Décisions
CA Douai, 3e ch., 10 octobre 2024, n° 23/01318
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE : 24/307
N° RG 23/01318 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UZ3E
Jugement (N° 21/01010) rendu le 17 Janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANT
Monsieur [Z] [S]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Maxime Boulet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
SA Quatrem représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliès en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Isabelle Gugenheim, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 29 mai 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2024
****
Depuis le 5 janvier 2005, M. [Z] [S] est gérant de la société Nouvel Horizon qui exerce une activité de transports routiers réguliers de voyageurs.
Il a adhéré individuellement à une assurance de groupe, souscrite par l'association Lafayette Promotion pour l'assurance collective auprès de la société Quatrem, qui couvre notamment les risques décès / perte totale et irréversible d'autonomie et/ou d'arrêt de travail.
Il a été placé en arrêt de travail à compter du 2 novembre 2018 arrêt renouvelé depuis.
Le 4 avril 2019, la sécurité sociale des indépendants a reconnu que l'affection dont souffre M. [S] nécessite des soins de longue durée pour la période du 2 novembre 2018 au 1er novembre 2021.
Afin de bénéficier des garanties prévues au contrat, M. [S] a, par courrier du 7 juin 2019, déclaré son arrêt de travail auprès de la société Quatrem.
Celle-ci a refusé à M. [S] le paiement des indemnités journalières au motif que la pathologie à l'origine de son arrêt de travail relevait des exclusions de garantie.
C'est dans ces conditions que, par acte du 6 mai 2021, M. [Z] [S] a fait assigner la société Quatrem devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins d'indemnisation.
Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :
débouté M. [Z] [S] de sa demande de condamnation en paiement des indemnités journalières
débouté M. [Z] [S] de sa demande de condamnation de la société Quatrem à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts
laissé aux parties la charge de leurs propres dépens
laissé aux parties la charge de leurs frais irrépétibles
rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire
Par déclaration du 16 mars 2023, M. [S] a formé appel à l'encontre de ce jugement en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 1 et 2 ci-dessus.
Dans ses conclusions notifiées le 30 mai 2023, M. [S] demande à la cour, au visa des articles L. 141-1 et L. 141-4 du code des assurances, R. 114-1 du code des assurances, 1134 et 1147 anciens du code civil et 287 et 700 du code de procédure civile, de :
- recevoir l'intégralité de ses moyens et prétentions
y faisant droit :
- infirmer en toute ses dispositions la décision rendue par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 17 janvier 2023
en conséquence :
condamner la société d'assurance Quatrem à lui payer :
la somme en principal de 144 052,62 euros
la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts
la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société d'assurance Quatrem à supporter les entiers frais et dépens de la présente instance
prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sous caution.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
la preuve de la remise de la notice d'information du contrat n'est pas rapportée
cette preuve incombe au souscripteur s'agissant d'une assurance de groupe telle que définie à l'article L. 141-1 du code des assurances
le document produit par l'intimé est un faux comme comportant outre des incohérences, une signature, un cachet commercial et une écriture qui ne sont les siens
l'exclusion de garantie prévue à l'article VI.3 du contrat ne lui est donc pas opposable
en toute hypothèse, la clause contractuelle d'exclusion ne vise pas la pathologie dont il est atteint à savoir un syndrome anxiodépressif associé à des troubles de la mémoire et de la concentration
en conséquence, les indemnités au titre de son incapacité de travail lui sont dues et correspondent, conformément au contrat, à 80% de sa rémunération brute à compter du 30ème jour d'arrêt de travail, précisant que l'arrêt de travail date du 2 novembre 2018 même s'il ne l'a déclaré que le 7 juin 2019
il subit par ailleurs un préjudice résultant du retard de paiement et de la réticence de l'assureur.
Dans ses conclusions notifiées le 28 août 2023, la société Quatrem demande à la cour de :
à titre principal ;
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 17 janvier 2023 ayant débouté M. [S] de ses demandes,
déclarer opposable à M. [S] la notice d'information du contrat garantie arrêt de travail n° 25946, faisant application des dispositions de l'article VI.3 de la notice d'information
débouter M. [S] de sa demande en paiement des indemnités journalières dues entre le 2 novembre 2018 et le 30 avril 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2018,
confirmer en conséquence le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 17 janvier 2023 ayant débouté M. [S] de ses demandes,
à titre subsidiaire : dans l'hypothèse où la cour infirmait le jugement rendu et jugeait la garantie incapacité de travail acquise à M. [S] :
débouter M. [S] de sa demande en paiement des indemnités journalières couvrant la période du 2 novembre 2018 au 7 juillet 2019, en application des dispositions de l'article IV.4 de la notice d'information, à défaut pour
M. [S] de produire des avis d'arrêts de travail lisibles et les décomptes
des prestations en espèces de son organisme social obligatoire pour la période du 7 juillet 2019 au 30 avril 2021,
débouter M. [S] de sa demande en paiement des indemnités journalières du 7 juillet 2019 au 30 avril 2021
confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles
condamner M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
condamner M. [S] aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, elle soutient que :
M. [S] a signé après y avoir porté la mention « lu et approuvé » la demande d'adhésion individuelle, produite en original, aux termes de laquelle il a reconnu avoir reçu et pris connaissance de la notice d'information du contrat de sorte que les clauses de ce contrat lui sont opposables et ce d'autant plus que la preuve d'un faux n'est pas rapportée alors en outre que M. [S] ne demande à la cour de procéder à une vérification d'écriture, que le contrat a été souscrit il y a plus de 8 ans et que les données personnelles qu'il contient ont nécessairement été communiquées par M. [S]
la clause VI .3 du contrat, rédigée en termes très apparents, est formelle et limitée puisqu'elle exclut de la garantie toute dépression nerveuse qu'elle soit réactionnelle, névrotique ou endogène n'ayant pas donné lieu à une hospitalisation supérieure à 15 jours continus. Or, l'arrêt de travail du 2 novembre 2018 de M. [S] est consécutif à un syndrome anxio-dépressif réactionnel n'ayant pas donné lieu à une hospitalisation
par suite, sa garantie n'est pas due et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes.
subsidiairement, l'indemnisation de son arrêt de travail ne peut avoir lieu qu'à compter du 7 juillet 2019, soit après l'expiration du délai de franchise de 30 jours suivant la déclaration d'arrêt de travail. Or, M. [S] ne produit pas des arrêts de travail lisibles ni les décomptes de prestations en espace pour la période du 7 juillet 2019 au 30 avril 2021 de sorte que ses demandes en paiement seront rejetées.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'opposabilité de la notice d'information du contrat
Lors de l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe, l'article L. 141-4 du code des assurances prévoit la remise par le souscripteur à l'adhérent d'une notice d'information établie par l'assureur, qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur, ainsi que les modalités à accomplir en cas de sinistre.
En l'espèce, l'association Lafayette Promotion pour l'assurance collective (Laffpac) a souscrit une assurance de groupe garantissant le risque incapacité temporaire totale de travail auprès de la société Quatrem.
La société Quatrem produit l'original du bulletin individuel d'adhésion signé le 2 novembre 2010 et portant outre la mention « lu et approuvé », la stipulation selon laquelle l'adhérent « reconnait avoir reçu et pris connaissance de la notice d'information et adhérer aux contrats décès 2594500000000 et/ou ITT/IPT n°2594600000000 souscrit auprès de Laffpac».
Une telle clause de renvoi est efficace dès lors qu'elle figure dans un document signé de l'adhérent.
La cour rappelle que le juge est tenu de procéder à une vérification d'écriture même en l'absence de demande à ce titre.
Pour dénier sa signature et son écriture, M. [S] communique deux pages de signatures, une demi-page d'écriture ainsi que la copie de sa pièce d'identité délivrée en 2014, la copie d'une déclaration de perte de certificat d'immatriculation d'un véhicule et un bon de commande du 28 août 2017.
L'examen des écritures portées sur le bulletin individuel d'adhésion et sur les pièces de comparaison ne révèle toutefois pas de discordance manifeste entre elles. Plus particulièrement, la signature apposée sur le bulletin d'adhésion comporte bien un trait horizontal remontant vers le haut à droite tout comme celles des pièces de comparaison.
Si les mentions du lieu et de la date de la signature de même que celle « lu et approuvé » ne sont manifestement pas de la main de M. [S], cette circonstance n'est de nature à caractériser un faux dès lors que le bulletin d'adhésion a été signé par l'adhérent lui-même.
M. [S] n'établit pas que la date de signature de ce document de même que la mention d'un règlement par chèque procèdent d'une fraude alors que les éléments d'identité renseignés, à savoir son numéro de sécurité sociale qui n'est pas erroné contrairement à ce qu'il prétend, le douzième chiffre étant bien un 1, sa date de naissance ainsi que celle de ses enfants et son adresse correspondent bien à sa personne. Les autres mentions figurant dans un encadré distinct et relatives aux garanties souscrites, à leur niveau d'option, à la franchise et aux taux de cotisations ont logiquement été portées par le conseiller en assurances dont le nom figure sous la forme manuscrite en tête du bulletin d'adhésion et dont la cour observe que l'écriture est identique.
Le bulletin d'adhésion litigieux comporte également le cachet de la SARL Nouvel Horizon, dont M. [S] prétend également qu'il s'agit d'un faux en se prévalant de la reproduction du cachet de sa société (pièce 13/1) qui fait apparaitre la SA et non la SARL Nouvel Horizon.
Toutefois, si le siège social est identique, le numéro de Siret diffère. Or, l'extrait Kbis de la SARL nouvel Horizon du 23 janvier 2014 fait apparaitre un numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés identique à celui figurant sur le bulletin d'adhésion.
Ainsi, la preuve de ce que le bulletin d'adhésion signé le 2 novembre 2010 est faux n'est pas rapportée.
La cour observe d'ailleurs que loin de contester la souscription d'une telle garantie, il en a demandé la mise en oeuvre par courrier du 7 juin 2019.
Par suite, la notice d'information à laquelle renvoie le bulletin d'adhésion est opposable à M. [S].
Sur la garantie
Si, conformément à l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 alinéa 1 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il appartient d'abord à l'assuré d'établir l'existence du sinistre, objet du contrat, et de prouver par conséquent que les circonstances et les conséquences rentrent dans le champ de la garantie et, le cas échéant, que la ou les conditions de cette garantie sont réunies, c'est à l'assureur, qui entend ensuite s'exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve, conformément à l'alinéa 2 du même article, de ce que le sinistre tombe sous le coup d'une clause d'exclusions de risque ou d'une clause de déchéance du droit à indemnisation.
Il résulte de l'article L. 122-2 du code des assurances qu'une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, à défaut, antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable.
En l'espèce, la clause d'exclusion invoquée par la société Quatrem figure dans la clause VI.3 de la notice d'information, dont il a été jugé que les termes sont opposables à M. [S].
Pour autant, il incombe à l'assureur d'établir que les circonstances particulières visées par la clause d'exclusion qu'elle invoque sont remplies.
La clause d'exclusion prévue par la notice d'information en matière de garantie arrêt de travail (n°25946) prévoit que « la garantie ne s'applique pas si l'arrêt de travail est causé par toute dépression nerveuse qu'elle soit réactionnelle, névrotique ou endogène, ainsi que tout trouble neuropsychique, neuropsychogène, psychologique ou de manifestation justifiant un traitement à visée neuropsychiatrique ne donnant pas lieu à une hospitalisation supérieure à 15 jours continus ».
Il ressort du certificat médical d'incapacité de travail renseigné par le docteur [K] le 11 juin 2019 que l'arrêt de travail du 2 novembre 2018 était justifié par un syndrome anxio dépressif réactionnel et que cette pathologie n'a donné lieu à aucune hospitalisation.
Or, la dépression nerveuse réactionnelle n'ayant pas donné lieu à une hospitalisation est exclue de la garantie arrêt de travail.
Si M. [S] invoque une pathologie prétendument distincte à savoir un syndrome dépressif associé à des troubles de la mémoire et de la concentration, il convient d'observer que le docteur [K] a exclusivement repris les doléances de celui-ci puisqu'il indique que « le patient me rapporte un syndrome anxiodépressif associé, selon lui, à des troubles de la mémoire et de la concentration » sans pour autant les reprendre en intégralité dans la désignation de la maladie. Les troubles associés qu'allègue M. [S] ne sont ainsi pas de nature à modifier les termes clairs du certificat médical, ayant exclusivement qualifié un syndrome anxio-dépressif réactionnel, lequel entre dans la définition de la clause d'exclusion litigieuse.
Dès lors, la cour approuve le premier juge qui a rejeté la demande de M. [S] en paiement des indemnités journalières à la suite de son arrêt de travail du 2 novembre 2018.
La cour confirme également le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts en invoquant la responsabilité contractuelle de la société Quatrem au titre d'un refus abusif de l'indemnisation en exécution du contrat d'assurance, cette demande étant devenue sans objet.
Sur les dépens et des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit :
- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
- et d'autre part, à condamner M. [S] aux entiers dépens d'appel, et à payer à la société Quatrem la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Condamne M. [Z] [S] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [Z] [S] à payer à la société Quatrem la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Fabienne DUFOSSÉ
Le président
Guillaume SALOMON
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE : 24/307
N° RG 23/01318 - N° Portalis DBVT-V-B7H-UZ3E
Jugement (N° 21/01010) rendu le 17 Janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque
APPELANT
Monsieur [Z] [S]
né le [Date naissance 2] 1959 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représenté par Me Maxime Boulet, avocat au barreau de Lille, avocat constitué
INTIMÉE
SA Quatrem représentée par ses représentants légaux en exercice domiciliès en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Eric Laforce, avocat au barreau de Douai, avocat constitué, assistée de Me Isabelle Gugenheim, avocat au barreau de Paris, avocat plaidant
DÉBATS à l'audience publique du 29 mai 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Fabienne Dufossé
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Fabienne Dufossé, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2024
****
Depuis le 5 janvier 2005, M. [Z] [S] est gérant de la société Nouvel Horizon qui exerce une activité de transports routiers réguliers de voyageurs.
Il a adhéré individuellement à une assurance de groupe, souscrite par l'association Lafayette Promotion pour l'assurance collective auprès de la société Quatrem, qui couvre notamment les risques décès / perte totale et irréversible d'autonomie et/ou d'arrêt de travail.
Il a été placé en arrêt de travail à compter du 2 novembre 2018 arrêt renouvelé depuis.
Le 4 avril 2019, la sécurité sociale des indépendants a reconnu que l'affection dont souffre M. [S] nécessite des soins de longue durée pour la période du 2 novembre 2018 au 1er novembre 2021.
Afin de bénéficier des garanties prévues au contrat, M. [S] a, par courrier du 7 juin 2019, déclaré son arrêt de travail auprès de la société Quatrem.
Celle-ci a refusé à M. [S] le paiement des indemnités journalières au motif que la pathologie à l'origine de son arrêt de travail relevait des exclusions de garantie.
C'est dans ces conditions que, par acte du 6 mai 2021, M. [Z] [S] a fait assigner la société Quatrem devant le tribunal judiciaire de Dunkerque aux fins d'indemnisation.
Par jugement du 17 janvier 2023, le tribunal judiciaire de Dunkerque a :
débouté M. [Z] [S] de sa demande de condamnation en paiement des indemnités journalières
débouté M. [Z] [S] de sa demande de condamnation de la société Quatrem à lui verser la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts
laissé aux parties la charge de leurs propres dépens
laissé aux parties la charge de leurs frais irrépétibles
rappelé que la décision est de droit exécutoire à titre provisoire
Par déclaration du 16 mars 2023, M. [S] a formé appel à l'encontre de ce jugement en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 1 et 2 ci-dessus.
Dans ses conclusions notifiées le 30 mai 2023, M. [S] demande à la cour, au visa des articles L. 141-1 et L. 141-4 du code des assurances, R. 114-1 du code des assurances, 1134 et 1147 anciens du code civil et 287 et 700 du code de procédure civile, de :
- recevoir l'intégralité de ses moyens et prétentions
y faisant droit :
- infirmer en toute ses dispositions la décision rendue par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 17 janvier 2023
en conséquence :
condamner la société d'assurance Quatrem à lui payer :
la somme en principal de 144 052,62 euros
la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts
la somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
condamner la société d'assurance Quatrem à supporter les entiers frais et dépens de la présente instance
prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sous caution.
Au soutien de ses prétentions, il fait valoir que :
la preuve de la remise de la notice d'information du contrat n'est pas rapportée
cette preuve incombe au souscripteur s'agissant d'une assurance de groupe telle que définie à l'article L. 141-1 du code des assurances
le document produit par l'intimé est un faux comme comportant outre des incohérences, une signature, un cachet commercial et une écriture qui ne sont les siens
l'exclusion de garantie prévue à l'article VI.3 du contrat ne lui est donc pas opposable
en toute hypothèse, la clause contractuelle d'exclusion ne vise pas la pathologie dont il est atteint à savoir un syndrome anxiodépressif associé à des troubles de la mémoire et de la concentration
en conséquence, les indemnités au titre de son incapacité de travail lui sont dues et correspondent, conformément au contrat, à 80% de sa rémunération brute à compter du 30ème jour d'arrêt de travail, précisant que l'arrêt de travail date du 2 novembre 2018 même s'il ne l'a déclaré que le 7 juin 2019
il subit par ailleurs un préjudice résultant du retard de paiement et de la réticence de l'assureur.
Dans ses conclusions notifiées le 28 août 2023, la société Quatrem demande à la cour de :
à titre principal ;
confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 17 janvier 2023 ayant débouté M. [S] de ses demandes,
déclarer opposable à M. [S] la notice d'information du contrat garantie arrêt de travail n° 25946, faisant application des dispositions de l'article VI.3 de la notice d'information
débouter M. [S] de sa demande en paiement des indemnités journalières dues entre le 2 novembre 2018 et le 30 avril 2021 avec intérêts au taux légal à compter du 2 novembre 2018,
confirmer en conséquence le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Dunkerque le 17 janvier 2023 ayant débouté M. [S] de ses demandes,
à titre subsidiaire : dans l'hypothèse où la cour infirmait le jugement rendu et jugeait la garantie incapacité de travail acquise à M. [S] :
débouter M. [S] de sa demande en paiement des indemnités journalières couvrant la période du 2 novembre 2018 au 7 juillet 2019, en application des dispositions de l'article IV.4 de la notice d'information, à défaut pour
M. [S] de produire des avis d'arrêts de travail lisibles et les décomptes
des prestations en espèces de son organisme social obligatoire pour la période du 7 juillet 2019 au 30 avril 2021,
débouter M. [S] de sa demande en paiement des indemnités journalières du 7 juillet 2019 au 30 avril 2021
confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes de dommages et intérêts et au titre des frais irrépétibles
condamner M. [S] à lui payer la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
condamner M. [S] aux entiers dépens.
A l'appui de ses demandes, elle soutient que :
M. [S] a signé après y avoir porté la mention « lu et approuvé » la demande d'adhésion individuelle, produite en original, aux termes de laquelle il a reconnu avoir reçu et pris connaissance de la notice d'information du contrat de sorte que les clauses de ce contrat lui sont opposables et ce d'autant plus que la preuve d'un faux n'est pas rapportée alors en outre que M. [S] ne demande à la cour de procéder à une vérification d'écriture, que le contrat a été souscrit il y a plus de 8 ans et que les données personnelles qu'il contient ont nécessairement été communiquées par M. [S]
la clause VI .3 du contrat, rédigée en termes très apparents, est formelle et limitée puisqu'elle exclut de la garantie toute dépression nerveuse qu'elle soit réactionnelle, névrotique ou endogène n'ayant pas donné lieu à une hospitalisation supérieure à 15 jours continus. Or, l'arrêt de travail du 2 novembre 2018 de M. [S] est consécutif à un syndrome anxio-dépressif réactionnel n'ayant pas donné lieu à une hospitalisation
par suite, sa garantie n'est pas due et le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté M. [S] de ses demandes.
subsidiairement, l'indemnisation de son arrêt de travail ne peut avoir lieu qu'à compter du 7 juillet 2019, soit après l'expiration du délai de franchise de 30 jours suivant la déclaration d'arrêt de travail. Or, M. [S] ne produit pas des arrêts de travail lisibles ni les décomptes de prestations en espace pour la période du 7 juillet 2019 au 30 avril 2021 de sorte que ses demandes en paiement seront rejetées.
Il sera renvoyé aux conclusions susvisées pour un plus ample des faits, moyens et prétentions des parties en application des dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile.
MOTIFS
Sur l'opposabilité de la notice d'information du contrat
Lors de l'adhésion à un contrat d'assurance de groupe, l'article L. 141-4 du code des assurances prévoit la remise par le souscripteur à l'adhérent d'une notice d'information établie par l'assureur, qui définit les garanties et leurs modalités d'entrée en vigueur, ainsi que les modalités à accomplir en cas de sinistre.
En l'espèce, l'association Lafayette Promotion pour l'assurance collective (Laffpac) a souscrit une assurance de groupe garantissant le risque incapacité temporaire totale de travail auprès de la société Quatrem.
La société Quatrem produit l'original du bulletin individuel d'adhésion signé le 2 novembre 2010 et portant outre la mention « lu et approuvé », la stipulation selon laquelle l'adhérent « reconnait avoir reçu et pris connaissance de la notice d'information et adhérer aux contrats décès 2594500000000 et/ou ITT/IPT n°2594600000000 souscrit auprès de Laffpac».
Une telle clause de renvoi est efficace dès lors qu'elle figure dans un document signé de l'adhérent.
La cour rappelle que le juge est tenu de procéder à une vérification d'écriture même en l'absence de demande à ce titre.
Pour dénier sa signature et son écriture, M. [S] communique deux pages de signatures, une demi-page d'écriture ainsi que la copie de sa pièce d'identité délivrée en 2014, la copie d'une déclaration de perte de certificat d'immatriculation d'un véhicule et un bon de commande du 28 août 2017.
L'examen des écritures portées sur le bulletin individuel d'adhésion et sur les pièces de comparaison ne révèle toutefois pas de discordance manifeste entre elles. Plus particulièrement, la signature apposée sur le bulletin d'adhésion comporte bien un trait horizontal remontant vers le haut à droite tout comme celles des pièces de comparaison.
Si les mentions du lieu et de la date de la signature de même que celle « lu et approuvé » ne sont manifestement pas de la main de M. [S], cette circonstance n'est de nature à caractériser un faux dès lors que le bulletin d'adhésion a été signé par l'adhérent lui-même.
M. [S] n'établit pas que la date de signature de ce document de même que la mention d'un règlement par chèque procèdent d'une fraude alors que les éléments d'identité renseignés, à savoir son numéro de sécurité sociale qui n'est pas erroné contrairement à ce qu'il prétend, le douzième chiffre étant bien un 1, sa date de naissance ainsi que celle de ses enfants et son adresse correspondent bien à sa personne. Les autres mentions figurant dans un encadré distinct et relatives aux garanties souscrites, à leur niveau d'option, à la franchise et aux taux de cotisations ont logiquement été portées par le conseiller en assurances dont le nom figure sous la forme manuscrite en tête du bulletin d'adhésion et dont la cour observe que l'écriture est identique.
Le bulletin d'adhésion litigieux comporte également le cachet de la SARL Nouvel Horizon, dont M. [S] prétend également qu'il s'agit d'un faux en se prévalant de la reproduction du cachet de sa société (pièce 13/1) qui fait apparaitre la SA et non la SARL Nouvel Horizon.
Toutefois, si le siège social est identique, le numéro de Siret diffère. Or, l'extrait Kbis de la SARL nouvel Horizon du 23 janvier 2014 fait apparaitre un numéro d'immatriculation au registre du commerce et des sociétés identique à celui figurant sur le bulletin d'adhésion.
Ainsi, la preuve de ce que le bulletin d'adhésion signé le 2 novembre 2010 est faux n'est pas rapportée.
La cour observe d'ailleurs que loin de contester la souscription d'une telle garantie, il en a demandé la mise en oeuvre par courrier du 7 juin 2019.
Par suite, la notice d'information à laquelle renvoie le bulletin d'adhésion est opposable à M. [S].
Sur la garantie
Si, conformément à l'article 1315 du code civil, devenu l'article 1353 alinéa 1 depuis l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, il appartient d'abord à l'assuré d'établir l'existence du sinistre, objet du contrat, et de prouver par conséquent que les circonstances et les conséquences rentrent dans le champ de la garantie et, le cas échéant, que la ou les conditions de cette garantie sont réunies, c'est à l'assureur, qui entend ensuite s'exonérer de son obligation de garantie, de rapporter la preuve, conformément à l'alinéa 2 du même article, de ce que le sinistre tombe sous le coup d'une clause d'exclusions de risque ou d'une clause de déchéance du droit à indemnisation.
Il résulte de l'article L. 122-2 du code des assurances qu'une clause d'exclusion de garantie doit avoir été portée à la connaissance de l'assuré au moment de son adhésion à la police ou, à défaut, antérieurement à la réalisation du sinistre pour lui être opposable.
En l'espèce, la clause d'exclusion invoquée par la société Quatrem figure dans la clause VI.3 de la notice d'information, dont il a été jugé que les termes sont opposables à M. [S].
Pour autant, il incombe à l'assureur d'établir que les circonstances particulières visées par la clause d'exclusion qu'elle invoque sont remplies.
La clause d'exclusion prévue par la notice d'information en matière de garantie arrêt de travail (n°25946) prévoit que « la garantie ne s'applique pas si l'arrêt de travail est causé par toute dépression nerveuse qu'elle soit réactionnelle, névrotique ou endogène, ainsi que tout trouble neuropsychique, neuropsychogène, psychologique ou de manifestation justifiant un traitement à visée neuropsychiatrique ne donnant pas lieu à une hospitalisation supérieure à 15 jours continus ».
Il ressort du certificat médical d'incapacité de travail renseigné par le docteur [K] le 11 juin 2019 que l'arrêt de travail du 2 novembre 2018 était justifié par un syndrome anxio dépressif réactionnel et que cette pathologie n'a donné lieu à aucune hospitalisation.
Or, la dépression nerveuse réactionnelle n'ayant pas donné lieu à une hospitalisation est exclue de la garantie arrêt de travail.
Si M. [S] invoque une pathologie prétendument distincte à savoir un syndrome dépressif associé à des troubles de la mémoire et de la concentration, il convient d'observer que le docteur [K] a exclusivement repris les doléances de celui-ci puisqu'il indique que « le patient me rapporte un syndrome anxiodépressif associé, selon lui, à des troubles de la mémoire et de la concentration » sans pour autant les reprendre en intégralité dans la désignation de la maladie. Les troubles associés qu'allègue M. [S] ne sont ainsi pas de nature à modifier les termes clairs du certificat médical, ayant exclusivement qualifié un syndrome anxio-dépressif réactionnel, lequel entre dans la définition de la clause d'exclusion litigieuse.
Dès lors, la cour approuve le premier juge qui a rejeté la demande de M. [S] en paiement des indemnités journalières à la suite de son arrêt de travail du 2 novembre 2018.
La cour confirme également le jugement en ce qu'il a débouté M. [S] de sa demande de dommages et intérêts en invoquant la responsabilité contractuelle de la société Quatrem au titre d'un refus abusif de l'indemnisation en exécution du contrat d'assurance, cette demande étant devenue sans objet.
Sur les dépens et des demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit :
- d'une part à confirmer le jugement attaqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
- et d'autre part, à condamner M. [S] aux entiers dépens d'appel, et à payer à la société Quatrem la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 17 janvier 2023 par le tribunal judiciaire de Dunkerque en toutes ses dispositions soumises à la cour ;
Condamne M. [Z] [S] aux dépens d'appel ;
Condamne M. [Z] [S] à payer à la société Quatrem la somme de 2 000 euros au titre des frais qu'elle a exposés en cause d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Fabienne DUFOSSÉ
Le président
Guillaume SALOMON