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Décisions

CA Metz, 1re ch., 8 octobre 2024, n° 22/00556

METZ

Arrêt

Autre

CA Metz n° 22/00556

8 octobre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

N° RG 22/00556 - N° Portalis DBVS-V-B7G-FV75

Minute n° 24/00250

[V]

C/

S.C.I. BEL AIR

Jugement Au fond, origine TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de SARREGUEMINES, décision attaquée en date du 08 Février 2022, enregistrée sous le n° 18/00150

COUR D'APPEL DE METZ

1ère CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 08 OCTOBRE 2024

APPELANT :

Monsieur [Y] [V]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me David ZACHAYUS, avocat au barreau de METZ

INTIMÉE :

S.C.I. BEL AIR, représentée par son représentant légal.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Armelle BETTENFELD, avocat au barreau de METZ

DATE DES DÉBATS : En application de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 23 Mai 2024 tenue par Mme Laurence FOURNEL, Magistrat rapporteur, qui a entendu les plaidoiries, les avocats ne s'y étant pas opposés et en a rendu compte à la cour dans son délibéré, pour l'arrêt être rendu le 08 Octobre 2024, en application de l'article 450 alinéa 3 du code de procédure civile

GREFFIER PRÉSENT AUX DÉBATS : Mme Cindy NONDIER

COMPOSITION DE LA COUR :

PRÉSIDENT : Mme FLORES, Présidente de Chambre

ASSESSEURS : Mme DUSSAUD,Conseillère

Mme FOURNEL, Conseillère

ARRÊT : Contradictoire

Rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Mme Anne-Yvonne FLORES, Présidente de Chambre et par Mme Cindy NONDIER, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte de vente du 24 février 2012 dressé par Maître [M] [F], notaire à Forbach, M. [Y] [V] a acquis de la SCI Bel air un lot de copropriété n°7 consistant en des combles à aménager, dans l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4], ainsi que des tantièmes de parties communes, pour un prix de 15.000 €.

Arguant que le bien acquis et mentionné dans l'acte ne correspondait pas à la commune intention des parties, qui était de vendre à M. [V] un appartement alors que les combles vendus ne sont pas aménageables, M. [Y] [V] a assigné la SCI Bel air devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines par acte d'huissier du 26 janvier 2018, et demandait à voir, selon les termes de ses conclusions du 23 février 2021 :

à titre principal rechercher la commune intention des parties au moment de la signature de l'acte de vente, dire et juger que cet acte de vente est entaché d'une erreur quant aux lots vendus, dire et juger que le jugement tiendra lieu d'acte authentique afin de permettre l'enregistrement de la propriété de M. [Y] [V] au Livre foncier,

à titre subsidiaire, prononcer l'annulation de la vente, dire et juger que la SCI Bel air devra restituer à M. [Y] [V] la somme de 15.000 € et l'y condamner, condamner la SCI Bel air à lui payer la somme de 3.616,73 € correspondant aux frais liés à la vente, dire et juger que la SCI Bel air devra indemniser M. [Y] [V] au titre des améliorations et aménagements effectués au sein des lots n° 6 et 7, et ordonner une expertise aux fins de chiffrer le coût de ces aménagements et améliorations en réservant le droit de M. [V] de conclure plus amplement après dépôt du rapport d'expertise.

en tout état de cause condamner la SCI Bel air à lui payer les sommes de 5.000 € à titre de dommages-intérêts et de 6.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Bel air a, de son côté, conclu à l'irrecevabilité de la demande relative à l'erreur dans l'acte de vente à raison de la prescription, et au débouté. Subsidiairement en cas d'annulation de l'acte de vente, elle a conclu à la condamnation de M. [Y] [V] à lui payer la somme de 50.800 € au titre des loyers dus durant la période d'occupation et à voir ordonner la compensation.

Par jugement du 8 février 2022, le tribunal judiciaire de Sarreguemines a :

Rejeté toutes les demandes de M. [Y] [V] ;

Rejeté toutes les demandes reconventionnelles de la SCI Bel air ;

Condamné M. [Y] [V] aux dépens sans indemnité pour frais irrépétibles.

Sur la vente, le tribunal a rappelé que le lot n°7 correspondait à des combles d'une surface de 67 mètres carrés ; que le lot n°6 était quant à lui un appartement de 150 m2. Il a observé que le prix de vente était en adéquation avec le lot n° 6 mais non avec la taille du lot n° 7, et que si le lot n°6 avait fait partie de la vente, et que son absence dans l'acte faisait suite à une erreur, il n'aurait pas été omis dans tous les documents y compris administratifs ; que pour le reste, l'acte notarié, qui faisait foi jusqu'à inscription de faux, était clair, précis, cohérent puisqu'il ne comportait aucune erreur matérielle ou d'ambiguïté donnant matière à correction ou interprétation.

Sur l'indemnité d'occupation, le tribunal a considéré que l'occupation sans loyer moyennant prise en charge de frais d'aménagement, dans le contexte familial, avait sa logique et son équilibre économique ; que M. [G] [V] faisait construire sa maison, de sorte que cet accord avait une vocation provisoire ; que les parties avaient manifestement trouvé un avantage dans cette opération de vente des combles d'un côté et de mise à disposition gratuite de l'appartement de l'autre.

Le tribunal a donc rejeté les demandes de rectification de l'acte et de nullité de la vente, ainsi que la demande reconventionnelle d'indemnité d'occupation.

