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Décisions

CA Paris, Pôle 6 - ch. 13, 11 octobre 2024, n° 19/10148

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 19/10148

11 octobre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 6 - Chambre 13

ARRÊT DU 11 octobre 2024

(n° , 16 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : S N° RG 19/10148 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAYCK

Décision déférée à la Cour : jugement rendu le 11 Septembre 2019 par le Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY RG n° 19/01473

APPELANTE

URSSAF ILE DE FRANCE

Division des recours amiables et judiciaires

[Adresse 6]

[Localité 3]

représenté par Mme [V] [I] en vertu d'un pouvoir général

INTIMEE

SA [5]

[Adresse 1]

[Localité 2]

représentée par Me Julie JACOTOT, avocat au barreau de PARIS, toque : K020

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Février 2024, en audience publique et double rapporteur, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et Monsieur Gilles REVELLES, Conseiller, chargés du rapport

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre

M. Raoul CARBONARO, président de chambre

M Gilles REVELLES , conseiller

Greffier : Mme Fatma DEVECI, lors des débats

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- prononcé

par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, initialement prévu le 26 avril 2024, prorogé au 27 septembre 2024, puis au 11 octobre 2024,les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Mme Carine TASMADJIAN, présidente de chambre et par Mme Fatma DEVECI, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Les circonstances de la cause ayant été correctement rapportées par le tribunal dans son jugement au contenu duquel la cour entend se référer pour un plus ample exposé, il suffit de rappeler que l'Urssaf d'Île-de-France, devenue de Paris - Région parisienne, a procédé au sein de la société à deux contrôles successifs de l'application de la législation de la sécurité sociale, de l'assurance chômage et de la garantie des salaires AGS :

- Le premier concernant la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 (ci-après le contrôle 2010-2012) ;

- Le second celle du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014 (ci-après le contrôle 2013-2014).

Ces contrôles ont donné lieu à la notification de deux lettres d'observations :

- La première, s'agissant du contrôle 2010-2012, en date du 17 octobre 2013, envisageant une rectification sociale pour un montant de 770 631 euros au titre de 17 chefs, ainsi que 4 observations pour l'avenir, dont le point n° 19 relatif aux obligations déclaratives de la société à l'occasion de la distribution d'actions gratuites ;

- La seconde, s'agissant du contrôle 2013-2014, en date du 5 mai 2015, envisageant une rectification sociale au titre de deux chefs conduisant à un crédit de 782 651 euros, à savoir un redressement envisagé (point n°1) relatifs aux " attributions gratuites d'actions " pour un montant de 827 989 euros et un crédit envisagé (point n°2) relatif au " versement transport " d'un montant de 1 610 640 euros.

La société a contesté les deux lettres d'observations par lettres des 19 novembre 2013 et 4 juin 2015 auxquelles l'Urssaf a répondu :

- S'agissant du contrôle 2010-2012, par lettre du 2 décembre 2013, en faisant partiellement droit aux observations de la société et en minorant le redressement envisagé en cotisations à un montant de 235 euros ;

- S'agissant du contrôle 2013-2014, par lettre du 9 juillet 2015, en confirmant la rectification envisagée tant dans son principe que dans son montant.

Le 6 décembre 2013, l'Urssaf a notifié à la société les observations pour l'avenir qui avaient été envisagées dans la lettre d'observations du 17 octobre 2013 au titre de la période 2010-2012 s'agissant, notamment, de l'attribution d'actions gratuites (point n° 19).

C'est dans ce contexte que l'Urssaf a établi une mise en demeure, le 18 décembre 2013, concernant le seul contrôle 2010-2012, pour obtenir paiement de la somme de 3 808 euros comprenant 235 euros de cotisations et 3 573 euros de majorations de retard.

Par lettre du 1er octobre 2015, l'Urssaf notifiait à la société la décision administrative fixant, par compensation, un crédit à hauteur de 782 651 euros au titre du contrôle de la période 2013-2014 et l'invitait à déduire cet avoir lors des prochaines échéances de cotisations. Aucune mise en demeure n'a été adressée à la société sur le fondement de la rectification envisagée par la lettre d'observations du 5 mai 2015 au titre de la période 2013-2014.

Contestant le bien-fondé de ces décisions, la société a, par deux lettres en date des 17 janvier 2014 (contrôle 2010-2012 : contestation des redressements opérés, fond et forme, et observations pour l'avenir, et mise en demeure du 18 décembre 2013) et 15 octobre 2015 (contrôle 2013-2014 : chef de redressement n° 1 relatif aux attributions d'actions gratuites), saisi la commission de recours amiable (CRA) de l'Urssaf.

Faute de décision explicite, la société a formé deux recours contentieux devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de Bobigny :

- Le premier par requête du 13 janvier 2016, aux fins de contester " le redressement " opéré sur la période 2013-2014 ; ce recours a été enregistré sous le numéro de RG 16-00097/B, réenrôlé sous le n° 19-001473 ;

- Le second par requête du 31 mai 2016, aux fins de contester les chefs n° 7 et 18 du redressement opéré sur la période 2010-2012, outre l'observation pour l'avenir correspondant au point n° 19 de la lettre d'observations notifiée le 6 décembre 2013 ; ce recours a été enregistré sous le numéro de RG 16-01189/B, réenrôlé sous le n° 18-00128/B puis sous le n° 19-01476.

Rejetant explicitement à chaque fois les demandes de la société, la CRA rendait enfin ses décisions les :

- 8 mars 2016, notifiée le 4 avril 2016, s'agissant de la période 2010-2012 ;

- Et 25 septembre 2017 notifiées le 28 septembre 2017, s'agissant de la période 2013-2014.

En application de la réforme des contentieux sociaux issue de la loi n°2016-1547 du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice du XXIe siècle, l'affaire a été transférée le 1er janvier 2019 au pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny.

Par jugement du 11 septembre 2019, le tribunal a :

- Ordonné la jonction des procédures enregistrées au greffe du tribunal sous les numéros 19-01473 et 19-01476 ;

- Déclaré recevable l'action de la société et l'a dit bien fondée ;

- Annulé le redressement n° 1 opéré à titre de l'attribution d'actions gratuites pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 à hauteur de 827 989 euros ;

- Débouté la société de sa demande d'annulation du chef de redressement n° 19 (observations pour l'avenir) relative à l'absence de notification au titre de l'attribution d'actions gratuites ;

- Condamné l'Urssaf à rembourser à la société la somme de 827 989 euros au titre du chef de redressement n° 1 annulé ;

- Annulé le chef de redressement n° 7 relatif aux avantages en nature-stagiaires pour un montant de 79 334 euros de cotisations pour la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ;

- Condamné l'Urssaf à rembourser à la société la somme de 79 334 euros au titre du chef de redressement n° 7 annulé ;

- Dit que les intérêts au taux légal commenceront à courir à compter du 31 mai 2016 pour les sommes dues pour la période 2010-2012 et à compter du 13 janvier 2016 pour les sommes dues pour la période 2013-2014 ;

- Débouté l'Urssaf de sa demande reconventionnelle ;

- Rejeté toutes conclusions plus amples ou contraires ;

- Dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamné la société et l'Urssaf à payer les dépens de l'instance à hauteur de 50% chacun.

