Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 16 octobre 2024, n° 21/10747
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 418
N° RG 21/10747
N° Portalis DBVB-V-B7F-BH2HP
Syndicat des copropriétaires [Adresse 5]
C/
[J] [Z]
[L] [Z]
[H] [Z]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Anne Cécile NAUDIN
Me Pierre CAROSSO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire,Tribunal de proximité de MARSEILLE en date du 29 Juin 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19-004519.
APPELANTE
Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] sis à [Localité 4]
[Adresse 2]
agissant par son syndic en exercice le Cabinet THINOT SAS, dont le siège social est [Adresse 1] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice audit siège domicilié
représentée par Me Anne Cécile NAUDIN, membre de l'association CABINET NAUDIN AVOCATS JURISTES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS
Monsieur [J] [Z]
né le 13 Août 1963 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011388 du 07/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
Monsieur [L] [Z]
né le 09 Février 1994 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011389 du 07/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentés par Me Pierre CAROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [H] [Z]
née le 05 Janvier 1999 à [Localité 4], demeurant Chez [J] [Z] [Adresse 5] [Adresse 3]
assignée le 02/09/2021 à domicile (DA)
assignation remise le 15/10/2021 à domicile (DA et Conclusions)
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Alice BISIOU, faisant fonction
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024.
ARRÊT
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant acte notarié du 1er juin 2007, Monsieur [J] [Z] et ses deux enfants [L] et [H] [Z] ont acquis en indivision la propriété d'un appartement et d'une cave constituant les lots n° 96 et 102 de l'état descriptif de division de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 5], situé [Adresse 2].
Par actes délivrés le 18 décembre 2019 et conclusions postérieures, le syndicat des copropriétaires les a assignés devant le tribunal judiciaire de Marseille en paiement du solde débiteur de leur compte de répartition de charges, provisoirement arrêté à la somme de 7.842,24 euros au 4 mai 2021, outre 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Les consorts [Z] ont opposé en premier lieu plusieurs fins de non-recevoir. Sur le fond, ils ont conclu à titre reconventionnel à l'annulation des assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017, 17 mai 2018, 21 mai 2019 et 30 octobre 2019, ayant notamment approuvé les comptes des exercices écoulés et les budgets prévisionnels des exercices à venir, aux motifs qu'ils n'y avaient pas été régulièrement convoqués et que les procès-verbaux ne leur avaient pas été notifiés. Ils ont conclu en conséquence au rejet de la demande en paiement du syndicat.
Par jugement rendu le 29 juin 2021, le tribunal a :
- déclaré recevable l'action du syndicat,
- prononcé 'la nullité des procès-verbaux' des assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018,
- rejeté les demandes de nullité des procès-verbaux des assemblées tenues les 21 mai et 30 octobre 2019,
- condamné conjointement les consorts [Z] à payer la somme de 2.588 euros au titre des charges échues entre le 2 janvier 2018 et le 4 mai 2021, celle de 16,80 euros au titre des frais de recouvrement relevant de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et celle de 250 euros à titre de dommages-intérêts,
- rejeté leur demande d'octroi de délais de paiement,
- et condamné les consorts [Z] aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2021.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 8 mars 2022, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice le Cabinet THINOT, fait valoir :
- que M. [J] [Z], qui détenait un mandat tacite de représentation de l'indivision, a été régulièrement convoqué à l'assemblée générale du 21 mai 2019, et que le procès-verbal des délibérations lui a également été notifié,
- que les autres procès-verbaux ont été notifiés aux consorts [Z] en même temps que l'assignation et n'ont fait l'objet d'aucun recours dans le délai prévu à l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965,
- qu'il produit les pièces comptables justifiant du bien fondé de sa demande,
- que nonobstant l'absence de clause de solidarité dans le règlement de copropriété, les indivisaires sont tenus solidairement au paiement des charges lorsque la quote-part détenue par chacun n'a pas été notifiée au syndic,
- et que le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués en première instance ne correspond pas au préjudice subi du fait de la carence des débiteurs.
Il demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action recevable, débouté les consorts [Z] de leur demande de nullité des procès-verbaux des assemblées générales des 21 mai et 30 octobre 2019, et rejeté leur demande d'octroi de délais de paiement,
- de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner solidairement ou in solidum les consorts [J], [L] et [H] [Z] à payer la somme de 7.842,24 euros au titre du solde débiteur de leur compte de répartition de charges arrêté au 4 mai 2021, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre celle de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- de condamner les intimés aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 9 décembre 2021, MM. [J] et [L] [Z] soutiennent pour leur part :
- qu'en vertu de l'article 2241 du code civil, l'assignation en justice a interrompu le délai de forclusion édicté par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965,
- que la demande en nullité des assemblées générales peut valablement être formée par voie de conclusions reconventionnelles,
- que l'action en nullité d'une assemblée générale dans son entier se prescrit par un délai de dix ans, et non pas de deux mois,
- qu'[J] [Z] ne représentait pas l'indivision, de sorte qu'il incombait au syndic de convoquer tous les indivisaires ou de faire désigner en justice un mandataire commun.
Ils ajoutent qu'ils n'ont pas été régulièrement convoqués à l'assemblée générale qui s'est tenue le 15 janvier 2021, postérieurement à l'introduction de l'instance.
Ils demandent à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité des assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018,
- de l'infirmer pour le surplus,
- statuant à nouveau et y ajoutant, de prononcer la nullité des assemblées générales tenues les 21 mai 2019, 30 octobre 2019 et 15 janvier 2021 et de débouter le syndicat de l'intégralité de ses demandes en paiement,
- subsidiairement, de leur accorder les plus larges délais de paiement,
- en tout état de cause, de condamner le syndicat aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au profit de leur conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Madame [H] [Z], citée par acte du 2 septembre 2021 signifié dans les conditions prévues à l'article 656 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat, de sorte qu'il sera statué par défaut à son égard.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2024.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'action du syndicat :
La cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du chef de jugement ayant déclaré recevable l'action en paiement introduite par le syndicat des copropriétaires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur les demandes d'annulation des assemblées générales :
En vertu de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal, laquelle doit être effectuée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale (ou deux mois avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018).
Le non-respect du délai de notification par le syndic n'est cependant assorti d'aucune sanction, et le délai pour agir commence alors à courir à compter de la notification effective du procès-verbal, y compris dans le cas où l'action est fondée sur une absence de convocation régulière de son auteur à l'assemblée générale.
D'autre part, en vertu de l'article 651 alinéa 3 du code de procédure civile, la notification peut toujours être faite par voie de signification, alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme.
Toutefois en l'espèce, il convient de relever :
- d'une part, que l'assignation en justice délivrée par le syndicat des copropriétaires ne vaut pas signification des procès-verbaux d'assemblée générale faute de mention expresse en ce sens,
- et d'autre part, que l'action en annulation desdites assemblées ne peut être valablement formée par voie de conclusions reconventionnelles, les époux [Z] pouvant uniquement se prévaloir par voie d'exception de l'inopposabilité des décisions prises dans des conditions irrégulières à leur endroit.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le chef de jugement ayant annulé les assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018 (sans avoir égard à la maladresse de rédaction évoquant 'la nullité des procès-verbaux') et de déclarer irrecevables les demandes des intimés tendant à l'annulation de toutes les assemblées litigieuses.
Sur la demande en paiement des charges :
Il est constant en droit que l'approbation des comptes ou des budgets prévisionnels par l'assemblée générale a pour effet de rendre certaine, liquide et exigible la créance du syndicat, et autorise le syndic à recouvrer les charges ou provisions appelées à l'encontre de chaque copropriétaire.
Toutefois, les décisions de l'assemblée générale sont inopposables aux copropriétaires qui n'ont pas été régulièrement convoqués à y assister.
- Sur les assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018 :
Le syndic ne justifie pas de l'envoi d'une convocation à l'un quelconque des intimés en vue de participer à ces trois assemblées, les procès-verbaux mentionnant en outre l'absence des consorts [Z].
Il en résulte que les résolutions portant approbation des comptes des exercices 2015, 2016 et 2017 leur sont inopposables et ne peuvent fonder une action en paiement des charges correspondantes.
- Sur l'assemblée générale du 21 mai 2019 :
Le syndic justifie en revanche avoir convoqué M. [J] [Z] par lettre recommandée adressée le 23 avril 2019, l'avis de réception étant revenu signé par son destinataire, et lui avoir notifié le procès-verbal des délibérations dans les mêmes formes le 19 juin 2019.
Il ressort de la fiche d'immeuble délivrée par le service de la publicité foncière que l'intéressé avait fait l'acquisition des lots n° 96 et 102 par acte du 1er juin 2007 en indivision avec ses deux enfants, qui étaient alors mineurs pour être nés les 9 février 1994 et 5 janvier 1999. Il avait donc vocation à recevoir les notifications destinées à l'indivision en sa qualité de représentant légal de ces derniers.
A compter de leur accession à l'âge de la majorité, il incombait à [L] et [H] [Z] de se manifester auprès du syndic s'ils entendaient être désormais personnellement destinataires de ces notifications. A défaut, ce dernier a pu valablement considérer M. [J] [Z] comme le mandataire commun de l'indivision en application de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1965.
Il en résulte que les notifications ont été régulièrement effectuées et que les résolutions portant approbation des comptes de l'exercice 2018 sont pleinement opposables aux intimés et peuvent fonder une action en paiement des charges correspondantes.
- Sur l'assemblée générale du 30 octobre 2019 :
Aux termes du procès-verbal produit aux débats, il apparaît que cette assemblée ne concernait que les copropriétaires du bâtiment F9, alors que les consorts [Z] sont copropriétaires au sein du bâtiment E8. Par conséquent, les travaux votés à l'occasion de cette assemblée spéciale n'ont pas de répercussion sur le montant des charges réclamées aux intimés.
- Sur l'assemblée générale du 15 janvier 2021 :
Cette assemblée s'est tenue hors la présence physique des copropriétaires, lesquels ont été appelés à voter par correspondance sur les questions inscrites à l'ordre du jour en application de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise durant la période d'état d'urgence sanitaire.
Le syndic justifie avoir convoqué M. [J] [Z] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 14 décembre 2020 et lui avoir notifié le procès-verbal des délibérations dans les mêmes formes le 17 février 2021, l'accusé de réception étant revenu signé par son destinataire.
Il en résulte que les résolutions portant approbation des comptes de l'exercice 2019 et des budgets prévisionnels des exercices 2020 et 2021 sont pleinement opposables aux intimés et peuvent fonder une action en paiement des charges et provisions correspondantes.
En définitive, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement du syndicat pour ce qui concerne les charges échues entre le 2 janvier 2018 et le 4 mai 2021, pour un montant de 4.088 euros dûment justifié par les documents comptables produits aux débats, étant relevé que les consorts [Z] n'allèguent aucune erreur dans l'établissement de leur compte individuel.
Sur les frais relevant de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 :
Compte tenu des moyens de défense opposés par les consorts [Z], la gestion de la procédure de recouvrement a nécessité de la part du syndic des diligences exceptionnelles au sens du contrat qui le lie au syndicat, de sorte qu'il convient de mettre à la charge des copropriétaires défaillants les sommes de :
- 288,00 € au titre des mises en demeure adressées le 20 février 2019,
- 297,64 € au titre de la constitution du dossier transmis à l'avocat le 30 septembre 2019,
- 321,94 € au titre du suivi de la procédure judiciaire,
soit au total la somme de 938,32 euros.
Sur la demande de condamnation solidaire des indivisaires :
Faute pour le syndicat d'établir que le règlement de copropriété contient une clause de solidarité, les consorts [Z] doivent être condamnés conjointement au paiement des sommes dues, chacun à proportion de ses droits dans l'indivision, étant précisé que leurs quote-parts respectives sont précisées dans la fiche d'immeuble susvisée.
Sur la demande accessoire en dommages-intérêts :
La défaillance des consorts [Z] prive durablement le syndicat d'une partie de la trésorerie nécessaire à son bon fonctionnement et lui occasionne de ce fait un préjudice distinct du simple retard de paiement qui doit être réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros, les intimés étant cette fois tenus in solidum.
Sur la demande d'octroi de délais de paiement :
Compte tenu de la nature et de l'ancienneté de la créance, il n'apparaît pas opportun de faire application de l'article 1343-5 du code civil au profit des intimés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement à l'égard de MM. [J] et [L] [Z], et réputé contradictoire à l'égard de Madame [H] [Z],
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Déclare irrecevables les demandes des consorts [Z] tendant à l'annulation des assemblées générales des copropriétaires tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017, 17 mai 2018, 21 mai 2019, 30 octobre 2019 et 15 janvier 2021,
Condamne conjointement [J], [L] et [H] [Z], chacun à proportion de ses droits dans l'indivision, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4.088 euros au titre des charges de copropriété échues entre le 2 janvier 2018 et le 4 mai 2021 et celle de 938,32 euros au titre des frais relevant de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, outre intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2021,
Condamne in solidum [J], [L] et [H] [Z] à payer au syndicat la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts,
Déboute le syndicat du surplus de ses demandes,
Déboute les intimés de leur demande d'octroi de délais de paiement,
Condamne les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser à l'appelant une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 16 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 418
N° RG 21/10747
N° Portalis DBVB-V-B7F-BH2HP
Syndicat des copropriétaires [Adresse 5]
C/
[J] [Z]
[L] [Z]
[H] [Z]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Anne Cécile NAUDIN
Me Pierre CAROSSO
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire,Tribunal de proximité de MARSEILLE en date du 29 Juin 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19-004519.
APPELANTE
Syndicat des copropriétaires [Adresse 5] sis à [Localité 4]
[Adresse 2]
agissant par son syndic en exercice le Cabinet THINOT SAS, dont le siège social est [Adresse 1] poursuites et diligences de son représentant légal en exercice audit siège domicilié
représentée par Me Anne Cécile NAUDIN, membre de l'association CABINET NAUDIN AVOCATS JURISTES, avocat au barreau de MARSEILLE
INTIMÉS
Monsieur [J] [Z]
né le 13 Août 1963 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011388 du 07/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
Monsieur [L] [Z]
né le 09 Février 1994 à [Localité 4], demeurant [Adresse 2]
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/011389 du 07/01/2022 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)
représentés par Me Pierre CAROSSO, avocat au barreau de MARSEILLE
Madame [H] [Z]
née le 05 Janvier 1999 à [Localité 4], demeurant Chez [J] [Z] [Adresse 5] [Adresse 3]
assignée le 02/09/2021 à domicile (DA)
assignation remise le 15/10/2021 à domicile (DA et Conclusions)
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 01 Juillet 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Alice BISIOU, faisant fonction
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024.
ARRÊT
Réputé contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant acte notarié du 1er juin 2007, Monsieur [J] [Z] et ses deux enfants [L] et [H] [Z] ont acquis en indivision la propriété d'un appartement et d'une cave constituant les lots n° 96 et 102 de l'état descriptif de division de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 5], situé [Adresse 2].
Par actes délivrés le 18 décembre 2019 et conclusions postérieures, le syndicat des copropriétaires les a assignés devant le tribunal judiciaire de Marseille en paiement du solde débiteur de leur compte de répartition de charges, provisoirement arrêté à la somme de 7.842,24 euros au 4 mai 2021, outre 2.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Les consorts [Z] ont opposé en premier lieu plusieurs fins de non-recevoir. Sur le fond, ils ont conclu à titre reconventionnel à l'annulation des assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017, 17 mai 2018, 21 mai 2019 et 30 octobre 2019, ayant notamment approuvé les comptes des exercices écoulés et les budgets prévisionnels des exercices à venir, aux motifs qu'ils n'y avaient pas été régulièrement convoqués et que les procès-verbaux ne leur avaient pas été notifiés. Ils ont conclu en conséquence au rejet de la demande en paiement du syndicat.
Par jugement rendu le 29 juin 2021, le tribunal a :
- déclaré recevable l'action du syndicat,
- prononcé 'la nullité des procès-verbaux' des assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018,
- rejeté les demandes de nullité des procès-verbaux des assemblées tenues les 21 mai et 30 octobre 2019,
- condamné conjointement les consorts [Z] à payer la somme de 2.588 euros au titre des charges échues entre le 2 janvier 2018 et le 4 mai 2021, celle de 16,80 euros au titre des frais de recouvrement relevant de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 et celle de 250 euros à titre de dommages-intérêts,
- rejeté leur demande d'octroi de délais de paiement,
- et condamné les consorts [Z] aux dépens, ainsi qu'au paiement d'une somme de 700 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de cette décision le 16 juillet 2021.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives notifiées le 8 mars 2022, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice le Cabinet THINOT, fait valoir :
- que M. [J] [Z], qui détenait un mandat tacite de représentation de l'indivision, a été régulièrement convoqué à l'assemblée générale du 21 mai 2019, et que le procès-verbal des délibérations lui a également été notifié,
- que les autres procès-verbaux ont été notifiés aux consorts [Z] en même temps que l'assignation et n'ont fait l'objet d'aucun recours dans le délai prévu à l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965,
- qu'il produit les pièces comptables justifiant du bien fondé de sa demande,
- que nonobstant l'absence de clause de solidarité dans le règlement de copropriété, les indivisaires sont tenus solidairement au paiement des charges lorsque la quote-part détenue par chacun n'a pas été notifiée au syndic,
- et que le montant des dommages-intérêts qui lui ont été alloués en première instance ne correspond pas au préjudice subi du fait de la carence des débiteurs.
Il demande à la cour :
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré son action recevable, débouté les consorts [Z] de leur demande de nullité des procès-verbaux des assemblées générales des 21 mai et 30 octobre 2019, et rejeté leur demande d'octroi de délais de paiement,
- de l'infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau, de condamner solidairement ou in solidum les consorts [J], [L] et [H] [Z] à payer la somme de 7.842,24 euros au titre du solde débiteur de leur compte de répartition de charges arrêté au 4 mai 2021, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation, outre celle de 2.000 euros à titre de dommages-intérêts,
- de condamner les intimés aux entiers dépens et au paiement d'une somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions récapitulatives notifiées le 9 décembre 2021, MM. [J] et [L] [Z] soutiennent pour leur part :
- qu'en vertu de l'article 2241 du code civil, l'assignation en justice a interrompu le délai de forclusion édicté par l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965,
- que la demande en nullité des assemblées générales peut valablement être formée par voie de conclusions reconventionnelles,
- que l'action en nullité d'une assemblée générale dans son entier se prescrit par un délai de dix ans, et non pas de deux mois,
- qu'[J] [Z] ne représentait pas l'indivision, de sorte qu'il incombait au syndic de convoquer tous les indivisaires ou de faire désigner en justice un mandataire commun.
Ils ajoutent qu'ils n'ont pas été régulièrement convoqués à l'assemblée générale qui s'est tenue le 15 janvier 2021, postérieurement à l'introduction de l'instance.
Ils demandent à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a prononcé la nullité des assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018,
- de l'infirmer pour le surplus,
- statuant à nouveau et y ajoutant, de prononcer la nullité des assemblées générales tenues les 21 mai 2019, 30 octobre 2019 et 15 janvier 2021 et de débouter le syndicat de l'intégralité de ses demandes en paiement,
- subsidiairement, de leur accorder les plus larges délais de paiement,
- en tout état de cause, de condamner le syndicat aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3.000 euros au profit de leur conseil en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Madame [H] [Z], citée par acte du 2 septembre 2021 signifié dans les conditions prévues à l'article 656 du code de procédure civile, n'a pas constitué avocat, de sorte qu'il sera statué par défaut à son égard.
L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 juin 2024.
DISCUSSION
Sur la recevabilité de l'action du syndicat :
La cour n'est pas saisie d'une demande d'infirmation du chef de jugement ayant déclaré recevable l'action en paiement introduite par le syndicat des copropriétaires, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce point.
Sur les demandes d'annulation des assemblées générales :
En vertu de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal, laquelle doit être effectuée par le syndic dans le délai d'un mois à compter de la tenue de l'assemblée générale (ou deux mois avant l'entrée en vigueur de la loi du 23 novembre 2018).
Le non-respect du délai de notification par le syndic n'est cependant assorti d'aucune sanction, et le délai pour agir commence alors à courir à compter de la notification effective du procès-verbal, y compris dans le cas où l'action est fondée sur une absence de convocation régulière de son auteur à l'assemblée générale.
D'autre part, en vertu de l'article 651 alinéa 3 du code de procédure civile, la notification peut toujours être faite par voie de signification, alors même que la loi l'aurait prévue sous une autre forme.
Toutefois en l'espèce, il convient de relever :
- d'une part, que l'assignation en justice délivrée par le syndicat des copropriétaires ne vaut pas signification des procès-verbaux d'assemblée générale faute de mention expresse en ce sens,
- et d'autre part, que l'action en annulation desdites assemblées ne peut être valablement formée par voie de conclusions reconventionnelles, les époux [Z] pouvant uniquement se prévaloir par voie d'exception de l'inopposabilité des décisions prises dans des conditions irrégulières à leur endroit.
Il y a lieu en conséquence d'infirmer le chef de jugement ayant annulé les assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018 (sans avoir égard à la maladresse de rédaction évoquant 'la nullité des procès-verbaux') et de déclarer irrecevables les demandes des intimés tendant à l'annulation de toutes les assemblées litigieuses.
Sur la demande en paiement des charges :
Il est constant en droit que l'approbation des comptes ou des budgets prévisionnels par l'assemblée générale a pour effet de rendre certaine, liquide et exigible la créance du syndicat, et autorise le syndic à recouvrer les charges ou provisions appelées à l'encontre de chaque copropriétaire.
Toutefois, les décisions de l'assemblée générale sont inopposables aux copropriétaires qui n'ont pas été régulièrement convoqués à y assister.
- Sur les assemblées générales tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017 et 17 mai 2018 :
Le syndic ne justifie pas de l'envoi d'une convocation à l'un quelconque des intimés en vue de participer à ces trois assemblées, les procès-verbaux mentionnant en outre l'absence des consorts [Z].
Il en résulte que les résolutions portant approbation des comptes des exercices 2015, 2016 et 2017 leur sont inopposables et ne peuvent fonder une action en paiement des charges correspondantes.
- Sur l'assemblée générale du 21 mai 2019 :
Le syndic justifie en revanche avoir convoqué M. [J] [Z] par lettre recommandée adressée le 23 avril 2019, l'avis de réception étant revenu signé par son destinataire, et lui avoir notifié le procès-verbal des délibérations dans les mêmes formes le 19 juin 2019.
Il ressort de la fiche d'immeuble délivrée par le service de la publicité foncière que l'intéressé avait fait l'acquisition des lots n° 96 et 102 par acte du 1er juin 2007 en indivision avec ses deux enfants, qui étaient alors mineurs pour être nés les 9 février 1994 et 5 janvier 1999. Il avait donc vocation à recevoir les notifications destinées à l'indivision en sa qualité de représentant légal de ces derniers.
A compter de leur accession à l'âge de la majorité, il incombait à [L] et [H] [Z] de se manifester auprès du syndic s'ils entendaient être désormais personnellement destinataires de ces notifications. A défaut, ce dernier a pu valablement considérer M. [J] [Z] comme le mandataire commun de l'indivision en application de l'article 23 de la loi du 10 juillet 1965.
Il en résulte que les notifications ont été régulièrement effectuées et que les résolutions portant approbation des comptes de l'exercice 2018 sont pleinement opposables aux intimés et peuvent fonder une action en paiement des charges correspondantes.
- Sur l'assemblée générale du 30 octobre 2019 :
Aux termes du procès-verbal produit aux débats, il apparaît que cette assemblée ne concernait que les copropriétaires du bâtiment F9, alors que les consorts [Z] sont copropriétaires au sein du bâtiment E8. Par conséquent, les travaux votés à l'occasion de cette assemblée spéciale n'ont pas de répercussion sur le montant des charges réclamées aux intimés.
- Sur l'assemblée générale du 15 janvier 2021 :
Cette assemblée s'est tenue hors la présence physique des copropriétaires, lesquels ont été appelés à voter par correspondance sur les questions inscrites à l'ordre du jour en application de l'ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 prise durant la période d'état d'urgence sanitaire.
Le syndic justifie avoir convoqué M. [J] [Z] par lettre recommandée avec demande d'avis de réception adressée le 14 décembre 2020 et lui avoir notifié le procès-verbal des délibérations dans les mêmes formes le 17 février 2021, l'accusé de réception étant revenu signé par son destinataire.
Il en résulte que les résolutions portant approbation des comptes de l'exercice 2019 et des budgets prévisionnels des exercices 2020 et 2021 sont pleinement opposables aux intimés et peuvent fonder une action en paiement des charges et provisions correspondantes.
En définitive, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement du syndicat pour ce qui concerne les charges échues entre le 2 janvier 2018 et le 4 mai 2021, pour un montant de 4.088 euros dûment justifié par les documents comptables produits aux débats, étant relevé que les consorts [Z] n'allèguent aucune erreur dans l'établissement de leur compte individuel.
Sur les frais relevant de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 :
Compte tenu des moyens de défense opposés par les consorts [Z], la gestion de la procédure de recouvrement a nécessité de la part du syndic des diligences exceptionnelles au sens du contrat qui le lie au syndicat, de sorte qu'il convient de mettre à la charge des copropriétaires défaillants les sommes de :
- 288,00 € au titre des mises en demeure adressées le 20 février 2019,
- 297,64 € au titre de la constitution du dossier transmis à l'avocat le 30 septembre 2019,
- 321,94 € au titre du suivi de la procédure judiciaire,
soit au total la somme de 938,32 euros.
Sur la demande de condamnation solidaire des indivisaires :
Faute pour le syndicat d'établir que le règlement de copropriété contient une clause de solidarité, les consorts [Z] doivent être condamnés conjointement au paiement des sommes dues, chacun à proportion de ses droits dans l'indivision, étant précisé que leurs quote-parts respectives sont précisées dans la fiche d'immeuble susvisée.
Sur la demande accessoire en dommages-intérêts :
La défaillance des consorts [Z] prive durablement le syndicat d'une partie de la trésorerie nécessaire à son bon fonctionnement et lui occasionne de ce fait un préjudice distinct du simple retard de paiement qui doit être réparé par l'allocation d'une somme de 500 euros, les intimés étant cette fois tenus in solidum.
Sur la demande d'octroi de délais de paiement :
Compte tenu de la nature et de l'ancienneté de la créance, il n'apparaît pas opportun de faire application de l'article 1343-5 du code civil au profit des intimés.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant contradictoirement à l'égard de MM. [J] et [L] [Z], et réputé contradictoire à l'égard de Madame [H] [Z],
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Déclare irrecevables les demandes des consorts [Z] tendant à l'annulation des assemblées générales des copropriétaires tenues les 12 mai 2016, 9 mai 2017, 17 mai 2018, 21 mai 2019, 30 octobre 2019 et 15 janvier 2021,
Condamne conjointement [J], [L] et [H] [Z], chacun à proportion de ses droits dans l'indivision, à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 4.088 euros au titre des charges de copropriété échues entre le 2 janvier 2018 et le 4 mai 2021 et celle de 938,32 euros au titre des frais relevant de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, outre intérêts au taux légal à compter du 4 mai 2021,
Condamne in solidum [J], [L] et [H] [Z] à payer au syndicat la somme de 500 euros à titre de dommages-intérêts,
Déboute le syndicat du surplus de ses demandes,
Déboute les intimés de leur demande d'octroi de délais de paiement,
Condamne les intimés aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à verser à l'appelant une somme de 2.500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette la demande fondée sur l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT