Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-7, 24 octobre 2024, n° 21/03615
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 369
Rôle N° RG 21/03615 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCWD
S.C.I. LE TREMBLE
C/
S.D.C. SUN VALLEY VALLEY
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Gilles ALLIGIER
Me Joëlle HELOU-MICHEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 19 Janvier 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/03154.
APPELANTE
S.C.I. LE TREMBLE Représentée par ses représentant légaux domicilié audit siège es qualité, demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
asssitée de Me Michel IZARD de la SCP LES AVOCATS IZARD & PRADEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMEE
S.D.C. SUN VALLEYLe Syndicat des copropriétaires de l'immeuble SUN VALLEY, sis [Adresse 2], [Localité 5], représenté par son syndic en exercice, la SARL AZUR GESTION dont le siège est sis [Adresse 4] à [Localité 1], elle-même pris en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au dit siège,
représentée par Me Joëlle HELOU-MICHEL, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Février 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère,
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 04 juillet 2024 par mise à disposition au greffe puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 24 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Depuis 1996, la société civile immobilière LE TREMBLE est propriétaire des lots n° l, 9 et 11 consistant en un local artisanal en sous-sol et deux places de stationnement extérieur, au sein de l'ensemble immobilier SUN VALLEY situé [Adresse 2] à [Localité 5] organisé en copropriété.
Depuis un acte authentique du 3 octobre 2016, M. [H] [P] et Mme [L] [P] née [D] sont propriétaires des lots n° 10 et 3, consistant notamment en un appartement avec jouissance privative d'un jardin de 140 m² environ.
Au mois d'août 2017, les époux [P] ont entrepris de clore le jardin attenant à leur appartement par l'édification d'un muret et d'un portail.
Un litige relatif à ces travaux s'est élevé entre les parties.
Par acte des 12 et 16 février 2018, la société LE TREMBLE a fait citer M. et Mme [P] ainsi que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SUN VALLEY aux fins de demander la démolition de la clôture et du portail.
Par lettre postée le 15 février 2018, les copropriétaires ont été convoqués en assemblée générale et par courrier posté le 27 février 2018, a été ajouté à l'ordre du jour de l'assemblée, à la demande des époux [P], l'autorisation et la régularisation de la pose d'un portail, de la construction d'un muret avec clôture et du coulage d'une dalle béton pour la création d'une terrasse.
Lors de l'assemblée générale du 27 mars 2018 à laquelle la SCI LE TREMBLE n'était ni présente ni représentée, la résolution (n°13) a été adoptée aux termes de laquelle l'assemblée générale autorisait et entérinait les travaux réalisés par les époux [P], 'à savoir clôture de leur jardin à usage privatif avec pose d'un portail, construction d'un muret avec clôture et coulage d'une dalle de béton pour la création d'une terrasse'.
Le procès-verbal de cette assemblée a été notifié par lettre expédiée le 4 mai 2018.
Par acte du 27 juin 2018, la SCI LE TREMBLE a fait citer le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SUN VALLEY pour voir essentiellement prononcer la nullité de la résolution n°13.
Par jugement contradictoire du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Grasse a statué ainsi :
- Déboute la société LE TREMBLE de sa demande d'annulation de la résolution 13 adoptée lors de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence SUN VALLEY le 27 mars 2018,
- Déboute la société LE TREMBLE de sa demande d'application à son bénéfice des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- Déboute le syndicat des copropriétaires SUN VALLEY de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamne la société LE TREMBLE à payer au syndicat des copropriétaires SUN VALLEY la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société LE TREMBLE aux dépens,
- Juge n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Les premiers juges ont rejeté la demande d'annulation de la résolution au motif que la société LE TREMBLE, qui estimait que les travaux portaient atteinte à son droit de jouissance des parties communes dans la mesure où ils restreindraient son accès au puits recueillant l'évacuation de la pompe de relevage de son local, ne soutenait ni ne démontrait qu'elle disposait d'un droit d'accès au jardin à jouissance privative rattaché au lot des consorts [P].
Ils ont ajouté que la société LE TREMBLE ne soutenait pas non plus que l'accès au puits situé dans ce jardin, partie commune à jouissance privative, lui aurait été contesté.
Ils en ont conclu qu'il n'était donc pas établi que les travaux réalisés porteraient atteinte aux modalités de jouissance de cette société, tant des parties communes que privatives.
Ils ont estimé que les travaux réalisés ne relevaient pas d'un vote de l'unanimité des copropriétaires mais de la majorité de l'article 25. Ils ont enfin indiqué que l'erreur matérielle entachant le procès-verbal , selon laquelle la résolution avait été votée à la majorité de l'article 24, n'était pas de nature à entraîner l'annulation de cette délibération.
Selon déclaration du 10 mars 2021, la SCI LE TREMBLE a relevé appel de tous les chefs de cette décision.
Le syndicat des copropriétaires a constitué avocat.
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2021 auxquelles il convient de se référer, la SCI LE TREMBLE demande à la cour :
- d'annuler le jugement déféré et de l'infirmer en toutes ses dispositions,
- Statuant à nouveau,
- de prononcer la nullité de la résolution n°13 votée lors de l'assemblée générale de la copropriété « SUN VALLEY » du 27 mars 2018,
- de condamner le syndicat de la copropriété « SUN VALLEY » au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance ainsi qu'aux dépens de première instance,
- de condamner le syndicat de la copropriété « SUN VALLEY » au paiement de la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.
- de juger que, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, Me Gilles ALLIGIER pourra recouvrer directement les dépens d'appel dont il a fait l'avance, sans en avoir reçu provision.
- de débouter le syndicat de la copropriété SUN VALLEY de ses demandes
- de dispenser la SCI LE TREMBLE des charges de copropriété afférentes à la présente instance.
La SCI LE TREMBLE expose qu'avant même que l'immeuble ne soit placé sous le régime de la copropriété, le local commercial et artisanal lui appartenant, devenu le lot n°1, disposait d'une pompe vide cave destinée à évacuer les eaux d'inondation qui était raccordée par un tuyau à un puits situé dans le jardin devenu une partie du lot n°2 vendu aux époux [P]. Elle soutient que cette servitude d'écoulement par destination existait ainsi avant le placement de l'immeuble sous le statut de la copropriété.
Elle fait valoir qu'au cours de l'été 2017, les intimés ont édifié, sans autorisation, un mur de clôture et posé un portail modifiant l'aspect extérieur de l'immeuble et rendant l'accès au puits impossible. Elle ajoute que les consorts [P] ont fait couler une dalle de béton devant les fenêtres du lot n°1 pour y réaliser une terrasse, ce qui a pour effet d'occulter les deux petites fenêtres en sous-sol qui devaient pourtant rester libres.
Elle sollicite l'annulation du jugement déféré au motif d'une dénaturation de ses écritures et de l'adoption de considérations qui n'avaient fait l'objet d'aucun débat contradictoire entre les parties. Elle estime que la cour devra donc statuer sur le fond de l'affaire.
Elle expose que les travaux effectués par les époux [P] ont porté sur des parties communes et qu'ils devaient obtenir l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour y procéder. Elle sollicite l'annulation de la résolution n°13 au motif de la violation des règles de vote, dans la mesure où les travaux effectués ont porté atteinte à la jouissance de ses parties privatives et communes. Elle soutient bénéficier d'une servitude d'écoulement par destination du père de famille dans le puits se situant dans le jardin des époux [P] et relève qu'un bureau d'étude l'a qualifié de puits de collecte des eaux et de filtration dans un rapport du 3 mars 2020.
Selon ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 26 août 2021 auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SUN VALLEY demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI LE TREMBLE de l'ensemble de ses demandes,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts,
En conséquence,
- de condamner la SCI LE TREMBLE au paiement de la somme de 2500 euros de dommages et intérêts,
- de condamner la SCI TREMBLE au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il expose que les travaux effectués par les époux [P] ont été régularisés a posteriori par l'assemblée générale des copropriétaires. Il précise que le procès-verbal de l'assemblée générale du 27 mars 2018 comporte une erreur matérielle quant à la mention de la majorité appliquée mais que cela est sans incidence sur la validité de ce vote. Il soutient que cette résolution a été adoptée à la majorité de l'article 24, mais aussi à celle de l'article 25 (236 tantièmes requis) et même à celle de l'article 26 (406 tantièmes requis). Il en conclut donc que la résolution ne peut être annulée.
MOTIVATION
Sur la nullité du jugement
Le premier juge n'a pas dénaturé les conclusions de la SCI TREMBLE. Il a clairement repris dans l'exposé de son litige que cette SCI estimait que les travaux avaient eu pour effet de lui restreindre le droit de jouissance des parties communes puisque le puits d'évacuation de la pompe de relevage de son lot se trouvait désormais inaccessible.
Lorsqu'il a indiqué que' la SCI TREMBLE ne soutient ni ne démontre disposer d'un droit d'accès au jardin à jouissance privative rattaché au lot des consorts [P] et que '[la SCI TREMBLE] ne soutient pas non plus que l'accès au puits situé dans ce jardin, partie commune à jouissance privative, lui aurait été contesté', il ne dénature pas les écritures de la SCI TREMBLE mais se contente de répondre aux allégations de celle-ci qui estime que les travaux ont pour effet de restreindre le son droit de jouissance des parties communes.
La SCI TREMBLE ne justifie d'aucun motif d'annulation du jugement déféré. Le syndicat des copropriétaires ne répond pas sur cette demande mais le simple fait qu'elle sollicite dans son dispositif la confirmation du jugement déféré permet de considérer qu'elle s'oppose à la nullité de cette décision.
La demande formée par la SCI TREMBLE tendant à voir annuler le jugement sera rejetée.
Sur l'annulation de la résolution n° 13
Selon l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version alors applicable, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions (...) concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.
Aux termes de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant : (...)
b) La modification, ou éventuellement l'établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes ;
(...)
L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
Elle ne peut, sauf à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider l'aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble.
Les travaux effectués par les consorts [P] ont été régularisés a posteriori par la résolution n° 13 de l'assemblée générale du 27 mars 2018. Aux termes de cette résolution, l'assemblée générale des copropriétaires autorisait et entérinait les travaux réalisés par ces derniers, 'à savoir clôture de leur jardin à usage privatif avec pose d'un portail, construction d'un muret avec clôture et coulage d'une dalle de béton pour la création d'une terrasse'.
Il n'est pas contesté que les travaux ont été effectués sur des parties communes (à usage privatif).
Cette résolution a été adopté avec 471 tantièmes.
La copropriété comprend 609 tantièmes.
Selon le règlement de copropriété, le lot n° 1 appartenant à la SCI TREMBLE consiste en un local artisanal à usage de menuiserie, situé au sous-sol de l'immeuble, avec la jouissance privative d'un jardin de 34 m² environ.
Ce règlement ne fait état d'aucune servitude au profit de ce lot.
Le lot n° 3 des consorts [P] consiste en un appartement situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, avec la jouissance privative d'un jardin de 140 m² environ. Ce lot et le jardin partie commune à usage privatif se situe au dessus du lot n° 1 (en sous-sol).
Le puits se trouvant dans le jardin (partie commune à usage privatif) n'est pas mentionné dans le règlement de copropriété.
Les travaux effectués par les époux [P] ne modifient en rien la destination artisanale du lot appartenant à la SCI LE TREMBLE. Il n'est pas non plus démontré qu'ils modifieraient les modalités de jouissance des parties privatives de cette dernière, à supposer que le fait que la SCI TREMBLE ait décidé d'évacuer les eaux pluviales parvenant dans son local en sous-sol, par le biais d'une pompe de relevage qui se déverse dans le puits s'analyse comme une modalité de jouissance de celles-ci.
Dès lors, la résolution n° 13 n'avait pas à être votée à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires.
Il ressort du vote de la résolution n°13 que celle-ci a été votée aux majorités des articles 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965 ( 471 tantièmes sur 609 tantièmes au total).
Il n'y a donc pas lieu d'annuler cette résolution. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat des copropriétaires au titre d'une procédure abusive
Le syndicat des copropriétaires ne démontre pas que l'action intentée par la SCI LE TREMBLE, même si elle n'a pas abouti, aurait dégénéré en abus de droit. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
La SCI LE TREMBLE est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Il n'est pas équitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires les frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en appel.
Le jugement déféré qui a condamné la SCI LE TREMBLE aux dépens, a rejeté sa demande au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée au versement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles sera confirmé.
La SCI LE TREMBLE sera condamnée en outre à verser la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de la SCI LE TREMBLE tendant à voir annuler le jugement déféré
CONFIRME le jugement déféré,
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de la SCI LE TREMBLE au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la SCI LE TREMBLE à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble SUN VALLEY la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI LE TREMBLE aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,
Chambre 1-7
ARRÊT AU FOND
DU 24 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 369
Rôle N° RG 21/03615 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHCWD
S.C.I. LE TREMBLE
C/
S.D.C. SUN VALLEY VALLEY
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Gilles ALLIGIER
Me Joëlle HELOU-MICHEL
Décision déférée à la Cour :
Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de GRASSE en date du 19 Janvier 2021 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/03154.
APPELANTE
S.C.I. LE TREMBLE Représentée par ses représentant légaux domicilié audit siège es qualité, demeurant [Adresse 3] - [Localité 5]
représentée par Me Gilles ALLIGIER, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE
asssitée de Me Michel IZARD de la SCP LES AVOCATS IZARD & PRADEAU, avocat au barreau de DRAGUIGNAN,
INTIMEE
S.D.C. SUN VALLEYLe Syndicat des copropriétaires de l'immeuble SUN VALLEY, sis [Adresse 2], [Localité 5], représenté par son syndic en exercice, la SARL AZUR GESTION dont le siège est sis [Adresse 4] à [Localité 1], elle-même pris en la personne de son représentant légal domicilié es qualité au dit siège,
représentée par Me Joëlle HELOU-MICHEL, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L'affaire a été débattue le 21 Février 2024 en audience publique devant la cour composée de :
Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre
Madame Carole MENDOZA, Conseillère,
Madame Mireille CAURIER-LEHOT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Natacha BARBE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 18 Avril 2024 puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 04 juillet 2024 par mise à disposition au greffe puis les parties ont été avisées que le délibéré était prorogé au 24 octobre 2024 par mise à disposition au greffe.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 24 octobre 2024.
Signé par Madame Carole DAUX-HARAND, Présidente de chambre et Mme Natacha BARBE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
Depuis 1996, la société civile immobilière LE TREMBLE est propriétaire des lots n° l, 9 et 11 consistant en un local artisanal en sous-sol et deux places de stationnement extérieur, au sein de l'ensemble immobilier SUN VALLEY situé [Adresse 2] à [Localité 5] organisé en copropriété.
Depuis un acte authentique du 3 octobre 2016, M. [H] [P] et Mme [L] [P] née [D] sont propriétaires des lots n° 10 et 3, consistant notamment en un appartement avec jouissance privative d'un jardin de 140 m² environ.
Au mois d'août 2017, les époux [P] ont entrepris de clore le jardin attenant à leur appartement par l'édification d'un muret et d'un portail.
Un litige relatif à ces travaux s'est élevé entre les parties.
Par acte des 12 et 16 février 2018, la société LE TREMBLE a fait citer M. et Mme [P] ainsi que le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SUN VALLEY aux fins de demander la démolition de la clôture et du portail.
Par lettre postée le 15 février 2018, les copropriétaires ont été convoqués en assemblée générale et par courrier posté le 27 février 2018, a été ajouté à l'ordre du jour de l'assemblée, à la demande des époux [P], l'autorisation et la régularisation de la pose d'un portail, de la construction d'un muret avec clôture et du coulage d'une dalle béton pour la création d'une terrasse.
Lors de l'assemblée générale du 27 mars 2018 à laquelle la SCI LE TREMBLE n'était ni présente ni représentée, la résolution (n°13) a été adoptée aux termes de laquelle l'assemblée générale autorisait et entérinait les travaux réalisés par les époux [P], 'à savoir clôture de leur jardin à usage privatif avec pose d'un portail, construction d'un muret avec clôture et coulage d'une dalle de béton pour la création d'une terrasse'.
Le procès-verbal de cette assemblée a été notifié par lettre expédiée le 4 mai 2018.
Par acte du 27 juin 2018, la SCI LE TREMBLE a fait citer le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SUN VALLEY pour voir essentiellement prononcer la nullité de la résolution n°13.
Par jugement contradictoire du 19 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Grasse a statué ainsi :
- Déboute la société LE TREMBLE de sa demande d'annulation de la résolution 13 adoptée lors de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence SUN VALLEY le 27 mars 2018,
- Déboute la société LE TREMBLE de sa demande d'application à son bénéfice des dispositions de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965,
- Déboute le syndicat des copropriétaires SUN VALLEY de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,
- Condamne la société LE TREMBLE à payer au syndicat des copropriétaires SUN VALLEY la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné la société LE TREMBLE aux dépens,
- Juge n'y avoir lieu à exécution provisoire.
Les premiers juges ont rejeté la demande d'annulation de la résolution au motif que la société LE TREMBLE, qui estimait que les travaux portaient atteinte à son droit de jouissance des parties communes dans la mesure où ils restreindraient son accès au puits recueillant l'évacuation de la pompe de relevage de son local, ne soutenait ni ne démontrait qu'elle disposait d'un droit d'accès au jardin à jouissance privative rattaché au lot des consorts [P].
Ils ont ajouté que la société LE TREMBLE ne soutenait pas non plus que l'accès au puits situé dans ce jardin, partie commune à jouissance privative, lui aurait été contesté.
Ils en ont conclu qu'il n'était donc pas établi que les travaux réalisés porteraient atteinte aux modalités de jouissance de cette société, tant des parties communes que privatives.
Ils ont estimé que les travaux réalisés ne relevaient pas d'un vote de l'unanimité des copropriétaires mais de la majorité de l'article 25. Ils ont enfin indiqué que l'erreur matérielle entachant le procès-verbal , selon laquelle la résolution avait été votée à la majorité de l'article 24, n'était pas de nature à entraîner l'annulation de cette délibération.
Selon déclaration du 10 mars 2021, la SCI LE TREMBLE a relevé appel de tous les chefs de cette décision.
Le syndicat des copropriétaires a constitué avocat.
Selon ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 22 novembre 2021 auxquelles il convient de se référer, la SCI LE TREMBLE demande à la cour :
- d'annuler le jugement déféré et de l'infirmer en toutes ses dispositions,
- Statuant à nouveau,
- de prononcer la nullité de la résolution n°13 votée lors de l'assemblée générale de la copropriété « SUN VALLEY » du 27 mars 2018,
- de condamner le syndicat de la copropriété « SUN VALLEY » au paiement de la somme de 4.000 euros en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile en première instance ainsi qu'aux dépens de première instance,
- de condamner le syndicat de la copropriété « SUN VALLEY » au paiement de la somme de 3.000 euros en vertu de l'article 700 du Code de Procédure Civile en cause d'appel ainsi qu'aux dépens d'appel.
- de juger que, conformément à l'article 699 du Code de Procédure Civile, Me Gilles ALLIGIER pourra recouvrer directement les dépens d'appel dont il a fait l'avance, sans en avoir reçu provision.
- de débouter le syndicat de la copropriété SUN VALLEY de ses demandes
- de dispenser la SCI LE TREMBLE des charges de copropriété afférentes à la présente instance.
La SCI LE TREMBLE expose qu'avant même que l'immeuble ne soit placé sous le régime de la copropriété, le local commercial et artisanal lui appartenant, devenu le lot n°1, disposait d'une pompe vide cave destinée à évacuer les eaux d'inondation qui était raccordée par un tuyau à un puits situé dans le jardin devenu une partie du lot n°2 vendu aux époux [P]. Elle soutient que cette servitude d'écoulement par destination existait ainsi avant le placement de l'immeuble sous le statut de la copropriété.
Elle fait valoir qu'au cours de l'été 2017, les intimés ont édifié, sans autorisation, un mur de clôture et posé un portail modifiant l'aspect extérieur de l'immeuble et rendant l'accès au puits impossible. Elle ajoute que les consorts [P] ont fait couler une dalle de béton devant les fenêtres du lot n°1 pour y réaliser une terrasse, ce qui a pour effet d'occulter les deux petites fenêtres en sous-sol qui devaient pourtant rester libres.
Elle sollicite l'annulation du jugement déféré au motif d'une dénaturation de ses écritures et de l'adoption de considérations qui n'avaient fait l'objet d'aucun débat contradictoire entre les parties. Elle estime que la cour devra donc statuer sur le fond de l'affaire.
Elle expose que les travaux effectués par les époux [P] ont porté sur des parties communes et qu'ils devaient obtenir l'autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires pour y procéder. Elle sollicite l'annulation de la résolution n°13 au motif de la violation des règles de vote, dans la mesure où les travaux effectués ont porté atteinte à la jouissance de ses parties privatives et communes. Elle soutient bénéficier d'une servitude d'écoulement par destination du père de famille dans le puits se situant dans le jardin des époux [P] et relève qu'un bureau d'étude l'a qualifié de puits de collecte des eaux et de filtration dans un rapport du 3 mars 2020.
Selon ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 26 août 2021 auxquelles il convient de se référer, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier SUN VALLEY demande à la cour :
- de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté la SCI LE TREMBLE de l'ensemble de ses demandes,
- d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de dommages-intérêts,
En conséquence,
- de condamner la SCI LE TREMBLE au paiement de la somme de 2500 euros de dommages et intérêts,
- de condamner la SCI TREMBLE au paiement de la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens.
Il expose que les travaux effectués par les époux [P] ont été régularisés a posteriori par l'assemblée générale des copropriétaires. Il précise que le procès-verbal de l'assemblée générale du 27 mars 2018 comporte une erreur matérielle quant à la mention de la majorité appliquée mais que cela est sans incidence sur la validité de ce vote. Il soutient que cette résolution a été adoptée à la majorité de l'article 24, mais aussi à celle de l'article 25 (236 tantièmes requis) et même à celle de l'article 26 (406 tantièmes requis). Il en conclut donc que la résolution ne peut être annulée.
MOTIVATION
Sur la nullité du jugement
Le premier juge n'a pas dénaturé les conclusions de la SCI TREMBLE. Il a clairement repris dans l'exposé de son litige que cette SCI estimait que les travaux avaient eu pour effet de lui restreindre le droit de jouissance des parties communes puisque le puits d'évacuation de la pompe de relevage de son lot se trouvait désormais inaccessible.
Lorsqu'il a indiqué que' la SCI TREMBLE ne soutient ni ne démontre disposer d'un droit d'accès au jardin à jouissance privative rattaché au lot des consorts [P] et que '[la SCI TREMBLE] ne soutient pas non plus que l'accès au puits situé dans ce jardin, partie commune à jouissance privative, lui aurait été contesté', il ne dénature pas les écritures de la SCI TREMBLE mais se contente de répondre aux allégations de celle-ci qui estime que les travaux ont pour effet de restreindre le son droit de jouissance des parties communes.
La SCI TREMBLE ne justifie d'aucun motif d'annulation du jugement déféré. Le syndicat des copropriétaires ne répond pas sur cette demande mais le simple fait qu'elle sollicite dans son dispositif la confirmation du jugement déféré permet de considérer qu'elle s'oppose à la nullité de cette décision.
La demande formée par la SCI TREMBLE tendant à voir annuler le jugement sera rejetée.
Sur l'annulation de la résolution n° 13
Selon l'article 25 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version alors applicable, ne sont adoptées qu'à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions (...) concernant l'autorisation donnée à certains copropriétaires d'effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.
Aux termes de l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 dans sa version applicable, sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant : (...)
b) La modification, ou éventuellement l'établissement, du règlement de copropriété dans la mesure où il concerne la jouissance, l'usage et l'administration des parties communes ;
(...)
L'assemblée générale ne peut, à quelque majorité que ce soit, imposer à un copropriétaire une modification à la destination de ses parties privatives ou aux modalités de leur jouissance, telles qu'elles résultent du règlement de copropriété.
Elle ne peut, sauf à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider l'aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble.
Les travaux effectués par les consorts [P] ont été régularisés a posteriori par la résolution n° 13 de l'assemblée générale du 27 mars 2018. Aux termes de cette résolution, l'assemblée générale des copropriétaires autorisait et entérinait les travaux réalisés par ces derniers, 'à savoir clôture de leur jardin à usage privatif avec pose d'un portail, construction d'un muret avec clôture et coulage d'une dalle de béton pour la création d'une terrasse'.
Il n'est pas contesté que les travaux ont été effectués sur des parties communes (à usage privatif).
Cette résolution a été adopté avec 471 tantièmes.
La copropriété comprend 609 tantièmes.
Selon le règlement de copropriété, le lot n° 1 appartenant à la SCI TREMBLE consiste en un local artisanal à usage de menuiserie, situé au sous-sol de l'immeuble, avec la jouissance privative d'un jardin de 34 m² environ.
Ce règlement ne fait état d'aucune servitude au profit de ce lot.
Le lot n° 3 des consorts [P] consiste en un appartement situé au rez-de-chaussée de l'immeuble, avec la jouissance privative d'un jardin de 140 m² environ. Ce lot et le jardin partie commune à usage privatif se situe au dessus du lot n° 1 (en sous-sol).
Le puits se trouvant dans le jardin (partie commune à usage privatif) n'est pas mentionné dans le règlement de copropriété.
Les travaux effectués par les époux [P] ne modifient en rien la destination artisanale du lot appartenant à la SCI LE TREMBLE. Il n'est pas non plus démontré qu'ils modifieraient les modalités de jouissance des parties privatives de cette dernière, à supposer que le fait que la SCI TREMBLE ait décidé d'évacuer les eaux pluviales parvenant dans son local en sous-sol, par le biais d'une pompe de relevage qui se déverse dans le puits s'analyse comme une modalité de jouissance de celles-ci.
Dès lors, la résolution n° 13 n'avait pas à être votée à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires.
Il ressort du vote de la résolution n°13 que celle-ci a été votée aux majorités des articles 25 et 26 de la loi du 10 juillet 1965 ( 471 tantièmes sur 609 tantièmes au total).
Il n'y a donc pas lieu d'annuler cette résolution. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts formée par le syndicat des copropriétaires au titre d'une procédure abusive
Le syndicat des copropriétaires ne démontre pas que l'action intentée par la SCI LE TREMBLE, même si elle n'a pas abouti, aurait dégénéré en abus de droit. Il sera débouté de sa demande de dommages et intérêts. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point.
Sur les dépens et sur les frais irrépétibles
La SCI LE TREMBLE est essentiellement succombante. Elle sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Ses demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.
Il n'est pas équitable de laisser à la charge du syndicat des copropriétaires les frais irrépétibles qu'il a exposés en première instance et en appel.
Le jugement déféré qui a condamné la SCI LE TREMBLE aux dépens, a rejeté sa demande au titre de l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965, a rejeté sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et l'a condamnée au versement de la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles sera confirmé.
La SCI LE TREMBLE sera condamnée en outre à verser la somme de 1500 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe,
REJETTE la demande de la SCI LE TREMBLE tendant à voir annuler le jugement déféré
CONFIRME le jugement déféré,
Y AJOUTANT,
REJETTE la demande de la SCI LE TREMBLE au titre des frais irrépétibles d'appel,
CONDAMNE la SCI LE TREMBLE à verser au syndicat des copropriétaires de l'immeuble SUN VALLEY la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la SCI LE TREMBLE aux dépens de la présente instance.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,