Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 23 octobre 2024, n° 21/02380
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 422
N° RG 21/02380
N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6Y6
A.S.L. [Adresse 4]
C/
[E] [U]
[N] [W] épouse [U]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Olivier DE PERMENTIER
Me Patrice REVAH
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de MANOSQUE en date du 07 Décembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-20-0031.
APPELANTE
A.S.L. « [Adresse 4] », sis [Adresse 4]
représenté par son gestionnaire actuellement en exercice, la société Cabinet de gestion APC, SARL et dont le siège social est [Adresse 2], pris en la personne de son représentant légal, Monsieur [C] [P], domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Olivier DE PERMENTIER, membre de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur [E] [U]
né le 06 Mai 1984 à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 1]
Madame [N] [W] épouse [U]
née le 19 Décembre 1983 à [Localité 3] (05), demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Patrice REVAH, membre de la SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M.et Mme [U] sont propriétaires d'un bien sis [Adresse 4]. Se prévalant de charges impayées,l'association syndicale libre, ci après dénommée ASL [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC, a fait citer M.et Mme [U] par acte du 5 février 2020 devant le Tribunal de Proximité de MANOSQUE.
Considérant que les époux [U] n'ont pas été valablement convoqués et n'ont pas été destinataires des procès verbaux des assemblées générales ni des appels de fonds, par jugement rendu le 7 décembre 2020, le Tribunal:
ANNULE les assemblées générales de l'association Syndicale libre "[Adresse 4]", représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC qui se sont tenues le 9 janvier 2015, le 20 février 2016, le 5 mai 2018 et le 25 mai 2019,
REJETTE la demande en paiement des charges de copropriétés formulée par l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC,
CONDAMNE l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC à payer à M.et Mme [U] la somme de 2675,97 euros au titre de la somme perçue à l'issue de l'opposition,
DECLARE irrecevables les demandes formulées par M.et Mme [U] à l'encontre du Cabinet de gestion APC,
CONDAMNE l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC à payer à M.et Mme [U] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNE l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC aux dépens de l'instance.
REJETTE le surplus des demandes.
Par déclaration au greffe en date du 16 février 2021, l'ASL [Adresse 4] a interjeté appel de cette décision.
Elle sollicite:
A titre principal, sur l'annulation du Jugement pour violation du contradictoire :
Dire et Juger que le Tribunal a statué en faisant application des dispositions de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis sans rouvrir les débats pour inviter les parties à se prononcer et que se faisant, il a violé les dispositions de l'article 16 du CPC;
Annuler en conséquence le Jugement ;
A titre subsidiaire, sur la réformation partielle de la décision :
Dire et Juger que pour rendre sa décision le Tribunal va se fonder sur les dispositions de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
Dire et Juger que cependant, le litige étant relatif à une ASL, les dispositions applicables sont celles des statuts de l'ASL et les dispositions de l'Ordonnance 2004-632 du 01 juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et du décret 2006-504 du 03 mai 2006 portant application de cette ordonnance ;
Réformer la décision entreprise en certaines de ses dispositions et statuer à nouveau ;
Dire et Juger qu'il ne peut être reproché au gestionnaire de ne pas avoir convoqué M.et Mme [U] aux assemblées générales alors qu'il n'était pas informé de leur qualité de colotis ;
Réformer la décision entreprise de ce chef et Débouter M.et Mme [U] de leur demande d'annulation des procès-verbaux d'assemblée générale ;
Dire et Juger que l'opposition n'ayant pas fait l'objet d'une contestation en Justice dans le délai de trois mois, elle ne pouvait plus être remise en cause ni annulée ;
Réformer la décision entreprise de ce chef et Débouter M.et Mme [U] de leur demande d'annulation de l'opposition ;
Dire et Juger que le Cabinet de gestion APC n'étant pas partie au procès, il ne peut être condamné;
Confirmer la décision entreprise de ce chef et débouter M.et Mme [U] de leur demande de condamnation ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer à l'Association Syndicale Libre « [Adresse 4] » la somme principale de 68,60 € au titre des charges, selon décompte arrêté au 16 janvier 2020 ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer à l'Association Syndicale Libre « [Adresse 4] » la somme de 2.300,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la résistance illégitime opérée ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer à l'Association Syndicale Libre « [Adresse 4] » la somme de 1.500,00 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer les entiers dépens du procès de première instance et d'appel.
A l'appui de son recours, elle fait valoir:
- que quand les colotis le 21 juin 2015 ont décidé d'avoir recours à un gestionnaire professionnel, une erreur a été commise lors du transfert du listing des colotis par le bureau à ce dernier,
- que pour le lot 37 il lui a été donné comme propriétaire M.et Mme [I],
- que les appels de fonds ont été émis à ce nom, comme les convocations aux AG,
- qu'en mai 2019, le gestionnaire est informé de ce que le lot 37 appartient à M.et Mme [U] et les informe le 7 mai 2019 d'un arriéré de charges, tout en leur adressant les appels de fonds, et la convocation à l'AG du 25 mai 2019,
- que le 26 novembre 2019, le gestionnaire reçoit un avis de mutation et fait réaliser une opposition entre les mains du notaire,
- que cette opposition ne produit effet que si elle n'a pas été contestée en justice dans un délai de 3 mois,
- que le gestionnaire a mis en demeure les époux [U] en vain puis a agi en justice,
- qu'en première instance son action en paiement comme les conclusions en réponse des époux [U] sont fondées sur les statuts de l'ASL et les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application, alors que le tribunal a fondé sa décision sur les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, sans respecté le principe du contradictoire en ne réouvrant pas les débats, de sorte que le jugement encourt l'annulation,
- que subsidiairement, la loi du 10 juillet 1965 n'est pas applicable aux ASL,
- qu'étant donné que les archives ne mentionnaient pas les époux [U] comme propriétaire du lot 37 il ne peut être fait grief au gestionnaire de ne pas les avoir convoqués, ils ne communiquent pas un avis de mutation régulier envoyé au bureau de l'ASL lors de leur acquisition, comme en fait l'obligation l'article 26,
- que pour l'AG de 2019, le délai de 15 jours a été respecté parce qu'ils ont reçu leur convocation le 9 mai pour une AG le 25 mai, de sorte que la nullité pour tardiveté de la convocation n'est pas encourue,
- que faute de contestation en justice dans les trois mois de l'opposition prise en vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, cette opposition est régulière et elle ne peut être condamnée à rembourser le montant perçu,
- que si la contestation peut être formée au delà du délai de trois mois c'est devant le juge de l'exécution,
- que la demande de dommages et intérêts à l'encontre du gestionnaire ne peut prospérer ce dernier n'étant pas partie au procès et n'ayant commis aucune faute, faute d'avoir été averti de la mutation entre les époux [I] et les époux [U],
- qu'il reste dû la somme de 68,60€, outre des dommages et intérêts.
M.et Mme [U] concluent:
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de MANOSQUE le 7 décembre 2020 en toutes ses dispositions
En conséquence,
PRONONCER la nullité des assemblées générales de l'ASL [Adresse 4] des 9 janvier 2015, 20 février 2016, 5 mai 2018 et 25 mai 2019
CONDAMNER l'ASL [Adresse 4] à payer aux époux [U] la somme de 2.675,97 € qui lui a été versée par le Notaire suite à l'opposition régularisée entre ses mains ;
DEBOUTER l'ASL [Adresse 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires
CONDAMNER l'association syndicale libre « [Adresse 4] » représentée par la SARL APC à payer aux époux [U] une indemnité de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
CONDAMNER l'association syndicale libre « [Adresse 4] » représentée par la SARL APC en tous les dépens à payer les entiers dépens du procès de première instance et d'appel.
Ils soutiennent:
- qu'ils ont été colotis de 2011 au 26 novembre 2019,
- que de 2011 à 2015 ils ont été régulièrement convoqués aux AG et ont réglé les appels de charges,
- que depuis son mandat en 2015 le nouveau syndic les a totalement ignorés tant dans les convocations aux AG que dans les appels de charges et mis face à ses responsabilité les a mis en demeure de régler les charges puis a fait opposition entre les mains du notaire quand ils ont vendu le bien, sans produire aucun justificatif de ces charges,
- que si le tribunal cite les articles 10, 22 et 42 de la loi du 10 juillet 1965 aucune demande des parties ne se rattache à ces textes et le tribunal s'est fondé exclusivement sur l'article 9 des statuts de l'ASL, de sorte qu'il n'y a pas violation du principe du contradictoire et nullité du jugement encourue,
- que contrairement aux statuts, ils n'ont pas été convoqués aux AG de 2016 à 2019 incluses, années de référence des appels de fonds dont le paiement est demandé, ni n'ont été destinataires de la notification des PV d'AG,
- qu'ils ne peuvent être confondus avec les époux [I] qui n'ont jamais été propriétaires de leur lot,
- que la nullité est encourue pour défaut de convocation, entraînant la nullité des appels de fonds correspondants,
- que leur demande en remboursement des sommes obtenues par l'ASL en vertu de son opposition est recevable et bien fondée du fait de l'annulation des PV des AG,
- que la conservation et la gestion des archives sont comprises dans la mission ordinaire du syndic, or ils ont été les premiers acquéreurs du lot 37.
- que la convocation pour l'AG de 2019 est tardive,
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en nullité du jugement pour non respect du principe du contradictoire
L'ASL prétend que le tribunal de première instance a statué en faisant application des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis sans rouvrir les débats pour inviter les parties à se prononcer en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.
Or si le jugement cite les articles 10, 22 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, il n'est fondé que sur l'article 9 des statuts de l'ASL du [Adresse 4], de sorte qu'il n'y a pas violation du principe du contradictoire de nature en entraîner la nullité du jugement entrepris.
Sur la nullité des procès verbaux d'assemblée générale
Il résulte de l'article 9-2 des statuts de l'ASL [Adresse 4] que les convocations aux assemblées générales sont effectuées par lettre adressée au moins 15 jours avant la réunion....Elles sont adressées sous pli recommandé aux propiétaires ou à leurs représentants au domicile qu'ils ont fait connaître ou leur sont remises contre décharge.
L'article 15 de ces statuts prévoit que les décisions sont notifiées aux propriétaires qui n'ont pas été présents ou représentés au moyen d'une copie du procès verbal certifiée par le président et adressée sous pli simple aux propriétaires ayant participé aux travaux de l'assemblée ou ayant voté contre les résolutions proposées.
Il ressort de ces dispositions:
- l'obligation d'envoyer les convocations contenant l'ordre du jour au moins 15 jours à l'avance,
- la notification des délibérations aux propriétaires non présents ou représentés.
Il n'est pas contestable que les époux [U] n'ont pas été convoqués aux assemblées générales des années 2016 à 2019 incluses, années de référence des appels de fonds dont le paiement leur est demandé.
En effet, s'agissant de la convocation pour l'AG du 25 mai 2019, comme l'a retenu le premier juge, l'ASL ne justifie pas avoir effectivement convoqué les époux [U], ne produisant qu'un retour d'accusé de réception sans copie de la lettre envoyée alors même que les époux [U] contestent la réception du courrier 15 jours avant la tenue de l'AG.
Pour les autres années l'ASL ne conteste pas l'absence de convocation aux AG.
Il ne leur a pas été davantage notifié les PV de ces assemblées générales, de sorte que leur action ne peut être considérée comme forclose.
Il résulte des pièces versées aux débats que les époux [U] ont payé leurs charges de novembre 2011 à juin 2015 étant régulièrement convoqués aux AG, comme en atteste la feuille de présence à l'AG de 2015.
Ils figuraient donc nécessairement dans les archives du syndicat. L'interruption des convocations et des notifications des PV d'AG correspond à la date de prise de fonction de syndic par APC en 2015. La difficulté au niveau du listing du nouveau syndic ne résulte pas d'une erreur imputable aux époux [U].
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des AG de 2016 à 2019 ainsi que les appel de fonds correspondants, a rejeté la demande en paiement de l'ASL à l'encontre des époux [U] et l'a condamnée à restituer à ces derniers la somme de 2 675,97€.
En effet, contrairement à ce qu'affirme l'ASL aucun délai ne s'impose au copropriétaire vendeur de lots dont le prix de vente a fait l'objet d'une opposition du syndicat des copropriétaires pour contester cette opposition en justice.
Sur les autres demandes
L'ASL [Adresse 4] représentée par la SARL APEC est condamnée à 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
REJETTE la demande en nullité du jugement entrepris,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS,
Y ajoutant
CONDAMNE l'ASL [Adresse 4] représentée par la SARL APEC à régler à M.et Mme [U] la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE l'ASL [Adresse 4] représentée par la SARL APEC aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 23 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 422
N° RG 21/02380
N° Portalis DBVB-V-B7F-BG6Y6
A.S.L. [Adresse 4]
C/
[E] [U]
[N] [W] épouse [U]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Olivier DE PERMENTIER
Me Patrice REVAH
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de proximité de MANOSQUE en date du 07 Décembre 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-20-0031.
APPELANTE
A.S.L. « [Adresse 4] », sis [Adresse 4]
représenté par son gestionnaire actuellement en exercice, la société Cabinet de gestion APC, SARL et dont le siège social est [Adresse 2], pris en la personne de son représentant légal, Monsieur [C] [P], domicilié ès qualité audit siège
représentée par Me Olivier DE PERMENTIER, membre de la SCP TGA-AVOCATS, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
INTIMÉS
Monsieur [E] [U]
né le 06 Mai 1984 à [Localité 5] (13), demeurant [Adresse 1]
Madame [N] [W] épouse [U]
née le 19 Décembre 1983 à [Localité 3] (05), demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Patrice REVAH, membre de la SELARL BAYETTI SANTIAGO REVAH, avocat au barreau des ALPES DE HAUTE-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
M.et Mme [U] sont propriétaires d'un bien sis [Adresse 4]. Se prévalant de charges impayées,l'association syndicale libre, ci après dénommée ASL [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC, a fait citer M.et Mme [U] par acte du 5 février 2020 devant le Tribunal de Proximité de MANOSQUE.
Considérant que les époux [U] n'ont pas été valablement convoqués et n'ont pas été destinataires des procès verbaux des assemblées générales ni des appels de fonds, par jugement rendu le 7 décembre 2020, le Tribunal:
ANNULE les assemblées générales de l'association Syndicale libre "[Adresse 4]", représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC qui se sont tenues le 9 janvier 2015, le 20 février 2016, le 5 mai 2018 et le 25 mai 2019,
REJETTE la demande en paiement des charges de copropriétés formulée par l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC,
CONDAMNE l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC à payer à M.et Mme [U] la somme de 2675,97 euros au titre de la somme perçue à l'issue de l'opposition,
DECLARE irrecevables les demandes formulées par M.et Mme [U] à l'encontre du Cabinet de gestion APC,
CONDAMNE l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC à payer à M.et Mme [U] la somme de 1000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
CONDAMNE l'association Syndicale libre [Adresse 4], représentée par son gestionnaire en exercice, la société Cabinet de gestion APC aux dépens de l'instance.
REJETTE le surplus des demandes.
Par déclaration au greffe en date du 16 février 2021, l'ASL [Adresse 4] a interjeté appel de cette décision.
Elle sollicite:
A titre principal, sur l'annulation du Jugement pour violation du contradictoire :
Dire et Juger que le Tribunal a statué en faisant application des dispositions de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis sans rouvrir les débats pour inviter les parties à se prononcer et que se faisant, il a violé les dispositions de l'article 16 du CPC;
Annuler en conséquence le Jugement ;
A titre subsidiaire, sur la réformation partielle de la décision :
Dire et Juger que pour rendre sa décision le Tribunal va se fonder sur les dispositions de la loi 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis ;
Dire et Juger que cependant, le litige étant relatif à une ASL, les dispositions applicables sont celles des statuts de l'ASL et les dispositions de l'Ordonnance 2004-632 du 01 juillet 2004 relative aux associations syndicales de propriétaires et du décret 2006-504 du 03 mai 2006 portant application de cette ordonnance ;
Réformer la décision entreprise en certaines de ses dispositions et statuer à nouveau ;
Dire et Juger qu'il ne peut être reproché au gestionnaire de ne pas avoir convoqué M.et Mme [U] aux assemblées générales alors qu'il n'était pas informé de leur qualité de colotis ;
Réformer la décision entreprise de ce chef et Débouter M.et Mme [U] de leur demande d'annulation des procès-verbaux d'assemblée générale ;
Dire et Juger que l'opposition n'ayant pas fait l'objet d'une contestation en Justice dans le délai de trois mois, elle ne pouvait plus être remise en cause ni annulée ;
Réformer la décision entreprise de ce chef et Débouter M.et Mme [U] de leur demande d'annulation de l'opposition ;
Dire et Juger que le Cabinet de gestion APC n'étant pas partie au procès, il ne peut être condamné;
Confirmer la décision entreprise de ce chef et débouter M.et Mme [U] de leur demande de condamnation ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer à l'Association Syndicale Libre « [Adresse 4] » la somme principale de 68,60 € au titre des charges, selon décompte arrêté au 16 janvier 2020 ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer à l'Association Syndicale Libre « [Adresse 4] » la somme de 2.300,00 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par la résistance illégitime opérée ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer à l'Association Syndicale Libre « [Adresse 4] » la somme de 1.500,00 € par application des dispositions de l'article 700 du CPC ;
Réformer la décision entreprise et Condamner M.et Mme [U] à payer les entiers dépens du procès de première instance et d'appel.
A l'appui de son recours, elle fait valoir:
- que quand les colotis le 21 juin 2015 ont décidé d'avoir recours à un gestionnaire professionnel, une erreur a été commise lors du transfert du listing des colotis par le bureau à ce dernier,
- que pour le lot 37 il lui a été donné comme propriétaire M.et Mme [I],
- que les appels de fonds ont été émis à ce nom, comme les convocations aux AG,
- qu'en mai 2019, le gestionnaire est informé de ce que le lot 37 appartient à M.et Mme [U] et les informe le 7 mai 2019 d'un arriéré de charges, tout en leur adressant les appels de fonds, et la convocation à l'AG du 25 mai 2019,
- que le 26 novembre 2019, le gestionnaire reçoit un avis de mutation et fait réaliser une opposition entre les mains du notaire,
- que cette opposition ne produit effet que si elle n'a pas été contestée en justice dans un délai de 3 mois,
- que le gestionnaire a mis en demeure les époux [U] en vain puis a agi en justice,
- qu'en première instance son action en paiement comme les conclusions en réponse des époux [U] sont fondées sur les statuts de l'ASL et les dispositions de l'ordonnance du 1er juillet 2004 et son décret d'application, alors que le tribunal a fondé sa décision sur les dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, sans respecté le principe du contradictoire en ne réouvrant pas les débats, de sorte que le jugement encourt l'annulation,
- que subsidiairement, la loi du 10 juillet 1965 n'est pas applicable aux ASL,
- qu'étant donné que les archives ne mentionnaient pas les époux [U] comme propriétaire du lot 37 il ne peut être fait grief au gestionnaire de ne pas les avoir convoqués, ils ne communiquent pas un avis de mutation régulier envoyé au bureau de l'ASL lors de leur acquisition, comme en fait l'obligation l'article 26,
- que pour l'AG de 2019, le délai de 15 jours a été respecté parce qu'ils ont reçu leur convocation le 9 mai pour une AG le 25 mai, de sorte que la nullité pour tardiveté de la convocation n'est pas encourue,
- que faute de contestation en justice dans les trois mois de l'opposition prise en vertu de l'article 3 de l'ordonnance du 1er juillet 2004, cette opposition est régulière et elle ne peut être condamnée à rembourser le montant perçu,
- que si la contestation peut être formée au delà du délai de trois mois c'est devant le juge de l'exécution,
- que la demande de dommages et intérêts à l'encontre du gestionnaire ne peut prospérer ce dernier n'étant pas partie au procès et n'ayant commis aucune faute, faute d'avoir été averti de la mutation entre les époux [I] et les époux [U],
- qu'il reste dû la somme de 68,60€, outre des dommages et intérêts.
M.et Mme [U] concluent:
CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de MANOSQUE le 7 décembre 2020 en toutes ses dispositions
En conséquence,
PRONONCER la nullité des assemblées générales de l'ASL [Adresse 4] des 9 janvier 2015, 20 février 2016, 5 mai 2018 et 25 mai 2019
CONDAMNER l'ASL [Adresse 4] à payer aux époux [U] la somme de 2.675,97 € qui lui a été versée par le Notaire suite à l'opposition régularisée entre ses mains ;
DEBOUTER l'ASL [Adresse 4] de toutes ses demandes, fins et conclusions contraires
CONDAMNER l'association syndicale libre « [Adresse 4] » représentée par la SARL APC à payer aux époux [U] une indemnité de 5 000,00 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ;
CONDAMNER l'association syndicale libre « [Adresse 4] » représentée par la SARL APC en tous les dépens à payer les entiers dépens du procès de première instance et d'appel.
Ils soutiennent:
- qu'ils ont été colotis de 2011 au 26 novembre 2019,
- que de 2011 à 2015 ils ont été régulièrement convoqués aux AG et ont réglé les appels de charges,
- que depuis son mandat en 2015 le nouveau syndic les a totalement ignorés tant dans les convocations aux AG que dans les appels de charges et mis face à ses responsabilité les a mis en demeure de régler les charges puis a fait opposition entre les mains du notaire quand ils ont vendu le bien, sans produire aucun justificatif de ces charges,
- que si le tribunal cite les articles 10, 22 et 42 de la loi du 10 juillet 1965 aucune demande des parties ne se rattache à ces textes et le tribunal s'est fondé exclusivement sur l'article 9 des statuts de l'ASL, de sorte qu'il n'y a pas violation du principe du contradictoire et nullité du jugement encourue,
- que contrairement aux statuts, ils n'ont pas été convoqués aux AG de 2016 à 2019 incluses, années de référence des appels de fonds dont le paiement est demandé, ni n'ont été destinataires de la notification des PV d'AG,
- qu'ils ne peuvent être confondus avec les époux [I] qui n'ont jamais été propriétaires de leur lot,
- que la nullité est encourue pour défaut de convocation, entraînant la nullité des appels de fonds correspondants,
- que leur demande en remboursement des sommes obtenues par l'ASL en vertu de son opposition est recevable et bien fondée du fait de l'annulation des PV des AG,
- que la conservation et la gestion des archives sont comprises dans la mission ordinaire du syndic, or ils ont été les premiers acquéreurs du lot 37.
- que la convocation pour l'AG de 2019 est tardive,
L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 juin 2024.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande en nullité du jugement pour non respect du principe du contradictoire
L'ASL prétend que le tribunal de première instance a statué en faisant application des dispositions de la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis sans rouvrir les débats pour inviter les parties à se prononcer en violation des dispositions de l'article 16 du code de procédure civile.
Or si le jugement cite les articles 10, 22 et 42 de la loi du 10 juillet 1965, il n'est fondé que sur l'article 9 des statuts de l'ASL du [Adresse 4], de sorte qu'il n'y a pas violation du principe du contradictoire de nature en entraîner la nullité du jugement entrepris.
Sur la nullité des procès verbaux d'assemblée générale
Il résulte de l'article 9-2 des statuts de l'ASL [Adresse 4] que les convocations aux assemblées générales sont effectuées par lettre adressée au moins 15 jours avant la réunion....Elles sont adressées sous pli recommandé aux propiétaires ou à leurs représentants au domicile qu'ils ont fait connaître ou leur sont remises contre décharge.
L'article 15 de ces statuts prévoit que les décisions sont notifiées aux propriétaires qui n'ont pas été présents ou représentés au moyen d'une copie du procès verbal certifiée par le président et adressée sous pli simple aux propriétaires ayant participé aux travaux de l'assemblée ou ayant voté contre les résolutions proposées.
Il ressort de ces dispositions:
- l'obligation d'envoyer les convocations contenant l'ordre du jour au moins 15 jours à l'avance,
- la notification des délibérations aux propriétaires non présents ou représentés.
Il n'est pas contestable que les époux [U] n'ont pas été convoqués aux assemblées générales des années 2016 à 2019 incluses, années de référence des appels de fonds dont le paiement leur est demandé.
En effet, s'agissant de la convocation pour l'AG du 25 mai 2019, comme l'a retenu le premier juge, l'ASL ne justifie pas avoir effectivement convoqué les époux [U], ne produisant qu'un retour d'accusé de réception sans copie de la lettre envoyée alors même que les époux [U] contestent la réception du courrier 15 jours avant la tenue de l'AG.
Pour les autres années l'ASL ne conteste pas l'absence de convocation aux AG.
Il ne leur a pas été davantage notifié les PV de ces assemblées générales, de sorte que leur action ne peut être considérée comme forclose.
Il résulte des pièces versées aux débats que les époux [U] ont payé leurs charges de novembre 2011 à juin 2015 étant régulièrement convoqués aux AG, comme en atteste la feuille de présence à l'AG de 2015.
Ils figuraient donc nécessairement dans les archives du syndicat. L'interruption des convocations et des notifications des PV d'AG correspond à la date de prise de fonction de syndic par APC en 2015. La difficulté au niveau du listing du nouveau syndic ne résulte pas d'une erreur imputable aux époux [U].
En conséquence, le jugement est confirmé en ce qu'il a prononcé la nullité des AG de 2016 à 2019 ainsi que les appel de fonds correspondants, a rejeté la demande en paiement de l'ASL à l'encontre des époux [U] et l'a condamnée à restituer à ces derniers la somme de 2 675,97€.
En effet, contrairement à ce qu'affirme l'ASL aucun délai ne s'impose au copropriétaire vendeur de lots dont le prix de vente a fait l'objet d'une opposition du syndicat des copropriétaires pour contester cette opposition en justice.
Sur les autres demandes
L'ASL [Adresse 4] représentée par la SARL APEC est condamnée à 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,
REJETTE la demande en nullité du jugement entrepris,
CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 7 décembre 2020 par le Tribunal judiciaire de DIGNE LES BAINS,
Y ajoutant
CONDAMNE l'ASL [Adresse 4] représentée par la SARL APEC à régler à M.et Mme [U] la somme de 1500€ sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,
CONDAMNE l'ASL [Adresse 4] représentée par la SARL APEC aux entiers dépens de l'appel.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT