Décisions
CA Lyon, ch. soc. a, 9 octobre 2024, n° 21/01788
LYON
Arrêt
Autre
AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLÉGIALE
N° RG 21/01788 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOPA
[E]
C/
S.A.S. DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 11 Février 2021
RG : F17/02223
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2024
APPELANT :
[K] [E]
né le 26 Décembre 1979 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Benjamin LOUZIER de la SELARL REDLINK, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Juin 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Catherine MAILHES,Présidente
Nathalie ROCCI, Conseillère
Anne BRUNNER, Conseillère
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES Présidente , et par Malika CHINOUNE, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [E] (le salarié) a été engagé à compter du 21 mai 2002 par la société Dalkia France, filiale d'EDF, par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent technique 3ème échelon, au statut technicien.
Le contrat de travail du salarié a été transféré le 1er juillet 2010 au sein de la société Dalkia infrastructures télécommunications (DIT - la société), filiale de la société Dalkia créée cette année-là pour assurer une activité de maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications.
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment de la rupture de la relation contractuelle.
Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait les fonctions de chargé d'affaires et la convention collective nationale des cadres, ingénieurs et assimilé des entreprises de gestion d'équipements thermiques et de climatisation était applicable à la relation contractuelle.
La société DIT a informé la DIRECCTE, par courrier du 3 décembre 2015, de la mise en place d'une procédure de PSE. La DIRECCTE a validé dans ce cadre l'accord majoritaire relatif au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi négocié avec ses partenaires sociaux par décision du 1er juillet 2016.
Par courrier du 16 septembre 2016, la société a notifié à M. [K] [E] son licenciement pour motif économique et par courrier du 24 septembre 2016, le salarié a fait connaître sa volonté d'adhérer au congé de reclassement.
Le 20 juillet 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir la société Dalkia infrastructures de télécommunications condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (68 040,90 euros) et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile (2 500 euros).
Le salarié a modifié ses demandes, demandant de faire injonction à la société de produire le registre des entrées et sorties de toutes les filiales du groupe EDF pour la période comprise entre janvier 2015 et décembre 2018, la convention la liant à la société CIRCET ainsi que les échanges de correspondance entre les deux sociétés concernant le transfert de salariés, et la note économique transmise au comité d'entreprise dans le cadre de la mise en 'uvre du plan de sauvegarde de l'emploi.
La société DIT a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 31 juillet 2017.
Par jugement du 11 février 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
' dit que les demandes de M. [K] [E] sont recevables et non prescrites ;
' constaté que la société Dalkia infrastructures et télécommunications n'a pas fait preuve de légèreté blâmable ;
' constaté que la société Dalkia infrastructures et télécommunications n'a pas manqué à son obligation de reclassement ;
' dit que le licenciement de M. [K] [E] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
' débouté M. [K] [E] de l'ensemble de ses demandes ;
' débouté la société Dalkia infrastructures et télécommunications de ses demandes ;
' condamné M. [K] [E] aux entiers dépens.
****
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 11 mars 2021, M. [K] [E] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement, aux fins de réformation partielle en ce qu'il constate que la société DALKIA INFRASTRUCTUES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas fait preuve de légèreté blâmable, constate que la société DALKIA INFRASTRUCTUES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas manqué à son obligation de reclassement, dit et juge que le licenciement de Monsieur [K] [E] repose sur une cause réelle et sérieuse, En conséquence, déboute Monsieur [K] [E] de l'ensemble de ses demandes : « - JUGER recevable et bien fondée l'argumentation développée ; - FAIRE INJONCTION à la Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS de produire le registre des entrées et des sorties de toutes les filiales du groupe EDF pour la période comprise entre janvier 2015 en décembre 2018. - FAIRE INJONCTION à la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS de produire la convention la liant à la société CIRCET, ainsi que les échanges de correspondance entre ces deux sociétés concernant le transfert des salariés; - FAIRE INJONCTION à la Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS de produire la note économique transmise au Comité d'Entreprise dans le cade de la procédure de mise en 'uvre du Plan de Sauvegarde de l'Emploi ; - CONSTATER que la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS a manqué à son obligation de reclassement ; - CONSTATER la légèreté blâmable de la Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS ; - CONSTATER l'absence de motif économique du licenciement de Monsieur [K] [E] - JUGER le licenciement de Monsieur [K] [E] sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, - CONDAMNER la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS à verser à Monsieur [K] [E] la somme de 68040,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - CONDAMNER la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS à verser à Monsieur [K] [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - CONDAMNER la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS aux entiers dépens de l'instance ; - ORDONNER la capitalisation des intérêts » et CONDAMNE Monsieur [E] aux entiers dépens. »
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 7 décembre 2021, M. [K] [E] demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il DIT ET JUGE que ses demandes sont recevables et non prescrites et déboute la société DALKIA INFRASTRCTURES ET COMMUNICATION de ses demandes. »
infirmer en ce qu'il constate que la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas fait preuve de légèreté blâmable, constate que la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas manqué à son obligation de reclassement, dit et juge que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence, le déboute de l'ensemble de ses demandes, et le condamne aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
faire injonction à la Société DIT de produire le registre des entrées et des sorties de toutes les filiales du groupe EDF pour la période comprise entre janvier 2015 en décembre 2018.
faire injonction à la Société DIT de produire la convention la liant à la société CIRCET, ainsi que les échanges de correspondance entre ces deux sociétés concernant le transfert des salariés ;
faire injonction à la Société DIT de produire la note économique transmise au Comité d'Entreprise dans le cade de la procédure de mise en 'uvre du Plan de Sauvegarde de l'Emploi ;
constater que la société DIT a manqué à son obligation de reclassement ;
constater la légèreté blâmable de la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication ;
constater l'absence de motif économique du licenciement ;
débouter la société DIT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétention ;
En conséquence,
JUGER le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication à lui verser la somme de 68 040,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication à verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication aux entiers dépens de l'instance ;
ordonner la capitalisation des intérêts.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 16 mai 2024, ayant fait appel incident en ce que le jugement a dit que les demandes de M. [K] [E] étaient recevables et non prescrites, la société Dalkia infrastructures de télécommunications demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
' déclarer irrecevable l'intégralité des demandes de M. [K] [E] ;
à titre subsidiaire,
' confirmer le jugement rendu le 11 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions ;
en conséquence,
' débouter M. [K] [E] de l'intégralité de ses demandes ;
' condamner M. [K] [E] aux entiers dépens ;
' condamner M. [K] [E] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture des débats a été ordonnée le 30 mai 2024 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 4 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
A l'audience du 4 juin 2024, avant le déroulement des débats, avec l'accord des parties, l'ordonnance de clôture a été révoquée et la procédure a été de nouveau clôturée.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la demande
Le salarié expose que :
ses demandes portent sur la réalité et le sérieux du motif économique de son licenciement, ainsi que le respect par la société de son obligation de recherche individuelle de reclassement et non pas sur la validité du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, de sorte qu'elles ne relèvent pas des dispositions de l'article L.1235-7-1 du code du travail et de la compétence du tribunal administratif ;
ses demandes portant sur ses droits individuels, le délai de prescription était de 12 mois à compter de la première présentation de sa lettre de licenciement en vertu de l'article L. 1235-7 du code du travail, de sorte qu'elles ne sont pas prescrites et parfaitement recevables puisqu'il a été licencié le 16 septembre 2016 et a saisi le conseil de prud'hommes le 20 juillet 2017.
La société explique que :
en application de l'article L. 1235-7-1 du code du travail, les litiges portant sur le contenu du PSE ou la régularité de la procédure de licenciement collectif relèvent de la compétence de la juridiction administrative, qui doit être saisie dans les deux mois à compter de la date à laquelle le salarié a eu connaissance de la décision de validation du PSE ;
en l'espèce, M. [K] [E], qui se contente de contester les mesures de reclassement prévues par le PSE et la procédure de licenciement collectif alors qu'il a eu connaissance de la décision de validation le PSE, lors de la notification de son licenciement, soit le 16 septembre 2016, aurait dû agir devant le tribunal administratif avant le 16 novembre 2016, or, il a agi devant le conseil de prud'hommes le 20 juillet 2017 ;
ses demandes sont irrecevables ;
par ailleurs, les demandes sont prescrites en vertu de l'article L. 1237-1 du code du travail en ce que le délai de prescription de 12 mois pour saisir le conseil de prud'hommes courrait à compter de la date de la dernière réunion du comité d'entreprise, soit le 15 avril 2017 ;
les contestations avancées par le salarié ne portent que sur les mesures collectives et il s'agit bien d'un litige collectif dans la mesure où 14 salariés ont saisi le conseil de prud'hommes avec les mêmes arguments ;
le salarié avait donc jusqu'au 15 avril 2017 pour agir, or, il a agi le 20 juillet 2017.