Pour statuer ainsi sur le chef de redressement n° 1 (2013-2014), le tribunal a retenu que le bénéfice de l'exonération est subordonné à deux conditions, d'une part la notification à l'Urssaf de l'attribution d'actions gratuites dans l'année civile qui suit l'expiration de la période d'acquisition fixée par l'assemblée générale extraordinaire, d'autre part le respect des conditions d'attribution. Le tribunal a relevé au cas d'espèce que l'assemblée générale mixte du 31 mai 2017 (sic) avait autorisé le conseil d'administration à procéder en une ou plusieurs fois pendant une période de 38 mois à l'attribution d'actions et que le 2 mars 2009 le conseil d'administration avait décidé de procéder à l'attribution d'actions gratuites en faveur des salariés du groupe, le plan d'attribution 2009 comportant une période d'acquisition de 2 ans à compter du 2 mars 2009 et une période de conservation de 2 ans à compter du 3 mars 2011. Le tribunal a rappelé que la Cour de cassation avait décidé que le fait générateur restait la date d'attribution, en l'espèce le 2 mars 2011, peu important les conditions d'exonération qui étaient sans effet sur cette date, de sorte que, contrairement à ce qu'elle soutenait, l'Urssaf avait bien procédé à deux reprises au même contrôle s'agissant de l'attribution d'actions gratuites prévue dans le plan 2009, le défaut de notification n'ayant aucun effet sur l'attribution définitive fixée au 3 mars 2011, et que l'Urssaf aurait dû ainsi procéder au redressement au titre de l'année 2011 et non au titre de l'année 2013, et que 2011 était exclue de la seconde période contrôlée et au titre de laquelle a été opéré le redressement chiffré comme en atteste la lettre d'observations qui mentionne la période du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2014. Il s'ensuit que c'est lors de la période 2010-2012 que l'Urssaf aurait pu procéder au redressement et non à une simple observation pour l'avenir. En outre, le tribunal relève que l'Urssaf aurait pu, dès la lettre d'observations du 17 octobre 2013, procéder au redressement puisqu'elle avait relevé qu'au 31 décembre 2012, la société n'avait procédé à aucune notification, de sorte qu'il n'était pas nécessaire d'attendre plus longtemps pour constater la non-réalisation de l'une des conditions d'exonération au titre de la période contrôlée 2010-2012 et que le second contrôle réalisé 5 mois après le premier laissait penser que l'Urssaf avait tenté de régulariser son erreur d'analyse. En conséquence, le tribunal a annulé le redressement n° 1 au titre de l'attribution d'actions gratuites pour la période du 1er janvier 2013 au 31 janvier 2013 mais qu'il n'y avait pas lieu d'annuler l'observation pour l'avenir puisque l'Urssaf pouvait toujours décider de ne pas redresser et se limiter à une simple observation pour l'avenir à des fins pédagogiques. Le tribunal a relevé que dans sa lettre d'observations du 5 mai 2015, l'Urssaf avait confirmé l'existence d'un crédit en faveur de la société qu'elle a déduit du montant dû au titre du chef de redressement n° 1 et qu'il convenait donc de condamner l'Urssaf à rembourser cette somme à compter de la première demande interpellative de remboursement qui, à défaut de justificatif contraire, pouvait être fixée au 31 mai 2019.

Sur le chef de redressement n° 7 (2010-2012), le tribunal a retenu que l'Urssaf qui avait procédé à un contrôle de la période du 1er janvier 2007 au 31 décembre 2008 avait consulté les conventions des stagiaires, lesquelles faisaient apparaître que les déjeuners de ces derniers étaient pris en charge dans la limite de 4,50 euros par repas alors qu'au 1er janvier 2007 l'avantage nourriture était fixée à 4,20 euros le repas, de sorte qu'il y avait similitude de situation avec le contrôle effectué en 2009 et que l'Urssaf avait parfaitement connaissance de ce que la société prenait en charge un montant supérieur à l'avantage fixé par arrêté mais n'avait pas pour autant opéré un redressement ni formulé d'observations pour l'avenir. Le tribunal a estimé en conséquence que le silence gardé par les inspecteurs lors de ce précédent contrôle constituait bien l'acceptation prise en toute connaissance de cause d'une pratique antérieure, de sorte qu'il convenait d'annuler le chef de redressement n° 7. Rappelant qu'un crédit avait été pris en compte par l'Urssaf au titre du versement transport et que le chef de redressement n° 7 était annulé, le tribunal condamnait l'Urssaf à rembourser la somme réclamée au titre du redressement n° 7 avec les intérêts au taux légal à compter de la première demande interpellative de remboursement qui, à défaut de justificatifs contraires, pouvait être fixée au 31 mai 2016 pour les sommes dues au titre de la période 2010-2012 et au 13 janvier 2016 pour la période 2013-2014.

Le jugement a été notifié aux parties le 13 septembre 2019 et l'Urssaf a régulièrement interjeté appel devant la présente cour par déclaration enregistrée au greffe le 8 octobre 2019.

Par conclusions du 23 décembre 2021, la société se portait appelante incidente et sollicitait la réformation du jugement du chef de l'observation pour l'avenir.

Par lettre du 21 avril 2022, l'Urssaf s'est désistée de son appel, désistement que la société refusait par lettre du 21 décembre 2023. En outre, elle maintenait expressément son appel incident.

L'affaire a alors été fixée à l'audience collégiale du 29 septembre 2022 puis renvoyée à celle du 22 juin 2023 et finalement à celle du 1er février 2024 pour être plaidée.

L'Urssaf, représentée par un agent muni d'un pouvoir, rappelle que par lettre du 21 avril 2022, elle s'est désistée de son appel mais que la société a maintenu son appel incident. Elle demande en conséquence à la cour, au visa de ses écritures, de :

Au titre du contrôle 2010-2012 :

- Constater qu'elle s'en rapporte à justice sur la validité de la mise en demeure du 18 décembre 2013 ;

- Confirmer le jugement en ce qu'il a validé les observations pour l'avenir notifiées le 5 décembre 2013, s'agissant de la nécessité de notifier à l'organisme la liste des bénéficiaires ;

- Si la cour estimait qu'il y avait lieu de condamner l'organisme au remboursement de la somme 156 168 euros fixer le point de départ de " l'ITL " à la date de notification de l'arrêt à intervenir, l'argument de nullité de la mise en demeure n'ayant été soulevé pour la première fois qu'en cause d'appel ;

Au titre du contrôle 2013-2014 :

- Solliciter l'infirmation du jugement en ce qu'il a annulé le redressement opéré au titre de l'attribution gratuite d'actions pour un montant de 827 989 euros ;

Et statuant à nouveau,

- Confirmer le redressement opéré à ce titre ;

- En conséquence débouter la société de sa demande de remboursement de la somme de 827 989 euros ;

- Condamner la société à payer 3 000 euros l'article 700 du code de procédure civile.

La société, reprenant oralement le bénéfice de ses conclusions et les complétant, demande à la cour de :

- Lui donner acte qu'elle n'accepte pas le désistement de l'Urssaf et qu'elle maintient son appel incident ;

Sur la forme,

- Annuler la mise en demeure 18 décembre 2013 ;

- En conséquence, condamner l'Urssaf à lui verser la somme de 156 168 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du prononcé de l'arrêt ;

Sur le fond,

- Annuler l'observation pour l'avenir relative à la notification des bénéficiaires d'attributions gratuites d'actions mentionnée dans la confirmation d'observation pour l'avenir du 6 décembre 2013 ;

- Annuler le chef de redressement n° 1 opéré lors du contrôle 2013-2014 et portant sur un montant de 827 989 euros ainsi que les majorations de retard y afférentes ;

- En conséquence, condamner l'Urssaf à lui rembourser la somme de 827 989 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de compensation ;

- Annuler le chef de redressement n° 7 relatif aux stagiaires-avantage en nature nourriture ainsi que les majorations de retard y afférentes ;

En conséquence, condamner l'Urssaf à lui rembourser la somme de 79 334 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de compensation ;

En tout état de cause,

- Débouter l'Urssaf de l'intégralité de ses demandes ;

- Condamner l'Urssaf à lui payer la somme de 3 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé complet des prétentions et moyens des parties, et en application du deuxième alinéa de l'article 446-2 et de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie à leurs écritures écrites, visées par le greffe à l'audience du 1er février 2024, qu'elles ont respectivement soutenues oralement.

Après s'être assurée de l'effectivité d'un échange préalable des pièces et écritures, la cour a retenu l'affaire et mis son arrêt en délibéré au 26 avril 2024, date qui sera prorogée au 11 octobre 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'appel principal et l'appel incident sont recevables, le désistement de l'appelante ayant été refusé.

- Sur le fond

L'article R. 243-43-4, dans sa version en vigueur du 1er septembre 2007 au 11 juillet 2016, disposait que :

Lorsqu'à l'issue des vérifications mentionnées à l'article R. 243-43-3, l'organisme de recouvrement envisage un redressement, il adresse par lettre recommandée avec demande d'avis de réception un courrier au cotisant lui indiquant :

1° Les déclarations et les documents examinés ;

2° Les périodes auxquelles se rapportent ces déclarations et documents ;

3° Le motif, le mode de calcul et le montant du redressement envisagé ;

4° La faculté dont il dispose de se faire assister d'un conseil de son choix pour répondre aux observations faites, sa réponse devant être notifiée à l'organisme de recouvrement dans un délai de trente jours ;

5° Le droit pour l'organisme d'engager la mise en recouvrement en l'absence de réponse de sa part à l'issue de ce même délai.

Lorsque le cotisant a fait part de ses observations dans le délai prévu au 4°, l'organisme de recouvrement lui confirme par courrier s'il maintient ou non sa décision d'engager la mise en recouvrement pour tout ou partie des sommes en cause.

L'organisme de recouvrement engage, dans les conditions définies à l'article R. 244-1, la mise en recouvrement des cotisations, des majorations et des pénalités de retard faisant l'objet du redressement :

- soit à l'issue du délai fixé au 4° en l'absence de réponse du cotisant parvenue dans ce délai à l'organisme ;

- soit après l'envoi par l'organisme de recouvrement du courrier par lequel il a été répondu aux observations du cotisant.

Lorsqu'à l'issue des vérifications mentionnées à l'article R. 243-43-3, l'organisme de recouvrement constate que les sommes qui lui ont été versées excèdent les sommes dont l'employeur ou le travailleur indépendant était redevable, il en informe l'intéressé en précisant les modalités d'imputation ou de remboursement.

À titre liminaire, la cour observe que le litige pose quatre questions distinctes qui doivent être examinées au regard de l'article précité.

En premier lieu, trois questions concernent la période contrôlée du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012, ayant fait l'objet de la lettre d'observations du 17 octobre 2013 envisageant une rectification d'assiette, laquelle période a fait ensuite l'objet d'une part d'un redressement notifié par lettre de mise en demeure du 18 décembre 2013 et d'autre part de la notification d'observations pour l'avenir, dont le point n° 19, par lettre du 6 décembre 2013. Il s'agit d'abord d'une contestation de la validité de la mise en demeure notifiant le redressement, ensuite d'une contestation du point n°7 de la lettre d'observations relatif aux " stagiaires-avantage en nature nourriture " compris dans la mise en demeure du 18 décembre 2013, enfin d'une contestation du point n° 19 de la lettre d'observations relative à l'" actionnariat - actions gratuites - absence de notification à l'Urssaf ", ayant donné lieu à l'une des observations pour l'avenir notifiées par lettre du 6 décembre 2013.

En second lieu, une dernière question concerne la contestation du point n°1 de la lettre d'observations du 5 mai 2015 relatif à l'" actionnariat - actions gratuites - absence de notification à l'Urssaf ", étant observé que cette lettre d'observations pour la période 2013-2014 n'a pas donné lieu à une mise en demeure subséquente et par conséquent à la notification d'un redressement mais à la notification d'une décision administrative fixant un crédit et ses modalités d'imputation ou de remboursement conformément au dernier alinéa de l'article R. 243-43-4 du code de la sécurité sociale.

Ces quatre questions seront examinées dans cet ordre.

1. Sur la validité de la mise en demeure du 18 décembre 2013

- Moyens des parties

La société sollicite l'annulation de la mise en demeure établie le 17 décembre 2013 au motif qu'elle ne comporte pas la mention selon laquelle le cotisant dispose d'un délai d'un mois pour procéder au paiement avant que des poursuites soient engagées à son encontre.

L'Urssaf s'en remet à la décision de la cour.

- Réponse de la cour

Aux termes de l'article L. 244-2 du code de la sécurité sociale :

Toute action ou poursuite effectuée en application de l'article précédent ou des articles L. 244-6 et L. 244-8-1 est obligatoirement précédée, si elle a lieu à la requête du ministère public, d'un avertissement par lettre recommandée de l'autorité compétente de l'État invitant l'employeur ou le travailleur indépendant à régulariser sa situation dans le mois. Si la poursuite n'a pas lieu à la requête du ministère public, ledit avertissement est remplacé par une mise en demeure adressée par lettre recommandée à l'employeur ou au travailleur indépendant. Le contenu de l'avertissement ou de la mise en demeure mentionnés au premier alinéa doit être précis et motivé, dans des conditions fixées par décret en Conseil d'État.

L'article R. 244-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version en vigueur du 1er janvier 2010 au 1er janvier 2017, précise que :

L'envoi par l'organisme de recouvrement ou par le service mentionné à l'article R. 155-1 de l'avertissement ou de la mise en demeure prévus à l'article L. 244-2, est effectué par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. L'avertissement ou la mise en demeure précise la cause, la nature et le montant des sommes réclamées ainsi que la période à laquelle elles se rapportent.

L'avertissement ou la mise en demeure, qui constitue une invitation impérative adressée au débiteur d'avoir à régulariser sa situation dans le délai imparti, et la contrainte délivrée à la suite de cette mise en demeure restée sans effet, doivent permettre à l'intéressé d'avoir connaissance de la nature, de la cause et de l'étendue de son obligation. À cette fin il importe qu'elles précisent, à peine de nullité, outre la nature et le montant des cotisations réclamées, la période à laquelle elles se rapportent, sans que soit exigée la preuve d'un préjudice.

En l'espèce, les pièces produites aux débats permettent de constater que la mise en demeure établie le 18 décembre 2013 mentionne :

* la date de son établissement ;

* la cause de l'obligation, en l'espèce le paiement des cotisations et contributions obligatoires de sécurité sociale établie à la suite d'un contrôle et d'une lettre d'observations adressées préalablement le 17 octobre 2013 ;

* le rappel des échanges dans le cadre de la procédure contradictoire et le nouveau chiffrage du redressement notifié le 2 décembre 2013 ;

* le motif de la mise en recouvrement à savoir une absence de versement de ces cotisations obligatoires ;

* la période de référence à savoir du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 ;

* le détail des montants des cotisations appelées et les majorations, soit respectivement les sommes de 235 euros et 3 573 euros, lesquelles sont en outre ventilées par année.

Néanmoins, si la mise en demeure porte la mention vous devez vous acquitter de cette somme, sous réserve des versements déjà effectués à ce titre, selon votre mode habituel de paiement et indique les adresses de courrier postal ou électronique auxquelles une contestation peut être formée, force est de constater qu'elle ne comporte pas la mention selon laquelle à défaut de règlement des sommes dues dans un délai d'un mois suivant la date de réception, des poursuites pourraient être engagées sans nouvel avis.

Or, il résulte des dispositions de l'article L. 244-2 précité que toute action ou poursuite effectuée en application de l'article L. 244-1 ou des articles L. 244-6 et L. 244-11 est obligatoirement précédée, d'une mise en demeure adressée à l'employeur l'invitant à régulariser sa situation dans le mois.

Il convient en conséquence d'annuler la mise en demeure du 18 décembre 2013.

En revanche, il n'y a pas lieu de condamner l'Urssaf à rembourser à la société la somme de 120 138 euros correspondant selon l'intéressée, dans le corps de ses écritures, à un crédit dégagé lors du contrôle au titre du versement transport, somme qui n'est ni expliquée par la société ni retrouvée dans la lettre d'observations du 17 octobre 2013 ou la mise en demeure du 18 décembre 2013, pas plus que la somme de 156 168 euros portée dans le dispositif, sans autre explication, et, par conséquent, d'assortir cette somme des intérêts au taux légal " à compter de la compensation ".

2.Sur le point n° 7 de la lettre du 17 octobre 2013

La mise en demeure du 18 décembre 2013 étant annulée, de sorte que le redressement est intégralement annulé, il n'y a pas lieu de statuer sur le point n° 7 de la lettre du 17 octobre 2013 envisageant le redressement.

3.Sur l'observation pour l'avenir de la lettre du 6 décembre 2013 correspondant au point n° 19 de la lettre d'observations du 17 octobre 2013

- Moyens des parties

La société rappelle en substance qu'en application de l'article L. 242-1, alinéa 13, du code de la sécurité sociale en vigueur à la date du contrôle, le gain issu de l'acquisition définitive des actions attribuées gratuitement est exonéré de cotisations de sécurité sociale sous réserve de respecter certaines conditions, notamment la notification par l'employeur à l'Urssaf de l'identité des salariés et des mandataires sociaux bénéficiaires des attributions gratuites définitives au cours de l'année civile précédente, ainsi que le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d'eux. Lorsque les formalités ne sont pas respectées, l'avantage résultant des actions définitivement acquises ne peut pas bénéficier du traitement social de faveur y afférant. La société fait valoir qu'en matière d'attribution gratuite d'actions, le bénéficiaire devient définitivement titulaire des actions au terme de la période d'acquisition, généralement deux ans après la date d'attribution par le conseil d'administration. Elle soutient ainsi que le fait générateur des cotisations de sécurité sociale, dans l'hypothèse où le plan ne bénéficie pas du traitement social de faveur, c'est-à-dire en cas de non-respect de l'obligation déclarative, est donc la date d'attribution définitive des actions, date à laquelle les titres entrent définitivement dans le patrimoine des attributaires, et non la date de cession des titres.

La société fait valoir qu'au cas d'espèce le conseil d'administration avait décidé le 2 mars 2009 d'attribuer des actions gratuites aux salariés du groupe conformément à l'autorisation de l'assemblée générale mixte du 31 mai 2007 et que les bénéficiaires étaient devenus définitivement propriétaires des actions à l'issue d'une période d'acquisition de deux ans, soit le 3 mars 2011 et que l'Urssaf, lors du contrôle des années 2010-2012 a notifié une observation pour l'avenir en décembre 2013 indiquant : " Au 31 décembre 2012, aucune notification auprès de l'Urssaf n'a été faite. Dès lors, l'une des conditions permettant l'exonération de l'assiette des cotisations de la valeur des actions gratuites n'étant pas respectée, la valeur des actions définitivement attribuées aurait dû être réintégré dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, à compter du 1er janvier 2013. L'employeur est informé de son obligation de soumettre à cotisations et contributions sociales les actions définitivement acquises en 2011 ". Au contraire, la société soutient que les bénéficiaires du plan de 2009 étant devenus définitivement propriétaires des actions le 3 mars 2011, et l'attribution de ces actions ne pouvant pas bénéficier du traitement social de faveur, le fait générateur des cotisations devait être fixé au 3 mars 2011 et non au regard de la date limite de notification à l'Urssaf de l'identité des bénéficiaires des actions, à savoir le 1er janvier 2013. Ce faisant l'Urssaf considère que l'absence de notification de l'identité des bénéficiaires du plan de 2009 ayant fait perdre le bénéfice du régime social de faveur aux intéressés, le fait générateur des cotisations de sécurité sociale applicables aux actions attribuées au titre de ce plan serait le constat du défaut de notification de l'identité des bénéficiaires à l'Urssaf. La société soutient ainsi que l'Urssaf et la CRA commettent manifestement une erreur en confondant la date du constat du défaut de notification et le fait générateur des cotisations de sécurité sociale. La société soutient au contraire que le constat du défaut de notification au 31 décembre 2012 permet de considérer que l'avantage doit être soumis à cotisations de sécurité sociale mais que le fait générateur de ces cotisations est la date d'acquisition définitive des actions, soit le 3 mars 2011. Si le défaut de notification ne peut être constaté qu'au 1er janvier 2013, cela ne justifie pas pour autant que le fait générateur des cotisations de sécurité sociale doive corrélativement être repoussé à cette même date.

La société conclut qu'elle ne devait pas soumettre à cotisation les actions attribuées au titre du plan 2009 " à compter du 1er janvier 2013 " mais à compter du 1er janvier 2011, date du fait générateur des cotisations sociales en cas de non-respect des obligations déclaratives, et sollicite en conséquence l'annulation de l'observation pour l'avenir en raison de la contestation du contenu de cette dernière au regard de la date d'exigibilité des cotisations qui est mentionnée et l'annulation du redressement dans la mesure où l'observation pour l'avenir est indissociable du redressement chiffré qui a suivi puisqu'elle en constitue le fondement.

L'Urssaf réplique qu'afin d'encourager l'actionnariat des salariés la loi de finances pour 2005 a institué un dispositif permettant aux entreprises d'attribuer des actions gratuites à leurs salariés et mandataires sociaux (art. L. 242-1 CSS), ce mécanisme permettant à un salarié de devenir propriétaire de titres alloués gratuitement au terme d'une période d'acquisition et d'en disposer librement à l'issue d'une période de conservation. En outre, cette attribution est exonérée des cotisations de sécurité sociale à deux conditions, d'une part la notification à l'Urssaf de l'attribution d'actions gratuites, d'autre part le respect des conditions d'attribution. Elle ajoute que l'obligation de lui déclarer l'identité des bénéficiaires, le nombre et la valeur des actions, à peine de soumettre à cotisations sociales la valeur des actions définitivement attribuées, prévue par l'article L. 242-1 du code de la sécurité sociale, a été jugé conforme à la constitution par le Conseil constitutionnel. L'Urssaf soutient ensuite que la notification de cette déclaration doit intervenir dans l'année civile qui suit l'expiration de la période d'acquisition fixée par l'assemblée générale extraordinaire et que c'est donc la date d'expiration de la période d'acquisition qui détermine la date à compter de laquelle doit intervenir ladite déclaration, laquelle doit mentionner l'identité des salariés, le nombre et la valeur des actions attribuées à chacun d'eux. L'Urssaf indique que par mesure de simplification, la déclaration annuelle des salaires peut être utilisée comme support de notification. L'Urssaf explique alors que la perte éventuelle du régime social de faveur s'apprécie nécessairement au 1er janvier de l'année qui suit celle au cours de laquelle la notification doit intervenir et que les cotisations sociales doivent être calculées sur la valeur des actions au jour de leur attribution définitive qui est la date d'expiration de la période d'acquisition, cette valeur étant appelée gain d'acquisition. Elle ajoute que l'arrêt de la cour d'appel de Lyon du 28 juin 2016 excipé par la partie adverse n'a en aucune façon statué sur la période redressée ou le fait générateur mais seulement sur la question de savoir si le seul défaut de notification à l'Urssaf des bénéficiaires des actions gratuites devait entraîner ipso facto la perte des exonérations. Enfin les dispositions de l'article L. 43-12-4 du code de la sécurité sociale l'empêchent d'agir contre un employeur et de procéder une nouvelle fois à un contrôle portant pour une même période sur les points de la législation applicable et ayant déjà fait l'objet d'une vérification.

L'Urssaf observe qu'au cas d'espèce l'assemblée générale mixte du 31 mai 2007 a autorisé le conseil d'administration, selon certaines modalités, à attribuer des actions gratuites en faveur des salariés du groupe et que le conseil d'administration du 2 mars 2009 a décidé de procéder à l'attribution de ces actions. Elle observe que le plan d'attribution arrêté en 2009 comporte une période d'acquisition de 2 ans à compter du 2 mars 2009 et une période de conservation de 2 ans à compter du 3 mars 2011. Elle ajoute que la société devait notifier à l'Urssaf l'attribution d'actions gratuites dans l'année civile suivant l'expiration de la période d'acquisition fixée par l'assemblée générale extraordinaire, soit jusqu'au 31 décembre 2012, afin de bénéficier de l'exonération des cotisations. Or, précisément, la société n'a pas notifié le nom des salariés ayant bénéficié définitivement des actions gratuites, ainsi que le nombre et la valeur de ces actions par salarié, en 2012, de sorte que le bénéfice de l'exonération des cotisations était perdu. Elle soutient que le non-respect de cette condition ne pouvait être constaté qu'à compter du 1er janvier 2013. L'Urssaf soutient que le fait générateur des cotisations résultant du non-respect de la formalité déclarative n'est donc pas la date d'attribution définitive des actions mais bien la perte du régime de faveur intervenue au 1er janvier 2013 en raison de l'absence de notification au 31 décembre 2012. Elle explique que du fait générateur des cotisations découle leur exigibilité, fixée, concernant la société en application de l'article R. 243-6 du code de la sécurité sociale, au 5 du mois suivant le fait générateur. L'Urssaf soutient en conséquence que c'est bien à compter de la première exigibilité de 2013 et non de l'exigibilité suivant la date d'attribution des actions que l'entreprise était tenue au paiement des cotisations sociales en raison de l'absence de notification au cours de l'année 2012. Elle ajoute que la date d'exigibilité constitue le point de départ du délai de prescription pour l'envoi de la mise en demeure. Elle soutient qu'elle ne détenait une créance certaine susceptible de faire l'objet d'une mise en recouvrement par voie de mise en demeure qu'à compter de l'exigibilité suivant la perte du régime de faveur au 1er janvier 2013. L'Urssaf conteste la position de la société selon laquelle elle aurait procédé une nouvelle fois à un contrôle, puisque la lettre d'observations du 17 octobre 2013 ne visait que la période du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012 et qu'à cette date, le point litigieux a fait l'objet d'une lettre d'observations pour l'avenir précisant : " qu'au 31 décembre 2012, aucune notification auprès de l'Urssaf n'a été faite. Dès lors, l'une des conditions permettant l'exonération de l'assiette des cotisations de la valeur des actions gratuites n'étant pas respectée, la valeur des actions définitivement attribuées aurait dû être réintégrée dans l'assiette des cotisations et contributions sociales à compter du 1er janvier 2013. L'employeur est informé de son obligation de soumettre à cotisations et contributions sociales les actions définitivement acquises en 2011. " Cette observation pour l'avenir a été confirmée le 6 décembre 2013 et un contrôle a eu lieu ensuite pour la période suivante. Ainsi la période ouverte au 1er janvier 2013 n'était pas visée par la lettre d'observations concernant la période 2010-2012, de sorte qu'aucun redressement ne pouvait être procédé au sujet du point litigieux.

- Réponse de la cour

Selon l'article L. 242-1, alinéa 13, du code de la sécurité sociale, dans ses rédactions antérieures en vigueur jusqu'au 1er janvier 2013, applicable au litige, si les attributions gratuites d'actions ne sont pas effectuées conformément aux conditions prévues par ce texte, l'employeur est tenu au paiement de la totalité des cotisations sociales, y compris pour leur part salariale.

Il résulte de la combinaison des articles L. 242-1, alinéa 1er, et R. 243-6 du code de la sécurité sociale, ce dernier dans sa rédaction en vigueur du 5 mai 2007 au 24 novembre 2016, soit à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, que le versement de la rémunération constitue le fait générateur des cotisations sociales.

En droit, le fait générateur des cotisations sociales afférentes à l'avantage résultant d'attributions gratuites d'actions s'entend de l'attribution définitive de ces actions à leurs bénéficiaires au terme de la période d'acquisition, de sorte que l'avantage doit être évalué à la date de cette acquisition en fonction de l'économie réalisée par le bénéficiaire.

L'avantage réalisé par le salarié et soumis à cotisations correspond en conséquence à la valeur des actions à leur date d'acquisition, c'est-à-dire leur attribution définitive, de sorte que l'organisme de recouvrement peut procéder à juste titre à la réintégration dans l'assiette des cotisations de la valeur des actions attribuées aux salariés à l'expiration de la période d'acquisition, qui correspond à la date à laquelle ils en sont devenus propriétaires (Cass., 2e Civ., 5 septembre 2024, n° 22-18.293).

Il s'ensuit que le fait générateur des cotisations sociales afférentes à l'avantage résultant d'attributions gratuites d'actions n'étant pas la cession des actions attribuées gratuitement aux salariés mais l'attribution définitive de celles-ci à leurs bénéficiaires au terme de la période d'acquisition, l'avantage doit être évalué à la date de cette acquisition en fonction de l'économie réalisée par le bénéficiaire et réintégré, pour leur valeur au jour de l'acquisition définitive, dans l'assiette des cotisations sociales, au plus tard, à l'issue de la période d'un an suivant leur attribution définitive impartie à la société pour, notamment, notifier le nom des salariés ayant bénéficié définitivement des actions gratuites, ainsi que le nombre et la valeur de ces actions par salarié.

Enfin, par une observation les inspecteurs du contrôle peuvent exiger pour l'avenir la modification des pratiques déclaratives de la société, lesquelles peuvent, s'il n'y est pas mis fin, motiver un redressement lors d'un prochain contrôle.

En l'espèce, il est constant que l'assemblée générale mixte du 31 mai 2007 a autorisé le conseil d'administration à procéder en une ou plusieurs fois pendant une période de 38 mois à l'attribution d'actions en faveur des salariés du groupe et que le conseil d'administration du 2 mars 2009 a décidé de procéder à cette attribution d'actions gratuites. Le plan d'attribution déterminé en 2009 comporte une période d'acquisition de 2 ans à compter du 2 mars 2009 et une période de conservation de 2 ans à compter du 3 mars 2011.

Il s'ensuit que l'attribution définitive des actions gratuites aux salariés bénéficiaires du plan est intervenue le 3 mars 2011. La société était donc tenue, afin de pouvoir bénéficier du régime d'exonération de ces avantages, de respecter l'ensemble des conditions fixées par l'article L. 242-1, alinéa 13, du code de la sécurité sociale. Ainsi, elle devait, notamment, notifier à l'Urssaf l'attribution d'actions gratuites dans l'année civile suivant l'expiration de la période d'acquisition fixée par l'assemblée générale extraordinaire, soit jusqu'au 3 mars 2012, date prolongée au 31 décembre 2012 par mesure de simplification admise par l'Urssaf en raison de l'usage de la déclaration annuelle des salaires.

Lors du contrôle de la période 2010-2012, les inspecteurs du recouvrement ont pu relever que la société n'avait pas respecté l'obligation de notification du nom des salariés ayant bénéficié définitivement des actions gratuites, ainsi que le nombre et la valeur de ces actions par salarié, avant le 31 décembre 2012, ni intégré pour autant leur valeur à la date de leur acquisition définitive, soit en 2011, dans l'assiette des cotisations au 31 décembre 2012 au plus tard. La société ne discute pas avoir ainsi perdu le bénéfice de l'exonération des cotisations due sur ces actions à cette date.

Le non-respect de cette condition ne pouvait être constaté qu'à compter du 1er janvier 2013. Or, si le fait générateur des cotisations résultant du non-respect de la formalité déclarative est la date d'attribution définitive des actions, la perte du régime de faveur ne peut intervenir qu'à l'issue de l'année qui suit l'acquisition des titres. Les obligations sociales de la société ne peuvent donc être déterminées qu'à l'issue de cette année postérieure à l'acquisition des titres par les salariés bénéficiaires du plan de cession gratuite d'actions.

Du 3 mars 2011, date du fait générateur des cotisations, découle leur exigibilité, mais c'est à compter du 1er janvier 2013, premier jour après le terme de l'année de régulation de la cession gratuite auprès de l'Urssaf, qu'elles peuvent être exigées dans le cadre d'un redressement si la société n'a pas respecté, notamment, la formalité déclarative requise à peine de perte du régime d'exonération spécifique à cette cession, sauf à confondre date d'exigibilité ordinaire de cotisations et date de rectification d'une assiette en vue d'un recouvrement forcé de cotisations.

En conséquence, lors du contrôle de la période 2010-2012, l'Urssaf qui a observé que la société n'avait pas respecté son obligation déclarative au 31 décembre 2012, ne pouvait pas procéder à un redressement, sauf à excéder la période contrôlée. En revanche, elle pouvait émettre une observation pour l'avenir rappelant à la société son obligation déclarative à peine de perdre le bénéfice du régime de faveur en matière de cession gratuite d'actions. Pour autant, sauf à confondre, comme rappelé plus haut, date d'exigibilité des cotisations et date de redressement possible, l'Urssaf, sous prétexte d'observations pour l'avenir, ne pouvait pas lui demander de réintégrer à compter du 1er janvier 2013 la valeur des actions définitivement attribuées aux salariés concernés en 2011 dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, le premier jour suivant l'année de régularisation de l'attribution définitive n'étant pas la date d'exigibilité des cotisations en cause.

Au cas d'espèce, précisément, l'Urssaf a notifié le 6 décembre 2013 une observation pour l'avenir dont la conclusion, après un rappel des observations effectuées lors du contrôle et des règles applicables, est :

" Au 31 décembre 2012, aucune notification auprès de l'Urssaf n'a été faite. Dès lors, l'une des conditions permettant l'exonération de l'assiette des cotisations de la valeur des actions gratuites n'étant pas respectée, la valeur des actions définitivement attribuées aurait dû être réintégrée dans l'assiette des cotisations et contributions sociales, à compter du 1er janvier 2013.

" L'employeur est informé de son obligation de soumettre à cotisations et contributions sociales les actions définitivement acquises en 2011. "

Ainsi, cette observation qui invite expressément à régulariser une situation passée non encore rectifiable par redressement, confond manifestement rappel des règles à respecter pour l'avenir et rectification volontaire, sous couvert d'un déplacement de la date d'exigibilité, par la société d'une assiette sociale passée avant un éventuel redressement effectif par l'Urssaf dans le cadre d'un redressement à venir, lequel a été mis en 'uvre immédiatement après pour la période 2013-2014.

Il s'ensuit que cette observation, notifiée le 6 décembre 2013, n'est pas régulière et doit être annulée.

Sur le point n° 1 de la lettre du 5 mai 2015

- Moyens des parties

Sur le fondement des mêmes textes que pour l'observation pour l'avenir au titre des attributions gratuites d'actions formulée lors du contrôle 2010-2012, la société explique en substance que, cinq mois après cette observation, l'Urssaf a opéré un nouveau contrôle au titre des années 2013-2014 et, sur le fondement de l'observation pour l'avenir, a chiffré un redressement en réintégrant dans l'assiette les cotisations et contributions de sécurité sociale des actions gratuites en cause au titre de l'année 2013 à hauteur de 827 989 euros (chef n° 1). La société explique que l'Urssaf a donc considéré que le gain issu de l'acquisition définitive de ces actions était constitutif d'un avantage en nature attribué aux salariés au titre de l'année 2013. Au contraire, la société soutient que, puisque les bénéficiaires du plan de 2009 sont devenus propriétaires des actions le 3 mars 2011, l'attribution de ces actions ne pouvant pas bénéficier du traitement social de faveur, le fait générateur des cotisations était ainsi fixé au 3 mars 2011. La société soutient en conséquence que c'est par erreur que l'Urssaf fixe la date d'exigibilité, et donc l'année au titre de laquelle doit être opérée le redressement, au 1er janvier 2013, date limite de notification à l'Urssaf de l'identité des bénéficiaires des actions.

Au contraire, la société soutient qu'au regard des règles applicables, s'il ne faut pas confondre la date de constat du défaut de notification des bénéficiaires du plan avec le fait générateur des cotisations, qui est la date d'acquisition définitive des actions, à savoir le 3 mars 2011, puisque une formalité n'a pas été respectée, il est indifférent que ce défaut ne puisse être constaté qu'au 1er janvier 2013 puisque cela ne signifie pas pour autant que le fait générateur des cotisations de sécurité sociale doit corrélativement être repoussé à cette même date et que d'ailleurs, pour chiffrer le redressement, l'Urssaf s'est fondée sur la valeur des actions au jour de leur attribution définitive, à savoir le 3 mars 2011. La société poursuit en expliquant que l'Urssaf aurait dû opérer ainsi son redressement chiffré en raison du défaut de notification de la liste des salariés bénéficiaires de l'attribution d'actions gratuites en 2011 et non en 2013. Elle relève que l'année 2011 est exclue de la période contrôlée 2013-2014 et qu'au 1er octobre 2015, en tout état de cause, l'année 2011 était prescrite. La société fait valoir que l'Urssaf était en mesure lors du premier contrôle d'opérer le redressement chiffré au titre de l'année 2011, ce qu'elle n'avait pas fait, de sorte que le contrôle 2013-2014 revient en conséquence à vérifier deux fois la même période, puisque c'est bien l'avantage perçu par les salariés en 2011 qui a fait l'objet d'une réintégration lors du second contrôle et d'une observation lors du premier. La société soutient que l'Urssaf a agi ainsi afin seulement de pallier son omission initiale. Elle conclut que le tribunal a donc à juste titre annulé le chef de redressement n° 1.

En conséquence, la société demande à la cour d'annuler le chef de redressement (chef n° 1 - 827 989 €) opéré au titre des attributions gratuites d'actions lors du contrôle 2013-2014 et de condamner l'Urssaf à lui rembourser la somme de 827 989 euros.

L'Urssaf réplique en substance que la société ne lui ayant pas notifié en 2012 le nom des salariés ayant bénéficié définitivement des actions gratuites ainsi que le nombre et la valeur de ces actions par salarié, le non-respect de cette condition ne pouvait être constaté qu'à compter du 1er janvier 2013. L'Urssaf soutient que le fait générateur des cotisations résultant du non-respect de la formalité déclarative n'était pas la date d'attribution définitive des actions mais bien la perte du régime de faveur laquelle est intervenue au 1er janvier 2013 en raison de l'absence de notification au 31 décembre 2012 et que la date d'exigibilité des cotisations constitue le point de départ du délai de prescription pour l'envoi de la mise en demeure. Elle soutient qu'elle ne détenait une créance certaine, susceptible de faire l'objet d'une mise en recouvrement par voie de mise en demeure dans le délai prévu par les textes, qu'à compter de l'exigibilité qui suivait la perte du régime de faveur au 1er janvier 2013. Elle rappelle que lors du premier contrôle 2010-2012, le point litigieux avait fait l'objet d'une observation pour l'avenir qui précisait qu'au 31 décembre 2012 aucune notification auprès de l'Urssaf n'ayant été faite, l'une des conditions permettant l'exonération de l'assiette des cotisations de la valeur des actions gratuites n'était pas respectée, de sorte que la valeur des actions définitivement attribuées devrait être réintégrée dans l'assiette des cotisations et contributions sociales à compter du 1er janvier 2013. Elle ajoute que l'employeur était ainsi informé de son obligation de soumettre à cotisations et contributions sociales les actions définitivement acquises en 2011. Elle rappelle que le 6 décembre 2013 l'observation à la suite du contrôle a été confirmée avec l'indication qu'au prochain contrôle, si les recommandations n'étaient pas suivies, un redressement serait notifié sur les points non respectés. Elle relève également que l'année 2013, année d'exigibilité des cotisations litigieuses, n'était pas visée par le contrôle ayant donné lieu à la lettre d'observations du 17 octobre 2013, si bien que le redressement du point litigieux ne pouvait pas être opéré dans le cadre du premier contrôle. En revanche lors du second contrôle, il a été constaté que la société n'avait pas réintégré dans l'assiette des cotisations la valeur des actions définitivement attribuées, de sorte que le redressement sur ce point au titre de l'année 2013 a pu être réalisé. L'Urssaf conclut qu'il n'y a donc pas eu une seconde vérification de la même période et que le redressement au titre de l'année 2013 devait être maintenu.

- Réponse de la cour

En l'espèce, la lettre de saisine de la CRA par la société tend uniquement à l'annulation du " redressement opéré au titre des actions attribuées dans le cadre du plan 2009 " après avoir précisé que la commission été saisie d'une contestation de " l'entier redressement, tant sur le fond que sur la forme et à ce stade, notamment, le chef de redressement relatif aux attributions d'actions gratuites (Chef n° 1 - 827 988 euros) ". La société a listé, ensuite, la lettre d'observations du 5 mai 2015 et la décision administrative du 1er octobre 2015, la lettre d'observations du 17 octobre 2013 et la confirmation du 6 décembre 2013 de l'observation pour l'avenir, en pièces jointes à son recours. Néanmoins, aucune demande n'est formulée au sujet du crédit et de la décision notifiée le 1er octobre 2015 relative à un " solde positif ", seule décision administrative prise à la suite de la lettre d'observations du 5 mai 2015.

Ainsi, la lettre d'observations du 5 mai 2015 n'ayant été suivie d'aucune mise en demeure, aucune décision du directeur de l'Urssaf n'est venue formaliser un quelconque redressement, de sorte qu'en l'absence de redressement, il n'y a pas lieu d'annuler un point de la lettre d'observations, improprement désigné comme chef de redressement n° 1 de la lettre d'observations par la société, dans la mesure où la lettre d'observations, en tant que telle, n'est pas susceptible d'un recours judiciaire, quand bien même elle aurait été soumise à l'examen de la CRA. Seule une mise en demeure suivant la notification de la lettre d'observations vaut redressement et est susceptible d'un recours judiciaire et d'une annulation éventuelle, de même que la notification administrative d'un crédit à la condition d'avoir été contesté devant la CRA puis devant la juridiction de sécurité sociale.

Il est rappelé que la lettre d'observations du 5 mai 2015 n'a été suivie ici que de la notification d'un crédit calculé par compensation des sommes dégagées dans les deux points de la lettre d'observations en vue d'un éventuel redressement qui n'a pas été formalisé. Même si la lettre de saisine de la CRA liste bien la notification du crédit en pièce jointe, pour autant la CRA n'a pas été saisie d'une demande de rectification du crédit mais seulement de l'annulation du redressement, la CRA ayant ainsi expressément répondu en ces termes : " le redressement opéré a lieu d'être maintenu pour son entier montant ". Aucune contestation des modalités de calcul du crédit notifié n'a été formulée.

Devant le tribunal puis la cour, aucune demande n'est ensuite formée à l'encontre de la notification du crédit et des modalités d'imputation ou de remboursement fixées par l'Urssaf dans sa lettre du 1er octobre 2015.

Il s'ensuit d'une part que la saisine en annulation d'un redressement qui n'a pas été opéré par voie de recouvrement, apparaît, au mieux, prématurée lors de la saisine de la juridiction, et partant irrecevable, et d'autre part que le crédit et ses modalités d'imputation n'ayant pas été formellement contestés devant la CRA, dans le délai expressément rappelé dans la lettre de notification dudit crédit, ce dernier apparaît définitif, peu important la contestation parallèle du " redressement ".

Or, le point n° 1 de la lettre d'observations ayant été annulé à titre de redressement par le tribunal, l'Urssaf étant condamnée subséquemment à rembourser à la société la somme 827 989 euros au titre de ce chef de redressement annulé, sans qu'il ne soit établi qu'une somme ait été versée par la société à ce titre dans les mains de l'Urssaf, les débats doivent être réouverts afin d'inciter les parties à s'expliquer sur ces seules demandes, l'absence de redressement et la recevabilité de la demande d'annulation du point contesté, l'existence d'un crédit et son caractère définitif, et les conséquences de l'ensemble.

4.Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Il y a lieu de surseoir à statuer sur ces demandes.

PAR CES MOTIFS :

La cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire et mixte,

DÉCLARE l'appel formé par l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de Paris - Région parisienne recevable ;

INFIRME le jugement rendu le 11 septembre 2019 par le pôle social du tribunal de grande instance de Bobigny (RG 19-01473) sauf en ce qu'il a ordonné la jonction des procédures enregistrées au greffe du tribunal sous les numéros 19-01473 et 19-01476, déclaré recevable l'action de la société, dit n'y avoir lieu à l'application de l'article 700 du code de procédure civile et condamné la S.A. [5] et l'Urssaf à payer les dépens de l'instance à hauteur de 50% chacune ;

L'INFIRME pour le surplus ;

STATUANT À NOUVEAU ET Y AJOUTANT,

ANNULE la mise en demeure établie par l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 4] - Région parisienne le 18 décembre 2013, pour obtenir paiement de la somme de 3 808 euros comprenant 235 euros de cotisations et 3573 euros de majorations de retard à la suite du contrôle opéré au titre des années 2010-2012 ;

CONDAMNE l'Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales de [Localité 4] - Région parisienne à rembourser à la S.A. [5] la somme de 120 138 euros dont elle s'est acquittée au titre du contrôle 2010-2012;

DÉBOUTE la S.A. [5] de sa demande en condamnation de l'Urssaf au paiement de la somme de 156 168 euros assortie des intérêts au taux légal ;

DIT n'y avoir lieu à statuer sur le chef n° 7 de redressement résultant de la lettre d'observations du 17 octobre 2013 et compris dans la mise en demeure du 18 décembre 2013 annulée ;

ANNULE l'observation pour l'avenir notifiée le 6 décembre 2013 résultant du point n° 19 de la lettre d'observations du 17 octobre 2013 ;

ET AVANT DIRE DROIT SUR LES AUTRES MOYENS,

ORDONNE la réouverture des débats ;

INVITE les parties à s'expliquer sur la recevabilité des contestations du redressement envisagé au titre du point n° 1 de la lettre d'observations du 5 mai 2015 et du crédit notifié le 1er octobre 2015 à la suite de la même lettre d'observations ;

RENVOIE à cet effet l'affaire à l'audience de la chambre 6-13 en date du :

Jeudi 20 février 2025 à 13h30 en salle Huot-Fortin, 1H09, escalier H, secteur pôle social, 1er étage ;

DIT que l'intimée devra conclure et produire toutes pièces justificatives utiles avant le 15 novembre 2024 ;

DIT que l'appelante devra conclure en réponse et produire toutes pièces justificatives utiles avant le 15 décembre ;

DIT que la notification de la présente décision vaudra convocation des parties à l'audience du 20 février 2025 à 13h30;

RÉSERVE les autres demandes des parties, y compris les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière La présidente