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Décisions

CA Limoges, ch. soc., 10 octobre 2024, n° 22/00783

LIMOGES

Arrêt

Autre

CA Limoges n° 22/00783

10 octobre 2024

ARRET N° .

N° RG 22/00783 - N° Portalis DBV6-V-B7G-BIMJ5

AFFAIRE :

Mme [O] [D]

C/

S.A.R.L. [N] ET ASSOCIES Ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL TRANSPORT [F], désigné à cette fonction par jugement du tribunal de Commerce de Limoges du 29 juillet 2022 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, S.C.P. BTSG² Représentée par Me [C] [X], domicilié audit siège, en qualité de mandataire liquidateur de la SARL TRANSPORTS [F], RCS LIMOGES 797 488 095, dont le siège social était [Adresse 4], désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de LIMOGES en date du 13 septembre 2023,, M. [H] [F], intervenant volontaire par conclusions du 05-12-23., S.A.R.L. TRANSPORT [F]

Association CGEA AGS assigné par voie d'huissier en date du 13 février 2023, à personne

JP/MS

Demande d'indemnités ou de salaires

Grosse délivrée à Me Aurélie PINARDON, Me Soraya JOSEPH, Me Delphine DUDOGNON

COUR D'APPEL DE LIMOGES

CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024

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Le dix Octobre deux mille vingt quatre la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :

ENTRE :

Madame [O] [D], demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Aurélie PINARDON de la SELARL ACCENSE PROCEDURES, avocat au barreau de BRIVE

APPELANTE d'une décision rendue le 03 OCTOBRE 2022 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE LIMOGES

ET :

S.A.R.L. [N] ET ASSOCIES Ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL TRANSPORT [F], désigné à cette fonction par jugement du tribunal de Commerce de Limoges du 29 juillet 2022 prononçant l'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Soraya JOSEPH, avocat au barreau de BRIVE

S.C.P. BTSG² Représentée par Me [C] [X], domicilié audit siège, en qualité de mandataire liquidateur de la SARL TRANSPORTS [F], RCS LIMOGES 797 488 095, dont le siège social était [Adresse 4], désigné à cette fonction par jugement du Tribunal de Commerce de LIMOGES en date du 13 septembre 2023,, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Delphine DUDOGNON de la SELARL DUDOGNON BOYER, avocat au barreau de LIMOGES

Monsieur [H] [F], intervenant volontaire par conclusions du 05-12-23., demeurant [Adresse 5]

représenté par Me Soraya JOSEPH, avocat au barreau de BRIVE

S.A.R.L. TRANSPORT [F], demeurant [Adresse 7] / FRANCE

représentée par Me Soraya JOSEPH, avocat au barreau de BRIVE

Association CGEA AGS assigné par voie d'huissier en date du 13 février 2023, à personne, demeurant [Adresse 8]

défaillante

INTIMES

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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 03 Septembre 2024. L'ordonnance de clôture a été rendue le 05 juin 2024.

Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.

Après quoi, Madame Johanne PERRIER, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 10 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.

Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER, a rendu compte à la Cour, composée de Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Présidente de chambre, de Madame Géraldine VOISIN, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.

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LA COUR

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FAITS ET PROCÉDURE :

A compter du 1er septembre 2018, Mme [D], bénéficiaire d'une pension de retraite liée à une précédente activité professionnelle, a été embauchée par la SARL Transports [F], qui exerce une activité d'ambulances, taxis et transports scolaires, en qualité de chauffeur dans le but d'assurer, sur commande du Conseil départemental de la Corrèze, le transport scolaire d'élèves notamment en situation de handicap.

Selon les termes de son contrat de travail intermittent daté du 1er septembre 2018 et régi par les dispositions des articles L.3123-33 et suivants du code du travail, l'employeur s'est engagé à lui assurer un volume minimal annuel de 717 heures 30 minutes de travail effectif sur la période de travail correspondant au calendrier scolaire de l'éducation nationale ou des instituts médico-éducatifs et selon un horaire hebdomadaire fixé à 20 heures 30 par semaine, réparti sur les lundi, mardi, jeudi et vendredi de 6H50 à 8H55 puis de 16h20 à 18h25, et le mercredi de 6h50 à 8h25 et de 11h35 à 13h10, y étant ajouté 50 minutes par semaine

pour l'entretien du véhicule. Le salaire a été fixé à 7.914,68 euros par an payable en douze fractions mensuelles indépendamment des périodes de travail..

Le 26 août 2019, un avenant au contrat de travail pour la période d'activité scolaire 2019-2020 a introduit une durée minimale de travail effectif de 3 heures par jour travaillé, ou de 525 heures sur 35 semaines à 5 jours selon un horaire journalier réparti sur la semaine et des périodes de travail fixées à cet avenant.

Un nouvel avenant a été conclu entre les parties le 13 janvier 2021 pour la période d'activité allant du 1er septembre 2020 au 06 juillet 2021, prenant effet rétroactivement au 1er septembre 2020 et fixant la durée annuelle de travail à 525 heures et celle hebdomadaire de la salariée à 15h30, selon un horaire journalier fixé à cet avenant, incluant l'entretien du véhicule. La rémunération annuelle été réévaluée à un salaire brut de 5.825,31 euros pour 525 heures. Le calendrier de l'année scolaire a été annexé à cet avenant.

Mme [D] a élevé une contestation quant au décompte de ses heures de travail et, par une requête du 26 mars 2021, elle a saisi le conseil de prud'hommes de Limoges d'une demande non chiffrée en régularisation d' heures de travail, ainsi que d'une demande, elle chiffrée, en paiement de dommages et intérêts en réparation de son préjudice.

Dans le cadre de cette procédure, Mme [D] a été assistée par un défenseur syndical qui, par des écritures en date du 04 mai 2022, a sollicité la condamnation de la SARL Transports [F] à lui régler :

'- des dommages et intérêts pour un montant de 21.172,02 euros, soit 12 mois de salaire + 13 mois (13x151,67 x10,7379 euros) calculés sur un temps plein en l'absence d'avenant au contrat de travail précisant le décompte horaire du temps de travail ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile'.

Le conseil de prud'hommes de Limoges , par un jugement rendu le 3 octobre 2022 après débats à l'audience tenue le 30 mai 2022, a :

- débouté Mme [D] de sa demande en paiement de la somme de 21.172,02 euros au titre de dommages et intérêts pour absence d'avenant au contrat de travail ;

- condamné Mme [D] à la somme 1.500 euros au titre des dommages et intérêt pour procédure abusive à l'encontre de la SARL Transports [F] ;

- condamné Mme [D] à la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Mme [D] aux dépens..

Postérieurement à la tenue de l'audience devant le conseil de prud'hommes la SARL Transports [F] avait été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 29 juillet 2022 ayant désigné la SELARL [N] et associés en qualité d'administrateur judiciaire et la SCP BTSG en qualité de mandataire judiciaire.

Le 27 octobre 2022, Mme [D] a relevé appel de ce jugement et elle a ultérieurement appelé en intervention forcée ces deux organes de la procédure collective, puis le CGEA de [Localité 6], un jugement du tribunal de commerce de Limoges du 13 septembre 2023 ayant converti la procédure de redressement judiciaire de la SARL Transports [F] en liquidation judiciaire en mettant fin à la mission de la SELARL [N] et associés et en désignant la SCP BTSG prise en la personne de Me [X] en qualité de mandataire liquidateur.

Le CGEA de [Localité 6], régulièrement appelé en la cause, n'a pas souhaité constituer avocat ainsi qu'il l'a confirmé dans une courrier adressé au conseiller de la mise en état le 15 février 2023.