***
Selon l'article L. 1235-7-1 du code du travail « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4.
Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. ['] ».
Le salarié licencié dans le cadre d'un PSE peut toutefois saisir la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de motif économique de licenciement ou en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation individuelle de reclassement.
En l'espèce, M. [K] [E] ne conteste pas le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ni sa validité mais le motif économique de son licenciement et la mise en 'uvre de l'obligation individuelle de reclassement. La juridiction prud'hommale est donc matériellement compétente.
Selon l'article L. 1235-7 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement.
M. [K] [E], licencié par courrier notifié le 16 septembre 2016, a engagé son action le 20 juillet 2017. Son action n'est donc pas prescrite. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
1- Sur le motif économique
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en faisant valoir que :
le motif économique invoqué par son employeur doit être analysé au regard du groupe EDF-Dalkia, segment 'autres activités' auquel est comptablement et financièrement rattaché le groupe Dalkia dans le compte de résultats du groupe EDF ;
la violation des contrats commerciaux liant la société à SFR, en raison de la concentration de son chiffre d'affaires avec ce client, caractérise une légèreté blâmable écartant tout motif économique du licenciement, notifié de surcroît avant même le terme des contrats litigieux assurant son activité et celle de ses salariés ;
caractérise également une légèreté blâmable le fait que Dalkia n'a émis aucune offre globale de reprise de la gestion de l'installation et de la maintenance des réseaux gérés par Numéricable à sa reprise de SFR fin 2014, ni entrepris aucune démarche en vue de la reprise des contrats de ses salariés par les repreneurs des marchés ;
contrairement aux affirmations de la société, les dommages et intérêts pour non-respect des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail auxquels a été condamnée la société SFR qui n'a pas permis la reprise directe ou indirecte des salariés concernés, n'ont pas été injecté dans le PSE pour favoriser leur reclassement comme le prétend la société DIT, mais ont servi à compenser les salaires versés aux 37 salariés, affectés au contrat litigieux, et non repris.
Au soutien de la confirmation de la décision, la société soutient que :
son activité a cessé de manière complète et définitive suite à la notification par SFR de la résiliation de trois contrats commerciaux qui la liait à Dalkia (dont sa filiale DIT)
elle n'a commis aucune faute ni légèreté blâmable puisqu'elle a immédiatement réagit à cette nouvelle en assignant la société SFR devant le tribunal de commerce à bref délai afin de la contraindre à reprendre les contrats de travail des salariés concernés;
le tribunal de commerce lui a dénié tout droit à agir sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail qui relève du droit d'action personnelle des salariés, et les dommages et intérêts auxquels a été condamnée la société SFR ont été injecté dans le PSE afin de favoriser les mesures de reclassement des salariés ;
dans le cadre de la demande d'autorisation de licencier des salariés protégés, l'inspection du travail a validé le motif économique des licenciements, considérant que la cessation d'activité constitue en soi une cause économique ;
les difficultés économiques auxquelles elle a dû faire face, caractérisées par la brutalité de la perte de chiffre d'affaires du fait de la résiliation des contrats SFR, les pertes financières d'exploitation et l'unicité du secteur d'activité de la maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications au sein du groupe EDF/Dalkia l'ont finalement contrainte à cesser totalement et définitivement son activité ;
le motif de licenciement étant la cessation de son activité, la réalité de celle-ci s'apprécie au niveau de l'entreprise et non du groupe, sans qu'il n'y ait lieu d'apprécier d'éventuelles difficultés économiques ; elle avait son propre secteur d'activité, la maintenance et l'exploitation des infrastructures de télécommunications, qui n'appartenait à aucun autre secteur d'activité présent au sein du groupe ;
contrairement à ce que fait valoir le salarié, il était de son devoir d'anticiper la cessation de son activité et de prévoir un PSE, sans qu'il ne puisse lui être reproché de l'avoir mis en place sans attendre que sa situation économique ne s'aggrave ;
les 4 contrats conclus avec SFR se sont arrêtés entre juin et juillet 2016 car SFR s'est prévalue des clauses de résiliation anticipée ;
le salarié ne démontre pas l'existence d'une légèreté blâmable, en ce que non seulement elle a tout fait pour préserver la continuation des contrats SFR et les contrats de travail, et en ce que l''omission d'adhérer' à l'accord 'responsabilité sociale et environnementale' [RSE] applicable au sein de la société EDF soulevée par le salarié doit être écartée, n'étant pas signataire dudit accord.
***
Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, qui repose sur une cause économique (notamment, des difficultés économiques ou des mutations technologiques, mais aussi, la réorganisation de l'entreprise, la cessation non fautive d'activité de l'entreprise), laquelle cause économique doit avoir une incidence sur l'emploi du salarié concerné (suppression ou transformation) ou sur son contrat de travail (emporter une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail).
La cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur.
La lettre de licenciement est ainsi motivée :
« Nous avons exposé à nos instances représentatives du personnel les raisons économiques nous conduisant à réorganiser notre société et nous avons négocié avec les syndicats représentatifs des mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ("PSE") conduisant à la signature d'un accord majoritaire portant sur le PSE en date du 24 mai 2016.
Postérieurement à l'information et la consultation dont il a fait l'objet auprès de nos instances représentatives du personnel, le projet de licenciement économique collectif a reçu la validation de la DIRECCTE le 1er juillet 2016.
Dans le cadre de cette réorganisation conduisant à la cessation des activités de Dalkia Infrastructures de Télécommunications (ci-après «DIT »), nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique. La présente lettre vise à vous notifier le motif de ce licenciement (I) et à vous informer des conséquences qui en découlent pour vous notamment en termes d'accompagnement (ll).
Motif économique de licenciement : la cessation d'activité de la société DIT
Depuis la fin des années 1990, Dalkia est un acteur reconnu de la gestion de l'énergie pour les collectivités, les entreprises et les établissements de soin. Ses principales activités reposent sur l'optimisation des performances techniques, économiques et environnementales des équipements qui lui sont confiés : réseau de chaleur, centrales de production d'énergie, utilités industrielles et bâtiments de toute nature.
Fort de son expertise dans les secteurs du multitechnique et du multiservice pour l'entretien des bâtiments et le fonctionnement des installations, Dalkia se positionne dès cette période sur un marché de niche auprès des opérateurs de téléphonie en fournissant des services de maintenance de leurs infrastructures et équipements de télécommunication.
En réponse à un secteur des Télécommunications très porteur dans les années 2000, Dalkia crée en 2010 une filiale 100 % dédiée à un nouveau secteur d'activité autonome par rapport aux autres secteurs d'activité du groupe : l'activité de la maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications : DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS (DIT).
Véritable centre d'expérimentation et de pilotage, la création de DIT permettra ainsi d'intensifier l'intégration et la structuration de savoir-faire dédiés au sein d'une entité indépendante et réactive pour :
- assurer une meilleure visibilité de cette activité tant en interne qu'auprès des clients,
- être en mesure d'accompagner les clients dans un contexte de plus en plus concurrentiel,
- conquérir de nouveaux marchés forts de nouveaux contrats gagnés auprès de SFR.
Mais à partir des années 2012, la conjoncture du marché se retourne :
- le chiffre d'affaires des opérateurs baisse globalement de 17%,
- la captation de chiffre d'affaires se faisant des lors et seulement sur les services de haut et très haut débit,
- le nombre d'abonnements mobiles augmente engendrant une consommation de données multipliée par 4,
- les investissements deviennent de plus en plus importants pour répondre au besoin d'équipement des foyers français.
L'arrivée d'un opérateur « low cost » du nom de Free Mobile sur le marché début 2012 accélère la donne. Sa pénétration sur le marché est rapide puisqu'en 2015, ce nouvel opérateur représente déjà 13,25% du marché mobile, avec plus de 10,5 millions de clients mobiles (exclusivement des abonnés).
Un autre événement majeur survient en 2014 : le rachat de SFR par Numéricable. La notoriété du groupe SFR, en tant que fournisseur d'accès internet et mobile, et la technologie fibre utilisée par Numéricable vise à accélérer de ce fait le passage des abonnés SFR a la fibre.
Dans un tel contexte économique, les opérateurs SFR et Orange, représentant ensemble près de 92%(91% pour SFR] du chiffre d'affaires de DIT, adoptent des stratégies organisationnelles et financières à l'inverse de celles opérées jusqu'à présent, et nettement défavorables aux activités de DIT, afin de répondre à une compétitivité de plus en plus forte.
L'activité de gestion et de maintenance des infrastructures Télécoms devient de plus en plus réduite et suit une tendance à la ré-internalisation (ou une non-externalisation chez ces mêmes opérateurs dans un objectif stratégique de maitrise des coûts.
