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Décisions

CA Grenoble, 1re ch., 8 octobre 2024, n° 24/00541

GRENOBLE

Arrêt

Autre

CA Grenoble n° 24/00541

8 octobre 2024

N° RG 24/00541

N° Portalis DBVM-V-B7I-MDWL

C1

N° Minute :

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sophie LADET

la SELARL JURISTIA - AVOCATS

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE GRENOBLE

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU MARDI 08 OCTOBRE 2024

Appel d'un jugement (N° RG 23/05061)

rendu par le Juge de l'exécution de Grenoble

en date du 16 janvier 2024

suivant déclaration d'appel du 30 janvier 2024

APPELANT :

M. [P] [C]

né le [Date naissance 3] 1954 à [Localité 12]

de nationalité Française

[Adresse 7]

[Localité 4]

représenté par Me Sophie LADET, avocate au barreau de GRENOBLE, postulante, et plaidant par Me Antoine BLANC de la SELARL POLDER Avocats, avocat au barreau de LYON

INTIME :

M. [N] [V]

né le [Date naissance 1] 1964 à [Localité 10]

de nationalité Française

[Adresse 11]

[Localité 5]

représenté et plaidant par Me Jean-Damien MERMILLOD-BLONDIN de la SELARL JURISTIA - AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE

COMPOSITION DE LA COUR : LORS DU DÉLIBÉRÉ :

Mme Catherine Clerc, président de chambre,

Mme Joëlle Blatry, conseiller

Mme Véronique Lamoine, conseiller,

DÉBATS :

A l'audience publique du 11 juin 2024, Madame Lamoine Conseiller chargée du rapport, assistée de Anne Burel, greffier, a entendu seule les avocats en leurs observations, les parties ne s'y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile.

Elle en a rendu compte à la cour dans son délibéré et l'arrêt a été rendu ce jour.

FAITS, PROCEDURE ET PRETENTION DES PARTIES

Selon statuts en date du 25 novembre 2007, M. [V] d'une part, M. [C] d'autre part, ont constitué entre eux et avec M. [S] [F], une SARL "THEIA" ayant pour objet social la fourniture de prestations informatiques et la location de plates-formes informatiques.

M. [C] était alors praticien hospitalier, spécialisé en anesthésie-réanimation, et par ailleurs détenteur d'un doctorat en informatique.

M. [S] [F] disposait d'une expérience comme directeur hospitalier, et M. [V], pour sa part, offrait une compétence en matière de gestion et de création d'entreprise résultant de son expérience dans le domaine bancaire.

La SARL ainsi créée avait pour objet de développer des outils numériques destinés plus particulièrement à la formation dans le domaine médical.

Son capital social était alors ainsi réparti, M. [V] étant désigné comme gérant :

M. [C] : 102 parts,

M. [V] : 99 parts

M. [F] : 99 parts.

En novembre 2013, M. [F] a cédé la totalité de ses parts à M. [C].

En décembre de la même année, était constituée entre M. [C] et M. [V] une société holding sous forme d'une SAS dénommée "CAMA", dont le capital, fixé initialement à 2 000 €, était réparti entre M. [C] à hauteur de 1 100 € correspondant à 110 actions d'un nominal de 10 €, et M. [V] à hauteur de 900 € soit 90 actions, ce dernier étant désigné comme président.

En outre et dès après la création de cette holding :

M. [C] lui faisait apport de la totalité de sa participation dans la société THEIA,

M. [V] apportait 90 % de ses parts dans la SARL, et conservait à titre personnel

10 % de celles-ci.

Par acte sous seing privé du 1er décembre 2016, M. [C] a cédé à M. [V] la totalité des actions qu'il détenait dans la société holding CAMA soit 110, pour le prix ferme et définitif de 102 000 €, la société THEIA étant devenue, dans l'intervalle, une SAS,

Cet acte comportait néanmoins, en page 4, une clause 3.2 intitulée : "Complément de prix", stipulant, dans les cas où l'intégralité des titres de la holding CAMA viendrait à être cédée par M. [V] (article 3.2.1.1), ou bien l'intégralité des parts dans la société THEIA viendrait à être cédée par la holding CAMA (article 3.2.1.2), ou enfin, si M. [V] devenait préalablement directement détenteur de la totalité des parts de la société THEIA (notamment par fusion absorption entre la société mère et sa filiale) et venait à les vendre en totalité (article 3.2.1.3), un complément de prix, dû par M. [V] à M. [C], dont les modalités de calcul étaient respectivement définies aux articles correspondant à chaque situation, et les modalités de paiement précisées à l'article 3.2.2.

L'article 3.2.3 prévoyait encore le cas de la cession d'une partie seulement des titres de la société mère ou de la filiale avec, dans ce cas, application des stipulations précédentes à proportion de la part du capital objet de la vente.

Enfin, l'article 3.2.5 était ainsi libellé : "Les parties conviennent, dans l'hypothèse où la cession ne serait pas réalisée dans les 18 mois suivant la signature des présentes, de se rencontrer et d'échanger sur les éventuels aménagements à apporter au présent article 3.2".

En 2019 et 2020, la société CAMA ainsi que M. [V] lui-même en qualité d'actionnaire direct ont procédé à la cession d'actions de la société THEIA.

Par ailleurs, par acte du 11 décembre 2020, M. [V] a, après augmentation du capital social de la société THEIA, procédé à une donation-partage entre ses 2 enfants [J] et [H] [V] de 9 200 actions de cette société pour une valeur totale de 605 360 €, ces actions étant revendues par ces derniers dès le 17 décembre suivant à une société CENSIO.

Suite à la communication, en exécution d'une ordonnance de référé du 6 octobre 2021 confirmée en appel, de la liste ainsi que des actes relatifs aux cessions d'actions, M. [C], a, par courrier officiel de son conseil du 3 janvier 2023, mis M. [V] en demeure de lui payer la somme de 3 411 924,34 € au titre de complément de prix prévu à l'acte du 1er décembre 2016.

Il s'est vu répondre par courriel officiel du 25 janvier 2023 que M. [V] estimait n'être tenu d'aucun complément de prix au motif que celui-ci n'était dû que pendant les 18 mois suivant la cession entre les parties et que la clause le prévoyant était désormais caduque.

Par acte du 27 mars 2023, M. [C] a assigné M. [V] devant le tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de le voir condamner à lui payer la somme principale de 3 309 924,34 € au titre de supplément de prix. L'instance est actuellement pendante devant la juridiction du fond.

Le 5 juin 2023, M. [C] a adressé au juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grenoble une requête aux fins d'être autorisé à pratiquer une saisie conservatoire sur les comptes bancaires de M. [V] auprès de la Banque Populaire Auvergne Rhône-Alpes. Par ordonnance en date du 6 juin 2023, le juge de l'exécution a autorisé cette saisie, pour conservation de la somme de 3 334 924,34 €. La saisie, qui a été pratiquée selon procès-verbal du 16 juin 2023 et dénoncée à M. [V] le 21 juin 2023, a été fructueuse à hauteur de 203 886, 38 €.

M. [C] a alors adressé au juge de l'exécution une requête reçue au greffe le 27 juin 2023 aux fins d'être autorisé à procéder à des nantissements conservatoires de parts sociales détenues par M. [V] au sein de la SAS MADIX et de la SCI NAXACA ; autorisation lui a été accordée à cette fin par ordonnance sur requête du 3 juillet 2023 en garantie de la somme de 3'131'037,92 € après prise en compte de la somme saisie conservée précédemment.

Les nantissements judiciaires provisoires ont été opérés selon procès-verbaux en date du 28 août 2023, et dénoncés à M. [V] par actes de commissaire de justice du 30 août 2023.

Par acte du 11 juillet 2023, M. [V] a assigné M. [C] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grenoble aux fins de rétractation de l'ordonnance sur requête du 6 juin 2023 et de mainlevée de la saisie conservatoire. Il a obtenu gain de cause par jugement du 16 janvier 2024 (n° RG 23/05061) frappé d'appel par M. [C]. Cet appel, enrôlé sous le n° RG 24/00542, fait l'objet d'une instance distincte fixée pour plaider à la même audience que la présente.

Par acte du 29 septembre 2023, M. [V] a assigné M. [C] devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Grenoble pour voir rétracter l'ordonnance sur requête du 3 juillet 2023 et ordonner la mainlevée des nantissements sur les parts sociales de la SAS MADIX et de la SCI NAXACA.

