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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 11, 17 octobre 2024, n° 23/01002

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 23/01002

17 octobre 2024

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 11

ARRET DU 17 OCTOBRE 2024

(n° , pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 23/01002 - N° Portalis 35L7-V-B7H-CG5YB

Décision déférée à la Cour : jugement du 15 novembre 2022 - tribunal judiciaire de PARIS RG n° 20/09389

APPELANT

Monsieur [F] [L]

[Adresse 7]

[Localité 6]

Représenté et assisté par Me Benjamin MOISAN de la SELARL BAECHLIN MOISAN Associés, avocat au barreau de PARIS, toque : L34

Ayant pour avocat plaidant Me Matthieu BENAYOUN, avocat au barreau de PARIS

INTIMES

S.A. SOGESSUR

[Adresse 12]

[Localité 8]

Représentée par Me Ghislain DECHEZLEPRETRE de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS, toque : E1155

Assistée par Me Manon BERLET, avocat au barreau de PARIS

AGENT JUDICIAIRE DE L'ETAT

[Adresse 5]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

CPAM DE [Localité 11]

[Adresse 2]

[Localité 6]

n'a pas constitué avocat

CAISSE DES DEPOTS

[Adresse 4]

[Localité 3]

n'a pas constitué avocat

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mai 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposé, devant Mme Nina TOUATI, présidente de chambre, et Mme Dorothée DIBIE, conseillère, chargée du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Nina TOUATI, présidente de chambre

Mme Dorothée DIBIE, conseillère

Mme Sylvie LEROY, conseillère

Greffier lors des débats : Mme Emeline DEVIN

ARRÊT :

- réputé contradictoire

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Nina TOUATI, présidente de chambre et par Emeline DEVIN, greffière, présente lors de la mise à disposition à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Le 11 août 2015, M. [F] [L], agent de service technique au sein du ministère des finances, qui circulait au guidon de sa motocyclette, a été victime d'un accident de la circulation dans lequel était impliqué le véhicule conduit par Mme [H] et assuré auprès de la société Sogessur, laquelle ne conteste pas le droit à indemnisation.

Une expertise amiable contradictoire a été réalisée par le Docteur [C], désigné par la société Sogessur, et le Docteur [I], médecin conseil de M. [L], qui ont établi leur rapport le 5 octobre 2017.

Par actes d'huissier des 23, 28 et 29 septembre 2020, M. [L] a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Paris, la société Sogessur, l'agent judiciaire de l'Etat (l'AJE), la société Neeria, la Caisse des dépôts et consignations et la caisse primaire d'assurance maladie de Paris (la CPAM) aux fins de liquidation de ses préjudices.

Par jugement du 15 novembre 2022, cette juridiction a :

- dit que le véhicule conduit par Mme [H] et assuré par la société Sogessur est impliqué dans la survenance de l'accident du 11 août 2015,

- condamné la société Sogessur à payer à M. [L], en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes :

- dépenses de santé actuelles : 1 857,89 euros

- perte de gains professionnels actuels : néant

- incidence professionnelle : néant

- déficit fonctionnel temporaire : 8 506,25 euros

- souffrances endurées : 35 000 euros

- préjudice esthétique [temporaire]: 1 200 euros

- déficit fonctionnel permanent : 33 089,43 euros

- préjudice esthétique permanent : 5 000 euros

- préjudice d'agrément : 10 000 euros

- préjudice sexuel : 5 000 euros

- condamné la société Sogessur à verser à l'AJE la somme de 85 993,82 euros outre une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Sogessur à payer à M. [L] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- constaté que l'exécution provisoire est de droit en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens,

- déclaré irrecevable la demande formulée à l'encontre de la société Sofaxis venant aux droits de la société Neeria,

- déclaré le jugement commun et opposable à la CPAM,

- débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Par déclaration du 23 décembre 2022, M. [L] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il a :

«- condamné la société Sogessur à payer à M. [L], en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes :

- perte de gains professionnels actuelles : néant

- incidence professionnelle : néant

- condamné la société Sogessur à verser à l'AJE la somme de 85 993,82 euros outre une somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».

Par une ordonnance du 18 janvier 2024 qui n'a pas été déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a :

- dit qu'il n'est pas compétent pour apprécier l'étendue de la saisine de la cour d'appel et déclarer « irrecevables » les demandes d'indemnisation de M. [L] au titre des frais divers et de l'assistance temporaire par une tierce personne,

- déclaré M. [L] irrecevable en sa demande de condamnation de la société Sogessur au bénéfice de l'AJE,

- dit que la société Sogessur et M. [L] conserveront la charge de leurs propres dépens au titre de l'incident.

MOYENS ET PRETENTIONS DES PARTIES

Vu les dernières conclusions de M. [L], notifiées le 4 avril 2024, aux termes desquelles, il demande à la cour, au visa de l'article 643 du code de procédure civile, de :

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sogessur à payer à M. [L], en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation de son préjudice corporel, les sommes suivantes :

- perte de gains professionnelles actuelles : néant

- incidence professionnelle : néant,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sogessur à verser à l'AJE la somme de 85 993,82 euros outre une somme de 1 000 euros au titre de l'artice 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

- condamner la société Sogessur à verser à M. [L] la somme de 6 583,25 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels subie par la victime pendant la période des arrêts d'activité professionnelles,

- constater que la créance de l'AJE, au titre du maintien de la rémunération de la victime pendant la période d'arrêt de travail fixée par les médecins conseils, soit pour la période du 11 août 2015 au 11 août 2017, sans préjudice de la perte effectivement subie par la victime, s'établit à la somme de 69 773,69 euros,

- condamner la société Sogessur à verser à M. [L] la somme de 75 000 euros au titre de l'incidence professionnelle subie par la victime,

Au titre de l'omission de statuer,

- condamner la société Sogessur à verser à M. [L] la somme de 13 446 euros au titre des frais divers,

- confirmer le jugement pour le surplus,

- débouter toutes les parties de leurs demandes, fins et conclusions contraires aux présentes,

- condamner la société Sogessur à verser à M. [L] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance,

