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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-4, 24 octobre 2024, n° 20/12597

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Saig (SAS)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Chalbos

Conseillers :

Mme Vignon, Mme Martin

Avocats :

Me Daval-Guedj, Me Saraga-Brossat, Me Lecolier

T. com. Toulon, du 18 nov. 2020, n° 2014…

18 novembre 2020

EXPOSE DU LITIGE

La SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion (ci-après dénommée SAIG), société holding détenant diverses participations dans des filiales exploitant des agences de travail par intérim, dispose d'un capital social de 38.130 € divisé en 2.542 actions.

M. [D] [J] avait souscrit initialement 408 actions de la société et le capital social était ainsi réparti:

- M. [X] [A]: 1.016 actions,

- M. [C] [L]: 1.016 actions,

- M. [D] [J]: 408 actions,

- M. [M] [O]: 102 actions.

M. [C] [L] ne désirant plus porter ses actions, M. [M] [O] et M. [D] [J] les ont portées à hauteur de 508 actions chacun débouchant sur une nouvelle répartition officielle du capital social sur les périodes concernées par le litige:

- M. [X] [A]: 1.016 actions,

- M. [D] [J]: 916 actions,

- M. [M] [O]: 610 actions.

Soutenant ne pas avoir perçu le versement des dividendes concernant les 508 parts qui lui ont été transférées pour les années 2007 à 2010, M. [D] [J] a, par acte d'huissier en date du 24 janvier 2014, fait assigner la société SAIG devant le tribunal de commerce de Toulon aux fins de la voir condamner à lui verser notamment la somme principale de 120.387 €.

Cette procédure a été enregistrée sous le n° de RG 2014J97.

Par exploit du 11 juillet 2018, M. [J] a fait délivrer à la société SAIG une assignation devant le tribunal de commerce de Toulon, aux mêmes fins que la précédente.

Ladite procédure a été enregistrée sous le n° de RG 2018J303.

Par jugement en date du 18 novembre 2020, le tribunal de commerce de Toulon a:

- joint les affaires enrôlées sous les numéros 2014J197 et 2018J303,

- débouté la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion en son exception de procédure sur la péremption d'instance,

- pris acte que la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion ne soutient plus la fin de non recevoir,

- débouté la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion en sa demande de sursis à statuer,

- pris acte que M. [L] aurait transféré ses actions afin de dissimuler un actif lors de sa liquidation judiciaire personnelle ouverte par jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 16 novembre 2000,

- dit que les dividendes correspondant à l'exercice 2007 sont prescrits,

- condamné la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion à payer à M. [D] [J] la somme de 80.788 € outre intérêts au taux légal à compter du 21 août 2013 et jusqu'à parfait paiement,

- dit que la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion pourra se libérer de sa condamnation en 20 mensualités égales, la première devant intervenir 15 jours après la signification du jugement,

- dit que faute pour la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion d'honorer un seul des paiements de la condamnation, la totalité deviendra immédiatement exigible,

- dit que la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion régularisera la comptabilité et fera son nécessaire des régularisations avec M. [O],

- débouté M. [D] [J] de sa demande de dommages et intérêts,

- condamné la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion à payer à M. [D] [J] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonnée l'exécution provisoire du jugement,

- condamné la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion aux entiers dépens liquidés à la somme de 81,12 € dont TVA 13,52 €.

Pour statuer en ce sens, le tribunal a retenu que:

- l'instance n'est pas périmée en ce que les parties ont sollicité à plusieurs reprises la fixation de l'affaire, ce qui constitue une diligence interruptive en matière de procédure orale conformément à l'article 386 du code de procédure civile,

- il n'est pas contesté que le 5 septembre 2000, M. [L] a transféré 508 actions à M. [O] et M. [J], chacun, ce transfert rendant ce dernier porteur de 916 parts,

- M. [J] ne conteste pas avoir reçu les dividendes pour les 408 parts d'origine mais revendique le versement des dividendes des 508 parts qui lui ont été transférées,

- la lecture des pièces démontre que ces dividendes ont été versés sur le compte courant d'associé de M. [O],

- si la société SAIG s'est libérée de ses créances, il n'en demeure pas moins que c'est à tort que cette dernière a crédité le compte courant de M. [O] au lieu et place de celui de M. [J],

- pour se soustraire au paiement, la SAS SAIG invoque la prescription de la demande en paiement:

* la prescription a été interrompue par l'assignation délivrée le 24 janvier 2014 et le point de départ du délai quinquennal prévu à l'article L 110-4 a commencé à courir à compter du 18 juin 2008,

* l'action est prescrite pour l'année 2007 mais recevable pour les années 2008 à 2010,

- si M. [J] a approuvé les comptes lors de l'assemblée générale, il ne les conteste pas mais reproche une mauvaise affectation des dividendes,

- s'agissant de la fraude reprochée à M. [J] qui aurait accepté de porter les parts de M. [L], il y a lieu de relever que M. [A], gérant de la SAS SAIG, était informé de cette opération en ce qu'il ordonné le paiement des dividendes directement sur le compte de M. [O] et que l'acte de transfert de propriété lui a été régulièrement notifié par Me [Z] [G].

Par déclaration en date du 16 décembre 2020, la SAS SAIG a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions déposées et notifiées par RPVA le 27 décembre 2023, la SAS SAIG et la SCP [Y]-Cressend, prise en la personne de M [H] [I] [Y], ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS SAIG, demandent à la cour de:

Vu les articles 122 et 386 et suivants du code de procédure civile,

Vu les articles 1239, 1347, 1348 et 2224 du code civil,

Vu le principe ' fraus omnia corrumpit',

A titre principal,

- réformer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Toulon en ce qu'il a débouté la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion en son exception de procédure sur la péremption d'instance,

- constater la péremption de l'instance enrôlée sous le n° RG 2014J97 et la déclarer acquise,

- rejeter les demandes formulées par l'intimé dans le cadre de l'instance enrôlée sous le n° RG 2014J97 consécutivement à l'acquisition et au prononcé de la péremption d'instance,

et

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulon en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement d'une somme de 80.788 € correspondant aux dividendes bruts des exercices 2008, 2009 et 2010,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulon en ce qu'il a rejeté la demande de paiement des dividendes correspondant à l'exercice 2007 au titre de la prescription,

- rejeter les demandes de paiement formulées par l'intimé au titre des dividendes attachés aux exercices 2007, 2008, 2009 et 2010 du fait de la prescription,

- rejeter toutes les demandes de M. [D] [J] et toutes fins, moyens et conclusions contraires aux demandes de l'appelante,

- rejeter l'appel incident,

- ordonner la restitution des sommes payées du fait de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Toulon,

A titre subsidiaire,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulon en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement d'une somme de 80.788 € correspondant aux dividendes bruts des exercices 2008, 2009 et 2010,

- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Toulon en ce qu'il a rejeté la demande de paiement des dividendes correspondant à l'exercice 2007 au titre de la prescription,

- rejeter les demandes de paiement formulées par l'intimé au titre des dividendes attachés aux exercices 2007, 2008, 2009 et 2010,

- rejeter toutes les demandes de M. [D] [J] et toutes fins, moyens et conclusions contraires aux demandes de l'appelante,

- rejeter l'appel incident,

- ordonner la restitution des sommes payées du fait de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Toulon,

A titre infiniment subsidiaire,

Vu la loi n° 2007-1822 du 24 décembre 2007,

- réformer le jugement du tribunal de commerce de Toulon en ce qu'il a condamné l'appelante au paiement d'une somme de 80.788 € correspondant aux dividendes bruts des exercices 2008, 2009 et 2010,

- déduire le montant des prélèvements sociaux prélevés à la source des condamnations à intervenir,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a octroyé un échéancier de paiement à la SAS SAIG sur 20 mois,

- rejeter l'appel incident,

- ordonner la restitution des sommes payées du fait de l'exécution provisoire du jugement du tribunal de commerce de Toulon,

En tout état de cause,

- réformer le jugement en ce qu'il a condamné la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion à payer à M. [D] [J] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens,

- condamner M. [J] à verser la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de la première instance et de la procédure d'appel, ces derniers distraits au profit de la SCP Cohen Guedj-Montero-Daval Guedj sur son offre de droit.