Le 5 décembre 2023, M. [F], ancien dirigeant de la SARL Transports [F], est intervenu volontairement à l'instance d'appel.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures du 5 mars 2024 auxquelles il est renvoyé, Mme [D] demande à la cour :

' de réformer en toutes ses dispositions la décision déférée;

' d'arrêter sa créance à l'égard de la SARL Transports [F] , à titre de rappel de salaire, aux sommes suivantes :

- au titre de l'année scolaire 2018/2019 : 11 012,66 euros

- au titre de l'année scolaire 2019/2020 : 11 169,45 euros

- au titre de l'année scolaire 2020/2021 : 10 708,17 euros

' d'arrêter sa créance à l'égard de la SARL Transports [F] à la somme de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral;

' d'ordonner en tant que de besoin l'inscription de ces sommes au passif de la procédure ;

' de dire la décision à intervenir opposable au CGEA AGS de [Localité 6];

' de condamner la SCP BTSG², es qualité de liquidateur de la SARL Transports [F], à lui payer la somme de 3000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du CPC, ainsi qu'aux entiers dépens.

Mme [D] fait principalement valoir :

' en réplique à une irrecevabilité de ses demandes en rappel de salaire qui lui est opposée par la SCP BTSG et par M. [F] au motif pris qu'elles sont nouvelles en cause d'appel, que ces demandes reposent sur le même fondement juridique et tendent aux mêmes fins que celles qu'elle a formulées en première instance, à savoir tirer les conséquences de l'indétermination de ses heures de travail et du non-respect par l'employeur de ses obligations en la matière ;

' sur le fond :

- que son contrat de travail à temps partiel doit être requalifié de contrat à temps complet, à défaut de décompte précis de ses horaires réels de travail ;

- que son premier contrat de travail a signé non le 03 septembre 2018 mais tardivement en juin 2019, qu'il ne précise pas les périodes travaillées et qu'elle a été empêchée de connaître précisément le rythme et ses horaires de travail;

- que la signature tardive de l'avenant 2020/2021, six mois après le début de la période scolaire et l'absence d'un délai de prévenance sur ses tournées l'ont placée dans l'obligation de se tenir à la disposition de son employeur en permanence ;

- que ses horaires réels de travail sont restées indéterminés, en violation des articles L.3121-67 du code du travail et R 3312-19 du code des transports, car ses heures effectives n'étaient pas enregistrées, attestées ou contrôlées et que le moyen de leur décompte n'était pas mis à sa disposition ;

- que l'employeur a reconnu l'absence de tout décompte individuel de la durée du travail et que le système de géolocalisation équipant certains véhicules, au demeurant non licite, ne permet pas de se substituer à cette absence ;

- qu'elle a subi un préjudice moral en relation avec ces mauvaises conditions de travail, caractérisé par l'absence de rigueur dans la gestion des horaires de travail, le versement de ses salaires à dates aléatoires, une mauvaise mise en place des mesures sanitaires durant la période d'urgence sanitaire et une mauvaise gestion de l'assurance mutuelle de l'entreprise.

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* *

Aux termes de ses dernières écritures du 29 février 2024 auxquelles il est renvoyé, la SCP BTSG , prise en qualité de mandataire liquidateur de la SARL Transports [F] demande à la cour :

' à titre principal :

- d'accueillir l'intervention volontaire de M. [F],

- de prononcer l'irrecevabilité de la demande de rappels de salaires sur les trois dernières années en ce que cette demande est nouvelle en cause d'appel;

' à titre subsidiaire , de rejeter la demande de rappels de salaires sur les trois dernières années de Mme [D] en ce qu'elle est inondée ;

' en tout état de cause,

- de le déclarer recevable et bien fondé en son appel incident formé pour le compte de la SARL Transports [F] ,

- de confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a débouté Mme [D] de sa demande de 21 172,02euros au titre de dommages et intérêts pour absence d'avenant au contrat de travail, et condamné Mme [D] à des dommages et intérêts pour procédure abusive , au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens,:

- statuant à nouveau, de condamner Mme [D] à lui verser, es qualités de mandataire liquidateur de la SARL Transports [F] :

une indemnité de 5.000 euros au titre de dommages et intérêts pour procédure abusive;

une indemnité de 3.000 euros au titre de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail. ;

une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La SCP BTSG fait valoir pour l'essentiel :

' sur l'intervention volontaire de M. [F], que ce dernier y est fondé à raison de la convention de garantie de passif qui a été intégrée à la cession des parts sociales de la SARL Transports [F] ;

' sur la demande en requalification du contrat de la salariée en contrat à temps plein, que cette prétention est nouvelle en appel, les demandes de la salariée en première instance ayant été limitées à l'obtention de dommages et intérêts pour absence d'avenant ;

' sur le fond, que cette demande en requalification du contrat de travail n'est pas fondée puisque:

- le contrat intermittent que la salariée a signé a mentionné le volume annuel d'heures de travail effectif, les temps de travail effectif sur l'année, les horaires de travail et leur répartition sur la semaine ;

- les reconnaissances de trajet que la salariée comptabilise en temps de travail effectif n'en sont pas car ces reconnaissances ne sont pas requises par l'employeur.

- l'analyse des données de géolocalisation révèle que la salariée n'a pas réalisé les heures de travail revendiquées et elle révèle au contraire que la salarié a enfreint les consignes de transports de l'employeur en arrivant prématurément aux lieux de prises en charge, en faisant des pleins d'essence en dehors des heures de travail et en utilisant le véhicule professionnel pour ses besoins personnels ;

' sur ses propres demandes en dommages et intérêts, que l'instance introduite parla salariée l'a été de manière opportuniste et abusive, elle n'a juridiquement fondée sur aucun élément concret, avec pour seule finalité de soutirer indûment des sommes à l'employeur .

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* *

Aux termes de ses conclusions en intervention volontaire du 5 décembre 2023, M. [F] demande à la cour :

- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [D] de l'ensemble de ses demandes;

- de condamner Mme [D] à lui verser la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile;

- de condamner Mme [D] aux entiers dépens d'instance.

M. [F] fait valoir :

' sur son intervention volontaire, qu'il a un intérêt à intervenir en cause d'appel à raison de l'acte de cession des parts sociales de la SARL Transports [F] du 4 décembre 2020 réitéré le 31 mars 2021 l'obligeant à garantir le cessionnaire de tous dommages et intérêts et indemnités de toute nature antérieurs à la cession ;

' sur la recevabilité des demandes de Mme [D], que ses demandes en rappel de salaire sont irrecevables, car nouvelles en cause d'appel ;

' sur le fond , que ces demandes sont également inondées ;

- que la signature tardive du contrat de travail n'est pas sanctionnée en droit ; que même si un contrat est effectivement antidaté, la salariée en le signant a accepté une régularisation de la date à laquelle le contrat a commencé à être exécuté ; que, de même, la signature tardive de l'avenant a régularisé la situation pré-existante ;

- que les horaires de travail ont été déterminés contractuellement et pouvaient être modifiés en raison des impératifs du donneur d'ordre qu'a été le département ;

- que les temps de reconnaissance préalable de l'itinéraire, comptabilisées par la salariée, ne sont pas du temps de travail effectif en ce que cela n'a pas été imposé à la salariée ;.

- qu'il a mis en place des livrets de relevés d'heures à renseigner par les salariés et permettant de justifier le respect de l'obligation de décompte du temps de travail; qu'en l'espèce, la salariée a fait disparaître son livret, qui devait rester dans le véhicule, ce qui ne lui laisse aucun autre moyens de preuve que les relevés de géolocalisation, dont les données n'ont pas servi à contrôler sa durée du travail de manière permanente, ou à sanctionner des fautes de sa part, mais uniquement à prouver les heures travaillées dans le cadre du présent litige; que ce moyen de preuve, dont la production est indispensable au vu de la disparition du livret d'heures, ne porte pas atteinte au caractère équitable de la procédure, et sa production est proportionnée au but poursuivi.

SUR CE,

Sur l'intervention volontaire de M. [F] :

Ni Mme [D], ni la SCP BTSG ne discutent la recevabilité de cette intervention qui est fondée sur l'intérêt que conserve l'ancien dirigeant de la SARL Transports [F] à défendre sur les rappels de salaire et sur l' indemnité réparatrice d'un préjudice réclamés par Mme [D] qui trouvent leur cause dans des faits antérieurs à l'acte de cession des parts sociales de cette société à un tiers et qui sont donc susceptibles d'être couverts par la garantie de passif à laquelle M. [F] s'est obligé dans l'acte de cession.

En l'absence de discussion de ce chef, il n'y a pas lieu à statuer sur la recevabilité de cette intervention

Sur la recevabilité des demandes de Mme [D] en rappel de salaire :

Il est de principe, en application de l'article 564 du code de procédure civile, que, sous peine d'irrecevabilité, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les présentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

En outre, l'article 565 du même code précise que ne sont pas nouvelles les prétentions qui tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent et l'article 566 dispose que les parties peuvent ajouter aux prétentions soumises eu premier juge les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La nouveauté des prétentions s'apprécie par référence à l'objet des demandes formulées en appel comparées avec celles qui ont été soumises à l'appréciation du premier juge.

Dans ses dernières écritures déposées devant la cour d'appel le 03 mars 2024, Mme [D], bien que ne sollicitant pas dans leur dispositif la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, fonde uniquement sa demande en paiement d'un complément de salaire sur une telle requalification aux motifs pris :

- de l'absence, annexée au contrat initial dit daté du 1er septembre 2018 mais qu'elle n'a signé qu'en juin 2019, du calendrier scolaire de l'éducation nationale ou des instituts médico-éducatifs lui ayant permis de connaître avec précision les périodes travaillées et celles non travaillées;

- de la signature, six mois après le début de son activité, de l'avenant pour l'année scolaire 2020-2021 l'ayant mise, durant tout ce laps de temps, dans l'obligation de se tenir de manière permanente à la disposition de l'employeur ;

- d'une indétermination de ses horaires de travail en l'absence de mise à sa dispositions du livret individuel de contrôle auquel il n'a pu être suppléé par un système de géolocalisation.

Dans sa pièce n°10, elle établit un décompte de sa prétention pécuniaire sur la base d'un travail à temps plein dont elle déduit les heures qu'elle a travaillées au cours des années en question et faisant apparaître, au regard de ses bulletins de salaire, un nombre d'heures qu'elle a travaillées et qui lui ont toutes été rémunérées :

- pour l'année 2018-2019, de 789,31 heures (et non de 533,31 heures ainsi qu'elle l'indique par erreur en ne comptabilisant pas les rappels de salaire qui lui ont été réglés en juillet et août 2019) , soit supérieur à celui minimal de 717 heures 30 prévu au contrat de travail qu'elle a accepté de signer comme étant en date du 1er septembre 2018 ;

- pour l'année 2019-2020, de 539 heures, supérieur à celui minimal de 525 heures prévu à l'avenant en date du 26 août 2019 ;

- pour l'année 2020-2021,de 592,58 heures, là encore supérieur à celui minimal de 525 heures arrêté par l'avenant du 13 janvier 2021 ayant pris effet au 1er septembre 2021.

Mme [D] ne sollicite donc pas devant la cour d'appel un rappel de salaire pour des heures qu'elle aurait travaillées et qui ne lui auraient pas été rémunérées.

Dans sa requête en saisine du conseil de prud'hommes en date du 26 mars 2021, les prétentions de Mme [D] ont porté, outre sur une demande en versement de dommages et intérêts, sur une régularisation de ses horaires de travail ; pour autant, dans cette requête, sa seule demande chiffrée alors à hauteur de la somme de 7.676,10 euros était uniquement présentée à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral, psychologique et financier.

Ensuite, dans ses écritures déposées devant le conseil de prud'hommes le 04 mai 2022 par le défenseur syndical qui l'assistait en vue de l'audience tenue le 30 mai 2022, ses prétentions ont été textuellement les suivantes :

' Condamner la SARL Transports [F] à lui régler :

- 21.172,02 euros à titre de dommages et intérêts pour 12 mois de salaire brut + 13 mois (13 x 151,67 x10,7379 euros) calculés sur un temps plein en l'absence d'avenant au contrat de travail précisant le décompte horaire de travail ;

- 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en raion des nombreuses demandes et frais engagés pour faire valoir ses droits'.

Il ne peut qu'être relevé que la somme chiffrée de 21.172,02 euros que Mme [D] a réclamée devant le conseil de prud'hommes a correspondu très précisément au résultat de la multiplication de 13 mois de salaire par 151,67 heures, correspondant à un temps de travail à temps complet au taux horaire 10,7379 euros, de sorte que le terme '13 mois' s'est entendu comme étant l'ajout aux ' 12mois de salaire brut' d'un 13ème mois et non en paiement de 13 mois de salaire s'ajoutant à la somme de 21.172,02 euros qui a été seule réclamée à titre de dommages et intérêts en réparation d'un préjudice moral, psychologique et financier.

Dans ces mêmes écritures du 04 mai 2022 et pour fonder sa demande en dommages et intérêts, Mme [D] a reproché à l'employeur :

- des 'erreurs' dans le contrat de travail initial qu'elle a signé tardivement en mai 2019, sans reprise de l'ancienneté qu'elle avait acquise auprès du précédent prestataire des missions de transport des élèves,

- des erreurs dans le calcul des heures effectuées mensuellement dont le décompte a été privé de sa traçabilité en l'absence d'un carnet prévu par la réglementation et dont elle n'a pas bénéficié de la remise;

- des irrégularités dans le versement de primes,

- l'absence de communication du 'protocole Covid 19",

- des dysfonctionnements dans la prise en charge par la mutuelle de l'entreprise en raison de retards dans le paiement des cotisations ,

et, sous la plume du défenseur syndical, il y était précisé :' Mme [D] n'a pas engagé une procédure prud'homale pour 'espérer tirer un gain qu'elle sait très bien en pas être le sien' comme l'affirme de façon scandaleuse son employeur, mais parce qu'elle a subi un préjudice financier, moral et psychologique important dont elle demande réparation.'

Si sa demande en dommages et intérêts était alors calculée sur la base de 13 mois de salaire à temps plein, pour autant et à aucun moment devant le première juge Mme [D] n'a formé une prétention en requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, et ni même invoqué le moyen de droit susceptible de soutenir cette prétention qu'est la méconnaissance par le salarié des périodes travaillées et non travaillées, et qui est opposée à l'employeur pour la première fois en cause d'appel.

Mme [D] sera donc dite irrecevable en cette prétention et en sa demande subséquente en paiement d'un rappel de salaire qui n'est fondé que sur sur une telle requalification.

Sur la demande de Mme [D] en dommages et intérêts :

Devant la cour d'appel, la prétention de Mme [D] est limitée à la somme de 2.000 euros en réparation d'un préjudice moral.

Il résulte de pièces qu'elle verse aux débats et notamment de la correspondance qu'elle a adressée en décembre 2018 à l'inspection du travail que ses doléances portaient alors, non sur l'absence de conclusion d'un contrat de travail écrit, mais sur l'absence de ce qu'elle considérait comme devant relever d'un avenant à un contrat de travail initial avec reprise de son ancienneté remontant à décembre 2016 puisqu'elle y indique avoir été embauchée par la SARL Transports [F] en contrat à durée déterminée de décembre 2016 à juillet 2017, puis par l'entreprise Vortex en contrat à durée indéterminée à compter de septembre 2017 avant que la SARL Transports [F] ne reprenne en septembre 2018 le marché de transports des élèves.

Cette doléance était fondée et tout laisse à penser que son nouvel employeur, cessionnaire des parts sociales de la SARL Transports [F] et qui vient attester en son soutien, aurait régularisé la situation.

Mme [D] est également fondée à reprocher à la SARL Transports [F] la signature tardive de l'avenant à son contrat de travail initial pour la période scolaire 2020-2021.

Ces éléments, et sans qu'il soit besoisn d'examiner les autres griefs, sont suffisants à fonder sa demande en dommages et intérêts à hauteur de la somme de 2.000 euros qui sera à inscrire au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Transports [F] .

Le jugement dont appel sera réformé en ce sens.

Sur les demandes de la SCP BTSG :

En l'absence de preuve de malice, de mauvaise foi, d'erreur grave équipollente au dol ou de légèreté blâmable, et donc d'une faute de Mme [D] ayant fait dégénérer en abus son droit d'exercer une voie de recours dans laquelle elle obtient très partiellement satisfaction, la demande de la SCP BTSG en paiement de dommages-intérêts pour procédure abusive ne peut prospérer, et le jugement dont appel doit être réformé de ce chef.

La SCP BTSG fonde en outre une demande en dommages et intérêts pour exécution fautive par Mme [D] du contrat de travail pour avoir utilisé le véhicule mis à sa dispositions à des fins personnelles alors que le contrat le lui interdisait formellement.

Il ne ressort pas des termes du jugement dont appel que cette prétention ait été présentée devant le conseil de prud'hommes et elle est frappée d'irrecevabilité comme étant nouvelle en cause d'appel

En outre, cette demande est étayée par des relevés de géolocalisation qui sont produits par M. [F] sur la période septembre -décembre 2020 ; si ce mode de preuve pourrait être jugé admissible en ce qu'il serait le seul moyen d'établir le contrôle de la durée de travail d'un salarié affecté à un transport de personnes et ne disposant pas d'une liberté l'organisation de son travail, il ne peut pour autant, en application de l'article l'article L. 1121-1 du code du travail prévoyant que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, servir de preuve licite aux faits allégués par la SCP BTSG.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile :

Il est justifié, au regard de ce qui précède, de dire que dépens de première instance et d'appel seront mis à la charge la SCP BTSG , en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Transports [F] et n'y avoir lieu application de l'article 700 du code de procédure civile .

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PAR CES MOTIFS

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LA COUR

Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,

Vu l'article 564 du code de procédure civile,

Dit irrecevable en cause d'appel la demande nouvelle de Mme [O] [D] en paiement d'un complément de salaire au titre des années 2018-2019, 2019-2020 et 2020-2021 fondé sur une requalification de son contrat de travail intermittent à temps partiel en contrat de travail à temps plein ;

Dit irrecevable la demande de la SCP BTSG, prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Transports [F], en paiement de dommages et intérêts pour exécution fautive du contrat de travail par Mme [D] ;

Réforme en toutes ses dispositions le jugement du conseil de prud'hommes de Limoges en date du 03 octobre 2022,

Statuant à nouveau,

Fixe la créance de Mme [O] [D] à figurer au passif de la liquidation judiciaire de la SARL Transports [F] à la somme de 2.000 euros au titre de la réparation d'un préjudice moral ;

Condamne la SCP BTSG ,prise en sa qualité de mandataire liquidateur de la SARL Transports [F], aux dépens de première instance et d'appel ;

Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

Sophie MAILLANT. Olivia JEORGER-LE GAC.