Vu les dernières conclusions de la société Sogessur, notifiées le 25 octobre 2023, aux termes desquelles elle demande à la cour au visa de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985, de l'article 1231-6 du code civil ainsi que des articles 31, 122, 123, 562, 563, 564, 643, 700 et 901 du code de procédure civile de :

- déclarer irrecevable la demande nouvelle formulée par M. [L] à l'encontre de la société Sogessur tendant à la voir condamner à régler la somme de 69 773,69 euros à l'AJE,

- déclarer que M. [L] n'a pas d'intérêt à formuler une demande indemnitaire en lieu et place de l'AJE,

Et en conséquence,

- déclarer irrecevable la demande de M. [L] tendant à la condamnation de la société Sogessur au règlement d'une somme de 69 773,69 euros en faveur de l'AJE,

- déclarer irrecevable la demande formulée au titre de l'omission de statuer sur le poste frais divers et assistance par tierce personne,

- infirmer le jugement en ce qu'il a :

- fixé les pertes de gains professionnels actuels de M. [L] à la somme de 6 583,25 euros, avant imputation de la créance de l'AJE

- fixé l'incidence professionnelle de M. [L] à la somme de 15 000 euros, avant imputation de la créance de l'AJE,

- condamné la société Sogessur à verser à l'AJE la somme de 85 993,82 euros au titre de sa créance,

Statuant à nouveau,

- fixer les préjudices visés par l'appel de M. [L] avant imputation de la créance de l'AJE comme suit :

- perte de gains professionnels actuels : rejet

- incidence professionnelle : 15 000 euros

- fixer la créance de l'AJE au versement de la somme de 72 374,27 euros,

- déclarer que la créance de l'AJE devra être imputée sur les éventuelles sommes allouées au titre des pertes de gains et de l'incidence professionnelle de M. [L],

- condamner l'AJE à verser à la société Sogessur la somme de 13 619, 55 euros,

- débouter M. [L] de sa demande formulée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuer ce que de droit sur les dépens dont distraction au profit de Maître Ghislain Dechezlepretre,

- débouter M. [L] et toute autre partie de ses demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires.

La Caisse des dépôts et consignations et l'AJE auxquels la déclaration d'appel a été signifiée respectivement les 20 et 24 mars 2023, à personne habilitée, n'ont pas constitué avocat.

Il en est de même de la CPAM à laquelle la déclaration d'appel a été signifiée suivant les mêmes modalités, le 24 mars 2023.

La société Sogessur a fait signifier ses dernières conclusions à l'AJE, défaillant, par acte d'huissier en date du 27 octobre 2023, délivré à personne habilitée.

La société Sofaxis, venant aux droits de la société Neeria, n'a pas été intimée.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir

Se prévalant de la fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir, la société Sogessur conclut à l'irrecevabilité de la demande de M. [L] tendant à la condamnation de la société Sogessur au règlement d'une somme de 69 773,69 euros en faveur de l'AJE au titre du maintien de sa rémunération pendant la période d'arrêt de travail fixée par les médecins conseils.

Sur ce, il sera relevé que, dans ses dernières conclusions, M. [L] demande à ce qu'il soit « constaté que la créance de l'AJE, au titre du maintien de la rémunération de la victime pendant la période d'arrêt de travail fixée par les médecins conseils, soit pour la période du 11 août 2015 au 11 août 2017, sans préjudice de la perte effectivement subie par la victime, s'établit à la somme de 69 773,69 euros » sans solliciter la condamnation de la Société Sogessur au paiement de cette somme à l'AJE, cette demande de condamnation ayant été déclarée irrecevable par le conseiller de la mise en état, par une ordonnance du 18 janvier 2024 qui n'a pas été déférée à la cour.

Il en résulte que la demande de la société Sogessur de voir déclarer irrecevable M. [L] en ce qu'il sollicite la condamnation de la société Sogessur au règlement d'une somme de 69 773,69 euros en faveur de l'AJE, est devenue sans objet.

Sur l'effet dévolutif de l'appel et l'étendue de la saisine de la cour

La société Sogessur fait valoir que, dans ses conclusions, M. [L] conteste deux postes de préjudice qui ne figurent pas dans sa déclaration d'appel, à savoir les frais divers et l'assistance temporaire par une tierce personne.

Rappelant que lorsque la déclaration d'appel tend à la réformation du jugement sans mentionner les chefs de jugement qui sont critiqués, l'effet dévolutif n'opère pas, elle en déduit que la cour n'est pas valablement saisie de l'indemnisation de ces postes de préjudice.

Elle soutient, par ailleurs, que le simple fait que M. [L] ait formulé une demande au titre des frais divers dans ses conclusions de première instance ne suffit pas à saisir la cour à hauteur d'appel et qu'il appartenait à ce dernier de mentionner dans sa déclaration d'appel la prétendue omission de statuer dont il se prévaut.

Elle conteste, d'ailleurs, toute omission de statuer en ce que le tribunal après avoir relevé, au titre de l'assistance par tierce personne, que M. [L] n'avait pas repris sa demande dans le dispositif de ses conclusions, a retenu qu'il ne pouvait donc pas statuer sur ce chef de préjudice, et a, dans le dispositif de sa décision, débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

M. [L] objecte que les dispositions concernant l'assistance par une tierce personne ne constituent pas un chef du jugement puisque le tribunal a considéré qu'il ne pouvait pas statuer sur ce chef de préjudice.

Il ajoute avoir formulé, en première instance, des demandes au titre des frais divers sur lesquelles le tribunal a omis de statuer.

Il fait enfin valoir que le conseiller chargé de la mise en état s'est déclaré incompétent pour statuer sur la demande mal fondée de la société Sogessur.

Sur ce, selon l'article 562 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2017-891 du 6 mai 2017, applicable au litige, « l'appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent. La dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible ».

Selon l'article 901, 4° du même code, dans sa rédaction applicable au litige, la déclaration d'appel doit contenir, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou que le litige est indivisible.

Il en résulte que la dévolution opérée par la déclaration d'appel est limitée aux chefs de dispositif du jugement expressément critiqués et à ceux qui en dépendent et qu'elle ne peut être étendue par des conclusions postérieures.

Toutefois, lorsque la déclaration d'appel mentionne les dispositions critiquées du jugement, il appartient à la cour de réparer, en raison de l'effet dévolutif, les éventuelles omissions de statuer affectant la décision déférée.

En l'espèce, la déclaration d'appel de M. [L] dont la teneur a été rappelée plus haut critique expressément le jugement en ses dispositions relatives à l'indemnisation des postes de préjudice liés à la perte de gains professionnels actuels et à l'incidence professionnelle.

Dans ses dernières conclusions devant le tribunal, versées aux débats par la société Sogessur, M. [L], avait formé sous le poste de préjudice « frais divers », une demande d'indemnisation à hauteur de la somme totale de 13 446 euros comprenant d'une part des frais de télévision (195 euros), de téléphonie (33 euros) et les honoraires du médecin conseil (2 100 euros) - frais divers proprement dits - et d'autre part, l'assistance par tierce personne avant consolidation de 11 118 euros.

Cette prétention était récapitulée dans le dispositif de ses conclusions aux termes duquel, il demandait au tribunal de condamner la société Sogessur à lui verser, au titre des frais divers, la somme de 13 446 euros.

Le tribunal a indiqué, dans les motifs de sa décision, que si M. [L] avait sollicité dans le corps de ses écritures une somme de 11 118 euros au titre de l'assistance temporaire par une tierce personne, cette demande n'était pas reprise dans le dispositif de ses conclusions, de sorte qu'il ne pouvait statuer sur ce chef de préjudice.

Il n'a pas, en outre, examiné les demandes d'indemnisation de M. [L] au titre des frais divers proprement dits (frais de télévision, de téléphonie et honoraires du médecin conseil).

Il en résulte que, nonobstant la formule générale du dispositif de la décision par laquelle le tribunal « déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraire », celui-ci a omis de statuer sur les demandes d'indemnisation présentées par M. [L] au titre des frais de télévision, de téléphonie et des honoraires de médecin-conseil qu'il n'a pas examinées dans ses motifs et qu'il a également omis de statuer sur l'assistance temporaire par une tierce personne dont il était valablement saisi, M. [L] ayant réclamé, au titre des frais divers, dans le dispositif de ses dernières conclusions, une indemnité d'un montant de 13 446 euros, incluant les frais de tierce personne temporaire.

La cour est ainsi valablement saisie de l'indemnisation de ces deux postes de préjudice sur lesquels le tribunal a omis de statuer, étant relevé que contrairement à ce que soutient la société Sogessur, M. [L] n'avait pas à mentionner dans sa déclaration d'appel les prétentions sur lesquels le tribunal avait omis de se prononcer.

Sur le préjudice corporel de M. [L]

Les experts, les Docteurs [C] et [I], ont indiqué dans leur rapport d'expertise amiable contradictoire en date du 5 octobre 2017 que M. [L] a présenté à la suite de l'accident du 11 août 2015 :

- au niveau thoracique : une fracture non déplacée du manubrium sternal et une fracture du quart externe de la clavicule gauche qui a nécessité une immobilisation coude au corps conservée environ un mois,

- un traumatisme des membres supérieurs avec une fracture de l'extrémité inférieure des deux os de l'avant bras-droit traitée par vis plaque, une fracture de la base des deuxième, quatrième et cinquième métacarpiens droits et une plaie de la face dorsale du troisième doigt de la main gauche,

- un traumatisme du bassin associant une fracture déplacée de l'aile iliaque gauche, un hématome rétro péritonéal, une fracture déplacée de l'aide iliaque gauche, un hématome rétro péritonéal, une fracture des branches ilio et ischio pubienne ainsi qu'une fracture en H du sacrum sans trouble neurologique associé,

- une fracture de la styloïde urinaire droite fermée,

- une plaie de la face de la main gauche, des dermabrasions multiples des flans et des quatre membres.

Ils concluent qu'il conserve comme séquelles un enraidissement modéré de l'épaule gauche, un enraidissement du poignet droit, des paresthésies persistantes dans les deux tiers externes de la main droite, des douleurs séquellaires pelviennes, quelques troubles psycho-traumatiques avec difficultés pour reprendre une moto, quelques phobies.

Ils ont conclu leur rapport ainsi qu'il suit :

- déficit fonctionnel temporaire total du 11 août 2015 au 9 novembre 2015 et les 15 juin 2016, 20 juillet 2016, 21 septembre 2016 et 29 mars 2017

- déficit fonctionnel temporaire partiel au taux de :

- 60 % du 10 novembre 2015 au 11 février 2016

- 50 % du 16 juin 2016 au 19 juillet 2016, du 21 juillet 2016 au 20 septembre 2016 et du 22 septembre 2016 au 30 novembre 2016

- 30 % du 12 février 2016 au 14 juin 2016, du 1er décembre 2016 au 28 mars 2017 et du 30 mars 2017 au 15 avril 2017

- 25 % du 16 avril 2017 au 11 août 2017

- aide par tierce personne :

- 2 heures par jour du 10 novembre 2015 au 11 février 2016

- 1 heure par jour du 12 février 2016 au 14 juin 2016

- 1 heure 30 par jour du 16 juin 2016 au 30 novembre 2016

- 3 heures par semaine du 1er décembre 2016 au 28 juin 2017

- arrêts de travail :

* du 11 août 2015 au 28 février 2017,

* du 29 avril 2017 au 20 mai 2017

- travail à mi-temps :

* du 1er mars 2017 au 28 mars 2017,

* du 21 mai 2017 au 11 août 2017

- date de consolidation : 11 août 2017

- déficit fonctionnel permanent : 15 %

- souffrances endurées : 5/7

- préjudice esthétique temporaire : 3,5/7

- préjudice esthétique définitif : 2,5/7

- préjudice d'agrément : il ne peut pas reprendre les activités sportives qu'il avait auparavant : surf, ski ; il nous dit qu'il a pu reprendre la randonnée mais pas le jogging

- préjudice sexuel : il dit avoir des gênes posturales pendant l'acte sexuel

- incidence professionnelle : « Nous rappelons qu'il travaille au ministère des finances mais comme agent technique. Il nous a dit qu'il avait un travail physique avec soulèvement de poids, entretien des locaux. Il doit, nous a-t-il dit, faire des déménagements de locaux, des changements de moquettes, il doit s'occuper de l'électricité et, nous a-t-il dit, de la climatisation. Il a déclaré un travail nécessitant des ports de charges lourdes et une bonne dextérité bimanuelle.