Par déclaration au greffe de la cour d'appel de Metz, M. [Y] [V] a interjeté appel de la décision du tribunal.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par ses dernières conclusions récapitulatives du 1er décembre 2022 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, M. [Y] [V] demande à la cour d'appel, au visa des articles 1110 et suivants, 1188 et suivants et 2227 du code civil :

« Faire droit à l'appel principal

Rejeter l'appel incident,

Infirmer le jugement entrepris en ce qu'il rejette toutes les demandes de M. [Y] [V] tendant à :

A titre principal,

Rechercher la commune intention des parties au moment de la signature de l'acte de vente du 24 février 2012 ;

dire et Juger que l'acte de vente établi par Maître [L] en date du 24 février 2012 est entaché d'une erreur quant aux lots vendus ;

dire et Juger que le jugement à intervenir tiendra lieu d'acte authentique, afin de permettre l'enregistrement de la propriété de M. [Y] [V] au Livre foncier ;

A titre subsidiaire,

Prononcer l'annulation de la vente conclue entre la SCI Bel air et M. [Y] [V] par acte notarié du 24 février 2012 ;

dire et Juger que la SCI Bel air devra restituer à M. [Y] [V] la somme de 15.000 C correspondant au prix de vente et l'y Condamner ;

Condamner la SCI Bel air à payer à M. [Y] [V] la somme de 3.616,73 euros correspondant aux frais liés à la vente ;

dire et Juger que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la demande ;

dire et Juger que la SCI Bel air devra indemniser M. [Y] [V] au titre des améliorations et aménagements effectués au sein des lots n°6 et 7 :

Designer tel Expert qu'il plaira au Tribunal, avec pour mission de :

Convoquer les parties et leur conseil Se faire remettre tout document utile

Décrire la consistance des lots n° 6 et 7 de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4]

Déterminer, autant que possible, en fonction des indications et documents fournis par les parties, l'état des lots n°6 et 7 au jour de la vente

Se prononcer sur la valeur de l'appartement constitué des lots n° 6 et 7 au jour de la vente

Décrire les aménagements et améliorations réalisés par M. [Y] [V] au sein des lots n°6 et 7.

Chiffrer le coût des aménagements et améliorations réalisés par M. [Y] [V] au sein des lots n°6 et 7

Se prononcer sur la valeur de l'appartement constitué des lots n° 6 et 7 au jour de son intervention

Réserver à M. [Y] [V] le droit de conclure plus amplement après dépôt du rapport d'expertise ; Pour le surplus et en tout état de cause,

Condamner la SCI Bel air à payer la somme de 5.000 € en indemnisation du préjudice subi par M. [Y] [V] du fait de la résistance abusive, à majorer des intérêts au taux légal à compter de la demande ;

Condamner la SCI Bel air à payer à M. [Y] [V] la somme de 6.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner la SCI Bel air aux entiers frais et dépens ;

Débouter la SCI Bel air de l'intégralité de ses demandes ;

Et en ce qu'il condamne M. [Y] [V] aux dépens.

A titre principal,

Juger que la commune intention des parties au moment de la signature de l'acte de vente du 24 février 2012 était l'acquisition par M. [Y] [V] des lots n°6 et 7 de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] ;

Juger que l'acte de vente établi par Maître [L] en date du 24 février 2012 est entaché d'une erreur quant aux lots vendus ;

Attribuer, en conséquence, à M. [Y] [V] des lots n°6 et 7 de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] ;

Ordonner que l'arrêt à intervenir tiendra lieu d'acte authentique, afin de permettre l'enregistrement de la propriété de M. [Y] [V] au Livre foncier ;

A titre subsidiaire,

Ordonner l'annulation de la vente conclue entre la SCI Bel air et M. [Y] [V] par acte notarié du 24 février 2012 ;

Condamner la SCI Bel air à restituer à M. [Y] [V] la somme de 15.000 € correspondant au prix de vente ;

Condamner la SCI Bel air à payer à M. [Y] [V] la somme de 3.616,73 € correspondant aux frais liés à la vente ;

Juger que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la demande ;

Condamner la SCI Bel air à indemniser M. [Y] [V] au titre des améliorations et aménagements effectués au sein des lots n° 6 et 7 et pour se faire,

Désigner tel Expert qu'il plaira à la cour, avec pour mission de :

Convoquer les parties et leur conseil ;

Se faire remettre tout document utile ;

Décrire la consistance des lots n° 6 et 7 de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] ;

Déterminer, autant que possible, en fonction des indications et documents fournis par les parties, l'état des lots n° 6 et 7 au jour de la vente ;

Se prononcer sur la valeur de l'appartement constitué des lots n° 6 et 7 au jour de la vente ;

Décrire les aménagements et améliorations réalisés par M. [Y] [V] au sein des lots n° 6 et 7 ;

Chiffrer le coût des aménagements et améliorations réalisés par M. [Y] [V] au sein des lots n° 6 et 7 ;

Se prononcer sur la valeur de l'appartement constitué des lots n° 6 et 7 au jour de son intervention ;

Réserver à M. [Y] [V] le droit de conclure plus amplement après dépôt du rapport d'expertise et chiffrer ses demandes ;

En tout état de cause,

Condamner la SCI Bel air à payer la somme de 5.000 € en indemnisation du préjudice subi par M. [Y] [V] du fait de la résistance abusive, à majorer des intérêts au taux légal à compter de la demande ;

Confirmer le jugement pour le surplus ;

Débouter la SCI Bel air de ses demandes et moyens tant irrecevables que mal fondés.

Condamner la SCI Bel air aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel ainsi qu'au règlement d'une somme de 8.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC. »

Sur les moyens d'irrecevabilité au titre des demandes présentées devant le tribunal et des demandes prétendument nouvelles, M. [Y] [V] sollicite le rejet au visa de l'article 771 du code de procédure civile, en faisant valoir que seul le juge de la mise en état a compétence pour statuer sur les exceptions de procédure et les incidents qui mettent fin à l'instance, et que le moyen n'ayant pas été présenté devant le juge de la mise en état, les intimés et appelants incidents sont irrecevables à s'en prévaloir devant la cour.

Il soutient que les demandes présentées devant la cour découlent de celles présentées devant le tribunal, étaient virtuellement comprises dans les demandes initiales, et tendent toujours aux mêmes fins que les demandent originelles. Il soutient qu'il en est de même de ses demandes subsidiaires, présentées depuis l'origine.

S'agissant précisément du moyen tiré de la prescription, il l'estime irrecevable pour ne pas avoir été présenté au fond, alors que le juge de la mise en état, qui en avait été saisi, s'était déclaré incompétent et avait invité la SCI à se prévaloir de ce moyen au fond devant le tribunal.

Il soutient en outre que, s'agissant d'une action réelle immobilière, la prescription est trentenaire conformément à l'article 2227 du code civil.

Subsidiairement il considère que le point de départ de la prescription n'est pas l'acte de vente du 24 février 2012, mais le jour de la découverte de l'erreur, soit en l'occurrence le 24 août 2017 date du courrier reçu du géomètre chargé de l'esquisse d'étage. Il affirme que la consistance des lieux faisait qu'il n'existait à l'origine visuellement qu'un seul lot, les lots 6 et 7 étant l'un comme l'autre des combles aménageables, et soutient que le courrier de M. [X], géomètre, établit également que l'erreur commise avait été admise par les intimés et appelants incidents qui avaient consenti à le considérer comme propriétaire des deux lots.

Il soutient encore, en se prévalant des dispositions de l'article 2251 du code civil, que les intimés et appelants incidents avaient renoncé à se prévaloir de la prescription, leur revirement ultérieur ne résultant que d'une brouille familiale.

Enfin il considère que l'acte notarié litigieux porte bien mention de ce qu'il a été établi au sein de l'office notarial de Me [L] au sein duquel officie Me [F], de sorte que le moyen soulevé sur ce point doit être rejeté.

Sur le fond et à titre principal M. [Y] [V] rappelle qu'il appartient au juge de rechercher la commune intention des parties, et, selon l'ancien article 1135 comme selon l'actuel article 1194, de compléter les contrats lacunaires par toutes les suites que leur donnent l'équité, l'usage ou la loi. Il se prévaut encore des dispositions de l'actuel article 1188 du code civil, recommandant au juge, si l'intention des parties ne peut être décelée dans l'acte, d'interpréter le contrat selon le sens que lui donnerait une personne raisonnable placée dans la même situation.

En l'espèce, il reproche au premier juge de n'avoir pas effectué cette démarche malgré les nombreux éléments objectifs pouvant l'éclairer sur la commune intention des parties, comme l'interdépendance entre les lots 6 et 7, le lot n° 7 ne pouvant être vendu sans le lot n°6, ou le fait que le lot n° 7 était inhabitable.

Il affirme ainsi que la commune intention des parties était, lors de la signature de l'acte notarié, le transfert de propriété des lots n° 6 et 7 et de 3 places de parking, de sorte que seul l'instrumentum est en l'état incomplet et doit être rectifié.

Pour preuve de la commune intention des parties, M. [Y] [V] invoque au premier chef le comportement de celles-ci, en exposant que dès la signature de l'acte, les clés du lot n° 6 lui ont été remis, qu'il avait en outre commencé les travaux dans ce lot avant même la signature, au vu et au sus des parties, que la déclaration préalable de travaux a bien été établie à son nom, et signée par son frère [G] gérant de la SCI, qu'il résulte des attestations qu'il produit que les associés de la SCI étaient parfaitement au courant des travaux qu'il entreprenait dans le lot n°6, et que Mme [T], épouse de son frère [G] et associée de la SCI, passait régulièrement sur place s'en enquérir.

Il conteste par ailleurs les affirmations de Mme [T] selon lesquelles les tensions auraient débuté lorsque la SCI Bel air se serait aperçue qu'il effectuait des travaux dans le lot n°6, alors qu'il avait débuté les travaux dès l'année 2011.

De même il souligne qu'il est inexact de prétendre, au vu de l'adresse figurant sur certaines factures, que les matériaux payés auraient été destinés à une autre construction, alors que l'adresse précitée n'est autre que celle de la mère de M. [V] chez laquelle il résidait, et qui appartient à un bailleur professionnel, ce que M. [G] [V] ne peut ignorer. Il rappelle encore qu'il n'a acheté son propre terrain qu'en 2015 et démarré la construction de sa maison qu'en 2016 soit après la réalisation des travaux litigieux.

Il conteste entièrement les affirmations selon lesquelles il se serait approprié le lot n° 6, observe que la SCI Bel air n'a jamais rien entrepris pour tenter de le récupérer, et affirme qu'en réalité les parties se sont aperçues de l'erreur entachant l'acte notarié dans les mois qui ont suivi, et qu'il était bien prévu qu'il soit rectifié, ainsi qu'il résulte de l'attestation de la mère de Messieurs [Y] et [G] [V]. Il fait valoir à cet égard qu'un projet d'acte rectificatif a été établi par Me [L], et qu'aucun notaire n'aurait rédigé un tel projet sans avoir l'accord de toutes les parties à l'acte. Il affirme que c'est seulement en raison du conflit naissant que SCI Bel Air a finalement refusé de signer cet acte, et ce malgré les démarches amiables qu'il a entreprises. Il fait encore valoir qu'il a souscrit un crédit et investi des sommes considérables dans l'aménagement du lot n° 6, ce qu'il n'aurait pas fait s'il ne l'avait pas acquis.

Il considère que l'ensemble de ces éléments constitue un commencement de preuve, permettant d'établir de manière indiscutable la volonté des parties, étant rappelé que l'interprétation du contrat autorise tous les moyens de preuve.

M. [Y] [V] se prévaut également, à titre de preuve de la commune intention des parties, de la consistance des lots en exposant que les photos et constats produits établissent que le lot n° 7 est encombré de tuyaux et gaines, de VMC et autres, est également sur plus de la moitié du lot d'une hauteur inférieure à 1,80 m, qu'il n'y a tout au plus que 40 m² utiles, et que le seul accès à ce lot se fait par le lot n° 6, de sorte que ce lot n°7 n'a aucune raison d'être sans le lot n°6.

Il soutient encore que, en sus du lot n°6, il était prévu qu'il acquière 3 places de parking, ce qui était en rapport avec la superficie des lots acquis.

Subsidiairement M. [Y] [V] sollicite l'annulation de la vente et l'indemnisation des aménagements et améliorations réalisés, à raison de l'erreur commise sur les qualités substantielles du bien vendu, en application de l'article 1110 ancien du code civil, en exposant qu'il croyait de bonne foi acheter un appartement complet, soit les lots 6 et 7, et estime que la certitude de sa croyance est en l'espèce parfaitement établie.

Il considère que la consistance des lots et leur superficie constituent bien des qualités substantielles. Il en conclut que la SCI Bel air devra lui restituer le prix de vente ainsi que le montant des frais d'acquisition liés à la vente, et s'estime fondé, en application de l'article 555 alinéa 4 du code civil, à solliciter le remboursement des aménagements et améliorations effectués, raison pour laquelle il sollicite une mesure d'expertise aux fins de chiffrer le coût des travaux réalisés et la plus-value en résultant.

Il conteste l'argument d'erreur grossière qui lui est opposé et maintient ses arguments antérieures, observant qu'il n'aurait jamais déboursé 15.000 € pour des combles non aménageables qui ne valent rien.

En tout état de cause, il sollicite indemnisation du préjudice qu'il subit du fait de la résistance abusive de la SCI Bel air.

Il conclut enfin au rejet de la demande au titre d'une indemnité d'occupation, observant qu'il s'agit d'une demande nouvelle à hauteur d'appel et comme telle irrecevable, et non fondée alors que les lieux, avant les travaux réalisés par lui, n'étaient constitués que de quatre murs et une charpente

Par ses dernières conclusions du 30 mai 2023 auxquelles il est expressément référé pour plus ample exposé des prétentions et moyens, la SCI Bel air demande à la cour d'appel de :

« Rejeter l'appel de M. [Y] [V]

Accueillir le seul appel incident de la SCI Bel air,

Infirmer le jugement du 08 février 2022 en ce qu'il a statué au fond, pour avoir :

Rejeté toutes les demandes de M. [Y] [V],

Rejeté toutes les demandes reconventionnelles de la SCI Bel air,

Condamné M. [Y] [V] aux dépens sans indemnité pour frais irrépétibles

Et statuant à nouveau,

Déclarer M. [Y] [V] irrecevable (au besoin d'office s'agissant des demandes nouvelles) en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions,

Subsidiairement,

Confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté toutes les demandes M. [Y] [V], au besoin par adjonction de motifs ;

Sur la demande reconventionnelle

Condamner M. [Y] [V] à payer à la SCI Bel air une indemnité d'occupation de 400 € par mois à compter du mois de février 2012 jusqu'à remise des clés,

Condamner M. [Y] [V] à payer à la SCI Bel air la somme de 50 800 € au titre de l'indemnité d'occupation arrêtée au 1er Octobre 2021,

Juger que l'indemnité d'occupation de 400 € par mois sera due jusqu'à libération définitive des lieux et restitution des clés,

Ordonner la compensation réciproque des créances relatives entre les parties,

Débouter M. [Y] [V] de l'intégralité de ses demandes,

En tout état de cause,

Déclarer M. [Y] [V] irrecevable et subsidiaire mal fondé en l'ensemble de ses demandes, fins, moyens, conclusions et prétentions,

Condamner M. [Y] [V] aux entiers frais et dépens d'instance et d'appel,

Condamner M. [Y] [V] à régler à la SCI Bel air une somme de 5 000 € par instance au titre de l'Article 700 du CPC, soit 10 000 € au total. »

La SCI Bel air soutient tout d'abord que les demandes présentées par M. [Y] [V] sont irrecevables à hauteur de cour.

Se référant aux demandes formulées en première instance par M. [V], la SCI Bel air soutient que les demandes formulées en appel sont radicalement différentes, puisqu'en première instance M. [V] n'a formulé aucune demande relative aux lots 6 et 7 de l'immeuble sis [Adresse 2] à Nousseviller Saint Nabor, mais avait uniquement sais le tribunal d'une demande de recherche de la commune intention des parties. Elle fait valoir que M. [V] ne peut se prévaloir du fait que ces nouvelles demandes auraient été virtuellement comprises dans les demandes initiales, cette possibilité prévue par l'ancien article 566 du code de procédure civile n'étant plus en vigueur.

La SCI soutient en outre que la demande d'attribution à M. [V] du lot n°7 est irrecevable pour défaut d'intérêt à agir, puisque M. [Y] [V] est déjà propriétaire de ce lot.

Enfin elle fait valoir que les demandes sont fondées sur un acte de vente établi par Me [L], alors que l'examen de l'acte litigieux fait apparaître qu'il a été dressé par Me [F], de sorte que M. [V] n'a aucun intérêt à critiquer un acte qui n'existe pas.

La SCI Bel air soulève également la prescription des actions intentées par M. [V], en application des dispositions de l'article 2224 du code civil et des dispositions relatives à l'action en nullité, le délai de prescription étant de cinq ans en toute hypothèse.

Elle soutient que les actions principale et subsidiaire de M. [V] sont bien des actions personnelles soumises au délai de l'article 2224, dont le point de départ se situe à la date à laquelle le demandeur a eu ou était en mesure d'avoir connaissance de son droit.

En l'occurrence elle relève que l'acte de vente dressé par Me [F] est parfaitement clair quant aux biens objets de la vente, comporte expressément l'indication du numéro de lot et de la superficie du bien vendu, ainsi qu'en annexe la déclaration d'aliéner signée par toutes les parties et visant expressément le lot n°7, de sorte que M. [V] était dès la date de la vente, en mesure de savoir qu'il ne faisait l'acquisition que du lot n°7.

Elle en conclut que le délai de prescription a commencé à courir à compter du jour de l'acte de vente, de sorte que l'action de M. [V] est prescrite pour avoir été engagée le 26 janvier 2018.

Elle conteste par ailleurs l'affirmation selon laquelle elle aurait renoncé à se prévaloir de la prescription observant que cette renonciation ne peut résulter que d'actes accomplis en connaissance de cause et manifestant sans équivoque la volonté de renoncer, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, alors au contraire que ce moyen d'irrecevabilité figurait bien dans le dispositif de ses conclusions de première instance. En particulier elle considère que le fait que les parties aient tenté de trouver un accord sans y parvenir, ne s'analyse pas en une renonciation à se prévaloir de la prescription de l'action.

Enfin la SCI Bel air fait valoir que les moyens d'irrecevabilité qu'elle développe sont bien recevables, puisque les fins de non-recevoir peuvent être invoquées pour la première fois à hauteur de cour.

Sur le fond, la SCI Bel air conteste entièrement les affirmations de M. [Y] [V] selon lesquelles il aurait dû acquérir les lots n° 6 et 7 et selon lesquelles le notaire se serait trompé dans son acte en ne mentionnant que le lot n° 7. Elle affirme qu'il n'y a eu aucune erreur de la part du notaire et qu'il n'a jamais été question de l'acquisition du lot n° 6 par M. [Y] [V].

Elle souligne que l'acte notarié est parfaitement clair, accompagné de diverses annexes dont le règlement de copropriété distinguant les lots n° 6 et 7, que cet acte est paraphé par toutes les parties, et que le procès-verbal de délibération ne fait bien mention que de la vente du lot n° 7. Elle ajoute que M. [Y] [V], qui est plâtrier depuis 20 ans et sait lire des plans selon son propre aveu, et est donc un professionnel aguerri, ne pouvait pas se méprendre et prétendre avoir cru qu'il acquérait le lot n°6, d'une surface de plus du double du lot n°7.

Elle conteste totalement les propos de M. [X], géomètre, mandaté et rétribué par M. [V] et fait encore valoir que le prix de 15.000 € était en rapport avec la surface du lot n°7 et ne pouvait pas porter, en sus, sur un autre appartement beaucoup plus spacieux.

Revenant sur les relations entre les parties, la SCI Bel air soutient que M. [Y] [V] souhaitait acquérir le lot n° 7 en attendant de faire construire sa propre maison, que celui-ci a ensuite cherché à s'approprier le lot n°6, en faisant poser une porte et en réalisant des travaux et que la persistance de cette attitude a engendré la brouille entre les parties.

Elle soutient par ailleurs qu'elle n'a jamais entendu signer d'acte de vente rectificatif, le document produit ayant été préparé par le notaire mandaté par M. [Y] [V] seul.

En droit, et sur la demande principale, la SCI Bel air rappelle qu'un acte authentique fait foi de la convention qu'il renferme entre les parties contractantes, et fait foi jusqu'à inscription de faux.

Sur la demande en nullité elle soutient qu'il n'existe aucune erreur dans le consentement de M. [Y] [V], et observe que celui-ci ne peut soutenir que son consentement aurait été vicié, alors que ses demandes ne tendent pas à substituer le lot n° 6 au lot n° 7 mais à adjoindre le lot n°6 au lot n°7 déjà acquis et ce sans régler de somme supplémentaire.

En tout état de cause elle fait valoir qu'une erreur n'est cause de nullité que dans la mesure où elle est excusable, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque M. [V], qui est pourtant un professionnel, n'explique pas comment il aurait pu se méprendre entre l'achat d'un seul lot n° 7 constitué de 67,2 m² de combles aménageables, et l'achat du lot n° 6 constitué d'un appartement de 151,9 m² à aménager.

Enfin la SCI conteste la demande d'indemnisation présentée par M. [V] au titre de travaux dont il ne justifie pas, et considère que M. [V] ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 555 du code civil, qui n'est pas applicable entre copropriétaires, ne peut être invoqué par un constructeur de mauvaise foi, et ne peut être invoqué que par le propriétaire de l'immeuble qui dispose d'une option entre démolition de l'ouvrage et indemnisation du constructeur.

En tout état de cause elle s'oppose à une expertise, la charge de la preuve des améliorations et aménagements effectués revenant à M. [V].

Reconventionnellement, la SCI Bel air s'estime fondée à réclamer à M. [V] une indemnité d'occupation dès lors qu'il est entré dans les lieux en février 2012 et a occupé l'appartement pendant 127 mois. Elle réclame donc une indemnité mensuelle de 400 € soit au total 50.800 € et estime cette demande recevable en appel puisque déjà présentée au premier juge.

Elle conclut enfin à la compensation des créances réciproques.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 23 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I- Sur les différentes fins de non-recevoir

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau à hauteur d'appel de la demande ne paiement d'une indemnité d'occupation

Il résulte des dernières conclusions prises par la SCI Bel air devant le premier juge, notifiées le 1er octobre 2021, que la SCI avait bien en première instance conclu à la condamnation de M. [V] à lui payer une indemnité d'occupation de 50.800 €.

La demande en paiement d'une telle indemnité à hauteur d'appel n'est donc nullement une demande nouvelle, et cette fin de non-recevoir est rejetée.

Sur les moyens d'irrecevabilité soulevés par la SCI Bel air à l'encontre des demandes de M. [Y] [V]

Sur l'irrecevabilité alléguée des moyens

M. [V] fait valoir, au visa de l'article 771 du code de procédure civile, que « le moyen serait en tout état de cause irrecevable pour n'avoir pas été présenté au fond alors que le juge de la mise en état s'était déclaré incompétent pour en connaître ».

Il résulte d'une ordonnance rendue par le juge de la mise en état du tribunal judiciaire de Sarreguemines le 07 septembre 2021, et des conclusions d'incident prises devant ce magistrat, que celui-ci avait été saisi d'une fin de non-recevoir tirée de la prescription des demandes, et s'était déclaré incompétent pour en connaître.

Outre le fait qu'une fin de non-recevoir peut être soulevée en tout état de cause et donc pour la première fois devant la cour, il apparaît que, contrairement à ce que soutient M. [V], la SCI Bel air avait bien en première instance déposé devant le premier juge des dernières conclusions du 1er octobre 2021 tendant notamment à voir déclarer la demande de M. [V] irrecevable à raison de la prescription.

La fin de non-recevoir est rejetée

Sur la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau des demandes de M. [Y] [V] à hauteur d'appel

Aux termes de l'article 564 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers out de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Aux termes de l'article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge, que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

En l'espèce il est exact que, contrairement aux termes de l'assignation initiale, qui dans son dispositif demandait expressément au premier juge de dire et juger que l'acte rectificatif devra mentionner l'acquisition par M. [Y] [V] du lot n°6, du lot n°7 et de trois places de parking, les dernières conclusions de celui-ci devant le premier juge ne mentionnaient plus que des demandes générales en recherche de l'intention des parties, reconnaissance d'une erreur et transcription du jugement en tant qu'acte authentique, sans plus contenir de demandes spécifiques concernant notamment le lot n° 6.

Cependant les conclusions prises en première instance, de même que les motifs énoncés par le premier juge, établissent sans conteste que le litige entre les parties portait sur l'erreur alléguée concernant le lot n° 6, et les dernières conclusions prises en première instance n'ont de sens qu'au regard de cette discussion.

Dès lors, les demandes plus précises formulées à hauteur d'appel, spécifiant que la commune intention des parties aurait été l'acquisition par M. [Y] [V] des lots n° 6 et 7, et demandant l'attribution judiciaire de ces lot n° 6 et 7, constituent aussi bien la conséquence que le complément nécessaire des demandes formulées dans les dernières conclusions de première instance.

Quant à la demande d'annulation de la vente, elle était déjà expressément formulée en première instance.

D'autre part, si la rédaction des demandes de M. [Y] [V] inclut le lot n° 7 dont il est déjà propriétaire, ceci n'enlève en rien leur intérêt aux demandes présentées par celui-ci, le seul point redondant portant sur le fait qu'il n'y aurait pas lieu d'attribuer à nouveau ce lot à l'appelant, ce qui n'est pas de nature à constituer une fin de non-recevoir opposable à ses diverses demandes.

De même, le fait qu'il soit mentionné que l'acte litigieux aurait été dressé par Me [L], alors qu'il a été dressé par Me [F] notaire au sein de l'étude de Me [L], ne change rien au fait que l'acte critiqué est parfaitement identifié, et ne prive pas d'intérêt les demandes formées.

Ces diverses fins de non-recevoir sont donc rejetées.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action

Selon les termes de l'article 2227 du code civil, seules les actions réelles immobilières bénéficient de la prescription trentenaire revendiquée par M. [Y] [V].

Une action réelle sanctionne la méconnaissance par autrui du droit détenu par une partie sur une chose et est uniquement destinée à la protection de ce droit.

En revanche, toute action portant à la fois sur la consécration d'un droit personnel et d'un droit réel est une action mixte, ne relevant pas, pour ce qui concerne la prescription, de l'article 2227 précité.

En l'espèce, M. [Y] [V] entend au premier chef voir établir la commune intention des parties, pour en déduire l'erreur affectant selon lui l'acte notarié afin d'obtenir la rectification de celui-ci, ce qui aura pour conséquence d'intégrer dans son patrimoine un bien immobilier. Il exerce donc au premier chef une action personnelle destinée in fine à résoudre la question de l'existence d'un éventuel droit réel, et l'action exercée est donc une action mixte, dans laquelle l'action réelle n'est que l'accessoire, et l'action personnelle l'action principale.

Il en est de même de son action en nullité de la vente pour erreur sur une qualité substantielle.

L'une et l'autre de ces actions sont donc soumises, non pas aux dispositions de l'article 2227 mais à celles de l'article 2224 du code civil, selon lesquelles les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire du droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Aux termes de l'article 2251 du code civil, la renonciation à la prescription est expresse ou tacite. La renonciation tacite résulte de circonstances établissant sans équivoque la volonté de ne pas se prévaloir de la prescription.

En l'espèce, aucune renonciation expresse n'est alléguée, et aucun des éléments versés aux débats ne fait preuve d'une renonciation tacite. Le fait qu'il y ait pu avoir des discussions entre les parties quant à la façon d'apporter une solution au conflit les opposant ne permet nullement d'en déduire une volonté de renoncer à se prévaloir d'une prescription, ce d'autant moins qu'aucun élément ne vient faire preuve de ce que les parties auraient été proches de trouver un accord.

La renonciation de la SCI à se prévaloir de la prescription n'est donc pas établie.

S'agissant de la demande visant à voir déterminer la commune intention des parties, et à voir rectifier l'erreur entachant l'acte de vente du 24 février 2012,

La cour constate que l'acte litigieux est clair quant à la désignation du bien vendu. L'acte mentionne ainsi au titre de la désignation de ce bien, l'unique lot n° 7 dans l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2] à [Localité 4], outre les millièmes des parties communes MG, PC1 et PC2.

La superficie de cet unique lot est également clairement indiquée, en application de la loi Carrez, à savoir une superficie de 67,20 m² ainsi qu'il résulte du certificat de mesurage établi par M. [X].

A cet acte se trouvaient en outre annexés, une déclaration d'aliéner portant elle aussi exclusivement sur le lot n° 7, un plan du lot n° 7 permettant aisément d'en distinguer la forme et le fait que les combles à aménager étaient bordés sur deux côtés de parties de combles d'une hauteur inférieure à 1,80 mètre, et le procès-verbal de délibération de l'assemblée générale extraordinaire du 20 février 2012 par lequel la vente du seul lot de copropriété n° 7 a été décidée.

Le même acte de vente se référait encore, pour la définition du lot, à l'état descriptif de division contenant règlement de copropriété établi par le notaire le même jour « et donc la minute précède ».

Ce règlement de copropriété distinguait explicitement les lots n° 6 (appartement à aménager au 2ème étage avec escalier privatif) et n° 7 (aux combles : combles à aménager).

Enfin aucune des parties ne conteste que les deux lots, dont il apparaît qu'ils étaient dès cette époque clairement individualisés, avaient également une superficie largement différente, puisque la superficie du lot n° 6 était de 151,9 m². Aucune confusion avec le lot n° 7 ne pouvait donc être possible, et la superficie de 67,20 m² annoncée à l'acte ne permettait pas de penser que celui-ci portait sur la vente de deux lots.

Dès lors, le simple examen de l'acte de vente permettait à M. [Y] [V] de se rendre compte de ce qu'il n'était pas conforme à l'intention commune des parties ainsi qu'il l'affirme aujourd'hui.

C'est donc à la date de signature de cet acte que M. [V] pouvait avoir connaissance des faits lui permettant d'exercer son droit.

La prescription quinquennale ayant commencé à courir à compter du 24 février 2012, l'action de M. [Y] [V] était prescrite à la date du 25 février 2017.

A supposer même que M. [Y] [V] n'ait eu connaissance de cette erreur que lorsque, selon le témoignage de sa mère Mme [B] [V], Mme [T] sa belle-s'ur, associée dans la SCI, l'a informée de ce que « le notaire s'était trompé dans l'acte de vente et avait omis de mentionner le lot n° 6 », il reste que selon Mme [B] [V] cette information a été donnée en octobre 2012 de sorte que l'action dont disposait M. [Y] [V] était prescrite à la fin du mois d'octobre 2017.

L'assignation en justice ayant été signifiée le 26 janvier 2018, la prescription de l'action était acquise à cette date de sorte que la demande de M. [V] tendant à voir rechercher la volonté des parties, dire que l'acte notarié comporte une erreur, attribuer à M. [V] les lots n° 6 et 7 et ordonner que l'arrêt à intervenir tiendra lieu d'acte authentique, est effectivement irrecevable.

S'agissant de la demande tendant à voir ordonner l'annulation de la vente

Il est observé que compte tenu de la date de conclusion de celle-ci, les textes applicables sont les articles du code civil antérieurs à l'ordonnance du 10 février 2016 ayant réformé le droit des obligations.

Aux termes de l'ancien article 1304 du code civil, « dans tous les cas où l'action en nullité ou en rescision d'une convention n'est pas limitée à un moindre temps par une loi particulière, cette action dure cinq ans.

Ce temps ne court, dans le cas de violence, que du jour où elle a cessé, dans le cas d'erreur ou de dol du jour où ils ont été découverts ».

En l'espèce et ainsi que précédemment relevé, l'acte de vente du 24 février 2012 donnait à M. [Y] [V], toutes les précisions lui permettant de savoir que la vente ne portait que sur le lot n° 7 et lui donnait donc les moyens de constater immédiatement son erreur.

A supposer même qu'il n'en ait été informé qu'en octobre 2012 ainsi qu'indiqué par Mme [B] [V] dans son attestation, il n'en demeure pas moins qu'un délai supérieur à cinq ans s'était écoulé depuis cette date lorsque M. [V] a assigné la SCI Bel air devant le tribunal de grande instance de Sarreguemines.

Cette demande est donc également irrecevable à raison de la prescription de l'action en nullité.

Dès lors, la cour infirmera la décision du premier juge en ce que celui-ci, statuant au fond, a rejeté les diverses demandes de M. [Y] [V], et, y ajoutant pour partie compte tenu du libellé des demandes en appel, déclarera irrecevables ses demande principales tendant à voir juger quelle était la commune intention des parties, juger que l'acte notarié est entaché d'une erreur, attribuer à M. [V] le lot n° 6 ,et ordonner que l'arrêt à intervenir tiendra lieu d'acte authentique, ainsi que sa demande subsidiaire en annulation de la vente et en restitutions.

S'agissant du lot n° 7, il est rappelé que M. [Y] [V] en est en tout état de cause propriétaire, de sorte qu'il n'y a pas lieu à statuer sur les demandes précitées pour ce qui le concerne.

Sur la demande en indemnisation au titre des améliorations et aménagements effectués, et aux fins d'expertise

Une telle demande est sans objet à propos des aménagements et améliorations que M. [V] aurait pu faire dans le lot n° 7, qui est sa propriété.

S'agissant de l'indemnisation des améliorations et aménagements effectués dans le lot n° 6, cette demande n'a de sens que si M. [Y] [V] n'est pas propriétaire, ou déclaré propriétaire, du lot n° 6, étant en outre observé qu'il n'est pas contesté que M. [Y] [V] et sa famille ont habité dans l'appartement constituant le lot n° 6, voire y habitent encore compte tenu de l'adresse mentionnée dans les conclusions.

M. [V] ne disposait donc d'aucune action tant que les travaux n'étaient pas effectués et tant que ses droits sur l'appartement objet du lot n° 6 n'étaient pas, à minima, contestés entre les parties ou en justice.

Dès lors, le moment auquel M. [V] a pu avoir connaissance de son droit à demander le cas échéant indemnisation pour les améliorations et aménagements effectués, ne se situe pas à la date de conclusion de l'acte de vente notarié, et la SCI Bel air n'invoque aucun autre point de départ du délai de prescription. En particulier la date à laquelle les travaux litigieux ont été achevés n'est pas connue, non plus que la date à laquelle la SCI aurait expressément refusé de rembourser à M. [V] le coût de ses travaux.

Ce chef de demande ne se heurte donc à aucune prescription et doit être déclaré recevable.

II-Au fond

Sur la demande en indemnisation au titre des améliorations et aménagements effectués

Ainsi que précédemment observé, cette demande est sans objet pour ce qui concerne les travaux que M. [Y] [V] aurait effectués dans le lot n° 7 dont il est propriétaire.

S'agissant du lot n° 6, la demande en indemnisation est fondée sur les dispositions de l'article 555 du code civil.

Cet article concerne « les plantations, constructions et ouvrages » faits par des tiers, et déjà mentionnés à l'article 553 qui dispose que « toutes construction, plantations et ouvrages sur un terrain ou dans l 'intérieur sont présumés faits par le propriétaire à ses frais et lui appartenir ».

Ces articles, qui se rapportent à la théorie de l'accession immobilière, ne concernent que les constructions nouvelles sur le terrain d'autrui pouvant faire l'objet d'une accession au profit du propriétaire du sol, et ne sont pas applicables à l'hypothèse de travaux d'aménagement ou d'amélioration effectués dans un local préexistant. (cf. notamment Civ 3, 09 septembre 2021 n° 20-15.713).

Les parties sont donc invitées à se prononcer sur le réel fondement juridique de la demande, et notamment sur l'application à la cause de la théorie des impenses, selon laquelle il convient notamment de distinguer les impenses nécessaires et celles simplement utiles.

M. [V], qui se prévaut de la réalisation par ses soins de travaux ayant nécessité au moins l'achat de matériaux voire l'intervention d'entreprises, et qui verse aux débats un certain nombre de devis et de factures, est par ailleurs invité à chiffrer, détailler et justifier le montant total des sommes exposées par lui.

Il y a lieu par conséquent d'ordonner la réouverture des débats sur ce point.

Sur la demande reconventionnelle en indemnité d'occupation

Il ne résulte pas des documents produits que le lot n° 6 aurait été en état d'être occupé dès le mois de février 2012, alors que ce lot n'était visiblement au vu des photos produites, qu'un espace partiellement sous toiture devant être entièrement aménagé.

A supposer que les relations ayant existé entre les parties soient de nature à justifier la mise en compte d'une indemnité d'occupation, il appartient alors aux parties de se prononcer sur la date à partir de laquelle l'appartement litigieux a pu être occupé, en précisant également à la cour la date à laquelle les lieux ont été libérés.

Les débats seront donc également rouverts sur ce point.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Rejette la fin de non-recevoir tirée du caractère nouveau en appel de la demande en paiement d'une indemnité d'occupation ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité des moyens d'irrecevabilité soulevés par la SCI Bel Air ;

Rejette les fins de non-recevoir tirées du caractère nouveau des demandes de M. [Y] [V] et du défaut d'intérêt à agir de celui-ci ;

Infirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes de M. [Y] [V] qui tendaient à voir rechercher la commune intention des parties, dire et juger que l'acte de vente établi par Me [L] en date du 24 février 2012 est entaché d'une erreur matérielle, dire et juger que le jugement à intervenir tiendra lieu d'acte authentique, et à titre subsidiaire tendant à voir prononcer l'annulation de la vente, et condamner la SCI Bel air à restituer à M. [V] les sommes de 15.000 € au titre du prix de vente et de 3.616,73 € au titre des frais liés à la vente ;

Statuant à nouveau sur ces points et ajoutant,

Déclare irrecevables à raison de la prescription des actions, les demandes de M. [Y] [V] tendant à voir :

Juger que la commune intention des parties au moment de la signature de l'acte de vente du 24 février 2012 était l'acquisition par M. [Y] [V] des lots n°6 et 7 de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] ;

Juger que l'acte de vente établi par Maître [L] en date du 24 février 2012 est entaché d'une erreur quant aux lots vendus ;

Attribuer, en conséquence, à M. [Y] [V] le lot n°6 de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 4] ;

Ordonner que l'arrêt à intervenir tiendra lieu d'acte authentique, afin de permettre l'enregistrement de la propriété de M. [Y] [V] au Livre foncier ;

Ordonner l'annulation de la vente conclue entre la SCI Bel air et M. [Y] [V] par acte notarié du 24 février 2012 ;

Condamner la SCI Bel air à restituer à M. [Y] [V] la somme de 15.000 € correspondant au prix de vente ;

Condamner la SCI Bel air à payer à M. [Y] [V] la somme de 3.616,73 € correspondant aux frais liés à la vente ;

Juger que cette somme portera intérêt au taux légal à compter de la demande ;

Dit n'y avoir lieu à statuer sur l'ensemble des demandes formées à titre principal et subsidiaire, en ce qu'elles concernent le lot n° 7 ;

Rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de la demande en remboursement des aménagements et améliorations effectués ;

Pour le surplus,

Ordonne la réouverture des débats et la révocation de l'ordonnance de clôture ;

Invite les parties à se prononcer sur le réel fondement juridique de la demande en indemnisation au titre des aménagements et améliorations effectués dans le lot n° 6, et plus particulièrement sur l'application à la cause de la théorie des impenses ;

Invite M. [Y] [V] à chiffrer sa demande et à fournir tous justificatifs des sommes exposées par lui ;

Invite les parties à se prononcer sur l'état du lot n° 6 en février 2012, sur la date à laquelle il a pu être considéré comme occupé, et à indiquer la date à laquelle M. [Y] [V] aurait quitté les lieux ;

Renvoie l'affaire à l'audience de mise en état du 12 décembre 2024.

La Greffière La Présidente de chambre