Par jugement du 16 janvier 2024, le juge de l'exécution a :

ordonné la mainlevée des nantissements judiciaires provisoires effectués le 20 août 2023 sur les valeurs mobilières de la SAS MADIX et les parts sociales de la SCI NAXACA détenues par M. [V] ;

condamné M. [C] à verser à M. [V] la somme de 20 000 € à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

condamné M. [C] aux entiers dépens et à verser à M. [V] la somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 30 janvier 2024, M. [C] a interjeté appel de ce jugement.

Les 5 et 19 février 2024, les avocats des parties ont été avisés que l'affaire était fixée à plaider à l'audience du 11 juin 2024 en application des dispositions de l'article 905 du code de procédure civile.

Par dernières conclusions (n° 3) notifiées le 30 mai 2024, M. [C] demande l'infirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions, le débouté de M. [V] de l'ensemble de ses demandes, et sa condamnation aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il fait valoir :

que contrairement à ce que soutient M. [V], son droit de percevoir un complément de prix n'était pas enfermé dans un délai de 18 mois à compter de l'acte de cession des parts sociales, mais qu'il était seulement prévu que, passé ce délai, les parties s'engageaient à se réunir pour en redéfinir éventuellement les modalités,

que cette rencontre n'ayant pas eu lieu et en l'absence de toute modification de la clause, celle-ci doit bien recevoir application,

que sa créance apparaît donc bien fondée en son principe ainsi que le juge de l'exécution l'a d'ailleurs retenu dans les motifs de jugement déféré,

qu'il justifie que le complément de prix qu'il réclame est bien conforme aux clauses du contrat, selon un détail pour lequel il est renvoyé à ses conclusions,

que, contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, le recouvrement de sa créance est menacé en ce que :

que M. [V] ne l'a jamais informé spontanément des cessions de titres intervenues et l'a fait très difficilement en exécution de l'ordonnance de référé confirmée, puisqu'il a enfin consenti à lui transmettre les documents utiles 7 mois après l'arrêt confirmatif,

que celui-ci s'est opposé, jusqu'à ce jour, à toute demande de règlement quelle qu'elle soit, même partiel,

que, s'agissant de la consistance du patrimoine de M. [V] retenue à tort comme pertinent par le premier juge :

M. [V] ne justifie pas du montant et de la nature de ses avoirs bancaires tels qu'il les invoque, que d'ailleurs la somme saisie conservée dans le cadre de la procédure parallèle représente moins de 10 % de la créance de complément de prix dont lui-même se prévaut,

que M. [V] procède beaucoup par voie d'affirmation sans fournir l'ensemble des justificatifs utiles,

que les biens immobiliers dont il se prévaut, dont certains dans lesquels il est en indivision, sont des avoirs difficilement mobilisables,

qu'il en est de même de la SAS MADIX, la valeur des titres invoquée n'étant en rien justifiée, alors même que cette société a enregistré au 31 décembre 2022 un résultat déficitaire de 200'000 €.

Il réduit, cependant, le montant de la créance à garantir à la somme de 2'385'987,48 € après prise en compte de sommes devant venir en déduction du complément de prix selon les dispositions de l'article 3.2.1 du contrat, soit une quote-part des impositions, frais et garantie de passif supportés par le cessionnaire dans le cadre de la revente de ses actions.

M. [V], par dernières conclusions notifiées le 27 mai 2024, demande :

que l'appel formé par M. [C] soit déclaré irrecevable,

la confirmation du jugement déféré sauf en ce qu'il a limité à 20 000 € les dommages-intérêts alloués pour procédure abusive, et réclame à ce titre la condamnation de M. [C] à lui payer la somme de 50 000 €.