Il a été reclassé aux archives mais il nous dit être très gêné lors de l'accroupissement et l'agenouillement pour les saisies de boites qui sont parfois assez lourdes.

Le Docteur [C] [médecin conseil de la société Sogessur] considère qu'après consolidation, le mi-temps thérapeutique n'est pas justifié par les séquelles actuelles.

Le Docteur [I] [médecin conseil de la victime] considère qu'il y a une pénibilité et une dévalorisation dans le milieu du travail.

Le Docteur [C] reconnaît que le port de dossiers est sans doute plus pénible.

Le Docteur [C] reconnaît que l'activité initiale telle qu'il nous l'a décrite ne peut plus être assurée ».

Leur rapport constitue, sous les amendements et précisions qui suivent, une base valable d'évaluation du préjudice corporel subi à déterminer au vu des diverses pièces justificatives produites, de l'âge de la victime née le [Date naissance 1] 1988, de son activité d'agent de service technique au sein du ministère des finances, de la date de consolidation, afin d'assurer sa réparation intégrale et en tenant compte, conformément aux articles 29 et 31 de la loi du 5 juillet 1985, de ce que le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l'exclusion de ceux à caractère personnel sauf s'ils ont effectivement et préalablement versé à la victime une prestation indemnisant de manière incontestable un tel chef de dommage.

Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

- Frais divers

Ce poste comprend tous les frais susceptibles d'être exposés par la victime directe avant la date de consolidation de ses blessures et qui sont imputables à l'accident à l'origine du dommage corporel qu'elle a subi.

M. [L] forme à ce titre une demande d'indemnisation à hauteur de la somme totale de 13 446 euros dans le dispositif de ses dernières conclusions.

Il précise dans le corps de ses écritures que la somme de 13 446 euros inclut des frais de télévision à hauteur de 195 euros, des frais de téléphonie d'un montant de 33 euros, et les honoraires de son médecin conseil, soit 2 100 euros, ainsi que les frais d'assistance par une tierce personne qu'il évalue à la somme de 11 448 euros.

Sa demande relative aux frais de tierce personne avant consolidation, qu'il inclut dans le poste des frais divers, sera examinée au titre du poste de préjudice distinct lié au besoin d'assistance par une tierce personne dont elle relève.

Il convient d'observer par ailleurs que le calcul opéré par M. [L] est erroné, et que l'addition des sommes réclamées (195 euros + 33 euros + 2 100 euros + 11 448 euros) fait apparaître un résultat de 13 776 euros, supérieur à la somme de 13 446 euros réclamée dans le dispositif de ses conclusions qui seul saisit la cour.

Sur les frais de télévision et de téléphonie

M [L] justifie de frais de téléphonie de 33 euros acquittés le 18 août 2015 au sein du groupe hospitalier [10] situé à [Localité 9].

Il justifie également, au regard de la facture produite, de frais de télévision à hauteur de 195 euros pour la location d'un appareil au sein de cet établissement du 18 août 2015 au 4 novembre 2015.

Or, les experts précisent que M. [L] a séjourné dans le service de rééducation fonctionnelle [10] à [Localité 9] du 18 août 2015 au 9 novembre 2015.

Ces dépenses supportées par la victime et rendues nécessaires par l'accident doivent être indemnisées.

Sur les honoraires du médecin conseil

Les honoraires du Docteur [I], médecin conseil de M. [L], sont justifiés par la production d'une note d'honoraires en date du 21 septembre 2017 à hauteur de 2 100 euros TTC (hors taxes).

Cette dépense supportée par la victime, née directement de l'accident, est par la même indemnisable et doit être indemnisée.

***

Il sera ainsi alloué à M. [L] la somme totale de 2'328 euros (33 euros + 195 euros + 2 100 euros) au titre des frais divers.

- Assistance temporaire de tierce personne

Ce poste vise à indemniser, pendant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident jusqu'à la consolidation, le coût pour la victime de la présence nécessaire, de manière temporaire, d'une tierce personne à ses côtés pour l'assister dans les actes de la vie quotidienne, préserver sa sécurité, contribuer à restaurer sa dignité et suppléer sa perte d'autonomie.

M. [L] évalue ce poste de préjudice à la somme de 11 448 euros dans le corps de ses écritures sans préciser les modalités de son calcul.

Sur ce, en application du principe de la réparation intégrale et quelles que soient les modalités choisies par la victime, le tiers responsable est tenu d'indemniser le recours à cette aide humaine indispensable qui ne saurait être réduit en cas d'aide familiale ni subordonné à la production des justificatifs des dépenses effectuées.

Les experts, dont les conclusions doivent être entérinées, retiennnent un besoin d'assistance temporaire par une tierce personne de :

- 2 heures par jour du 10 novembre 2015 au 11 février 2016

- 1 heure par jour du 12 février 2016 au 14 juin 2016

- 1 heure 30 par jour du 16 juin 2016 au 30 novembre 2016

- 3 heures par semaine du 1er décembre 2016 au 28 juin 2017

Eu égard à la nature de l'aide requise et du handicap qu'elle est destinée à compenser, l'indemnisation se fera sur la base d'un taux horaire de 20 euros.

L'indemnité de tierce personne, qui sera évaluée conformément aux conclusions des experts, s'établit ainsi de la manière suivante :

- pour la période du 10 novembre 2015 au 11 février 2016

* 2 heures x 94 jours x 20 euros = 3'760 euros

- pour la période du 12 février 2016 au 14 juin 2016

* 1 heure x 124 jours x 20 euros = 2'480 euros

- pour la période du 16 juin 2016 au 30 novembre 2016

* 1,5 heures x 168 jours x 20 euros = 5'040 euros

- pour la période du 1er décembre 2016 au 28 juin 2017

* 3 heures x 30 semaines x 20 euros = 1 800 euros

Soit une somme totale de 13'080 euros qui sera ramenée à celle de 11 118 euros pour rester dans les limites de la demande globale formulée dans le dispositif des conclusions de l'appelant au titre des frais divers, incluant l'assistance temporaire par une tierce personne, soit 13 446 euros (195 euros + 33 euros + 2 100 euros + 11 118 euros).

- Perte de gains professionnels actuels

La perte de gains professionnels actuels indemnise une incapacité temporaire spécifique concernant les répercussions du dommage sur la sphère professionnelle de la victime et doit être évaluée au regard de la preuve d'une perte effective de revenus.

Le tribunal a relevé que M [L] sollicitait une indemnité d'un montant de 6 583,25 euros au titre de ce poste de préjudice, qu'à ce titre il versait aux débats une attestation de perte de salaire d'un montant de 10 055,88 euros, que toutefois l'AJE justifiait d'une créance de 85 993,82 euros tant au titre des pertes de gains actuels que des pertes de gains futurs, de sorte que le poste de préjudice lié aux pertes de gains professionnels avant consolidation était totalement absorbé par la créance de l'AJE, le reliquat de cette créance s'élevant, après imputation, à la somme résiduelle de 79 410,57 euros (85 993,82 euros - 6 583,25 euros).

M. [L], qui conclut à l'infirmation du jugement, fait valoir en substance que sa perte de gains professionnels actuels s'élève à la somme de 76 356,94 euros, sur laquelle ne doivent s'imputer que les salaires et indemnités maintenus entre le 12 octobre 2015 et le 11 août 2017, date de consolidation, soit, selon les documents communiqués par l'AJE en première instance, la somme de 69 773,69 euros.

Il en déduit que la somme lui revenant après imputation de la créance de l'AJE s'élève à la somme de 6 583,25 euros.

Il demande à voir actualiser cette indemnité à la somme de 7 387,69 euros afin de tenir compte des effets de l'érosion monétaire mais réclame dans le dispositif de ses dernières conclusions, qui seul saisit la cour, une somme de 6 583,25 euros au titre du poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels.

La société Sogessur objecte que M. [L] chiffre son préjudice à la somme de 76 356,96 euros sans préciser comment il parvient à ce montant.

Elle soutient que faute pour M. [L] de produire ses bulletins de salaire antérieurs à l'accident, il est impossible de déterminer son revenu de référence et, par conséquent, de calculer une éventuelle perte de gains.

Concernant l'attestation de perte de salaire en date du 19 décembre 2017, produite par M. [L], la société Sogessur relève qu'elle ne précise pas les périodes d'arrêts de travail concernées et qu'ayant été établie postérieurement à la fin du dernier arrêt de travail imputable à l'accident, elle englobe plusieurs mois de perte de revenus sans lien avec celui-ci.

Elle conclut ainsi à l'infirmation du jugement en ce qu'il a fixé la perte de gains professionnels actuels de M. [L] à la somme de 6 583 euros et demande à la cour de rejeter sa demande.

Elle fait valoir que sur la période d'arrêt des activités professionnelles de M. [L] en lien direct et certain avec l'accident, la créance de l'AJE au titre des salaires et indemnités maintenus s'élève à la somme de 42 817,99 euros, qu'elle ne conteste pas devoir prendre en charge.

*****

Sur ce, il ressort des pièces versées aux débats qu'à la date de l'accident, le 11 août 2015, M. [L] travaillait comme agent des services techniques au sein de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest, ayant été recruté depuis le 7 janvier 2007, dans le cadre du dispositif Pacte, par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie (pièces n° 11 et n° 12 de M. [L]).

Les experts ont indiqué, dans les conclusions de leur rapport qu'à la suite de l'accident du 11 août 2015, M. [L] avait été placé en arrêt de travail du 11 août 2015 au 28 février 2017 et du 29 avril 2017 au 20 mai 2017, et qu'il avait bénéficié d'un travail à mi-temps du 1er mars 2017 au 28 avril 2017 et du 21 mai 2017 au 11 août 2017, date de la consolidation.

Toutefois, leurs conclusions comportent des erreurs concernant les périodes d'indisponibilité totale et partielle de M. [L] avant la date de consolidation.

Il ressort, en effet, du corps de l'expertise (page n° 11), que M. [L] a été hospitalisé le 29 mars 2017 pour ablation du matériel d'ostéosynthèse, qu'il a dû porter, à la suite de cette intervention chirurgicale, une attelle thermo formée jusqu'en avril 2017 et qu'il a été placé en arrêt de travail à temps complet du 29 mars 2017 au 20 mai 2017.

Il en résulte que M. [L] était en arrêt de travail à temps complet et non en reprise à mi-temps thérapeutique entre le 29 mars 2017 et le 28 avril 2017, ce que confirment les décomptes de créance de l'AJE.

Par ailleurs, il ressort des comptes-rendus annuels d'entretien professionnel versés aux débats que M. [L] qui bénéficiait au moment de l'accident d'un poste d'agent technique, affecté à la gestion du site de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest impliquant des travaux de reprographie de masse, de manutention (réception de marchandises et déplacement de mobilier) et de réparation, a été transféré à compter du 17 mars 2017 au bureau d'ordre de la direction juridique, son nouveau poste incluant des travaux de classement d'archives, d'enregistrement informatique de certaines décisions contentieuses et gracieuses et de gestion des télérecours.

Contrairement à ce qui est mentionné dans l'expertise, M. [L] n'a pu reprendre son activité professionnelle à mi-temps thérapeutique à compter du 1er mars 2017, avant son changement de poste, alors que le Docteur [C] a lui-même admis que son état de santé ne lui permettait pas de reprendre son activité initiale.

Il résulte, en outre, des décomptes de créance détaillés de l'AJE que M. [L] a interrompu totalement son activité professionnelle entre le 11 août 2015, date de l'accident et le 21 mai 2017, date à laquelle il a repris son activité à mi-temps thérapeutique jusqu'au 12 mars 2018.

Au vu de ces éléments, il est démontré que M. [L] a subi une perte de gains professionnels pendant les périodes d'arrêt de travail et de reprise à mi-temps thérapeutique dont il a bénéficié entre la date de l'accident et la date de la consolidation, le 11 août 2017, lesquelles sont en lien avec l'accident.

Il ressort de l'attestation établie par la direction générale des finances publiques du ministère de l'action et des comptes publics en date du 19 décembre 2017 que « suite à son congé maladie en date du 12 août 2015 (congé ordinaire de maladie puis congé de longue maladie), M. [F] [L] constate une diminution de sa rémunération (traitements et indemnités) à hauteur de 10'055,88 euros bruts ».

L'existence de cette perte de gains professionnels non compensée par les salaires et indemnités maintenus par l'employeur est confirmée par l'examen des avis d'imposition versés aux débats qui permettent de constater que M. [L] a déclaré un revenu de 21 565 euros au titre de l'année 2014, dernière année complète précédant l'accident, un revenu de 21 478 euros au titre de l'année 2015, année de l'accident, un revenu de 16 183 euros au titre de l'année 2016 et un revenu de 19 371 euros au titre de l'année 2017.

Par ailleurs cette attestation, qui présente toute garantie de crédibilité, concerne la période pendant laquelle M. [L], consécutivement à l'accident, a bénéficié d'un congé maladie puis d'un congé de longue maladie, de sorte qu'il est suffisamment établi qu'elle se rapporte aux arrêts de travail à temps complet antérieurs à la date de consolidation.

La perte de gains professionnels de M. [L] non compensée par les salaires et indemnités maintenus par son employeur pendant sa période d'indisponibilité s'élève ainsi à la somme de 10 055,88 euros bruts, soit une perte nette de 8 346,38 euros, en retenant au vu des bulletins de salaires annexés aux décomptes de créance détaillés de l'AJE un taux de charges sociales de 17 % [10 055,88 euros - (10 055,88 euros x 17 %)].

Si M. [L] est fondé à voir actualiser cette perte à la date du présent arrêt pour tenir compte de la dépréciation monétaire, il ne réclame qu'une somme de 6 583,25 euros dans le dispositif de ses dernières conclusions qui seul saisit la cour en application de l'article 954 du code de procédure civile.

Sa perte de gains professionnels actuels non compensée par les salaires et indemnités maintenus par son employeur sera ainsi fixée à la somme de 6 583, 25 euros, compte tenu des limites de la demande.

Si la perte de gains professionnels d'un fonctionnaire pendant la période antérieure à la consolidation correspond à sa perte de revenus nette, il résulte de l'article 29,4° de la loi du 5 juillet 1985 et de l'article 1-II de l'ordonnance n° 59-76 du 7 janvier 1959, applicable au litige, que le recours subrogatoire de l'Etat qui, pendant la période d'interruption du service de son agent, a maintenu en tout ou partie la rémunération de celui-ci, doit porter sur l'ensemble des sommes versées à ce titre, soit directement à l'intéressé, soit dans son intérêt par voie de précompte pour ce qui concerne les cotisations salariales.

Il ressort des décomptes de créance de l'AJE que le montant des traitements et indemnités bruts maintenus pendant les périodes d'indisponibilité totale et partielle de M. [L] se sont élevés jusqu'à la date de consolidation à la somme de 42 817,99 euros bruts se décomposant comme suit :

- du 12 août 2015 au 31 octobre 2015 : 5 456,91 euros bruts

- du 1er novembre 2015 au 31 décembre 2015 : 3 610,12 euros bruts

- du 1er janvier 2016 au 31 décembre 2016 : 22 886,55 euros bruts

- du 1er janvier 2017 au 30 avril 2017 : 6 697,48 euros

- du 1er mai 2017 au 11 août 2017, prorata temporis : 4 166,93 euros selon les calculs exacts détaillés par la société Sogessur dans ses conclusions.

Il revient ainsi à M. [L] au titre du poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels actuels la somme de 6 583,25 euros et à l'AJE celle de 42 817,99 euros.

Préjudices patrimoniaux permanents (après consolidation)

- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste est destiné à indemniser la victime de la perte ou de la diminution directe de ses revenus à compter de la date de consolidation, consécutive à l'invalidité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du fait dommageable.

Si M. [L] ne formule aucune prétention au titre de ce poste de préjudice, la société Sogessur conteste le montant des sommes allouées à l'AJE par le tribunal au titre des traitements et indemnités maintenus au bénéfice de son agent après la date de consolidation.

Elle fait valoir que les experts ont fixé comme suit les arrêts de travail imputables à l'accident :

- arrêt total des activités professionnelles du 11 août 2015 au 28 février 2017

- arrêt partiel des activités professionnelles (mi-temps) du 1er mars 2017 au 28 avril 2017

- arrêt total des activités professionnelles du 29 avril 2017 au 20 mai 2017

- arrêt partiel des activités professionnelles (mi-temps) du 21 mai 2017 au 11 août 2017.

Elle soutient que les experts n'ont pas retenu d'arrêt de travail imputable à l'accident postérieurement à la date de consolidation fixée au 11 août 2017, et, qu'en conséquence, la créance de l'AJE ne peut concerner les salaires maintenus après le 11 août 2017.

La société Sogessur conclut que sur la créance totale invoquée par l'AJE devant le tribunal au titre des rémunérations et indemnités maintenus au bénéfice de son agent à hauteur de 50 628,25 euros, seuls sont en lien de causalité avec l'accident les traitements et indemnités maintenus jusqu'à la date de consolidation à hauteur de 42 817,99 euros.

Sur ce, pour les motifs qui précèdent et auxquels il convient de se référer, les périodes d'indisponibilité totale et partielle de M. [L] mentionnées dans les conclusions du rapport d'expertise sont erronées, l'intéressé ayant, en réalité, dû cesser totalement son activité professionnelle entre le 11 août 2015, date de l'accident et le 21 mai 2017, date à laquelle il a repris son activité à mi-temps thérapeutique.

Ce travail à mi-temps thérapeutique s'est poursuivi jusqu'au 12 mars 2018 ainsi qu'il résulte des mentions des décomptes de créance détaillés de l'AJE.

Si le Docteur [C] a estimé que la poursuite du mi-temps thérapeutique au-delà de la date de consolidation n'était pas justifiée par les séquelles de l'accident, cet avis qui ne lie pas la cour ne sera pas entériné.

En effet, compte tenu des séquelles de l'accident, incluant un enraidissement modéré de l'épaule gauche, un enraidissement du poignet droit, des paresthésies persistantes dans les deux tiers externes de la main droite et des douleurs pelviennes, la poursuite par M. [L] d'un travail à mi-temps thérapeutique entre le 11 août 2017 et le 12 mars 2018 apparaît justifiée, le poste de travail auquel l'intéressé a été affecté au sein du bureau d'ordre de la direction juridique impliquant la manutention de boîtes d'archives.

La perte de gains professionnels futurs de M. [L] est au moins équivalente au montant des traitements et indemnités maintenus, sans contrepartie de travail, par l'Etat pendant la période de cessation partielle d'activité de l'intéressé entre la date de consolidation, le 11 août 2017 et le 12 mars 2018, dont la cour retient qu'elle est imputable à l'accident.

L'AJE est ainsi fondé à obtenir de la société Sogessur le remboursement de ces rémunérations et indemnités mais également, pour les mêmes motifs que ceux énoncés s'agissant de la perte de gains professionnels actuels, les charges salariales payées dans l'intérêt de ce dernier, soit au regard des décomptes de créance de l'AJE, la somme totale de 7 810,26 euros (50 628,25 euros bruts - 42 817,99 euros bruts).

- Incidence professionnelle

Ce chef de dommage a pour objet d'indemniser non la perte de revenus liée à l'invalidité permanente de la victime mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle en raison, notamment, de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore l'obligation de devoir abandonner la profession exercée au profit d'une autre en raison de la survenance de son handicap ; il inclut les frais de reclassement professionnel, de formation ou de changement de poste, la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap et la dévalorisation sociale ressentie par la victime du fait de son exclusion définitive du monde du travail.

Le tribunal après avoir fixé l'indemnisation de ce poste de préjudice à la somme de 75 000 euros, a retenu qu'après imputation de la créance résiduelle de l'AJE, il ne revenait aucune somme à M. [L].

M. [L] sollicite le versement d'une indemnité d'un montant de 75 000 euros en réparation de ce poste de préjudice.

Il invoque une dévalorisation professionnelle en relevant qu'au moment des faits, il exerçait les fonctions d'agent de service technique de gestion du site pour lesquelles il avait régulièrement des évaluations favorables, se trouvant ainsi dans une dynamique d'avancement et de promotion professionnelle avérée, ce qui lui procurait un épanouissement professionnel.

Il expose qu'à la suite de son accident, il a été dans l'impossibilité de reprendre son poste et contraint d'accepter des fonctions répétitives et limitées pour lesquelles il ne parvient pas à trouver d'intérêt et qui ne lui permettent plus d'espérer d'évolution de carrière ce qui contribue à une importante dévalorisation ; il se prévaut de la dynamique d'avancement dans laquelle il se trouvait au moment de son accident et invoque une perte de chance sérieuse d'accéder à une promotion.

Il conteste l'imputation de la créance de l'AJE au titre des rémunérations maintenues sur ce poste de préjudice qu'elles n'ont pas vocation à réparer.

La société Sogessur conclut également à l'infirmation du jugement.

Elle évalue ce poste de préjudice à la somme de 15 000 euros au regard du rapport d'expertise qui n'a pas permis de dégager un accord entre les experts sur la dévalorisation dans le milieu du travail, seulement retenue par le Docteur [I], les deux experts amiables reconnaissant en revanche une pénibilité dans le port de charges lourdes.

Elle relève qu'à la suite de l'accident M. [L] a été reclassé au sein du bureau d'ordre de la direction juridique de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest, non pas en qualité de « rédacteur au sein d'une division juridique » mais en qualité d'agent technique, fonction qu'il exerçait auparavant, sans que le fait qu'il soit le seul agent technique de son service ne permette d'attester d'une dévalorisation ou d'une absence de possibilité d'évolution. Elle ajoute que lors de son reclassement, M. [L] a bénéficié d'un avancement et soutient que la perte de chance de progression de carrière n'est pas démontrée.

Sur ce, M. [L], comme relevé plus haut, était affecté à l'époque de l'accident à un poste d'agent des services techniques au sein de la direction de contrôle fiscal Ile-de-France Ouest des impôts du ministère de l'économie des finances et de l'industrie chargé de la gestion du site et impliquant, selon le cahier des consignes des agents des services techniques, l'accomplissement de tâches physiques nécessaires à la surveillance et à l'entretien des locaux, à la préparation du matériel nécessaire pour les réunions, à l'acheminement du courrier ainsi qu'à des travaux de manutention (réception de marchandises, déplacements mobiliers ...) et de reprographie.

Il résulte des comptes rendus des entretiens d'évaluation des 23 mars 2009, 25 février 2010, 23 mars 2011, 16 mars 2012, 12 mars 2013, 18 février 2014 et 26 février 2015 que M. [L] donnait satisfaction dans l'accomplissement de son travail et est passé de l'échelon n °2 en 2009 à l'échelon n° 5 en 2015.

A la suite des faits, il a été affecté, à partir du 17 mars 2017, au bureau d'ordre de la division juridique qu'il a rejoint à l'issue de son congé pour maladie et longue maladie, son poste, décrit dans son compte rendu annuel d'entretien professionnel au titre de l'année 2019, consistant à procéder à des travaux d'archivage, à la saisie informatique de certaines décisions et à la gestion des télérecours.

Il ressort du compte-rendu annuel d'entretien professionnel du 25 février 2019 que les objectifs assignés à M. [L] ont été atteints, qu'aucun besoin spécifique de formation n'a été identifié et que M. [L] n'envisage pas actuellement de déposer une demande de mutation ; il est également noté qu'il est « intégré au sein de l'équipe du bureau d'ordre » et que « sa collaboration est bien appréciée par ses collègues et sa hiérarchie ».

Il est mentionné dans cette évaluation que M. [L] a atteint l'échelon n° 6, de sorte qu'il a continué à progresser dans sa carrière.

Il résulte de l'ensemble de ces éléments, que M. [L] a été contraint en raison de l'accident d'abandonner l'activité d'agent des services techniques affecté à la gestion du site qu'il exerçait depuis plusieurs années et dont il appréciait les activités variées pour un travail d'archivage et de saisie de données informatiques, plus répétitif, ce qui caractérise une composante de l'incidence professionnelle qu'il convient d'indemniser.

Par ailleurs, les séquelles de l'accident retenues par les experts incluent un enraidissement modéré de l'épaule gauche et du poignet droit de sorte que M. [L] subit une pénibilité dans l'exercice de son activité professionnelle au sein du bureau d'ordre de la division juridique comme l'admet la société Sogessur (p. 16 de ses conclusions).

Si les deux experts ne sont pas parvenus à des conclusions communes concernant l'incidence professionnelle induite par l'accident, il est établi que M. [L] se trouve, en raison de ses séquelles, dévalorisé dans son activité d'agent de services techniques par rapport à d'autres fonctionnaires, les postes qui lui sont accessibles, sans manutention importante, étant plus limités.

En revanche, il n'est pas justifié que le changement d'affectation de M. [L] ait une incidence péjorative sur son évolution de carrière au sein de la fonction publique alors qu'il a atteint l'échelon 6 après sa nouvelle affectation au bureau juridique.

Compte tenu de l'ensemble de ces éléments, il sera alloué à M. [L], âgé de 29 ans à la date de consolidation, la somme de 55 000 euros au titre de l'incidence professionnelle.

Il n'y a pas lieu de déduire de ce poste de préjudice la créance de l'AJE au titre des traitements et indemnités maintenus pendant les périodes d'indisponibilité totale et partielle de son agent avant et après consolidation, qu'elle n'a pas vocation à réparer.

En l'absence de prestations devant être imputées sur ce poste de préjudice, la somme de 55 000 euros revient à M. [L].

Le jugement sera infirmé.

Sur les sommes revenant à l'AJE

Le tribunal a condamné la société Sogessur à verser à l'AJE la somme de 85 993,82 euros.

La société Sogessur soutient que seule est imputable à l'accident la créance de l'AJE au titre des salaires maintenus jusqu'à la date de consolidation fixée au 11 août 2017 et des charges patronales afférentes aux rémunérations maintenues au cours de cette période.

Elle demande ainsi à la cour de constater que la créance de l'AJE en lien avec l'accident s'élève à la somme de 72 374,27 euros, dont 42 817,99 euros au titre du maintien des traitements et indemnités et 29 554,28 euros au titre des charges patronales et de condamner l'AJE à lui rembourser la somme de 13 619,55 euros (85 993,82 euros - 72 374,27 euros).

Pour les motifs qui précèdent et auxquels il convient de se référer, il revient à l'AJE au titre de son recours subrogatoire la somme de 50 628,25 euros, dont 42 817,99 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels et 7'810,26 euros au titre de la perte de gains professionnels futurs.

En application de l'article 32 de la loi du 5 juillet 1985, l'AJE est admis à poursuivre directement contre la société Sogessur le remboursement des charges patronales afférentes aux traitements et indemnités maintenus au bénéfice de son agent pendant ses périodes d'indisponibilité totale et partielle imputables à l'accident.

Ces charges patronales se sont élevées à la somme de 35 365,57 euros, ce que rappelle la société Sogessur dans ses dernières conclusions.

La cour ayant retenu pour les motifs qui précèdent que toutes les périodes d'arrêt de travail et de reprise à mi-temps thérapeutique étaient imputables à l'accident, y compris le mi-temps thérapeutique dont a bénéficié M. [L] entre la date de consolidation, le 11 août 2017 et le 12 mars 2018, la société Sogessur doit prendre en charge la totalité des charges patronales afférentes, soit la somme de 35 365,57 euros.

La créance totale de l'AJE en lien avec l'accident s'établit ainsi à la somme de 85 993,82 euros (50 628,25 euros + 35 365,27 euros).

Le jugement sera confirmé, de sorte que l'AJE n'est tenu au remboursement d'aucune somme.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions du jugement relatives aux dépens et aux frais irrépétibles doivent être confirmées.

La société Sogessur qui succombe partiellement à ses prétentions et qui est tenue à indemnisation supportera la charge des dépens d'appel.

L'équité commande d'allouer à M. [L] une indemnité de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par arrêt réputé contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Et dans les limites de l'appel,

- Confirme le jugement, hormis sur les sommes revenant à M. [F] [L] au titre des postes de son préjudice liés aux frais divers, à l'assistance temporaire par une tierce personne, à la perte de gains professionnels et à l'incidence professionnelle,

Statuant à nouveau sur les points infirmés et y ajoutant,

- Condamne la société Sogessur à payer à M. [F] [L] les sommes suivantes, provisions et sommes versées au titre de l'exécution provisoire du jugement non déduites, avec les intérêts au taux légal à compter du jugement à concurrence des sommes allouées par celui-ci et à compter du présent arrêt pour le surplus au titre des préjudices ci-après :

- frais divers : 2'328 euros

- assistance temporaire par une tierce personne : 11 118 euros

- perte de gains professionnels actuels : 6 583,25 euros

- incidence professionnelle : 55 000 euros,

- Déboute la société Sogessur de sa demande de remboursement formée à l'encontre de l'Agent judiciaire de l'Etat,

- Condamne sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la société Sogessur à payer à M. [F] [L] la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- Condamne la société Sogessur aux dépens d'appel.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE