordonnance de Monsieur le Bâtonnier délégué de l'Ordre des avocats de [Localité 7] en date du 15 septembre 2023 en ce qu'elle a écarté le reversement au profit de la selarl [K] de tout ou partie de l'honoraire de résultat perçu par M. [O] et la
selarl [O] à la suite des décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux opposant Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
Statuant de nouveau,
- constater que dans le cadre du dossier RCI [Localité 6] contre la République de Côte d'Ivoire, Messieurs [V] et [E] et ladite société étaient assistés et accompagnés par la selarl [G] [R] ;
- constater que la société RCI [Localité 6] et Messieurs [V] et [E] n'étaient pas les clients personnels de Me [C] [O] ;
En conséquence :
- déclarer recevable la selarl [G] [R] en sa demande de paiement d'honoraire de résultat perçu par M. [O] et la selarl [O] à la suite des décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux opposant Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
En conséquence,
A titre principal :
- condamner M. [C] [O] et la selarl [O] à reverser au profit de la selarl [G] [R], sur le fondement de l'article 1303 du Code civil, l'intégralité de l'honoraire de résultat perçu par M. [O] et/ou la selarl [O] à la suite des décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux ayant opposé Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
À titre subsidiaire :
- condamner M. [C] [O] et la selarl [O] à reverser au profit de la selarl [G] [R], sur le fondement de l'article 1303 du Code civil, la somme correspondant à 75% des sommes encaissés par les intimés au titre de l'honoraire de résultat perçu suite aux décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux ayant opposé Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
En tout état de cause, avant-dire droit, en tant que de besoin sur le quantum,
- enjoindre et condamner la selarl [O] et Me [C] [O], de communiquer aux appelants la copie de la sentence arbitrale finale ainsi que la facture et le reçu CARPA des sommes versées au profit de Me [O] et de la selarl [O] au titre de l'honoraire de résultat dans le dossier RCI-A/République de Côte d'Ivoire, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.
Maître [C] [O] et la selarl [O] ont poursuivi oralement le bénéfice de leurs dernières conclusions du 29 mars 2024, demandant à la cour de :
- rejeter les demandes de la société [K] en ce qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du Bâtonnier du 9 octobre 2020,
- subsidiairement les rejeter au fond et juger au contraire que l'honoraire de résultat du dossier RCI doit revenir en totalité à [C] [O], et désormais à la Selarl [O],
- condamner l'appelante à verser aux concluants une somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 3 septembre 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 août 2024.
Lors de l'audience des plaidoiries, Maître [C] [O] a déclaré solliciter l'infirmation de la décision du bâtonnier en ce qu'elle a écarté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision du 9 octobre 2020.
Par ailleurs, la cour a entendu les parties sur la rectification d'office préalable par la cour de l'omission purement matérielle de statuer affectant le dispositif de la décision du bâtonnier dont appel quant à la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 9 octobre 2020 qu'il avait écartée dans ses motifs sans statuer au dispositif.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Nul ne conteste que le bâtonnier de l'ordre des avocats qui avait été saisi en défense par M. [C] [O] d'une fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée à la décision du même bâtonnier du 9 octobre 2020 qu'il avait écartée
dans ses motifs, a omis de statuer sur ce point au dispositif de sa décision, omission purement matérielle que la cour rectifie d'office, après avoir entendu les parties sur ce point, en application de l'article 462 du code de procédure civile.
Il est en conséquence ajouté au dispositif de la décision déférée la mention, en haut de dispositif :
'Rejette la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision du bâtonner de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020.'
Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée :
Le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] a rejeté cette fin de non recevoir au motif que ni le litige, ni les parties n'étaient les mêmes que dans l'instance dont avait été initialement saisi le bâtonnier de [Localité 7] à la requête de Mme [M] [O] qui a donné lieu à la décision du 9 octobre 2020 ayant rejeté les demandes respectives des parties.
Maître [C] [O], intimé, sollicite incidemment la réformation de la décision du bâtonnier en ce qu'elle a rejeté sa demande de déclarer irrecevables les demandes de la selarl [K] dirigées à son encontre arguant d'une identité de cause et de parties entre les demandes qui étaient formulées devant le bâtonnier de [Localité 7] initialement saisi et celles soumises au même bâtonnier dont la décision est déférée à la cour.
Il fait ainsi valoir que le bâtonnier initialement saisi qui avait rejeté les demandes de voir 'dire et juger qu'[M] [O] et [C] [O], en leur qualité de gérants et associés de la Selarl [O] et cette dernière ont délibérément violé les dispositions du protocole d'accord en mettant en place un mécanisme de détournement du d'honoraires de résultats du dossier RCI [...]' a nécessairement jugé que le dossier RCI n'était pas la propriété de la société [K], ce qui ressort d'ailleurs incontestablement des motifs parfaitement clairs de sa décision sur ce point, en sorte qu'il ne pourrait plus juger le contraire ce jour, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à sa première décision.
Enfin, il fait valoir qu'il ne fait aucun doute qu'au travers de la demande qui est formulée devant le bâtonnier de [Localité 7] dans le cadre du présent litige et qui est dirigée contre [C] [O] et la Selarl [O], vise à atteindre sa société qui seule a perçu l'honoraire de résultat et contre laquelle la précédente décision du bâtonnier a été rendue.
La Selarl [K] conclut à la confirmation de la décision du bâtonnier de [Localité 7] qui a rejeté toute autorité de chose jugée pour le motif d'une absence d'identité d'objet et de parties, y ajoutant que l'autorité de chose jugée ne vise que ce qui est contenu au dispositif à l'exclusion des motifs décisoires.
Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, c'est à dire qu'elle soit formée par elles ou contre elles en la même qualité.
La question centrale posée au bâtonnier de [Localité 7] dans le cadre du présent litige est celle de la propriété du dossier RCI et plus précisément de dire qui de la selarl [K] ou de maître [C] [O] était l'avocat de M.M. [V] et [E] dans le cadre du de ce dossier.
La Selarl [K] demandait en effet notamment au bâtonnier de dire que ces derniers n'étaient pas les clients personnels de maître [C] [O], alors qu'aucune demande n'était dirigée contre maître [C] [O] à titre personnel par la selarl [K] dans le cadre des précédents débats ayant donné lieu à la décision du 9 octobre 2020 mais en sa qualité de gérant et associé de la Selarl [K], de sorte que, quand bien même il s'ensuivait une demande de restitution de l'honoraire de résultat par la selarl [O], maître [C] [O] se trouve convoqué à titre personnel dans le présent débat alors qu'il ne l'était pas en cette qualité dans le précédent litige.
C'est en conséquence à raison que le bâtonnier a jugé qu'il n'y avait pas identité de parties entre les deux litiges.
Et même à retenir le contraire, il est constant que l'autorité de chose jugée n'a lieu que pour ce qui est jugé au dispositif et que sont exclus de l'autorité de chose jugée les motifs 'implicites' ou 'décisoires', c'est à dire ceux nécessaires au raisonnement du juge et qui n'ont pas à figurer au dispositif, au contraire des motifs 'décisifs'.
Or, si le bâtonnier de [Localité 7], dans sa décision du 9 octobre 2020, a été amené à se prononcer sur la propriété de l'honoraire de résultat afférent au dossier RCI, ce n'est qu'aux termes de motifs décisoires, alors qu'au demeurant ne lui était pas posée expressément la question de la propriété du dossier RCI, mais celle de la répartition de l'honoraire de résultat y afférent et, plus précisément, d'une 'violation des dispositions du protocole d'accord par la mise en place d'un mécanisme de détournement d'honoraires de résultats du dossier RCI [....]', de sorte que la seule éventuelle question implicitement posée au bâtonnier n'était pas celle de la propriété du dossier RCI mais celle du contenu du protocole d'accord, dont il avait d'ailleurs dit, par des motifs simplement décisoires mais suffisants, qu'il excluait le sort de l'honoraire de résultat du dossier RCI.
Dès lors, la demande aujourd'hui en litige de 'décider que dans le cadre du dossier RCI, Messieurs [V] et [E] étaient assistés et accompagnés par la Selarl [K]' ne se heurte aucunement à l'autorité de chose jugée attachée à la décision du 9 octobre 2020, qui a tranché la question d'un détournement du protocole, les deux questions étant parfaitement distinctes en ce sens qu'une réponse négative apportée à la première question, sur la qualité de conseil de la selarl [K] dans le dossier RCI, ne serait pas exclusive d'un éventuel détournement de protocole par maître [C] [O] ou la selarl, et qu'inversement, une réponse positive à la question d'un éventel détournement du protocole par maître [O] et /ou la selarl éponyme ne serait pas de nature a exclure ipso facto que MM. [V] et [E] aient pu confier la défense de leurs intérêts à maître [C] [O], personnellement, sans égard pour la structure [K].
Il en va nécessairement de même des demandes qui ne sont présentées que comme la conséquence de la décision sur la propriété du dossier RCI, d'enjoindre à la Selarl [O] et à maître [C] [O] de communiquer l'ensemble des sommes obtenues au titre de l'honoraire de résultat.
La décision rectifiée du bâtonnier de [Localité 7] qui a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du même bâtonnier du 9 octobre 2020 est en conséquence confirmée.
Sur le fond :
Pour rejeter au fond les demandes de la selarl [K] visant à la restitution par [C] [O] de l'honoraire de résultat encaissé, le bâtonnier de [Localité 7] a retenu qu'en l'espèce, le dossier RCI avait été confié personnellement par MM. [V] et [E] à maître [C] [O], quand bien même dans le cadre de la relation sui generis qui s'est instaurée entre les parties après le retrait de [C] [O] de la Selarl [K] les honoraires de diligences de ce dossier ainsi que les charges étaient facturés et pris en charge par la Selarl [K] et que le protocole d'accord intervenu entre eux sur la
répartition des honoraires excluait le dossier RCI.
M. [C] [O] demande la confirmation de cette décision.
La selarl [K] la conteste comme se heurtant notamment au constat que les honoraires afférents à ce dossier ont tous été facturés par elle sur son papier à entête, qu'elle les a encaissés et a assumé les charges y afférentes mais également au regard du principe de l'indépendance de l'avocat, contestant l'affirmation du bâtonnier selon laquelle le fait d'avoir abandonné à son ancienne structure les honoraires de diligence du dossier et de lui en avoir laissé payer les frais n'emportait pas qu'il ne tenait pas ce dossier pour un dossier personnel.
Cependant, lorsque maître [C] [O] s'est retiré en 2013 de la selarl [K], il a continué à travailler au sein de la structure dont il n'était plus associé, comme il le faisait antérieurement. Il a alors perçu une rétrocession d'honoraires fixe de 1 500 euros euros HT par mois, mais sans être pour autant collaborateur, ni sous-traitant.
En effet, aucun contrat n'a jamais été signé en ce sens entre les parties qui, s'agissant de la collaboration, aurait nécessairement dû être soumis à l'approbation du conseil de l'ordre ainsi qu'exigé par les articles 133 du décret du 27 novembre 1991 et 14-2 du RIN.
En sa qualité d'avocat, rien ne s'opposait à ce que M. [O] ait une clientèle personnelle et puisse être désigné, postérieurement à son retrait de la société, l'avocat de MM. [V] et [E] dans le cadre du dossier RCI, conformément au principe du libre choix de son conseil par le client, les conventions ou usages entre avocats quant à la répartition des honoraires entre eux n'étant pas opposables au client s'agissant de déterminer à qui il confie la défense de ses intérêts.
Or, c'est par une juste analyse que le bâtonnier délégué de [Localité 7] a retenu qu'il résultait de courriers explicites émanant de MM. [V] et [E], que ceux-ci avaient confié à M. [C] [O], personnellement, la défense de leurs intérêts dans le dossier RCI.
En effet, si la société [K] déplore que le tribunal ne se soit appuyé que sur des attestations produites pour les besoins de la cause, intervenues en cours de procédure, pour trancher la question de la propriété du dossier RCI, force est d'observer qu'une convention d'honoraire de résultat concernant ce dossier a été signée par [C] [O] avec ses clients, à titre personnel, dès le 4 mai 2015, avant le présent litige, sans que la Selarl [K] n'y apparaisse d'ailleurs partie en aucune façon.
La selarl [K] convoque dans le débat, s'agissant de la répartition des honoraires entre avocats, une jurisprudence contraire à la décision du bâtonnier prise en application des dispositions de l'article 129 du décret du 27 novembre 1991 et de l'article 3 du RIBP mais elle concerne l'hypothèse de la collaboration entre avocats, précisément écartée en l'espèce.
Enfin, au regard des circonstances particulières de la cause tenant à la présence de sa fille comme associée majoritaire de la structure et aux relations fortes nouées avec ses anciens collaborateurs, c'est à bon droit que le bâtonnier de [Localité 7] a retenu que c'est à titre purement libéral que M. [O] a décidé de continuer à faire bénéficier la structure, dans son intérêt premier, de son industrie et réseau en contre partie d'une modeste retrocession d'honoraires, continuant à user de la logistique de la société mais sans pour autant abandonner tous ses droits dans la clientèle acquise à titre personnel postérieurement à la cession.
En effet, si le dossier permet d'évincer un accord entre les parties quant aux honoraires de diligences, il ne résulte d'aucun élément que les parties aient expressément convenu d'une répartition particulière de cet honoraire de résultat.
Par ailleurs, le bâtonnier a fait une juste analyse des pièces qui lui étaient soumises en retenant qu'il en ressortait que l'important travail effectué sur ce dossier l'avait été intégralement par M. [C] [O] et que si les associés ou collaborateurs de la selarl [K] avaient pu intervenir sur un précédent dossier [V], antérieurement à la cession, ou Mme [M] [O], postérieurement et en collaboration avec [C] [O] sur un dossier afférent à l'établissement d'un testament par M. [V], ou que maître [R] avait pu plaider un dossier [V], il ne s'agissait pas du dossier RCI qui n'a jamais été suivi et traité que par M. [C] [O], aucun nouvel élément versé devant la cour ne permettant une autre appréciation de la situation.
Dès lors, le fait que la communication entre maître [O] et ses clients ait eu lieu au moyen de la logistique de la société [K] auprès de laquelle il continuait à travailler, ou que, selon leur accord, la facturation des honoraires de diligences ait été effectuée sur papier à entête de la selarl [K] qui encaissait ces honoraires tandis qu'en contrepartie elle en assumait les charges, est sans incidence sur le fait que [C] [O] était le conseil de MM. [V] et [E], qu'il était personnellement lié avec ses clients par une convention d'honoraire de résultat, qu'il a seul travaillé sur le dossier RCI.
Dès lors, en l'absence de toute convention en ce sens, cet honoraire de résultat ne saurait revenir en tout ou partie à la Selarl [K].
Le décision du bâtonnier qui a débouté la Selarl [K] de toute ses demandes est en conséquence confirmée.
Succombant en son recours, la Selarl [K] en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à Maître [C] [O] et à la Selarl [O], ensemble, une somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rectifie l'omission de statuer affectant la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020 en ce sens :
Dit qu'il convient d'ajouter au dispositif de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020, en haut de dispositif :
'Rejette la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision du bâtonner de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020.'
Dit qu'il sera fait mention de cette rectification par le bâtonnier sur la minute et les expéditions de la décision.
Statuant après rectification d'omission de statuer :
Confirme la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 15 septembre 2023 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la selarl [R] [G] ([K]) à payer à Maître [C] [O] et à la selarl [O], ensemble, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la selarl [R] [G] ([K]) aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par BONNET Séléna, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
1ère CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 15 OCTOBRE 2024
N° RG 23/05678 - N° Portalis DBVJ-V-B7H-NRUT
S.E.L.A.R.L. [K]
c/
[C] [O]
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 7]
Nature de la décision : AU FOND
Copie exécutoire délivrée le :
aux avocats
Décision déférée à la cour : décision rendu le 15 septembre 2023 par le Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] suivant déclaration d'appel du 02 octobre 2023
APPELANTE :
S.E.L.A.R.L. [K], immatriculée au RCS de [Localité 7] sous le numéro [Numéro identifiant 4], agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège, sis [Adresse 5]
Représentée par Me Claire LE BARAZER de la SELARL AUSONE AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX, substituée par Maître BELLOCQ Grégory, avocat au barreau de Bordeaux
INTIMÉS :
[C] [O], membre de la SELARL [O]
né le [Date naissance 1] 1946 à [Localité 8]
de nationalité Française
Profession : Avocat, demeurant [Adresse 3]
Représenté par Me François DELMOULY de la SELARL AD-LEX, avocat au barreau D'AGEN
CONSEIL DE L'ORDRE DES AVOCATS DE [Localité 7], demeurant [Adresse 2]
Non représenté, régulièrement convoqué par lettre recommandée avec accusé de réception à la première audience du 02 avril 2024
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été examinée le 03 septembre 2024 en audience publique, devant la cour composée de :
Madame Paule POIREL, Présidente
Madame Bérengère VALLEE, Conseiller
Madame Bénédicte LAMARQUE, Conseiller
Greffier lors des débats : POUESSEL Mélina, greffier placé
Greffier lors du prononcé : BONNET Séléna
Le rapport oral de l'affaire a été fait à l'audience avant les plaidoiries.
ARRÊT :
- réputé contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
M. [C] [O], Mme [M] [O], M. [Y] [G] et M. [T] [R], ont exercé depuis 2011 une activité d'avocats en qualité d'associés au sein de la selarl [O] - [G] - [R] ([K]) après que la Selarl [C] [O] et [M] [O] a intégré M.M. [G] et [R].
M. [C] [O] s'est retiré de cette société aux termes d'une assemblée générale extraordinaire du 8 avril 2013 et a cédé à cette occasion sa clientèle à la société [K]. Il a cependant continué à exercer au sein de la structure.
MM. [G] et [R] ainsi que Mme [M] [O] sont ainsi restés associés de la nouvelle société [K] détenant chacun 14 parts.
Mme [M] [O] a également souhaité se retirer de la structure pour raisons personnelles.
La séparation étant devenue conflictuelle, le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7], par décision du 14 octobre 2019 a autorisé Mme [M] [O] et MM. [G] et [R] à exercer séparément leur activité professionnelle.
Un protocole a été conclu entre Mme [M] [O], M. [Y] [G], M. [T] [R], la Selarl [K] et la Selarl [O], le 21 janvier 2020 actant un apport des 14 parts de Mme [M] [O] à la Selarl [O] et le retrait de la Selarl [O] de la société [K]. Il prévoyait également le sort des honoraires de certains dossiers du fait du retrait de l'associée.
Dans le cadre de l'instance initiale devant le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] opposant Mme [O] à la société [K] et à M.M. [G] et [R], la société [K] a formulé des demandes reconventionnelles.
Par décision en date du 9 octobre 2020, le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] a rejeté l'ensemble des demandes des parties.
Par courrier électronique en date du 1er octobre 2021, la selarl [K] a saisi le Bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7], d'une demande tendant à voir:
- décider que dans le cadre du dossier RCI, M.M. [V] et [E] étaient assistés et accompagnés par la selarl [K],
- enjoindre Me [C] [O] de communiquer l'ensemble des sommes obtenues au titre de l'honoraire de résultat,
- décider que l'ensemble des honoraires de résultat revient à la selarl [K], à tout le moins 75%.
Par décision en date du 15 septembre 2023, le bâtonnier délégué de l'ordre des avocats de [Localité 7], après avoir écarté dans les motifs l'autorité de chose jugée opposée en défense, a :
- dit que la selarl [K] n'est pas fondée à prétendre obtenir reversement de tout ou partie de l'honoraire de résultat perçu par M. [O] et la Selarl [O] à la suite des décisions rendues par le Centre International pour le Règlement des Différends Relatifs aux Investissements (CIRDI) dans le contentieux opposant MM. [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire, les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
- débouté la Selarl [K] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Le 2 octobre 2023, la selarl [K] a saisi la cour d'appel de Bordeaux d'un recours contre cette décision.
La selarl [K], lors de l'audience des plaidoiries, poursuit les demandes contenues dans ses dernières conclusions récapitulatives et responsives du 28 juin 2024, demandant à la cour de :
À titre principal :
Confirmer l'ordonnance de Monsieur le Bâtonnier délégué de l'Ordre des avocats de [Localité 7] en date du 15 septembre 2023 en ce qu'elle a écarté l'exception de chose jugée soulevée par Me [C] [O] et la Selarl [O] ;
Infirmer l'ordonnance de Monsieur le Bâtonnier délégué de l'Ordre des avocats de [Localité 7] en date du 15 septembre 2023 en ce qu'elle a écarté le reversement au profit de la selarl [K] de tout ou partie de l'honoraire de résultat perçu par M. [O] et la
selarl [O] à la suite des décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux opposant Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
Statuant de nouveau,
- constater que dans le cadre du dossier RCI [Localité 6] contre la République de Côte d'Ivoire, Messieurs [V] et [E] et ladite société étaient assistés et accompagnés par la selarl [G] [R] ;
- constater que la société RCI [Localité 6] et Messieurs [V] et [E] n'étaient pas les clients personnels de Me [C] [O] ;
En conséquence :
- déclarer recevable la selarl [G] [R] en sa demande de paiement d'honoraire de résultat perçu par M. [O] et la selarl [O] à la suite des décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux opposant Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
En conséquence,
A titre principal :
- condamner M. [C] [O] et la selarl [O] à reverser au profit de la selarl [G] [R], sur le fondement de l'article 1303 du Code civil, l'intégralité de l'honoraire de résultat perçu par M. [O] et/ou la selarl [O] à la suite des décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux ayant opposé Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
À titre subsidiaire :
- condamner M. [C] [O] et la selarl [O] à reverser au profit de la selarl [G] [R], sur le fondement de l'article 1303 du Code civil, la somme correspondant à 75% des sommes encaissés par les intimés au titre de l'honoraire de résultat perçu suite aux décisions rendues par le CIRDI dans le contentieux ayant opposé Messieurs [V] et [E] et la société Resort Company Invest [Localité 6] à la République de Côte d'Ivoire les 25 et 26 septembre 2019 et 16 septembre 2020.
En tout état de cause, avant-dire droit, en tant que de besoin sur le quantum,
- enjoindre et condamner la selarl [O] et Me [C] [O], de communiquer aux appelants la copie de la sentence arbitrale finale ainsi que la facture et le reçu CARPA des sommes versées au profit de Me [O] et de la selarl [O] au titre de l'honoraire de résultat dans le dossier RCI-A/République de Côte d'Ivoire, sous astreinte de 300 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir.
Maître [C] [O] et la selarl [O] ont poursuivi oralement le bénéfice de leurs dernières conclusions du 29 mars 2024, demandant à la cour de :
- rejeter les demandes de la société [K] en ce qu'elles se heurtent à l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du Bâtonnier du 9 octobre 2020,
- subsidiairement les rejeter au fond et juger au contraire que l'honoraire de résultat du dossier RCI doit revenir en totalité à [C] [O], et désormais à la Selarl [O],
- condamner l'appelante à verser aux concluants une somme de 3500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 3 septembre 2024.
L'instruction a été clôturée par ordonnance du 20 août 2024.
Lors de l'audience des plaidoiries, Maître [C] [O] a déclaré solliciter l'infirmation de la décision du bâtonnier en ce qu'elle a écarté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision du 9 octobre 2020.
Par ailleurs, la cour a entendu les parties sur la rectification d'office préalable par la cour de l'omission purement matérielle de statuer affectant le dispositif de la décision du bâtonnier dont appel quant à la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du 9 octobre 2020 qu'il avait écartée dans ses motifs sans statuer au dispositif.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Nul ne conteste que le bâtonnier de l'ordre des avocats qui avait été saisi en défense par M. [C] [O] d'une fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée attachée à la décision du même bâtonnier du 9 octobre 2020 qu'il avait écartée
dans ses motifs, a omis de statuer sur ce point au dispositif de sa décision, omission purement matérielle que la cour rectifie d'office, après avoir entendu les parties sur ce point, en application de l'article 462 du code de procédure civile.
Il est en conséquence ajouté au dispositif de la décision déférée la mention, en haut de dispositif :
'Rejette la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision du bâtonner de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020.'
Sur la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée :
Le bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] a rejeté cette fin de non recevoir au motif que ni le litige, ni les parties n'étaient les mêmes que dans l'instance dont avait été initialement saisi le bâtonnier de [Localité 7] à la requête de Mme [M] [O] qui a donné lieu à la décision du 9 octobre 2020 ayant rejeté les demandes respectives des parties.
Maître [C] [O], intimé, sollicite incidemment la réformation de la décision du bâtonnier en ce qu'elle a rejeté sa demande de déclarer irrecevables les demandes de la selarl [K] dirigées à son encontre arguant d'une identité de cause et de parties entre les demandes qui étaient formulées devant le bâtonnier de [Localité 7] initialement saisi et celles soumises au même bâtonnier dont la décision est déférée à la cour.
Il fait ainsi valoir que le bâtonnier initialement saisi qui avait rejeté les demandes de voir 'dire et juger qu'[M] [O] et [C] [O], en leur qualité de gérants et associés de la Selarl [O] et cette dernière ont délibérément violé les dispositions du protocole d'accord en mettant en place un mécanisme de détournement du d'honoraires de résultats du dossier RCI [...]' a nécessairement jugé que le dossier RCI n'était pas la propriété de la société [K], ce qui ressort d'ailleurs incontestablement des motifs parfaitement clairs de sa décision sur ce point, en sorte qu'il ne pourrait plus juger le contraire ce jour, sans heurter l'autorité de chose jugée attachée à sa première décision.
Enfin, il fait valoir qu'il ne fait aucun doute qu'au travers de la demande qui est formulée devant le bâtonnier de [Localité 7] dans le cadre du présent litige et qui est dirigée contre [C] [O] et la Selarl [O], vise à atteindre sa société qui seule a perçu l'honoraire de résultat et contre laquelle la précédente décision du bâtonnier a été rendue.
La Selarl [K] conclut à la confirmation de la décision du bâtonnier de [Localité 7] qui a rejeté toute autorité de chose jugée pour le motif d'une absence d'identité d'objet et de parties, y ajoutant que l'autorité de chose jugée ne vise que ce qui est contenu au dispositif à l'exclusion des motifs décisoires.
Selon l'article 1355 du code civil, l'autorité de chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet d'un jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, c'est à dire qu'elle soit formée par elles ou contre elles en la même qualité.
La question centrale posée au bâtonnier de [Localité 7] dans le cadre du présent litige est celle de la propriété du dossier RCI et plus précisément de dire qui de la selarl [K] ou de maître [C] [O] était l'avocat de M.M. [V] et [E] dans le cadre du de ce dossier.
La Selarl [K] demandait en effet notamment au bâtonnier de dire que ces derniers n'étaient pas les clients personnels de maître [C] [O], alors qu'aucune demande n'était dirigée contre maître [C] [O] à titre personnel par la selarl [K] dans le cadre des précédents débats ayant donné lieu à la décision du 9 octobre 2020 mais en sa qualité de gérant et associé de la Selarl [K], de sorte que, quand bien même il s'ensuivait une demande de restitution de l'honoraire de résultat par la selarl [O], maître [C] [O] se trouve convoqué à titre personnel dans le présent débat alors qu'il ne l'était pas en cette qualité dans le précédent litige.
C'est en conséquence à raison que le bâtonnier a jugé qu'il n'y avait pas identité de parties entre les deux litiges.
Et même à retenir le contraire, il est constant que l'autorité de chose jugée n'a lieu que pour ce qui est jugé au dispositif et que sont exclus de l'autorité de chose jugée les motifs 'implicites' ou 'décisoires', c'est à dire ceux nécessaires au raisonnement du juge et qui n'ont pas à figurer au dispositif, au contraire des motifs 'décisifs'.
Or, si le bâtonnier de [Localité 7], dans sa décision du 9 octobre 2020, a été amené à se prononcer sur la propriété de l'honoraire de résultat afférent au dossier RCI, ce n'est qu'aux termes de motifs décisoires, alors qu'au demeurant ne lui était pas posée expressément la question de la propriété du dossier RCI, mais celle de la répartition de l'honoraire de résultat y afférent et, plus précisément, d'une 'violation des dispositions du protocole d'accord par la mise en place d'un mécanisme de détournement d'honoraires de résultats du dossier RCI [....]', de sorte que la seule éventuelle question implicitement posée au bâtonnier n'était pas celle de la propriété du dossier RCI mais celle du contenu du protocole d'accord, dont il avait d'ailleurs dit, par des motifs simplement décisoires mais suffisants, qu'il excluait le sort de l'honoraire de résultat du dossier RCI.
Dès lors, la demande aujourd'hui en litige de 'décider que dans le cadre du dossier RCI, Messieurs [V] et [E] étaient assistés et accompagnés par la Selarl [K]' ne se heurte aucunement à l'autorité de chose jugée attachée à la décision du 9 octobre 2020, qui a tranché la question d'un détournement du protocole, les deux questions étant parfaitement distinctes en ce sens qu'une réponse négative apportée à la première question, sur la qualité de conseil de la selarl [K] dans le dossier RCI, ne serait pas exclusive d'un éventuel détournement de protocole par maître [C] [O] ou la selarl, et qu'inversement, une réponse positive à la question d'un éventel détournement du protocole par maître [O] et /ou la selarl éponyme ne serait pas de nature a exclure ipso facto que MM. [V] et [E] aient pu confier la défense de leurs intérêts à maître [C] [O], personnellement, sans égard pour la structure [K].
Il en va nécessairement de même des demandes qui ne sont présentées que comme la conséquence de la décision sur la propriété du dossier RCI, d'enjoindre à la Selarl [O] et à maître [C] [O] de communiquer l'ensemble des sommes obtenues au titre de l'honoraire de résultat.
La décision rectifiée du bâtonnier de [Localité 7] qui a rejeté la fin de non recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la décision du même bâtonnier du 9 octobre 2020 est en conséquence confirmée.
Sur le fond :
Pour rejeter au fond les demandes de la selarl [K] visant à la restitution par [C] [O] de l'honoraire de résultat encaissé, le bâtonnier de [Localité 7] a retenu qu'en l'espèce, le dossier RCI avait été confié personnellement par MM. [V] et [E] à maître [C] [O], quand bien même dans le cadre de la relation sui generis qui s'est instaurée entre les parties après le retrait de [C] [O] de la Selarl [K] les honoraires de diligences de ce dossier ainsi que les charges étaient facturés et pris en charge par la Selarl [K] et que le protocole d'accord intervenu entre eux sur la
répartition des honoraires excluait le dossier RCI.
M. [C] [O] demande la confirmation de cette décision.
La selarl [K] la conteste comme se heurtant notamment au constat que les honoraires afférents à ce dossier ont tous été facturés par elle sur son papier à entête, qu'elle les a encaissés et a assumé les charges y afférentes mais également au regard du principe de l'indépendance de l'avocat, contestant l'affirmation du bâtonnier selon laquelle le fait d'avoir abandonné à son ancienne structure les honoraires de diligence du dossier et de lui en avoir laissé payer les frais n'emportait pas qu'il ne tenait pas ce dossier pour un dossier personnel.
Cependant, lorsque maître [C] [O] s'est retiré en 2013 de la selarl [K], il a continué à travailler au sein de la structure dont il n'était plus associé, comme il le faisait antérieurement. Il a alors perçu une rétrocession d'honoraires fixe de 1 500 euros euros HT par mois, mais sans être pour autant collaborateur, ni sous-traitant.
En effet, aucun contrat n'a jamais été signé en ce sens entre les parties qui, s'agissant de la collaboration, aurait nécessairement dû être soumis à l'approbation du conseil de l'ordre ainsi qu'exigé par les articles 133 du décret du 27 novembre 1991 et 14-2 du RIN.
En sa qualité d'avocat, rien ne s'opposait à ce que M. [O] ait une clientèle personnelle et puisse être désigné, postérieurement à son retrait de la société, l'avocat de MM. [V] et [E] dans le cadre du dossier RCI, conformément au principe du libre choix de son conseil par le client, les conventions ou usages entre avocats quant à la répartition des honoraires entre eux n'étant pas opposables au client s'agissant de déterminer à qui il confie la défense de ses intérêts.
Or, c'est par une juste analyse que le bâtonnier délégué de [Localité 7] a retenu qu'il résultait de courriers explicites émanant de MM. [V] et [E], que ceux-ci avaient confié à M. [C] [O], personnellement, la défense de leurs intérêts dans le dossier RCI.
En effet, si la société [K] déplore que le tribunal ne se soit appuyé que sur des attestations produites pour les besoins de la cause, intervenues en cours de procédure, pour trancher la question de la propriété du dossier RCI, force est d'observer qu'une convention d'honoraire de résultat concernant ce dossier a été signée par [C] [O] avec ses clients, à titre personnel, dès le 4 mai 2015, avant le présent litige, sans que la Selarl [K] n'y apparaisse d'ailleurs partie en aucune façon.
La selarl [K] convoque dans le débat, s'agissant de la répartition des honoraires entre avocats, une jurisprudence contraire à la décision du bâtonnier prise en application des dispositions de l'article 129 du décret du 27 novembre 1991 et de l'article 3 du RIBP mais elle concerne l'hypothèse de la collaboration entre avocats, précisément écartée en l'espèce.
Enfin, au regard des circonstances particulières de la cause tenant à la présence de sa fille comme associée majoritaire de la structure et aux relations fortes nouées avec ses anciens collaborateurs, c'est à bon droit que le bâtonnier de [Localité 7] a retenu que c'est à titre purement libéral que M. [O] a décidé de continuer à faire bénéficier la structure, dans son intérêt premier, de son industrie et réseau en contre partie d'une modeste retrocession d'honoraires, continuant à user de la logistique de la société mais sans pour autant abandonner tous ses droits dans la clientèle acquise à titre personnel postérieurement à la cession.
En effet, si le dossier permet d'évincer un accord entre les parties quant aux honoraires de diligences, il ne résulte d'aucun élément que les parties aient expressément convenu d'une répartition particulière de cet honoraire de résultat.
Par ailleurs, le bâtonnier a fait une juste analyse des pièces qui lui étaient soumises en retenant qu'il en ressortait que l'important travail effectué sur ce dossier l'avait été intégralement par M. [C] [O] et que si les associés ou collaborateurs de la selarl [K] avaient pu intervenir sur un précédent dossier [V], antérieurement à la cession, ou Mme [M] [O], postérieurement et en collaboration avec [C] [O] sur un dossier afférent à l'établissement d'un testament par M. [V], ou que maître [R] avait pu plaider un dossier [V], il ne s'agissait pas du dossier RCI qui n'a jamais été suivi et traité que par M. [C] [O], aucun nouvel élément versé devant la cour ne permettant une autre appréciation de la situation.
Dès lors, le fait que la communication entre maître [O] et ses clients ait eu lieu au moyen de la logistique de la société [K] auprès de laquelle il continuait à travailler, ou que, selon leur accord, la facturation des honoraires de diligences ait été effectuée sur papier à entête de la selarl [K] qui encaissait ces honoraires tandis qu'en contrepartie elle en assumait les charges, est sans incidence sur le fait que [C] [O] était le conseil de MM. [V] et [E], qu'il était personnellement lié avec ses clients par une convention d'honoraire de résultat, qu'il a seul travaillé sur le dossier RCI.
Dès lors, en l'absence de toute convention en ce sens, cet honoraire de résultat ne saurait revenir en tout ou partie à la Selarl [K].
Le décision du bâtonnier qui a débouté la Selarl [K] de toute ses demandes est en conséquence confirmée.
Succombant en son recours, la Selarl [K] en supportera les dépens et sera équitablement condamnée à payer à Maître [C] [O] et à la Selarl [O], ensemble, une somme de 3 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Rectifie l'omission de statuer affectant la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020 en ce sens :
Dit qu'il convient d'ajouter au dispositif de la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020, en haut de dispositif :
'Rejette la fin de non recevoir tirée de l'autorité de chose jugée de la décision du bâtonner de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 9 octobre 2020.'
Dit qu'il sera fait mention de cette rectification par le bâtonnier sur la minute et les expéditions de la décision.
Statuant après rectification d'omission de statuer :
Confirme la décision du bâtonnier de l'ordre des avocats de [Localité 7] du 15 septembre 2023 en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la selarl [R] [G] ([K]) à payer à Maître [C] [O] et à la selarl [O], ensemble, la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Condamne la selarl [R] [G] ([K]) aux dépens du présent recours.
Le présent arrêt a été signé par Paule POIREL, présidente, et par BONNET Séléna, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,