Il demande encore condamnation de M. [C] aux entiers dépens et à lui payer la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il ne fait valoir aucun moyen à l'appui de sa demande aux fins d'irrecevabilité de l'appel et, sur le fond :

soutient qu'aucun complément de prix n'est dû en vertu de la cession intervenue entre les parties, en l'absence de cession des titres concernés dans les 18 mois suivant la passation de l'acte,

discute, à titre infiniment subsidiaire, le calcul du complément de prix qui serait dû en faisant valoir qu'il conviendrait de tenir compte en déduction, sur la base de 50 % du prix de cession total des actions (soit 5 711 804 € + 28 186 €), du prix de 102 000 € qui a déjà été payé à M. [C] ainsi que de divers frais et impôts supportés par la CAMA, de la provision sur la garantie de passif, et impôt personnel, ce qui conduit à estimer selon lui à la somme maximale de 1 094 153 € la somme qui, pourrait, le cas échéant, être due à M. [C],

reprend, en les développant, les motifs retenus par le juge de l'exécution pour considérer que son patrimoine est suffisant pour garantir le paiement d'une éventuelle créance dont le recouvrement n'est, par conséquent, pas menacé selon lui.

Il est renvoyé à ses conclusions pour plus ample exposé.

L'instruction a été clôturée par une ordonnance rendue le 4 juin 2024.

MOTIFS

Sur la demande aux fins de voir déclarer l'appel irrecevable

M. [V] n'énonçant, dans le corps de ses conclusions, aucun moyen à l'appui de sa prétention à voir déclarer irrecevable l'appel formé par M. [C], cette demande sera rejetée.

Sur la demande de rétractation de l'ordonnance sur requête et de mainlevée des nantissements

Aux termes de l'article L. 511-1 du code des procédures civiles d'exécution, toute personne dont la créance paraît fondée en son principe peut solliciter du juge l'autorisation de pratiquer une mesure conservatoire sur les biens de son débiteur, sans commandement préalable, si elle justifie de circonstances susceptibles d'en menacer le recouvrement.

L'article L. 511-2 du même code dispose que le juge peut, à tout moment, au vu des éléments qui sont fournis par le débiteur, le créancier entendu ou appelé, donner mainlevée de la mesure conservatoire s'il apparaît que les conditions prescrites par l'article L. 511-1 ne sont pas réunies.

Il convient dès lors de vérifier si ces conditions sont réunies en l'espèce.

# sur l'existence d'une créance paraissant fondée en son principe

Ainsi que l'a justement considéré le juge de l'exécution dans l'ordonnance déférée, M. [C] justifie d'une créance paraissant fondée en son principe à l'encontre de M. [V], au titre du complément de prix stipulé dans l'acte de cession d'actions du 1er décembre 2016 en cas de revente, directement ou indirectement, des titres de la holding CAMA ou de sa filiale THEIA par le cessionnaire.

En effet, l'argument selon lequel la clause 3.2 stipulant ce complément de prix serait caduque au seul motif que les cessions d'actions devant donner lieu à complément de prix n'ont pas été réalisés dans les 18 mois de cet acte ne présente pas un caractère sérieux, dès lors qu'aucune mention de l'acte ne prévoit une telle conséquence en cas de dépassement de ce délai, l'article 3.2.5 stipulant, au contraire, que les parties prévoyaient, dans ce cas, de se rencontrer aux fins d' « échanger sur les éventuels aménagements à apporter au présent article 3.2 », la notion d'aménagement ainsi convenue induisant nécessairement que le droit à complément de prix ne s'est pas trouvé éteint par la seule expiration de ce délai.

Pour les mêmes motifs, la circonstance qu'aucune rencontre formelle aux fins d'échanges conforme à l'article 3.2.5 ne s'est finalement tenue entre les parties ne saurait être sérieusement considérée comme ayant entraîné la caducité de la clause et, par voie de conséquence, l'extinction du droit, pour le cédant, à la perception d'un complément de prix.

Sur ce dernier point, M. [V] ne peut valablement soutenir que M. [C] aurait, dans un échange de mails avec lui, 'conclu(...) à la caducité de la clause de complément de prix', la lecture de cet échange (pièce n° 33 de l'intimé) montrant, au contraire, que, le 4 février 2020, M. [C], qui n'avait pas alors connaissance des cessions d'actions déjà intervenues, confirmait son refus d'une proposition transactionnelle transmise par M. [V] au titre d'un complément de prix, et proposait à ce dernier une évaluation par un expert-comptable indépendant désigné d'un commun accord, tandis que M. [V] y répondait le 8 février en prenant acte du refus de son cocontractant à sa 'proposition' dans le cadre d'échanges 'sur les éventuels aménagements (...) à (leurs) accords' (sic) en l'absence de cession intervenue dans les 18 mois, mais refusait de faire appel à un expert-comptable en estimant que 'la solution la meilleure' resterait, 'au final, celle du statut quo' (sic).

