Décisions
CA Dijon, 1re ch. civ., 22 octobre 2024, n° 18/01665
DIJON
Arrêt
Autre
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
C/
[F] [Y]
[C] [Y]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2024
N° RG 18/01665 - N° Portalis DBVF-V-B7C-FESY
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 novembre 2018,
rendu par le tribunal de grande instance de Dijon - RG : 15/01136
APPELANTE :
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône élisant domicile en ses bureaux :
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
INTIMÉS :
Monsieur [F] [Y]
né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 8] (52)
Madame [C] [Y]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 6]
demeurant ensemble : [Adresse 5]
assistés de Me Jean François CHRONOWSKI, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représentés par Me Delphine SAILLARD, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 17
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 septembre 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 22 Octobre 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société holding animatrice Fineylia PME a été constituée le 17 avril 2009 et immatriculée le 5 juin 2009.
Le 8 juin 2009, M. [F] [Y] a souscrit 639 actions de cette société, pour la somme de 63 900 euros.
Dans leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des années 2009 et suivantes, M. [F] [Y] et son épouse Mme [C] [Y] ont fait état de cet investissement et ont à ce titre bénéficié de la réduction d'impôt prévue par l'article 885-0 V bis du code général des impôts.
A l'issue d'une procédure de contrôle, l'administration fiscale a adressé, le 10 septembre 2013, aux époux [Y], une proposition de rectification portant sur cette réduction d'impôt au titre des années 2009, 2010 et 2012.
Suite aux observations des époux [Y] émises le 29 octobre 2013, l'administration fiscale a, par courrier du 23 mai 2014, maintenu la rectification au seul titre de l'année 2009, à hauteur de 57 702 euros, dont 47 925 euros de principal.
Le 24 juillet 2014, elle a émis un avis de mise en recouvrement pour ce montant.
Le 21 août 2014, le Trésor public a adressé aux contribuables une mise en demeure valant commandement de payer la somme de 57.702 euros, puis le 27 août 2014 une demande de garantie.
Maintenant leurs contestations, les époux [Y] ont, le 15 décembre 2014, adressé aux services fiscaux, une réclamation contentieuse avec demande de sursis de paiement, laquelle a été rejetée par décision du 7 janvier 2015.
Par acte du 27 février 2015, les époux [Y] ont fait assigner la direction générale des finances publiques pôle de contrôle des revenus et du patrimoine devant le tribunal de grande instance de Dijon, aux fins essentiellement d'obtenir le dégrèvement de l'imposition contestée.
Par jugement du 5 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Dijon a :
- annulé la décision de rejet du recours contentieux en date du 7 janvier 2015,
- ordonné le dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée,
- ordonné le remboursement à M. et Mme [Y], par l'administration fiscale des dépens dans les termes de l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales,
- débouté M. et Mme [Y] de leur demande articulée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 07 décembre 2018, la direction générale des finances publiques a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 23 juin 2022, le conseiller de la mise en état a décidé d'un sursis à statuer dans l'attente des 'décisions définitives' à intervenir ensuite des pourvois inscrits contre les arrêts de la présente cour du 12 octobre 2021 rendus dans les instances 19/283, 19/284 et 19/285.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a statué par trois arrêts rendus le 1er juin 2023, sous les n° 22-11.515, 22-11.516 et 22-11.517. Elle a cassé les arrêts rendus le 12 octobre 2021 par la présente cour et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Besançon qui dans trois arrêts du 4 juin 2024, rendus dans les instances 23/1255, 23/1356 et 23/1357, a débouté les contribuables de toutes leurs demandes.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'appelante n° 3 notifiées le 29 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la direction générale des finances publiques demande à la cour, au visa des articles 885-0 V bis du code général des impôts et L. 80 A du livre des procédures fiscales, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et en conséquence, de :
- confirmer la décision administrative de rejet du 07 janvier 2015,
- débouter les contribuables de leurs demandes,
- condamner les contribuables aux entiers dépens d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de son conseil aux offres de droit,
- condamner les contribuables à verser à l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions d'intimés n° 4 notifiées le 24 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, M. [F] [Y] et Mme [C] [Y] demandent à la cour de :
' à titre principal, confirmer dans toutes ses dispositions, le jugement du 5 novembre 2018 du tribunal de grande instance de Dijon,
' à titre subsidiaire,
- déclarer non fondée la décision du 7 janvier 2015 de la direction générale des finances publiques,
- annuler en conséquence le rejet de la réclamation contentieuse prononcé le 7 janvier 2015,
- ordonner à la direction générale des finances publiques de tirer les conséquences de cette annulation et de procéder au dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée.
' en tout état de cause,
- condamner la direction générale des finances publiques à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu des honoraires d'avocats et des frais qu'ils ont dû engager pour faire reconnaître leurs droits,
- condamner la direction générale des finances publiques aux entiers dépens de l'instance.
La clôture est intervenue le 11 janvier 2024.
MOTIVATION
Sur le dispositif légal
Il résulte du I, 1, de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, applicable à l'année 2009, que le redevable de l'ISF peut, dans la limite de 50 000 euros, imputer sur cet impôt, 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, sous réserve que la société bénéficiaire de ces versements remplisse les conditions suivantes :
- a) être une petite et moyenne entreprise au sens de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 06 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie),
- b) exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885, O, quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d'immeubles,
- c) avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale,
- d) ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger,
- e) être soumise à l'impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ou y être soumise dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France,
- f) être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006/C194/02),
- g) ne pas être qualifiable d'entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté ou relever des secteurs de la construction navale, de l'industrie houillère ou de la sidérurgie.
Il résulte du I, 3 de ce même article que cet avantage fiscal s'applique également aux souscriptions en numéraire au capital d'une société satisfaisant aux conditions suivantes :
a) la société vérifie l'ensemble des conditions précitées, à l'exception de celles prévues aux b et f,
b) elle a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au b ci-dessus,
c) elle ne compte pas plus de cinquante associés ou actionnaires,
d) elle a exclusivement pour mandataires sociaux des personnes physiques,
e) elle n'accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions ni aucun mécanisme automatique de sortie au terme de cinq ans.
Selon la doctrine administrative exposée dans le bulletin officiel des impôts n° 41 du 11 avril 2008 référencé 7 S-3-08, il convient pour l'application de ce dispositif, d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites.
Les sociétés holding animatrices sont définies au point 26 du bulletin, comme les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations :
- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales,
- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (cf. DB 7 S 3323 n°16 et suivants).
Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d'impôt en tant que simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier.
Sur le droit de reprise de l'administration fiscale
Aux termes de l'article L.186 du livre des procédures fiscales, lorsqu'il n'est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt.
L'article L.180 du même livre dispose que pour l'ISF, le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due à condition que l'exigibilité des droits et taxes ait été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité ou par la réponse du redevable à la demande de l'administration prévue au a de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales, et qu'il ne soit pas nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.
Les époux [Y] soutiennent et le tribunal a retenu qu'en l'espèce, les dispositions de l'article L.180 du livre des procédures fiscales s'appliquent et qu'aucune rectification ne pouvait en conséquence être opérée en septembre 2013, au titre de l'année 2009.
Il est constant que lors de leur déclaration d'ISF au titre de l'année 2009, les époux [Y] ont satisfait à leurs obligations déclaratives telles que prescrites par l'article 299 septies de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-336 du 14 avril 2008, en joignant à leur déclaration une attestation ayant notamment pour objet d'identifier la société Fineylia PME et de préciser les souscriptions effectués par M. [Y] : cf pièce 6 du dossier de l'appelante.
Toutefois, contrairement à ce qu'indiquent les intimés, cette 'attestation établie en application de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts' ne précise notamment pas les dates de création et d'immatriculation de la société Fineylia PME. Par ailleurs, les intimés n'établissent nullement que, via leur déclaration d'ISF au titre de l'année 2009 et les éléments joints, le cas échéant spontanément, à cette déclaration -non produits aux débats-, l'administration fiscale avait 'parfaitement connaissance' de ces dates, qui, selon eux, suffisaient à révéler que la société Fineylia PME ne pouvait détenir aucune participation au 8 juin 2009, soit trois jours après son immatriculation.
Enfin, s'il est indiqué dans cette attestation que la société Fineylia PME satisfait aux conditions exigées par l'article 885-0, V bis du code général des impôts, cette simple affirmation ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend.
En conséquence, la déclaration d'ISF au titre de l'année 2009, même accompagnée de l'attestation mentionnée ci-dessus, ne suffisait pas à justifier du droit à bénéficier de l'avantage fiscal revendiqué et imposait à l'administration fiscale de faire des recherches pour apprécier si les époux [Y] pouvaient prétendre à une réduction de l'ISF au titre de la souscription de 639 actions de la société Fineylia PME, notamment au regard des conditions que devait remplir cette société.
Les conditions d'application de l'article L.180 du livre des procédures fiscales ne sont donc pas remplies en l'espèce, si bien que l'administration fiscale pouvait, en 2013, opérer une rectification au titre de l'année 2009.
Le jugement dont appel doit donc être infirmé.
Sur le bien-fondé de la rectification opérée
Il y a lieu de rappeler que les conditions prescrites par la loi pour bénéficier de la réduction litigieuse s'apprécient en l'espèce au 8 juin 2009, cette date n'étant pas discutée par les époux [Y].
Ceux-ci admettent qu'à cette date, la société Fineylia PME ne détenait aucune participation dans quelque société que ce soit, sa première prise de participation dans le capital d'une société étant du 2 avril 2010.
Cette circonstance suffit à fonder la rectification opérée par les services fiscaux, les époux [Y] se référant en vain à l'objet social de la société Fineylia PME et invoquant, tout aussi vainement, le fait que la société Fineylia PME avait, dès sa création, le projet de financer la construction et l'exploitation d'un hôtel à [Localité 7] (cf PV de réunion du directoire du 20 avril 2009), projet qui s'est effectivement réalisé (cf notamment convention de prestation de services du 31 mai 2010) mais postérieurement au 8 juin 2009, ce qui a d'ailleurs conduit l'administration fiscale à ne pas opérer de rectification au titre des années 2010 et suivantes.
En effet, il est désormais de jurisprudence établie (cf arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 mars 2021 n°19-22.397 et n°19-21.161) qu'une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, de sorte que la souscription à son capital n'est pas éligible à la réduction d'ISF prévue par ce texte.
Les époux [Y] prétendent que la société Fineylia PME doit être regardée comme étant en 2009, en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion.
Cette notion se réfère à la condition prescrite par le I, 1, f) de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts, en cas d'investissement direct dans une PME. Mais, il résulte tant du I, 3 de cet article que du point 81 du bulletin officiel des impôts n° 41 du 11 avril 2008 référencé 7 S-3-08, qu'en cas d'investissement indirect via une société holding, cette condition ne s'applique qu'à la société cible.
La doctrine administrative admet néanmoins au point 91 du bulletin précité, que les sociétés holding animatrices de leur groupe peuvent être considérées comme étant en phase de croissance ou d'expansion, dès lors que les versements reçus sont utilisés pour l'acquisition de participations nouvelles. Toutefois, les époux [Y] ne peuvent pas utilement s'en prévaloir dès lors que les fonds investis le 8 juin 2009 ne l'étaient pas au profit d'une société holding qui animait déjà de manière effective un groupe et n'étaient pas destinés à l'acquisition de nouvelles participations mais à l'acquisition de premières participations.
Les époux [Y] font valoir que les dispositions de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts ont été modifiées par la loi de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 ayant introduit une condition supplémentaire pour bénéficier de l'avantage fiscal, en ces termes : Les souscriptions réalisées au capital d'une société holding animatrice ouvrent droit à l'avantage fiscal mentionné au I lorsque la société est constituée et contrôle au moins une filiale depuis au moins douze mois.
Ils indiquent que cette condition n'était pas prescrite par la loi en 2009, ce qui est exact, étant observé que l'administration fiscale rappelle à juste titre que la rectification contestée n'est pas fondée sur les dispositions de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts telles que modifiées par la loi de finances pour 2011. La cour relève en outre que cette modification a été adoptée pour 'mettre un terme à des pratiques d'optimisation' fiscale, dont la conformité à la loi est justement discutée en l'espèce et a été récemment examinée par la chambre commerciale de la Cour de cassation : cf arrêts du 3 mars 2021 cités ci-dessus.
Les époux [Y] déduisent a contrario de la modification législative de 2011 que 'la phase préparatoire que la société Fineylia PME a conduite entre le moment de sa constitution et l'acquisition de sa première filiale peut (...) être intégrée à son activité commerciale' en se fondant sur une déclaration de la direction de la législation fiscale lors d'une conférence du 13 octobre 2015 organisée par l'Institut des avocats conseils fiscaux. Il résulte des pièces produites aux débats par les intimés que cette déclaration, retranscrite par les éditions Francis Lefebvre, a été faite au sujet du régime des plus-values de cession de titres, plus précisément au sujet de l'abattement renforcé accordé à compter du 1er janvier 2014, aux dirigeants cédant leurs titres à l'occasion de leur départ à la retraite. Elle ne peut donc, en aucun cas, être opposée à l'administration pour revendiquer le bénéfice d'un autre avantage fiscal.
Toujours en faveur d'une interprétation a contrario de la modification législative intervenue en 2011, les époux [Y] invoquent en dernier lieu un courrier du 22 décembre 2016 de M. [E] [T], alors président de la commission des finances à l'Assemblée nationale et rapporteur à ce titre de la loi de finances du 27 décembre 2010, que leur conseil a interrogé en ses termes : 'A contrario, il était donc envisageable entre 2007 et 2010, pour les holdings animatrices nouvellement constituées, de bénéficier de la loi TEPA quand bien même elles ne détiendraient aucune participation lors de leur constitution, dans la mesure où cette prise de participation est intervenue avant la clôture de leur premier bilan. (...). Nous saurions gré de bien vouloir nous confirmer que de votre point de vue, en votre qualité de rédacteur de la loi modifiant la loi TEPA, il était tout à fait envisageable, pour la période comprise entre 2007 et 2010 de constituer une société holding animatrice ex nihilo et que subséquemment, cette dernière prenne une participation de contrôle dans une société ayant une activité industrielle et commerciale, en l'espèce l'exploitation d'un hôtel'.
Si dans sa réponse du 22 décembre 2016, M. [T] rappelle qu'il était effectivement envisageable avant 2011 de 'créer concomitamment une société holding animatrice ainsi qu'une et plusieurs filiales dans le seul but de bénéficier de conditions plus favorables pour les souscriptions réalisées dans le cadre de l'ISF-PME', il rappelle également que cette pratique était considérée comme abusive et que la modification était justement destinée à mettre fin à de tels abus et il ajoute que l'appréciation de l'éligibilité d'une telle opération au dispositif de réduction de l'ISF ne relève pas de la loi mais de la doctrine administrative et des juridictions amenées à se prononcer sur des contentieux opposant l'administration fiscale à des contribuables.
Ainsi, cette réponse parlementaire n'a pas la portée que lui donne les intimés et ne peut en tout état de cause pas lier la cour.
Il résulte de tout ce qui précède que les époux [Y] ne pouvaient pas, au titre de l'année 2009, se prévaloir des dispositions de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts et bénéficier d'une réduction de l'ISF dont ils étaient redevables.
Il convient donc de les débouter de leur demande tendant à déclarer non fondée la rectification opérée par l'administration fiscale.
Sur les frais de procès
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par les époux [Y], le bénéfice de l'article 699 du même code étant accordé au conseil de l'administration fiscale.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de l'administration fiscale. Mais dans les circonstances particulières de l'espèce, la cour laisse à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute les époux [F] et [C] [Y] de toutes leurs demandes,
Condamne les époux [F] et [C] [Y] aux dépens de première instance et d'appel,
Autorise Maître [J] [P] à recouvrer directement à leur encontre les dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision,
Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,
C/
[F] [Y]
[C] [Y]
Expédition et copie exécutoire délivrées aux avocats le
COUR D'APPEL DE DIJON
1ère chambre civile
ARRÊT DU 22 OCTOBRE 2024
N° RG 18/01665 - N° Portalis DBVF-V-B7C-FESY
MINUTE N°
Décision déférée à la Cour : jugement du 05 novembre 2018,
rendu par le tribunal de grande instance de Dijon - RG : 15/01136
APPELANTE :
DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES poursuites et diligences du Directeur Régional des Finances Publiques de Provence-Alpes-Côte d'Azur et du département des Bouches-du-Rhône élisant domicile en ses bureaux :
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Claire GERBAY, avocat au barreau de DIJON, vestiaire : 126
INTIMÉS :
Monsieur [F] [Y]
né le [Date naissance 4] 1949 à [Localité 8] (52)
Madame [C] [Y]
née le [Date naissance 2] 1956 à [Localité 6]
demeurant ensemble : [Adresse 5]
assistés de Me Jean François CHRONOWSKI, avocat au barreau de LYON, plaidant, et représentés par Me Delphine SAILLARD, avocat au barreau de DIJON, postulant, vestiaire : 17
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 03 septembre 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre,
Sophie BAILLY, Conseiller,
Bénédicte KUENTZ, Conseiller,
Après rapport fait à l'audience par l'un des magistrats de la composition, la cour, comme ci-dessus composée a délibéré.
GREFFIER LORS DES DÉBATS : Aurore VUILLEMOT, Greffier
DÉBATS : l'affaire a été mise en délibéré au 22 Octobre 2024,
ARRÊT : rendu contradictoirement,
PRONONCÉ : publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
SIGNÉ : par Viviane CAULLIREAU-FOREL, Président de chambre, et par Aurore VUILLEMOT, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
La société holding animatrice Fineylia PME a été constituée le 17 avril 2009 et immatriculée le 5 juin 2009.
Le 8 juin 2009, M. [F] [Y] a souscrit 639 actions de cette société, pour la somme de 63 900 euros.
Dans leurs déclarations d'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) des années 2009 et suivantes, M. [F] [Y] et son épouse Mme [C] [Y] ont fait état de cet investissement et ont à ce titre bénéficié de la réduction d'impôt prévue par l'article 885-0 V bis du code général des impôts.
A l'issue d'une procédure de contrôle, l'administration fiscale a adressé, le 10 septembre 2013, aux époux [Y], une proposition de rectification portant sur cette réduction d'impôt au titre des années 2009, 2010 et 2012.
Suite aux observations des époux [Y] émises le 29 octobre 2013, l'administration fiscale a, par courrier du 23 mai 2014, maintenu la rectification au seul titre de l'année 2009, à hauteur de 57 702 euros, dont 47 925 euros de principal.
Le 24 juillet 2014, elle a émis un avis de mise en recouvrement pour ce montant.
Le 21 août 2014, le Trésor public a adressé aux contribuables une mise en demeure valant commandement de payer la somme de 57.702 euros, puis le 27 août 2014 une demande de garantie.
Maintenant leurs contestations, les époux [Y] ont, le 15 décembre 2014, adressé aux services fiscaux, une réclamation contentieuse avec demande de sursis de paiement, laquelle a été rejetée par décision du 7 janvier 2015.
Par acte du 27 février 2015, les époux [Y] ont fait assigner la direction générale des finances publiques pôle de contrôle des revenus et du patrimoine devant le tribunal de grande instance de Dijon, aux fins essentiellement d'obtenir le dégrèvement de l'imposition contestée.
Par jugement du 5 novembre 2018, le tribunal de grande instance de Dijon a :
- annulé la décision de rejet du recours contentieux en date du 7 janvier 2015,
- ordonné le dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée,
- ordonné le remboursement à M. et Mme [Y], par l'administration fiscale des dépens dans les termes de l'article R 207-1 du livre des procédures fiscales,
- débouté M. et Mme [Y] de leur demande articulée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Par déclaration du 07 décembre 2018, la direction générale des finances publiques a interjeté appel de ce jugement.
Par ordonnance du 23 juin 2022, le conseiller de la mise en état a décidé d'un sursis à statuer dans l'attente des 'décisions définitives' à intervenir ensuite des pourvois inscrits contre les arrêts de la présente cour du 12 octobre 2021 rendus dans les instances 19/283, 19/284 et 19/285.
La chambre commerciale de la Cour de cassation a statué par trois arrêts rendus le 1er juin 2023, sous les n° 22-11.515, 22-11.516 et 22-11.517. Elle a cassé les arrêts rendus le 12 octobre 2021 par la présente cour et a renvoyé l'affaire et les parties devant la cour d'appel de Besançon qui dans trois arrêts du 4 juin 2024, rendus dans les instances 23/1255, 23/1356 et 23/1357, a débouté les contribuables de toutes leurs demandes.
Aux termes du dispositif de ses conclusions d'appelante n° 3 notifiées le 29 août 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de ses prétentions, la direction générale des finances publiques demande à la cour, au visa des articles 885-0 V bis du code général des impôts et L. 80 A du livre des procédures fiscales, de réformer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et en conséquence, de :
- confirmer la décision administrative de rejet du 07 janvier 2015,
- débouter les contribuables de leurs demandes,
- condamner les contribuables aux entiers dépens d'appel, dont distraction pour ces derniers au profit de son conseil aux offres de droit,
- condamner les contribuables à verser à l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Aux termes du dispositif de leurs conclusions d'intimés n° 4 notifiées le 24 novembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens développés au soutien de leurs prétentions, M. [F] [Y] et Mme [C] [Y] demandent à la cour de :
' à titre principal, confirmer dans toutes ses dispositions, le jugement du 5 novembre 2018 du tribunal de grande instance de Dijon,
' à titre subsidiaire,
- déclarer non fondée la décision du 7 janvier 2015 de la direction générale des finances publiques,
- annuler en conséquence le rejet de la réclamation contentieuse prononcé le 7 janvier 2015,
- ordonner à la direction générale des finances publiques de tirer les conséquences de cette annulation et de procéder au dégrèvement en principal, intérêts et pénalités de l'imposition contestée.
' en tout état de cause,
- condamner la direction générale des finances publiques à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, compte tenu des honoraires d'avocats et des frais qu'ils ont dû engager pour faire reconnaître leurs droits,
- condamner la direction générale des finances publiques aux entiers dépens de l'instance.
La clôture est intervenue le 11 janvier 2024.
MOTIVATION
Sur le dispositif légal
Il résulte du I, 1, de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi n°2008-1443 du 30 décembre 2008, applicable à l'année 2009, que le redevable de l'ISF peut, dans la limite de 50 000 euros, imputer sur cet impôt, 75 % des versements effectués au titre de souscriptions au capital initial ou aux augmentations de capital de sociétés, en numéraire ou en nature à l'exception des actifs immobiliers et des valeurs mobilières, sous réserve que la société bénéficiaire de ces versements remplisse les conditions suivantes :
- a) être une petite et moyenne entreprise au sens de l'annexe I au règlement (CE) n° 800/2008 de la Commission du 06 août 2008 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché commun en application des articles 87 et 88 du traité (Règlement général d'exemption par catégorie),
- b) exercer exclusivement une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, à l'exclusion des activités de gestion de patrimoine mobilier définie à l'article 885, O, quater, notamment celles des organismes de placement en valeurs mobilières, et des activités de gestion ou de location d'immeubles,
- c) avoir son siège de direction effective dans un Etat membre de la Communauté européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale,
- d) ses titres ne sont pas admis aux négociations sur un marché réglementé français ou étranger,
- e) être soumise à l'impôt sur les bénéfices dans les conditions de droit commun ou y être soumise dans les mêmes conditions si l'activité était exercée en France,
- f) être en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion au sens des lignes directrices concernant les aides d'Etat visant à promouvoir les investissements en capital-investissement dans les petites et moyennes entreprises (2006/C194/02),
- g) ne pas être qualifiable d'entreprise en difficulté au sens des lignes directrices communautaires concernant les aides d'Etat au sauvetage et à la restructuration d'entreprises en difficulté ou relever des secteurs de la construction navale, de l'industrie houillère ou de la sidérurgie.
Il résulte du I, 3 de ce même article que cet avantage fiscal s'applique également aux souscriptions en numéraire au capital d'une société satisfaisant aux conditions suivantes :
a) la société vérifie l'ensemble des conditions précitées, à l'exception de celles prévues aux b et f,
b) elle a pour objet exclusif de détenir des participations dans des sociétés exerçant une des activités mentionnées au b ci-dessus,
c) elle ne compte pas plus de cinquante associés ou actionnaires,
d) elle a exclusivement pour mandataires sociaux des personnes physiques,
e) elle n'accorde aucune garantie en capital à ses associés ou actionnaires en contrepartie de leurs souscriptions ni aucun mécanisme automatique de sortie au terme de cinq ans.
Selon la doctrine administrative exposée dans le bulletin officiel des impôts n° 41 du 11 avril 2008 référencé 7 S-3-08, il convient pour l'application de ce dispositif, d'assimiler les sociétés holding animatrices de leur groupe à des sociétés ayant une activité opérationnelle, si toutes les autres conditions prévues pour l'octroi de ce régime de faveur sont par ailleurs satisfaites.
Les sociétés holding animatrices sont définies au point 26 du bulletin, comme les sociétés qui, outre la gestion d'un portefeuille de participations :
- participent activement à la conduite de la politique de leur groupe et au contrôle de leurs filiales,
- et rendent le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers (cf. DB 7 S 3323 n°16 et suivants).
Ces sociétés holding animatrices s'opposent aux sociétés holding passives qui sont exclues du bénéfice de la réduction d'impôt en tant que simples gestionnaires d'un portefeuille mobilier.
Sur le droit de reprise de l'administration fiscale
Aux termes de l'article L.186 du livre des procédures fiscales, lorsqu'il n'est pas expressément prévu de délai de prescription plus court ou plus long, le droit de reprise de l'administration s'exerce jusqu'à l'expiration de la sixième année suivant celle du fait générateur de l'impôt.
L'article L.180 du même livre dispose que pour l'ISF, le droit de reprise de l'administration fiscale s'exerce jusqu'à l'expiration de la troisième année suivant celle au titre de laquelle l'imposition est due à condition que l'exigibilité des droits et taxes ait été suffisamment révélée par le document enregistré ou présenté à la formalité ou par la réponse du redevable à la demande de l'administration prévue au a de l'article L. 23 A du livre des procédures fiscales, et qu'il ne soit pas nécessaire de procéder à des recherches ultérieures.
Les époux [Y] soutiennent et le tribunal a retenu qu'en l'espèce, les dispositions de l'article L.180 du livre des procédures fiscales s'appliquent et qu'aucune rectification ne pouvait en conséquence être opérée en septembre 2013, au titre de l'année 2009.
Il est constant que lors de leur déclaration d'ISF au titre de l'année 2009, les époux [Y] ont satisfait à leurs obligations déclaratives telles que prescrites par l'article 299 septies de l'annexe III du code général des impôts, dans sa rédaction issue du décret n° 2008-336 du 14 avril 2008, en joignant à leur déclaration une attestation ayant notamment pour objet d'identifier la société Fineylia PME et de préciser les souscriptions effectués par M. [Y] : cf pièce 6 du dossier de l'appelante.
Toutefois, contrairement à ce qu'indiquent les intimés, cette 'attestation établie en application de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts' ne précise notamment pas les dates de création et d'immatriculation de la société Fineylia PME. Par ailleurs, les intimés n'établissent nullement que, via leur déclaration d'ISF au titre de l'année 2009 et les éléments joints, le cas échéant spontanément, à cette déclaration -non produits aux débats-, l'administration fiscale avait 'parfaitement connaissance' de ces dates, qui, selon eux, suffisaient à révéler que la société Fineylia PME ne pouvait détenir aucune participation au 8 juin 2009, soit trois jours après son immatriculation.
Enfin, s'il est indiqué dans cette attestation que la société Fineylia PME satisfait aux conditions exigées par l'article 885-0, V bis du code général des impôts, cette simple affirmation ne confère aucun droit au contribuable à bénéficier de la réduction d'impôt à laquelle il prétend.
En conséquence, la déclaration d'ISF au titre de l'année 2009, même accompagnée de l'attestation mentionnée ci-dessus, ne suffisait pas à justifier du droit à bénéficier de l'avantage fiscal revendiqué et imposait à l'administration fiscale de faire des recherches pour apprécier si les époux [Y] pouvaient prétendre à une réduction de l'ISF au titre de la souscription de 639 actions de la société Fineylia PME, notamment au regard des conditions que devait remplir cette société.
Les conditions d'application de l'article L.180 du livre des procédures fiscales ne sont donc pas remplies en l'espèce, si bien que l'administration fiscale pouvait, en 2013, opérer une rectification au titre de l'année 2009.
Le jugement dont appel doit donc être infirmé.
Sur le bien-fondé de la rectification opérée
Il y a lieu de rappeler que les conditions prescrites par la loi pour bénéficier de la réduction litigieuse s'apprécient en l'espèce au 8 juin 2009, cette date n'étant pas discutée par les époux [Y].
Ceux-ci admettent qu'à cette date, la société Fineylia PME ne détenait aucune participation dans quelque société que ce soit, sa première prise de participation dans le capital d'une société étant du 2 avril 2010.
Cette circonstance suffit à fonder la rectification opérée par les services fiscaux, les époux [Y] se référant en vain à l'objet social de la société Fineylia PME et invoquant, tout aussi vainement, le fait que la société Fineylia PME avait, dès sa création, le projet de financer la construction et l'exploitation d'un hôtel à [Localité 7] (cf PV de réunion du directoire du 20 avril 2009), projet qui s'est effectivement réalisé (cf notamment convention de prestation de services du 31 mai 2010) mais postérieurement au 8 juin 2009, ce qui a d'ailleurs conduit l'administration fiscale à ne pas opérer de rectification au titre des années 2010 et suivantes.
En effet, il est désormais de jurisprudence établie (cf arrêts de la chambre commerciale de la Cour de cassation du 3 mars 2021 n°19-22.397 et n°19-21.161) qu'une société holding qui ne contrôle aucune filiale opérationnelle ne peut être qualifiée de holding animatrice et ne peut donc être assimilée aux PME visées par l'article 885-0 V bis du code général des impôts, dans sa rédaction applicable en l'espèce, de sorte que la souscription à son capital n'est pas éligible à la réduction d'ISF prévue par ce texte.
Les époux [Y] prétendent que la société Fineylia PME doit être regardée comme étant en 2009, en phase d'amorçage, de démarrage ou d'expansion.
Cette notion se réfère à la condition prescrite par le I, 1, f) de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts, en cas d'investissement direct dans une PME. Mais, il résulte tant du I, 3 de cet article que du point 81 du bulletin officiel des impôts n° 41 du 11 avril 2008 référencé 7 S-3-08, qu'en cas d'investissement indirect via une société holding, cette condition ne s'applique qu'à la société cible.
La doctrine administrative admet néanmoins au point 91 du bulletin précité, que les sociétés holding animatrices de leur groupe peuvent être considérées comme étant en phase de croissance ou d'expansion, dès lors que les versements reçus sont utilisés pour l'acquisition de participations nouvelles. Toutefois, les époux [Y] ne peuvent pas utilement s'en prévaloir dès lors que les fonds investis le 8 juin 2009 ne l'étaient pas au profit d'une société holding qui animait déjà de manière effective un groupe et n'étaient pas destinés à l'acquisition de nouvelles participations mais à l'acquisition de premières participations.
Les époux [Y] font valoir que les dispositions de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts ont été modifiées par la loi de finances pour 2011 du 29 décembre 2010 ayant introduit une condition supplémentaire pour bénéficier de l'avantage fiscal, en ces termes : Les souscriptions réalisées au capital d'une société holding animatrice ouvrent droit à l'avantage fiscal mentionné au I lorsque la société est constituée et contrôle au moins une filiale depuis au moins douze mois.
Ils indiquent que cette condition n'était pas prescrite par la loi en 2009, ce qui est exact, étant observé que l'administration fiscale rappelle à juste titre que la rectification contestée n'est pas fondée sur les dispositions de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts telles que modifiées par la loi de finances pour 2011. La cour relève en outre que cette modification a été adoptée pour 'mettre un terme à des pratiques d'optimisation' fiscale, dont la conformité à la loi est justement discutée en l'espèce et a été récemment examinée par la chambre commerciale de la Cour de cassation : cf arrêts du 3 mars 2021 cités ci-dessus.
Les époux [Y] déduisent a contrario de la modification législative de 2011 que 'la phase préparatoire que la société Fineylia PME a conduite entre le moment de sa constitution et l'acquisition de sa première filiale peut (...) être intégrée à son activité commerciale' en se fondant sur une déclaration de la direction de la législation fiscale lors d'une conférence du 13 octobre 2015 organisée par l'Institut des avocats conseils fiscaux. Il résulte des pièces produites aux débats par les intimés que cette déclaration, retranscrite par les éditions Francis Lefebvre, a été faite au sujet du régime des plus-values de cession de titres, plus précisément au sujet de l'abattement renforcé accordé à compter du 1er janvier 2014, aux dirigeants cédant leurs titres à l'occasion de leur départ à la retraite. Elle ne peut donc, en aucun cas, être opposée à l'administration pour revendiquer le bénéfice d'un autre avantage fiscal.
Toujours en faveur d'une interprétation a contrario de la modification législative intervenue en 2011, les époux [Y] invoquent en dernier lieu un courrier du 22 décembre 2016 de M. [E] [T], alors président de la commission des finances à l'Assemblée nationale et rapporteur à ce titre de la loi de finances du 27 décembre 2010, que leur conseil a interrogé en ses termes : 'A contrario, il était donc envisageable entre 2007 et 2010, pour les holdings animatrices nouvellement constituées, de bénéficier de la loi TEPA quand bien même elles ne détiendraient aucune participation lors de leur constitution, dans la mesure où cette prise de participation est intervenue avant la clôture de leur premier bilan. (...). Nous saurions gré de bien vouloir nous confirmer que de votre point de vue, en votre qualité de rédacteur de la loi modifiant la loi TEPA, il était tout à fait envisageable, pour la période comprise entre 2007 et 2010 de constituer une société holding animatrice ex nihilo et que subséquemment, cette dernière prenne une participation de contrôle dans une société ayant une activité industrielle et commerciale, en l'espèce l'exploitation d'un hôtel'.
Si dans sa réponse du 22 décembre 2016, M. [T] rappelle qu'il était effectivement envisageable avant 2011 de 'créer concomitamment une société holding animatrice ainsi qu'une et plusieurs filiales dans le seul but de bénéficier de conditions plus favorables pour les souscriptions réalisées dans le cadre de l'ISF-PME', il rappelle également que cette pratique était considérée comme abusive et que la modification était justement destinée à mettre fin à de tels abus et il ajoute que l'appréciation de l'éligibilité d'une telle opération au dispositif de réduction de l'ISF ne relève pas de la loi mais de la doctrine administrative et des juridictions amenées à se prononcer sur des contentieux opposant l'administration fiscale à des contribuables.
Ainsi, cette réponse parlementaire n'a pas la portée que lui donne les intimés et ne peut en tout état de cause pas lier la cour.
Il résulte de tout ce qui précède que les époux [Y] ne pouvaient pas, au titre de l'année 2009, se prévaloir des dispositions de l'article 885-0, V, bis, du code général des impôts et bénéficier d'une réduction de l'ISF dont ils étaient redevables.
Il convient donc de les débouter de leur demande tendant à déclarer non fondée la rectification opérée par l'administration fiscale.
Sur les frais de procès
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, les dépens de première instance et d'appel doivent être supportés par les époux [Y], le bénéfice de l'article 699 du même code étant accordé au conseil de l'administration fiscale.
Les conditions d'application de l'article 700 du code de procédure civile ne sont réunies qu'en faveur de l'administration fiscale. Mais dans les circonstances particulières de l'espèce, la cour laisse à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau et ajoutant,
Déboute les époux [F] et [C] [Y] de toutes leurs demandes,
Condamne les époux [F] et [C] [Y] aux dépens de première instance et d'appel,
Autorise Maître [J] [P] à recouvrer directement à leur encontre les dépens d'appel dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision,
Déboute les parties de leurs demandes présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le Greffier, Le Président,