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Décisions

CA Grenoble, ch. com., 24 octobre 2024, n° 23/01146

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 23/01146

24 octobre 2024

N° RG 23/01146 - N° Portalis DBVM-V-B7H-LX7S

C8

Minute :

Copie exécutoire

délivrée le :

Me Steven ROCHE

la SELARL COOK - QUENARD

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT DU JEUDI 24 OCTOBRE 2024

Appel d'une décision (N° RG 2022J00007)

rendue par le Tribunal de Commerce de grenoble

en date du 10 mars 2023

suivant déclaration d'appel du 16 mars 2023

APPELANT :

M. [J] [H]

né le [Date naissance 1] 1984 à [Localité 8]

de nationalité Française

[Adresse 2]

[Localité 3]

représenté et plaidant par Me Steven ROCHE, avocat au barreau de GRENOBLE

INTIMÉE :

BANQUE POPULAIRE AUVERGNE RHONE ALPES Société Anonyme Coopérative de Banque Populaire à capital variable, régie par les articles L 512-2 et suivants du Code Monétaire et Financier et l'ensemble des textes relatifs aux Banques Populaires et aux établissements de crédit, immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro N° 605 520 071, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés es-qualités.

[Adresse 4]

[Localité 5]

représentée par Me Nathalie COOK de la SELARL COOK - QUENARD, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR :

LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente de Chambre,

M. Lionel BRUNO, Conseiller,

Mme Raphaële FAIVRE, Conseillère,

DÉBATS :

A l'audience publique du 06 Septembre 2024, Mme FIGUET, Présidente, qui a fait rapport assisté de Alice RICHET, Greffière, a entendu les avocats en leurs conclusions et Me ROCHE en sa plaidoirie, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile. Il en a été rendu compte à la Cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

Faits et procédure

La société Voisins Voisines ayant son siège social à [Localité 7] (38) a débuté une activité de restauration-traiteur le 10 mars 2018.

Le 23 février 2018, elle a ouvert un compte courant auprès de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes.

La Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a consenti à la société Voisins Voisines :

- un prêt d'un montant de 150.000 euros le 6 mars 2018 garanti par un nantissement de fonds de commerce et un privilège de prêteur de deniers,

- un PGE de 35.000 euros le 22 avril 2020,

- un PGE de 34.700 euros le 17 juillet 2020,

- un prêt de 14.600 euros le 26 juin 2018.

Par acte du 15 juin 2018, M. [J] [H] s'est porté caution de la société Voisins Voisines dans la limite de la somme de 10.000 euros.

Par acte du 22 novembre 2018, M. [J] [H] s'est porté caution de la société Voisins Voisines dans la limite de la somme de 20.000 euros.

Par jugement du 20 avril 2021, le tribunal de commerce de Grenoble a prononcé la liquidation judiciaire de la société Voisins Voisines.

La Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a déclaré ses créances le 3 mai 2021 à hauteur des sommes suivantes :

- 124.096,75 euros au titre du prêt de 150.000 euros,

- 35.080,19 euros au titre du prêt de 35.000 euros,

- 34.765,07 euros au titre du prêt de 34.700 euros,

- 10.202,17 euros au titre du prêt de 14.600 euros,

- 9.725,46 euros au titre du compte courant,

soit un total de 213.869,64 euros.

Par courrier recommandé du 18 mai 2021, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a mis en demeure M. [J] [H] de lui payer la somme de 30.000 euros.

Par acte du 7 janvier 2022, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a assigné en paiement M. [J] [H] devant le tribunal de commerce de Grenoble.

Par jugement du 10 mars 2023, le tribunal de commerce de Grenoble a :

- jugé valides et non entachés de nullité les actes de cautionnement des 15 juin 2018 et 23 juin 2018,

- jugé que les actes de cautionnement n'étaient pas disproportionnés par rapport au patrimoine de M. [J] [H],

- jugé que le patrimoine actuel de M. [J] [H] lui permet de faire face à ses engagements,

- jugé que la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes est bien fondée à se prévaloir des actes de cautionnement des 15 juin 2018 et 23 juin 2018,

- condamné M. [J] [H] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes les sommes de :

* 10.000 euros en exécution de son engagement du 15 juin 2018, outre intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2021, date de la première mise en demeure,

* 20.000 euros en exécution de son engagement du 22 novembre 2018, outre intérêts au taux légal à compter du 18 mai 2021, date de la première mise en demeure,

- jugé que la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes n'a commis aucune faute de nature à voir engager sa responsabilité à l'égard de M. [J] [H],

- rejeté la demande de M. [J] [H] de dommages-intérêts,

- rejeté la demande de M. [J] [H] tendant à l'octroi de délais de paiement,

- condamné M. [J] [H] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les dépens,

- débouté les parties de leurs autres demandes.

Par déclaration du 16 mars 2023, M. [J] [H] a interjeté appel de cette décision en toutes ses dispositions qu'il a reprises dans son acte d'appel.

La clôture de l'instruction du dossier a été prononcée le 4 juillet 2024.

Prétentions et moyens de M. [J] [H]

Dans ses conclusions remises le 29 mai 2024, il demande à la cour de :

Avant dire droit,

- ordonner un sursis à statuer dans l'attente de la décision pénale à intervenir sur la plainte pour faux et usage de faux,

- ordonner une mesure d'expertise judiciaire graphologique,

Sur le fond :

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions et jugeant à nouveau:

- prononcer la nullité des engagements de caution du 15 juin 2018 et du 22 novembre 2018 pour man'uvres dolosives et à défaut pour erreur,

- débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes de ses prétentions,

- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à M. [J] la somme de 6.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre subsidiaire

- dire et juger que les engagements de caution du 15 juin 2018 et du 22 novembre 2018 sont disproportionnés,

- débouter la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes de ses prétentions,

- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à M. [J] la somme de 6.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre infiniment subsidiaire,

- dire et juger que la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a manqué à son obligation de mise en garde et a engagé sa responsabilité civile,

- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à M. [J] [H] la somme de 30.000 euros en réparation du préjudice subi et ordonner la compensation avec les sommes dues au titre des engagements de caution souscrits,

- condamner la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes à payer à M. [J] la somme de 6.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens,

A titre encore plus subsidiaire,

- octroyer à M. [J] [H] les plus larges délais de paiements.

Sur le sursis à statuer, il fait observer que :

- le conseiller de la mise en état a rejeté la demande de sursis à statuer au motif que M. [J] [H] n'avait pas saisi un juge d'instruction et que l'action publique n'a pas été mise en mouvement, outre le fait que la cour serait en mesure de statuer sur la validité de l'engagement de caution sans nécessité de savoir si les paraphes sont vrais ou faux,

- or il a mis en marche l'action publique,

- sa contestation ne porte pas sur l'engagement de caution mais sur son étendue dès lors qu'il n'a pu prendre connaissance de la première page du document indiquant 'caution tous engagements',

- le sursis à statuer se justifie d'autant plus que le juge d'instruction de l'affaire ordonnera certainement une expertise graphologique.

Sur la nullité des engagements pour dol, il fait valoir que :

- s'agissant de l'acte de caution de 10.000 euros, la conseillère de la BPA ne lui a présenté que la page 3 relative à la mention manuscrite indiquant un engagement de 10.000 euros correspondant au montant du découvert ainsi que la page 8 pour la signature de la fiche d'information patrimoniale, cela est confirmé par le fait que le reste du document a été écrit par la conseillère bancaire, avec des mentions erronées concernant son régime matrimonial et son adresse, et que les paraphes ne sont pas les siens en ce que les formes des lettres et la pression avec laquelle il écrit ne correspondent pas, la BPA a voulu se ménager des garanties sur M. [J] [H] à défaut d'en avoir pris pour le prêt initial,

- s'agissant de l'acte de caution de 20.000 euros, le fait que son objet soit limité au découvert consenti dans la limite de 20.000 euros tel qu'il l'allègue n'est pas contredit par la banque, cet acte est rempli uniquement en page 3 et 8 avec son écriture, le reste étant rédigé par la conseillère bancaire avec les mêmes mentions erronées que précédemment, aucun paraphe n'est apposé,

- aucun des actes de caution ne lui a été remis en copie,

- le fait de ne présenter que certaines pages d'un acte qui comporte des engagements lourds afin de ne pas attirer l'attention du signataire sur les conséquences de cet acte constitue une manoeuvre dolosive.

Sur la nullité des engagements pour erreur, il souligne que :

- n'étant pas rompu aux affaires, il a été induit en erreur quant à l'étendue de ses engagements en raison des circonstances, les demandes de cautionnement s'inscrivant dans un contexte spécifique de demandes de découvert,

- il croyait donc souscrire des engagements de caution uniquement pour les découverts en compte courant et non pour tous les engagements de la société Voisins Voisines,

- l'erreur a été renforcée par le fait qu'aucune copie ne lui a été délivrée après signature et que la mention 'tous engagements' ne figurait pas dans le paragraphe à recopier manuellement.

Sur la proportionnalité de son engagement de caution, il relève que :

- l'organisme n'a pas d'obligation de vérifications sauf si elle dispose d'informations contraires ce qui est le cas en l'espèce s'agissant de sa domiciliation et de son régime matrimonial,

- aucune information n'a été portée quant à sa rémunération ,

- au regard de ses ressources de 1.500 euros par mois, les engagements sont disproportionnés.

Par ailleurs, il considère que la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes a engagé sa responsabilité au titre des faits délictueux commis par sa préposée, les paraphes ayant nécessairement été apposés par un préposé de la banque, elle-seule disposant des originaux, et ce manquement lui ayant causé un préjudice. Il estime cette demande recevable en raison de la survenance d'un fait nouveau constitué par le rapport d'expertise.

Il fait valoir aussi que la banque a manqué à son obligation de mise en garde, que M. [J] [H] qui a une formation de CAP et de BAC PRO en hôtellerie restauration est une caution non avertie.

Prétentions et moyens de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes

Dans ses conclusions remises le 27 mai 2024, elle demande à la cour de :

- juger irrecevable la demande de sursis à statuer formulée par M. [J] [H],

- débouter intégralement M. [J] [H] de sa demande d'expertise graphologique,

- confirmer intégralement le jugement du tribunal de commerce de Grenoble en date du 10 mars 2023,

Y ajoutant,

- juger irrecevable et en tout état de cause infondée la demande de dommages-intérêts formulée sur le fondement de la responsabilité de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes « au titre des faits délictueux commis par ses préposés »,

- condamner M. [J] [H] à payer à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens de la présente instance.

Elle expose que seul le conseiller de la mise en état est compétent pour statuer sur une demande de sursis à statuer, qu'au demeurant M. [J] [H] a saisi le conseiller de la mise en état de cette demande qui l'en a débouté par ordonnance du 7 mars 2024, que cette demande est donc irrecevable devant la cour.

Sur la demande d'expertise graphologique, elle relève que le conseiller de la mise en état a débouté M. [J] [H] de cette demande par ordonnance du 7 mars 2024 après avoir parfaitement analysé l'inutilité d'une expertise graphologique judiciaire pour la solution du litige.

Sur le dol allégué, s'agissant de l'engagement de caution du 15 juin 2018, elle fait observer que :

- le bon sens implique que M. [J] [H] ne se soit pas contenté de signer deux pages sur huit alors que l'acte précise bien qu'il y a huit pages numérotées de 1/8 à8/8,

- il ne s'est jamais manifesté après les mises en demeure et n'a pas indiqué qu'il ne connaissait pas les actes de caution,

- ce n'est qu'après l'assignation que M. [J] [H] a prétendu avoir été victime d'une manoeuvre de sa conseillère bancaire pour lui faire signer un acte dont il ne connaissait pas le contenu en prétendant que les paraphes n'avaient pas été apposés par ses soins,

- l'expertise graphologique non judiciaire et non contradictoire a été réalisée à la demande de M. [L] [Z], tiers à la procédure, et M. [J] [H] n'a jamais rencontré l'expert,

- elle ne saurait être considérée comme un élément justificatif valable,

- Mme [E], conseillère bancaire, atteste par ailleurs que M. [J] [H] est bien venu à l'agence pour remplir, parapher et signer son acte de caution et qu'il a fourni les informations notées,

- aucune manoeuvre dolosive n'est prouvée,

- si M. [J] [H] soutient que l'adresse figurant dans l'acte est erroné, il ne justifie pas de son domicile au moment de la signature de l'acte et cette adresse a nécessairement été communiquée par M. [J] [H] à sa conseillère bancaire,

- s'agissant du régime de communauté, Mme [E] n'a pu que reprendre les informations communiquées par M. [J] [H] .

Concernant l'engagement de caution du 22 novembre 2018, la banque indique que sur la page 8 que M. [J] [H] a signée, il est écrit 'déclarations certifiées exactes et complètes', que si celui-ci ne les a pas lues, ce n'est qu'un choix de sa part et en aucun cas une manoeuvre de la banque, que l'acte est parfaitement valable.

Sur l'erreur, la banque fait valoir qu'il n'est pas démontré que l'engagement de caution du 22 novembre 2018 a été régularisé à la même période qu'un découvert bancaire, que de toute façon, le fait qu'une autorisation de découvert a été consentie à la société Voisins Voisines n'implique pas que les actes de caution sont recueillis uniquement en garantie des découverts consentis, les actes de cautionnement sont toujours des actes de caution 'tous engagements' sauf lorsque l'acte est souscrit concomitamment à l'octroi d'un prêt, l'erreur invoquée ne repose donc que sur le fait qu'il n'aurait pris connaissance que des pages 3 et 8 ce qui est faux.

Sur la disproportion, elle fait observer que la caution a apposé de sa main sur la fiche de renseignement patrimonial la mention manuscrite 'déclarations certifiées exactes et complètes', qu'aucun texte n'impose que la fiche de renseignements soit remplie de la main de la caution, que M. [J] [H] s'est déclaré propriétaire d'un appartement de 145.000 euros, que s'il indique maintenant que l'appartement est un bien propre de Mme [H], rien n'indique que la banque en était informée et que le livret de famille lui avait été remis, que l'engagement n'était nullement disproportionné. En tout état de cause, la banque relève que M. [J] [H] est en capacité de faire face à son engagement au moment de l'assignation, qu'il se déclare en effet propriétaire d'un appartement de type F4, que curieusement il fait état d'un régime de séparation des biens lorsqu'il évoque les charges fixes mensuelles alors que précédemment il a indiqué être marié précédemment sous le régime de la communauté.

Sur l'obligation de mise en garde, la banque rappelle qu'elle n'existe que pour une caution non avertie lorsque l'engagement souscrit excède les capacités de paiement de la caution, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

La banque soulève l'irrecevabilité de la demande visant à retenir la responsabilité de la banque au titre des faits délictueux commis par ces préposés comme étant nouvelle en appel, étant précisé que le rapport d'expertise ne constitue pas un fait nouveau mais une nouvelle pièce. Elle ajoute que M. [J] [H] ne précise pas le fondement de sa demande d'engagement de responsabilité de la banque au titre des faits délictueux commis par ces préposés.

Elle s'oppose à l'octroi de tout délai de paiement, étant précisé que M. [J] [H] est propriétaire d'un appartement et qu'il ne démontre ni sa bonne foi, ni son intention de régler sa dette en l'absence de tout règlement partiel spontané.

Pour le surplus des demandes et des moyens développés, il convient de se reporter aux dernières écritures des parties en application de l'article 455 du code de procédure civile.

Motifs de la décision

I - Sur la demande de sursis à statuer

En application de l'article 73 du code de procédure civile, la demande de sursis à statuer est une exception de procédure.

Aux termes des dispositions combinées des articles 789 et 907, le conseiller de la mise en état est jusqu'à son dessaisissement, seul compétent à l'exclusion de toute autre formation pour statuer sur les exceptions de procédure. Les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions ultérieurement à moins qu'elles ne surviennent postérieurement ou soient révélées postérieurement.

En l'espèce, il apparaît que M. [J] [H] a porté plainte le 17 octobre 2023, s'est constitué partie civile devant le juge d'instruction et a consigné la somme fixée par ordonnance du 26 février 2024.

Ces éléments sont intervenus antérieurement au dessaisissement du conseiller de la mise en état.

Dès lors, M. [J] [H] n'est pas recevable à solliciter devant la cour un sursis à statuer.

En tout état de cause, M. [J] [H] a déjà saisi le conseiller de la mise en état d'une demande de sursis à statuer et celui-ci l'en a débouté par ordonnance du 7 mars 2024.

II - Sur la demande d'expertise graphologique

La mesure sollicitée doit être utile à la solution du litige.

En l'espèce, M. [J] [H] ne dénie pas la signature qu'il a apposée sur les actes des 15 juin et 22 novembre 2018. Il conteste seulement avoir paraphé l'acte du 15 juin 2018.

En conséquence, l'organisation d'une expertise ne présente aucun intérêt s'agissant de l'acte du 22 novembre 2018.

S'agissant de l'acte du 15 juin 2018, l'apposition d'un paraphe n'est pas une condition de validité de l'acte de cautionnement. Dès lors que M. [J] [H] ne conteste pas être l'auteur de la signature et de la mention manuscrite laquelle détermine l'étendue de son engagement limité à 10.000 euros, sans qu'il soit nécessaire que cette mention fasse état de la nature des dettes garanties, l'expertise sollicitée n'est pas utile à la solution du litige.

M. [J] [H] sera donc débouté de sa demande d'expertise.

III - Sur la nullité pour dol

M. [J] [H] allègue que la conseillère bancaire ne lui a présenté que la page 3 relative à la mention manuscrite et la page 8 comportant la signature de la fiche patrimoniale des actes des 15 juin et 22 novembre 2018 afin de lui dissimuler l'étendue de ses engagements.

Le fait que les informations concernant la caution et le cautionné et les éléments du patrimoine n'ont pas été remplies de la main de la caution n'est pas de nature à démontrer les allégations de M. [J] [H] dès lors que :

- il a apposé de sa main la mention 'déclarations certifiées exactes et complètes' sous laquelle il a signé en page 8 de l'acte,

- les pages des actes sont numérotées de 1/8 à 8/8 ce qui lui permettait de prendre connaissance de l'acte en son entier, sans que des feuilles puissent être soustraites,

- les informations retranscrites n'ont pu émaner que de lui et il les a certifiées exactes,

- il ne peut donc se prévaloir de leur inexactitude pour justifier de manoeuvres dolosives de la conseillère bancaire d'autant que dans ses écritures d'appel, il n'hésite pas à se prévaloir tantôt d'un régime de communauté légale tantôt d'un régime de séparation des biens 'page 20 de ses conclusions' et que lors de l'ouverture du compte courant de la société Voisins Voisines en février 2018, il a mentionné comme étant son adresse celle qu'il conteste dans la présente procédure, à savoir Les Alpins Grenoble.

La seule expertise privée non contradictoire concluant au fait que les paraphes ne sont pas de la main de M. [J] [H] a été effectuée sur les seuls documents remis par lui et ne sont pas corroborés par d'autres éléments. Elle n'établit pas en outre que ces paraphes seraient de la main de la conseillère bancaire.

Elle est contredite par l'attestation de la conseillère bancaire, Mme [E], qui indique que M. [J] [H] a apposé ses initiales en bas des pages de l'acte du 15 juin 2018 et qu'elle a noté les informations sur la base des éléments communiqués par M. [J] [H] .

Le fait qu'aucun acte de caution n'a été remis à la caution est indifférent dès lors qu'aucun texte n'impose cette remise.

Il n'est donc pas établi que la conseillère bancaire a dissimulé une partie des actes à M. [J] [H] en vue de lui cacher que son engagement de caution portait sur tous les engagements de la société Voisins Voisines.

Faute pour M. [J] [H] de justifier de l'existence de manoeuvres frauduleuses, le jugement sera confirmé en ce que la nullité pour dol des actes des 15 juin 2018 et 22 novembre 2018 n'a pas été retenue.

IV - Sur la nullité pour erreur

Le seul fait que les engagements de caution soient concomitants d'une autorisation de découvert à hauteur des montants cautionnés n'établit pas l'erreur alléguée alors que les actes sont intitulés 'Acte de cautionnement tous engagements souscrit par une personne physique pour 10 ans' et qu'en première page de chacun des actes figure la mention 'Agissant en mon nom personnel déclare me porter caution personnelle solidaire et indivisible en faveur de la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes dont le siège social est à [Adresse 9] (ci-après dénommée La Banque) jusqu'à concurrence de la somme visée ci-dessus, pour remboursement de toutes les sommes qui peuvent ou pourraient être dues pour quelque cause que ce soit à quelque titre que ce soit, à la banque, en capital, intérêts, agios, commissions et accessoires par la SAS Voisins & Voisines.'

Les actes des 15 juin 2018 et 22 novembre 2018 qu'il a approuvés n'était donc pas de nature à l'induire en erreur.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a retenu que ces actes n'étaient pas entachés de nullité pour erreur et les a déclarés valides.

V - Sur la disproportion des engagements

L'article L.332-1 du code de la consommation dispose :

« Un créancier professionnel ne peut se prévaloir d'un contrat de cautionnement conclu par une personne physique dont l'engagement était, lors de sa conclusion, manifestement disproportionné à ses biens et revenus,à moins que le patrimoine de cette caution, au moment où celle-ci est appelée, ne lui permette de faire face à son obligation. »

Il incombe à la caution de prouver le caractère manifestement disproportionné de son engagement lors de sa conclusion.

Pour démontrer la disproportion de son engagement, la caution est tenue, sauf anomalies apparentes, par les déclarations qu'elle a faites au créancier, ce dernier étant en droit de se fier aux informations fournies par la caution dans la fiche de renseignements.

En l'espèce, M. [J] [H] a certifié exactes les informations figurant sur la fiche de renseignements.

Rien ne permet d'établir que la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes disposait d'informations contraires tant sur le régime matrimonial que sur la domiciliation de M. [J] [H]. Il n'est ainsi pas justifié que la caution ait remis son livret de famille, l'extrait Kbis et les statuts de la société à la

banque avant son engagement. En outre, comme relevé antérieurement, l'adresse de M. [J] [H] correspondait à celle déclarée lors de l'ouverture du compte courant.

En l'absence d'anomalie apparente, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes n'était pas tenue de vérifier les informations communiquées par la caution.

M. [J] [H] ne peut venir prétendre à postériori que sa situation était moins favorable que celle qu'il a déclarée exacte dans sa fiche de renseignements.

Il résulte de cette fiche remplie le 15 juin 2018 que M. [J] [H] est propriétaire d'un appartement évalué à 145.000 euros et qu'il est président de la Sas Voisin & Voisines. Il n'a pas mentionné l'existence d'un emprunt.

En conséquence, au vu des éléments, l'engagement de caution à hauteur de 10.000 euros du 15 juin 2018 n'est pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [J] [H].

S'agissant de l'engagement de caution du 22 novembre 2018, la fiche de renseignements remplie et certifiée exacte le même jour par la caution mentionne au titre du patrimoine l'appartement évalué précédemment à 145.000 euros.

Même en tenant compte du précédent engagement de caution à hauteur de 10.000 euros, l'engagement du 22 novembre 2018 à hauteur de 20.000 euros n'apparaît pas manifestement disproportionné aux biens et revenus de M. [J] [H].

En conséquence, le jugement sera confirmé en qu'il a jugé que la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes peut se prévaloir des deux engagements de caution.

V - Sur le devoir de mise en garde de la banque

La banque, dispensatrice de crédit, est tenue de mettre en garde la caution non avertie en cas d'inadaptation de l'engagement à ses capacités financières ou s'il existe un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur.

Il appartient à la banque qui soutient que la caution est avertie ce qui la dispense de son devoir de mise en garde d'en rapporter la preuve.

La seule qualité de dirigeante et associée de la société cautionnée ne peut suffire en soi à établir le caractère averti d'une caution.

Dès lors, M. [J] [H] qui venait de créer sa société et dont il n'est pas démontré qu'il avait une compétence ou une expérience particulière dans le domaine de la gestion ne peut être considérée comme une caution avertie.

En revanche, il appartient à la caution non avertie de démontrer soit l'inadaptation de son engagement à ses capacités financières, soit le risque d'endettement excessif de l'emprunteur.

En l'espèce, comme relevé précédemment, l'engagement de caution de M. [J] [H] n'était pas inadapté à ses capacités financières.

Par ailleurs, M. [J] [H] n'allègue, ni ne justifie que les sommes prêtées étaient inadaptées aux capacités financières de l'emprunteur.

En conséquence, faute pour M. [J] [H] de rapporter la preuve d'une inadaptation de l'engagement à ses capacités financières ou de l'existence d'un risque d'endettement né de l'octroi du prêt garanti résultant de l'inadaptation du prêt aux capacités financières de l'emprunteur, la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes n'était pas tenue à son égard d'un devoir de mise en garde.

Le jugement sera confirmée en ce qu'il a rejeté la demande de M. [J] [H] formée à ce titre.

VI - Sur la responsabilité de la banque au titre des faits délictueux commis par ses préposés

A peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Le fait invoqué par M. [J] [H] consistant en l'absence de paraphe par ses soins n'est pas nouveau.

Toutefois, la demande d'allocation de dommages et intérêts s'analyse comme une demande reconventionnelle qui est recevable en appel d'autant qu'elle vise à opposer compensation.

En revanche, sur le fond, la seule expertise privée non contradictoire versée aux débats non corroborée par d'autres éléments et contredite par l'attestation de Mme [E] ne saurait établir la faute de Mme [E], ni la responsabilité de la banque. En outre, l'engagement de caution ne nécessitant pas l'apposition d'un paraphe, il n'est pas démontré le lien de causalité avec un préjudice.

M. [J] [H] sera donc débouté de sa demande d'indemnisation.

VII - Sur les délais de paiement

M. [J] [H] ne justifie pas de ses revenus actuels. Il est propriétaire d'un appartement situé à [Adresse 6]. Mis en demeure de régler la somme réclamée depuis le 18 mai 2021, il a déjà bénéficié de larges délais de paiements.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délais de paiement.

VII - Sur les mesures accessoires

M. [J] [H] qui succombe dans son appel sera condamné aux dépens d'appel et à payer la somme de 2.000 euros à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes au titres des frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi,

Déclare irrecevable la demande de sursis à statuer formée par M. [J] [H].

Confirme le jugement rendu le 10 mars 2023 par le tribunal de commerce de Grenoble en toutes ses dispositions soumises à la cour.

Ajoutant,

Mais sur le fond,

Déclare recevable la demande de M. [J] en indemnisation sur le fondement de la responsabilité de la banque au titre des faits délictueux de ses préposés,

Déboute M. [J] [H] de sa demande d'indemnité sur le fondement de la responsabilité de la banque au titre des faits délictueux commis par ses préposés.

Condamne M. [J] [H] aux entiers dépens d'appel.

Condamne M. [J] [H] à payer la somme de 2.000 euros à la Banque Populaire Auvergne Rhône Alpes au titres des frais irrépétibles d'appel.

SIGNÉ par Mme Marie-Pierre FIGUET, Présidente et par Mme Alice RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

La Greffière La Présidente