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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-5, 10 octobre 2024, n° 21/11523

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/11523

10 octobre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-5

ARRÊT AU FOND

DU 10 OCTOBRE 2024

PH

N° 2024/ 314

N° RG 21/11523 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BH4SH

[T] [G]

C/

Syndic. de copro. DE L'IMMEUBLE [Adresse 6]

SAS LEBONSYNDIC

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Yoann STRINO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de Marseille en date du 07 Juillet 2020 enregistré au répertoire général sous le n° 18/09200.

APPELANT

Monsieur [T] [G]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2020/004869 du 28/08/2020 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de AIX-EN-PROVENCE)

né le [Date naissance 3] 1957 à [Localité 7], demeurant [Adresse 9] - [Localité 5]

représenté par Me Yoann STRINO, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉ

Syndicat de copropriétaires DE L'IMMEUBLE [Adresse 6] - [Localité 2], représenté par son syndic en exercice, le cabinet FONCIA [Localité 10], lui même pris en la personne de son représentant légal en exercice

Assignation portant signification de la déclaration d'appel remise le 10.11.2021 à personne habilitée

défaillant

PARTIE INTERVENANTE

SAS LE BONSYNDIC, [Adresse 4] - [Localité 1], ès-qualités de syndic du Syndicat de copropriétaires DE L'IMMEUBLE [Adresse 6] - [Localité 2]

assigné en intervention forcée le 18.11.2021 à personne habilitée

défaillant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Patricia HOARAU, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l'audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Marc MAGNON, Président

Madame Patricia HOARAU, Conseiller

Madame Audrey CARPENTIER, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Danielle PANDOLFI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 10 Octobre 2024

Signé par Monsieur Marc MAGNON, Président et Madame Danielle PANDOLFI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS et PROCEDURE - MOYENS et PRETENTIONS DES PARTIES

M. [T] [G], déclaré adjudicataire de l'immeuble situé à [Localité 10], [Adresse 6], a par acte notarié du 13 novembre 1990, constitué un règlement de copropriété et état descriptif de l'immeuble, en trois lots.

Par procès-verbal d'assemblée générale du 17 mai 2018, il a été noté la démission du syndic Immo France et la société Foncia a été désignée nouveau syndic.

Par exploit d'huissier du 17 août 2018, M. [T] [G] a fait assigner le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier dénommé [Adresse 6] (ci-après le syndicat des copropriétaires) pris en la personne de son ancien syndic la SARL Immo France, et le même syndicat des copropriétaires pris en la personne de son nouveau syndic la SA Foncia Vieux Port, devant le tribunal de grande instance de Marseille aux fins de voir :

- constater que la démission du syndic Immo France est irrégulière au regard de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965,

- ordonner la résolution de l'assemblée générale pour défaut de mise en concurrence des syndics prévu par la loi du 10 juillet 1965,

- condamner le syndicat des copropriétaires pris en la personne de son ancien syndic Immo France à lui verser la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice financier subi et celle de 5 000 euros en réparation du préjudice moral.

Par jugement du 7 juillet 2020, le tribunal judiciaire de Marseille a :

- déclaré irrecevables les demandes de M. [G],

- débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [G] aux dépens, qui seront recouvrés conformément à l'aide juridictionnelle si ce dernier en bénéficie,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.

Le tribunal, qui note que le procès-verbal de l'assemblée générale du 17 mai 2018 a été distribué par lettre recommandée avec avis de réception le 24 mai 2018 au vu des informations détaillées et établies par les services de la Poste, a considéré que la notification du procès-verbal de l'assemblée générale à M. [G] a eu lieu le 27 mai 2018, la date figurant sur l'avis de réception par M. [G] ayant été clairement modifiée en 27.06.2018, que l'assignation date du 17 août 2018 et est donc postérieure au délai de deux mois.

Par déclaration du 28 juillet 2021, M. [G] a relevé appel de ce jugement, en intimant le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice le cabinet Foncia [Localité 10], enregistrée sous le n° 21/11523.

Par déclaration du 15 septembre 2021, M. [G] a interjeté à nouveau appel contre ce même jugement, en intimant la SARL Immo France et la société Foncia Vieux Port, précisant qu'ils sont respectivement ancien et nouveau syndic du syndicat des copropriétaires, enregistrée sous le n° 21/13285.

Par ordonnance du 13 septembre 2022, le conseiller de la mise en état statuant dans la procédure 21/13285, a déclaré irrecevable la déclaration d'appel, au motif que les sociétés Immo France et Foncia Vieux Port n'étaient pas partie en première instance, qui a été introduite uniquement contre le syndicat des copropriétaires.

Dans ses conclusions d'appelant déposées et notifiées par le RPVA le 19 octobre 2021, M. [G] demande à la cour de :

Vu les articles 18, 21 et 42 de la loi du 10 juillet 1965,

Vu le procès-verbal d'assemblée générale du 17 mai 2018,

- le dire et juger recevable et bien fondé en son appel,

- réformer le jugement du tribunal judiciaire de Marseille du 7 juillet 2020, en ce qu'il l'a débouté de ses demandes,

- constater que la démission du syndic Immo France est irrégulière au regard de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965,

- ordonner la résolution de l'assemblée générale pour défaut de mise en concurrence des syndics prévu par la loi du 10 juillet 1965,

- dire et juger irrégulière l'élection du nouveau syndic Foncia [Localité 10],

- dire et juger que cette violation lui a causé un préjudice direct et certain,

- débouter purement et simplement le syndic Foncia [Localité 10] de toutes ses demandes, fins et conclusions,

- condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] pris en la personne de son ancien syndic Immo France à verser la somme de 9 000 euros en réparation du préjudice financier subi par lui,

- condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] pris en la personne de Immo France syndic à verser la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi par lui,

- condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] pris en la personne de son ancien syndic Immo France à la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à payer à Me Yoann Strino au titre d'indemnité qualifiée d'honoraires et frais non compris dans les dépens en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

- donner acte à Me Yoann. Strino de ce qu'il s'engage à renoncer au bénéfice de l'aide juridictionnelle si dans les douze mois du jour ou la décision à intervenir est passée en force de chose jugée, il parvient à recouvrer auprès du syndicat des copropriétaires [Adresse 6] pris en la personne de son ancien syndic Immo France le total de la somme allouée,

- condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 6] pris en la personne de son ancien syndic Immo France aux entiers dépens.

M. [G] fait essentiellement valoir :

- qu'il n'a reçu la notification de l'assemblée générale du 17 mai 2018 que le 27 juin 2018, soit moins de deux mois avant la saisine du tribunal le 17 août 2018,

- les accusations du syndic Foncia [Localité 10] selon lesquelles il aurait transformé le 05 du mois de mai en un 06 correspondant au mois de juin, sont fallacieuses,

- il était incarcéré au quartier d'isolement de la maison de [Localité 8], ce qui signifie qu'il était particulièrement surveillé et contrôlé et que c'est le vaguemestre qui se déplace pour apporter le courrier et veille à ce que le détenu signe le récépissé de la Poste,

- la seule personne qui aurait pu modifier cette date, est le vaguemestre, aux fins de réparer une erreur simplement matérielle,

- que par lettre recommandée du 22 janvier 2018, le syndic Immo France l'a avisé qu'il n'entendait pas représenter sa candidature en tant que syndic lors de la prochaine assemblée générale, sans toutefois en expliquer les raisons, que cette lettre n'a été réceptionnée que le 9 avril 2018, qu'ainsi la démission constatée par l'assemblée générale du 17 mai 2018 intervenue moins de trois mois après la notification, est irrégulière,

- qu'il n'y a pas eu de mise en concurrence de syndics, afin de déterminer celui présentant un tarif forfaitaire intéressant,

- il a fait savoir au syndic Immo France son souhait de désigner le Bon syndic, en remplacement du cabinet Immo France, par courrier recommandé du 4 mai 2018, dont il n'a pas été tenu compte,

- il déplore depuis des années le montant exorbitant du forfait tarifaire du cabinet Immo France et surtout son incompétence dans la gestion du bien, le cabinet Immo France mentionnant qu'il possède 216 tantièmes généraux, alors qu'il est propriétaire de deux lots représentant 784 tantièmes et est majoritaire,

- le syndic Foncia a aussi un tarif élevé, dix fois plus élevé que celui proposé par le Bon syndic.

Les deux déclarations d'appel et les conclusions ont été signifiées à la SARL Immo France, « pris en sa qualité « d'ancien syndicat des copropriétaires [Adresse 6] (') pris en la personne de son ancien syndic » par acte d'huissier du 10 novembre 2021, remis à personne morale.

Les deux déclarations d'appel et les conclusions ont été signifiées à la SA Vieux Port, « pris en sa qualité d'ancien syndicat des copropriétaires [Adresse 6] (') pris en la personne de son ancien syndic » par acte d'huissier du 23 novembre 2021, remis à personne morale.

La société Lebonsyndic a été appelée en intervention forcée, par signification des deux déclarations d'appel et des conclusions, « pris en la personne du syndicat des copropriétaires [Adresse 6] (') pris en la personne de son nouveau syndic » par acte d'huissier du 18 novembre 2021, remis à personne morale.

L'instruction a été clôturée par ordonnance du 28 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Nonobstant la présentation hasardeuse des actes successifs de signification, il y a lieu de considérer que c'est bien l'intimé, qui est le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice, qui a été cité en appel, seul le syndic en exercice pouvant représenter le syndicat des copropriétaires à l'exclusion des anciens.

On comprend que le syndicat des copropriétaires était représenté par la SA Foncia Vieux Port à la date de la déclaration d'appel du 28 juillet 2021 et qu'en dernier lieu c'est la société Lebonsyndic, qui a été désignée syndic et le représente.

La présente décision étant non susceptible d'appel, sera réputée contradictoire en application de l'article 474 du code de procédure civile, en l'état de l'absence de constitution d'avocat par le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice, successivement cité à personne morale.

Sur l'étendue de la saisine de la cour

Aux termes de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

Le dispositif des conclusions de M. [G] comporte des demandes de « dire et juger » et « constater » qui ne constituent pas toutes des prétentions, mais des moyens, si bien que la cour n'en est pas saisie.

La cour se trouve ainsi saisie des demandes suivantes :

- la nullité de l'assemblée générale du 17 mai 2018, qui a notamment désigné un nouveau syndic après avoir constaté la démission de l'ancien syndic, la société Immo France, dont M. [G] conteste la régularité de la démission, intervenue par lettre du 22 janvier 2018, réceptionnée par lui, seulement le 9 avril 2018, soit moins de trois mois avant la date de l'assemblée générale du 17 mai 2018,

- la demande de dommages et intérêts dirigée contre le syndicat des copropriétaires en réparation des préjudices financier et moral que M. [G] allègue, en relation avec la désignation d'un syndic dont la prestation est coûteuse.

Sur la demande de nullité de l'assemblée générale du 17 mai 2018

Selon les dispositions de l'article 42, alinéa 2, de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 dans sa rédaction en vigueur à la date de l'assemblée générale, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale.

M. [G] soutient qu'il a reçu notification du procès-verbal d'assemblée générale du 17 mai 2018, le 27 juin 2018, soit moins de deux mois, avant l'assignation du 17 août 2018.

Il ressort des pièces de la procédure que le syndic a adressé le procès-verbal d'assemblée générale du 17 mai 2018, par courrier daté du 22 mai 2018.

L'accusé de réception produit par M. [G] porte la date du « 27.06.18 », date que le premier juge a considéré comme ayant été modifiée pour passer du « 27.05.18 » au « 27.06.18 », raison pour laquelle il a fait partir le calcul du délai de recours à peine de déchéance, à compter du 27 mai 2018.

M. [T] [G], qui le conteste, verse aux débats un grand nombre d'accusés de réception (dont plusieurs exemplaires du même) et pièces. Il convient de s'en tenir à ceux qui sont visés dans le bordereau de communication de pièces en ces termes :

« (') 2. Lettre recommandée AR IMMO FRANCE du 22 janvier 2018 à Monsieur [G]

3. Bordereau lettre de démission du Cabinet IMMO FRANCE réceptionnée par Monsieur [G] le 09 avril 2018

4. Procès-verbal d'Assemblée Générale du 17 mai 2018

5. Lettre du cabinet IMMO FRANCE du 22 mai 2018 à Monsieur [G] pour envoi du PV D'AG + bordereau de réception du 27 juin 2018 (')

9. Lettre RAR de Monsieur [G] au cabinet IMMO FRANCE du 04 mai 2018

11. Lettre du cabinet IMMO France à Monsieur [G] du 01 juin 2018

12. Bordereau de réception du 17 avril 2018 par le cabinet IMMO FRANCE suite à la lettre adressée le 09 avril 2018 par Monsieur [G] ».

La copie du bordereau de recommandé avec avis de réception de la notification du procès-verbal d'assemblée générale du 17 mai 2018, comporte en caractères plus marqués que les autres et la même écriture, les mentions suivantes : « 27/06/2018 », « AG 17-5-2018 » et la signature « [T] ».

La lecture de ce bordereau de recommandé avec avis de réception fait douter de la réelle date de réception, par une transformation du « 05 » correspondant au mois de mai, par un « 06 » correspondant au mois de juin.

Ce doute est fortement confirmé par la comparaison avec les autres bordereaux :

- le bordereau de réception daté du « 09.04.2018 » signé « [T] » sur lequel il est précisé avec la même écriture que la signature « [T] », la mention « DEMISSION »,

- le bordereau d'envoi de recommandé avec avis de réception par M. [G] du 4 mai 2018 comportant la mention « M'OPPOSE DEMISSION » avec la même écriture que la signature « [T] ».

C'est donc par une juste appréciation des faits que le premier juge a retenu la date du 27 mai 2018 comme point de départ du délai de forclusion de deux mois, pour former recours contre la décision d'assemblée générale.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a déclaré M. [G] irrecevable en sa demande d'annulation de l'assemblée générale du 17 mai 2018.

Sur la demande d'indemnisation

Cette demande étant en lien avec l'annulation réclamée du procès-verbal d'assemblée générale du 17 mai 2018, doit suivre le même sort.

Le jugement appelé sera également confirmé sur ce point.

Sur les demandes accessoires

En application des articles 696 à 700 du code de procédure civile et au regard de la solution du litige, il convient de confirmer le jugement sur les dépens et les frais irrépétibles.

M. [G], qui succombe dans son appel, sera condamné aux dépens d'appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement appelé ;

Y ajoutant,

Condamne M. [T] [G] aux dépens d'appel, qui seront recouvrés selon la loi sur l'aide juridictionnelle.

LE GREFFIER LE PRESIDENT