Décisions
CA Rouen, ch. soc., 25 octobre 2024, n° 22/02286
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 22/02286 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JD5Z
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 25 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00583
Jugement du POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ROUEN du 04 Juillet 2022
APPELANTE :
S.A.S.U. [7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8] [Localité 6] [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Septembre 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 05 septembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 octobre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 25 Octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 8] [Localité 6] [Localité 5] (la caisse) a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu à Mme [F] [Y] le 27 mars 2017, décrit en ces termes : "alors que la salariée nettoyait la salle de bain au 1er étage, 3 chaises qui se trouvaient sur les tables sont tombées. En voulant les rattraper, la salariée s'est fait mal à la main droite. Elle a terminé sa prestation et est partie du site pour aller consulter son médecin. La salariée s'est plainte de douleur à la main droite", et constaté par certificat médical initial du même jour, évoquant une contusion au poignet droit.
Elle a déclaré son état de santé consolidé au 11 août 2020. Par lettre du 3 décembre 2020, elle a notifié à la société sa décision d'attribuer à la salariée un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 29 % dont 10 % pour le taux professionnel.
Contestant cette décision, la société a saisi la commission médicale de recours amiable, qui en sa séance du 10 mai 2021 a "infirmé" la décision de la caisse et considéré qu'il y avait lieu de fixer le taux d'incapacité permanente à 15 % et un taux professionnel de 10 %, soit un taux global de 25 %.
La société a néanmoins poursuivi sa contestation en saisissant le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social, qui par jugement du 4 juillet 2022 a :
- rejeté la demande d'inopposabilité du taux d'incapacité permanente partielle formée par la société,
- fixé ce taux, dans les rapports entre la société et la caisse, à 20 % dont 10 % de taux professionnel, à la suite de l'accident du travail survenu au préjudice de Mme [Y] le 27 mars 2017 et consolidé le 11 août 2020,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société aux dépens.
La société a fait appel le 8 juillet 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Soutenant oralement à l'audience ses écritures (remises au greffe le 8 avril 2024), la société [7] demande à la cour de :
à titre principal :
- infirmer le jugement,
- lui juger inopposable le taux d'IPP de 29 % réduit à 25 % après avis de la CMRA,
à titre subsidiaire :
- Sur le taux médical :
* infirmer le jugement,
* juger que le taux d'incapacité doit être ramené à un taux de 8 % dans les rapports caisse / employeur,
* et si la cour ne fait pas droit à cette demande, ordonner une consultation médicale en demandant à l'expert de se prononcer sur les séquelles faisant suite à l'accident du travail et sur le taux attribué à Mme [Y], et mettre les frais de la consultation médicale à la charge de la CPAM de la Seine-Maritime,
- Sur le taux professionnel :
* infirmer le jugement,
* annuler et réduire à 0 % le taux socio-professionnel de 10 %, dans les rapports caisse / employeur, subsidiairement le réduire à un taux qui ne saurait dépasser 1 %,
en tout état de cause, mettre les dépens à la charge de la caisse.
Soutenant oralement à l'audience ses écritures (remises le 18 juin 2024), la caisse demande à la cour de :
à titre principal :
- confirmer le jugement,
- rejeter le recours,
- dire que le taux d'IPP alloué à Mme [Y] est opposable à la société,
- confirmer ainsi, dans les rapports caisse / employeur, le taux d'IPP de 20 % dont 10 % pour le taux professionnel fixé par le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen,
à titre subsidiaire :
- dire que le taux d'IPP alloué à Mme [Y] est opposable à la société,
- concernant le taux anatomique : si la cour estimait qu'il subsiste un litige médical, ordonner avant dire droit une expertise médicale, en demandant à l'expert de déterminer le taux anatomique à la date de consolidation de l'état de santé de Mme [Y],
- concernant le taux professionnel : confirmer le taux de 10 % dans les rapports caisse / employeur.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I. Sur la demande d'inopposabilité à l'employeur du taux d'IPP alloué par la caisse à Mme [Y]
La société soutient n'avoir pas été destinataire de l'ensemble des éléments ayant servi de base au médecin conseil pour fixer le taux, et notamment des certificats médicaux de prolongation, alors que ces certificats font intégralement partie du dossier médical visé à l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale. Elle considère que cette transmission intégrale est nécessaire pour permettre à son médecin conseil d'accéder à l'historique clinique du salarié et de proposer un taux d'IPP tenant compte éventuellement des éventuelles pathologies interférentes mentionnées sur les certificats médicaux de prolongation ; qu'à défaut, toute analyse médico-légale est biaisée, le médecin conseil de l'employeur et celui de la caisse n'ayant pas accès aux mêmes données médicales.
La caisse soutient que la CMRA est un organe tout à fait distinct de la caisse pour en déduire que la société ne peut solliciter l'inopposabilité d'une décision de la caisse pour un prétendu non-respect d'une procédure s'imposant à la seule CMRA.
Elle relève en outre que la société ne conteste pas l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail prescrits au titre de l'accident du travail mais seulement le taux d'IPP alloué en réparation des séquelles de cet accident ; que dès lors et en application de l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale, les certificats médicaux n'avaient pas à être transmis au Dr [J]. Elle ajoute que leur transmission serait sans intérêt puisqu'ils sont établis avant la consolidation de l'état de santé de l'assuré, et que l'employeur ne peut donc se prévaloir d'aucun grief.
Sur ce,
L'article L. 142-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige prévoit que pour les contestations de nature médicale, hors celles formées au titre du 8° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention exclusive de l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, l'intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.
L'article R.142-1-A V du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le rapport médical mentionné aux articles L. 142-6 et L. 142-10 comprend :
1° L'exposé des constatations faites, sur pièces ou suite à l'examen clinique de l'assuré, par le praticien-conseil à l'origine de la décision contestée et ses éléments d'appréciation ;
2° Ses conclusions motivées ;
3° Les certificats médicaux, détenus par le praticien-conseil du service du contrôle médical et, le cas échéant, par la caisse, lorsque la contestation porte sur l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle.
Ces dernières dispositions n'imposent aucunement à la caisse de transmettre les pièces médicales ayant permis à son médecin de rendre un avis et notamment les certificats de prolongation dont la communication n'est prévue que dans un cadre déterminé, étranger au présent litige.
Dès lors, c'est bien l'intégralité du rapport médical qui a été transmis au docteur [J], et aucun manquement au principe du contradictoire n'a lieu d'être retenu.
La décision déférée est confirmée de ce chef.
II. Sur la demande de réduction du taux d'IPP dans les rapports caisse / employeur
En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
L'incapacité permanente est appréciée à la date de consolidation de l'état de la victime.
S'il est distingué, le cas échéant, un « taux professionnel » et un « taux anatomique» ou « taux médical », il s'agit-là de deux composantes d'un taux d'incapacité en réalité unique.
Sur la composante anatomique du taux d'incapacité
La société, s'appuyant sur le rapport de son médecin conseil le Dr [J], estime que seule une gêne fonctionnelle douloureuse peut être admise, laquelle justifie un taux de 8 % maximum.
La caisse considère que la société n'apporte aucun élément significatif, autre que les avis de son médecin conseil déjà soumis à l'analyse de l'expert désigné par le tribunal, permettant de remettre en cause le taux anatomique de 10 %.
Sur ce,
Suivant l'article R. 434-32 du même code lorsque le barème indicatif d'invalidité en matière de maladies professionnelles ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.
Selon le guide barème d'indemnisation des accidents du travail (point 1.1.2 relatif à l'atteinte des fonctions articulaires du membre supérieur à l'exclusion de la main), le coude est animé de mouvements de flexion-extension, d'abduction et d'adduction. Par ailleurs, la main peut décrire un mouvement de 180° par le jeu de la prono-supination. Celle-ci pouvant être diminuée dans les atteintes du coude comme dans celles du poignet, il y a lieu de l'estimer à part. Le taux propre résultant de son atteinte s'ajoutera aux réductions de capacité provenant de la limitation des autres mouvements des deux articulations considérées.
La mobilité normale du poignet suppose :
- flexion 80° ;
- extension active : 45° ; passive : 70° à 80° ;
- abduction (inclinaison radiale) : 15° ;
- adduction (inclinaison cubitale) : 40° ;
Des altérations fonctionnelles peuvent exister sans lésion anatomique identifiable.
Le blocage du poignet dominant en rectitude ou extension, sans atteinte de la prono-supination, justifie un taux de 15 %. Un blocage en flexion sans troubles importants de la prono-supination justifie quant à lui un taux de 35 %.
Par ailleurs, la prono-supination normale correspond à un angle de 180°. Sa limitation du côté dominant justifie un taux de 10 à 15 % en fonction de la position et de l'importance.
S'agissant de la main, le barème indicatif énonce qu'un examen soigné et complet d'une main doit comporter d'abord un bilan des lésions anatomiques (amputation, atteinte motrice, atteinte sensitive, anesthésie, douleurs), mais que l'addition des invalidités partielles ne suffit pas à établir l'invalidité globale de la main, et qu'une correction doit être effectuée grâce à une étude dynamique fonctionnelle ; qu'en effet, la main n'est pas seulement un segment de membre, lui-même additionné de segments digitaux, mais un organe global unique, organe de la préhension et du tact. Le barème précise que cette étude dynamique se fait par un bilan de la valeur des diverses prises, notamment les pinces.
Le médecin conseil, qui a retenu un taux anatomique de 19 %, a rédigé ainsi son résumé des séquelles : "accident du travail avec fracture du scaphoïde droit traitée médicalement chez une droitière, il persiste une limitation de la mobilité du poignet en flexion et en inclinaison cubitale (5%), une limitation importante de la force de la pince pouce index (8%) et une limitation importante de la force de serrage (6%)".
Le médecin conseil de l'employeur relève une limitation de la flexion du poignet de 25°, respectant toutefois l'angle favorable, et considère que cette limitation ainsi que l'inclinaison cubitale notée nulle ne justifient pas un taux de 5%.
Il s'oppose à ce que soit retenu des taux de 8 et 6 % concernant la force de la pince pouce-index et la force de serrage en l'absence de mensuration périmétrique et d'examen fonctionnel complet.
La CMRA, dont l'avis est rapporté par le Dr [J], retient quant à elle une absence de séquelles osseuses mais des séquelles douloureuses nécessitant un traitement au long cours et responsable d'un manque de force, ainsi qu'une discrète limitation du poignet. Elle estime que la limitation du poignet justifie un taux médical de 5%, et la diminution de la force de préhension globale de la main un taux de 10%.
Le médecin consultant désigné par le tribunal, le docteur [M], rapporte les doléances de Mme [Y] : des douleurs des deux premiers doigts lors des efforts, des difficultés pour écrire, la prise d'un traitement antidouleur au long cours. Elle ajoute que l'examen clinique met en évidence un 'dème du poignet et de la main, une diminution de la mobilité du poignet droit en flexion et une adduction impossible. Elle note que le score fonctionnel complet de la main n'est pas réalisé, mais indique qu'il est constaté une baisse de la résistance de la pince pouce index et une diminution notable de la force de serrage de la main droite. Elle conclut à des séquelles douloureuses d'une fracture du scaphoïde de la main dominante associées à une limitation modérée de la mobilité du poignet, mais à une perte de force invalidante de la main, pour justifier un taux de 10 %.
Les moyens développés par l'employeur ne permettent pas de remettre en cause la pertinence de l'évaluation faite par le médecin consultant, de sorte que le taux médical de 10 % est retenu, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction.
Sur la composante socio-professionnelle du taux d'incapacité
La société soutient que le médecin conseil, prenant en considération la composante socio-professionnelle, a décidé de l'attribution d'un taux de 20 %, et que la caisse ne pouvait donc ajouter, d'autorité, unilatéralement, un correctif socio-professionnel ; que ce taux doit donc être ramené à 0 %.
Elle considère en tout état de cause que le taux de 4 % retenu n'est pas justifié, la caisse ne pouvant se contenter d'exciper d'un licenciement pour inaptitude mais devant démontrer une diminution dans la capacité de l'intéressée à occuper et donc à retrouver un emploi. Elle conteste ainsi tout préjudice professionnel.
Subsidiairement, elle considère que le taux de 10 % retenu correspond à 100 % du taux médical accordé par le tribunal, ce qui est disproportionné et non conforme au barème d'harmonisation mis en place par la caisse elle-même.
La caisse se prévaut de l'avis de son médecin conseil retenant un préjudice professionnel, et des indications apportées par Mme [Y] elle-même sur sa situation professionnelle, pour soutenir que les conséquences professionnelles des séquelles sont indiscutables. Elle fait valoir que l'assurée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, à l'âge de 52 ans, qu'elle dispose d'un faible niveau de qualification et n'a pas retrouvé d'emploi à la suite de son licenciement.
Sur ce,
Il résulte des articles R. 434-31 et R. 434-2 du code de la sécurité sociale que si le médecin conseil est amené à exprimer dans un rapport son avis sur une éventuelle incapacité permanente de travail causée par l'accident, c'est à la caisse, au vu de tous les renseignements recueillis, de se prononcer sur l'existence d'une telle incapacité permanente et, le cas échéant, sur son taux. C'est donc à tort que l'employeur soutient que le médecin conseil fixe le taux d'IPP en ce compris son éventuelle composante socio-professionnelle et que la caisse ne peut elle-même ajouter un tel correctif.
Par ailleurs, à supposer que la caisse ne puisse majorer le taux retenu par le médecin conseil, la juridiction reste tenue d'apprécier, dans le cadre du présent litige, le taux d'incapacité au regard de l'ensemble des critères qui le composent, et donc des aptitudes et de la qualification professionnelle de la salariée victime, dans la seule limite des prétentions des parties.
Il importe donc, dans le cadre de la présente instance, de statuer sur l'existence, et le cas échéant l'importance, d'une répercussion des séquelles sur la carrière ou la vie professionnelle de la victime.
Les pièces versées aux débats établissent qu'en suite de l'accident du travail, Mme [Y], âgée alors de 52 ans, a été licenciée pour inaptitude en novembre 2020 après que le médecin du travail l'a estimée inapte au poste d'agent de service, en précisant qu'elle pourrait éventuellement occuper un poste aménagé sans gestes manuels répétés ou en force, sans tâches à réaliser avec les deux mains, tel par exemple qu'un poste administratif avec matériel adapté. Dans ses échanges avec l'employeur, le médecin du travail a précisé, notamment, qu'elle ne pouvait pas accomplir des travaux impliquant l'utilisation de matériel simple (sauf essuyage des bureaux et dépoussiérage des meubles - environ 1h/jour) ni de travaux plus complexes impliquant l'utilisation de machines, et qu'elle ne pouvait plus réaliser les travaux majoritairement rencontrés dans le cadre de l'activité de la société.
Il en ressort également que Mme [Y] ne dispose d'aucune expérience ou formation professionnelle autre que celle d'agent de propreté, ce qui a amené l'employeur à considérer qu'elle ne pouvait être reclassée sur un poste de travail de type administratif, d'accueil ou de surveillance ou sur un poste des services fonctionnels ou d'encadrement.
Ces éléments établissent que les séquelles de l'accident du travail, chez Mme [Y] qui ne dispose pas de qualification professionnelle et ne peut donc occuper que des postes manuels, entraînent une importante perte d'employabilité, et ont donc une évidente répercussion sur sa carrière et sa vie professionnelle, distincte de la seule perte de l'emploi indemnisée par l'indemnité spéciale de licenciement.
La composante professionnelle du taux d'incapacité a donc été justement évaluée à 10 %, étant précisé qu'il est indifférent que ce chiffre soit équivalent à celui de la composante médicale du taux.
Le jugement est ainsi confirmé en toutes ses dispositions.
III. Sur les frais du procès
L'appelante, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel, outre ceux de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social,
Y ajoutant :
Condamne la société [7] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE
COUR D'APPEL DE ROUEN
CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE
SECURITE SOCIALE
ARRET DU 25 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
21/00583
Jugement du POLE SOCIAL DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE ROUEN du 04 Juillet 2022
APPELANTE :
S.A.S.U. [7]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Grégory KUZMA de la SELARL R & K AVOCATS, avocat au barreau de LYON substitué par Me Matthieu ROUSSINEAU, avocat au barreau de ROUEN
INTIME :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE [Localité 8] [Localité 6] [Localité 5]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Vincent BOURDON, avocat au barreau de ROUEN
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 05 Septembre 2024 sans opposition des parties devant Madame DE BRIER, Conseillère, magistrat chargé d'instruire l'affaire.
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :
Madame BIDEAULT, Présidente
Madame ROGER-MINNE, Conseillère
Madame DE BRIER, Conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme WERNER, Greffière
DEBATS :
A l'audience publique du 05 septembre 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 25 octobre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé le 25 Octobre 2024, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,
signé par Madame BIDEAULT, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.
* * *
FAITS ET PROCÉDURE :
La caisse primaire d'assurance-maladie de [Localité 8] [Localité 6] [Localité 5] (la caisse) a pris en charge au titre de la législation sur les risques professionnels l'accident survenu à Mme [F] [Y] le 27 mars 2017, décrit en ces termes : "alors que la salariée nettoyait la salle de bain au 1er étage, 3 chaises qui se trouvaient sur les tables sont tombées. En voulant les rattraper, la salariée s'est fait mal à la main droite. Elle a terminé sa prestation et est partie du site pour aller consulter son médecin. La salariée s'est plainte de douleur à la main droite", et constaté par certificat médical initial du même jour, évoquant une contusion au poignet droit.
Elle a déclaré son état de santé consolidé au 11 août 2020. Par lettre du 3 décembre 2020, elle a notifié à la société sa décision d'attribuer à la salariée un taux d'incapacité permanente partielle (IPP) de 29 % dont 10 % pour le taux professionnel.
Contestant cette décision, la société a saisi la commission médicale de recours amiable, qui en sa séance du 10 mai 2021 a "infirmé" la décision de la caisse et considéré qu'il y avait lieu de fixer le taux d'incapacité permanente à 15 % et un taux professionnel de 10 %, soit un taux global de 25 %.
La société a néanmoins poursuivi sa contestation en saisissant le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social, qui par jugement du 4 juillet 2022 a :
- rejeté la demande d'inopposabilité du taux d'incapacité permanente partielle formée par la société,
- fixé ce taux, dans les rapports entre la société et la caisse, à 20 % dont 10 % de taux professionnel, à la suite de l'accident du travail survenu au préjudice de Mme [Y] le 27 mars 2017 et consolidé le 11 août 2020,
- ordonné l'exécution provisoire,
- condamné la société aux dépens.
La société a fait appel le 8 juillet 2022.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Soutenant oralement à l'audience ses écritures (remises au greffe le 8 avril 2024), la société [7] demande à la cour de :
à titre principal :
- infirmer le jugement,
- lui juger inopposable le taux d'IPP de 29 % réduit à 25 % après avis de la CMRA,
à titre subsidiaire :
- Sur le taux médical :
* infirmer le jugement,
* juger que le taux d'incapacité doit être ramené à un taux de 8 % dans les rapports caisse / employeur,
* et si la cour ne fait pas droit à cette demande, ordonner une consultation médicale en demandant à l'expert de se prononcer sur les séquelles faisant suite à l'accident du travail et sur le taux attribué à Mme [Y], et mettre les frais de la consultation médicale à la charge de la CPAM de la Seine-Maritime,
- Sur le taux professionnel :
* infirmer le jugement,
* annuler et réduire à 0 % le taux socio-professionnel de 10 %, dans les rapports caisse / employeur, subsidiairement le réduire à un taux qui ne saurait dépasser 1 %,
en tout état de cause, mettre les dépens à la charge de la caisse.
Soutenant oralement à l'audience ses écritures (remises le 18 juin 2024), la caisse demande à la cour de :
à titre principal :
- confirmer le jugement,
- rejeter le recours,
- dire que le taux d'IPP alloué à Mme [Y] est opposable à la société,
- confirmer ainsi, dans les rapports caisse / employeur, le taux d'IPP de 20 % dont 10 % pour le taux professionnel fixé par le pôle social du tribunal judiciaire de Rouen,
à titre subsidiaire :
- dire que le taux d'IPP alloué à Mme [Y] est opposable à la société,
- concernant le taux anatomique : si la cour estimait qu'il subsiste un litige médical, ordonner avant dire droit une expertise médicale, en demandant à l'expert de déterminer le taux anatomique à la date de consolidation de l'état de santé de Mme [Y],
- concernant le taux professionnel : confirmer le taux de 10 % dans les rapports caisse / employeur.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I. Sur la demande d'inopposabilité à l'employeur du taux d'IPP alloué par la caisse à Mme [Y]
La société soutient n'avoir pas été destinataire de l'ensemble des éléments ayant servi de base au médecin conseil pour fixer le taux, et notamment des certificats médicaux de prolongation, alors que ces certificats font intégralement partie du dossier médical visé à l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale. Elle considère que cette transmission intégrale est nécessaire pour permettre à son médecin conseil d'accéder à l'historique clinique du salarié et de proposer un taux d'IPP tenant compte éventuellement des éventuelles pathologies interférentes mentionnées sur les certificats médicaux de prolongation ; qu'à défaut, toute analyse médico-légale est biaisée, le médecin conseil de l'employeur et celui de la caisse n'ayant pas accès aux mêmes données médicales.
La caisse soutient que la CMRA est un organe tout à fait distinct de la caisse pour en déduire que la société ne peut solliciter l'inopposabilité d'une décision de la caisse pour un prétendu non-respect d'une procédure s'imposant à la seule CMRA.
Elle relève en outre que la société ne conteste pas l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail prescrits au titre de l'accident du travail mais seulement le taux d'IPP alloué en réparation des séquelles de cet accident ; que dès lors et en application de l'article R. 142-1-A du code de la sécurité sociale, les certificats médicaux n'avaient pas à être transmis au Dr [J]. Elle ajoute que leur transmission serait sans intérêt puisqu'ils sont établis avant la consolidation de l'état de santé de l'assuré, et que l'employeur ne peut donc se prévaloir d'aucun grief.
Sur ce,
L'article L. 142-6 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction applicable au litige prévoit que pour les contestations de nature médicale, hors celles formées au titre du 8° de l'article L. 142-1, le praticien-conseil du contrôle médical du régime de sécurité sociale concerné transmet, sans que puisse lui être opposé l'article 226-13 du code pénal, à l'attention exclusive de l'autorité compétente pour examiner le recours préalable, lorsqu'il s'agit d'une autorité médicale, l'intégralité du rapport médical reprenant les constats résultant de l'examen clinique de l'assuré ainsi que ceux résultant des examens consultés par le praticien-conseil justifiant sa décision. A la demande de l'employeur, ce rapport est notifié au médecin qu'il mandate à cet effet. La victime de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle est informée de cette notification.
L'article R.142-1-A V du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que le rapport médical mentionné aux articles L. 142-6 et L. 142-10 comprend :
1° L'exposé des constatations faites, sur pièces ou suite à l'examen clinique de l'assuré, par le praticien-conseil à l'origine de la décision contestée et ses éléments d'appréciation ;
2° Ses conclusions motivées ;
3° Les certificats médicaux, détenus par le praticien-conseil du service du contrôle médical et, le cas échéant, par la caisse, lorsque la contestation porte sur l'imputabilité des lésions, soins et arrêts de travail pris en charge au titre de l'accident du travail ou de la maladie professionnelle.
Ces dernières dispositions n'imposent aucunement à la caisse de transmettre les pièces médicales ayant permis à son médecin de rendre un avis et notamment les certificats de prolongation dont la communication n'est prévue que dans un cadre déterminé, étranger au présent litige.
Dès lors, c'est bien l'intégralité du rapport médical qui a été transmis au docteur [J], et aucun manquement au principe du contradictoire n'a lieu d'être retenu.
La décision déférée est confirmée de ce chef.
II. Sur la demande de réduction du taux d'IPP dans les rapports caisse / employeur
En application de l'article L. 434-2 du code de la sécurité sociale le taux de l'incapacité permanente est déterminé d'après la nature de l'infirmité, l'état général, l'âge, les facultés physiques et mentales de la victime ainsi que d'après ses aptitudes et sa qualification professionnelle, compte tenu d'un barème indicatif d'invalidité.
L'incapacité permanente est appréciée à la date de consolidation de l'état de la victime.
S'il est distingué, le cas échéant, un « taux professionnel » et un « taux anatomique» ou « taux médical », il s'agit-là de deux composantes d'un taux d'incapacité en réalité unique.
Sur la composante anatomique du taux d'incapacité
La société, s'appuyant sur le rapport de son médecin conseil le Dr [J], estime que seule une gêne fonctionnelle douloureuse peut être admise, laquelle justifie un taux de 8 % maximum.
La caisse considère que la société n'apporte aucun élément significatif, autre que les avis de son médecin conseil déjà soumis à l'analyse de l'expert désigné par le tribunal, permettant de remettre en cause le taux anatomique de 10 %.
Sur ce,
Suivant l'article R. 434-32 du même code lorsque le barème indicatif d'invalidité en matière de maladies professionnelles ne comporte pas de référence à la lésion considérée, il est fait application du barème indicatif d'invalidité en matière d'accidents du travail.
Selon le guide barème d'indemnisation des accidents du travail (point 1.1.2 relatif à l'atteinte des fonctions articulaires du membre supérieur à l'exclusion de la main), le coude est animé de mouvements de flexion-extension, d'abduction et d'adduction. Par ailleurs, la main peut décrire un mouvement de 180° par le jeu de la prono-supination. Celle-ci pouvant être diminuée dans les atteintes du coude comme dans celles du poignet, il y a lieu de l'estimer à part. Le taux propre résultant de son atteinte s'ajoutera aux réductions de capacité provenant de la limitation des autres mouvements des deux articulations considérées.
La mobilité normale du poignet suppose :
- flexion 80° ;
- extension active : 45° ; passive : 70° à 80° ;
- abduction (inclinaison radiale) : 15° ;
- adduction (inclinaison cubitale) : 40° ;
Des altérations fonctionnelles peuvent exister sans lésion anatomique identifiable.
Le blocage du poignet dominant en rectitude ou extension, sans atteinte de la prono-supination, justifie un taux de 15 %. Un blocage en flexion sans troubles importants de la prono-supination justifie quant à lui un taux de 35 %.
Par ailleurs, la prono-supination normale correspond à un angle de 180°. Sa limitation du côté dominant justifie un taux de 10 à 15 % en fonction de la position et de l'importance.
S'agissant de la main, le barème indicatif énonce qu'un examen soigné et complet d'une main doit comporter d'abord un bilan des lésions anatomiques (amputation, atteinte motrice, atteinte sensitive, anesthésie, douleurs), mais que l'addition des invalidités partielles ne suffit pas à établir l'invalidité globale de la main, et qu'une correction doit être effectuée grâce à une étude dynamique fonctionnelle ; qu'en effet, la main n'est pas seulement un segment de membre, lui-même additionné de segments digitaux, mais un organe global unique, organe de la préhension et du tact. Le barème précise que cette étude dynamique se fait par un bilan de la valeur des diverses prises, notamment les pinces.
Le médecin conseil, qui a retenu un taux anatomique de 19 %, a rédigé ainsi son résumé des séquelles : "accident du travail avec fracture du scaphoïde droit traitée médicalement chez une droitière, il persiste une limitation de la mobilité du poignet en flexion et en inclinaison cubitale (5%), une limitation importante de la force de la pince pouce index (8%) et une limitation importante de la force de serrage (6%)".
Le médecin conseil de l'employeur relève une limitation de la flexion du poignet de 25°, respectant toutefois l'angle favorable, et considère que cette limitation ainsi que l'inclinaison cubitale notée nulle ne justifient pas un taux de 5%.
Il s'oppose à ce que soit retenu des taux de 8 et 6 % concernant la force de la pince pouce-index et la force de serrage en l'absence de mensuration périmétrique et d'examen fonctionnel complet.
La CMRA, dont l'avis est rapporté par le Dr [J], retient quant à elle une absence de séquelles osseuses mais des séquelles douloureuses nécessitant un traitement au long cours et responsable d'un manque de force, ainsi qu'une discrète limitation du poignet. Elle estime que la limitation du poignet justifie un taux médical de 5%, et la diminution de la force de préhension globale de la main un taux de 10%.
Le médecin consultant désigné par le tribunal, le docteur [M], rapporte les doléances de Mme [Y] : des douleurs des deux premiers doigts lors des efforts, des difficultés pour écrire, la prise d'un traitement antidouleur au long cours. Elle ajoute que l'examen clinique met en évidence un 'dème du poignet et de la main, une diminution de la mobilité du poignet droit en flexion et une adduction impossible. Elle note que le score fonctionnel complet de la main n'est pas réalisé, mais indique qu'il est constaté une baisse de la résistance de la pince pouce index et une diminution notable de la force de serrage de la main droite. Elle conclut à des séquelles douloureuses d'une fracture du scaphoïde de la main dominante associées à une limitation modérée de la mobilité du poignet, mais à une perte de force invalidante de la main, pour justifier un taux de 10 %.
Les moyens développés par l'employeur ne permettent pas de remettre en cause la pertinence de l'évaluation faite par le médecin consultant, de sorte que le taux médical de 10 % est retenu, sans qu'il y ait lieu d'ordonner une mesure d'instruction.
Sur la composante socio-professionnelle du taux d'incapacité
La société soutient que le médecin conseil, prenant en considération la composante socio-professionnelle, a décidé de l'attribution d'un taux de 20 %, et que la caisse ne pouvait donc ajouter, d'autorité, unilatéralement, un correctif socio-professionnel ; que ce taux doit donc être ramené à 0 %.
Elle considère en tout état de cause que le taux de 4 % retenu n'est pas justifié, la caisse ne pouvant se contenter d'exciper d'un licenciement pour inaptitude mais devant démontrer une diminution dans la capacité de l'intéressée à occuper et donc à retrouver un emploi. Elle conteste ainsi tout préjudice professionnel.
Subsidiairement, elle considère que le taux de 10 % retenu correspond à 100 % du taux médical accordé par le tribunal, ce qui est disproportionné et non conforme au barème d'harmonisation mis en place par la caisse elle-même.
La caisse se prévaut de l'avis de son médecin conseil retenant un préjudice professionnel, et des indications apportées par Mme [Y] elle-même sur sa situation professionnelle, pour soutenir que les conséquences professionnelles des séquelles sont indiscutables. Elle fait valoir que l'assurée a été licenciée pour inaptitude et impossibilité de reclassement, à l'âge de 52 ans, qu'elle dispose d'un faible niveau de qualification et n'a pas retrouvé d'emploi à la suite de son licenciement.
Sur ce,
Il résulte des articles R. 434-31 et R. 434-2 du code de la sécurité sociale que si le médecin conseil est amené à exprimer dans un rapport son avis sur une éventuelle incapacité permanente de travail causée par l'accident, c'est à la caisse, au vu de tous les renseignements recueillis, de se prononcer sur l'existence d'une telle incapacité permanente et, le cas échéant, sur son taux. C'est donc à tort que l'employeur soutient que le médecin conseil fixe le taux d'IPP en ce compris son éventuelle composante socio-professionnelle et que la caisse ne peut elle-même ajouter un tel correctif.
Par ailleurs, à supposer que la caisse ne puisse majorer le taux retenu par le médecin conseil, la juridiction reste tenue d'apprécier, dans le cadre du présent litige, le taux d'incapacité au regard de l'ensemble des critères qui le composent, et donc des aptitudes et de la qualification professionnelle de la salariée victime, dans la seule limite des prétentions des parties.
Il importe donc, dans le cadre de la présente instance, de statuer sur l'existence, et le cas échéant l'importance, d'une répercussion des séquelles sur la carrière ou la vie professionnelle de la victime.
Les pièces versées aux débats établissent qu'en suite de l'accident du travail, Mme [Y], âgée alors de 52 ans, a été licenciée pour inaptitude en novembre 2020 après que le médecin du travail l'a estimée inapte au poste d'agent de service, en précisant qu'elle pourrait éventuellement occuper un poste aménagé sans gestes manuels répétés ou en force, sans tâches à réaliser avec les deux mains, tel par exemple qu'un poste administratif avec matériel adapté. Dans ses échanges avec l'employeur, le médecin du travail a précisé, notamment, qu'elle ne pouvait pas accomplir des travaux impliquant l'utilisation de matériel simple (sauf essuyage des bureaux et dépoussiérage des meubles - environ 1h/jour) ni de travaux plus complexes impliquant l'utilisation de machines, et qu'elle ne pouvait plus réaliser les travaux majoritairement rencontrés dans le cadre de l'activité de la société.
Il en ressort également que Mme [Y] ne dispose d'aucune expérience ou formation professionnelle autre que celle d'agent de propreté, ce qui a amené l'employeur à considérer qu'elle ne pouvait être reclassée sur un poste de travail de type administratif, d'accueil ou de surveillance ou sur un poste des services fonctionnels ou d'encadrement.
Ces éléments établissent que les séquelles de l'accident du travail, chez Mme [Y] qui ne dispose pas de qualification professionnelle et ne peut donc occuper que des postes manuels, entraînent une importante perte d'employabilité, et ont donc une évidente répercussion sur sa carrière et sa vie professionnelle, distincte de la seule perte de l'emploi indemnisée par l'indemnité spéciale de licenciement.
La composante professionnelle du taux d'incapacité a donc été justement évaluée à 10 %, étant précisé qu'il est indifférent que ce chiffre soit équivalent à celui de la composante médicale du taux.
Le jugement est ainsi confirmé en toutes ses dispositions.
III. Sur les frais du procès
L'appelante, partie perdante, est condamnée aux dépens d'appel, outre ceux de première instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 4 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Rouen, pôle social,
Y ajoutant :
Condamne la société [7] aux dépens d'appel.
LE GREFFIER LA PRESIDENTE