Décisions
CA Lyon, 8e ch., 23 octobre 2024, n° 23/07966
LYON
Arrêt
Autre
N° RG 23/07966 - N° Portalis DBVX-V-B7H-PIC2
Décision du Tribunal Judiciaire de Lyon en référé du 19 septembre 2023
RG : 23/00729
Organisme MACIF
C/
[T]
Association ASSOCIATION TUTELAIRE RHODANIENNE
S.A. AXA FRANCE IARD
Association ENTRE 2 TOITS
Etablissement L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DÉNOMMÉ GRAND [Localité 9] HA BITAT, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ OPAC DU GRAND [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 23 Octobre 2024
APPELANTE :
La Compagnie d'assurance MACIF, immatriculée au RCS de NIORT sous le n°D781.452.511, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant Me Denis DREYFUS, avocat au barreau GRENOBLE
INTIMÉS :
AXA FRANCE IARD S.A, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, dont le siège social est [Adresse 3] à NANTERRE CEDEX (92727) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Marie-christine MANTE-SAROLI de la SELARL MANTE SAROLI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1217
L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DÉNOMMÉ GRAND [Localité 9] HABITAT, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ OPAC DU GRAND [Localité 9], Etablissement Public Industriel et Commercial, immatriculé au RCS de [Localité 9] sous le n° 399 898 345, dont le siège social est [Adresse 8], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T 713
L'association ENTRE 2 TOITS, association loi de 1901 inscrite sous le numéro 39403257700030', dont le siège social est situé [Adresse 7], représentée par sa présidente en exercice domiciliée en cette qualité audit siège
Représentée par Me Nathalie PEQUIGNOT, avocat au barreau de LYON, toque : 158
M. [D] [T]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Signification de la déclaration d'appel à personne le 31 octobre 2023
Défaillant
L'Association Tutélaire Rhodanienne (ATR), association dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 10], mandataire judiciaire à la protection des majeurs représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, ès-qualités de curateur de Monsieur [D] [T] selon jugement du 15 mai 2023
Signification de la déclaration d'appel le 15 février 2024 en l'étude d'huissier dans le RG 24/00937
Défaillante
* * * * *
Date de clôture de l'instruction : 17 Septembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Septembre 2024
Date de mise à disposition : 23 Octobre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat en date du 31 mai 2021, l'Office Public de l'Habitat, dénommé Grand [Localité 9] Habitat, a consenti à l'association Entre2Toits un bail portant sur un appartement type T1 au 5ème étage d'un immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 10] et par acte du même jour, cette association, qui a pour activité l'aide aux personnes en situation de difficulté et qui pratique l'intermédiation locative, a sous-loué ce logement à M. [D] [T] dans le cadre d'un bail glissant.
Grand [Localité 9] Habitat est assuré auprès de la SA AXA France Iard au titre d'une police propriétaire non-occupant et l'association Entre2Toits est assurée auprès la société MACIF au titre d'une police Habitation acquise au locataire, mais également aux bénéficiaires des sous-locations consenties.
Le 14 octobre 2021, un incendie s'est déclaré devant la porte du logement occupé par M. [D] [T], s'est propagé dans la cage d'escalier de l'immeuble et a été éteint par les sapeurs-pompiers après avoir détruit une partie de la toiture et endommagé différents appartements.
Par jugement du 16 novembre 2021, le Tribunal correctionnel de Lyon a déclaré M. [D] [T] coupable du délit de destruction volontaire du bien d'autrui par incendie et l'a condamné à une peine d'emprisonnement et à une mesure de suivi socio-judiciaire.
Le cabinet Polyexpert, mandaté par la société AXA France, assureur de Grand [Localité 9] Habitat, a établi un rapport d'expertise en date du 19 octobre 2021 retenant que M. [T] avait mis le feu intentionnellement au paillasson et à la porte palière de son logement. L'expert a dès lors estimé nécessaire de poursuivre les opérations d'expertise au contradictoire de l'association Entre2Toits, locataire principal susceptible de répondre de la responsabilité du sous-locataire, et de leur assureur.
Le cabinet Polyexpert a établi un deuxième rapport en date du 18 novembre 2021 en présence d'un expert mandaté par la MACIF et les experts mandatés par les parties représentées aux opérations ont signé un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances de l'incendie.
Dans un troisième rapport contradictoire du 16 décembre 2021, le cabinet Polyexpert a estimé le montant des préjudices à une somme comprise en 880'000 € et 1'050'000 €.
Au mois de mai 2022, la société d'assurance mutuelle MACIF, considérant que sa garantie ne pouvait pas être mobilisée, a mis un terme à sa participation aux opérations d'expertise amiable.
Par actes de commissaire de justice des 18 et 19 avril 2023, l'EPIC Grand Lyon Habitat et la SA AXA France Iard ont fait assigner l'association Entre2Toits, la société MACIF et M. [D] [T] devant le Tribunal Judiciaire de Lyon en référé-expertise.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 19 septembre 2023, le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon a rejeté la demande de mise hors de cause présentée par la MACIF et ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [I] [P].
Le juge des référés a retenu':
Que bien que les causes de l'incendie apparaissent avoir été admises par les assureurs dans le cadre de l'expertise amiable, cette expertise ne serait pas opposable à M. [T] qui n'y était pas représenté';
Que les diligences des parties pour déterminer le montant des préjudices subis n'ont pas abouties puisque la MACIF, qui dénie la mobilisation de sa garantie, a cessé de participer aux opérations d'expertise';
Qu'il est désormais jugé de concert par les deuxième et troisième chambres de la cour de cassation que la faute dolosive de l'assuré au sens de l'article L.113-1 du Code des assurances, que la MACIF invoque pour demander sa mise hors de cause, ne se confond pas avec la faute intentionnelle sanctionnée pénalement de sorte qu'elle ne s'infert pas de l'enquête pénale et de la condamnation de M. [T] par le Tribunal correctionnel'; que le caractère évident de la faute dolosive que la MACIF prête à M. [T] n'est pas établit de sorte que l'assureur échoue à établir que toute demande de garantie à son encontre serait vouée à l'échec';
Que la MACIF ne peut en outre prétendre que l'expertise amiable suffirait au chiffrage du préjudice puisque aucune condamnation ne pourrait être prononcée à son encontre sur la base d'une expertise non-contradictoire.
Par déclarations en date des 19 octobre 2023 et 2 février 2024, la MACIF a relevé appel de cette décision en tous ses chefs et, par avis de fixation des 26 octobre 2023 et 8 février 2024 pris en vertu de l'article 905 et suivants du Code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai.
Constatant qu'il existait entre les litiges un lien tel qu'il était de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, une ordonnance de jonction a été rendue le 13 mars 2024.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 21 mars 2024 (conclusions d'appelante n°3), la MACIF demande à la cour':
Vu l'article L.113-1 du Code des assurances,
DEBOUTER l'association Entre2Toits, la société AXA Iard et Grand [Localité 9] Habitat de l'intégralité de leurs demandes formulées dans le cadre de leur appel incident,
REFORMER l'ordonnance de référé en date du 19 septembre 2023 du Tribunal Judiciaire de Lyon (RG : 23/00729),
En conséquence :
ORDONNER la mise hors de cause de la MACIF,
DEBOUTER Grand [Localité 9] Habitat, et AXA France Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'encontre de la Compagnie LA MACIF.
A titre subsidiaire,
REJETER la demande d'expertise judiciaire sollicitée par Grand [Localité 9] Habitat et AXA France Iard,
En tout état de cause :
CONDAMNER Grand [Localité 9] Habitat et AXA France Iard au paiement de la somme de 2'000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Grand [Localité 9] Habitat, et AXA France Iard aux entiers dépens.
En fait, elle expose que le contrat d'assurance souscrit par l'association Entre2Toits bénéficie à cette dernière, ainsi qu'à M. [T] et elle rappelle qu'elle a régulièrement été destinataire d'une déclaration de sinistre suite à l'incendie du 14 octobre 2021. Elle rappelle les aveux circonstanciés de M. [T] devant les services de police comme ayant délibérément incendié son appartement et elle souligne les expertises réalisées ont confirmé que l'incendie avait débuté dans cet appartement.
En droit, elle invoque l'article L.113-1 du Code des assurance pour considérer qu'à raison de la faute dolosive de M. [T], elle n'est pas tenue à garantie. Elle rappelle qu'en droit des assurances, la faute dolosive correspond à un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, ce qui correspond aux déclarations de M. [T] devant les services de police et à sa condamnation par le tribunal correctionnel de Lyon. Elle juge critiquable l'analyse du juge des référés puisque les causes de l'incendie ne font pas question. Elle ajoute qu'une éventuelle altération du discernement serait sans incidence sur la conscience des conséquences dommageables.
Elle invoque ensuite l'exclusion de garantie prévue par les conditions générales de la police qui porte sur les fautes dolosives mais également les dommages causés intentionnellement ou résultant d'un délit.
A titre subsidiaire, elle estime que les parties adverses ne justifient pas d'un motif légitime puisque les causes du sinistre sont connues et le préjudice chiffré. Elle juge erroné le dernier argument retenu par le juge des référés puisqu'une condamnation peut être prononcée sur la base d'une expertise amiable dès lors qu'elle est contradictoirement débattue et corroborée par d'autres éléments. En tout état de cause, elle rappelle qu'ayant été convoquée aux opérations d'expertises amiables, celles-ci lui sont opposables. Elle précise qu'elle n'entend pas s'opposer aux chiffrages retenus.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 11 avril 2024 (conclusions d'intimé n°2), l'Office Public de l'Habitat, dénommé Grand [Localité 9] Habitat, anciennement dénommé OPAC du Grand [Localité 9], demande à la cour':
Vu l'article 145 du Code de procédure civile,
REJETTER toutes les demandes formées par la compagnie d'assurance MACIF,
CONFIRMER l'ordonnance de référé du Président du Tribunal Judiciaire de Lyon du 19 septembre 2023 en ce qu'elle a : (reprise du dispositif de l'ordonnance de référé attaquée),
Y AJOUTANT :
CONDAMNER la Compagnie d'assurance MACIF à payer à GRAND [Localité 9] HABITAT la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNER la Compagnie d'assurance MACIF aux dépens de l'appel.
Il rappelle que le pénal ne tient plus le civil en l'état et que la définition de la faute intentionnelle et volontaire n'est pas la même en matière pénale et en matière civile. Elle estime en particulier que le manquement délibéré à l'obligation de prudence sanctionné pénalement ne peut pas être assimilé à un manquement qui conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 22 décembre 2023 (conclusions d'intimée), la SA AXA France Iard demande à la cour':
Vu l'article 145 du Code de procédure civile,
DEBOUTER la MACIF de son appel et de l'ensemble de ses demandes,
CONFIRMER l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon le 19 septembre 2023 en ce qu'elle a (reprise du dispositif de l'ordonnance de référé attaquée),
Y ajoutant
CONDAMNER la MACIF à payer à la Compagnie AXA France Iard la somme de 2'500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC,
LA CONDAMNER aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SELARL Mante Saroli Avocats Associés, sur son affirmation de droit.
Elle fait valoir que la question de la faute dolosive de l'assuré relève du juge du fond et que l'existence d'un motif légitime à voir ordonner une expertise est établie puisque la MACIF refuse sa garantie. Elle précise que l'expert a déjà convoqué les parties et qu'il s'est adjoint un sapiteur économiste pour chiffrer les préjudices.
***
Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 21 décembre 2013 (conclusions d'intimé n°1), l'association Entre2Toits demande à la cour':
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 19 septembre 2023,
Condamner la MACIF en tous les dépens d'appel
Elle rappelle que dans les suites de sa déclaration de sinistre et pendant les opérations d'expertise, la MACIF a dénié sa garantie par courrier du 22 avril 2022 compte tenu de la faute dolosive de M. [T] qui ressortirait, selon l'assureur, de l'enquête de police. Elle conteste ce refus de garantie puisque la jurisprudence interprète restrictivement la notion de faute dolosive de l'assuré. Elle relève que devant le tribunal correctionnel, M. [T], qui présente des troubles psychiatriques importants, a contesté avoir mis le feu volontairement. Elle souligne que la désorientation de l'intéressé au moment des faits a été confirmé par les témoins. Elle estime qu'il est difficile de soutenir que M. [T], qui a été secouru par des tiers, ait eu conscience de ses actes et ait souhaité le résultat.
***
M. [D] [T] et l'association tutélaire, désigné curateur de M. [T] selon jugement du 15 mai 2023, qui se sont vu signifier la déclaration d'appel par exploits du 15 février 2024 respectivement remise à personne et déposé à l'étude, n'ont pas constitué avocat.
***
Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.
MOTIFS,
Selon l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Sur la demande de mise hors de cause':
Lorsque la prétention est manifestement vouée à l'échec, le juge des référés doit considérer que la demande de mesure d'instruction in futurum n'est pas fondée sur un motif légitime.
Aux termes de l'article L.113-1 du Code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
En l'espèce, la société Macif invoque d'abord la seconde phrase de l'article L.113-1 précité pour considérer qu'elle ne doit pas sa garantie puisque le bénéficiaire de celle-ci, M. [T], a délibérément incendié l'appartement sous-loué. Elle renvoie à ce sujet à l'audition en garde à vue de l'intéressé, qui a reconnu les faits, et à sa condamnation pénale.
En réalité et comme justement retenu par le premier juge, la faute dolosive au sens du droit des assurances suppose un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables et cette définition ne se confond pas avec celle de la faute pénale. Dès lors, la circonstance que M. [T] ait été condamné pénalement en répression de faits qualifiés de destruction volontaire du bien d'autrui par moyens dangereux pour les personnes ne suffit pas à établir que la Macif serait nécessairement fondée à dénier sa garantie en invoquant la faute dolosive du bénéficiaire. En réalité, l'exclusion légale de garantie invoquée par l'appelante relève d'un débat de fond excédant les pouvoirs du juge des référés.
La Macif invoque ensuite les exclusions conventionnelles de garanties prévues par sa police. Or, l'interprétation d'un contrat suppose l'appréciation d'un ensemble d'éléments extrinsèques relevant là encore d'un débat de fond.
Ainsi, c'est par des motifs exacts et pertinents tant en droit qu'en fait et que la cour adopte expressément que le premier juge a retenu que le caractère évident de la faute dolosive que la MACIF prête à M. [T] n'est pas établi de sorte que l'assureur échoue à établir que toute demande de garantie à son encontre serait vouée à l'échec.
L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Macif, sera confirmée.
Sur la demande d'expertise':
L'existence d'un motif légitime de demander une des mesures d'instruction n'oblige à ordonner une telle mesure lorsque celle-ci est inutile.
En l'espèce, la société Macif considère que la mesure d'instruction ordonnée est inutile puisque, d'une part, les circonstances et causes du sinistre font l'objet d'une analyse partagée par les parties, et d'autre part, le chiffrage proposé par le cabinet Polyexpert lui est opposable dans la mesure où elle a participé aux opérations d'expertise amiable.
Or, la cour relève d'abord l'écart important entre les évaluations haute et basse retenues par l'expert amiable qui mentionne une fourchette entre 880'000 et 1'050'000 €. Il en résulte que ces évaluations, même opposables à la Macif, nécessitent à l'évidence d'être affinées puisque les grandeurs retenues ne sont manifestement pas de nature à épuiser d'éventuelles discussions entre les parties intéressées.
La cour relève ensuite que si la question de la faute dolosive de M. [T] ne relève évidemment pas de l'expertise sollicitée, s'agissant d'une question de nature juridique, la détermination de la cause du sinistre et de ses circonstances, permettant d'apprécier les responsabilités encourues qui peuvent le cas échéant être en concours, justifie là encore d'affiner les premières conclusions des experts d'assurance.
Il s'ensuit que Grand [Localité 9] Habitat et son assureur AXA France Iard justifient d'un motif légitime soulevant des questions de nature technique nécessitant l'avis d'un homme de l'art.
L'ordonnance attaquée, qui a accueilli la demande d'expertise judiciaire, est en conséquence confirmée.
Sur les demandes accessoires':
La Macif, partie perdante, est condamnée aux dépens à hauteur d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat de la société AXA France Iard, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, et l'appelante est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La cour condamne en outre à hauteur d'appel la Macif à payer à Grand [Localité 9] Habitat, à la société AXA France Iard la somme de 1'500 € chacun à valoir sur l'indemnisation de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l'ordonnance de référé rendue le 19 septembre 2023 par le Tribunal Judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la société d'assurance mutuelle La Macif, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL Mante Saroli Avocats Associés, sur son affirmation de droit, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile,
Rejette la demande la société d'assurance mutuelle La Macif au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société d'assurance mutuelle La Macif, prise en la personne de son représentant légal, à payer à l'Office Public de l'Habitat, dénommé Grand [Localité 9] Habitat, la somme de 1'500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société d'assurance mutuelle La Macif, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la société AXA France Iard la somme de 1'500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT
Décision du Tribunal Judiciaire de Lyon en référé du 19 septembre 2023
RG : 23/00729
Organisme MACIF
C/
[T]
Association ASSOCIATION TUTELAIRE RHODANIENNE
S.A. AXA FRANCE IARD
Association ENTRE 2 TOITS
Etablissement L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DÉNOMMÉ GRAND [Localité 9] HA BITAT, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ OPAC DU GRAND [Localité 9]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE LYON
8ème chambre
ARRÊT DU 23 Octobre 2024
APPELANTE :
La Compagnie d'assurance MACIF, immatriculée au RCS de NIORT sous le n°D781.452.511, dont le siège social est situé [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
Représentée par Me Romain LAFFLY de la SELARL LX LYON, avocat au barreau de LYON, toque : 938
Ayant pour avocat plaidant Me Denis DREYFUS, avocat au barreau GRENOBLE
INTIMÉS :
AXA FRANCE IARD S.A, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 722 057 460, dont le siège social est [Adresse 3] à NANTERRE CEDEX (92727) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Marie-christine MANTE-SAROLI de la SELARL MANTE SAROLI AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de LYON, toque : 1217
L'OFFICE PUBLIC DE L'HABITAT DÉNOMMÉ GRAND [Localité 9] HABITAT, ANCIENNEMENT DÉNOMMÉ OPAC DU GRAND [Localité 9], Etablissement Public Industriel et Commercial, immatriculé au RCS de [Localité 9] sous le n° 399 898 345, dont le siège social est [Adresse 8], agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège
Représentée par Me Catherine GAUTHIER de la SELARL LEVY ROCHE SARDA, avocat au barreau de LYON, toque : T 713
L'association ENTRE 2 TOITS, association loi de 1901 inscrite sous le numéro 39403257700030', dont le siège social est situé [Adresse 7], représentée par sa présidente en exercice domiciliée en cette qualité audit siège
Représentée par Me Nathalie PEQUIGNOT, avocat au barreau de LYON, toque : 158
M. [D] [T]
[Adresse 1]
[Localité 6]
Signification de la déclaration d'appel à personne le 31 octobre 2023
Défaillant
L'Association Tutélaire Rhodanienne (ATR), association dont le siège social est sis [Adresse 5] à [Localité 10], mandataire judiciaire à la protection des majeurs représenté par son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège, ès-qualités de curateur de Monsieur [D] [T] selon jugement du 15 mai 2023
Signification de la déclaration d'appel le 15 février 2024 en l'étude d'huissier dans le RG 24/00937
Défaillante
* * * * *
Date de clôture de l'instruction : 17 Septembre 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 17 Septembre 2024
Date de mise à disposition : 23 Octobre 2024
Composition de la Cour lors des débats et du délibéré :
- Bénédicte BOISSELET, président
- Véronique DRAHI, conseiller
- Nathalie LAURENT, conseiller
assistés pendant les débats de William BOUKADIA, greffier
A l'audience, un membre de la cour a fait le rapport,
Arrêt par défaut rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile,
Signé par Bénédicte BOISSELET, président, et par William BOUKADIA, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
* * * *
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon contrat en date du 31 mai 2021, l'Office Public de l'Habitat, dénommé Grand [Localité 9] Habitat, a consenti à l'association Entre2Toits un bail portant sur un appartement type T1 au 5ème étage d'un immeuble sis [Adresse 4] à [Localité 10] et par acte du même jour, cette association, qui a pour activité l'aide aux personnes en situation de difficulté et qui pratique l'intermédiation locative, a sous-loué ce logement à M. [D] [T] dans le cadre d'un bail glissant.
Grand [Localité 9] Habitat est assuré auprès de la SA AXA France Iard au titre d'une police propriétaire non-occupant et l'association Entre2Toits est assurée auprès la société MACIF au titre d'une police Habitation acquise au locataire, mais également aux bénéficiaires des sous-locations consenties.
Le 14 octobre 2021, un incendie s'est déclaré devant la porte du logement occupé par M. [D] [T], s'est propagé dans la cage d'escalier de l'immeuble et a été éteint par les sapeurs-pompiers après avoir détruit une partie de la toiture et endommagé différents appartements.
Par jugement du 16 novembre 2021, le Tribunal correctionnel de Lyon a déclaré M. [D] [T] coupable du délit de destruction volontaire du bien d'autrui par incendie et l'a condamné à une peine d'emprisonnement et à une mesure de suivi socio-judiciaire.
Le cabinet Polyexpert, mandaté par la société AXA France, assureur de Grand [Localité 9] Habitat, a établi un rapport d'expertise en date du 19 octobre 2021 retenant que M. [T] avait mis le feu intentionnellement au paillasson et à la porte palière de son logement. L'expert a dès lors estimé nécessaire de poursuivre les opérations d'expertise au contradictoire de l'association Entre2Toits, locataire principal susceptible de répondre de la responsabilité du sous-locataire, et de leur assureur.
Le cabinet Polyexpert a établi un deuxième rapport en date du 18 novembre 2021 en présence d'un expert mandaté par la MACIF et les experts mandatés par les parties représentées aux opérations ont signé un procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances de l'incendie.
Dans un troisième rapport contradictoire du 16 décembre 2021, le cabinet Polyexpert a estimé le montant des préjudices à une somme comprise en 880'000 € et 1'050'000 €.
Au mois de mai 2022, la société d'assurance mutuelle MACIF, considérant que sa garantie ne pouvait pas être mobilisée, a mis un terme à sa participation aux opérations d'expertise amiable.
Par actes de commissaire de justice des 18 et 19 avril 2023, l'EPIC Grand Lyon Habitat et la SA AXA France Iard ont fait assigner l'association Entre2Toits, la société MACIF et M. [D] [T] devant le Tribunal Judiciaire de Lyon en référé-expertise.
Par ordonnance de référé réputée contradictoire rendue le 19 septembre 2023, le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon a rejeté la demande de mise hors de cause présentée par la MACIF et ordonné une expertise judiciaire confiée à M. [I] [P].
Le juge des référés a retenu':
Que bien que les causes de l'incendie apparaissent avoir été admises par les assureurs dans le cadre de l'expertise amiable, cette expertise ne serait pas opposable à M. [T] qui n'y était pas représenté';
Que les diligences des parties pour déterminer le montant des préjudices subis n'ont pas abouties puisque la MACIF, qui dénie la mobilisation de sa garantie, a cessé de participer aux opérations d'expertise';
Qu'il est désormais jugé de concert par les deuxième et troisième chambres de la cour de cassation que la faute dolosive de l'assuré au sens de l'article L.113-1 du Code des assurances, que la MACIF invoque pour demander sa mise hors de cause, ne se confond pas avec la faute intentionnelle sanctionnée pénalement de sorte qu'elle ne s'infert pas de l'enquête pénale et de la condamnation de M. [T] par le Tribunal correctionnel'; que le caractère évident de la faute dolosive que la MACIF prête à M. [T] n'est pas établit de sorte que l'assureur échoue à établir que toute demande de garantie à son encontre serait vouée à l'échec';
Que la MACIF ne peut en outre prétendre que l'expertise amiable suffirait au chiffrage du préjudice puisque aucune condamnation ne pourrait être prononcée à son encontre sur la base d'une expertise non-contradictoire.
Par déclarations en date des 19 octobre 2023 et 2 février 2024, la MACIF a relevé appel de cette décision en tous ses chefs et, par avis de fixation des 26 octobre 2023 et 8 février 2024 pris en vertu de l'article 905 et suivants du Code de procédure civile, l'affaire a été fixée à bref délai.
Constatant qu'il existait entre les litiges un lien tel qu'il était de l'intérêt d'une bonne justice de les faire instruire et juger ensemble, une ordonnance de jonction a été rendue le 13 mars 2024.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 21 mars 2024 (conclusions d'appelante n°3), la MACIF demande à la cour':
Vu l'article L.113-1 du Code des assurances,
DEBOUTER l'association Entre2Toits, la société AXA Iard et Grand [Localité 9] Habitat de l'intégralité de leurs demandes formulées dans le cadre de leur appel incident,
REFORMER l'ordonnance de référé en date du 19 septembre 2023 du Tribunal Judiciaire de Lyon (RG : 23/00729),
En conséquence :
ORDONNER la mise hors de cause de la MACIF,
DEBOUTER Grand [Localité 9] Habitat, et AXA France Iard de toutes leurs demandes, fins et conclusions en tant que dirigées à l'encontre de la Compagnie LA MACIF.
A titre subsidiaire,
REJETER la demande d'expertise judiciaire sollicitée par Grand [Localité 9] Habitat et AXA France Iard,
En tout état de cause :
CONDAMNER Grand [Localité 9] Habitat et AXA France Iard au paiement de la somme de 2'000€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,
CONDAMNER Grand [Localité 9] Habitat, et AXA France Iard aux entiers dépens.
En fait, elle expose que le contrat d'assurance souscrit par l'association Entre2Toits bénéficie à cette dernière, ainsi qu'à M. [T] et elle rappelle qu'elle a régulièrement été destinataire d'une déclaration de sinistre suite à l'incendie du 14 octobre 2021. Elle rappelle les aveux circonstanciés de M. [T] devant les services de police comme ayant délibérément incendié son appartement et elle souligne les expertises réalisées ont confirmé que l'incendie avait débuté dans cet appartement.
En droit, elle invoque l'article L.113-1 du Code des assurance pour considérer qu'à raison de la faute dolosive de M. [T], elle n'est pas tenue à garantie. Elle rappelle qu'en droit des assurances, la faute dolosive correspond à un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, ce qui correspond aux déclarations de M. [T] devant les services de police et à sa condamnation par le tribunal correctionnel de Lyon. Elle juge critiquable l'analyse du juge des référés puisque les causes de l'incendie ne font pas question. Elle ajoute qu'une éventuelle altération du discernement serait sans incidence sur la conscience des conséquences dommageables.
Elle invoque ensuite l'exclusion de garantie prévue par les conditions générales de la police qui porte sur les fautes dolosives mais également les dommages causés intentionnellement ou résultant d'un délit.
A titre subsidiaire, elle estime que les parties adverses ne justifient pas d'un motif légitime puisque les causes du sinistre sont connues et le préjudice chiffré. Elle juge erroné le dernier argument retenu par le juge des référés puisqu'une condamnation peut être prononcée sur la base d'une expertise amiable dès lors qu'elle est contradictoirement débattue et corroborée par d'autres éléments. En tout état de cause, elle rappelle qu'ayant été convoquée aux opérations d'expertises amiables, celles-ci lui sont opposables. Elle précise qu'elle n'entend pas s'opposer aux chiffrages retenus.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 11 avril 2024 (conclusions d'intimé n°2), l'Office Public de l'Habitat, dénommé Grand [Localité 9] Habitat, anciennement dénommé OPAC du Grand [Localité 9], demande à la cour':
Vu l'article 145 du Code de procédure civile,
REJETTER toutes les demandes formées par la compagnie d'assurance MACIF,
CONFIRMER l'ordonnance de référé du Président du Tribunal Judiciaire de Lyon du 19 septembre 2023 en ce qu'elle a : (reprise du dispositif de l'ordonnance de référé attaquée),
Y AJOUTANT :
CONDAMNER la Compagnie d'assurance MACIF à payer à GRAND [Localité 9] HABITAT la somme de 3'000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile en cause d'appel,
CONDAMNER la Compagnie d'assurance MACIF aux dépens de l'appel.
Il rappelle que le pénal ne tient plus le civil en l'état et que la définition de la faute intentionnelle et volontaire n'est pas la même en matière pénale et en matière civile. Elle estime en particulier que le manquement délibéré à l'obligation de prudence sanctionné pénalement ne peut pas être assimilé à un manquement qui conduirait à la réalisation inéluctable du sinistre.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 22 décembre 2023 (conclusions d'intimée), la SA AXA France Iard demande à la cour':
Vu l'article 145 du Code de procédure civile,
DEBOUTER la MACIF de son appel et de l'ensemble de ses demandes,
CONFIRMER l'ordonnance de référé rendue par le Président du Tribunal Judiciaire de Lyon le 19 septembre 2023 en ce qu'elle a (reprise du dispositif de l'ordonnance de référé attaquée),
Y ajoutant
CONDAMNER la MACIF à payer à la Compagnie AXA France Iard la somme de 2'500 € en application des dispositions de l'article 700 du CPC,
LA CONDAMNER aux entiers dépens d'appel, distraits au profit de la SELARL Mante Saroli Avocats Associés, sur son affirmation de droit.
Elle fait valoir que la question de la faute dolosive de l'assuré relève du juge du fond et que l'existence d'un motif légitime à voir ordonner une expertise est établie puisque la MACIF refuse sa garantie. Elle précise que l'expert a déjà convoqué les parties et qu'il s'est adjoint un sapiteur économiste pour chiffrer les préjudices.
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Aux termes de ses écritures remises au greffe par voie électronique le 21 décembre 2013 (conclusions d'intimé n°1), l'association Entre2Toits demande à la cour':
Confirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance de référé rendue le 19 septembre 2023,
Condamner la MACIF en tous les dépens d'appel
Elle rappelle que dans les suites de sa déclaration de sinistre et pendant les opérations d'expertise, la MACIF a dénié sa garantie par courrier du 22 avril 2022 compte tenu de la faute dolosive de M. [T] qui ressortirait, selon l'assureur, de l'enquête de police. Elle conteste ce refus de garantie puisque la jurisprudence interprète restrictivement la notion de faute dolosive de l'assuré. Elle relève que devant le tribunal correctionnel, M. [T], qui présente des troubles psychiatriques importants, a contesté avoir mis le feu volontairement. Elle souligne que la désorientation de l'intéressé au moment des faits a été confirmé par les témoins. Elle estime qu'il est difficile de soutenir que M. [T], qui a été secouru par des tiers, ait eu conscience de ses actes et ait souhaité le résultat.
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M. [D] [T] et l'association tutélaire, désigné curateur de M. [T] selon jugement du 15 mai 2023, qui se sont vu signifier la déclaration d'appel par exploits du 15 février 2024 respectivement remise à personne et déposé à l'étude, n'ont pas constitué avocat.
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Il est renvoyé aux écritures des parties pour plus ample exposé des moyens venant à l'appui de leurs prétentions.
MOTIFS,
Selon l'article 145 du Code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Sur la demande de mise hors de cause':
Lorsque la prétention est manifestement vouée à l'échec, le juge des référés doit considérer que la demande de mesure d'instruction in futurum n'est pas fondée sur un motif légitime.
Aux termes de l'article L.113-1 du Code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré.
En l'espèce, la société Macif invoque d'abord la seconde phrase de l'article L.113-1 précité pour considérer qu'elle ne doit pas sa garantie puisque le bénéficiaire de celle-ci, M. [T], a délibérément incendié l'appartement sous-loué. Elle renvoie à ce sujet à l'audition en garde à vue de l'intéressé, qui a reconnu les faits, et à sa condamnation pénale.
En réalité et comme justement retenu par le premier juge, la faute dolosive au sens du droit des assurances suppose un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables et cette définition ne se confond pas avec celle de la faute pénale. Dès lors, la circonstance que M. [T] ait été condamné pénalement en répression de faits qualifiés de destruction volontaire du bien d'autrui par moyens dangereux pour les personnes ne suffit pas à établir que la Macif serait nécessairement fondée à dénier sa garantie en invoquant la faute dolosive du bénéficiaire. En réalité, l'exclusion légale de garantie invoquée par l'appelante relève d'un débat de fond excédant les pouvoirs du juge des référés.
La Macif invoque ensuite les exclusions conventionnelles de garanties prévues par sa police. Or, l'interprétation d'un contrat suppose l'appréciation d'un ensemble d'éléments extrinsèques relevant là encore d'un débat de fond.
Ainsi, c'est par des motifs exacts et pertinents tant en droit qu'en fait et que la cour adopte expressément que le premier juge a retenu que le caractère évident de la faute dolosive que la MACIF prête à M. [T] n'est pas établi de sorte que l'assureur échoue à établir que toute demande de garantie à son encontre serait vouée à l'échec.
L'ordonnance attaquée, en ce qu'elle a rejeté la demande de mise hors de cause de la société Macif, sera confirmée.
Sur la demande d'expertise':
L'existence d'un motif légitime de demander une des mesures d'instruction n'oblige à ordonner une telle mesure lorsque celle-ci est inutile.
En l'espèce, la société Macif considère que la mesure d'instruction ordonnée est inutile puisque, d'une part, les circonstances et causes du sinistre font l'objet d'une analyse partagée par les parties, et d'autre part, le chiffrage proposé par le cabinet Polyexpert lui est opposable dans la mesure où elle a participé aux opérations d'expertise amiable.
Or, la cour relève d'abord l'écart important entre les évaluations haute et basse retenues par l'expert amiable qui mentionne une fourchette entre 880'000 et 1'050'000 €. Il en résulte que ces évaluations, même opposables à la Macif, nécessitent à l'évidence d'être affinées puisque les grandeurs retenues ne sont manifestement pas de nature à épuiser d'éventuelles discussions entre les parties intéressées.
La cour relève ensuite que si la question de la faute dolosive de M. [T] ne relève évidemment pas de l'expertise sollicitée, s'agissant d'une question de nature juridique, la détermination de la cause du sinistre et de ses circonstances, permettant d'apprécier les responsabilités encourues qui peuvent le cas échéant être en concours, justifie là encore d'affiner les premières conclusions des experts d'assurance.
Il s'ensuit que Grand [Localité 9] Habitat et son assureur AXA France Iard justifient d'un motif légitime soulevant des questions de nature technique nécessitant l'avis d'un homme de l'art.
L'ordonnance attaquée, qui a accueilli la demande d'expertise judiciaire, est en conséquence confirmée.
Sur les demandes accessoires':
La Macif, partie perdante, est condamnée aux dépens à hauteur d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de l'avocat de la société AXA France Iard, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile, et l'appelante est déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
La cour condamne en outre à hauteur d'appel la Macif à payer à Grand [Localité 9] Habitat, à la société AXA France Iard la somme de 1'500 € chacun à valoir sur l'indemnisation de leurs frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Confirme l'ordonnance de référé rendue le 19 septembre 2023 par le Tribunal Judiciaire de Lyon en toutes ses dispositions.
Y ajoutant,
Condamne la société d'assurance mutuelle La Macif, prise en la personne de son représentant légal, aux dépens de l'instance d'appel, avec droit de recouvrement direct au profit de la SELARL Mante Saroli Avocats Associés, sur son affirmation de droit, dans les conditions de l'article 699 du Code de procédure civile,
Rejette la demande la société d'assurance mutuelle La Macif au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société d'assurance mutuelle La Macif, prise en la personne de son représentant légal, à payer à l'Office Public de l'Habitat, dénommé Grand [Localité 9] Habitat, la somme de 1'500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile,
Condamne la société d'assurance mutuelle La Macif, prise en la personne de son représentant légal, à payer à la société AXA France Iard la somme de 1'500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRESIDENT