Décisions
CA Rouen, 1re ch. civ., 16 octobre 2024, n° 22/02473
ROUEN
Arrêt
Autre
N° RG 22/02473 - N° Portalis DBV2-V-B7G-JEKV
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2014/09217
Tribunal de commerce de Rouen du 30 mai 2022
APPELANTE :
SCI [Adresse 11]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Jean-Philippe CARPENTIER, avocat au barreau de Paris
INTIMEES :
SAS [R] [J] ET ASSOCIES
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par Me Renaud DE BEZENAC de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Chantal MALARD de la Selas LARRIEU & Associés, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de Rouen
SASU ELITE DESIGN & BUILD
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Olivier JOUGLA de la Selarl EKIS Avocats, avocat au barreau du Havre
SARL BUREAU SERVICE CONSEIL ENTREPRISE
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Stéphanie ABIDOS, avocat au barreau de Paris
Société QBE EUROPE SA/NV
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentée par Me Anne LERABLE de la SELARL JURIADIS GORAND -MARTIN-PIEDAGNEL-DELAPLACE - QUILBE - GODARD - DEBUYS- OMONT -LERABLE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Stéphane LAMBERT, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 5 juin 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 5 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 septembre 2024, prorogé au 16 octobre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Aux termes de contrats distincts du 20 décembre 2010, la Sci [Adresse 11], propriétaire d'un immeuble de bureaux, dénommé [Adresse 13], situé [Adresse 11] à [Localité 7], et composé de neuf étages et de deux sous-sols, l'a donné à bail à la préfecture de la région Haute-Normandie et du département de la Seine-Maritime et à l'Agence régionale de santé de Haute-Normandie pour une durée de 12 ans, dont six ans ferme, avec obligation pour la bailleresse d'effectuer à sa charge à concurrence de 5 millions d'euros HT des travaux spécifiques de rénovation de l'immeuble.
A cet effet, la Sci [Adresse 11] a confié notamment :
- la maîtrise d'oeuvre à la Sas [R] [J] et Associés,
- l'assistance à la maîtrise d'ouvrage à la société Elite Design & Build,
- le lot démolition, gros-oeuvre, et étanchéité à la société Cardem.
Lors des travaux de curage effectués par la société Cardem à compter du 14 juin 2011, un matériau contenant de l'amiante se trouvant dans les joints des cloisons et non identifié par la société Add (Diard), ayant effectué le 16 mars 2011 le diagnostic de repérage d'amiante avant travaux, a été retiré sans précaution, ce qui a généré une pollution importante, l'évacuation de l'immeuble, et un arrêt du chantier le 2 août 2011.
Suivant acte sous signature privée accepté le 8 septembre 2011, la Sci [Adresse 11] a confié à la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise (Bsce) une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour définir, piloter et exploiter le projet réalisé par le maître d'oeuvre pour le retrait des matériaux ou produits contenant de l'amiante (Mpca) de l'immeuble.
Par ordonnance du 22 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a fait droit à la demande de réalisation d'une expertise présentée par la Sci [Adresse 11] au contradictoire notamment des sociétés [R] [J] et Associés, Cardem, et Add (Diard). Il a désigné à cet effet M. [L] [F], lequel a conseillé en cours d'expertise la réalisation d'un nouveau diagnostic amiante avant travaux et la détermination du périmètre contaminé. La Sci [Adresse 11] en a confié la réalisation à la Sarl [V] Conseil.
Les travaux de dépollution et de curage complémentaire de l'immeuble avec le retrait des Mpca hors parking ont été effectués par la société Cms du 12 mars au 21 décembre 2012.
Par ordonnance du 4 octobre 2012, le même juge des référés a fait droit à la demande de la Sci [Adresse 11] de réalisation d'une expertise formée contre la société [V] Conseil qu'il a confiée au même expert. La Sci [Adresse 11] estimait que la société [V] Conseil avait omis de diagnostiquer la présence d'amiante dans les allèges vitrées, les menuiseries extérieures du 6ème étage, et s'était trompée en disant que la peinture était amiantée alors que c'était l'enduit qui l'était. M. [F] a établi son rapport d'expertise le 3 janvier 2014.
Par acte d'huissier de justice du 9 octobre 2014, la Sci [Adresse 11] a fait assigner la Sarl Bsce devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de remise des secondes restitutions (résultats d'analyses) et d'indemnisation de son préjudice de 4 502 377,07 euros.
Suivant exploits des 26 janvier et 23 juin 2015, la Sarl Bsce a fait intervenir à la cause la société Elite D&B.
Par jugement du 11 avril 2016, le tribunal de commerce de Rouen a ordonné avant dire droit la réalisation d'une expertise sollicitée par la Sarl Bsce, notamment aux fins de recueillir un avis sur la réalité et la détermination du préjudice allégué par la Sci [Adresse 11]. Il l'a confiée à M. [F], qui a été remplacé par M. [E] [N] par ordonnance du 6 mai 2019.
Par actes d'huissier de justice du 23 août 2016, la Sarl Bsce a fait intervenir les sociétés Qbe Insurance Europe Limited son assureur, Neom venant aux droits de la société Csm, [R] [J] et Associés, et Bio-Goujard, laboratoire en charge du contrôle visuel de restitution, devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de leur rendre communes et opposables les opérations d'expertise en cours.
Il y a été fait droit par jugement du 17 octobre 2016 qui a ordonné la jonction de ces instances.
M. [F] a établi son rapport d'expertise le 31 octobre 2019 dans le cadre de sa mission ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen le 22 septembre 2011.
Par ordonnance du 1er octobre 2020, le juge chargé du contrôle des expertises près le tribunal de commerce de Rouen a ordonné que les pièces demandées par l'expert judiciaire et qui n'auraient pas été communiquées depuis sa demande, en ce compris des dommages dont la Sci [Adresse 11] demande réparation, soient remises à l'expert dans le délai d'un mois, soit au plus tard le 26 octobre 2020 à 12 heures et dit qu'à défaut, l'expert déposera sans délai son rapport en l'état.
M. [E] [N] a établi son rapport d'expertise en l'état le 27 octobre 2020.
Par jugement du 30 mai 2022, le tribunal de commerce de Rouen a :
- débouté la société Bsce de sa demande d'irrecevabilité,
- donné acte à la société Qbe Europe Sa/Nv de son intervention volontaire,
- dit que la société Bsce n'a pas commis de faute,
- rejeté toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à l'encontre de la société Bsce,
- débouté la société Bsce de sa demande d'indemnité formulée à l'encontre de la Sci [Adresse 11] pour la perte de son chiffre d'affaires,
- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la société Bsce à l'encontre de la société [Adresse 11] pour procédure abusive,
- prononcé la mise hors de cause de la société Qbe Insurance Europe Limited,
- prononcé la mise hors de cause de la société Neom,
- prononcé la mise hors de cause de la société [R] [J] et Associés,
- prononcé la mise hors de cause de la société Bio-Goujard,
- débouté la société Bsce et la société Qbe Europe Sa/Nv de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Elite D&B,
- débouté la société Bsce de ses demandes à l'égard de la société Qbe Europe Sa/Nv,
- condamné la Sci [Adresse 11] à verser à la société Bsce la somme de
20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sci [Adresse 11] à verser à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société Neom la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société [R] [J] et Associés la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société Elite D&B la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société Bio-Goujard la somme de
6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sci [Adresse 11] aux dépens de l'instance principale, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 222,84 euros,
- condamné la société Bsce aux dépens des instances jointes, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 165,81 euros.
Par déclaration du 22 juillet 2022, la Sci [Adresse 11] a formé un appel contre le jugement à l'encontre des sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv.
Par exploit du 3 janvier 2023, la société Qbe Europe Sa/Nv a fait assigner en appel provoqué la société Elite D&B.
Par exploits du 11 janvier 2023, la Sarl Bsce a fait assigner en appel provoqué la société Elite D&B et la Sas [R] [J] et Associés.
Par ordonnance du 19 décembre 2023, la présidente de la mise en état a :
- déclaré recevable l'appel provoqué signifié le 11 janvier 2023 par la Sarl Bsce à l'encontre de la Sas [R] [J] et Associés,
et avant dire droit,
- ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur la compétence du conseiller de la mise en état au titre des fins de non-recevoir relatives d'une part à la demande nouvelle de garantie formée à l'encontre de la Sas [R] [J] et Associés, d'autre part à la prescription quinquennale, le cas échéant, ce avant le lundi 15 janvier 2024 à 10 heures,
- renvoyé l'affaire à l'audience d'incident du mardi 16 janvier 2024 à 14h30,
- réservé les demandes pour le surplus et les dépens.
Par ordonnance du 13 février 2024, la présidente de la mise en état :
- s'est déclaré incompétente pour statuer sur les fins de non-recevoir relatives d'une part, à la demande nouvelle formée par la Sarl Bsce dans les termes susvisés et d'autre part, à la prescription des demandes formées par la Sarl Bsce dans l'acte délivré le 11 janvier 2023 sur appel provoqué, et soulevées par la Sas [R] [J] et Associés,
- a renvoyé les demandes à ce titre devant la cour,
- a fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 5 juin 2024 à 14 heures, l'ordonnance de clôture devant être prononcée le 15 mai 2024 à 14 heures, les dossiers devant être déposés le 21 mai 2024,
- a débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a décidé que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 4 juin 2024, la Sci [Adresse 11] demande, en application des articles 1134, 1142, et 1147 anciens du code civil, 789 du code de procédure civile, de voir :
- dire irrecevable car relevant de la compétence du conseiller de la mise en état toute demande visant à voir trancher des prescriptions ou des fins de non-recevoir,
- se voir déclarer recevable et fondée en son appel,
- réformer la décision entreprise,
- débouter la Sarl Bsce et l'ensemble des parties défenderesses de leurs demandes,
- condamner la Sarl Bsce à lui verser la somme de 15 078 793,70 euros en réparation de son préjudice,
- débouter Qbe Europe de ses demandes,
- dire que Qbe Europe devra garantir la Sarl Bsce de ses condamnations dans la limite de son contrat,
- condamner la Sarl Bsce et la société Qbe Europe à lui verser chacune la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la Sarl Bsce et la société Qbe Europe aux entiers dépens.
Elle réplique, s'agissant de l'exception de nullité de l'assignation du 9 octobre 2014 invoquée par la Sarl Bsce, que son gérant disposait des pouvoirs les plus larges pour engager une action judiciaire en responsabilité contractuelle utile à la réalisation de son objet social défini à l'article 2 des statuts, que, comme l'a jugé le tribunal de commerce, il ne résulte d'aucune pièce que le gérant avait besoin d'un pouvoir à cet effet.
Elle reproche à la Sarl Bsce de ne pas lui avoir délivré, malgré plusieurs réclamations de la société Elite D&B, les secondes restitutions qui avaient été effectuées par la société Bio-Goujard, laboratoire intervenant sous le contrôle et la coordination de la Sarl Bsce qui les avait en sa possession et de s'être abstenue de compléter le rapport de fin d'intervention.
Elle indique qu'elle n'a obtenu une copie des secondes restitutions que tardivement le 10 avril 2015 par le biais de la société Bio-Goujard ; que la remise des secondes restitutions par la Sarl Bcse à la société Cms et la reconnaissance tardive de leur réception par la société Elite D&B sont vaines ; qu'il en est de même du fait que la Sarl Bsce l'a informée lors de la réunion du 6 juillet 2012 de la découverte de l'enduit amianté dès lors qu'elle n'était qu'un maître d'ouvrage sans compétence technique ; que du fait de cette délivrance tardive des secondes restitutions, elle n'a pas pu respecter les termes de ses baux et a été privée des loyers afférents car les locataires n'ont finalement pas emménagé et ont rompu les baux.
Elle fait également grief à la Sarl Bsce d'avoir effectué une lecture erronée du rapport de la société [V] Conseil sur les peintures du restaurant inter-entreprises du rez-de-chaussée comme l'a relevé M. [F], et d'avoir été défaillante dans l'exécution de sa prestation comme il ressort des courriels échangés entre la Sarl Bsce et la société Elite D&B (notamment absence de transmission des compte-rendus de chantier, absence à la réunion de chantier du 28 février 2012, absence de demande de réalisation d'analyses complémentaires, fausse indication du 21 décembre 2013 selon laquelle la peinture du restaurant ne contenait pas d'amiante alors que la société Diag-en-Seine, diagnostiqueur amiante chargé de réaliser un diagnostic technique amiante de l'état final de l'immeuble, l'a relevé le 8 juillet 2014 lors de la réalisation de son diagnostic). Elle lui reproche aussi d'avoir abandonné le chantier.
Elle souligne que la situation est d'autant plus grave que la Sarl Bsce avait une mission complète que M. [F] a qualifié de maîtrise d'oeuvre et non pas de simple assistance à la gestion du risque amiante ; que dans son courrier du 31 juillet 2012 et dans son dire du 17 juillet 2019 lors de l'expertise de M. [N], la Sarl Bsce a reconnu ne pas avoir pris en compte les produits amiantifères dont elle avait connaissance au regard du rapport de la société [V] Conseil ; que cette faute de la Sarl Bsce a causé un retard de six mois dans la découverte de l'enduit amianté entre janvier et juillet 2012.
Elle précise que sa demande indemnitaire se distingue de celle faisant l'objet d'une autre instance engagée contre des sociétés autres que la Sarl Bsce, actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Rouen, et qui concerne les erreurs initiales des sociétés Add (Diard) et Cms, qu'elle a d'ailleurs retranché de ses présentes demandes les loyers correspondants à la période de mars à septembre 2013.
Elle fait valoir que le retard pris par la Sarl Bsce est à l'origine, d'une part, du départ de ses locataires comme en témoignent leurs courriers de rupture des baux et, d'autre part, de l'absence de versement de loyers depuis car l'immeuble demeure vide. Elle précise que son préjudice a été chiffré par la société Ace et par M. [M].
Elle demande la mobilisation de la garantie de la société Qbe Europe Sa/Nv aux motifs que la mission de conseil d'assistance à maîtrise ouvrage désamiantage confiée à la Sarl Bsce relève de l'activité couverte par la police d'assurance et ne peut en être exclue.
Elle ajoute que les demandes reconventionnelles de la Sarl Bsce sont mal fondées ; que cette dernière ne prouve pas le fait générateur de la chute de son chiffre d'affaires ou d'un quelconque lien de causalité avec le contentieux qu'elle a diligenté contre elle ; que la demande de la Sarl Bsce de paiement de ses frais exposés lors des opérations d'expertise n'est étayée par aucune pièce et que ceux-ci entrent dans le champ des frais de procédure et des dépens ; que cette dernière ne démontre pas davantage le préjudice moral qu'elle invoque ; que son action contre la Sarl Bsce n'est pas abusive et ne vise pas à obtenir deux fois la réparation d'un même préjudices ; que la demande de délais de paiement de la Sarl Bsce constitue une forme de reconnaissance du bien-fondé des prétentions indemnitaires formées contre elle et n'est pas fondée à défaut d'indication sur la raison de cette réclamation.
Par conclusions notifiées le 5 juin 2024, la Sarl Bsce sollicite, en vertu des articles 1315 alinéa 1er ancien, 1134 ancien, 1147 ancien, 1240, 1382 ancien, 1343-5 alinéa 1er, 2224, 2239, et 2241 du code civil, 32-1, 117, 514-1 alinéa 1, 550, 564, 565, 566, 700, et 909 du code de procédure civile, de voir :
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture et déclarer recevables ses conclusions déposées le 5 juin 2024,
- débouter la Sci [Adresse 11] de l'ensemble de ses prétentions d'appel,
- prononcer la nullité de l'exploit introductif d'instance en raison du défaut de pouvoir de représentation du gérant de la Sci [Adresse 11],
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 30 mai 2022 en ce qu'il a :
. dit que la société Bsce n'a pas commis de faute,
. rejeté toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à l'encontre de la société Bsce, rendant sans objet la demande de garantie de la société Qbe Europe Sa/Nv,
. condamné la Sci [Adresse 11] à verser à la société Bsce la somme de
20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la Sci [Adresse 11] aux dépens de l'instance principale dont les frais de greffe liquidés à la somme de 165,81 euros,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
. débouté la société Bsce de sa demande d'irrecevabilité,
. débouté la société Bsce de sa demande d'indemnité formulée à l'encontre de la Sci [Adresse 11] pour la perte de son chiffre d'affaires,
. rejeté la demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de la Sci [Adresse 11] pour procédure abusive,
. prononcé la mise hors de cause de la société [R] [J] et Associés,
. débouté la société Bsce et la société Qbe Europe Sa/Nv de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Elite D&B,
. débouté la société Bsce de ses demandes à l'égard de la société Qbe Europe Sa/Nv,
. condamné la société Bsce à verser à la société [R] [J] et Associés la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Bsce à verser à la société Elite D&B la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Bsce aux dépens des instances jointes, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 165,81 euros,
statuant à nouveau,
à titre principal :
- prononcer la nullité de l'exploit introductif d'instance en raison du défaut de pouvoir de représentation du gérant de la Sci [Adresse 11],
à titre subsidiaire, sur le fond et comme il en découle de la confirmation du jugement sollicitée ci-avant :
- dire que les secondes restitutions ont été effectivement transmises à la Sci [Adresse 11],
- rejeter toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à ce titre,
- dire que la Sarl Bsce n'a pas commis les fautes alléguées par la Sci [Adresse 11], que celles-ci sont sans lien causal avec les préjudices prétendument subis, et que les préjudices allégués sont dépourvus de justification dans leur fondement et dans leur quantum,
- rejeter toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à ce titre,
- débouter la Sci [Adresse 11] de toutes autres demandes,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel décidait d'infirmer le jugement et faisait droit aux prétentions de la Sci [Adresse 11] :
- écarter les irrecevabilités soulevées par la Sas [R] [J] et Associés,
- déclarer recevables ses demandes formulées à l'encontre de la Sas [R] [J] et Associés,
sur le fond :
- dire que les demandes d'indemnités de la Sci [Adresse 11] sont excessives et, ne retenant que les préjudices dûment justifiés ayant un lien direct et certain avec les fautes retenues, les réduire à due concurrence du ratio que représente la surface de la zone du restaurant inter-entreprises par rapport à la surface habitable totale de l'immeuble,
- condamner in solidum la société Elite D&B et la Sas [R] [J] et Associés à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre dans le cadre de la présente instance,
à titre ultra subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel la désignait seule responsable des préjudices allégués par la Sci [Adresse 11] :
- dire que les demandes d'indemnités de la Sci [Adresse 11] sont excessives et, ne retenant que les préjudices dûment justifiés ayant lien direct et certain avec les fautes retenues, les réduire à due concurrence du ratio que représente la surface de la zone du restaurant inter-entreprises par rapport à la surface habitable totale de l'immeuble,
- dire que la garantie est due par la société Qbe Europe Sa/Nv à hauteur de
1 500 000 euros suivant les dispositions contractuelles,
reconventionnellement :
- condamner la Sci [Adresse 11] à lui verser une indemnité égale à
1 138 100 euros,
- déclarer abusive l'action diligentée par la Sci [Adresse 11] et condamner celle-ci à lui verser une indemnité égale à 1 500 000 euros,
en tout état de cause y ajoutant :
- se voir accorder les plus larges délais en cas de condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la Sci [Adresse 11],
- suspendre l'exécution provisoire de la décision à intervenir en ce qu'elle la condamnerait,
- débouter la société Elite D&B, la Sas [R] [J] et Associés, et la Sci [Adresse 11] de toutes demandes,
- condamner la Sci [Adresse 11] au paiement des frais de l'expertise diligentée en première instance et au paiement de la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
Elle précise que la Sci [Adresse 11] ayant notifié tardivement ses dernières conclusions le 4 juin 2024, elle est bien fondée à demander le rabat de l'ordonnance de clôture afin de rendre recevables ses conclusions en réplique.
Elle fait valoir à titre principal que l'assignation qui lui a été délivrée le 9 octobre 2014 par la Sci [Adresse 11] est nulle en application de l'article 117 du code de procédure civile pour défaut de pouvoir de représentation du gérant de celle-ci pour engager une action aux fins de paiement et de mise en cause de sa responsabilité contractuelle ; que l'exercice de cette action n'entre pas dans l'objet social de la Sci défini dans les statuts ; que le gérant de celle-ci aurait dû solliciter de l'assemblée générale une autorisation à cet effet.
Elle expose sur le fond qu'elle a assumé une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage et non pas une mission de maîtrise d'oeuvre amiante qui l'a été par la société Elite D&B, la Sas [R] [J] et Associés, et par M. [F] dans le cadre de sa mission d'expertise ; que M. [F] qui avait estimé le contraire dans son premier compte-rendu n'en a plus fait état dans son compte-rendu suivant du 18 juillet 2016 après avoir pris connaissance de l'avenant conclu entre la Sci [Adresse 11] et la société Elite D&B prévoyant une mission complémentaire amiante.
Elle avance que les conditions de sa responsabilité contractuelle ne sont pas réunies.
Elle soutient d'abord qu'elle n'a commis aucune faute lors de l'exécution du contrat, qu'elle a découvert l'enduit amianté en faisant réaliser des prélèvements par le laboratoire Bio-Goujard en mai-juin 2012 et en a informé la Sci [Adresse 11] lors de la réunion du 6 juillet 2012 où celle-ci était représentée par
M. [A] et à laquelle elle en a adressé un compte-rendu ; que la Sci [Adresse 11] seule a décidé de ne pas procéder au retrait de l'enduit amianté et de recourir à une société autre que la société Neom pour la réalisation des travaux complémentaires.
Elle ajoute que le rapport de repérage de la société [V] Conseil est irrecevable comme l'a conclu M. [F] ; que le reproche selon lequel elle aurait indiqué dans un courriel du 21 décembre 2013 adressé à la société Elite D&B que la peinture dans la zone du restaurant ne contenait pas d'amiante n'est pas fondé car sa mission était achevée depuis le 20 décembre 2012 et cette réponse a été donnée sur le diagnostic de la société [V] Conseil de juillet 2012 et non sur les photographies ; que les résultats du rapport de repérage réalisé par la société Bio-Goujard les 13 et 14 octobre 2011 étaient négatifs quant à la présence d'amiante sur la peinture goutelette ; que les résultats du diagnostic effectué par la société Diag-en-Seine en juillet 2014 sur des prélèvements de peintures étaient hétérogènes ; que celle-ci n'a pas exclu que les écailles de peinture aient pu être contaminées par une nouvelle pollution d'amiante, la zone des prélèvements étant en travaux ; qu'il a ainsi été réalisé un ponçage du plancher haut dans la zone du restaurant sur des surfaces contenant de l'enduit amianté.
Elle réfute être à l'origine d'un retard lors du déroulement du chantier de désamiantage qui n'a démarré que le 12 mars 2012 en raison du retard pris par la société Elite D&B dans la transmission des procès-verbaux de consignation des réseaux de contrôle technique de l'installation électrique de chantier qu'elle lui avait réclamés depuis novembre 2011 ; que le repli du chantier a été décalé d'août à décembre 2012 en raison de travaux supplémentaires demandés par la Sci [Adresse 11] laquelle ne lui a à aucun moment reproché un retard et lui a payé l'intégralité des factures présentées ; que les arrêts de chantier ont eu lieu hors de l'exécution de sa mission.
Elle indique que les secondes restitutions ont été remises par la société Cms à
M. [G] représentant de la société Elite D&B en charge du suivi du chantier, ce que celle-ci a reconnu devant M. [F] et ce que reconnaît la Sci [Adresse 11] en cause d'appel ; que cette dernière a été destinataire de ses comptes-rendus ; qu'elle a complété le rapport de fin d'intervention de chantier qu'elle lui a adressé le 30 octobre 2013 avec sa dernière facture.
Elle soutient par ailleurs qu'il n'existe aucun lien de causalité direct et certain entre les fautes reprochées et les congés donnés par les locataires qui n'y évoquent pas la présence d'amiante comme cause de la résiliation des baux, ni un quelconque retard ; que les lettres de congés datent de plus de trois ans après le repli du chantier de désamiantage ; que la cause du départ des locataires est le projet de fusion des régions de Haute et de Basse-Normandie.
Elle précise enfin que l'appelante ne justifie pas de l'existence d'un préjudice causé par les fautes alléguées. Elle souligne que la Sci [Adresse 11] s'est opposée de manière incompréhensible à la demande d'expertise formulée devant le tribunal de commerce et n'a eu de cesse d'en entraver le déroulement ; que cette dernière n'a pas satisfait notamment aux demandes de communication de certains documents réclamés par M. [N] dont la liste des préjudices subis et le protocole transactionnel signé avec les locataires le 1er janvier 2017 ; que ce comportement fautif a eu pour résultat le dépôt en l'état du rapport d'expertise.
Elle ajoute qu'elle est étrangère aux incidences de la première pollution d'amiante et aux travaux de désamiantage afférents, de sorte que les réclamations de la Sci [Adresse 11] relatives à des pertes de loyers subies entre avril 2012 et février 2014 et aux frais et travaux qui en ont découlé ne peuvent lui être imputées ; que la Sci [Adresse 11] sollicite devant deux juridictions différentes et à l'encontre de parties différents l'indemnisation de préjudices identiques, ce que celle-ci a reconnu en diminuant sa demande au titre de la perte de loyers ; que la Sci [Adresse 11] a perçu les loyers qu'elle réclame et ne fournit pas de pièce prouvant une responsabilité de la Sarl Bsce dans l'inoccupation du bâtiment depuis le départ des preneurs ; que la Sci [Adresse 11] tente d'obtenir le paiement de la totalité des travaux de remise en état de l'immeuble alors que celle-ci en est seule comptable et les a laissés à l'abandon ; que la Sci [Adresse 11] ne produit aucune pièce justifiant les sommes réclamées.
Elle recherche à titre infiniment subsidiaire la garantie des sociétés Elite D&B et [R] [J] et Associés sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil.
Elle explique qu'elle était sous la complète sujétion de la société Elite D&B qui avait le rôle de maître d'oeuvre la supervisant et la contrôlant et de représentant de la Sci [Adresse 11] sur le chantier ; que la société Elite D&B ne prouve pas une autonomie de la Sarl Bsce lors de l'exécution de sa mission.
S'agissant de la Sas [R] [J] et Associés, elle avance que sa demande en garantie dirigée contre elle est recevable et ne peut être qualifiée de demande nouvelle en appel, car elle est le support de sa demande faite en première instance aux fins de lui rendre l'expertise ordonnée le 11 avril 2016 commune et opposable et poursuit les mêmes fins ; que surabondamment elle s'appuie sur la révélation du fait nouveau dans le cadre de l'instance pendante actuellement devant le tribunal judiciaire de Rouen de la poursuite de la mission amiante de la Sas [R] [J] et Associés après la première pollution d'amiante contrairement à ce que celle-ci avait affirmé devant le tribunal de commerce.
Elle estime que sa demande en garantie contre la Sas [R] [J] et Associés n'est pas prescrite ; que le délai de la prescription quinquennale a été interrompu par l'assignation en intervention forcée de celle-ci le 23 août 2016, a recommencé à courir à compter du jugement du 30 mai 2022, et a été interrompu par l'assignation en appel provoqué qui a été délivrée à celle-ci le 11 janvier 2023 ; que les faits justifiant le présent appel en garantie ont été connus le 7 octobre 2012.
Elle considère sur le fond que la Sas [R] [J] et Associés a failli à sa mission de maître d'oeuvre sur le chantier incluant une mission amiante en raison d'erreurs commises lors de la lecture d'un rapport de repérage qui ont été à l'origine d'une nouvelle suspension du chantier en 2013.
Elle sollicite subsidiairement la garantie de son assureur la société Qbe Europe Sa/Nv aux motifs que sa prestation, qui n'était pas une mission de maîtrise d'oeuvre, ni de diagnostic de l'amiante, était couverte par la police d'assurance.
Reconventionnellement, elle demande la condamnation de l'appelante à lui verser des dommages et intérêts aux motifs que celle-ci a introduit une action en paiement contre elle alors qu'elle disposait de tous les éléments démontrant qu'elle est étrangère aux préjudices allégués et que cette action a été formée devant deux juridictions différentes contre des parties différentes ; que les problèmes de santé de son gérant M. [C] qui en ont découlé ont impacté son chiffre d'affaires de sorte qu'elle réclame l'indemnisation de la perte de celui-ci de 1 063 000 euros ; qu'elle a également dû se rendre disponible pour assister aux différentes réunions d'expertise ce qui lui a occasionné des frais de 50 000 euros ; que le comportement malhonnête de la Sci [Adresse 11] a été source de souffrances et de stress constitutives d'un préjudice moral devant être réparé à hauteur de 25 000 euros ; que la Sci [Adresse 11] sera également sanctionnée pour avoir engagé abusivement cette procédure contre elle à concurrence de 1 500 000 euros, soit 10 % des sommes qu'elle lui réclame.
Par conclusions notifiées le 30 décembre 2022 et aux termes de l'assignation du 3 janvier 2023, la société Qbe Europe Sa/Nv ès qualités d'assureur de la Sarl Bsce demande de voir en application des articles 1147 et 1382 du code civil :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris du 30 mai 2022 dans son intégralité,
à titre subsidiaire,
- requalifier la mission confiée à la Sarl Bsce de mission de maîtrise d'oeuvre,
- juger que celle-ci a exercé une activité de maîtrise d'oeuvre, voire de diagnostiqueur, non garantie par le contrat qu'elle lui a délivré,
- rejeter toute demande formulée à son encontre,
plus subsidiairement,
- juger en tout état de cause que seul le préjudice immatériel allégué par la Sci [Adresse 11] pourrait être pris en charge par elle, et qu'à ce titre, elle serait bien fondée à opposer ses limites contractuelles (franchises et plafonds) erga omnes,
à titre encore plus subsidiaire,
- juger que la Sarl Bsce n'a commis aucune faute contractuelle dans l'exécution de sa mission et que la Sci [Adresse 11] ne rapporte pas la preuve de la réalité du principe de ses préjudices, ni de justificatifs des montants allégués, ni d'un quelconque lien entre ses préjudices allégués et la prétendue erreur de lecture de la Sarl Bsce,
- rejeter toutes les demandes qui seraient formulées à son encontre,
à titre infiniment subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions les demandes qui seraient formulées à son encontre au titre des travaux complémentaires de dépollution,
- rejeter les demandes qui seraient formulées à son encontre au titre des pertes de loyers consécutives à un retard de chantier en application des conditions générales du contrat souscrit par la Sarl Bsce,
en tout état de cause,
- condamner la société Elite D&B à la relever et garantir de toute condamnation qui serait formulée à son encontre,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sci [Adresse 11] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner la Sci [Adresse 11], ou toute partie succombante, à lui verser, dans le cadre de la procédure d'appel, la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Lerable, avocat au barreau de Rouen.
Elle fait valoir à titre subsidiaire que sa garantie n'est pas mobilisable, car la Sarl Bsce, en réalisant des interventions s'apparentant davantage à une mission de maître d'oeuvre désamiantage, a outrepassé les limites du contrat d'assurance.
Elle expose à titre plus subsidiaire que la Sarl Bsce n'a commis aucune faute contractuelle dans l'exécution de sa mission ; que celle-ci n'étant pas diagnostiqueur, il ne peut lui être reproché l'absence de découverte des enduits amiantés avant juillet 2012 ; que l'indication donnée par la Sarl Bsce dans son courriel du 21 décembre 2013 selon laquelle seuls les enduits étaient amiantés l'a été en-dehors de toute mission et n'était pas fondamentalement erronée au regard des rapports de la société [V] Conseil de juillet 2012 et de la société Virreos de juin 2013 dont elle disposait ; que lors du diagnostic effectué par la société Diag-en-Seine, les travaux d'aménagement avaient débuté créant ainsi un risque de pollution de l'air ; que
M. [N] n'a pas pu déterminer la réalité d'une faute de la Sarl Bsce.
Elle considère en outre que la Sci [Adresse 11] ne prouve pas la réalité du principe de ses préjudices, ni leurs montants ; que l'expert judiciaire n'a pas reçu les éléments lui permettant de les vérifier ; que la Sci [Adresse 11] ne démontre pas davantage l'existence d'un lien entre d'éventuels errements de chantier dus ou non à la présence d'amiante et donc indirectement à une potentielle erreur commise par la Sarl Bsce avec le départ de ses locataires ; que les lettres de résiliation produites ne l'expliquent pas ; que, dans le cadre de l'expertise de M. [N], a été évoqué un protocole conclu entre la Sci [Adresse 11] et l'Etat pour organiser la sortie de bail qui n'a jamais été communiqué ; qu'au final, la responsabilité contractuelle de son assurée ne peut pas être engagée.
Elle ajoute qu'elle ne pourrait pas être condamnée au titre des travaux de restructuration des plateaux de bureaux aménageables car ils sont induits par la résiliation du contrat de location dont les raisons n'ont pas été démontrées, qu'elle ne peut pas l'être davantage au titre des travaux de doublage des voiles, poteaux et poutres et de modification des travaux de la société Hervé Thermique qui devaient être réalisés quelle que soit la date de découverte de l'amiante dans les enduits ; qu'il ne pourrait être retenu qu'un surcoût de 50 000 euros au titre de la réintervention pour une dépollution complémentaire rendue nécessaire par la découverte des enduits amiantés ; que la perte de loyers devrait être limitée à la durée de trois mois du retard réel de chantier entre fin juillet 2012 et fin octobre 2012 ; que sa garantie n'est pas mobilisable pour les conséquences d'un retard de chantier.
Subsidiairement, elle recherche la garantie de la société Elite D&B pour ne pas avoir fautivement interpelé la Sci [Adresse 11] sur la nécessité, en cas de doute, de procéder immédiatement à de nouveaux diagnostics.
Par conclusions notifiées le 14 mai 2024, la Sas [R] [J] et Associés demande de voir en vertu des articles 564 du code de procédure civile, 1240, 2224, 2244, et 2247 du code civil :
- déclarer irrecevables les demandes formées pour la première fois en cause d'appel par la Sarl Bsce à son encontre,
- déclarer irrecevables les demandes prescrites formées par la Sarl Bsce à son encontre,
- prononcer sa mise hors de cause,
- confirmer le jugement rendu le 30 mai 2022 par le tribunal de commerce de Rouen en toutes ses dispositions,
- rejeter les arguments et demandes formées par la Sarl Bsce et celles de toutes autres parties, à son encontre,
- condamner la Sarl Bsce à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, en plus des entiers dépens.
Elle fait valoir que les demandes formées à son encontre par la Sarl Bsce sont irrecevables pour être nouvelles en cause d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile ; que celle-ci n'a formulé aucune demande de condamnation contre elle en première instance comme le précise le tribunal dans son jugement ; que l'assignation du 23 août 2016 n'a été délivrée qu'aux fins d'intervention forcée à son égard ; que la Sarl Bsce ne saurait simuler la découverte récente d'une poursuite d'une mission amiante de la Sas [R] [J] et Associés qui est fausse pour motiver son appel en garantie formé pour la première fois en cause d'appel.
Elle ajoute que ces mêmes demandes formées le 11 janvier 2023 sont prescrites car aucun acte de la Sarl Bsce n'a interrompu le délai de la prescription quinquennale courant depuis le 23 août 2016 ; que ce délai n'a pas recommencé à courir à compter du jugement du 30 mai 2022 qui ne constitue pas une demande en justice.
Elle précise sur le fond que sa responsabilité quasi-délictuelle n'est pas engagée à défaut de démontrer une faute de sa part, un préjudice, et un lien de causalité entre les deux ; que la mission de maîtrise d'oeuvre des travaux de désamiantage, prétendument à l'origine de l'insuffisance de dépollution alléguée, ne lui a pas été confiée, mais l'a été à la Sarl Bsce.
Par dernières conclusions notifiées le 1er mars 2023, la société Elite Design & Build sollicite de voir sur la base des articles 56 du code de procédure civile, 1315, 1147 anciens, 1382 et suivants du code civil :
à titre principal,
- confirmer la décision entreprise,
si par impossible la cour d'appel faisait droit aux demandes qui lui sont présentées par la Sci [Adresse 11] et décidait de réformer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 30 mai 2022,
- dire et juger que les sociétés Bsce, Qbe Insurance Ltd, et Qbe Europe Sa/Nv ne rapportent nullement la preuve d'une faute, d'un lien de causalité, et d'un préjudice qui lui est imputable et en relation avec les demandes formulées par la Sci [Adresse 11] à leur encontre suivant assignation du 9 octobre 2014,
- débouter les sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv de leurs demandes à son encontre,
à titre subsidiaire,
- condamner les sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv à la relever et garantir de toute condamnation en paiement qui par impossible serait prononcée à son encontre,
en toute hypothèse,
- condamner les sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv à lui régler la somme de
10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Bsce aux entiers dépens de première instance et d'appel que la Selarl Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant, conformément à l'article 699 du code précité.
Elle soutient que le refus de garantie de la société Qbe Europe Sa/Nv est inopérant car les manquements de la Sarl Bsce s'inscrivent dans le cadre des missions stipulées dans la police d'assurance.
Elle fait valoir que la Sarl Bsce, seul opérateur et spécialiste amiante, a tenu un rôle majeur dans les questionnements du volet amiante des travaux de rénovation de l'immeuble qu'elle n'a pas partagé avec elle ; que la Sarl Bsce était seule tenue d'une obligation d'information et de conseil directement à l'égard du maître de l'ouvrage conformément à ses engagements contractuels et seule chargée de concevoir, d'assurer le suivi, puis la réception de l'ensemble des prestations et travaux du volet amiante ; que, comme il ressort du rapport d'expertise de M. [F] du 3 janvier 2014, la Sarl Bsce n'a pas fait le nécessaire après le repérage de l'enduit amianté le 24 janvier 2012 malgré ses interpellations ; que, dans son dire du 17 juillet 2019 à
M. [N], la Sarl Bsce a reconnu qu'elle n'avait manifestement pas lu, ni compris le rapport [V] et qu'elle n'avait découvert l'enduit amianté qu'avec l'indice du Dat du 26 juin 2012, s'agissant d'un fait connu depuis janvier 2012 ; qu'il s'agit là d'une reconnaissance totale et exclusive de responsabilité de la part de la Sarl Bsce.
Elle indique ensuite qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information à l'égard du maître de l'ouvrage comme le prétend la société Qbe Europe Sa/Nv et sa responsabilité ne peut pas être engagée, dès lors que la Sarl Bsce ne lui a pas transmis les secondes restitutions ; que cette dernière ne démontre pas les fautes que la société Elite D&B aurait commises de nature à empêcher ou compromettre l'exécution parfaite de la mission contractuelle d'assistant maître d'ouvrage spécialisée amiante qui incombait exclusivement à la Sarl Bsce ; que celle-ci ne prouve pas davantage l'existence d'un lien de causalité avec une inexécution des obligations de la société Elite D&B comme assistant maître d'ouvrage.
Elle ajoute qu'elle n'est pas responsable de la mauvaise analyse faite par la Sarl Bsce le 21 décembre 2013 ; qu'en effet, elle lui avait fourni par courriel du 19 décembre 2013 la correspondance de la préfecture de Seine-Maritime du 16 décembre 2013 avec les photos à l'appui qui est d'ailleurs jointe à ce courriel de la Sarl Bsce du 21 décembre 2013.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 juin 2024.
A l'audience des plaidoiries et aux termes d'un soit-transmis du greffe aux avocats du même jour, les parties ont été autorisées à faire valoir leurs observations, avant le 28 juin 2024, sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formulée par la Sarl Bsce dans ses conclusions notifiées le jour même.
Par courrier notifié le 27 juin 2024, l'avocat de la Sarl Bsce a estimé, à la lecture des dernières conclusions de la Sci [Adresse 11] notifiées le 4 juin 2024 aux termes desquelles elle avait réduit sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice de perte des loyers, que celle-ci avait enfin admis qu'elle sollicitait une double indemnisation de préjudices identiques par des entreprises différentes, que ceci renforçait sa démonstration d'une absence de fondement des préjudices allégués par l'appelante et d'une carence dans leur justification. Il a ajouté que le raisonnement de la Sci [Adresse 11] selon lequel elle réclamait un montant inférieur à celui retenu par l'expert judiciaire était contradictoire avec le montant qu'elle réclamait en première instance.
Par courrier notifié le 28 juin 2024, le conseil de la Sci [Adresse 11] a demandé le rejet de la note en délibéré de la Sarl Bsce considérant qu'elle n'avait pas été autorisée. Il a ajouté qu'avaient été produits les justificatifs de la rupture des baux par les retards causés par cette dernière, y compris par l'absence des secondes restitutions. Il a précisé qu'il n'existait aucune double demande d'indemnisation ; que la demande de dommages et intérêts n'était pas basée sur les quantums de l'expert judiciaire, mais sur les loyers réels des périodes sollicitées.
Par courrier notifié le 1er juillet 2024, l'avocat de la Sarl Bsce a précisé qu'elle avait été autorisée à produire une note en délibéré qui n'était pas limitée à la seule Sci [Adresse 11]. Elle a souligné qu'en revanche, la recevabilité de la note en délibéré de la Sci [Adresse 11] apparaissait discutable puisque communiquée le 28 juin 2024, alors qu'elle devait être faite impérativement avant cette date.
MOTIFS
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Selon l'article 802 alinéa 1er du code de procédure civile auquel renvoie l'ancien article 907 du même code, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
En l'espèce, il ressort de la consultation du Rpva que la Sci [Adresse 11] a notifié ses dernières conclusions le 4 juin 2024 à 14h30. La Sarl Bsce y a répondu en notifiant ses dernières conclusions le 5 juin 2024 à 10h26. L'ordonnance de clôture rendue le même jour à 10h37 a été notifiée aux parties à 10h44.
La Sci [Adresse 11] n'a pas invoqué l'irrecevabilité, ni sollicité le rejet, des écritures de la Sarl Bsce notifiées peu de temps avant la clôture de l'instruction.
Dès lors, celles-ci sont recevables et il n'y a pas lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture. La demande afférente de la Sarl Bsce sera rejetée.
Sur la demande de rejet de la note en délibéré
Cette demande tardive formulée par le conseil de l'appelante au-delà du 27 juin 2024 sera rejetée.
Sur la demande de nullité de l'assignation du 9 octobre 2014
L'article 649 du code de procédure civile précise que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
L'article 117 du même code énonce que le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte.
En l'espèce, l'article 14 des statuts de la Sci [Adresse 11] ayant trait aux pouvoirs de la gérance stipulent que 'Dans les rapports avec les tiers, la gérance engage la société par les actes entrant dans son objet social. [...] Elle pourra notamment pour le compte de la société acquérir l'immeuble constituant l'objet social, contracter tous emprunts, donner ou accepter toutes garanties, gages ou nantissement.'. L'objet de la Sci est défini ainsi à l'article 2 : ' la propriété et la gestion, à titre civil, de l'immeuble sis à [Localité 7] [Adresse 11] [Localité 7] [...] et, généralement toutes opérations de quelque nature qu'elles soient, pouvant être utiles à la réalisation de l'objet social, pourvu qu'elles ne modifient pas le caractère civil de la société.'.
L'action engagée par la Sci [Adresse 11] le 9 octobre 2014 vise à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la Sarl Bsce et à obtenir l'indemnisation de son préjudice né notamment de la perte de loyers à la suite du départ de ses deux locataires, ressources nécessaires pour maintenir l'entretien, la gestion, et la sauvegarde de l'immeuble. L'emploi de l'adverbe 'notamment' dans la description des actes pouvant être réalisés par le gérant permet de ne pas la limiter aux seuls actes visés dans l'article 14. Cette volonté des associés de ne pas circonscrire les pouvoirs du gérant est corroborée par l'absence de clauses statutaires conditionnant l'exercice d'une action en justice.
Dès lors, l'action engagée par la Sci [Adresse 11] est conforme et utile à la réalisation de son objet social. Le grief tiré du défaut de pouvoir de représentation de son gérant n'est pas fondé. L'exception de nullité soulevée par la Sarl Bsce sera rejetée. La décision du tribunal ayant statué en ce sens est confirmée.
Sur la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la Sarl Bsce
Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Selon l'article 1315 du même code dans sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Il incombe au demandeur d'établir l'existence des préjudices qu'il allègue, outre celle des fautes contractuelles et du lien de causalité invoqués.
En l'espèce, la Sci [Adresse 11] impute la perte de ses deux locataires, la perte de loyers, de charges, et de taxes foncières, et des coûts de syndic à la Sarl Bsce en raison de son retard et de sa mauvaise gestion des problématiques d'amiante dans l'immeuble. Elle sollicite le règlement des loyers du 1er avril 2012 au 9 février 2014 et du 1er février 2016 au 30 septembre 2020, desquels elle a enlevé les loyers de mars à septembre 2013.
Toutefois, les deux courriers de résiliation des baux que lui ont adressé la préfète de la région Normandie et de la Seine-Maritime le 24 mars 2016 et l'Agence régionale de santé Normandie le 25 mars 2016 ne mentionnent aucun lien entre la présence d'amiante dans l'immeuble et des conséquences afférentes notamment un retard, qu'elles ne visent pas, et leur décision de résilier les baux de manière anticipée à compter du 31 mars 2016.
Il y est fait référence à l'échec de leurs tentatives de négociation amiable sans plus de précision et à un différend sur la date de prise d'effet du bail, objet d'une procédure judiciaire intentée par la Sci [Adresse 11]. L'Agence régionale de santé Normandie évoque en outre 'un certain nombre de procédures judiciaires relatives à ce bail' dans lesquelles elle est impliquée.
Le courrier du gérant de la Sci [Adresse 11] adressé à la préfecture de la Seine-Maritime, constituant sa pièce 31 et qui n'est pas daté, et le courriel adressé le 6 novembre 2015 par le préfet au gérant de la Sci [Adresse 11] sont inopérants à faire la preuve du lien de causalité allégué.
En outre, comme le souligne justement la Sarl Bsce, les fautes qui lui sont reprochées (notamment un retard de six mois dans la découverte de l'enduit amianté entre janvier et juillet 2012, une absence de remise des secondes restitutions alors que sa mission s'est achevée fin décembre 2012, et une fausse indication du 21 décembre 2013 sur l'absence d'amiante dans la peinture du restaurant) sont antérieures de plusieurs années à cette décision de départ des locataires.
La Sci [Adresse 11] produit une attestation de son expert-comptable
M. [K] du 8 octobre 2020 attestant qu'elle a perçu les loyers de ses locataires de 2014 jusqu'à la résiliation le 31 mars 2016. Elle ne démontre pas que des loyers antérieurs n'ont pas été réglés du fait des manquements précités reprochés à la Sarl Bsce.
La Sci [Adresse 11] ne donne par ailleurs aucune explication, ni ne produit aucun élément probant, pour contredire l'information contenue dans quatre articles de presse parus respectivement les 1er et 7 octobre 2015 et 22 octobre 2016 sur l'incidence du projet de fusion de la Haute et de la Basse-Normandie dans le cadre de la réforme territoriale sur le besoin immobilier de ces deux entités publiques quelques mois avant la résiliation et leur emménagement dans les lieux loués.
La preuve d'un lien de cause à effet entre une faute contractuelle éventuelle de la Sarl Bsce et l'inoccupation du bâtiment depuis le 1er avril 2016 n'est pas davantage apportée.
Ensuite, par référence à la 'Synthèse rapport Expertise d'évaluation des chefs de préjudice' établie par 'EXECUTIVE PATRIMOINE', constituant sa pièce 144, qui consiste uniquement à présenter sur une seule page non datée les tableaux récapitulatifs de ses préjudices, la Sci [Adresse 11] réclame le remboursement de travaux et de charges induits par la mauvaise analyse du diagnostic technique amiante à hauteur de 1 247 100,89 euros et de travaux, frais, et honoraires de restructuration en plateaux de bureaux aménageables à concurrence de 1 404 230,24 euros.
Cependant, n'est pas caractérisé un lien de causalité direct et certain entre ces postes et les fautes alléguées contre la Sarl Bsce.
Dans son rapport actualisé d'évaluation des chefs de préjudices du 23 juin 2015,
M. [S] [B] de la société Assistance Conseils & Expertise, mandaté par la Sci [Adresse 11], indique que 'Suite aux découverts d'amiante fortuites réelles ou supposées, la SCI a du réaliser des travaux de dépollution, de mise en sécurité, des prélèvements atmosphériques. La SCI a modifié la consistance de certains travaux au vu de la présence de MCPA.'. Suivent la liste des travaux et des frais engagés.
Néanmoins, les travaux de dépollution par la Cms et les travaux de doublage des voiles, poteaux et poutres par Tpci, qui représentent une part importante des sommes réclamées, ne correspondent pas aux annexes visées à la page 9. De plus, leur charge finale pèse en tout état de cause sur le maître de l'ouvrage, débiteur des travaux de retrait des matériaux amiantés. Enfin, la Sci [Adresse 11] ne prouve pas que :
- la modification des travaux d'Hervé Thermique pour échapper les voiles, poteaux et poutres,
- le coût des prélèvements atmosphériques autres qu'obligatoires,
- le coût de matériaux contradictoires,
- les frais de déplacement et de représentation des associés lors des réunions ou des visites du site, qui ne sont pas justifiés,
- les frais de gestion du sinistre (honoraires divers qu'elle ne précise pas),
sont rattachables directement et de manière certaine à d'éventuelles défaillances de la Sarl Bsce.
Le coût des travaux de restructuration reste également en tout état de cause à la charge du bailleur.
D'une part, celui-ci s'était engagé aux termes des deux baux du 20 décembre 2010 à effectuer des travaux spécifiques de rénovation à concurrence de cinq millions d'euros HT recouvrant :
- la réfection des façades, le changement des menuiseries,
- la mise en place d'une ventilation double flux,
- l'installation électrique (courants forts),
- l'installation de cloisons coupe-feu,
- le changement des luminaires,
- l'aménagement du rez-de-chaussée et de la partie cafétéria en surfaces d'accueil plateaux non cloisonnés,
- la rénovation des sols, peintures, faux-plafonds de l'ensemble des étages, livrés non cloisonnés,
- la mise aux normes des toilettes handicapés sur l'ensemble des étages.
D'autre part, le départ des locataires n'étant pas imputable à la Sarl Bsce, elle n'est pas comptable des dégradations postérieures ayant eu lieu dans l'immeuble.
Tant M. [F] que M. [N] n'ont pas été mis en mesure d'évaluer le dommage allégué par la Sci [Adresse 11].
Dans son rapport du 29 octobre 2019 qui n'a pas été établi au contradictoire de la Sarl Bsce, M. [F], chargé de déterminer les préjudices subis par la Sci [Adresse 11] notamment en ce qui concerne le préjudice financier, a déposé son rapport en l'état sur ce point car les pièces demandées par le sapiteur M. [W], nécessaires à la justification des préjudices, n'avaient pas été transmises par la Sci [Adresse 11]. Il a souligné qu''Au stade de la rédaction du présent rapport, quasiment aucun des documents justificatifs demandé n'a été produit ou ne permettait pas de déterminer le lien de causalité.'.
M. [N] a rendu son rapport en l'état pour le même motif d'absence de transmission par la Sci [Adresse 11] de la liste de ses dommages.
Enfin, la Sci [Adresse 11] réclame l'indemnisation d'un préjudice d'image envers les locataires et leurs représentants à concurrence de 500 000 euros, sans verser aux débats d'éléments pour le caractériser. La seule référence à deux articles de presse parus dans 76 Actu et sur le site de la radio France Bleu Haute-Normandie le 4 avril 2014 dans le rapport de M. [B], sans indiquer la teneur des propos de nature à lui porter préjudice, est insuffisante à prouver l'existence d'une faute de la Sarl Bsce et d'un lien de cause à effet d'un tel dommage avec celle-ci.
En définitive, la preuve des préjudices allégués et de leur lien de causalité avec d'éventuelles fautes de la Sarl Bsce n'est pas faite. Ces conditions essentielles à l'engagement de la responsabilité contractuelle de cette dernière faisant défaut sans qu'il soit besoin d'examiner la dernière condition requise de l'existence d'une faute, la Sci [Adresse 11] sera déboutée de toutes ses demandes dirigées contre la Sarl Bsce et la société Qbe Europe Sa/Nv. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.
Sur les demandes indemnitaires de la Sarl Bsce
L'article 1382 du code civil dans sa rédaction en vigueur lors du présent litige énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 32-1 du code de procédure civile précise que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Dans le cas présent, la Sarl Bsce ne prouve pas que l'exercice par la Sci [Adresse 11] de son action formée à son encontre et d'une action parallèle contre d'autres parties a été fautif et abusif. Elle ne démontre pas davantage le préjudice qui en a résulté pour elle. Elle ne produit aucun justificatif des problèmes de santé de son gérant, ni des frais qu'elle a exposés pour se rendre aux opérations d'expertise judiciaire, ni encore du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.
La seule attestation de son expert-comptable du 18 février 2021 mentionnant une baisse de son chiffre d'affaires depuis le 1er avril 2013 jusqu'au 31 décembre 2020 est insuffisante à prouver qu'il a été causé par l'exercice de l'action judiciaire de la Sci [Adresse 11] à son encontre.
En conséquence, la Sarl Bsce sera déboutée de toutes ses réclamations.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées. Il sera uniquement précisé que les dépens de l'instance principale, mis à la charge de la Sci [Adresse 11], incluent les frais de l'expertise judiciaire réalisée par M. [N] en application de l'article 695 du code de procédure civile.
Partie perdante, la Sci [Adresse 11] sera condamnée aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit des avocates des sociétés Qbe Europe Sa/Nv et Elite D&B.
Il est équitable de la condamner également à payer à la Sarl Bsce la somme de
7 000 euros et, à la société Qbe Eurospe Sa/Nv, celle de 3 000 euros, au titre des frais non compris dans les dépens que ces dernières ont exposés pour cette procédure.
Son recours en garantie ayant été engagé en vain contre la Sas [R] [J] et Associés, la Sarl Bsce sera condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de ses frais de procédure. La même somme sera mise à la charge de la Sarl Bsce et de son assureur au profit de la société Elite D&B.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Déboute la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
Déboute la Sci [Adresse 11] de sa demande de rejet de la note en délibéré notifiée le 27 juin 2024 par le conseil de la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise,
Dans les limites de l'appel formé,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la Sci [Adresse 11] à payer à la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise la somme de 7 000 euros et, à la société Qbe Europe Sa/Nv, la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise à payer à la Sas [R] [J] et Associés la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise et la société Qbe Europe Sa/Nv à payer à la société Elite D&B la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Dit que les dépens de l'instance principale devant le tribunal de commerce de Rouen, mis à la charge de la Sci [Adresse 11], incluent les frais de l'expertise judiciaire réalisée par M. [E] [N],
Condamne la Sci [Adresse 11] aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de Me Lerable et de la Selarl Gray Scolan, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,
COUR D'APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 16 OCTOBRE 2024
DÉCISION DÉFÉRÉE :
2014/09217
Tribunal de commerce de Rouen du 30 mai 2022
APPELANTE :
SCI [Adresse 11]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Céline BART de la SELARL EMMANUELLE BOURDON- CÉLINE BART AVOCATS ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Jean-Philippe CARPENTIER, avocat au barreau de Paris
INTIMEES :
SAS [R] [J] ET ASSOCIES
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 5]
représentée par Me Renaud DE BEZENAC de la SELARL DE BEZENAC ET ASSOCIÉS, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Chantal MALARD de la Selas LARRIEU & Associés, avocat au barreau de Paris, substitué par Me Yves MAHIU, avocat au barreau de Rouen
SASU ELITE DESIGN & BUILD
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentée par Me Valérie GRAY de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Olivier JOUGLA de la Selarl EKIS Avocats, avocat au barreau du Havre
SARL BUREAU SERVICE CONSEIL ENTREPRISE
[Adresse 3]
[Localité 8]
représentée par Me Simon MOSQUET-LEVENEUR de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Stéphanie ABIDOS, avocat au barreau de Paris
Société QBE EUROPE SA/NV
[Adresse 12]
[Localité 9]
représentée par Me Anne LERABLE de la SELARL JURIADIS GORAND -MARTIN-PIEDAGNEL-DELAPLACE - QUILBE - GODARD - DEBUYS- OMONT -LERABLE, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Stéphane LAMBERT, avocat au barreau de Paris
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été plaidée et débattue à l'audience du 5 juin 2024 sans opposition des avocats devant Mme DEGUETTE, conseillère, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre
Mme Magali DEGUETTE, conseillère
Mme Anne-Laure BERGERE, conseillère
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme Catherine CHEVALIER
DEBATS :
A l'audience publique du 5 juin 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 11 septembre 2024, prorogé au 16 octobre 2024
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Prononcé publiquement le 16 octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente de chambre et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.
*
* *
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE
Aux termes de contrats distincts du 20 décembre 2010, la Sci [Adresse 11], propriétaire d'un immeuble de bureaux, dénommé [Adresse 13], situé [Adresse 11] à [Localité 7], et composé de neuf étages et de deux sous-sols, l'a donné à bail à la préfecture de la région Haute-Normandie et du département de la Seine-Maritime et à l'Agence régionale de santé de Haute-Normandie pour une durée de 12 ans, dont six ans ferme, avec obligation pour la bailleresse d'effectuer à sa charge à concurrence de 5 millions d'euros HT des travaux spécifiques de rénovation de l'immeuble.
A cet effet, la Sci [Adresse 11] a confié notamment :
- la maîtrise d'oeuvre à la Sas [R] [J] et Associés,
- l'assistance à la maîtrise d'ouvrage à la société Elite Design & Build,
- le lot démolition, gros-oeuvre, et étanchéité à la société Cardem.
Lors des travaux de curage effectués par la société Cardem à compter du 14 juin 2011, un matériau contenant de l'amiante se trouvant dans les joints des cloisons et non identifié par la société Add (Diard), ayant effectué le 16 mars 2011 le diagnostic de repérage d'amiante avant travaux, a été retiré sans précaution, ce qui a généré une pollution importante, l'évacuation de l'immeuble, et un arrêt du chantier le 2 août 2011.
Suivant acte sous signature privée accepté le 8 septembre 2011, la Sci [Adresse 11] a confié à la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise (Bsce) une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour définir, piloter et exploiter le projet réalisé par le maître d'oeuvre pour le retrait des matériaux ou produits contenant de l'amiante (Mpca) de l'immeuble.
Par ordonnance du 22 septembre 2011, le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen a fait droit à la demande de réalisation d'une expertise présentée par la Sci [Adresse 11] au contradictoire notamment des sociétés [R] [J] et Associés, Cardem, et Add (Diard). Il a désigné à cet effet M. [L] [F], lequel a conseillé en cours d'expertise la réalisation d'un nouveau diagnostic amiante avant travaux et la détermination du périmètre contaminé. La Sci [Adresse 11] en a confié la réalisation à la Sarl [V] Conseil.
Les travaux de dépollution et de curage complémentaire de l'immeuble avec le retrait des Mpca hors parking ont été effectués par la société Cms du 12 mars au 21 décembre 2012.
Par ordonnance du 4 octobre 2012, le même juge des référés a fait droit à la demande de la Sci [Adresse 11] de réalisation d'une expertise formée contre la société [V] Conseil qu'il a confiée au même expert. La Sci [Adresse 11] estimait que la société [V] Conseil avait omis de diagnostiquer la présence d'amiante dans les allèges vitrées, les menuiseries extérieures du 6ème étage, et s'était trompée en disant que la peinture était amiantée alors que c'était l'enduit qui l'était. M. [F] a établi son rapport d'expertise le 3 janvier 2014.
Par acte d'huissier de justice du 9 octobre 2014, la Sci [Adresse 11] a fait assigner la Sarl Bsce devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de remise des secondes restitutions (résultats d'analyses) et d'indemnisation de son préjudice de 4 502 377,07 euros.
Suivant exploits des 26 janvier et 23 juin 2015, la Sarl Bsce a fait intervenir à la cause la société Elite D&B.
Par jugement du 11 avril 2016, le tribunal de commerce de Rouen a ordonné avant dire droit la réalisation d'une expertise sollicitée par la Sarl Bsce, notamment aux fins de recueillir un avis sur la réalité et la détermination du préjudice allégué par la Sci [Adresse 11]. Il l'a confiée à M. [F], qui a été remplacé par M. [E] [N] par ordonnance du 6 mai 2019.
Par actes d'huissier de justice du 23 août 2016, la Sarl Bsce a fait intervenir les sociétés Qbe Insurance Europe Limited son assureur, Neom venant aux droits de la société Csm, [R] [J] et Associés, et Bio-Goujard, laboratoire en charge du contrôle visuel de restitution, devant le tribunal de commerce de Rouen aux fins de leur rendre communes et opposables les opérations d'expertise en cours.
Il y a été fait droit par jugement du 17 octobre 2016 qui a ordonné la jonction de ces instances.
M. [F] a établi son rapport d'expertise le 31 octobre 2019 dans le cadre de sa mission ordonnée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Rouen le 22 septembre 2011.
Par ordonnance du 1er octobre 2020, le juge chargé du contrôle des expertises près le tribunal de commerce de Rouen a ordonné que les pièces demandées par l'expert judiciaire et qui n'auraient pas été communiquées depuis sa demande, en ce compris des dommages dont la Sci [Adresse 11] demande réparation, soient remises à l'expert dans le délai d'un mois, soit au plus tard le 26 octobre 2020 à 12 heures et dit qu'à défaut, l'expert déposera sans délai son rapport en l'état.
M. [E] [N] a établi son rapport d'expertise en l'état le 27 octobre 2020.
Par jugement du 30 mai 2022, le tribunal de commerce de Rouen a :
- débouté la société Bsce de sa demande d'irrecevabilité,
- donné acte à la société Qbe Europe Sa/Nv de son intervention volontaire,
- dit que la société Bsce n'a pas commis de faute,
- rejeté toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à l'encontre de la société Bsce,
- débouté la société Bsce de sa demande d'indemnité formulée à l'encontre de la Sci [Adresse 11] pour la perte de son chiffre d'affaires,
- rejeté la demande de dommages et intérêts formulée par la société Bsce à l'encontre de la société [Adresse 11] pour procédure abusive,
- prononcé la mise hors de cause de la société Qbe Insurance Europe Limited,
- prononcé la mise hors de cause de la société Neom,
- prononcé la mise hors de cause de la société [R] [J] et Associés,
- prononcé la mise hors de cause de la société Bio-Goujard,
- débouté la société Bsce et la société Qbe Europe Sa/Nv de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Elite D&B,
- débouté la société Bsce de ses demandes à l'égard de la société Qbe Europe Sa/Nv,
- condamné la Sci [Adresse 11] à verser à la société Bsce la somme de
20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sci [Adresse 11] à verser à la société Qbe Europe Sa/Nv la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société Neom la somme de 8 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société [R] [J] et Associés la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société Elite D&B la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société Bsce à verser à la société Bio-Goujard la somme de
6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la Sci [Adresse 11] aux dépens de l'instance principale, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 222,84 euros,
- condamné la société Bsce aux dépens des instances jointes, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 165,81 euros.
Par déclaration du 22 juillet 2022, la Sci [Adresse 11] a formé un appel contre le jugement à l'encontre des sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv.
Par exploit du 3 janvier 2023, la société Qbe Europe Sa/Nv a fait assigner en appel provoqué la société Elite D&B.
Par exploits du 11 janvier 2023, la Sarl Bsce a fait assigner en appel provoqué la société Elite D&B et la Sas [R] [J] et Associés.
Par ordonnance du 19 décembre 2023, la présidente de la mise en état a :
- déclaré recevable l'appel provoqué signifié le 11 janvier 2023 par la Sarl Bsce à l'encontre de la Sas [R] [J] et Associés,
et avant dire droit,
- ordonné la réouverture des débats pour permettre aux parties de conclure sur la compétence du conseiller de la mise en état au titre des fins de non-recevoir relatives d'une part à la demande nouvelle de garantie formée à l'encontre de la Sas [R] [J] et Associés, d'autre part à la prescription quinquennale, le cas échéant, ce avant le lundi 15 janvier 2024 à 10 heures,
- renvoyé l'affaire à l'audience d'incident du mardi 16 janvier 2024 à 14h30,
- réservé les demandes pour le surplus et les dépens.
Par ordonnance du 13 février 2024, la présidente de la mise en état :
- s'est déclaré incompétente pour statuer sur les fins de non-recevoir relatives d'une part, à la demande nouvelle formée par la Sarl Bsce dans les termes susvisés et d'autre part, à la prescription des demandes formées par la Sarl Bsce dans l'acte délivré le 11 janvier 2023 sur appel provoqué, et soulevées par la Sas [R] [J] et Associés,
- a renvoyé les demandes à ce titre devant la cour,
- a fixé l'affaire à l'audience de plaidoiries du 5 juin 2024 à 14 heures, l'ordonnance de clôture devant être prononcée le 15 mai 2024 à 14 heures, les dossiers devant être déposés le 21 mai 2024,
- a débouté les parties de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a décidé que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance au fond.
EXPOSÉ DES PRÉTENTIONS ET DES MOYENS DES PARTIES
Par conclusions notifiées le 4 juin 2024, la Sci [Adresse 11] demande, en application des articles 1134, 1142, et 1147 anciens du code civil, 789 du code de procédure civile, de voir :
- dire irrecevable car relevant de la compétence du conseiller de la mise en état toute demande visant à voir trancher des prescriptions ou des fins de non-recevoir,
- se voir déclarer recevable et fondée en son appel,
- réformer la décision entreprise,
- débouter la Sarl Bsce et l'ensemble des parties défenderesses de leurs demandes,
- condamner la Sarl Bsce à lui verser la somme de 15 078 793,70 euros en réparation de son préjudice,
- débouter Qbe Europe de ses demandes,
- dire que Qbe Europe devra garantir la Sarl Bsce de ses condamnations dans la limite de son contrat,
- condamner la Sarl Bsce et la société Qbe Europe à lui verser chacune la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner solidairement la Sarl Bsce et la société Qbe Europe aux entiers dépens.
Elle réplique, s'agissant de l'exception de nullité de l'assignation du 9 octobre 2014 invoquée par la Sarl Bsce, que son gérant disposait des pouvoirs les plus larges pour engager une action judiciaire en responsabilité contractuelle utile à la réalisation de son objet social défini à l'article 2 des statuts, que, comme l'a jugé le tribunal de commerce, il ne résulte d'aucune pièce que le gérant avait besoin d'un pouvoir à cet effet.
Elle reproche à la Sarl Bsce de ne pas lui avoir délivré, malgré plusieurs réclamations de la société Elite D&B, les secondes restitutions qui avaient été effectuées par la société Bio-Goujard, laboratoire intervenant sous le contrôle et la coordination de la Sarl Bsce qui les avait en sa possession et de s'être abstenue de compléter le rapport de fin d'intervention.
Elle indique qu'elle n'a obtenu une copie des secondes restitutions que tardivement le 10 avril 2015 par le biais de la société Bio-Goujard ; que la remise des secondes restitutions par la Sarl Bcse à la société Cms et la reconnaissance tardive de leur réception par la société Elite D&B sont vaines ; qu'il en est de même du fait que la Sarl Bsce l'a informée lors de la réunion du 6 juillet 2012 de la découverte de l'enduit amianté dès lors qu'elle n'était qu'un maître d'ouvrage sans compétence technique ; que du fait de cette délivrance tardive des secondes restitutions, elle n'a pas pu respecter les termes de ses baux et a été privée des loyers afférents car les locataires n'ont finalement pas emménagé et ont rompu les baux.
Elle fait également grief à la Sarl Bsce d'avoir effectué une lecture erronée du rapport de la société [V] Conseil sur les peintures du restaurant inter-entreprises du rez-de-chaussée comme l'a relevé M. [F], et d'avoir été défaillante dans l'exécution de sa prestation comme il ressort des courriels échangés entre la Sarl Bsce et la société Elite D&B (notamment absence de transmission des compte-rendus de chantier, absence à la réunion de chantier du 28 février 2012, absence de demande de réalisation d'analyses complémentaires, fausse indication du 21 décembre 2013 selon laquelle la peinture du restaurant ne contenait pas d'amiante alors que la société Diag-en-Seine, diagnostiqueur amiante chargé de réaliser un diagnostic technique amiante de l'état final de l'immeuble, l'a relevé le 8 juillet 2014 lors de la réalisation de son diagnostic). Elle lui reproche aussi d'avoir abandonné le chantier.
Elle souligne que la situation est d'autant plus grave que la Sarl Bsce avait une mission complète que M. [F] a qualifié de maîtrise d'oeuvre et non pas de simple assistance à la gestion du risque amiante ; que dans son courrier du 31 juillet 2012 et dans son dire du 17 juillet 2019 lors de l'expertise de M. [N], la Sarl Bsce a reconnu ne pas avoir pris en compte les produits amiantifères dont elle avait connaissance au regard du rapport de la société [V] Conseil ; que cette faute de la Sarl Bsce a causé un retard de six mois dans la découverte de l'enduit amianté entre janvier et juillet 2012.
Elle précise que sa demande indemnitaire se distingue de celle faisant l'objet d'une autre instance engagée contre des sociétés autres que la Sarl Bsce, actuellement pendante devant le tribunal judiciaire de Rouen, et qui concerne les erreurs initiales des sociétés Add (Diard) et Cms, qu'elle a d'ailleurs retranché de ses présentes demandes les loyers correspondants à la période de mars à septembre 2013.
Elle fait valoir que le retard pris par la Sarl Bsce est à l'origine, d'une part, du départ de ses locataires comme en témoignent leurs courriers de rupture des baux et, d'autre part, de l'absence de versement de loyers depuis car l'immeuble demeure vide. Elle précise que son préjudice a été chiffré par la société Ace et par M. [M].
Elle demande la mobilisation de la garantie de la société Qbe Europe Sa/Nv aux motifs que la mission de conseil d'assistance à maîtrise ouvrage désamiantage confiée à la Sarl Bsce relève de l'activité couverte par la police d'assurance et ne peut en être exclue.
Elle ajoute que les demandes reconventionnelles de la Sarl Bsce sont mal fondées ; que cette dernière ne prouve pas le fait générateur de la chute de son chiffre d'affaires ou d'un quelconque lien de causalité avec le contentieux qu'elle a diligenté contre elle ; que la demande de la Sarl Bsce de paiement de ses frais exposés lors des opérations d'expertise n'est étayée par aucune pièce et que ceux-ci entrent dans le champ des frais de procédure et des dépens ; que cette dernière ne démontre pas davantage le préjudice moral qu'elle invoque ; que son action contre la Sarl Bsce n'est pas abusive et ne vise pas à obtenir deux fois la réparation d'un même préjudices ; que la demande de délais de paiement de la Sarl Bsce constitue une forme de reconnaissance du bien-fondé des prétentions indemnitaires formées contre elle et n'est pas fondée à défaut d'indication sur la raison de cette réclamation.
Par conclusions notifiées le 5 juin 2024, la Sarl Bsce sollicite, en vertu des articles 1315 alinéa 1er ancien, 1134 ancien, 1147 ancien, 1240, 1382 ancien, 1343-5 alinéa 1er, 2224, 2239, et 2241 du code civil, 32-1, 117, 514-1 alinéa 1, 550, 564, 565, 566, 700, et 909 du code de procédure civile, de voir :
- ordonner le rabat de l'ordonnance de clôture et déclarer recevables ses conclusions déposées le 5 juin 2024,
- débouter la Sci [Adresse 11] de l'ensemble de ses prétentions d'appel,
- prononcer la nullité de l'exploit introductif d'instance en raison du défaut de pouvoir de représentation du gérant de la Sci [Adresse 11],
- confirmer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 30 mai 2022 en ce qu'il a :
. dit que la société Bsce n'a pas commis de faute,
. rejeté toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à l'encontre de la société Bsce, rendant sans objet la demande de garantie de la société Qbe Europe Sa/Nv,
. condamné la Sci [Adresse 11] à verser à la société Bsce la somme de
20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la Sci [Adresse 11] aux dépens de l'instance principale dont les frais de greffe liquidés à la somme de 165,81 euros,
- infirmer le jugement en ce qu'il a :
. débouté la société Bsce de sa demande d'irrecevabilité,
. débouté la société Bsce de sa demande d'indemnité formulée à l'encontre de la Sci [Adresse 11] pour la perte de son chiffre d'affaires,
. rejeté la demande de dommages et intérêts formulée à l'encontre de la Sci [Adresse 11] pour procédure abusive,
. prononcé la mise hors de cause de la société [R] [J] et Associés,
. débouté la société Bsce et la société Qbe Europe Sa/Nv de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Elite D&B,
. débouté la société Bsce de ses demandes à l'égard de la société Qbe Europe Sa/Nv,
. condamné la société Bsce à verser à la société [R] [J] et Associés la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Bsce à verser à la société Elite D&B la somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
. condamné la société Bsce aux dépens des instances jointes, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 165,81 euros,
statuant à nouveau,
à titre principal :
- prononcer la nullité de l'exploit introductif d'instance en raison du défaut de pouvoir de représentation du gérant de la Sci [Adresse 11],
à titre subsidiaire, sur le fond et comme il en découle de la confirmation du jugement sollicitée ci-avant :
- dire que les secondes restitutions ont été effectivement transmises à la Sci [Adresse 11],
- rejeter toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à ce titre,
- dire que la Sarl Bsce n'a pas commis les fautes alléguées par la Sci [Adresse 11], que celles-ci sont sans lien causal avec les préjudices prétendument subis, et que les préjudices allégués sont dépourvus de justification dans leur fondement et dans leur quantum,
- rejeter toute demande d'indemnisation formulée par la Sci [Adresse 11] à ce titre,
- débouter la Sci [Adresse 11] de toutes autres demandes,
à titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel décidait d'infirmer le jugement et faisait droit aux prétentions de la Sci [Adresse 11] :
- écarter les irrecevabilités soulevées par la Sas [R] [J] et Associés,
- déclarer recevables ses demandes formulées à l'encontre de la Sas [R] [J] et Associés,
sur le fond :
- dire que les demandes d'indemnités de la Sci [Adresse 11] sont excessives et, ne retenant que les préjudices dûment justifiés ayant un lien direct et certain avec les fautes retenues, les réduire à due concurrence du ratio que représente la surface de la zone du restaurant inter-entreprises par rapport à la surface habitable totale de l'immeuble,
- condamner in solidum la société Elite D&B et la Sas [R] [J] et Associés à la relever et garantir de toute condamnation prononcée à son encontre dans le cadre de la présente instance,
à titre ultra subsidiaire, si par extraordinaire la cour d'appel la désignait seule responsable des préjudices allégués par la Sci [Adresse 11] :
- dire que les demandes d'indemnités de la Sci [Adresse 11] sont excessives et, ne retenant que les préjudices dûment justifiés ayant lien direct et certain avec les fautes retenues, les réduire à due concurrence du ratio que représente la surface de la zone du restaurant inter-entreprises par rapport à la surface habitable totale de l'immeuble,
- dire que la garantie est due par la société Qbe Europe Sa/Nv à hauteur de
1 500 000 euros suivant les dispositions contractuelles,
reconventionnellement :
- condamner la Sci [Adresse 11] à lui verser une indemnité égale à
1 138 100 euros,
- déclarer abusive l'action diligentée par la Sci [Adresse 11] et condamner celle-ci à lui verser une indemnité égale à 1 500 000 euros,
en tout état de cause y ajoutant :
- se voir accorder les plus larges délais en cas de condamnation au paiement de dommages et intérêts au profit de la Sci [Adresse 11],
- suspendre l'exécution provisoire de la décision à intervenir en ce qu'elle la condamnerait,
- débouter la société Elite D&B, la Sas [R] [J] et Associés, et la Sci [Adresse 11] de toutes demandes,
- condamner la Sci [Adresse 11] au paiement des frais de l'expertise diligentée en première instance et au paiement de la somme de 20 000 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.
Elle précise que la Sci [Adresse 11] ayant notifié tardivement ses dernières conclusions le 4 juin 2024, elle est bien fondée à demander le rabat de l'ordonnance de clôture afin de rendre recevables ses conclusions en réplique.
Elle fait valoir à titre principal que l'assignation qui lui a été délivrée le 9 octobre 2014 par la Sci [Adresse 11] est nulle en application de l'article 117 du code de procédure civile pour défaut de pouvoir de représentation du gérant de celle-ci pour engager une action aux fins de paiement et de mise en cause de sa responsabilité contractuelle ; que l'exercice de cette action n'entre pas dans l'objet social de la Sci défini dans les statuts ; que le gérant de celle-ci aurait dû solliciter de l'assemblée générale une autorisation à cet effet.
Elle expose sur le fond qu'elle a assumé une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage et non pas une mission de maîtrise d'oeuvre amiante qui l'a été par la société Elite D&B, la Sas [R] [J] et Associés, et par M. [F] dans le cadre de sa mission d'expertise ; que M. [F] qui avait estimé le contraire dans son premier compte-rendu n'en a plus fait état dans son compte-rendu suivant du 18 juillet 2016 après avoir pris connaissance de l'avenant conclu entre la Sci [Adresse 11] et la société Elite D&B prévoyant une mission complémentaire amiante.
Elle avance que les conditions de sa responsabilité contractuelle ne sont pas réunies.
Elle soutient d'abord qu'elle n'a commis aucune faute lors de l'exécution du contrat, qu'elle a découvert l'enduit amianté en faisant réaliser des prélèvements par le laboratoire Bio-Goujard en mai-juin 2012 et en a informé la Sci [Adresse 11] lors de la réunion du 6 juillet 2012 où celle-ci était représentée par
M. [A] et à laquelle elle en a adressé un compte-rendu ; que la Sci [Adresse 11] seule a décidé de ne pas procéder au retrait de l'enduit amianté et de recourir à une société autre que la société Neom pour la réalisation des travaux complémentaires.
Elle ajoute que le rapport de repérage de la société [V] Conseil est irrecevable comme l'a conclu M. [F] ; que le reproche selon lequel elle aurait indiqué dans un courriel du 21 décembre 2013 adressé à la société Elite D&B que la peinture dans la zone du restaurant ne contenait pas d'amiante n'est pas fondé car sa mission était achevée depuis le 20 décembre 2012 et cette réponse a été donnée sur le diagnostic de la société [V] Conseil de juillet 2012 et non sur les photographies ; que les résultats du rapport de repérage réalisé par la société Bio-Goujard les 13 et 14 octobre 2011 étaient négatifs quant à la présence d'amiante sur la peinture goutelette ; que les résultats du diagnostic effectué par la société Diag-en-Seine en juillet 2014 sur des prélèvements de peintures étaient hétérogènes ; que celle-ci n'a pas exclu que les écailles de peinture aient pu être contaminées par une nouvelle pollution d'amiante, la zone des prélèvements étant en travaux ; qu'il a ainsi été réalisé un ponçage du plancher haut dans la zone du restaurant sur des surfaces contenant de l'enduit amianté.
Elle réfute être à l'origine d'un retard lors du déroulement du chantier de désamiantage qui n'a démarré que le 12 mars 2012 en raison du retard pris par la société Elite D&B dans la transmission des procès-verbaux de consignation des réseaux de contrôle technique de l'installation électrique de chantier qu'elle lui avait réclamés depuis novembre 2011 ; que le repli du chantier a été décalé d'août à décembre 2012 en raison de travaux supplémentaires demandés par la Sci [Adresse 11] laquelle ne lui a à aucun moment reproché un retard et lui a payé l'intégralité des factures présentées ; que les arrêts de chantier ont eu lieu hors de l'exécution de sa mission.
Elle indique que les secondes restitutions ont été remises par la société Cms à
M. [G] représentant de la société Elite D&B en charge du suivi du chantier, ce que celle-ci a reconnu devant M. [F] et ce que reconnaît la Sci [Adresse 11] en cause d'appel ; que cette dernière a été destinataire de ses comptes-rendus ; qu'elle a complété le rapport de fin d'intervention de chantier qu'elle lui a adressé le 30 octobre 2013 avec sa dernière facture.
Elle soutient par ailleurs qu'il n'existe aucun lien de causalité direct et certain entre les fautes reprochées et les congés donnés par les locataires qui n'y évoquent pas la présence d'amiante comme cause de la résiliation des baux, ni un quelconque retard ; que les lettres de congés datent de plus de trois ans après le repli du chantier de désamiantage ; que la cause du départ des locataires est le projet de fusion des régions de Haute et de Basse-Normandie.
Elle précise enfin que l'appelante ne justifie pas de l'existence d'un préjudice causé par les fautes alléguées. Elle souligne que la Sci [Adresse 11] s'est opposée de manière incompréhensible à la demande d'expertise formulée devant le tribunal de commerce et n'a eu de cesse d'en entraver le déroulement ; que cette dernière n'a pas satisfait notamment aux demandes de communication de certains documents réclamés par M. [N] dont la liste des préjudices subis et le protocole transactionnel signé avec les locataires le 1er janvier 2017 ; que ce comportement fautif a eu pour résultat le dépôt en l'état du rapport d'expertise.
Elle ajoute qu'elle est étrangère aux incidences de la première pollution d'amiante et aux travaux de désamiantage afférents, de sorte que les réclamations de la Sci [Adresse 11] relatives à des pertes de loyers subies entre avril 2012 et février 2014 et aux frais et travaux qui en ont découlé ne peuvent lui être imputées ; que la Sci [Adresse 11] sollicite devant deux juridictions différentes et à l'encontre de parties différents l'indemnisation de préjudices identiques, ce que celle-ci a reconnu en diminuant sa demande au titre de la perte de loyers ; que la Sci [Adresse 11] a perçu les loyers qu'elle réclame et ne fournit pas de pièce prouvant une responsabilité de la Sarl Bsce dans l'inoccupation du bâtiment depuis le départ des preneurs ; que la Sci [Adresse 11] tente d'obtenir le paiement de la totalité des travaux de remise en état de l'immeuble alors que celle-ci en est seule comptable et les a laissés à l'abandon ; que la Sci [Adresse 11] ne produit aucune pièce justifiant les sommes réclamées.
Elle recherche à titre infiniment subsidiaire la garantie des sociétés Elite D&B et [R] [J] et Associés sur le fondement de l'ancien article 1382 du code civil.
Elle explique qu'elle était sous la complète sujétion de la société Elite D&B qui avait le rôle de maître d'oeuvre la supervisant et la contrôlant et de représentant de la Sci [Adresse 11] sur le chantier ; que la société Elite D&B ne prouve pas une autonomie de la Sarl Bsce lors de l'exécution de sa mission.
S'agissant de la Sas [R] [J] et Associés, elle avance que sa demande en garantie dirigée contre elle est recevable et ne peut être qualifiée de demande nouvelle en appel, car elle est le support de sa demande faite en première instance aux fins de lui rendre l'expertise ordonnée le 11 avril 2016 commune et opposable et poursuit les mêmes fins ; que surabondamment elle s'appuie sur la révélation du fait nouveau dans le cadre de l'instance pendante actuellement devant le tribunal judiciaire de Rouen de la poursuite de la mission amiante de la Sas [R] [J] et Associés après la première pollution d'amiante contrairement à ce que celle-ci avait affirmé devant le tribunal de commerce.
Elle estime que sa demande en garantie contre la Sas [R] [J] et Associés n'est pas prescrite ; que le délai de la prescription quinquennale a été interrompu par l'assignation en intervention forcée de celle-ci le 23 août 2016, a recommencé à courir à compter du jugement du 30 mai 2022, et a été interrompu par l'assignation en appel provoqué qui a été délivrée à celle-ci le 11 janvier 2023 ; que les faits justifiant le présent appel en garantie ont été connus le 7 octobre 2012.
Elle considère sur le fond que la Sas [R] [J] et Associés a failli à sa mission de maître d'oeuvre sur le chantier incluant une mission amiante en raison d'erreurs commises lors de la lecture d'un rapport de repérage qui ont été à l'origine d'une nouvelle suspension du chantier en 2013.
Elle sollicite subsidiairement la garantie de son assureur la société Qbe Europe Sa/Nv aux motifs que sa prestation, qui n'était pas une mission de maîtrise d'oeuvre, ni de diagnostic de l'amiante, était couverte par la police d'assurance.
Reconventionnellement, elle demande la condamnation de l'appelante à lui verser des dommages et intérêts aux motifs que celle-ci a introduit une action en paiement contre elle alors qu'elle disposait de tous les éléments démontrant qu'elle est étrangère aux préjudices allégués et que cette action a été formée devant deux juridictions différentes contre des parties différentes ; que les problèmes de santé de son gérant M. [C] qui en ont découlé ont impacté son chiffre d'affaires de sorte qu'elle réclame l'indemnisation de la perte de celui-ci de 1 063 000 euros ; qu'elle a également dû se rendre disponible pour assister aux différentes réunions d'expertise ce qui lui a occasionné des frais de 50 000 euros ; que le comportement malhonnête de la Sci [Adresse 11] a été source de souffrances et de stress constitutives d'un préjudice moral devant être réparé à hauteur de 25 000 euros ; que la Sci [Adresse 11] sera également sanctionnée pour avoir engagé abusivement cette procédure contre elle à concurrence de 1 500 000 euros, soit 10 % des sommes qu'elle lui réclame.
Par conclusions notifiées le 30 décembre 2022 et aux termes de l'assignation du 3 janvier 2023, la société Qbe Europe Sa/Nv ès qualités d'assureur de la Sarl Bsce demande de voir en application des articles 1147 et 1382 du code civil :
à titre principal,
- confirmer le jugement entrepris du 30 mai 2022 dans son intégralité,
à titre subsidiaire,
- requalifier la mission confiée à la Sarl Bsce de mission de maîtrise d'oeuvre,
- juger que celle-ci a exercé une activité de maîtrise d'oeuvre, voire de diagnostiqueur, non garantie par le contrat qu'elle lui a délivré,
- rejeter toute demande formulée à son encontre,
plus subsidiairement,
- juger en tout état de cause que seul le préjudice immatériel allégué par la Sci [Adresse 11] pourrait être pris en charge par elle, et qu'à ce titre, elle serait bien fondée à opposer ses limites contractuelles (franchises et plafonds) erga omnes,
à titre encore plus subsidiaire,
- juger que la Sarl Bsce n'a commis aucune faute contractuelle dans l'exécution de sa mission et que la Sci [Adresse 11] ne rapporte pas la preuve de la réalité du principe de ses préjudices, ni de justificatifs des montants allégués, ni d'un quelconque lien entre ses préjudices allégués et la prétendue erreur de lecture de la Sarl Bsce,
- rejeter toutes les demandes qui seraient formulées à son encontre,
à titre infiniment subsidiaire,
- réduire à de plus justes proportions les demandes qui seraient formulées à son encontre au titre des travaux complémentaires de dépollution,
- rejeter les demandes qui seraient formulées à son encontre au titre des pertes de loyers consécutives à un retard de chantier en application des conditions générales du contrat souscrit par la Sarl Bsce,
en tout état de cause,
- condamner la société Elite D&B à la relever et garantir de toute condamnation qui serait formulée à son encontre,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la Sci [Adresse 11] à lui verser la somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles,
- condamner la Sci [Adresse 11], ou toute partie succombante, à lui verser, dans le cadre de la procédure d'appel, la somme de 8 000 euros au titre des frais irrépétibles, ainsi que les entiers dépens, dont distraction au profit de Me Lerable, avocat au barreau de Rouen.
Elle fait valoir à titre subsidiaire que sa garantie n'est pas mobilisable, car la Sarl Bsce, en réalisant des interventions s'apparentant davantage à une mission de maître d'oeuvre désamiantage, a outrepassé les limites du contrat d'assurance.
Elle expose à titre plus subsidiaire que la Sarl Bsce n'a commis aucune faute contractuelle dans l'exécution de sa mission ; que celle-ci n'étant pas diagnostiqueur, il ne peut lui être reproché l'absence de découverte des enduits amiantés avant juillet 2012 ; que l'indication donnée par la Sarl Bsce dans son courriel du 21 décembre 2013 selon laquelle seuls les enduits étaient amiantés l'a été en-dehors de toute mission et n'était pas fondamentalement erronée au regard des rapports de la société [V] Conseil de juillet 2012 et de la société Virreos de juin 2013 dont elle disposait ; que lors du diagnostic effectué par la société Diag-en-Seine, les travaux d'aménagement avaient débuté créant ainsi un risque de pollution de l'air ; que
M. [N] n'a pas pu déterminer la réalité d'une faute de la Sarl Bsce.
Elle considère en outre que la Sci [Adresse 11] ne prouve pas la réalité du principe de ses préjudices, ni leurs montants ; que l'expert judiciaire n'a pas reçu les éléments lui permettant de les vérifier ; que la Sci [Adresse 11] ne démontre pas davantage l'existence d'un lien entre d'éventuels errements de chantier dus ou non à la présence d'amiante et donc indirectement à une potentielle erreur commise par la Sarl Bsce avec le départ de ses locataires ; que les lettres de résiliation produites ne l'expliquent pas ; que, dans le cadre de l'expertise de M. [N], a été évoqué un protocole conclu entre la Sci [Adresse 11] et l'Etat pour organiser la sortie de bail qui n'a jamais été communiqué ; qu'au final, la responsabilité contractuelle de son assurée ne peut pas être engagée.
Elle ajoute qu'elle ne pourrait pas être condamnée au titre des travaux de restructuration des plateaux de bureaux aménageables car ils sont induits par la résiliation du contrat de location dont les raisons n'ont pas été démontrées, qu'elle ne peut pas l'être davantage au titre des travaux de doublage des voiles, poteaux et poutres et de modification des travaux de la société Hervé Thermique qui devaient être réalisés quelle que soit la date de découverte de l'amiante dans les enduits ; qu'il ne pourrait être retenu qu'un surcoût de 50 000 euros au titre de la réintervention pour une dépollution complémentaire rendue nécessaire par la découverte des enduits amiantés ; que la perte de loyers devrait être limitée à la durée de trois mois du retard réel de chantier entre fin juillet 2012 et fin octobre 2012 ; que sa garantie n'est pas mobilisable pour les conséquences d'un retard de chantier.
Subsidiairement, elle recherche la garantie de la société Elite D&B pour ne pas avoir fautivement interpelé la Sci [Adresse 11] sur la nécessité, en cas de doute, de procéder immédiatement à de nouveaux diagnostics.
Par conclusions notifiées le 14 mai 2024, la Sas [R] [J] et Associés demande de voir en vertu des articles 564 du code de procédure civile, 1240, 2224, 2244, et 2247 du code civil :
- déclarer irrecevables les demandes formées pour la première fois en cause d'appel par la Sarl Bsce à son encontre,
- déclarer irrecevables les demandes prescrites formées par la Sarl Bsce à son encontre,
- prononcer sa mise hors de cause,
- confirmer le jugement rendu le 30 mai 2022 par le tribunal de commerce de Rouen en toutes ses dispositions,
- rejeter les arguments et demandes formées par la Sarl Bsce et celles de toutes autres parties, à son encontre,
- condamner la Sarl Bsce à lui verser la somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles, en plus des entiers dépens.
Elle fait valoir que les demandes formées à son encontre par la Sarl Bsce sont irrecevables pour être nouvelles en cause d'appel en application de l'article 564 du code de procédure civile ; que celle-ci n'a formulé aucune demande de condamnation contre elle en première instance comme le précise le tribunal dans son jugement ; que l'assignation du 23 août 2016 n'a été délivrée qu'aux fins d'intervention forcée à son égard ; que la Sarl Bsce ne saurait simuler la découverte récente d'une poursuite d'une mission amiante de la Sas [R] [J] et Associés qui est fausse pour motiver son appel en garantie formé pour la première fois en cause d'appel.
Elle ajoute que ces mêmes demandes formées le 11 janvier 2023 sont prescrites car aucun acte de la Sarl Bsce n'a interrompu le délai de la prescription quinquennale courant depuis le 23 août 2016 ; que ce délai n'a pas recommencé à courir à compter du jugement du 30 mai 2022 qui ne constitue pas une demande en justice.
Elle précise sur le fond que sa responsabilité quasi-délictuelle n'est pas engagée à défaut de démontrer une faute de sa part, un préjudice, et un lien de causalité entre les deux ; que la mission de maîtrise d'oeuvre des travaux de désamiantage, prétendument à l'origine de l'insuffisance de dépollution alléguée, ne lui a pas été confiée, mais l'a été à la Sarl Bsce.
Par dernières conclusions notifiées le 1er mars 2023, la société Elite Design & Build sollicite de voir sur la base des articles 56 du code de procédure civile, 1315, 1147 anciens, 1382 et suivants du code civil :
à titre principal,
- confirmer la décision entreprise,
si par impossible la cour d'appel faisait droit aux demandes qui lui sont présentées par la Sci [Adresse 11] et décidait de réformer le jugement du tribunal de commerce de Rouen du 30 mai 2022,
- dire et juger que les sociétés Bsce, Qbe Insurance Ltd, et Qbe Europe Sa/Nv ne rapportent nullement la preuve d'une faute, d'un lien de causalité, et d'un préjudice qui lui est imputable et en relation avec les demandes formulées par la Sci [Adresse 11] à leur encontre suivant assignation du 9 octobre 2014,
- débouter les sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv de leurs demandes à son encontre,
à titre subsidiaire,
- condamner les sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv à la relever et garantir de toute condamnation en paiement qui par impossible serait prononcée à son encontre,
en toute hypothèse,
- condamner les sociétés Bsce et Qbe Europe Sa/Nv à lui régler la somme de
10 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la Sarl Bsce aux entiers dépens de première instance et d'appel que la Selarl Gray Scolan, avocats associés, sera autorisée à recouvrer, pour ceux la concernant, conformément à l'article 699 du code précité.
Elle soutient que le refus de garantie de la société Qbe Europe Sa/Nv est inopérant car les manquements de la Sarl Bsce s'inscrivent dans le cadre des missions stipulées dans la police d'assurance.
Elle fait valoir que la Sarl Bsce, seul opérateur et spécialiste amiante, a tenu un rôle majeur dans les questionnements du volet amiante des travaux de rénovation de l'immeuble qu'elle n'a pas partagé avec elle ; que la Sarl Bsce était seule tenue d'une obligation d'information et de conseil directement à l'égard du maître de l'ouvrage conformément à ses engagements contractuels et seule chargée de concevoir, d'assurer le suivi, puis la réception de l'ensemble des prestations et travaux du volet amiante ; que, comme il ressort du rapport d'expertise de M. [F] du 3 janvier 2014, la Sarl Bsce n'a pas fait le nécessaire après le repérage de l'enduit amianté le 24 janvier 2012 malgré ses interpellations ; que, dans son dire du 17 juillet 2019 à
M. [N], la Sarl Bsce a reconnu qu'elle n'avait manifestement pas lu, ni compris le rapport [V] et qu'elle n'avait découvert l'enduit amianté qu'avec l'indice du Dat du 26 juin 2012, s'agissant d'un fait connu depuis janvier 2012 ; qu'il s'agit là d'une reconnaissance totale et exclusive de responsabilité de la part de la Sarl Bsce.
Elle indique ensuite qu'elle n'a pas manqué à son obligation d'information à l'égard du maître de l'ouvrage comme le prétend la société Qbe Europe Sa/Nv et sa responsabilité ne peut pas être engagée, dès lors que la Sarl Bsce ne lui a pas transmis les secondes restitutions ; que cette dernière ne démontre pas les fautes que la société Elite D&B aurait commises de nature à empêcher ou compromettre l'exécution parfaite de la mission contractuelle d'assistant maître d'ouvrage spécialisée amiante qui incombait exclusivement à la Sarl Bsce ; que celle-ci ne prouve pas davantage l'existence d'un lien de causalité avec une inexécution des obligations de la société Elite D&B comme assistant maître d'ouvrage.
Elle ajoute qu'elle n'est pas responsable de la mauvaise analyse faite par la Sarl Bsce le 21 décembre 2013 ; qu'en effet, elle lui avait fourni par courriel du 19 décembre 2013 la correspondance de la préfecture de Seine-Maritime du 16 décembre 2013 avec les photos à l'appui qui est d'ailleurs jointe à ce courriel de la Sarl Bsce du 21 décembre 2013.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 5 juin 2024.
A l'audience des plaidoiries et aux termes d'un soit-transmis du greffe aux avocats du même jour, les parties ont été autorisées à faire valoir leurs observations, avant le 28 juin 2024, sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture formulée par la Sarl Bsce dans ses conclusions notifiées le jour même.
Par courrier notifié le 27 juin 2024, l'avocat de la Sarl Bsce a estimé, à la lecture des dernières conclusions de la Sci [Adresse 11] notifiées le 4 juin 2024 aux termes desquelles elle avait réduit sa demande de dommages et intérêts pour le préjudice de perte des loyers, que celle-ci avait enfin admis qu'elle sollicitait une double indemnisation de préjudices identiques par des entreprises différentes, que ceci renforçait sa démonstration d'une absence de fondement des préjudices allégués par l'appelante et d'une carence dans leur justification. Il a ajouté que le raisonnement de la Sci [Adresse 11] selon lequel elle réclamait un montant inférieur à celui retenu par l'expert judiciaire était contradictoire avec le montant qu'elle réclamait en première instance.
Par courrier notifié le 28 juin 2024, le conseil de la Sci [Adresse 11] a demandé le rejet de la note en délibéré de la Sarl Bsce considérant qu'elle n'avait pas été autorisée. Il a ajouté qu'avaient été produits les justificatifs de la rupture des baux par les retards causés par cette dernière, y compris par l'absence des secondes restitutions. Il a précisé qu'il n'existait aucune double demande d'indemnisation ; que la demande de dommages et intérêts n'était pas basée sur les quantums de l'expert judiciaire, mais sur les loyers réels des périodes sollicitées.
Par courrier notifié le 1er juillet 2024, l'avocat de la Sarl Bsce a précisé qu'elle avait été autorisée à produire une note en délibéré qui n'était pas limitée à la seule Sci [Adresse 11]. Elle a souligné qu'en revanche, la recevabilité de la note en délibéré de la Sci [Adresse 11] apparaissait discutable puisque communiquée le 28 juin 2024, alors qu'elle devait être faite impérativement avant cette date.
MOTIFS
Sur la demande de révocation de l'ordonnance de clôture
Selon l'article 802 alinéa 1er du code de procédure civile auquel renvoie l'ancien article 907 du même code, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
En l'espèce, il ressort de la consultation du Rpva que la Sci [Adresse 11] a notifié ses dernières conclusions le 4 juin 2024 à 14h30. La Sarl Bsce y a répondu en notifiant ses dernières conclusions le 5 juin 2024 à 10h26. L'ordonnance de clôture rendue le même jour à 10h37 a été notifiée aux parties à 10h44.
La Sci [Adresse 11] n'a pas invoqué l'irrecevabilité, ni sollicité le rejet, des écritures de la Sarl Bsce notifiées peu de temps avant la clôture de l'instruction.
Dès lors, celles-ci sont recevables et il n'y a pas lieu d'ordonner la révocation de l'ordonnance de clôture. La demande afférente de la Sarl Bsce sera rejetée.
Sur la demande de rejet de la note en délibéré
Cette demande tardive formulée par le conseil de l'appelante au-delà du 27 juin 2024 sera rejetée.
Sur la demande de nullité de l'assignation du 9 octobre 2014
L'article 649 du code de procédure civile précise que la nullité des actes d'huissier de justice est régie par les dispositions qui gouvernent la nullité des actes de procédure.
L'article 117 du même code énonce que le défaut de pouvoir d'une partie ou d'une personne figurant au procès comme représentant soit d'une personne morale constitue une irrégularité de fond affectant la validité de l'acte.
En l'espèce, l'article 14 des statuts de la Sci [Adresse 11] ayant trait aux pouvoirs de la gérance stipulent que 'Dans les rapports avec les tiers, la gérance engage la société par les actes entrant dans son objet social. [...] Elle pourra notamment pour le compte de la société acquérir l'immeuble constituant l'objet social, contracter tous emprunts, donner ou accepter toutes garanties, gages ou nantissement.'. L'objet de la Sci est défini ainsi à l'article 2 : ' la propriété et la gestion, à titre civil, de l'immeuble sis à [Localité 7] [Adresse 11] [Localité 7] [...] et, généralement toutes opérations de quelque nature qu'elles soient, pouvant être utiles à la réalisation de l'objet social, pourvu qu'elles ne modifient pas le caractère civil de la société.'.
L'action engagée par la Sci [Adresse 11] le 9 octobre 2014 vise à mettre en cause la responsabilité contractuelle de la Sarl Bsce et à obtenir l'indemnisation de son préjudice né notamment de la perte de loyers à la suite du départ de ses deux locataires, ressources nécessaires pour maintenir l'entretien, la gestion, et la sauvegarde de l'immeuble. L'emploi de l'adverbe 'notamment' dans la description des actes pouvant être réalisés par le gérant permet de ne pas la limiter aux seuls actes visés dans l'article 14. Cette volonté des associés de ne pas circonscrire les pouvoirs du gérant est corroborée par l'absence de clauses statutaires conditionnant l'exercice d'une action en justice.
Dès lors, l'action engagée par la Sci [Adresse 11] est conforme et utile à la réalisation de son objet social. Le grief tiré du défaut de pouvoir de représentation de son gérant n'est pas fondé. L'exception de nullité soulevée par la Sarl Bsce sera rejetée. La décision du tribunal ayant statué en ce sens est confirmée.
Sur la mise en cause de la responsabilité contractuelle de la Sarl Bsce
Aux termes de l'article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Selon l'article 1315 du même code dans sa version applicable au litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.
Il incombe au demandeur d'établir l'existence des préjudices qu'il allègue, outre celle des fautes contractuelles et du lien de causalité invoqués.
En l'espèce, la Sci [Adresse 11] impute la perte de ses deux locataires, la perte de loyers, de charges, et de taxes foncières, et des coûts de syndic à la Sarl Bsce en raison de son retard et de sa mauvaise gestion des problématiques d'amiante dans l'immeuble. Elle sollicite le règlement des loyers du 1er avril 2012 au 9 février 2014 et du 1er février 2016 au 30 septembre 2020, desquels elle a enlevé les loyers de mars à septembre 2013.
Toutefois, les deux courriers de résiliation des baux que lui ont adressé la préfète de la région Normandie et de la Seine-Maritime le 24 mars 2016 et l'Agence régionale de santé Normandie le 25 mars 2016 ne mentionnent aucun lien entre la présence d'amiante dans l'immeuble et des conséquences afférentes notamment un retard, qu'elles ne visent pas, et leur décision de résilier les baux de manière anticipée à compter du 31 mars 2016.
Il y est fait référence à l'échec de leurs tentatives de négociation amiable sans plus de précision et à un différend sur la date de prise d'effet du bail, objet d'une procédure judiciaire intentée par la Sci [Adresse 11]. L'Agence régionale de santé Normandie évoque en outre 'un certain nombre de procédures judiciaires relatives à ce bail' dans lesquelles elle est impliquée.
Le courrier du gérant de la Sci [Adresse 11] adressé à la préfecture de la Seine-Maritime, constituant sa pièce 31 et qui n'est pas daté, et le courriel adressé le 6 novembre 2015 par le préfet au gérant de la Sci [Adresse 11] sont inopérants à faire la preuve du lien de causalité allégué.
En outre, comme le souligne justement la Sarl Bsce, les fautes qui lui sont reprochées (notamment un retard de six mois dans la découverte de l'enduit amianté entre janvier et juillet 2012, une absence de remise des secondes restitutions alors que sa mission s'est achevée fin décembre 2012, et une fausse indication du 21 décembre 2013 sur l'absence d'amiante dans la peinture du restaurant) sont antérieures de plusieurs années à cette décision de départ des locataires.
La Sci [Adresse 11] produit une attestation de son expert-comptable
M. [K] du 8 octobre 2020 attestant qu'elle a perçu les loyers de ses locataires de 2014 jusqu'à la résiliation le 31 mars 2016. Elle ne démontre pas que des loyers antérieurs n'ont pas été réglés du fait des manquements précités reprochés à la Sarl Bsce.
La Sci [Adresse 11] ne donne par ailleurs aucune explication, ni ne produit aucun élément probant, pour contredire l'information contenue dans quatre articles de presse parus respectivement les 1er et 7 octobre 2015 et 22 octobre 2016 sur l'incidence du projet de fusion de la Haute et de la Basse-Normandie dans le cadre de la réforme territoriale sur le besoin immobilier de ces deux entités publiques quelques mois avant la résiliation et leur emménagement dans les lieux loués.
La preuve d'un lien de cause à effet entre une faute contractuelle éventuelle de la Sarl Bsce et l'inoccupation du bâtiment depuis le 1er avril 2016 n'est pas davantage apportée.
Ensuite, par référence à la 'Synthèse rapport Expertise d'évaluation des chefs de préjudice' établie par 'EXECUTIVE PATRIMOINE', constituant sa pièce 144, qui consiste uniquement à présenter sur une seule page non datée les tableaux récapitulatifs de ses préjudices, la Sci [Adresse 11] réclame le remboursement de travaux et de charges induits par la mauvaise analyse du diagnostic technique amiante à hauteur de 1 247 100,89 euros et de travaux, frais, et honoraires de restructuration en plateaux de bureaux aménageables à concurrence de 1 404 230,24 euros.
Cependant, n'est pas caractérisé un lien de causalité direct et certain entre ces postes et les fautes alléguées contre la Sarl Bsce.
Dans son rapport actualisé d'évaluation des chefs de préjudices du 23 juin 2015,
M. [S] [B] de la société Assistance Conseils & Expertise, mandaté par la Sci [Adresse 11], indique que 'Suite aux découverts d'amiante fortuites réelles ou supposées, la SCI a du réaliser des travaux de dépollution, de mise en sécurité, des prélèvements atmosphériques. La SCI a modifié la consistance de certains travaux au vu de la présence de MCPA.'. Suivent la liste des travaux et des frais engagés.
Néanmoins, les travaux de dépollution par la Cms et les travaux de doublage des voiles, poteaux et poutres par Tpci, qui représentent une part importante des sommes réclamées, ne correspondent pas aux annexes visées à la page 9. De plus, leur charge finale pèse en tout état de cause sur le maître de l'ouvrage, débiteur des travaux de retrait des matériaux amiantés. Enfin, la Sci [Adresse 11] ne prouve pas que :
- la modification des travaux d'Hervé Thermique pour échapper les voiles, poteaux et poutres,
- le coût des prélèvements atmosphériques autres qu'obligatoires,
- le coût de matériaux contradictoires,
- les frais de déplacement et de représentation des associés lors des réunions ou des visites du site, qui ne sont pas justifiés,
- les frais de gestion du sinistre (honoraires divers qu'elle ne précise pas),
sont rattachables directement et de manière certaine à d'éventuelles défaillances de la Sarl Bsce.
Le coût des travaux de restructuration reste également en tout état de cause à la charge du bailleur.
D'une part, celui-ci s'était engagé aux termes des deux baux du 20 décembre 2010 à effectuer des travaux spécifiques de rénovation à concurrence de cinq millions d'euros HT recouvrant :
- la réfection des façades, le changement des menuiseries,
- la mise en place d'une ventilation double flux,
- l'installation électrique (courants forts),
- l'installation de cloisons coupe-feu,
- le changement des luminaires,
- l'aménagement du rez-de-chaussée et de la partie cafétéria en surfaces d'accueil plateaux non cloisonnés,
- la rénovation des sols, peintures, faux-plafonds de l'ensemble des étages, livrés non cloisonnés,
- la mise aux normes des toilettes handicapés sur l'ensemble des étages.
D'autre part, le départ des locataires n'étant pas imputable à la Sarl Bsce, elle n'est pas comptable des dégradations postérieures ayant eu lieu dans l'immeuble.
Tant M. [F] que M. [N] n'ont pas été mis en mesure d'évaluer le dommage allégué par la Sci [Adresse 11].
Dans son rapport du 29 octobre 2019 qui n'a pas été établi au contradictoire de la Sarl Bsce, M. [F], chargé de déterminer les préjudices subis par la Sci [Adresse 11] notamment en ce qui concerne le préjudice financier, a déposé son rapport en l'état sur ce point car les pièces demandées par le sapiteur M. [W], nécessaires à la justification des préjudices, n'avaient pas été transmises par la Sci [Adresse 11]. Il a souligné qu''Au stade de la rédaction du présent rapport, quasiment aucun des documents justificatifs demandé n'a été produit ou ne permettait pas de déterminer le lien de causalité.'.
M. [N] a rendu son rapport en l'état pour le même motif d'absence de transmission par la Sci [Adresse 11] de la liste de ses dommages.
Enfin, la Sci [Adresse 11] réclame l'indemnisation d'un préjudice d'image envers les locataires et leurs représentants à concurrence de 500 000 euros, sans verser aux débats d'éléments pour le caractériser. La seule référence à deux articles de presse parus dans 76 Actu et sur le site de la radio France Bleu Haute-Normandie le 4 avril 2014 dans le rapport de M. [B], sans indiquer la teneur des propos de nature à lui porter préjudice, est insuffisante à prouver l'existence d'une faute de la Sarl Bsce et d'un lien de cause à effet d'un tel dommage avec celle-ci.
En définitive, la preuve des préjudices allégués et de leur lien de causalité avec d'éventuelles fautes de la Sarl Bsce n'est pas faite. Ces conditions essentielles à l'engagement de la responsabilité contractuelle de cette dernière faisant défaut sans qu'il soit besoin d'examiner la dernière condition requise de l'existence d'une faute, la Sci [Adresse 11] sera déboutée de toutes ses demandes dirigées contre la Sarl Bsce et la société Qbe Europe Sa/Nv. Le jugement du tribunal ayant statué en ce sens sera confirmé.
Sur les demandes indemnitaires de la Sarl Bsce
L'article 1382 du code civil dans sa rédaction en vigueur lors du présent litige énonce que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
L'article 32-1 du code de procédure civile précise que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.
Dans le cas présent, la Sarl Bsce ne prouve pas que l'exercice par la Sci [Adresse 11] de son action formée à son encontre et d'une action parallèle contre d'autres parties a été fautif et abusif. Elle ne démontre pas davantage le préjudice qui en a résulté pour elle. Elle ne produit aucun justificatif des problèmes de santé de son gérant, ni des frais qu'elle a exposés pour se rendre aux opérations d'expertise judiciaire, ni encore du préjudice moral qu'elle estime avoir subi.
La seule attestation de son expert-comptable du 18 février 2021 mentionnant une baisse de son chiffre d'affaires depuis le 1er avril 2013 jusqu'au 31 décembre 2020 est insuffisante à prouver qu'il a été causé par l'exercice de l'action judiciaire de la Sci [Adresse 11] à son encontre.
En conséquence, la Sarl Bsce sera déboutée de toutes ses réclamations.
Sur les demandes accessoires
Les dispositions du jugement sur les dépens et les frais de procédure seront confirmées. Il sera uniquement précisé que les dépens de l'instance principale, mis à la charge de la Sci [Adresse 11], incluent les frais de l'expertise judiciaire réalisée par M. [N] en application de l'article 695 du code de procédure civile.
Partie perdante, la Sci [Adresse 11] sera condamnée aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit des avocates des sociétés Qbe Europe Sa/Nv et Elite D&B.
Il est équitable de la condamner également à payer à la Sarl Bsce la somme de
7 000 euros et, à la société Qbe Eurospe Sa/Nv, celle de 3 000 euros, au titre des frais non compris dans les dépens que ces dernières ont exposés pour cette procédure.
Son recours en garantie ayant été engagé en vain contre la Sas [R] [J] et Associés, la Sarl Bsce sera condamnée à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de ses frais de procédure. La même somme sera mise à la charge de la Sarl Bsce et de son assureur au profit de la société Elite D&B.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe,
Déboute la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture,
Déboute la Sci [Adresse 11] de sa demande de rejet de la note en délibéré notifiée le 27 juin 2024 par le conseil de la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise,
Dans les limites de l'appel formé,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne la Sci [Adresse 11] à payer à la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise la somme de 7 000 euros et, à la société Qbe Europe Sa/Nv, la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise à payer à la Sas [R] [J] et Associés la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Condamne la Sarl Bureau Service Conseil Entreprise et la société Qbe Europe Sa/Nv à payer à la société Elite D&B la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,
Déboute les parties du surplus des demandes,
Dit que les dépens de l'instance principale devant le tribunal de commerce de Rouen, mis à la charge de la Sci [Adresse 11], incluent les frais de l'expertise judiciaire réalisée par M. [E] [N],
Condamne la Sci [Adresse 11] aux dépens d'appel avec bénéfice de distraction au profit de Me Lerable et de la Selarl Gray Scolan, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente de chambre,