M. [D] [J], suivant ses dernières conclusions déposées et signifiées le 1er août 2024, demande à la cour de:

Vu l'article 386 du code de procédure civile,

Vu l'article 1134 du code civil,

- révoquer l'ordonnance de clôture,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a:

* joint les affaires enrôlées sous les numéros 2014J197 et 2018J303,

* débouté la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion en son exception de procédure sur la péremption d'instance,

* pris acte que la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion ne soutient plus la fin de non recevoir,

* débouté la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion en sa demande de sursis à statuer,

* pris acte que M. [L] aurait transféré ses actions afin de dissimuler un actif lors de sa liquidation judiciaire personnelle ouverte par jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 16 novembre 2000,

* dit que la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion régularisera la comptabilité et fera son nécessaire des régularisations avec M. [O],

* condamné la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion à payer à M. [D] [J] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens,

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a:

* dit que les dividendes correspondant à l'exercice 2007 sont prescrits,

* condamné la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion à payer à M. [D] [J] la somme de 80.788 € outre intérêts au taux légal à compter du 21 août 2013 et jusqu'à parfait paiement,

* dit que la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion pourra se libérer de sa condamnation en 20 mensualités égales, la première devant intervenir 15 jours après la signification du jugement,

* dit que faute pour la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion d'honorer un seul des paiements de la condamnation, la totalité deviendra immédiatement exigible,

* débouté M. [D] [J] de sa demande de dommages et intérêts,

Statuant à nouveau sur ces points,

- débouter la société SAIG de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- constater les créances de M. [J] à l'encontre de la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion et en fixer le montant comme suit:

* 120.396 € outre intérêts au taux légal à compter du 21 août 2013 et jusqu'à parfait paiement,

* 10.000 € à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et injustifiée,

* 4.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

La procédure a été clôturée par ordonnance en date du 2 juillet 2024. Elle a fait l'objet d'une révocation, avec l'accord des parties, afin d'accueillir les dernières conclusions et pièces de M. [D] [J]. La procédure a été à nouveau clôturée le 3 septembre 2024, avant l'ouverture des débats.

MOTIFS

Sur la péremption

La SAS SAIG et Me [Y], ès qualités, concluent in limine litis à la péremption de l'instance enrôlée sous le n° de RG 2014J 97 en rappelant que la jonction des deux instances inscrites sous les n° 2014J97et 2018J 303 ne s'oppose pas au constat de la péremption de la première.

Ils font valoir que suite à l'assignation délivrée le 24 janvier 2014, la SAS SAIG a adressé des conclusions en vue de l'audience du 2 juillet 2014, que M. [J] n'a jamais répliqué à ces conclusions dans le délai de deux ans mais s'est contenté de solliciter des renvois, lesquels ne constituent pas des diligences interruptives. Ils contestent l'analyse des premiers juge qui ont retenu que la formulation ' fixation' figurant sur les plumitifs des audiences du 4 novembre 2015 et 6 janvier 2016, lesquels n'ont pas été communiqués, serait une diligence interruptive alors que cette mention ne prouve absolument pas qu'une partie a formulé une demande de fixation à plaider. Ils soulignent que devant le tribunal, l'intimé n'excipait que d'une seule demande de fixation qui serait intervenue lors de l'audience du 2 novembre 2016 et prétend désormais, en cause d'appel, que des demandes de fixation seraient intervenues lors de chaque audience intermédiaire depuis le 2 septembre 2015 alors qu'il n'a jamais répliqué aux premières conclusions en défense et se contredisant ainsi, ce qui est constitutif d'un estoppel. Ils ajoutent qu'en toute hypothèse, il incombe à M. [J] de rapporter la preuve qu'il a effectué des demandes de fixation, ce qu'il ne fait pas.

L'intimé conteste toute péremption affectant l'instance 2014J97 en rappelant qu'en matière de procédure orale, les parties n'ont pas d'autre diligence à accomplir que de demander la fixation de l'affaire, une telle demande de fixation pour plaider étant interruptive de la péremption et qu'en l'espèce, il ressort des plumitifs du tribunal de commerce de Toulon que des demandes de renvoi pour plaidoirie ont interrompu le délai de péremption et qu'aucune période continue de 2 ans sans diligence des parties ne peut être relevée à compter de l'assignation du 24 janvier 2014. Il indique que les mentions figurant sur les plumitifs ' fixation' et ' à plaider' constituent bien dans les deux cas une fixation pour plaidoirie.

En vertu de l'article 386 du code de procédure civile, l'instance est périmée lorsqu'aucune des parties n'accomplit de diligences pendant deux ans.

Il convient de rappeler qu'en matière de procédure orale, les parties n'ont pas d'autres diligences à accomplir que de demander la fixation de l'affaire, ce dont il résulte que cette demande a valeur de diligence interruptive.

Le tribunal, dans son jugement entrepris, a analysé les plumitifs d'audience dans le cadre de l'affaire enregistrées sous le numéro de RG 2014J97( première assignation du 24 janvier 2014) à la lecture desquels il apparaît que:

- 2 septembre 2015 : ' conclusions responsives - fixer ( établissement d'un calendrier)'

- 4 novembre 2015: 'fixation'

- 6 janvier 2016: ' fixation',

- 2 novembre 2016: ' A plaider'

- 9 mars 2017: ' Pour plaider'

- 12 octobre 2017: ' Pour plaider'

- 12 juillet 2018: ' Pour plaider'

- 11 juillet 2019: ' Pour plaider' .

Il s'ensuit que contrairement à ce que prétend la société SAIG, qui estime que depuis ses premières conclusions du 2 juillet 2014 aucune diligence interruptive n'est intervenue, des demandes de renvoi pour fixation ont interrompu le délai de péremption, qui a recommencé à courir, à chaque fois, pour deux ans. En effet, ces demandes de fixation pour plaidoirie constituent bien une impulsion processuelle de nature à interrompre la péremption d'instance.

Les mentions ' fixation' ou ' pour plaider' résultant des plumitifs signifient, dans les deux cas, qu'il s'agit d'une fixation pour plaidoirie.

Enfin, le fait pour M. [J] d'avoir en première instance, excipé d'une seule demande de fixation qui serait intervenue pour l'audience du 2 novembre 2016 et en cause d'appel, de se prévaloir de toutes les demandes de fixation retenues par le tribunal, ne saurait être constitutif d'un estoppel dès lors qu'il a toujours conclu au rejet de l'exception de procédure tirée de la péremption d'instance qui lui était opposée par la partie adverse.

C'est donc à juste titre que les premiers juges ont retenu que l'instance enrôlée sous le n° de RG 2014J97 (assignation du 24 janvier 2014) n'était pas périmée.

Sur la prescription des demandes formulées au titre de l'instance enrôlée sous le n° RG

2018J 303 suite à l'assignation en date du 11 juillet 2018

Les appelants soutiennent que le délai de prescription applicable à une action en paiement d'un reliquat de dividendes est de cinq ans, le délai courant à compter du jour de l'assemblée générale décidant de la distribution des dividendes et qu'en l'espèce, au regard des dates des assemblées générales pour les exercices 2007 à 2010, la demande en paiement est prescrite dans son intégralité, étant précisé qu'aucun acte n'a pu décaler le point de départ de la prescription:

- la première action en référé diligentée suivant assignation du 21 août 2013 n'a pas interrompu la prescription en ce que la demande a été rejetée,

- l'action diligentée suivant assignation du 24 janvier 2014 ne l'a pas davantage interrompue en ce que M. [J] a laissé cette instance se périmer.

Or, il ressort des développements qui précèdent que la cour a précisément rejeté l'exception de péremption de l'instance enregistrée sous le n° de RG 2014J97, de sorte que l'action diligentée suivant assignation du 24 janvier 2014 a bien interrompu le délai de prescription quinquennal.

En tout état de cause, si la cour rejetait l'exception de péremption, les appelants considèrent que l'action est prescrite concernant les dividendes attachés à l'exercice 2007, sollicitant la confirmation du jugement entrepris sur ce point.

M. [J] prétend, pour sa part, que dès lors que les dividendes ont été payés par inscription au compte courant d'un tiers, il n'est plus créancier des dividendes mais créancier du remboursement d'une avance en compte courant, le point de départ du délai de prescription quinquennal devant être fixé au 21 août 2013, date à laquelle il a sollicité pour la première fois le règlement de ce compte courant d'associé par voie d'assignation en référé. Il en tire pour conséquence que son action au titre des dividendes de l'exercice 2007 n'est pas davantage prescrite contrairement à l'analyse du tribunal.

Or, M. [J] n'a pas diligenté une action en remboursement d'une avance de son compte courant d'associé en ce que les dividendes n'ont pas été versés sur son compte courant mais sur celui d'un tiers mais sollicite de la part de la société SAIG le paiement des dividendes lui revenant.

De surcroît, la demande en justice résultant de son assignation en référé du 21 août 2013 n'a pas interrompu la prescription.

Conformément à l'article 2243 du code civil, l'interruption de la prescription résultant d'une demande en justice est non avenue si le demandeur se désiste de sa demande ou laisse périmer l'instance, ou si sa demande est définitivement rejetée.

Le juge des référés, dans son ordonnance en date du 11 décembre 2013, s'est déclaré incompétent au motif que les obligations des parties étaient sérieusement contestables.

La décision disant n'y avoir lieu à référé en raison du défaut de la condition tenant à l'existence d'une obligation non sérieusement contestable ne constitue pas une décision sur la compétence mais une décision sur le fond même du référé, et l'interruption de la prescription est dès lors non avenue.

Par conséquent, la procédure en référé suite à l'assignation du 21 août 2013 n'a pas interrompu la prescription.

Seule l'assignation délivrée le 24 janvier 2014 a valablement interrompu le délai de prescription quinquennale.

L'associé qui n'a pas perçu ses dividendes dispose d'un délai de cinq ans à compter de la date de l'assemblée générale ordinaire annuelle pour les réclamer.

Il n'est pas contesté que l'assemblée générale portant sur les dividendes de l'exercice 2007 s'est tenue le 30 juin 2008. Par conséquent, l'action en remboursement des dividendes au titre de l'année 2007 est prescrite.

En revanche, l'action au titre des dividendes 2008 (assemblée générale du 30 juin 2009), 2009 ( assemblée générale du 30 juin 2010) et 2010 (assemblée générale du 30 juin 2011) est recevable.

Sur le fond

Les appelants rappellent que M. [J] a perçu l'intégralité des dividendes au titre des 408 actions initialement souscrites et que le litige ne vise que le paiement des dividendes afférents aux 508 actions restantes, ces derniers ayant été affectés dans le compte d'un tiers, M. [O], lui-même détenteur de 610 actions. Ils estiment qu'il est donc acquis que les montants demandés ont été effectivement payés mais affectés sur le compte courant d'un tiers en la personne de M. [O] et ce avec l'accord exprès de l'intimé quant à cette affectation, la preuve d'un tel accord résultant des éléments suivants :

- M. [J] n'a jamais perçu le moindre dividende au titre des 508 actions et ce depuis l'origine les premières distributions intervenues au titre de l'exercice 2014,

- le compte courant de M. [J] n'a jamais été crédité des dividendes de ces 508 actions sans aucune opposition de sa part et les comptes des exercices 2008 à 2011 ont été approuvés par l'intimé,

- l'approbation des comptes annuels d'un exercice par un associé avec quitus donné au dirigeant vaut preuve de l'acceptation des opérations y figurant,

- des attestations de l'expert-comptable de la société et de messieurs [A] et [O], tous deux associés.

Ils font en outre valoir que M. [J] a volontairement contribué à un montage consistant en une fraude régissant les procédures collectives en ce qu'il a accepté de porter les actions de M. [L] à partir de 2001 afin de le prémunir des conséquences de la procédure collective personnelle ouverte à son encontre.

M. [J] conteste avoir donné un quelconque accord à l'affectation des dividendes lui revenant sur le compte courant d'un tiers, en l'occurrence M. [O], que si effectivement il a approuvé les comptes des exercices litigieux, aucune résolution d'assemblée générale ne prévoit le paiement d'une partie des dividendes lui revenant sur le compte courant d'un autre associé. Il estime ainsi que les dividendes ont été distribués en fraude de ses droits et en violation des statuts de la société. Il observe qu'aucune résolution n'a modifié les règles de distribution de dividendes dans les statuts, de sorte que l'approbation des comptes ne peut valoir acquiescement de sa part au paiement d'une partie des dividendes lui revenant à un tiers.

Il ajoute que les allégations de fraude de la part des appelants ne sont étayées par aucune pièce probante, qu'il n'a jamais fait l'objet d'une quelconque poursuite pénale, nonobstant la plainte déposée par la SAS SAIG, dont le dirigeant n'a pas respecté les statuts de la société.

Il ressort des pièces produites que le 5 septembre 2000, M. [L] a transféré à M. [J] 508 actions de la SAS SAIG et que le 27 mars 2001, M [Z] [G], avocate au barreau de Toulon, a transmis les ordres de mouvement concernant le transfert desdites actions à M. [A], gérant de la société afin que ce dernier procède à l'inscription des mouvements sur le registre de la SAS SAIG.

Ce transfert de mouvement a rendu M. [D] [J] propriétaire de 916 actions au lieu des 408 qu'il détenait initialement ( 408+508).

Au demeurant, les feuilles de présence des assemblées générales à compter du 28 juin 2001 qui sont produites par l'intimé mettent en évidence que le nombre d'actions de M. [J] est de 916 alors que M. [L] n'a plus aucune action.

En l'espèce, il n'est pas contesté que le litige porte sur le versement des dividendes concernant les 508 parts transférées par M. [L] à M. [J] sur la période 2008-2010. L'attestation de M. [A] et les documents produits établissement incontestablement que ces dividendes ont été versés sur le compte courant de M. [O].

La société SAIG qui soutient que cette opération est intervenue avec l'accord exprès de l'intimé ne le démontre pas. En effet, la circonstance que M. [J] ait approuvé les comptes des exercices litigieux et donné quitus au dirigeant est indifférente en ce qu'il ressort des procès-verbaux d'assemblée générale annuelle que :

- d'une part, la résolution relative à l'affectation du bénéfice prévoit la distribution d'une certaine somme à titre de dividendes sans ventilation entre les associés,

- d'autre part, aucune résolution ne prévoit le paiement d'une partie des dividendes revenant à M. [J] sur le compte courant d'un autre associé, en l'occurrence M. [O].

Par conséquent, en approuvant les comptes, M. [J] n'a jamais acquiescé au paiement d'une partie de ses dividendes sur le compte d'un tiers.

Les attestations de M. [O] et M. [A] n'évoquent que le règlement des dividendes attachés à leurs actions mais ne mentionnent à aucun moment le paiement des dividendes attachés aux actions de l'intimé.

L'allégation selon laquelle M. [J] n'a jamais perçu le moindre dividende au titre des 508 actions depuis les premières distributions intervenues à compter de l'exercice 2004 est non seulement étayée par aucune pièce mais ne saurait valoir preuve du consentement de l'intimé à renoncer à réclamer les dividendes lui revenant au titre des exercices 2008 à 2011.

Quant à la participation de M. [J] à une fraude aux règles régissant les procédures collectives en acceptant le transfert à son profit des parts de M. [L], cette affirmation n'est pas établie par une décision de justice et ne repose sur aucun élément concret, d'autant que l'acte de transfert de parts sociales a été régulièrement transmis au gérant lequel était parfaitement informé de cette transaction et n'a pas émis la moindre protestation.

M. [J] ne fait l'objet d'aucune poursuite pénale et si la société SAIG a déposé plainte avec constitution de partie civile en 2017 à l'encontre de l'intimé, aucune information n'est donnée sur le sort qui a été réservé à une telle plainte qui remonte à plus de sept ans et les agissements qui sont reprochés à l'intéressé concernent des faits qu'il aurait commis en tant que salarié d'une des filiales et pour lesquels il a été licencié mais n' a strictement rien à voir avec une prétendue fraude aux règles régissant les procédures collectives.

Les dividendes des années 2008, 2009 et 2010 relatifs aux 508 actions détenues par M. [J] ont donc été distribués en fraude de ses droits.

La demande en paiement formée par ce dernier au titre des dividendes pour les exercices 2008, 2209 et 2010 est donc fondée.

Au regard des pièces produites et qui ne sont pas contestées par les parties, le solde dû par la société SAIG est de :

- 38.608 € au titre des dividendes de l'exercice 2008,

- 20.320 € au titre des dividendes de l'exercice 2009,

- 22.860 € au titre des dividendes de l'exercice 2010,

soit un total de 81.788 € au lieu de la somme de 80.788 € retenue par le tribunal qui a manifestement commis une erreur de calcul.

A titre subsidiaire, les appelants sollicitent la diminution de ce montant au regard de la nécessité de déduire les prélèvements sociaux ayant grevé les dividendes avant paiement et qui ont été directement réglés par la société SAIG.

Celle-ci produit les bordereaux d'imposition et les justificatifs de paiement pour les années concernées mettant en évidence qu'elle s'est acquittée des prélèvement sociaux (CSG, CRDS, prélèvement social, contribution additionnelle et prélèvement de solidarité ) auxquels sont soumis les dividendes.

Ces prélèvements sont effectivement payés directement à la source par la société SAIG.

Elle justifie que es prélèvements sociaux se sont élevés sur le montant des dividendes dont elle est redevable:

- exercice 2008 : 4.672 € ( 12,10 % de 38.608 €)

- exercice 2009: 2.459 € ( 12,10% de 20.320 €)

- exercice 2010: 2.812 € ( 12,30% de 22.860 €)

Par voie de conséquence, elle est redevable envers M. [J] d'un solde de 71.845 € .

Suite au placement de la société SAIG en liquidation judiciaire, l'intimé justifie avoir régulièrement procédé à la déclaration de sa créance.

En conséquence, la créance de M. [J] au passif de la liquidation judiciaire de la société SAIG sera fixée à la somme de 71.845 € au titre des dividendes 2008, 2009 et 2010, étant rappelé qu'en vertu de l'article L 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels ainsi que tous les intérêts de retard et majorations.

Enfin, c'est à juste titre que les premiers juges ont rejeté la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive présentée par M. [J], ce dernier ne rapportant pas la preuve d'un préjudice distinct de celui résultant du retard dans le paiement des sommes qui lui sont dues, lequel est déjà compensé par l'octroi d'intérêts au taux légal.

En l'état de la liquidation judiciaire de la société SAIG, la question des délais de paiement est sans objet.

L'équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe et par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du tribunal de commerce déféré sauf :

- en ce qu'il a condamné condamné la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion à payer à M. [D] [J] la somme de 80.788 € outre intérêts au taux légal à compter du 21 août 2013 et jusqu'à parfait paiement,

- à fixer la créance au titre des frais irrépétibles de première instance de M. [D] [J] au passif de la procédure collective de la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de

Gestion,

Statuant à nouveau,

Fixe à la somme de 71.845 € la créance de M. [J] au passif de la procédure de collective de la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion, au titre des dividendes des exercices 2008, 2009 et 2010,

Fixe à la somme de 3.000 € la créance de M. [J] au passif de la procédure de collective de la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion, au titre des frais irrépétibles de première instance,

Y ajoutant,

Dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel,

Dit que les dépens de la procédure d'appel seront supportés par la SAS Société Azuréenne d'Investissements et de Gestion.