Sur ce marché en très fortes mutations, DIT fait face à des contraintes difficiles voire impossibles à surmonter qui se caractérisent par de graves difficultés économiques :
- un marché de la maintenance Télécoms devenu fortement concurrentiel et réorganisé ayant muté vers une culture - low-cost ». L'environnement conduit à une forte pression sur les prix et les marges des fournisseurs ;
- une intensification de la concurrence qui remet en cause le modèle économique de DIT.
- une pratique de remplacement fréquente de prestataires lors du renouvellement du contrat, avec une tendance à l'internalisation de la prestation chez le client ;
- la perte de contrats très importante auprès de son principal client SFR (plus de 90 % du chiffre d'affaires par rapport à l'activité de DIT) ne laissant pas le temps de se développer sur de nouveaux marchés ;
- une organisation multirégionale qui n'est plus adaptée au portefeuille d'activité ;
- un portefeuille de contrats très réduit pour garantir la qualité de service contractuelle, en particulier pour assurer la continuité de service ;
- une activité économiquement non pérenne sur la durée.
Les indicateurs économiques et financiers de DIT sont en baisse depuis fin 2014-2015 et les difficultés économiques sont très importantes.
Ainsi, le chiffre d'affaires enregistre un recul de 8,296, passant de 55,5 millions d'euros en 2011 à 50,9 millions d'euros en 2014, et un recul de 56% entre 2014 et 2015 avec le retrait de SFR (prévision de clôture 2015).
Les prévisions de résultat d'exploitation de - 4,7 millions d'euros sur l'exercice 2015 démontrent une situation très gravement déficitaire (prévision de clôture 2015).
Le résultat net chute quant à lui de 88,4%, passant de 822 K€ à 95 K€, débouchant sur une situation fortement dégradée et négative entre 2014 et 2015 : - 4,9 millions d'euros (prévision de clôture 2015).
Cette tendance à la baisse des indicateurs économiques de DIT a conduit à entreprendre des 2013, des actions en matière de diversification des métiers au sein de DIT associée à une politique de reconquête de nouveaux clients. Cependant, celles-ci n'ont pas abouti.
La transformation progressive du marché devenu de plus en plus à faible valeur ajoutée a mis en exergue l'inadéquation de l'offre DIT au besoin du marché.
Par ailleurs, les difficultés économiques caractérisées par la brutalité de la perte de chiffre d'affaires du fait de la résiliation des contrats SFR, les pertes financières d'exploitation et l'unicité du secteur d'activité de la maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications au sein du Groupe EDF/Dalkia ont contraint DIT à envisager l'arrêt de ses activités en 2016.
Les effectifs de DIT sont passés de 392 (01-01-2015) à 174 employés (01-04-2016).
Néanmoins, faute de contrats et de perspectives sur le marché, DIT n'est plus en mesure de maintenir l'emploi de l'ensemble des collaborateurs.
C'est la raison pour laquelle il est décidé une cessation totale et définitive de l'activité de DIT.
Cette cessation d'activité emporte la suppression de l'ensemble des postes de Dalkia Infrastructures de Télécommunications (D.l.T).['] »
En l'espèce, la société établit que les relations commerciales avec la société SFR se sont dégradées à la fin de l'année 2014, lorsque cette dernière a sollicité, par mail du 28 novembre 2014, une remise de 30%, à mettre en 'uvre dès le 1er décembre 2014, demande à laquelle elle s'est opposée dès le 3 décembre 2024, la société SFR maintenant sa position et, par courriers du 16 décembre 2014, notifiant la résiliation de trois contrats.
Ce litige a donné lieu, d'abord à une assignation en vue de l'exécution forcée des contrats, délivrée le 19 janvier 2015, à bref délai, devant le tribunal de commerce de Paris par la société Dalkia et la société Dalkia Infrastructure de Télécommunications, à la société SFR, ayant abouti à un jugement du 26 mai 2015, de débouté au motif que les contrats étaient exécutés, la société SFR ayant renoncé à mettre fin aux contrats avant leur terme.
Ensuite, la société DIT a assigné la société SFR devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir de cette dernière la reprise de 35 contrats de travail et des dommages-intérêts. Par jugement du 13 octobre 2015, il a été fait droit à la demande de dommages-intérêts.
La société DIT a ainsi immédiatement réagi et pris les dispositions nécessaires à l'annonce de la perte d'un client.
La perte de ce client est l'une des causes de la mise en 'uvre du plan de sauvegarde de l'emploi et de la décision de cessation d'activité, ainsi que cela ressort du compte rendu de la réunion de la commission paritaire nationale de l'emploi du 20 avril 2016.
La cessation d'activité est objectivée par les résiliations des baux commerciaux, pour divers locaux, à échéance entre le 31 août 2016 et 30 juin 2017 et des contrats de prestations de services (électricité, location de copieurs, télésurveillance, services de santé au travail').
La mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi avant la cessation effective de l'activité ne caractérise pas une faute de la part de l'employeur mais au contraire une anticipation non fautive.
Ainsi, la cessation d'activité est établie et aucune faute de la part de la société DIT n'est démontrée par le salarié.
2- Sur l'obligation de reclassement
Le salarié soutient que :
sur l'obligation de reclassement interne, tant les liens capitalistiques entre les sociétés EDF, Dalkia et DIT, que la permutabilité des salariés au sein du groupe Dalkia et du groupe EDF et ses filiales sont établis, de sorte qu'un groupe de reclassement composé des groupes Dalkia et EDF est clairement identifié en application de la jurisprudence constante de la cour de cassation en la matière ;
en dépit de la validation par la DIRECCTE de l'accord collectif majoritaire relatif au contenu du PSE contenant un volet relatif au reclassement, la société n'a pas recherché tous les postes de reclassement disponibles et compatibles avec l'expérience et le métier de chacun des salariés concernés par un licenciement pour motif économique ; la société ne saurait soutenir qu'elle a mis en oeuvre son obligation de reclassement de manière sérieuse, le groupe EDF n'ayant à aucun moment envisagé le reclassement des salariés DIT en son sein, le service des ressources humaines n'ayant reçu aucun salarié de la société afin d'envisager son reclassement, et la société ne démontre aucune recherche de reclassement individualisée ;
la société ne lui a proposé qu'une seule offre de reclassement, ne correspondant pas à ses compétences, et le groupe EDF comme le groupe Dalkia n'ont pas gelé leurs embauches, au détriment des salariés de la société DIT dans le cadre de leur reclassement ;
l'omission volontaire de la société d'adhérer à l'accord RSE du groupe EDF est de nature à restreindre significativement le périmètre de reclassement des salariés de la société, lesquels n'ont pu bénéficier ni de formations ou mesures d'adaptation aux métiers spécifiques dudit groupe et ni d'un reclassement effectif en son sein ;
sur l'obligation conventionnelle de reclassement externe, la société n'a pas respecté l'article 18 de la convention collective nationale applicable, et la seule saisine de la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle du SNEC ne suffit pas à démontrer l'effectivité du dispositif de reclassement externe.
La société fait valoir que :
la procédure de reclassement de ses salariés protégés a été validée par six arrêts rendus par la cour administrative d'appel le 1er juillet 2021, confirmés par arrêt du Conseil d'Etat du 14 mars 2022 ;
sur les recherches de reclassement internes, son périmètre de recherche s'est étendu à l'ensemble des sociétés des groupes Dalkia et EDF ; elle a réalisé des recherches de reclassement avec un degré de précision supérieur à celui imposé par la jurisprudence et leur a adressé un recueil de l'ensemble des profils détaillés de ses salariés à reclasser, avec les matricules permettant de les identifier et contenant leurs compétences acquises dans le groupe et à l'extérieur ;
elle a sérieusement mis en 'uvre son obligation de reclassement, par une série d'actions en amont de la signature du PSE, mais également par la mise en place d'une procédure de reclassement spécifique de coordination des offres disponibles au sein du groupe, par la communication mensuelle aux salariés de bulletins des postes à pourvoir en même temps que leur fiche de paie, puis la mise en place de l'ensemble des mesures de reclassement prévues dans le PSE ;
aucun des postes publiés sur la bourse d'emploi Dalkia, identifiés par les requérants, ne correspond à leur profil, et ceux identifiés sur la bourse d'emploi EDF ne peuvent constituer des postes de reclassement dans la mesure où ils ont été publiés à partir du 13 décembre 2016 alors que les salariés de la présente procédure ont été licenciés entre le 14 septembre et le 9 décembre 2016 ;
elle a proposé tous les postes de reclassement qui lui ont été transmis par les sociétés du groupe EDF, et ne saurait être tenue pour responsable des décisions des sociétés du groupe qui refusent d'embaucher les salariés licenciés pour motif économique ou ne respectent pas leur obligation de priorité de réembauchage ;
sur l'obligation conventionnelle de reclassement externe, elle a sollicité la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle afin de trouver des postes de reclassement à ses salariés, en accord avec l'article 19 de la convention collective des équipements thermiques et ne saurait être tenue pour responsable de l'absence ou de l'insuffisance de propositions de reclassement de la part de cette commission ;
c'est au juge administratif qu'appartient le contrôle du respect de l'obligation de rechercher des repreneurs ;
conformément aux dispositifs issus de la loi n°2014-384 du 29 mars 2014 (dite loi Florange), elle a mené un programme de recherche de repreneurs présenté devant le comité d'entreprise le 15 avril 2016 et les offres formulées ont été présentées et discutés devant le comité d'entreprise.
***
Même s'il est justifié par une cause économique avérée, le licenciement d'un salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement. En l'état des dispositions applicables à la présente espèce, le périmètre de cette obligation s'étend, non seulement à l'entreprise mais aussi à toutes les sociétés du groupe auquel elle appartient, même situées à l'étranger dont l'activité, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, sous réserve, s'agissant des sociétés situées à l'étranger, que la législation locale ne s'oppose pas à l'engagement de salariés étrangers.
L'obligation de reclassement étant individuelle à chaque salarié, l'employeur est tenu de rechercher, pour chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, en considération de sa situation particulière, avant la notification du licenciement, toutes les possibilités de reclassement envisageables au sein de l'entreprise ou du périmètre de reclassement, et il lui appartient de justifier, par des éléments objectifs, des recherches qu'il a effectuées en ce sens et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de procéder au reclassement du salarié dans un emploi équivalent, de même catégorie, voire de catégorie inférieure.
Les offres de reclassement doivent être écrites, sérieuses, précises. Il résulte de l'article D. 1233-2-1 III du code du travail en vigueur jusqu'au 23 décembre 2017 qu'une offre de reclassement est précise dès lors qu'elle indique au moins le nom de l'employeur, la localisation du poste, l'intitulé du poste, la rémunération, la nature du contrat de travail, la langue de travail.
Pour M. [K] [E], la lettre se poursuit ainsi « Plus particulièrement, ce projet aboutit à la suppression de la totalité des postes au sein de la société en raison de la cessation totale et définitive de l'activité de DIT.
De ce fait et suite à la réorganisation mentionnée ci-dessus et a cette cessation d'activité, nous sommes dans l'obligation de supprimer votre poste de CHARGE D'AFFAIRES.
Afin d'éviter votre licenciement, nous avons activement recherché toutes les possibilités de reclassement dans le groupe en France.
Malgré tous les efforts déployés, nous n'avons pas été en mesure de vous proposer un poste correspondant à votre profil ou de niveau inférieur.
Nous sommes donc dans l'impossibilité de procéder à votre reclassement.
Compte tenu de la suppression de votre poste pour les raisons précédemment évoquées, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique. ['] »
La société DIT verse aux débats les courriers de recherche de reclassement interne, adressés le 22 janvier 2016, à 16 sociétés du groupe, par lesquels, après les avoir informées de la cessation d'activité, elle leur demande de lui transmettre, avant le 1er février 2016, la liste actualisée de l'ensemble des postes disponibles, quel que soit leur nature en précisant l'intitulé du poste et sa description, la société d'accueil, le lieu de travail, la nature du contrat, la rémunération, la convention collective/le statut applicable, la durée du travail puis de veiller à la tenir informée de tout poste qui pourrait devenir vacant ou serait susceptible d'être créé ; les courriers, adressés le 26 février 2016 à ces mêmes sociétés, transmettant, sur une clé USB, un classeur Excel permettant de faire des recherches multicritères sur les profils, l'ensemble des informations contenues dans le classeur, l'ensemble des 177 fiches récapitulatives individuelles et l'ensemble des 17 fiches de poste en version complète et les fiches récapitulatives individuelles pour chaque salarié, désigné par un matricule, qui détaillent, le poste occupé, l'ancienneté, le domicile, les expériences professionnelles, les niveaux de compétence, la dernière appréciation managériale, la formation, la rémunération et le niveau de langue.
Ainsi, les lettres de demande de recherche de postes de reclassement sont précises.
La société DIT justifie aussi avoir saisi la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle et avoir adressé les profils des 177 collaborateurs concernés par le projet de licenciement (pièce n°13, courrier du 3 mars 2016 à la FEDENE).
Toutefois, la société DIT ne justifie pas des offres de reclassement personnalisées qu'elle aurait adressées à M. [K] [E]. Elle ne démontre pas n'avoir pas été en mesure de lui proposer un poste correspondant à sa catégorie professionnelle et avoir été dans l'impossibilité de procéder à son reclassement.
La société DIT s'est bornée à adresser à M. [K] [E] un courrier, le 7 juillet 2016, pour l'informer qu'il avait la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, disposait d'un délai de 7 jours pour en faire la demande et qu'en l'absence de réponse de sa part, il serait considéré qu'il refusait de recevoir de telles offres.
Ainsi, par dispositions infirmatives, la cour dit que le licenciement de M. [K] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences de la rupture :
Le salarié demande la condamnation de la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à lui payer la somme de 68 040,90 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société objecte que :
le salarié ne justifie pas de son préjudice ;
dans le cadre des mesures prévues par le PSE, il a validé un projet de création d'entreprise, a mis fin à son congé de reclassement de façon anticipée et a perçu une indemnité supplémentaire de 30 000 euros ;
il a perçu dans le cadre du PSE un montant total d'indemnité de 122 047,07 euros et avait 14 ans d'ancienneté au moment de son licenciement.
***
M. [K] [E] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (36 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de son salaire mensuel brut de 3 284,61 euros, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à verser à M. [K] [E] la somme de 19 707,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur le remboursement des indemnités chômage
Il convient en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, d'ordonner d'office le remboursement par la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à M. [K] [E] du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront infirmées.
La société Dalkia Infrastructures de Télécommunications, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée aux dépens.
Il est équitable de condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à payer à M. [K] [E], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 1800 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement en ce qu'il a dit recevable l'action de M. [K] [E] ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à payer à M. [K] [E] la somme de 19 707,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter de ce jour ;
Dit que les intérêts au taux légal seront capitalisés en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à M. [K] [E] du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage ;
Condamne aux dépens de l'appel ;
Condamne la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à verser à M. [K] [E] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE
N° RG 21/01788 - N° Portalis DBVX-V-B7F-NOPA
[E]
C/
S.A.S. DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS
APPEL D'UNE DÉCISION DU :
Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de LYON
du 11 Février 2021
RG : F17/02223
COUR D'APPEL DE LYON
CHAMBRE SOCIALE A
ARRÊT DU 09 OCTOBRE 2024
APPELANT :
[K] [E]
né le 26 Décembre 1979 à [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Thomas NOVALIC de la SELARL TN AVOCATS, avocat au barreau de LYON
INTIMÉE :
Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, et ayant pour avocat plaidant Me Benjamin LOUZIER de la SELARL REDLINK, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Juin 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Catherine MAILHES,Présidente
Nathalie ROCCI, Conseillère
Anne BRUNNER, Conseillère
Assistés pendant les débats de Morgane GARCES, Greffier.
ARRÊT : CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 09 Octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile ;
Signé par Catherine MAILHES Présidente , et par Malika CHINOUNE, Greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*************
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
M. [K] [E] (le salarié) a été engagé à compter du 21 mai 2002 par la société Dalkia France, filiale d'EDF, par contrat à durée indéterminée en qualité d'agent technique 3ème échelon, au statut technicien.
Le contrat de travail du salarié a été transféré le 1er juillet 2010 au sein de la société Dalkia infrastructures télécommunications (DIT - la société), filiale de la société Dalkia créée cette année-là pour assurer une activité de maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications.
La société employait habituellement au moins 11 salariés au moment de la rupture de la relation contractuelle.
Au dernier état de la relation contractuelle, le salarié exerçait les fonctions de chargé d'affaires et la convention collective nationale des cadres, ingénieurs et assimilé des entreprises de gestion d'équipements thermiques et de climatisation était applicable à la relation contractuelle.
La société DIT a informé la DIRECCTE, par courrier du 3 décembre 2015, de la mise en place d'une procédure de PSE. La DIRECCTE a validé dans ce cadre l'accord majoritaire relatif au contenu du plan de sauvegarde de l'emploi négocié avec ses partenaires sociaux par décision du 1er juillet 2016.
Par courrier du 16 septembre 2016, la société a notifié à M. [K] [E] son licenciement pour motif économique et par courrier du 24 septembre 2016, le salarié a fait connaître sa volonté d'adhérer au congé de reclassement.
Le 20 juillet 2017, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes de Lyon aux fins de voir la société Dalkia infrastructures de télécommunications condamnée à lui verser des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (68 040,90 euros) et une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile (2 500 euros).
Le salarié a modifié ses demandes, demandant de faire injonction à la société de produire le registre des entrées et sorties de toutes les filiales du groupe EDF pour la période comprise entre janvier 2015 et décembre 2018, la convention la liant à la société CIRCET ainsi que les échanges de correspondance entre les deux sociétés concernant le transfert de salariés, et la note économique transmise au comité d'entreprise dans le cadre de la mise en 'uvre du plan de sauvegarde de l'emploi.
La société DIT a été convoquée devant le bureau de conciliation et d'orientation par courrier recommandé avec accusé de réception signé le 31 juillet 2017.
Par jugement du 11 février 2021, le conseil de prud'hommes de Lyon a :
' dit que les demandes de M. [K] [E] sont recevables et non prescrites ;
' constaté que la société Dalkia infrastructures et télécommunications n'a pas fait preuve de légèreté blâmable ;
' constaté que la société Dalkia infrastructures et télécommunications n'a pas manqué à son obligation de reclassement ;
' dit que le licenciement de M. [K] [E] repose sur une cause réelle et sérieuse ;
en conséquence,
' débouté M. [K] [E] de l'ensemble de ses demandes ;
' débouté la société Dalkia infrastructures et télécommunications de ses demandes ;
' condamné M. [K] [E] aux entiers dépens.
****
Selon déclaration électronique de son avocat remise au greffe de la cour le 11 mars 2021, M. [K] [E] a interjeté appel dans les formes et délais prescrits de ce jugement, aux fins de réformation partielle en ce qu'il constate que la société DALKIA INFRASTRUCTUES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas fait preuve de légèreté blâmable, constate que la société DALKIA INFRASTRUCTUES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas manqué à son obligation de reclassement, dit et juge que le licenciement de Monsieur [K] [E] repose sur une cause réelle et sérieuse, En conséquence, déboute Monsieur [K] [E] de l'ensemble de ses demandes : « - JUGER recevable et bien fondée l'argumentation développée ; - FAIRE INJONCTION à la Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS de produire le registre des entrées et des sorties de toutes les filiales du groupe EDF pour la période comprise entre janvier 2015 en décembre 2018. - FAIRE INJONCTION à la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS de produire la convention la liant à la société CIRCET, ainsi que les échanges de correspondance entre ces deux sociétés concernant le transfert des salariés; - FAIRE INJONCTION à la Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS de produire la note économique transmise au Comité d'Entreprise dans le cade de la procédure de mise en 'uvre du Plan de Sauvegarde de l'Emploi ; - CONSTATER que la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS a manqué à son obligation de reclassement ; - CONSTATER la légèreté blâmable de la Société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS ; - CONSTATER l'absence de motif économique du licenciement de Monsieur [K] [E] - JUGER le licenciement de Monsieur [K] [E] sans cause réelle et sérieuse. En conséquence, - CONDAMNER la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS à verser à Monsieur [K] [E] la somme de 68040,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; - CONDAMNER la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS à verser à Monsieur [K] [E] la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ; - CONDAMNER la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TÉLÉCOMMUNICATIONS aux entiers dépens de l'instance ; - ORDONNER la capitalisation des intérêts » et CONDAMNE Monsieur [E] aux entiers dépens. »
Aux termes des dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 7 décembre 2021, M. [K] [E] demande à la cour de :
confirmer le jugement en ce qu'il DIT ET JUGE que ses demandes sont recevables et non prescrites et déboute la société DALKIA INFRASTRCTURES ET COMMUNICATION de ses demandes. »
infirmer en ce qu'il constate que la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas fait preuve de légèreté blâmable, constate que la société DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS n'a pas manqué à son obligation de reclassement, dit et juge que son licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse, en conséquence, le déboute de l'ensemble de ses demandes, et le condamne aux entiers dépens ;
Statuant à nouveau,
faire injonction à la Société DIT de produire le registre des entrées et des sorties de toutes les filiales du groupe EDF pour la période comprise entre janvier 2015 en décembre 2018.
faire injonction à la Société DIT de produire la convention la liant à la société CIRCET, ainsi que les échanges de correspondance entre ces deux sociétés concernant le transfert des salariés ;
faire injonction à la Société DIT de produire la note économique transmise au Comité d'Entreprise dans le cade de la procédure de mise en 'uvre du Plan de Sauvegarde de l'Emploi ;
constater que la société DIT a manqué à son obligation de reclassement ;
constater la légèreté blâmable de la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication ;
constater l'absence de motif économique du licenciement ;
débouter la société DIT de l'ensemble de ses demandes, fins et prétention ;
En conséquence,
JUGER le licenciement sans cause réelle et sérieuse.
En conséquence,
condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication à lui verser la somme de 68 040,90 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication à verser la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;
condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunication aux entiers dépens de l'instance ;
ordonner la capitalisation des intérêts.
Selon les dernières conclusions de son avocat remises au greffe de la cour le 16 mai 2024, ayant fait appel incident en ce que le jugement a dit que les demandes de M. [K] [E] étaient recevables et non prescrites, la société Dalkia infrastructures de télécommunications demande à la cour d'infirmer partiellement le jugement entrepris et statuant à nouveau de :
' déclarer irrecevable l'intégralité des demandes de M. [K] [E] ;
à titre subsidiaire,
' confirmer le jugement rendu le 11 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Lyon en toutes ses dispositions ;
en conséquence,
' débouter M. [K] [E] de l'intégralité de ses demandes ;
' condamner M. [K] [E] aux entiers dépens ;
' condamner M. [K] [E] à lui verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
La clôture des débats a été ordonnée le 30 mai 2024 et l'affaire a été évoquée à l'audience du 4 juin 2024.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties il est fait expressément référence au jugement entrepris et aux conclusions des parties sus-visées.
A l'audience du 4 juin 2024, avant le déroulement des débats, avec l'accord des parties, l'ordonnance de clôture a été révoquée et la procédure a été de nouveau clôturée.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la recevabilité de la demande
Le salarié expose que :
ses demandes portent sur la réalité et le sérieux du motif économique de son licenciement, ainsi que le respect par la société de son obligation de recherche individuelle de reclassement et non pas sur la validité du contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, de sorte qu'elles ne relèvent pas des dispositions de l'article L.1235-7-1 du code du travail et de la compétence du tribunal administratif ;
ses demandes portant sur ses droits individuels, le délai de prescription était de 12 mois à compter de la première présentation de sa lettre de licenciement en vertu de l'article L. 1235-7 du code du travail, de sorte qu'elles ne sont pas prescrites et parfaitement recevables puisqu'il a été licencié le 16 septembre 2016 et a saisi le conseil de prud'hommes le 20 juillet 2017.
La société explique que :
en application de l'article L. 1235-7-1 du code du travail, les litiges portant sur le contenu du PSE ou la régularité de la procédure de licenciement collectif relèvent de la compétence de la juridiction administrative, qui doit être saisie dans les deux mois à compter de la date à laquelle le salarié a eu connaissance de la décision de validation du PSE ;
en l'espèce, M. [K] [E], qui se contente de contester les mesures de reclassement prévues par le PSE et la procédure de licenciement collectif alors qu'il a eu connaissance de la décision de validation le PSE, lors de la notification de son licenciement, soit le 16 septembre 2016, aurait dû agir devant le tribunal administratif avant le 16 novembre 2016, or, il a agi devant le conseil de prud'hommes le 20 juillet 2017 ;
ses demandes sont irrecevables ;
par ailleurs, les demandes sont prescrites en vertu de l'article L. 1237-1 du code du travail en ce que le délai de prescription de 12 mois pour saisir le conseil de prud'hommes courrait à compter de la date de la dernière réunion du comité d'entreprise, soit le 15 avril 2017 ;
les contestations avancées par le salarié ne portent que sur les mesures collectives et il s'agit bien d'un litige collectif dans la mesure où 14 salariés ont saisi le conseil de prud'hommes avec les mêmes arguments ;
le salarié avait donc jusqu'au 15 avril 2017 pour agir, or, il a agi le 20 juillet 2017.
***
Selon l'article L. 1235-7-1 du code du travail « L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1, le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi, les décisions prises par l'administration au titre de l'article L. 1233-57-5 et la régularité de la procédure de licenciement collectif ne peuvent faire l'objet d'un litige distinct de celui relatif à la décision de validation ou d'homologation mentionnée à l'article L. 1233-57-4.
Ces litiges relèvent de la compétence, en premier ressort, du tribunal administratif, à l'exclusion de tout autre recours administratif ou contentieux. ['] ».
Le salarié licencié dans le cadre d'un PSE peut toutefois saisir la juridiction prud'homale d'une demande tendant à voir déclarer son licenciement sans cause réelle et sérieuse en raison de l'absence de motif économique de licenciement ou en raison d'un manquement de l'employeur à l'obligation individuelle de reclassement.
En l'espèce, M. [K] [E] ne conteste pas le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi ni sa validité mais le motif économique de son licenciement et la mise en 'uvre de l'obligation individuelle de reclassement. La juridiction prud'hommale est donc matériellement compétente.
Selon l'article L. 1235-7 du code du travail dans sa version en vigueur du 1er juillet 2013 au 24 septembre 2017, toute contestation portant sur la régularité ou la validité du licenciement se prescrit par douze mois à compter de la dernière réunion du comité d'entreprise ou, dans le cadre de l'exercice par le salarié de son droit individuel à contester la régularité ou la validité du licenciement, à compter de la notification de celui-ci. Ce délai n'est opposable au salarié que s'il en a été fait mention dans la lettre de licenciement.
M. [K] [E], licencié par courrier notifié le 16 septembre 2016, a engagé son action le 20 juillet 2017. Son action n'est donc pas prescrite. Le jugement est confirmé de ce chef.
Sur la rupture du contrat de travail
1- Sur le motif économique
Le salarié fait grief au jugement de le débouter de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en faisant valoir que :
le motif économique invoqué par son employeur doit être analysé au regard du groupe EDF-Dalkia, segment 'autres activités' auquel est comptablement et financièrement rattaché le groupe Dalkia dans le compte de résultats du groupe EDF ;
la violation des contrats commerciaux liant la société à SFR, en raison de la concentration de son chiffre d'affaires avec ce client, caractérise une légèreté blâmable écartant tout motif économique du licenciement, notifié de surcroît avant même le terme des contrats litigieux assurant son activité et celle de ses salariés ;
caractérise également une légèreté blâmable le fait que Dalkia n'a émis aucune offre globale de reprise de la gestion de l'installation et de la maintenance des réseaux gérés par Numéricable à sa reprise de SFR fin 2014, ni entrepris aucune démarche en vue de la reprise des contrats de ses salariés par les repreneurs des marchés ;
contrairement aux affirmations de la société, les dommages et intérêts pour non-respect des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail auxquels a été condamnée la société SFR qui n'a pas permis la reprise directe ou indirecte des salariés concernés, n'ont pas été injecté dans le PSE pour favoriser leur reclassement comme le prétend la société DIT, mais ont servi à compenser les salaires versés aux 37 salariés, affectés au contrat litigieux, et non repris.
Au soutien de la confirmation de la décision, la société soutient que :
son activité a cessé de manière complète et définitive suite à la notification par SFR de la résiliation de trois contrats commerciaux qui la liait à Dalkia (dont sa filiale DIT)
elle n'a commis aucune faute ni légèreté blâmable puisqu'elle a immédiatement réagit à cette nouvelle en assignant la société SFR devant le tribunal de commerce à bref délai afin de la contraindre à reprendre les contrats de travail des salariés concernés;
le tribunal de commerce lui a dénié tout droit à agir sur le fondement de l'article L. 1224-1 du code du travail qui relève du droit d'action personnelle des salariés, et les dommages et intérêts auxquels a été condamnée la société SFR ont été injecté dans le PSE afin de favoriser les mesures de reclassement des salariés ;
dans le cadre de la demande d'autorisation de licencier des salariés protégés, l'inspection du travail a validé le motif économique des licenciements, considérant que la cessation d'activité constitue en soi une cause économique ;
les difficultés économiques auxquelles elle a dû faire face, caractérisées par la brutalité de la perte de chiffre d'affaires du fait de la résiliation des contrats SFR, les pertes financières d'exploitation et l'unicité du secteur d'activité de la maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications au sein du groupe EDF/Dalkia l'ont finalement contrainte à cesser totalement et définitivement son activité ;
le motif de licenciement étant la cessation de son activité, la réalité de celle-ci s'apprécie au niveau de l'entreprise et non du groupe, sans qu'il n'y ait lieu d'apprécier d'éventuelles difficultés économiques ; elle avait son propre secteur d'activité, la maintenance et l'exploitation des infrastructures de télécommunications, qui n'appartenait à aucun autre secteur d'activité présent au sein du groupe ;
contrairement à ce que fait valoir le salarié, il était de son devoir d'anticiper la cessation de son activité et de prévoir un PSE, sans qu'il ne puisse lui être reproché de l'avoir mis en place sans attendre que sa situation économique ne s'aggrave ;
les 4 contrats conclus avec SFR se sont arrêtés entre juin et juillet 2016 car SFR s'est prévalue des clauses de résiliation anticipée ;
le salarié ne démontre pas l'existence d'une légèreté blâmable, en ce que non seulement elle a tout fait pour préserver la continuation des contrats SFR et les contrats de travail, et en ce que l''omission d'adhérer' à l'accord 'responsabilité sociale et environnementale' [RSE] applicable au sein de la société EDF soulevée par le salarié doit être écartée, n'étant pas signataire dudit accord.
***
Aux termes de l'article L. 1233-3 du code du travail dans sa rédaction applicable à l'espèce antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016, constitue un licenciement pour motif économique, le licenciement effectué pour un ou plusieurs motifs, non inhérents à la personne du salarié, qui repose sur une cause économique (notamment, des difficultés économiques ou des mutations technologiques, mais aussi, la réorganisation de l'entreprise, la cessation non fautive d'activité de l'entreprise), laquelle cause économique doit avoir une incidence sur l'emploi du salarié concerné (suppression ou transformation) ou sur son contrat de travail (emporter une modification, refusée par le salarié, d'un élément essentiel de son contrat de travail).
La cessation d'activité complète et définitive de l'entreprise constitue en soi un motif économique de licenciement, sans qu'il soit nécessaire de rechercher la cause de cette cessation d'activité quand elle n'est pas due à une faute de l'employeur.
La lettre de licenciement est ainsi motivée :
« Nous avons exposé à nos instances représentatives du personnel les raisons économiques nous conduisant à réorganiser notre société et nous avons négocié avec les syndicats représentatifs des mesures d'accompagnement prévues par le plan de sauvegarde de l'emploi ("PSE") conduisant à la signature d'un accord majoritaire portant sur le PSE en date du 24 mai 2016.
Postérieurement à l'information et la consultation dont il a fait l'objet auprès de nos instances représentatives du personnel, le projet de licenciement économique collectif a reçu la validation de la DIRECCTE le 1er juillet 2016.
Dans le cadre de cette réorganisation conduisant à la cessation des activités de Dalkia Infrastructures de Télécommunications (ci-après «DIT »), nous avons le regret de vous informer que nous sommes contraints de procéder à votre licenciement pour motif économique. La présente lettre vise à vous notifier le motif de ce licenciement (I) et à vous informer des conséquences qui en découlent pour vous notamment en termes d'accompagnement (ll).
Motif économique de licenciement : la cessation d'activité de la société DIT
Depuis la fin des années 1990, Dalkia est un acteur reconnu de la gestion de l'énergie pour les collectivités, les entreprises et les établissements de soin. Ses principales activités reposent sur l'optimisation des performances techniques, économiques et environnementales des équipements qui lui sont confiés : réseau de chaleur, centrales de production d'énergie, utilités industrielles et bâtiments de toute nature.
Fort de son expertise dans les secteurs du multitechnique et du multiservice pour l'entretien des bâtiments et le fonctionnement des installations, Dalkia se positionne dès cette période sur un marché de niche auprès des opérateurs de téléphonie en fournissant des services de maintenance de leurs infrastructures et équipements de télécommunication.
En réponse à un secteur des Télécommunications très porteur dans les années 2000, Dalkia crée en 2010 une filiale 100 % dédiée à un nouveau secteur d'activité autonome par rapport aux autres secteurs d'activité du groupe : l'activité de la maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications : DALKIA INFRASTRUCTURES DE TELECOMMUNICATIONS (DIT).
Véritable centre d'expérimentation et de pilotage, la création de DIT permettra ainsi d'intensifier l'intégration et la structuration de savoir-faire dédiés au sein d'une entité indépendante et réactive pour :
- assurer une meilleure visibilité de cette activité tant en interne qu'auprès des clients,
- être en mesure d'accompagner les clients dans un contexte de plus en plus concurrentiel,
- conquérir de nouveaux marchés forts de nouveaux contrats gagnés auprès de SFR.
Mais à partir des années 2012, la conjoncture du marché se retourne :
- le chiffre d'affaires des opérateurs baisse globalement de 17%,
- la captation de chiffre d'affaires se faisant des lors et seulement sur les services de haut et très haut débit,
- le nombre d'abonnements mobiles augmente engendrant une consommation de données multipliée par 4,
- les investissements deviennent de plus en plus importants pour répondre au besoin d'équipement des foyers français.
L'arrivée d'un opérateur « low cost » du nom de Free Mobile sur le marché début 2012 accélère la donne. Sa pénétration sur le marché est rapide puisqu'en 2015, ce nouvel opérateur représente déjà 13,25% du marché mobile, avec plus de 10,5 millions de clients mobiles (exclusivement des abonnés).
Un autre événement majeur survient en 2014 : le rachat de SFR par Numéricable. La notoriété du groupe SFR, en tant que fournisseur d'accès internet et mobile, et la technologie fibre utilisée par Numéricable vise à accélérer de ce fait le passage des abonnés SFR a la fibre.
Dans un tel contexte économique, les opérateurs SFR et Orange, représentant ensemble près de 92%(91% pour SFR] du chiffre d'affaires de DIT, adoptent des stratégies organisationnelles et financières à l'inverse de celles opérées jusqu'à présent, et nettement défavorables aux activités de DIT, afin de répondre à une compétitivité de plus en plus forte.
L'activité de gestion et de maintenance des infrastructures Télécoms devient de plus en plus réduite et suit une tendance à la ré-internalisation (ou une non-externalisation chez ces mêmes opérateurs dans un objectif stratégique de maitrise des coûts.
Sur ce marché en très fortes mutations, DIT fait face à des contraintes difficiles voire impossibles à surmonter qui se caractérisent par de graves difficultés économiques :
- un marché de la maintenance Télécoms devenu fortement concurrentiel et réorganisé ayant muté vers une culture - low-cost ». L'environnement conduit à une forte pression sur les prix et les marges des fournisseurs ;
- une intensification de la concurrence qui remet en cause le modèle économique de DIT.
- une pratique de remplacement fréquente de prestataires lors du renouvellement du contrat, avec une tendance à l'internalisation de la prestation chez le client ;
- la perte de contrats très importante auprès de son principal client SFR (plus de 90 % du chiffre d'affaires par rapport à l'activité de DIT) ne laissant pas le temps de se développer sur de nouveaux marchés ;
- une organisation multirégionale qui n'est plus adaptée au portefeuille d'activité ;
- un portefeuille de contrats très réduit pour garantir la qualité de service contractuelle, en particulier pour assurer la continuité de service ;
- une activité économiquement non pérenne sur la durée.
Les indicateurs économiques et financiers de DIT sont en baisse depuis fin 2014-2015 et les difficultés économiques sont très importantes.
Ainsi, le chiffre d'affaires enregistre un recul de 8,296, passant de 55,5 millions d'euros en 2011 à 50,9 millions d'euros en 2014, et un recul de 56% entre 2014 et 2015 avec le retrait de SFR (prévision de clôture 2015).
Les prévisions de résultat d'exploitation de - 4,7 millions d'euros sur l'exercice 2015 démontrent une situation très gravement déficitaire (prévision de clôture 2015).
Le résultat net chute quant à lui de 88,4%, passant de 822 K€ à 95 K€, débouchant sur une situation fortement dégradée et négative entre 2014 et 2015 : - 4,9 millions d'euros (prévision de clôture 2015).
Cette tendance à la baisse des indicateurs économiques de DIT a conduit à entreprendre des 2013, des actions en matière de diversification des métiers au sein de DIT associée à une politique de reconquête de nouveaux clients. Cependant, celles-ci n'ont pas abouti.
La transformation progressive du marché devenu de plus en plus à faible valeur ajoutée a mis en exergue l'inadéquation de l'offre DIT au besoin du marché.
Par ailleurs, les difficultés économiques caractérisées par la brutalité de la perte de chiffre d'affaires du fait de la résiliation des contrats SFR, les pertes financières d'exploitation et l'unicité du secteur d'activité de la maintenance des infrastructures et des équipements de télécommunications au sein du Groupe EDF/Dalkia ont contraint DIT à envisager l'arrêt de ses activités en 2016.
Les effectifs de DIT sont passés de 392 (01-01-2015) à 174 employés (01-04-2016).
Néanmoins, faute de contrats et de perspectives sur le marché, DIT n'est plus en mesure de maintenir l'emploi de l'ensemble des collaborateurs.
C'est la raison pour laquelle il est décidé une cessation totale et définitive de l'activité de DIT.
Cette cessation d'activité emporte la suppression de l'ensemble des postes de Dalkia Infrastructures de Télécommunications (D.l.T).['] »
En l'espèce, la société établit que les relations commerciales avec la société SFR se sont dégradées à la fin de l'année 2014, lorsque cette dernière a sollicité, par mail du 28 novembre 2014, une remise de 30%, à mettre en 'uvre dès le 1er décembre 2014, demande à laquelle elle s'est opposée dès le 3 décembre 2024, la société SFR maintenant sa position et, par courriers du 16 décembre 2014, notifiant la résiliation de trois contrats.
Ce litige a donné lieu, d'abord à une assignation en vue de l'exécution forcée des contrats, délivrée le 19 janvier 2015, à bref délai, devant le tribunal de commerce de Paris par la société Dalkia et la société Dalkia Infrastructure de Télécommunications, à la société SFR, ayant abouti à un jugement du 26 mai 2015, de débouté au motif que les contrats étaient exécutés, la société SFR ayant renoncé à mettre fin aux contrats avant leur terme.
Ensuite, la société DIT a assigné la société SFR devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir de cette dernière la reprise de 35 contrats de travail et des dommages-intérêts. Par jugement du 13 octobre 2015, il a été fait droit à la demande de dommages-intérêts.
La société DIT a ainsi immédiatement réagi et pris les dispositions nécessaires à l'annonce de la perte d'un client.
La perte de ce client est l'une des causes de la mise en 'uvre du plan de sauvegarde de l'emploi et de la décision de cessation d'activité, ainsi que cela ressort du compte rendu de la réunion de la commission paritaire nationale de l'emploi du 20 avril 2016.
La cessation d'activité est objectivée par les résiliations des baux commerciaux, pour divers locaux, à échéance entre le 31 août 2016 et 30 juin 2017 et des contrats de prestations de services (électricité, location de copieurs, télésurveillance, services de santé au travail').
La mise en 'uvre d'un plan de sauvegarde de l'emploi avant la cessation effective de l'activité ne caractérise pas une faute de la part de l'employeur mais au contraire une anticipation non fautive.
Ainsi, la cessation d'activité est établie et aucune faute de la part de la société DIT n'est démontrée par le salarié.
2- Sur l'obligation de reclassement
Le salarié soutient que :
sur l'obligation de reclassement interne, tant les liens capitalistiques entre les sociétés EDF, Dalkia et DIT, que la permutabilité des salariés au sein du groupe Dalkia et du groupe EDF et ses filiales sont établis, de sorte qu'un groupe de reclassement composé des groupes Dalkia et EDF est clairement identifié en application de la jurisprudence constante de la cour de cassation en la matière ;
en dépit de la validation par la DIRECCTE de l'accord collectif majoritaire relatif au contenu du PSE contenant un volet relatif au reclassement, la société n'a pas recherché tous les postes de reclassement disponibles et compatibles avec l'expérience et le métier de chacun des salariés concernés par un licenciement pour motif économique ; la société ne saurait soutenir qu'elle a mis en oeuvre son obligation de reclassement de manière sérieuse, le groupe EDF n'ayant à aucun moment envisagé le reclassement des salariés DIT en son sein, le service des ressources humaines n'ayant reçu aucun salarié de la société afin d'envisager son reclassement, et la société ne démontre aucune recherche de reclassement individualisée ;
la société ne lui a proposé qu'une seule offre de reclassement, ne correspondant pas à ses compétences, et le groupe EDF comme le groupe Dalkia n'ont pas gelé leurs embauches, au détriment des salariés de la société DIT dans le cadre de leur reclassement ;
l'omission volontaire de la société d'adhérer à l'accord RSE du groupe EDF est de nature à restreindre significativement le périmètre de reclassement des salariés de la société, lesquels n'ont pu bénéficier ni de formations ou mesures d'adaptation aux métiers spécifiques dudit groupe et ni d'un reclassement effectif en son sein ;
sur l'obligation conventionnelle de reclassement externe, la société n'a pas respecté l'article 18 de la convention collective nationale applicable, et la seule saisine de la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle du SNEC ne suffit pas à démontrer l'effectivité du dispositif de reclassement externe.
La société fait valoir que :
la procédure de reclassement de ses salariés protégés a été validée par six arrêts rendus par la cour administrative d'appel le 1er juillet 2021, confirmés par arrêt du Conseil d'Etat du 14 mars 2022 ;
sur les recherches de reclassement internes, son périmètre de recherche s'est étendu à l'ensemble des sociétés des groupes Dalkia et EDF ; elle a réalisé des recherches de reclassement avec un degré de précision supérieur à celui imposé par la jurisprudence et leur a adressé un recueil de l'ensemble des profils détaillés de ses salariés à reclasser, avec les matricules permettant de les identifier et contenant leurs compétences acquises dans le groupe et à l'extérieur ;
elle a sérieusement mis en 'uvre son obligation de reclassement, par une série d'actions en amont de la signature du PSE, mais également par la mise en place d'une procédure de reclassement spécifique de coordination des offres disponibles au sein du groupe, par la communication mensuelle aux salariés de bulletins des postes à pourvoir en même temps que leur fiche de paie, puis la mise en place de l'ensemble des mesures de reclassement prévues dans le PSE ;
aucun des postes publiés sur la bourse d'emploi Dalkia, identifiés par les requérants, ne correspond à leur profil, et ceux identifiés sur la bourse d'emploi EDF ne peuvent constituer des postes de reclassement dans la mesure où ils ont été publiés à partir du 13 décembre 2016 alors que les salariés de la présente procédure ont été licenciés entre le 14 septembre et le 9 décembre 2016 ;
elle a proposé tous les postes de reclassement qui lui ont été transmis par les sociétés du groupe EDF, et ne saurait être tenue pour responsable des décisions des sociétés du groupe qui refusent d'embaucher les salariés licenciés pour motif économique ou ne respectent pas leur obligation de priorité de réembauchage ;
sur l'obligation conventionnelle de reclassement externe, elle a sollicité la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle afin de trouver des postes de reclassement à ses salariés, en accord avec l'article 19 de la convention collective des équipements thermiques et ne saurait être tenue pour responsable de l'absence ou de l'insuffisance de propositions de reclassement de la part de cette commission ;
c'est au juge administratif qu'appartient le contrôle du respect de l'obligation de rechercher des repreneurs ;
conformément aux dispositifs issus de la loi n°2014-384 du 29 mars 2014 (dite loi Florange), elle a mené un programme de recherche de repreneurs présenté devant le comité d'entreprise le 15 avril 2016 et les offres formulées ont été présentées et discutés devant le comité d'entreprise.
***
Même s'il est justifié par une cause économique avérée, le licenciement d'un salarié ne peut être légitimement prononcé que si l'employeur a préalablement satisfait à son obligation générale de reclassement. En l'état des dispositions applicables à la présente espèce, le périmètre de cette obligation s'étend, non seulement à l'entreprise mais aussi à toutes les sociétés du groupe auquel elle appartient, même situées à l'étranger dont l'activité, l'organisation et le lieu d'exploitation permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel, sous réserve, s'agissant des sociétés situées à l'étranger, que la législation locale ne s'oppose pas à l'engagement de salariés étrangers.
L'obligation de reclassement étant individuelle à chaque salarié, l'employeur est tenu de rechercher, pour chacun des salariés dont le licenciement est envisagé, en considération de sa situation particulière, avant la notification du licenciement, toutes les possibilités de reclassement envisageables au sein de l'entreprise ou du périmètre de reclassement, et il lui appartient de justifier, par des éléments objectifs, des recherches qu'il a effectuées en ce sens et de l'impossibilité dans laquelle il s'est trouvé de procéder au reclassement du salarié dans un emploi équivalent, de même catégorie, voire de catégorie inférieure.
Les offres de reclassement doivent être écrites, sérieuses, précises. Il résulte de l'article D. 1233-2-1 III du code du travail en vigueur jusqu'au 23 décembre 2017 qu'une offre de reclassement est précise dès lors qu'elle indique au moins le nom de l'employeur, la localisation du poste, l'intitulé du poste, la rémunération, la nature du contrat de travail, la langue de travail.
Pour M. [K] [E], la lettre se poursuit ainsi « Plus particulièrement, ce projet aboutit à la suppression de la totalité des postes au sein de la société en raison de la cessation totale et définitive de l'activité de DIT.
De ce fait et suite à la réorganisation mentionnée ci-dessus et a cette cessation d'activité, nous sommes dans l'obligation de supprimer votre poste de CHARGE D'AFFAIRES.
Afin d'éviter votre licenciement, nous avons activement recherché toutes les possibilités de reclassement dans le groupe en France.
Malgré tous les efforts déployés, nous n'avons pas été en mesure de vous proposer un poste correspondant à votre profil ou de niveau inférieur.
Nous sommes donc dans l'impossibilité de procéder à votre reclassement.
Compte tenu de la suppression de votre poste pour les raisons précédemment évoquées, nous sommes contraints de vous notifier votre licenciement pour motif économique. ['] »
La société DIT verse aux débats les courriers de recherche de reclassement interne, adressés le 22 janvier 2016, à 16 sociétés du groupe, par lesquels, après les avoir informées de la cessation d'activité, elle leur demande de lui transmettre, avant le 1er février 2016, la liste actualisée de l'ensemble des postes disponibles, quel que soit leur nature en précisant l'intitulé du poste et sa description, la société d'accueil, le lieu de travail, la nature du contrat, la rémunération, la convention collective/le statut applicable, la durée du travail puis de veiller à la tenir informée de tout poste qui pourrait devenir vacant ou serait susceptible d'être créé ; les courriers, adressés le 26 février 2016 à ces mêmes sociétés, transmettant, sur une clé USB, un classeur Excel permettant de faire des recherches multicritères sur les profils, l'ensemble des informations contenues dans le classeur, l'ensemble des 177 fiches récapitulatives individuelles et l'ensemble des 17 fiches de poste en version complète et les fiches récapitulatives individuelles pour chaque salarié, désigné par un matricule, qui détaillent, le poste occupé, l'ancienneté, le domicile, les expériences professionnelles, les niveaux de compétence, la dernière appréciation managériale, la formation, la rémunération et le niveau de langue.
Ainsi, les lettres de demande de recherche de postes de reclassement sont précises.
La société DIT justifie aussi avoir saisi la commission paritaire nationale de l'emploi et de la formation professionnelle et avoir adressé les profils des 177 collaborateurs concernés par le projet de licenciement (pièce n°13, courrier du 3 mars 2016 à la FEDENE).
Toutefois, la société DIT ne justifie pas des offres de reclassement personnalisées qu'elle aurait adressées à M. [K] [E]. Elle ne démontre pas n'avoir pas été en mesure de lui proposer un poste correspondant à sa catégorie professionnelle et avoir été dans l'impossibilité de procéder à son reclassement.
La société DIT s'est bornée à adresser à M. [K] [E] un courrier, le 7 juillet 2016, pour l'informer qu'il avait la possibilité de recevoir des offres de reclassement hors du territoire national, disposait d'un délai de 7 jours pour en faire la demande et qu'en l'absence de réponse de sa part, il serait considéré qu'il refusait de recevoir de telles offres.
Ainsi, par dispositions infirmatives, la cour dit que le licenciement de M. [K] [E] est dépourvu de cause réelle et sérieuse.
Sur les conséquences de la rupture :
Le salarié demande la condamnation de la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à lui payer la somme de 68 040,90 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
La société objecte que :
le salarié ne justifie pas de son préjudice ;
dans le cadre des mesures prévues par le PSE, il a validé un projet de création d'entreprise, a mis fin à son congé de reclassement de façon anticipée et a perçu une indemnité supplémentaire de 30 000 euros ;
il a perçu dans le cadre du PSE un montant total d'indemnité de 122 047,07 euros et avait 14 ans d'ancienneté au moment de son licenciement.
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M. [K] [E] comptant plus de deux ans d'ancienneté dans l'entreprise au jour de son licenciement et celle-ci employant habituellement au moins onze salariés, trouvent à s'appliquer les dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail, dans leur rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, selon lesquelles, en cas de licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse, le salarié peut prétendre à une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.
En considération de sa situation particulière, notamment de son âge (36 ans) et de son ancienneté au moment de la rupture, des circonstances de celle-ci, de son salaire mensuel brut de 3 284,61 euros, de sa capacité à retrouver un emploi compte tenu de sa formation, il y a lieu de condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à verser à M. [K] [E] la somme de 19 707,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur le remboursement des indemnités chômage
Il convient en application des dispositions de l'article L.1235-4 du code du travail dans sa rédaction applicable au litige, d'ordonner d'office le remboursement par la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à M. [K] [E] du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et dépens seront infirmées.
La société Dalkia Infrastructures de Télécommunications, qui succombe partiellement en appel, sera condamnée aux dépens.
Il est équitable de condamner la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à payer à M. [K] [E], au titre des frais non compris dans les dépens, la somme de 1800 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant contradictoirement et publiquement par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;
Dans la limite de la dévolution,
Confirme le jugement en ce qu'il a dit recevable l'action de M. [K] [E] ;
L'infirme pour le surplus ;
Statuant à nouveau,
Condamne la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à payer à M. [K] [E] la somme de 19 707,66 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Rappelle que les sommes allouées par la cour sont exprimées en brut ;
Dit que les intérêts au taux légal sur les créances de nature indemnitaires courent à compter de ce jour ;
Dit que les intérêts au taux légal seront capitalisés en application des dispositions de l'article 1343-2 du code civil ;
Y ajoutant,
Ordonne le remboursement par la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à Pôle Emploi des indemnités de chômages versées à M. [K] [E] du jour de son licenciement dans la limite de 3 mois d'indemnités de chômage ;
Condamne aux dépens de l'appel ;
Condamne la société Dalkia Infrastructures de Télécommunications à verser à M. [K] [E] la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE