Décisions
CA Chambéry, 1re ch., 8 octobre 2024, n° 22/00112
CHAMBÉRY
Autre
Autre
MR/SL
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 08 Octobre 2024
N° RG 22/00112 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G4SZ
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 02 Décembre 2021
Appelant
M. [W] [F]
né le 18 Décembre 1934 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]
Représenté par la SELARL LEVANTI, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimés
M. [Y] [L]
né le 15 Novembre 1953 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
Syndicat des copropriétaires LES CHALETS DE L'ABBAYE représenté par son syndic en exercice, Monsieur [Y] [L], dont le siège social est situé [Adresse 6]
Représentés par la SELARL SELARL VIARD-HERISSON GARIN, avocats au barreau de CHAMBERY
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 22 Avril 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 mai 2024
Date de mise à disposition : 08 octobre 2024
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Myriam REAIDY, Conseillère, en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre régulièrement empêchée, qui a entendu les plaidoiries, en présence de M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
L'ensemble immobilier des Chalets de l'Abbaye situé à [Localité 2], soumis au régime de la copropriété, est composé de deux lots appartenant, pour l'un, à M. [W] [F] et, pour l'autre, à M. [Y] [L] et à Mme [H] [M] épouse [L].
Lors de l'assemblée générale de l'ensemble immobilier du 9 janvier 2016, M. [L] a été désigné syndic bénévole pour une durée de trois ans. Par l'assemblée générale du 10 janvier 2019, il a, à nouveau, été désigné syndic bénévole.
Par acte d'huissier du 5 février 2019, M. [F] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye, en la personne de M. [L], son syndic en exercice, et M. [L], en son nom personnel, devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains notamment aux fins d'annuler les assemblées générales des copropriétaires des 9 janvier 2016 et 10 janvier 2019 et de faire désigner un administrateur provisoire de la copropriété.
Par jugement du 2 décembre 2021, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, devenu le tribunal judiciaire, a :
- Déclaré l'action engagée par M. [F] à l'encontre du procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 irrecevable car étant forclose ;
- Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamné M. [F] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et à M. [L] la somme de 2 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] de leur demande d'exclusion de M. [F] de la répartition, entre copropriétaires, de la condamnation au titre de l'indemnité judiciaire ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] de leur demande d'intégration, dans les dépens, du coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale tenue le 9 janvier 2016 ;
- Condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance.
Au visa principalement des motifs suivants :
Lors de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, M. [L] n'était plus le syndic de la copropriété depuis une date antérieure à cette assemblée, dès lors, son épouse, Mme [M], a donc pu valablement présider l'assemblée ;
Le procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 ayant été notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à M. [F], le délai de contestation de deux mois a donc valablement couru à l'encontre de cette décision depuis le 13 janvier 2016.
Par déclaration au greffe du 20 janvier 2022, M. [F] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :
- Déclaré l'action engagée par M. [F] à l'encontre du procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 irrecevable car étant forclose ;
- Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné M. [F] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et à M. [L] la somme de 2 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 19 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [F] sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour de :
Statuant à nouveau,
- Annuler l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier des Chalets de l'Abbaye du 10 janvier 2019 et toutes les résolutions votées ce jour-là dont celle renouvelant le mandat du syndic arrivé à expiration le 9 janvier 2019 ;
- Désigner un administrateur provisoire de la copropriété chargé de convoquer une assemblée générale au cours de laquelle il sera procédé à l'élection d'un syndic professionnel ;
- Annuler l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier des Chalets de l'Abbaye du 9 janvier 2016 et toutes les résolutions votées ce jour-là ;
- Condamner in solidum M. [L] et le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont ceux de première instance ;
Retenant les fautes de M. [L] dans la tenue des assemblées générales,
- Le condamner à son profit à relever et garantir le syndicat des copropriétaires de toutes condamnations.
Au soutien de ses prétentions, M. [F] fait valoir notamment que :
Mme [M] alors même qu'elle est épouse de M. [L] lui-même syndic, a été élue présidente de séance dun 10 janvier 2019, ce qui contrevient aux dispositions de l'article 22 alinéa 4 de la Loi de 1965 prévoyant que ni le syndic ni son conjoint ne peut présider l'assemblée générale ;
Pour les mêmes raisons de droit, l'annulation de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 est demandée, et l'action est recevable dans la mesure où la signification a été effectuée à son domicile au chalet de l'abbaye alors même qu'il n'y réside pas et qu'il n'y a pas accès.
Par dernières écritures du 15 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains le 2 décembre 2021 en ce qu'il a :
- Déclaré l'action engagée par M. [F] à l'encontre du procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 irrecevable car étant forclose,
- Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné M. [F] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et à M. [L] la somme de 2 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance ;
Et en conséquence,
- Prononcer l'irrecevabilité pour forclusion de l'action engagée par M. [F] par exploits d'huissier délivrés le 5 février 2019 en annulation de l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de L'abbaye du 9 janvier 2016 et toutes les résolutions votées ce jour-là ;
- A titre subsidiaire, et en toutes hypothèses, débouter M. [F] de sa demande non fondée en droit tendant à l'annulation de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 ;
- En tout état de cause, débouter M. [F] de sa demande non-fondée en droit tendant à l'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de L'abbaye du 10 janvier 2019 et toutes les résolutions votées ce jour-là dont celle renouvelant le mandat du syndic arrivé à expiration le 9 janvier 2019 ;
- Prononcer l'incompétence du tribunal judiciaire de Thonon les Bains pour statuer sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire formée par M. [F] dans ses assignations du 5 février 2019 et au visa des dispositions des articles 46 et 47 du décret du 17 mars 1967 ;
- En conséquence, débouter M. [F] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire formée au titre de l'effet dévolutif de l'appel ;
- Retenir que M. [F] n'établit aucune faute du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et de M. [L] syndic bénévole dans la tenue des assemblées générales, et en conséquence :
- Débouter M. [F] de sa demande de condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et de M. [L] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter M. [F] de sa demande de relevé et garantie par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et de M. [L] de toutes condamnations,
- Débouter M. [F] de sa demande de condamnation aux dépens.
Confirmant le jugement déféré,
- Condamner M. [F] à leur verser chacun la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en première instance ;
Sur appel incident, infirmer le jugement rendu le 2 décembre 2021 en ce qu'il les a :
- Débouté de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Débouté de leur demande d'exclusion de M. [F] de la répartition, entre copropriétaires, de la condamnation au titre de l'indemnité judiciaire ;
- Débouté de leur demande d'intégration, dans les dépens, du coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale tenue le 9 janvier 2016 ;
- Et en conséquence, condamner M. [F] à leur verser chacun la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil,
- Prononcer l'exclusion de M. [F] de la répartition financière entre les copropriétaires des condamnations prononcées au bénéfice du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye ;
- Condamner M. [F] aux entiers dépens exposés en première instance et en appel, en ce compris le coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale tenue le 9 janvier 2016 (soit 86,70 euros TTC), rendue nécessaire par le refus de réceptionner la LRAR notifiant le procès-verbal d'assemblée générale ;
Et statuant à nouveau,
- Condamner M. [F] à verser à M. [L] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Condamner M. [F] à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] font valoir notamment que :
M. [F] ne justifie pas avoir notifié au syndicat des copropriétaires, conformément aux obligations issues de l'article 65 du décret et de l'article 80 du règlement de copropriété dont il est le rédacteur, son domicile élu ou son changement de domicile élu, le délai de deux mois a donc bien commencé à courir par la notification du procès-verbal de l'assemblée générale, soit le 13 janvier 2016 par LRAR ou, à tout le moins, le 20 janvier 2016 par signification ;
M. [L] n'étant plus syndic, à la date de l'assemblée générale du 9 janvier 2016, sa conjointe ou lui-même avaient parfaitement qualité pour présider l'assemblée ;
Seul le président du tribunal judiciaire de Thonon les Bains est compétent pour statuer, sur requête, sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 22 avril 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 21 mai 2024.
MOTIFS ET DECISION
I- Sur la recevabilité des contestations des procès-verbaux des assemblées générales
L'article 42, alinéa 2 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, dans sa version en vigueur au 9 janvier 2016, dispose : 'Les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale. Sauf en cas d'urgence, l'exécution par le syndic des travaux décidés par l'assemblée générale en application des articles 25 et 26 est suspendue jusqu'à l'expiration du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa.'
L'article 64 du décret 67-223 du 17 mars 1967, dans sa version applicable au litige, précise : 'Toutes les notifications et mises en demeure prévues par la loi du 10 juillet 1965 susvisée et le présent décret sont valablement faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai qu'elles font, le cas échéant, courir a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire.
Ces notifications et mises en demeure peuvent également être valablement faites par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées aux articles 64-1 à 64-4.
Toutefois, la notification des convocations prévues au présent décret ainsi que celle de l'avis mentionné à l'article 59 ci-dessus peuvent valablement résulter d'une remise contre récépissé ou émargement..'
C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive et exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu que :
- le procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 contesté par M. [F] a été notifié le 10 janvier 2016, soit dans le délai de deux mois, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'adresse suivante '[Adresse 4]' ;
- pour être régulière, la notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception au domicile du copropriétaire ou à l'adresse qu'il doit justifier avoir notifié au syndic (3e Civ. 10 mars 2015, pourvoi n°13-28.492) ; or, aucune pièce n'établit M. [F] ait notifié au syndic une autre adresse que celle de la copropriété ;
- l'accusé de réception de la lettre recommandée et le traçage fourni par la Poste démontrent que le courrier a été transféré, en vertu d'un transfert d'adresse, au [Adresse 1] à [Localité 3], lieu où la signature de l'accusé de réception a été refusée par M. [F] le 13 janvier 2016, selon mention figurant sur le récépissé ;
- que les développements de l'appelant sur ses difficultés à se rendre à son adresse à [Localité 2] sont sans emport sur la solution du litige, dans la mesure où le procès-verbal lui a bien été notifié, et que le délai de contestation a commencé à courir le 14 janvier 2016 (3e Civ. 27 avril 2000, pourvoi n°98-19.305).
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a retenu que l'action en contestation du procès-verbal d'assemblée générale du 9 janvier 2016, introduite par assignation du 5 février 2019, était forclose. En revanche, la contestation de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, introduite par le même acte d'huissier, et dans le délai de deux mois, est recevable.
II- Sur le bien fondé de l'action en nullité de l'assemblée générale du 10 janvier 2019
L'article 22 I alinéa 4 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 dispose 'Ne peuvent ni recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire, ni présider l'assemblée générale :
1° Le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, son concubin;
2° Les ascendants et descendants du syndic ainsi que ceux de son conjoint ou du partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou de son concubin ;
3° Les préposés du syndic, leur conjoint, le partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité, leur concubin ;
4° Les ascendants et descendants des préposés du syndic ainsi que ceux de leur conjoint ou du partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité ou de leur concubin.'
Les dispositions légales et règlementaires sur les activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, issues des lois et décret de 1965 et 1967 sur les copropriétés, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite Hoguet, et du décret du 25 mars 2015 imposent la conclusion d'un contrat de syndic, lequel ne peut dépasser la durée de 3 ans ; ce dont il découle qu'il n'existe pas de syndic 'de fait' et que l'expiration du mandat met immédiatement fin à la gestion de la copropriété par le syndic (3e Civ. 19 octobre 2017, pourvoi n°16-24.646).
La résolution n°16 de l'assemblée générale du 9 janvier 2016, adoptée à la majorité de l'article 24 après carence du vote à la majorité de l'article 25 comportait une explication liminaire 'en l'absence de conseil syndical, il n'a pas été procédé à mise en concurrence de candidats aux fonctions de syndic. L'assemblée générale prend acte de la candidature au renouvellement en tant que syndic bénévole de M. [L]', et était ainsi libellée 'l'assemblée générale nomme M. [Y] [L] aux fonctions de syndic bénévole pour une durée de 3 année, prenant effet -postérieurement à la signature du procès-verbal d'assemblée générale soit du 10 janvier 2016 au 9 janvier 2019.'
Il résulte de ces éléments que M. [Y] [L] n'avait plus qualité de syndic de la copropriété 'les chalets de l'abbaye' à la date de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, et que son épouse copropriétaire pouvait présider et signer le procès-verbal de l'assemblée générale.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, étant précisé que, suite au rejet des demandes d'annulation de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, la prétention aux fins de faire désigner un administrateur provisoire est sans objet, nonobstant le caractère dévolutif de l'appel soutenu par M. [F].
III- Sur l'existence d'une procédure abusive
L'article 1240 du code civil dispose 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
Il est admis que le droit d'ester en justice comme tout droit subjectif n'a pas un caractère absolu et que son exercice est susceptible de dégénérer en abus, lequel va alors ouvrir à la partie victime le droit de percevoir des dommages-intérêts destinés à compenser le préjudice qu'elle a subi à ce titre.
En l'espèce, si le premier juge a retenu que l'action de M. [F] n'était pas dépourvue de tout fondement juridique, même interprété de façon erronée, il convient d'observer que cette action, rejetée à la fois au fond et au niveau de la recevabilité, a été poursuivie en appel, fondée sur des arguments juridiques identiques et sur les mêmes faits, sans aucun élément ou fondement juridique nouveau. Dès lors, M. [F] ne pouvait, en tant que professionnel de l'immobilier ayant géré plusieurs sociétés civiles immobilières et à l'origine de la construction de la copropriété des chalets de l'abbaye, ignorer le sort qui serait réservé à son appel, lequel se contente de reprendre les arguments soutenus en première instance.
Par conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de M. [L] et du syndicat des copropriétaires sur le fondement de la procédure d'appel abusive à hauteur de 1 500 euros chacun, à titre d'indemnisation du préjudice moral.
IV- Sur la répartition entre copropriétaires des condamnations au bénéfice du syndicat
L'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit en son avant-dernier et dernier alinéa 'Le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.
Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties.'
En l'espèce, M. [F] n'a pas vu sa prétention accueillie, de sorte qu'il n'y a pas lieu de le dispenser de participer aux frais de procédure. Il est ensuite impossible, si tel est le sens de la demande de M. [L] et du syndicat des copropriétaires, de dire que M. [F] sera exclu de la répartition des bénéfices de la condamnation obtenue par le syndicat des copropriétaires, le syndicat ne recueillant pas lesdites sommes à titre de représentant des copropriétaires qui seraient considérés comme propriétaires indivis et pouvant recevoir leur part des fruits de l'indivision.
C'est à l'issue d'une analyse pertinente et exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu que M. [F], en qualité de copropiétaire, ne pouvait être exclu de la répartition finanicère entre les copropriétaires de la somme allouée au titre des frais irrépétibles ou des dommages et intérêts.
V- Sur les demandes accessoires
Succombant en son appel, M. [W] [F] supportera les dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'une indemnité procédurale de 3 000 euros à chacun des intimés.
Le coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale du 9 janvier 2016 fait partie des frais engagés par le syndic dans le cadre de la gestion de la copropriété qui lui a été confiée, et n'a donc pas de raison d'entrer dans les dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [W] [F] aux dépens en cause d'appel,
Condamne M. [W] [F] à payer au syndicat des copropriétaires des chalets de l'abbaye:
- 1 500 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [W] [F] à payer à M. [Y] [L] :
- 1 500 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 08 octobre 2024
à
la SELARL LEVANTI
la SELARL VIARD-HERISSON GARIN
Copie exécutoire délivrée le 08 octobre 2024
à
la SELARL SELARL VIARD-HERISSON GARIN
COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
Chambre civile - Première section
Arrêt du Mardi 08 Octobre 2024
N° RG 22/00112 - N° Portalis DBVY-V-B7G-G4SZ
Décision attaquée : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de THONON-LES-BAINS en date du 02 Décembre 2021
Appelant
M. [W] [F]
né le 18 Décembre 1934 à [Localité 3], demeurant [Adresse 4]
Représenté par la SELARL LEVANTI, avocats au barreau de THONON-LES-BAINS
Intimés
M. [Y] [L]
né le 15 Novembre 1953 à [Localité 7], demeurant [Adresse 5]
Syndicat des copropriétaires LES CHALETS DE L'ABBAYE représenté par son syndic en exercice, Monsieur [Y] [L], dont le siège social est situé [Adresse 6]
Représentés par la SELARL SELARL VIARD-HERISSON GARIN, avocats au barreau de CHAMBERY
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Date de l'ordonnance de clôture : 22 Avril 2024
Date des plaidoiries tenues en audience publique : 21 mai 2024
Date de mise à disposition : 08 octobre 2024
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Composition de la cour :
Audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, par Mme Myriam REAIDY, Conseillère, en remplacement de Mme Hélène PIRAT, Présidente de Chambre régulièrement empêchée, qui a entendu les plaidoiries, en présence de M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller, avec l'assistance de Sylvie LAVAL, Greffier,
Et lors du délibéré, par :
- Mme Hélène PIRAT, Présidente,
- Mme Myriam REAIDY, Conseillère,
- M. Guillaume SAUVAGE, Conseiller,
-=-=-=-=-=-=-=-=-
Faits et procédure
L'ensemble immobilier des Chalets de l'Abbaye situé à [Localité 2], soumis au régime de la copropriété, est composé de deux lots appartenant, pour l'un, à M. [W] [F] et, pour l'autre, à M. [Y] [L] et à Mme [H] [M] épouse [L].
Lors de l'assemblée générale de l'ensemble immobilier du 9 janvier 2016, M. [L] a été désigné syndic bénévole pour une durée de trois ans. Par l'assemblée générale du 10 janvier 2019, il a, à nouveau, été désigné syndic bénévole.
Par acte d'huissier du 5 février 2019, M. [F] a assigné le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye, en la personne de M. [L], son syndic en exercice, et M. [L], en son nom personnel, devant le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains notamment aux fins d'annuler les assemblées générales des copropriétaires des 9 janvier 2016 et 10 janvier 2019 et de faire désigner un administrateur provisoire de la copropriété.
Par jugement du 2 décembre 2021, le tribunal de grande instance de Thonon-les-Bains, devenu le tribunal judiciaire, a :
- Déclaré l'action engagée par M. [F] à l'encontre du procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 irrecevable car étant forclose ;
- Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Condamné M. [F] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et à M. [L] la somme de 2 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] de leur demande d'exclusion de M. [F] de la répartition, entre copropriétaires, de la condamnation au titre de l'indemnité judiciaire ;
- Débouté le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] de leur demande d'intégration, dans les dépens, du coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale tenue le 9 janvier 2016 ;
- Condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance.
Au visa principalement des motifs suivants :
Lors de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, M. [L] n'était plus le syndic de la copropriété depuis une date antérieure à cette assemblée, dès lors, son épouse, Mme [M], a donc pu valablement présider l'assemblée ;
Le procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 ayant été notifié, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception, à M. [F], le délai de contestation de deux mois a donc valablement couru à l'encontre de cette décision depuis le 13 janvier 2016.
Par déclaration au greffe du 20 janvier 2022, M. [F] a interjeté appel de la décision en ce qu'elle a :
- Déclaré l'action engagée par M. [F] à l'encontre du procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 irrecevable car étant forclose ;
- Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes ;
- Condamné M. [F] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et à M. [L] la somme de 2 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance.
Prétentions et moyens des parties
Par dernières écritures du 19 avril 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, M. [F] sollicite l'infirmation de la décision et demande à la cour de :
Statuant à nouveau,
- Annuler l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier des Chalets de l'Abbaye du 10 janvier 2019 et toutes les résolutions votées ce jour-là dont celle renouvelant le mandat du syndic arrivé à expiration le 9 janvier 2019 ;
- Désigner un administrateur provisoire de la copropriété chargé de convoquer une assemblée générale au cours de laquelle il sera procédé à l'élection d'un syndic professionnel ;
- Annuler l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier des Chalets de l'Abbaye du 9 janvier 2016 et toutes les résolutions votées ce jour-là ;
- Condamner in solidum M. [L] et le syndicat des copropriétaires à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens dont ceux de première instance ;
Retenant les fautes de M. [L] dans la tenue des assemblées générales,
- Le condamner à son profit à relever et garantir le syndicat des copropriétaires de toutes condamnations.
Au soutien de ses prétentions, M. [F] fait valoir notamment que :
Mme [M] alors même qu'elle est épouse de M. [L] lui-même syndic, a été élue présidente de séance dun 10 janvier 2019, ce qui contrevient aux dispositions de l'article 22 alinéa 4 de la Loi de 1965 prévoyant que ni le syndic ni son conjoint ne peut présider l'assemblée générale ;
Pour les mêmes raisons de droit, l'annulation de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 est demandée, et l'action est recevable dans la mesure où la signification a été effectuée à son domicile au chalet de l'abbaye alors même qu'il n'y réside pas et qu'il n'y a pas accès.
Par dernières écritures du 15 juillet 2022, régulièrement notifiées par voie de communication électronique, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] demandent à la cour de :
- Confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Thonon les Bains le 2 décembre 2021 en ce qu'il a :
- Déclaré l'action engagée par M. [F] à l'encontre du procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 irrecevable car étant forclose,
- Débouté M. [F] de l'ensemble de ses demandes,
- Condamné M. [F] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et à M. [L] la somme de 2 000 euros, chacun, au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [F] aux entiers dépens de l'instance ;
Et en conséquence,
- Prononcer l'irrecevabilité pour forclusion de l'action engagée par M. [F] par exploits d'huissier délivrés le 5 février 2019 en annulation de l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de L'abbaye du 9 janvier 2016 et toutes les résolutions votées ce jour-là ;
- A titre subsidiaire, et en toutes hypothèses, débouter M. [F] de sa demande non fondée en droit tendant à l'annulation de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 ;
- En tout état de cause, débouter M. [F] de sa demande non-fondée en droit tendant à l'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de L'abbaye du 10 janvier 2019 et toutes les résolutions votées ce jour-là dont celle renouvelant le mandat du syndic arrivé à expiration le 9 janvier 2019 ;
- Prononcer l'incompétence du tribunal judiciaire de Thonon les Bains pour statuer sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire formée par M. [F] dans ses assignations du 5 février 2019 et au visa des dispositions des articles 46 et 47 du décret du 17 mars 1967 ;
- En conséquence, débouter M. [F] de sa demande de désignation d'un administrateur provisoire formée au titre de l'effet dévolutif de l'appel ;
- Retenir que M. [F] n'établit aucune faute du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et de M. [L] syndic bénévole dans la tenue des assemblées générales, et en conséquence :
- Débouter M. [F] de sa demande de condamnation in solidum du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et de M. [L] à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- Débouter M. [F] de sa demande de relevé et garantie par le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et de M. [L] de toutes condamnations,
- Débouter M. [F] de sa demande de condamnation aux dépens.
Confirmant le jugement déféré,
- Condamner M. [F] à leur verser chacun la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en première instance ;
Sur appel incident, infirmer le jugement rendu le 2 décembre 2021 en ce qu'il les a :
- Débouté de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;
- Débouté de leur demande d'exclusion de M. [F] de la répartition, entre copropriétaires, de la condamnation au titre de l'indemnité judiciaire ;
- Débouté de leur demande d'intégration, dans les dépens, du coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale tenue le 9 janvier 2016 ;
- Et en conséquence, condamner M. [F] à leur verser chacun la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive, au visa des dispositions de l'article 1240 du code civil,
- Prononcer l'exclusion de M. [F] de la répartition financière entre les copropriétaires des condamnations prononcées au bénéfice du syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye ;
- Condamner M. [F] aux entiers dépens exposés en première instance et en appel, en ce compris le coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale tenue le 9 janvier 2016 (soit 86,70 euros TTC), rendue nécessaire par le refus de réceptionner la LRAR notifiant le procès-verbal d'assemblée générale ;
Et statuant à nouveau,
- Condamner M. [F] à verser à M. [L] la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel ;
- Condamner M. [F] à verser au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais irrépétibles exposés en cause d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, le syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier les Chalets de l'Abbaye et M. [L] font valoir notamment que :
M. [F] ne justifie pas avoir notifié au syndicat des copropriétaires, conformément aux obligations issues de l'article 65 du décret et de l'article 80 du règlement de copropriété dont il est le rédacteur, son domicile élu ou son changement de domicile élu, le délai de deux mois a donc bien commencé à courir par la notification du procès-verbal de l'assemblée générale, soit le 13 janvier 2016 par LRAR ou, à tout le moins, le 20 janvier 2016 par signification ;
M. [L] n'étant plus syndic, à la date de l'assemblée générale du 9 janvier 2016, sa conjointe ou lui-même avaient parfaitement qualité pour présider l'assemblée ;
Seul le président du tribunal judiciaire de Thonon les Bains est compétent pour statuer, sur requête, sur la demande de désignation d'un administrateur provisoire.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des prétentions des parties, la cour se réfère à leurs conclusions visées par le greffe et développées lors de l'audience ainsi qu'à la décision entreprise.
Une ordonnance en date du 22 avril 2024 a clôturé l'instruction de la procédure. L'affaire a été plaidée à l'audience du 21 mai 2024.
MOTIFS ET DECISION
I- Sur la recevabilité des contestations des procès-verbaux des assemblées générales
L'article 42, alinéa 2 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, dans sa version en vigueur au 9 janvier 2016, dispose : 'Les actions qui ont pour objet de contester les décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants, dans un délai de deux mois à compter de la notification desdites décisions qui leur est faite à la diligence du syndic, dans un délai de deux mois à compter de la tenue de l'assemblée générale. Sauf en cas d'urgence, l'exécution par le syndic des travaux décidés par l'assemblée générale en application des articles 25 et 26 est suspendue jusqu'à l'expiration du délai mentionné à la première phrase du présent alinéa.'
L'article 64 du décret 67-223 du 17 mars 1967, dans sa version applicable au litige, précise : 'Toutes les notifications et mises en demeure prévues par la loi du 10 juillet 1965 susvisée et le présent décret sont valablement faites par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. Le délai qu'elles font, le cas échéant, courir a pour point de départ le lendemain du jour de la première présentation de la lettre recommandée au domicile du destinataire.
Ces notifications et mises en demeure peuvent également être valablement faites par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées aux articles 64-1 à 64-4.
Toutefois, la notification des convocations prévues au présent décret ainsi que celle de l'avis mentionné à l'article 59 ci-dessus peuvent valablement résulter d'une remise contre récépissé ou émargement..'
C'est à l'issue d'une analyse pertinente, exhaustive et exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu que :
- le procès-verbal de l'assemblée générale du 9 janvier 2016 contesté par M. [F] a été notifié le 10 janvier 2016, soit dans le délai de deux mois, par lettre recommandée avec accusé de réception, à l'adresse suivante '[Adresse 4]' ;
- pour être régulière, la notification doit intervenir par lettre recommandée avec accusé de réception au domicile du copropriétaire ou à l'adresse qu'il doit justifier avoir notifié au syndic (3e Civ. 10 mars 2015, pourvoi n°13-28.492) ; or, aucune pièce n'établit M. [F] ait notifié au syndic une autre adresse que celle de la copropriété ;
- l'accusé de réception de la lettre recommandée et le traçage fourni par la Poste démontrent que le courrier a été transféré, en vertu d'un transfert d'adresse, au [Adresse 1] à [Localité 3], lieu où la signature de l'accusé de réception a été refusée par M. [F] le 13 janvier 2016, selon mention figurant sur le récépissé ;
- que les développements de l'appelant sur ses difficultés à se rendre à son adresse à [Localité 2] sont sans emport sur la solution du litige, dans la mesure où le procès-verbal lui a bien été notifié, et que le délai de contestation a commencé à courir le 14 janvier 2016 (3e Civ. 27 avril 2000, pourvoi n°98-19.305).
Le jugement de première instance sera confirmé en ce qu'il a retenu que l'action en contestation du procès-verbal d'assemblée générale du 9 janvier 2016, introduite par assignation du 5 février 2019, était forclose. En revanche, la contestation de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, introduite par le même acte d'huissier, et dans le délai de deux mois, est recevable.
II- Sur le bien fondé de l'action en nullité de l'assemblée générale du 10 janvier 2019
L'article 22 I alinéa 4 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 dispose 'Ne peuvent ni recevoir de mandat pour représenter un copropriétaire, ni présider l'assemblée générale :
1° Le syndic, son conjoint, le partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité, son concubin;
2° Les ascendants et descendants du syndic ainsi que ceux de son conjoint ou du partenaire lié à lui par un pacte civil de solidarité ou de son concubin ;
3° Les préposés du syndic, leur conjoint, le partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité, leur concubin ;
4° Les ascendants et descendants des préposés du syndic ainsi que ceux de leur conjoint ou du partenaire lié à eux par un pacte civil de solidarité ou de leur concubin.'
Les dispositions légales et règlementaires sur les activités relatives à certaines opérations portant sur les immeubles et les fonds de commerce, issues des lois et décret de 1965 et 1967 sur les copropriétés, de la loi n° 70-9 du 2 janvier 1970 dite Hoguet, et du décret du 25 mars 2015 imposent la conclusion d'un contrat de syndic, lequel ne peut dépasser la durée de 3 ans ; ce dont il découle qu'il n'existe pas de syndic 'de fait' et que l'expiration du mandat met immédiatement fin à la gestion de la copropriété par le syndic (3e Civ. 19 octobre 2017, pourvoi n°16-24.646).
La résolution n°16 de l'assemblée générale du 9 janvier 2016, adoptée à la majorité de l'article 24 après carence du vote à la majorité de l'article 25 comportait une explication liminaire 'en l'absence de conseil syndical, il n'a pas été procédé à mise en concurrence de candidats aux fonctions de syndic. L'assemblée générale prend acte de la candidature au renouvellement en tant que syndic bénévole de M. [L]', et était ainsi libellée 'l'assemblée générale nomme M. [Y] [L] aux fonctions de syndic bénévole pour une durée de 3 année, prenant effet -postérieurement à la signature du procès-verbal d'assemblée générale soit du 10 janvier 2016 au 9 janvier 2019.'
Il résulte de ces éléments que M. [Y] [L] n'avait plus qualité de syndic de la copropriété 'les chalets de l'abbaye' à la date de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, et que son épouse copropriétaire pouvait présider et signer le procès-verbal de l'assemblée générale.
Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en toutes ses dispositions, étant précisé que, suite au rejet des demandes d'annulation de l'assemblée générale du 10 janvier 2019, la prétention aux fins de faire désigner un administrateur provisoire est sans objet, nonobstant le caractère dévolutif de l'appel soutenu par M. [F].
III- Sur l'existence d'une procédure abusive
L'article 1240 du code civil dispose 'tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.'
Il est admis que le droit d'ester en justice comme tout droit subjectif n'a pas un caractère absolu et que son exercice est susceptible de dégénérer en abus, lequel va alors ouvrir à la partie victime le droit de percevoir des dommages-intérêts destinés à compenser le préjudice qu'elle a subi à ce titre.
En l'espèce, si le premier juge a retenu que l'action de M. [F] n'était pas dépourvue de tout fondement juridique, même interprété de façon erronée, il convient d'observer que cette action, rejetée à la fois au fond et au niveau de la recevabilité, a été poursuivie en appel, fondée sur des arguments juridiques identiques et sur les mêmes faits, sans aucun élément ou fondement juridique nouveau. Dès lors, M. [F] ne pouvait, en tant que professionnel de l'immobilier ayant géré plusieurs sociétés civiles immobilières et à l'origine de la construction de la copropriété des chalets de l'abbaye, ignorer le sort qui serait réservé à son appel, lequel se contente de reprendre les arguments soutenus en première instance.
Par conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande d'indemnisation de M. [L] et du syndicat des copropriétaires sur le fondement de la procédure d'appel abusive à hauteur de 1 500 euros chacun, à titre d'indemnisation du préjudice moral.
IV- Sur la répartition entre copropriétaires des condamnations au bénéfice du syndicat
L'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit en son avant-dernier et dernier alinéa 'Le copropriétaire qui, à l'issue d'une instance judiciaire l'opposant au syndicat, voit sa prétention déclarée fondée par le juge, est dispensé, même en l'absence de demande de sa part, de toute participation à la dépense commune des frais de procédure, dont la charge est répartie entre les autres copropriétaires.
Le juge peut toutefois en décider autrement en considération de l'équité ou de la situation économique des parties.'
En l'espèce, M. [F] n'a pas vu sa prétention accueillie, de sorte qu'il n'y a pas lieu de le dispenser de participer aux frais de procédure. Il est ensuite impossible, si tel est le sens de la demande de M. [L] et du syndicat des copropriétaires, de dire que M. [F] sera exclu de la répartition des bénéfices de la condamnation obtenue par le syndicat des copropriétaires, le syndicat ne recueillant pas lesdites sommes à titre de représentant des copropriétaires qui seraient considérés comme propriétaires indivis et pouvant recevoir leur part des fruits de l'indivision.
C'est à l'issue d'une analyse pertinente et exempte d'insuffisance que le premier juge a retenu que M. [F], en qualité de copropiétaire, ne pouvait être exclu de la répartition finanicère entre les copropriétaires de la somme allouée au titre des frais irrépétibles ou des dommages et intérêts.
V- Sur les demandes accessoires
Succombant en son appel, M. [W] [F] supportera les dépens de l'instance d'appel, ainsi qu'une indemnité procédurale de 3 000 euros à chacun des intimés.
Le coût de la signification du procès-verbal d'assemblée générale du 9 janvier 2016 fait partie des frais engagés par le syndic dans le cadre de la gestion de la copropriété qui lui a été confiée, et n'a donc pas de raison d'entrer dans les dépens de la présente instance.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant publiquement, par décision contradictoire et après en avoir délibéré conformément à la loi,
Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,
Y ajoutant,
Condamne M. [W] [F] aux dépens en cause d'appel,
Condamne M. [W] [F] à payer au syndicat des copropriétaires des chalets de l'abbaye:
- 1 500 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [W] [F] à payer à M. [Y] [L] :
- 1 500 euros de dommages et intérêts pour appel abusif,
- 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Arrêt Contradictoire rendu publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
et signé par Hélène PIRAT, Présidente et Sylvie LAVAL, Greffier.
Le Greffier, La Présidente,
Copie délivrée le 08 octobre 2024
à
la SELARL LEVANTI
la SELARL VIARD-HERISSON GARIN
Copie exécutoire délivrée le 08 octobre 2024
à
la SELARL SELARL VIARD-HERISSON GARIN