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Décisions

CA Bourges, 1re ch., 24 octobre 2024, n° 23/00446

BOURGES

Arrêt

Autre

CA Bourges n° 23/00446

24 octobre 2024

VS/MMC

COPIE OFFICIEUSE

COPIE EXÉCUTOIRE

à :

- SCP ROUAUD & ASSOCIES

Expédition TJ

LE : 24 OCTOBRE 2024

COUR D'APPEL DE BOURGES

CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2024

N° - Pages

N° RG 23/00446 - N° Portalis DBVD-V-B7H-DRPB

Décision déférée à la Cour :

Jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de CHATEAUROUX en date du 13 Janvier 2023

PARTIES EN CAUSE :

I - S.A. FLOA SA FLOA (anciennement dénommée BANQUE DU GROUPE CASINO) agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège social:

[Adresse 2]

[Adresse 3]

[Adresse 3]

N° SIRET : 434 130 423

Représentée par Me Delphine DEBORD-GUY de la SCP ROUAUD & ASSOCIES, avocat au barreau de BOURGES

timbre fiscal acquitté

APPELANTE suivant déclaration du 03/05/2023

II - M. [Y] [F]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Non représenté

Suivants déclaration d'appel et conclusions signifiées par commissaire de justice les 16 juin 2023 à étude, 07 juillet 2023 à personne et 23 août 2024 à étude

INTIMÉ

24 OCTOBRE 2024

N° /2

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 786 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Septembre 2024 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. PERINETTI, Conseiller chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CLEMENT Présidente de Chambre

M. PERINETTI Conseiller

Mme CIABRINI Conseillère

***************

GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme SERGEANT

***************

ARRÊT : RENDU PAR DEFAUT

prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

**************

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant acte d'huissier en date du 12 septembre 2022, la SA Floa a fait assigner M. [Y] [F] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châteauroux aux fins de voir, en l'état de ses dernières demandes,

' condamner M. [F] à lui payer et porter la somme de 7 601,91 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure,

' à titre subsidiaire, prononcer la résiliation du crédit souscrit par M. [F],

' condamner M. [F] à lui payer et porter la somme de 7 601,91 euros avec intérêts au taux contractuel à compter de la mise en demeure,

' en cas de déchéance du droit aux intérêts, limiter cette sanction aux seuls intérêts échus et non payés à ce jour,

' assortir toute condamnation des intérêts au taux légal avec majoration de cinq points,

' en tout état de cause, ordonner la capitalisation des intérêts,

' condamner M. [F] à lui payer et porter la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens,

' faire application de l'article R. 444-55 du code de commerce.

M. [F] n'a pas comparu ni été représenté devant le juge des contentieux de la protection.

Par jugement réputé contradictoire du 13 janvier 2023, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Châteauroux a :

' débouté la société Floa de l'ensemble de ses demandes,

' condamné la société Floa aux dépens.

Le juge des contentieux de la protection a retenu que les éléments produits par la société Floa, notamment ceux qui étaient destinés à établir la réalité de la signature électronique et l'identité du signataire, ne permettaient pas de conclure avec certitude que le contrat litigieux avait été signé par M. [F].

Par déclaration en date du 3 mai 2023, la société Floa a interjeté appel de ce jugement en l'ensemble de ses dispositions.

Par arrêt en date du 25 avril 2024, la cour d'appel de céans a :

' dit que la société Floa rapporte la preuve de la signature électronique par M. [Y] [F] de l'offre de crédit du 9 mars 2021,

' ordonné la réouverture des débats à l'audience du 10 septembre 2024 afin de permettre à la société Floa de produire toutes pièces et explications utiles démontrant la communication effective et préalable à la conclusion du contrat à l'emprunteur de la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne, toutes observations quant aux diligences qu'elle a effectuées aux fins de vérification de la solvabilité de M. [F], un décompte des sommes qu'elle réclame expurgé des intérêts contractuels, les justificatifs postaux relatifs aux courriers de mise en demeure et de prononcé de la déchéance du terme adressés à M. [F], outre toute observation sur ce point,

' réservé le surplus des demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 22 août 2024 et signifiées à l'intimé le 23 août 2024, la société Floa demande à la cour de :

' infirmer le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

A titre principal,

' condamner M. [F] à lui payer et porter les sommes suivantes, arrêtées au 4 juillet 2022 :

* capital restant dû : 6 167,55 euros,

* intérêts : 581,66 euros,

* assurance : 359,30 euros,

* indemnité légale : 493,40 euros,

* total : 7 601,91 euros,

outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement,

A titre subsidiaire,

' prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit souscrit par M. [F],

' condamner au titre des restitutions M. [F] à lui payer et porter les sommes suivantes, arrêtées au 4 juillet 2022 :

* capital restant dû : 6 167,55 euros,

* intérêts : 581,66 euros,

* assurance : 359,30 euros,

* indemnité légale : 493,40 euros,

* total : 7 601,91 euros,

outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu'à parfait paiement,

En tout état de cause,

' ordonner la capitalisation des intérêts,

' condamner M. [F] à lui payer et porter la somme de 1 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

' condamner M. [F] aux entiers dépens,

' dire que, dans l'hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le « jugement » à intervenir, l'exécution devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier, en application de l'article R. 444-55 du code de commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile, l'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoyant qu'une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes.

Bien que dûment cité, M. [F] n'a pas constitué avocat devant la cour.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions de l'appelante pour un plus ample exposé de ses prétentions et moyens.

SUR CE

Sur la validité de la déchéance du terme

En vertu de l'article 1225, alinéa 2, du code civil, la résolution du contrat est subordonnée à une mise en demeure infructueuse, s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution. La mise en demeure ne produit effet que si elle mentionne expressément la clause résolutoire.

En l'espèce, pour justifier de la validité de la déchéance du terme, la société Floa produit deux courriers de mise en demeure datés des 4 et 20 octobre 2021, qui ne sont cependant accompagnés d'aucun justificatif d'expédition et de distribution, ainsi qu'une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 16 décembre 2021 portant mise en demeure avant déchéance du terme, sur laquelle est toutefois mentionnée une référence de recommandé différente de celle figurant sur le justificatif de suivi annexé, et une lettre recommandée avec accusé de réception datée du 25 mars 2022 portant déchéance du terme, à laquelle est annexé un « suivi des éditions clientèle » qui ne mentionne pas la référence de recommandé et indique par surcroît pour ultimes étapes de traitement : « en cours de traitement » et « code événement DI3 inconnu ».

La société Floa indique, après réouverture des débats, ne pas être en mesure de fournir les justificatifs postaux demandés par la cour qui permettraient d'apporter la preuve que les quatre courriers susmentionnés ont été expédiés et ont au moins été avisés, à défaut d'avoir été effectivement remis au destinataire.

Elle échoue donc à démontrer avoir mis en demeure M. [F] de régulariser les échéances impayées et avoir régulièrement prononcé la déchéance du terme du contrat.

Sur la résiliation judiciaire du contrat

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice.

L'article 1227 du même code dispose que la résolution peut, en toute hypothèse, être demandée en justice.

Pour l'exercice de l'action en résolution autorisée par ce texte, l'acte introductif d'instance suffit à mettre en demeure la partie qui n'a pas exécuté son engagement, sans qu'il soit nécessaire de faire précéder cet acte d'une sommation ou d'un commandement (voir notament en ce sens Cass. civ. 1re, 23 janvier 2001, no 98-22.760).

En l'espèce, la société Floa demande à la cour, à titre subsidiaire, de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de prêt.

Il résulte de la liste des mouvements avec soldes progressifs du 29 avril 2022, du relevé des échéances en retard du même jour et du décompte de créance du 4 juillet 2022 que la première échéance impayée non régularisée date du 31 mai 2021 et que M. [F] n'a plus effectué aucun règlement en remboursement du crédit depuis lors, ce qui caractérise une inexécution suffisamment grave de l'obligation essentielle de l'emprunteur de restituer les fonds prêtés.

En conséquence, infirmant le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Floa de l'ensemble de ses demandes, il y a lieu de prononcer la résiliation du contrat de crédit au 12 septembre 2022, date de l'assignation.

Sur la déchéance du droit aux intérêts conventionnels

Sur la remise préalable de la FIPEN à l'emprunteur

L'article L. 312-12, alinéa 1, du code de la consommation dispose que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit fournit à l'emprunteur, sous forme d'une fiche d'informations, sur support papier ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.

L'article L. 341-1, alinéa 1, du même code prévoit que sous réserve des dispositions du second alinéa, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l'emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l'article L. 312-12 ou, pour les opérations de découvert en compte, à l'article L. 312-85 est déchu du droit aux intérêts.

Il est constant que la signature par l'emprunteur d'un contrat de prêt comportant une clause type selon laquelle il reconnaît avoir reçu la fiche d'information précontractuelle normalisée européenne ne peut constituer qu'un simple indice non susceptible, en l'absence d'élément complémentaire, de prouver l'exécution par le prêteur de son obligation d'information (voir notament en ce sens Cass. civ. 1re, 5 juin 2019, no 17-27.066).

Il est par ailleurs admis que la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur, qui doit rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations, lui a remis la fiche précontractuelle d'information normalisée européenne, constitue seulement un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires et qu'un document émanant de la seule banque, même renseigné notamment des chefs de l'identité du prêteur, de la description des principales caractéristiques du crédit et du coût du crédit et de la référence le numéro du contrat de prêt, ne peut utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt (voir notamment en ce sens Cass. Civ. 1ère, 7 juin 2023, n°22-15.552).

En l'espèce, la société Floa conclut à l'absence de motif de déchéance de son droit aux intérêts conventionnels.

Elle soutient que la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées (FIPEN) a été remise à l'emprunteur en amont de la conclusion du contrat. Elle fait observer que la fiche figure en page 1/18 de la liasse contractuelle et que l'emprunteur atteste en avoir été destinataire antérieurement à la régularisation du prêt, ce qui vaudrait aveu extrajudiciaire. Elle fait valoir que les éléments complémentaires corroborant la remise de la FIPEN sont la fiche personnalisée elle-même et la liasse contractuelle, et que tous les documents compris dans cette liasse comportent une seule et même référence.

Si le contrat de crédit, en sa page 6/18 comportant la signature électronique de M. [F], mentionne que ce dernier « reconnai[t] avoir pris connaissance et rester en possession d'un exemplaire de la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs », cette mention ne peut être analysée que comme un indice, devant être complété par d'autres éléments, de l'exécution par la société Floa de son obligation d'information précontractuelle.

Or, force est de constater que les pièces produites par la société Floa ne permettent pas d'établir que la fiche d'informations précontractuelles européennes normalisées a été remise à M. [F] préalablement à la signature du contrat.

Il résulte au contraire des fichier de preuve et parcours client qu'un document unique dénommé « default.pdf » a été proposé à la lecture de M. [F] le 9 mars 2021 à 00:58:17 CET et qu'il a accepté l'ensemble de ce document en cochant la case « je reconnais avec pris connaissance et approuver l'ensemble des documents contractuels ci-dessus » le 9 mars 2021 à 01:00:10 CET, ce qui tend à démontrer que la FIPEN a au mieux été fournie à l'emprunteur concomitamment au contrat de crédit, sans qu'il ne dispose donc d'un délai raisonnable de réflexion entre la remise de ces deux documents. Le fait que la FIPEN se trouve en page 1/18 et que l'offre de contrat de crédit débute en page 4/18 de la liasse contractuelle n'est pas de nature à remettre en cause cette constatation.

La société Floa échoue donc à apporter la preuve du respect des dispositions de l'article L. 312-12 du code de la consommation.

Sur la vérification de la solvabilité de l'emprunteur

L'article L. 312-16 du code de la consommation dispose qu'avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur vérifie la solvabilité de l'emprunteur à partir d'un nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur. Le prêteur consulte le fichier prévu à l'article L. 751-1, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné à l'article L. 751-6, sauf dans le cas d'une opération mentionnée au 1 de l'article L. 511-6 ou au 1 du I de l'article L. 511-7 du code monétaire et financier.

L'article L. 341-2 du même code prévoit que le prêteur qui n'a pas respecté les obligations fixées aux articles L. 312-14 et L. 312-16 est déchu du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

L'obligation de vérification de la solvabilité de l'emprunteur impose au prêteur de s'informer sur le patrimoine et les revenus de l'emprunteur, ainsi que sur son état actuel d'endettement, afin de mesurer ses capacités financières et le poids que constituera le nouveau prêt, raison pour laquelle le prêteur doit se renseigner auprès de l'emprunteur et exiger les justificatifs appropriés correspondant à ses déclarations.

En l'espèce, la société Floa soutient avoir obtenu tous les justificatifs nécessaires à l'évaluation de la solvabilité de l'emprunteur. Elle rappelle que les dispositions précitées lui laissent une marge d'appréciation et qu'elle est en droit de se fier aux informations transmises par l'emprunteur, qui doit donner des informations exactes sur sa situation. Elle prétend encore que l'efficacité de la remise de justificatifs est illusoire car subordonnée à la bonne foi de l'emprunteur.

Il convient en premier lieu de rappeler que la vérification de la solvabilité de l'emprunteur n'est pas une obligation de pure forme, telle que semble la concevoir la société Floa, mais une obligation essentielle du prêteur visant à prévenir les risques de surendettement, qui lui impose de demander et d'analyser les justificatifs de l'emprunteur au titre de ses ressources et charges.

Pour justifier de la vérification de la solvabilité de M. [F], la société Floa verse aux débats un bulletin de salaire de janvier 2021 faisant état d'un salaire brut de 1 168,59 euros et d'un salaire net à payer avant impôt de 702,72 euros, après déduction d'un acompte de 100 euros versé le 23 janvier 2021 et d'un acompte du même montant versé le 31 janvier 2021.

Ce salaire est nettement inférieur à celui qui a été déclaré par M. [F] dans la fiche de dialogue, à savoir 15 000 euros nets sur 12 mois, soit 1 250 euros nets par mois, ce qui devait conduire la société Floa à demander des explications à l'emprunteur quant à cette discordance relative à ses revenus.

Par ailleurs, les deux avances sur salaire versées à la fin du mois de janvier 2021 auraient dû attirer l'attention de la société Floa, en ce qu'elles pouvaient laisser soupçonner l'existence de difficultés financières pour l'emprunteur de nature à justifier des vérifications approfondies de sa solvabilité.

Il est encore relevé que M. [F], qui s'est déclaré célibataire, a indiqué un montant de loyer de 150 euros par mois dans la fiche de dialogue, sans qu'il lui ait été demandé de fournir de quittance de loyer, alors que ce montant apparaît anormalement bas au regard des conditions du marché immobilier.

L'ensemble de ces anomalies aurait dû conduire la société Floa à solliciter davantage de renseignements et justificatifs relatifs aux ressources et charges de M. [F], dès lors qu'elles faisaient naître un doute important sur ses capacités financières et sur sa faculté à assumer le poids du crédit consenti.

Faute de l'avoir fait, elle a manqué à ses obligations tirées de l'article L. 312-16 du code de la consommation.

Il convient en conséquence de prononcer la déchéance totale du droit aux intérêts conventionnels.

Sur le montant de la créance du prêteur

L'article L. 312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

L'article L. 341-8 du même code ajoute que lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu.

Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

La Cour de cassation juge par ailleurs que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne dispense pas l'emprunteur du paiement des intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure (voir notamment en ce sens Cass. civ. 1re, 26 novembre 2002, no 00-17.119).

Cependant, afin de garantir l'effectivité des règles de protection des consommateurs prévues par la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, il incombe au juge de réduire d'office, dans une proportion constituant une sanction effective et dissuasive du manquement du prêteur à son obligation, le taux légal, lorsque celui-ci est supérieur ou équivalent au taux conventionnel (voir notamment en ce sens Cass. civ. 1re, 28 juin 2023, no 22-10.560).

En l'espèce, il ressort de la liste des mouvements avec soldes progressifs produite par la société Floa que le premier dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti, à savoir 6 000 euros, est intervenu le 8 juin 2021, lorsque le solde progressif s'est établi à -4 656,25 euros pour le compte « prêt dispo » et -1 433,16 euros pour le compte « finan. n. fois », soit au total -6 089,41 euros, sans que le solde progressif ne revienne plus par la suite dans la limite du montant consenti.

M. [F] a honoré la seule échéance du 30 avril 2021 pour un montant de 223,65 euros, dont 182,07 euros versés au titre du capital et des intérêts et 41,58 euros versés au titre des primes d'assurance.

Eu égard à la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels, les sommes versées par l'emprunteur au titre des intérêts l'ont été à tort et devront être imputées sur le capital restant dû.

M. [F] reste donc à devoir la somme de 6 000 - 182,07 = 5 817,93 euros.

En ce qui concerne les primes d'assurance, la société Floa écrivait dans son courrier du 25 mars 2022 : « nous vous informons que l'exigibilité anticipée et intégrale de votre crédit prononcé par la présente entraîne votre exclusion du contrat groupe des emprunteurs ['] au terme de 40 jours à compter de l'envoi de cette lettre recommandée de mise en demeure ». Sa créance à ce titre est donc limitée aux échéances des mois de mai 2021 à avril 2022 et il sera fait droit à sa demande à hauteur de 359,30 euros.

Eu égard à la déchéance totale du droit aux intérêts contractuels, la société Floa est mal fondée à solliciter le paiement de l'indemnité légale de 8 %.

Enfin, le taux d'intérêt légal passé de 0,77 % au 2nd semestre 2022 (date d'effet de la résiliation judiciaire du contrat) à 4,92 % au 2nd semestre 2024 (date de prononcé du présent arrêt) et susceptible d'être majoré de 5 points en cas d'inexécution de l'arrêt dans un délai de deux mois, est supérieur (en cas de majoration) au taux conventionnel de 9,49%.

Son application ne permettrait donc pas de sanctionner de manière effective et dissuasive le manquement de la société Floa à ses obligations précontractuelles d'information et de vérification de la solvabilité de l'emprunteur. Les intérêts dus sur les condamnations seront donc fixés au taux de 1 % à compter de l'assignation.

Au regard de l'ensemble de ces éléments, il convient en conséquence de condamner M. [F] à payer à la société Floa les sommes suivantes :

- 5 817,93 euros au titre du capital restant dû,

- 359,30 euros au titre des primes d'assurance impayées,

avec intérêts au taux de 1 % à compter de l'assignation.

Sur la capitalisation des intérêts

L'article 1343-2 du code civil dispose que les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise.

Aux termes de l'article L. 312-38 du code de la consommation, aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 312-39 et L. 312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

Toutefois, le prêteur peut réclamer à l'emprunteur, en cas de défaillance de celui-ci, le remboursement des frais taxables qui lui ont été occasionnés par cette défaillance, à l'exclusion de tout remboursement forfaitaire de frais de recouvrement.

En cas de défaillance de l'emprunteur, seuls les modes de réalisation du gage autorisés par les articles 2346 et 2347 du code civil sont ouverts aux créanciers gagistes, à l'exclusion du pacte commissoire prévu à l'article 2348 du même code qui est réputé non écrit.

Ce dernier texte ne prévoit pas que le prêteur puisse se voir accorder le bénéfice de la capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1343-2 du code civil.

La demande présentée par la société Floa tendant à voir ordonner la capitalisation des intérêts sera donc rejetée.

Sur la charge des frais d'exécution de l'arrêt par commissaire de justice

L'article L. 111-8 du code des procédures civiles d'exécution dispose qu'à l'exception des droits proportionnels de recouvrement ou d'encaissement qui peuvent être mis partiellement à la charge des créanciers dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat, les frais de l'exécution forcée sont à la charge du débiteur, sauf s'il est manifeste qu'ils n'étaient pas nécessaires au moment où ils ont été exposés. Les contestations sont tranchées par le juge.

En vertu de l'article 31 du code de procédure civile, l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.

En l'espèce, la demande de la société Floa tendant à voir dire que dans l'hypothèse où l'exécution de l'arrêt à intervenir devrait être réalisée par l'intermédiaire d'un commissaire de justice, le montant des sommes retenues par ce dernier devra être supporté par l débiteur, s'inscrit dans l'hypothèse où M. [F] ne réglerait pas spontanément les sommes dues et où la société Floa serait contrainte de recourir à des procédures d'exécution forcée, de sorte qu'elle ne procède pas d'un intérêt né et actuel. Elle relèvera, le cas échéant, du juge de l'exécution susceptible d'être saisi de telles difficultés.

Il convient donc de la déclarer irrecevable.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Le jugement entrepris sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens de première instance.

Partie principalement succombante, M. [F] sera condamné aux dépens de première instance et d'appel.

Nonobstant l'issue de la procédure, l'équité et la disparité économique majeure existant entre les parties commandent de débouter la SA Floa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

- Infirme le jugement entrepris en l'ensemble de ses dispositions,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

- Prononce la résiliation judiciaire du contrat de crédit, conclu le 9 mars 2021 entre la SA Floa et M. [Y] [F], au 12 septembre 2022, date de l'assignation,

- Prononce la déchéance totale de la SA Floa de son droit aux intérêts conventionnels,

- Condamne M. [Y] [F] à payer à la SA Floa les sommes suivantes :

- 5 817,93 euros au titre du capital restant dû,

- 359,30 euros au titre des primes d'assurance impayées,

avec intérêts au taux de 1 % à compter du 12 septembre 2022, date de l'assignation,

- Déboute la SA Floa de sa demande de capitalisation des intérêts,

- Déclare irrecevable la demande de la SA Floa tendant à voir dire qu'en cas d'exécution de l'arrêt par un commissaire de justice, le montant des sommes retenues par ce dernier devra être laissé à la charge de la débitrice,

- Condamne M. [Y] [F] aux dépens de première instance et d'appel,

- Déboute la SA Floa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'arrêt a été signé par O. CLEMENT, Président, et par S. MAGIS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le Greffier, Le Président,

S. MAGIS O. CLEMENT