C'est donc par un examen complet et pertinent des éléments qui lui étaient fournis que le juge de l'exécution a, dans les motifs du jugement frappé d'appel, considéré que M. [C] justifiait d'une créance paraissant fondée dans son principe.

# sur le montant de la créance garantie

L'article R. 511-4 du code des procédures civiles d'exécution dispose que :

'A peine de nullité de son ordonnance, le juge détermine le montant des sommes pour la garantie desquelles la mesure conservatoire est autorisée et précise les biens sur lesquels elle porte.'

Le juge de l'exécution a, dans son ordonnance sur requête du 3 juillet 2023, fixé ce montant à 3 131 037,92 €, soit la somme indiquée par le requérant comme correspondant à la valeur maximale du complément de prix soit 50 % des sommes perçues par le cessionnaire au titre de la revente des actions (6 823 848,69 €), sous déduction de la somme de 102 000 € déjà versée au titre du prix des actions conformément aux dispositions de l'article 3.2.1 du contrat, et après imputation, selon les termes de la requête initiale, de la somme de 203 886,38 € déjà saisie à titre conservatoire dans le cadre de l'instance parallèle.

Aux termes de ses dernières conclusions prises devant cette cour (page 48), M. [C] réduit le montant de la créance à garantir à la somme de 2'385'987,48 € après prise en compte, suite aux moyens développés par M. [V] et aux éléments de calcul fournis par ce dernier, d'autres sommes devant venir en déduction du complément de prix selon les dispositions de l'article 3.2.1 du contrat, soit une quote-part des impositions, frais et garantie de passif supportés par le cessionnaire dans le cadre de la revente de ses actions.

C'est donc cette somme maximale qui sera retenue au titre de la mesure conservatoire si celle-ci était confirmée, étant rappelé que le juge de l'exécution qui autorise une mesure conservatoire doit seulement fixer les limites de la garantie et n'a pas le pouvoir de trancher les contestations relatives au montant de la créance.

# sur les circonstances de nature à en menacer le recouvrement

Le premier juge, tout en relevant que M. [V] n'avait pas informé son cocontractant des cessions de titres réalisées, s'était ensuite opposé aux demandes d'information et de règlement présentées par ce dernier, enfin n'avait exécuté la décision de cette cour le condamnant à produire l'acte de cession des titres qu'après le prononcé d'une astreinte, a néanmoins considéré que M. [C] ne justifiait pas de menaces pesant sur le recouvrement de sa créance en l'état du patrimoine tant mobilier qu'immobilier dont justifierait M. [V], estimé par lui-même à plus de 8 millions d'euros.

Or, l'examen des pièces produites permet de relever les éléments suivants, s'agissant tout d'abord du patrimoine immobilier invoqué par M. [V] :

le bien immobilier situé à [Adresse 11], dont il justifie être propriétaire indivis à hauteur de 62,60 %, constitue le domicile actuel de M. [V], ce qui, outre le caractère indivis de sa propriété, ne permet pas de considérer qu'il s'agisse d'une valeur immédiatement disponible ; par ailleurs, il a été acquis en décembre 2020 pour le prix de 935 750 € ce qui ne correspond pas à la valorisation, non justifiée par ailleurs, de M. [V] qui estime sa part indivise à 620 000 €,

les biens immobiliers locatifs mentionnés comme situés à [Localité 8], et valorisés respectivement pour 140 000 €, 350 000 € et 250 000 € dans les conclusions de l'intimé devant cette cour ainsi que dans un tableau intitulé 'détail du patrimoine pour l'emprunteur personne physique' signé de lui-même, ne sont justifiés que par les pièces suivantes :

pour le premier, par un contrat de réservation d'un lot d'immeuble à construire, dans lequel il acquiert avec une autre personne (Mme [M] [X]), dont les extraits produits sont insuffisamment précis pour être corrélés avec l'avis d'imposition au titre de la taxe foncière joint,

pour le second, par une attestation notariée mentionnant un prix d'achat de 180 000 € en mai 2020 (au lieu des 350 000 € de valeur annoncée),

pour le troisième, là encore, par la première page d'un contrat de réservation d'un lot trop imprécis pour être corrélé avec l'avis d'imposition au titre de la taxe foncière joint,

au surplus, dans le tableau 'détail du patrimoine (...)' évoqué ci-dessus (pièce n° 73 de l'intimé), deux des appartements locatifs de [Localité 8] ([Adresse 6] et [Adresse 2]) sont mentionnés comme grevés tous les deux d'une hypothèque et le second d'une garantie de prêteur de deniers,

l'appartement de [Localité 9] est mentionné dans les conclusions de l'intimé comme hébergeant sa mère âgé de 85 ans, et l'on imagine difficilement, dans ces circonstances, l'effectivité d'une saisie de ce bien au profit d'un créancier.

Les 'avoirs bancaires' à hauteur de 358 000 € auprès de la Banque Rhône-Alpes, mentionnés dans le tableau 'détail du patrimoine pour l'emprunteur personne physique' ci-dessus évoqué, ne sont justifiés par aucune pièce. En outre, l'intitulé de ce tableau, non daté, laisse à penser qu'il a été établi dans le cadre de la souscription d'un emprunt, sur lequel aucune indication n'est fournie, et qui, s'il a été accordé, devrait affecter les facultés, pour M. [V], de s'acquitter de sa dette.

Par ailleurs, si l'intimé se prévaut d'être le président et associé unique d'une SAS MADIX, dont l'activité n'est au demeurant pas précisée, il sera constaté, au vu des bilans de ses deux derniers exercices produits aux débats (le dernier arrêté au 31 décembre 2023), que cette société est, pour l'instant, déficitaire, son résultat d'exploitation étant de - 30 756 € à fin 2023 (- 12'125 € à la fin de l'exercice précédent).

En outre, cette SAS MADIX est précisément l'une de celles sur les titres desquelles porte la demande de nantissement provisoire objet de l'ordonnance sur requête du 3 juillet 2023 et, par conséquent, de la présente instance.

Enfin, si M. [V] affirme détenir des 'contrats de placements (assurance vie et SCPI notamment) dans divers établissements financiers pour 596'000 €', il ne produit aucune pièce justificative ni de leur existence ni de leur montant, étant souligné qu'il les qualifiait lui-même, dans ses premières écritures devant cette cour, de 'placements bloqués et illiquides' (sic).

Au vu de l'ensemble de ces éléments et au regard de son montant, M. [C] justifie, contrairement à ce qu'a considéré le premier juge, de circonstances susceptibles de menacer le recouvrement de sa créance paraissant fondée en son principe en complément du prix de cession des parts.

Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions, et M. [V] débouté de l'ensemble de ses demandes.

Au vu des développements ci-dessus, le montant de la créance garantie sera néanmoins limité à la somme de 2'385'987,48 € à laquelle M. [C] a réduit le montant de sa créance au titre du complément de prix après transmission des éléments d'information fournis en cause d'appel par M. [V].

Sur les demandes accessoires

M. [V], succombant en sa défense, devra supporter les dépens de première instance et d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile et il n'y a pas lieu de faire application de l'article 700 du code de procédure civile en sa faveur.

Il est équitable de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de M. [C].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,

Rejette la demande aux fins de voir déclarer l'appel irrecevable.

Infirme en toutes ses dispositions le jugement déféré.

Statuant de nouveau et y ajoutant :

Déboute M. [V] de sa demande aux fins de mainlevée des nantissements judiciaires provisoires de valeurs mobilières et de parts sociales pratiqués selon procès-verbaux du 28 août 2023 sur les parts sociales et actions détenues par lui dans les sociétés SAS MADIX et SCI NAXACA.

Ramène, néanmoins, à la somme de 2'385'987,48 € le montant de la créance garantie par l'autorisation de nantissement du 3 juillet 2023, au lieu des 3 131 037,92 € mentionnés à ce titre dans l'ordonnance sur requête.

Condamne M. [V] à payer à M. [C] la somme de 5 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Rejette toutes les autres demandes.

Condamne M. [V] aux dépens de première instance et d'appel.

Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de la procédure civile,

Signé par madame Clerc, président, et par madame Burel, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER LA PRESIDENTE