CA Aix-en-Provence, ch. 1-2, 24 octobre 2024, n° 23/13917
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Infirmation partielle
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Pacaud
Conseillers :
Mme Tarin-Testot, Mme Neto
Avocats :
Me Moncho, Me Tollinchi, Me Bassiri
EXPOSE DU LITIGE :
Madame [G] [I], monsieur [T] [S], monsieur [Z] [S], madame [V] [R] [S] et monsieur [C] [U] sont les coindivisaires d'une maison de ville sise [Adresse 9] et [Adresse 10] et d'un appartement sis [Adresse 9] et [Adresse 22] sur la commune de [Localité 19] dans les Alpes Maritimes.
Monsieur [C] [U] occupe un appartement de 80.23m² situé au 1er étage de cette maison. Il bénéficie également de la jouissance d'un jardin et d'un local.
Se trouve au sein de la maison de ville au rez-de-chaussée un local commercial donné à bail à l'enseigne 'Mister Pizza'.
Madame [G] [I], souhaite sortir de l'indivision par la vente des biens.
Alléguant l'existence d'un litige relatif à la composition, à la constitution et à la valeur des lots, madame [G] [I] a, le 09 mars 2023, fait assigner les coindivisaires, devant le président du tribunal judiciaire de Grasse, statuant en référé, afin d'obtenir une expertise sur le partage de l'indivision.
Monsieur [C] [U], seul indivisaire constitué, ne s 'est pas opposé à la mesure d'expertise judiciaire sollicitée, mais a demandé au juge des référés de compléter la mission notamment afin qu'elle soit étendue à l'indemnité qui lui serait due par l'indivision au titre des dépenses d'amélioration portant sur les biens indivis, ainsi qu'aux éléments permettant de fixer sa rémunération au titre de la gestion de l'indivision.
Par ordonnance réputée contradictoire en date du 27 octobre 2023, le juge des référés a :
- dit l'action de madame [G] [I] régulière et recevable ;
- donné acte à monsieur [C] [U] de ses protestations et réserves d'usage ;
- constaté que la juridiction n'était pas saisie à l'égard du preneur à bail du local commercial ;
- ordonné une expertise ;
- désigné à cet effet : monsieur [L] [W], sis [Adresse 13], [Localité 17], en qualité d'expert, dit qu'il pourra s'adjoindre tout sapiteur de son choix, avec pour mission de :
1°) se rendre sur les lieux, en présence des parties ou à défaut celles-ci régulièrement convoquées par lettre recommande avec avis de réception ;
2°) se faire communiquer par les parties tous documents ou pièces qu'il estimera nécessaires à l'accomplissement de sa mission, et entendre, si besoin est, tous sachant ;
3°) estimer la valeur vénale des biens immobiliers (de chaque lot et de ses annexes) ;
4°) déterminer quels lots peuvent être vendus séparément et, quels lots subiraient une dépréciation trop importante s 'ils étaient vendus séparément ;
5°) donner son avis sur les possibilités de partage en nature, eu égard aux droits des parties, et, dans l'affirmative sur la composition des lots ;
6°) détailler les opérations nécessaires à la création des lots de la maison due [Adresse 9] et [Adresse 10] en vue du partage ou de la vente ; estimer le coût de création des lots dans le cadre de la copropriété ;
7°) indiquer s 'il y a lieu de recourir à une vente et, dans ce cas, donner son avis sur la mise à prix :
8°) déterminer l'indemnité d'occupation due par monsieur [C] [U], en prenant en compte la valeur actuelle de son appartement ;
9°) en cas d'urgence avérée relevée, en faire rapport aux parties et au juge chargé du contrôle des expertises en préconisant toutes mesures conservatoires ;
- dit que l'expert devra prévenir monsieur [C] [U] de sa visite et/ou de celles de ses sapiteurs au moins sept jours à l'avance ;
- dit que l'expert devra accomplir sa mission en présence des parties ou elles dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à l'ensemble de leurs derniers dires récapitulatifs conformément aux nouvelles dispositions de l'article 276 du code de procédure civile ;
- dit que pour l'exécution de sa mission, l'expert commis s'entourera de tous renseignements utiles à charge d'en indiquer l'origine, recueillera toutes informations orales ou écrites de toutes personnes sauf à préciser dans son rapport leurs noms, prénoms, demeure et profession ainsi que, s'il y a lieu leur lien de parenté ou d'alliance avec les parties, de subordination à leur égard, de collaboration ou de communauté d'intérêts avec elles et qu'il pourra éventuellement recueillir l'avis d'un autre technicien dans une spécialité distincte de la sienne ;
- dit que l'expert commis devra faire connaître sans délai son acceptation au juge charge du contrôle des mesures d'instruction, le tenir averti de la date de son premier accédit et informé de 1'état de ses opérations ;
- dit qu'en cas de refus ou d'empêchement de l'expert, il sera pourvu à son remplacement d'office par ce juge ;
- dit que madame [G] [I] devra consigner auprès du régisseur du tribunal judiciaire de Grasse, dans les deux mois suivant l'invitation qui lui en sera faite conformément à l'article 270 du code de procédure civile , la somme de 3.000 euros destinée à garantir le paiement des frais et honoraires de l'expert, sauf dans l'hypothèse ou une demande d'aide juridictionnelle antérieurement déposée serait accueillie, auquel cas les frais seront avances directement par le trésorier payeur général ;
- dit qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l'expert sera caduque a moins que le juge, à la demande d'une partie se prévalant d'un motif légitime ne décide une prorogation du délai ou un relevé de caducité ;
- dit qu'en cas de défaillance de la partie en charge de la consignation, l'autre partie pourra consigner en ses lieux et places ;
- dit que, conformément aux dispositions de l'article 280 du code de procédure civile, en cas d'insuffisance manifeste de la provision allouée, au vu des diligences faites ou à venir, l'expert en fera sans délai rapport au juge, qui, s'il y a lieu, ordonnera la consignation d'une provision complémentaire à la charge de la partie qu'il détermine et qu'à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités fixées par le juge, et sauf prorogation de ce délai, l'expert déposera son rapport en l'état ;
- dit que l'expert devra déposer son rapport au service expertise du greffe dans les 12 mois à moins qu'il ne refuse sa mission ;
- dit qu'il devra solliciter du magistrat charge du contrôle de l'expertise, une prorogation de ce délai, si celui-ci s'avère insuffisant, en exposant les motifs de sa demande ;
- dit que l'expert désigné devra rendre compte pour cette date et par écrit du degré d'avancement de la mesure, si cette mesure est toujours en vigueur ;
- dit que les parties pour cette date pourront faire parvenir au juge en charge de cette expertise leurs observations écrites ;
- informe l'expert que les dossiers des parties sont remis aux avocats postulants de celles-ci ;
- dit que dans le cas on les parties viendraient à se concilier, l'expert devra constater que sa mission est devenue sans objet et en faire rapport au juge charge du contrôle ;
- dit qu'il défaut de pré-rapport, il organisera, à la fin de ses opérations, "un accédit de clôture" ou il informera les parties du résultat de ses investigations et recueillera leurs ultimes observations, le tout devant être consigné dans son rapport d'expertise ;
- Dit que conformément à l'article 173 du code de procédure civile, l'expert devra remettre copie de son rapport à chacune des parties (ou des représentants de celles-ci) en mentionnant cette remise sur l'original ;
- dit qu'a l'issue de ses opérations, l'expert adressera au magistrat taxateur sa demande de recouvrement d'honoraires et débours, en même temps qu'il justifiera l'avoir adressée aux parties ;
- dit que, conformément aux dispositions de l'article 282 du code de procédure civile, le dépôt par l'expert de son rapport sera accompagné de sa demande de rémunération, dont il aura adressé un exemplaire aux parties par tout moyen permettant d'en établir la réception et disant que s'il y a lieu celles-ci adresseront à l'expert et à la juridiction ou, le cas échéant, au juge charge de contrôler les mesures d'instruction, leurs observations écrites sur cette demande dans un délai de quinze jours à compter de sa réception ;
- dit que, passé le délai imparti aux parties par l'article 282 précité pour présenter leurs observations, le juge fixera la rémunération de l'expert en fonction notamment des diligences accomplies, du respect des délais impartis et de la qualité du travail fourni ;
- dit que les parties disposeront à réception de ce projet de demande de recouvrement d'honoraires, d'un délai d'un mois pour faire valoir leurs observations sur cet état de frais, que ces observations seront adressées au magistrat taxateur aux fins, si nécessaire, de débat contradictoire préalablement à l'ordonnance de taxe ;
- dit que chacune des parties conservera à sa charge les dépens de la présente instance qu'elle a personnellement engagés.
Le juge des référés relevait que l'expertise avait pour objet d'apprécier, dans la perspective d'une sortie de l'indivision, la valeur vénale des biens immobiliers et la détermination des éventuelles possibilités de leur partage.
Il en déduisait que madame [G] [I], qui faisait état de sa volonté de quitter l'indivision, justifiait d'un motif légitime de faire établir, avant tout procès, les éléments qu'elle soutenait utiles au partage des biens dont elle est composée.
Concernant les chefs de mission sollicités en défense, le juge des référés les rejetait estimant notamment que la question de l'éventuelle indemnisation de l'indivisaire, sur le fondement du mandat de gestion de 1indivision qu'il soutient avoir reçu et qui lui est dénié, est une question de fond.
Le juge des référés considérait qu'il en était de même, et pour les mêmes motifs, de la demande afférente à la fixation de l'indemnité susceptible d'être due à monsieur [C] [U] au titre des dépenses d'amélioration portant sur les biens indivis.
Il indiquait qu'il appartiendrait à ce dernier de faire valoir, devant le juge du fond éventuellement saisi du litige, les éléments qu'il estimerait utiles au soutien de ses prétentions de ce chef.
Selon déclaration reçue au greffe le 13 novembre 2023, monsieur [C] [U] a interjeté appel de la décision rendue le 27 octobre 2023 et sollicité son infirmation et sa réformation en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du juge du fond pour statuer sur ses demandes, en ce qu'il n'a pas fait droit aux chefs de mission sollicitées par lui, en ce qu'il a n'a pas complété la mission de l'expert judiciaire comme suit :
- concernant l'estimation de la valeur vénale des biens immobiliers (de chaque lot et de ses annexes) évaluer l'indemnité due par l'indivision à monsieur [C] [U] au titre des dépenses d 'amélioration portant sur les biens indivis ;
- concernant la rémunération de l'indivisaire pour sa gestion de l'indivision : donner tous éléments permettant de fixer la rémunération de l'activité de monsieur [C] [U] prévue par l'article 815-12 du code civil portant sur sa gestion des biens indivis.
Par dernières conclusions transmises le 7 décembre 2023, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ayant été rejetée, comme il le sera explicité ci-après, l'appelant sollicite de la cour qu'elle infirme et réforme la décision attaquée en ce que le juge des référés s'est déclaré incompétent au profit du juge du fond pour statuer sur ses demandes et en ce qu'il n'a pas fait droit aux demandes de chefs de mission sollicités par lui et statuant à nouveau qu'elle :
- complète la mission de 1'expert judiciaire comme suit :
¿concernant son indemnisation au titre des dépenses pour le bien indivis :
- se faire communiquer par les parties toutes pièces et tous documents, d'entendre tous sachant permettant de déterminer les travaux effectués par lui sur les biens indivis ;
- décrire les travaux réalisés, chiffrer le temps nécessaire pour les réaliser, chiffrer le coût réactualisé à la valeur actuelle des matériaux employés pour les réaliser ;
- dire si ces travaux étaient utiles et/ou nécessaires à la conservation des biens ;
- évaluer la valeur actuelle des biens sans les travaux réalisés par lui ;
- dire s'ils ont apporté aux biens une plus-value et si oui, donner les éléments de chiffrage de cette plus-value apportée ;
- donner ainsi tous éléments permettant au juge ultérieurement saisi de calculer les créances au titre des dépenses de conservation et au titre de dépenses d'amélioration du bien indivis, conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ;
¿concernant son indemnisation au titre de sa gestion de l'indivision :
- évaluer et chiffrer le temps consacré à la gestion des biens tant pour leurgestionfinancière, matérielle et administrative ainsi que pour le suivi des travaux, les relations avec les locataires et les administrations relativement aux dits biens indivis permettant de fixer la rémunération de son activité prévue par l'article 815-12 du code civil ;
- statue ce que de droit sur les dépens.L'appelant expose qu'il n'a jamais refusé de sortir de l'indivision et n'est responsable d'aucun blocage, mais qu'il demande en vain qu'il soit tenu compte des travaux qu'il a réalisés pour remettre en état l'appartement sis [Adresse 10], comme de ceux qui ont permis de créer le magasin loué à Mister Pizza et dont les loyers bénéficient à l'ensemble de l'indivision.
Il précise que lorsqu'il s'est installé dans l'appartement sis [Adresse 10], celui-ci était complètement délabré, et a nécessité d'importants travaux pour le rendre habitable. Il indique les avoir réalisés lui-même sur son temps libre, étant alors artisan dans la construction de bâtiments ; que, depuis, il continue à faire régulièrement des travaux et tient des témoignages à disposition de l'expert.
Il estime qu'il est bien fondé à demander que ces dépenses soient prises en compte dans le cadre des comptes de partage de l'indivision.
Concernant l'indemnité d'occupation pour l'appartement, il relève l'avoir toujours payée, versant mensuellement la somme de 195,01euros à chacun des trois indivisaires, soit la somme totale de 585,03 euros. Il reconnaît occuper le jardin, indique l'entretenir et s'acquitter des taxes afférentes à son usage et à celui de l'appartement.
Il considère qu'il n'y a aucune occupation abusive ou illégale.
Il estime que c'est à tort que le juge des référés s'est déclaré incompétent an profit du juge du fond pour statuer sur ses demandes telles que rappelées.
Il précise avoir engagé des dépenses d'amélioration pour le bien indivis, qui profitent à l'indivision, de sorte que ces dépenses devront être prises en compte dans le cadre des comptes d'indivision et qu'il est bien fondé à en solliciter le remboursement.
Il relève qu'une expertise judiciaire relative aux comptes d'indivision a précisément pour objectifs de faire le compte entre les indivisaires et de donner au juge du fond qui sera ultérieurement saisi tous les éléments permettant de calculer la créance d'un coindivisaire à l'égard de l'indivision au titre des 'impenses' (dépenses) prévues par article 815-13 du code civil.
Il fait valoir qu'en application de l'article 815-12 du Code civil l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis a droit à la rémunération de son activité.
Il indique que depuis l'année 2000 il gère lui-même l'indivision, qu'il a pris la suite de sa s'ur, qu'il ne l'a pas laissée dépérir. Il considère avoir toute capacité pour s'occuper de la gestion du bail commercial.
Il relève que si l'appréciation de l'existence ou de la validité d'un mandat est une question de droit, celle de réalité et de l'ampleur de son intervention de gestionnaire des biens indivis est une question de fait.
Il précise que l'intimée n'a jamais géré l'indivision.
Par dernières conclusions transmises le 03 mars 2024, auxquelles il est renvoyé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, l'intimée sollicite de la cour qu'elle :
- rejette les prétentions de la partie adverse ;
- confirme l'ordonnance de référé du 27 octobre 2023 en tous points ;
- condamne monsieur [C] [U] à lui payer la somme de 3.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
- le condamne aux dépens.
Elle expose que monsieur [C] [U] occupe l'appartement situé au 1er étage de la maison de ville située au [Adresse 10] et [Adresse 9] sur la commune de [Localité 19] ainsi que le jardin attenant et une pièce située dans la villa, versant tous les mois la somme de 390,02 euros, au titre de l'indemnité d'occupation, somme qui est très en deçà de la valeur de location réelle de l'appartement sur le marché.
Elle indique qu'elle a tenté en vain de sortir de l'indivision à l'amiable en proposant qu'on lui rachète sa part ou que l'on mette en vente les biens laissés à l'abandon, ce que monsieur [C] [U] a refusé en employant tous les moyens à sa disposition pour ralentir, voire empêcher le partage.
Elle indique qu'au mois de juillet 2022, l'ensemble des coindivisaires s'étaient réunis à sa demande, chez le notaire, en vue de consigner les positions des uns et des autres. Tous avaient confirmé leur souhait de vendre les biens et de mettre un terme à l'indivision.
Elle précise qu'au mois de septembre 2022, alors qu'elle avait convoqué la première assemblée générale de copropriétaires en vue de créer les lots afférents à des biens situés au [Adresse 9] et [Adresse 22] et de les inclure dans l'état descriptif de division, monsieur [C] [U] a saisi le tribunal judiciaire de Grasse et obtenu l'annulation de l'assemblée, empêchant ainsi les coindivisaires de créer ces lots.
Elle indique se trouver contrainte de reconvoquer une assemblée générale.
Elle considère qu'il empêche également par son attitude et ses déclarations la vente de son propre appartement qui se trouve au 1er étage de la copropriété de la [Adresse 22].
Elle indique que c'est dans ces conditions qu'elle a saisi le tribunal judiciaire de Grasse en vue d'obtenir une expertise judiciaire de partage de l'indivision.
Elle s'oppose à la demande de monsieur [C] [U] d'obtenir une expertise quant à la prétendue gestion de l'indivision et la plus-value dans le cadre du partage.
Elle considère que monsieur [C] [U] a fait preuve d'inertie et d'une mauvaise gestion, lui reprochant notamment un loyer commercial dérisoire pour le local loué à Mister Pizza et l'absence de syndic pour la copropriété.
Elle affirme s'occuper seule de la gestion depuis plusieurs années, gérant notamment le compte bancaire commun et organisant les assemblées générales.
Elle relève que l'appelant réclame le remboursement de travaux réalisés depuis les années 60, pour un montant de 183 295,20 euros. Elle conteste ces dépenses, les jugeant prescrites et non justifiées et ne constituant pas une plus-value pour l'indivision.
Elle rappelle qu'un indivisaire qui gère l'indivision principalement pour son propre compte ne peut prétendre à une indemnité et que l'indemnité due à un indivisaire pour des travaux s'apprécie au moment du partage, et non au moment où les dépenses ont été engagées.
Elle conteste la validité des pièces fournies par monsieur [C] [U] (factures, devis, attestations sur l'honneur), les jugeant insuffisantes pour prouver la réalité et l'étendue des travaux.
Elle estime que monsieur [C] [U] ne s'est jamais réellement occupé de la gestion de l'indivision, se contentant d'occuper un appartement et ses annexes pour une indemnité d'occupation dérisoire.
Elle affirme être celle qui gère l'indivision depuis plusieurs années, s'occupant notamment du compte bancaire commun, de l'organisation des assemblées générales de copropriété, et de la négociation du bail commercial.
Elle considère à l'instar du juge des référés que ces questions relèvent du fond du litige et non d'une expertise préliminaire.
Elle met en doute les capacités mentales de monsieur [C] [U] à gérer l'indivision, le jugeant confus et incohérent dans ses propos et ses écrits.
Monsieur [T] [Z] [S] cité par exploit d'huissier par transmission le 5 décembre 2023 de l'acte à autorité compétente étrangère selon les formalités applicables à la signification et la notification à l'étranger des actes judiciaires et extrajudiciaires n'a pas constitué avocat.
Monsieur [Z] [S] régulièrement cité à domicile par la remise de l'acte à son épouse madame [Y] épouse [S] n'a pas constitué avocat.
Madame [V] [F] [R] [S] régulièrement citée à étude n'a pas constitué avocat
L'instruction de l'affaire a été close par ordonnance du 03 septembre 2024,
MOTIVATION :
Il convient de rappeler, à titre liminaire, que monsieur [C] [U] ne critique pas l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a ordonné une mission d'expertise et laissé à la charge de chacune des parties les dépens qu'elle a personnellement engagés.
La cour statuera donc dans les limites de l'appel.
Sur le rabat de l'ordonnance de clôture :
Il résulte de l'article 802 du code de procédure civile, qu'après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office : sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et accessoires échus, aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes en révocation de l'ordonnance de clôture.
L'article 803 du code de procédure civile dispose que l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue. Elle peut être révoquée, d'office ou à la demande des parties, soit par ordonnance motivée du juge de la mise en état, soit, après l'ouverture des débats sur décision du tribunal.
Par ailleurs, l'article 15 du code de procédure civile énonce que les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elles invoquent, afin que chacun soit à même d'organiser sa défense.
Enfin, aux termes de l'article 16 du même code, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction. Il ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
Il est admis que le juge dispose d'un pouvoir souverain pour apprécier si des conclusions et/ou des pièces ont été déposées en temps utile.
Ainsi, s'il estime qu'elles ont été déposées peu de temps avant le moment prévu pour l'ordonnance de clôture, il doit veiller au respect des droits de la défense et, éventuellement, les écarter des débats en caractérisant les circonstances particulières qui l'ont conduit à se prononcer en ce sens.
En l'espèce, l'appelant a transmis ses dernières conclusions le 04 septembre 2024, soit postérieurement à l'ordonnance de clôture qui a été rendue le 03 septembre 2024.
Il le justifie par le dépôt le 27 août 2024 du pré-rapport d'expertise judiciaire dont il sollicite en appel l'extension des chefs de mission.
L'intimée s'oppose à cette demande de révocation de l'ordonnance de clôture.
Dans la mesure où la remise de ce pré-rapport est intervenue avant l'ordonnance de clôture, l'appelant ne peut se prévaloir d'aucune cause grave depuis que l'ordonnance de clôture a été rendue justifiant de la révoquer et de renvoyer l'affaire afin de permettre à l'intimée de conclure en réponse à ses dernières écritures.
De surcroît les chefs de mission sollicités par l'appelant ayant été expressément écartés par l'ordonnance déférée, il n'est pas démontré que le pré rapport déposé contienne des éléments propres à éclairer le présent débat sur l'extension de mission sollicitée.
Il n'y a donc pas lieu de révoquer l'ordonnance de clôture.
Sur l'extension de la mission d'expertise :
Aux termes de l'article 145 du code de procédure civile, s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve des faits dont pourrait dépendre la solution du litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.
Pour que le motif de l'action soit légitime, la demande de mesure d'instruction doit reposer sur des faits précis, objectifs et vérifiables qui permettent de projeter un litige futur, qui peut n'être qu'éventuel, comme plausible et crédible.
Il appartient donc à l'appelant de rapporter la preuve d'éléments suffisants à rendre crédibles ses allégations et démontrer que le résultat de l'expertise à ordonner présente un intérêt probatoire, dans la perspective d'un procès au fond non manifestement voué à l'échec.
Dans cette optique, les preuves à établir ou à préserver doivent être pertinentes dans le litige futur et utiles à sa solution.
Au cas d'espèce il existe un différend entre monsieur [C] [U] et madame [G] [I] relatif à la gestion du bien indivis.
Le litige porte sur l'identité du mandataire chargé de la gestion de l'indivision, chacun se réclamant comme tel et déniant cette qualité à l'autre ainsi que la rémunération susceptible d'en résulter.
Madame [G] [I] met également en cause les conditions d'exercice de cette gestion, contestant la compétence de monsieur [U] et sa capacité à exercer un mandat de gestion.
Les parties sont également en désaccord sur la possibilité pour monsieur [U] d'obtenir une indemnisation au titre de dépenses qu'il prétend avoir engagées aux fins d'améliorer les biens indivis.
S'il n'appartient ni au juge des référés, ni à l'expert de statuer sur ces contestations, il convient de relever qu'elles ont, en l'état des dispositions des articles 815-12 et 815-13 du code civil susvisées, une incidence sur la détermination de la valeur des biens indivis établie au moment du partage.
Ainsi l'article 815-12 du Code civil dispose que 'l'indivisaire qui gère un ou plusieurs biens indivis est redevable des produits nets de sa gestion. Il a droit à la rémunération de son activité dans les conditions fixées à l'amiable ou, à défaut, par décision de justice. »
L'article 815-13 du même code prévoit :« lorsqu'un indivisaire a amélioré à ses frais l'état d'un bien indivis, il doit lui en être tenu compte selon l'équité, eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ou de l'aliénation. Il doit lui être pareillement tenu compte des dépenses nécessaires qu'il a faites de ses deniers personnels pour la conservation desdits biens, encore qu'elles ne les aient point améliorés ».
Il s'ensuit qu'il existe un motif légitime pour l'appelant de solliciter que l'expert chargé de déterminer la valeur des biens indivis, s'enquière également des éléments susceptibles d'être portés au passif de l'indivision, ce de manière à ce que le juge du fond, éventuellement saisi du contentieux qui l'oppose à l'intimée, dispose de l'ensemble des informations utiles à l'établissement du compte entre les parties.
Il sera fait droit à la demande de monsieur [C] [U] visant à étendre la mission d'expertise ordonnée à l'évaluation de l'indemnité qui lui serait due par l'indivision au titre des dépenses d'amélioration portant sur les biens indivis, ainsi qu'à celle relative à la rémunération due au titre de la gestion de l'indivision.
Il en résulte qu'il y a lieu d'étendre la mission de l'expert désigné par le premier juge de manière à ce qu'il :
- se fasse communiquer par les parties toutes pièces et tous documents, entende tous sachant permettant de déterminer si des travaux ont été effectués par monsieur [C] [U] sur les biens indivis ;
- le cas échéant, les décrive et en chiffre le montant ;
- dise si ces travaux étaient utiles et/ou nécessaires à la conservation des biens ;
- dise s'ils ont apporté aux biens une plus-value et si oui, donne les éléments de chiffrage de cette plus-value apportée ;
- donne tous éléments permettant au juge ultérieurement saisi de calculer les créances au titre des dépenses de conservation et au titre de dépenses d'amélioration du bien indivis, conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ;
- évalue et chiffre le temps consacré à la gestion des biens indivis permettant au juge ultérieurement saisi de fixer la rémunération de l'activité due au mandataire de gestion prévue par l'article 815-12 du code civil.
Il y a donc lieu d'infirmer l'ordonnance entreprise, qui n'a pas statué expressément sur ce point dans son dispositif, en étendant la mission de l'expert dans d'autres termes que ceux proposés par l'appelant.
Les autres demandes relatives à l'extension de la mission seront rejetées en ce qu'elles excèdent les compétences de l'expert et tendent à engager un débat qu'il revient au seul juge du fond de trancher.
Sur les frais irrépétibles et les dépens :
L'équité commande que chacune des parties conserve la charge de ses frais et dépens de première instance et d'appel.
L'ordonnance entreprise sera confirmée de ce chef et la demande formée par l'intimée au titre des frais irrépétibles rejetée.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Statuant dans les limites de l'appel ;
Dit n'y avoir lieu à révocation de l'ordonnance de clôture du 03 septembre 2024 et rejette toute demande à ce titre ;
Infirme l'ordonnance entreprise en qu'elle n'a pas tranché dans son dispositif les demandes tendant à étendre la mission d'expertise ;
La confirme en ce qu'elle a laissé à chacune des parties la charge de ses dépens ;
Statuant à nouveau et y ajoutant ;
Dit que l'expert désigné par le premier juge aura également pour mission de :
- déterminer si une indemnité est due à monsieur [C] [U] par l'indivision au titre des prétendues dépenses d'amélioration portant sur les biens indivis ;
- évaluer et chiffrer le temps consacré à la gestion des biens indivis permettant de fixer la rémunération de l'activité due au mandataire de gestion ;
Complète la mission de 1'expert judiciaire comme suit :
- se faire communiquer par les parties toutes pièces et tous documents ;
- d'entendre tous sachant permettant de déterminer si des travaux ont été effectués par monsieur [C] [U] sur les biens indivis ;
- le cas échéant les décrire, en chiffrer le montant ;
- dire si ces travaux étaient utiles et/ou nécessaires à la conservation des biens ;
- dire s'ils ont apportés aux biens une plus-value et si oui, donner les éléments de chiffrage de cette plus-value apportée ;
- donner tous éléments permettant au juge ultérieurement saisi de calculer les créances au titre des dépenses de conservation et au titre de dépenses d'amélioration du bien indivis, conformément aux dispositions de l'article 815-13 du code civil ;
- évaluer et chiffrer le temps consacré à la gestion des biens indivis permettant au juge ultérieurement saisi de fixer la rémunération due au titre de la gestion de l'indivision, conformément aux dispositions de l'article 815-12 du code civil ;
Rejette toutes autres demandes ;
Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile pour les frais exposés en cause d'appel non compris dans les dépens ;
Condamne chacune des parties à prendre en charge les dépens d'appel par elle exposés.