Décisions
CA Paris, Pôle 5 - ch. 8, 15 octobre 2024, n° 24/05099
PARIS
Arrêt
Autre
Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024
(n° / 2024, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/05099 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJDD3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 mars 2024 -Tribunal Judiciaire de MELUN - RG n° 23/02445
APPELANTE
Madame [H]-[I] [M] épouse [B], en qualité d'associé indéfiniment responsable de la SCI SACAIM,
Née le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 11] (ROUMANIE)
De nationalité roumaine
Demeurant [Adresse 9]
[Localité 10]
Représentée et assistée de Me Daniela SABAU de la SELAS BDD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R46,
INTIMÉS
S.C.P. ANGEL HAZANE DVUAL, en qualité de mandataire judiciaire de la SCI SACAIM, désignée en cette qualité par jugement du Tribunal Judiciaire de MELUN du 8 mars 2024,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MELUN sous le numéro 500 966 999,
Dont le siège social est situé [Adresse 13]
[Adresse 8]
[Localité 6]
S.C.I. SACAIM, représentée par Maître [Y] [N], administrateur judiciaire, demeurant [Adresse 4],
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MELUN sous le numéro 821 800 976,
Dont le siège social est situé [Adresse 5]
[Localité 7]
Représentées et assistées de Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX, toque 10,
Monsieur [G] [B], en qualité d'associé de la SCI SACAIM,
Né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 12] (ROUMANIE)
De nationalité roumaine
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 10]
Non constitué
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Mme Constance LACHEZE, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Mme Constance LACHEZE, conseillère, M. François VARICHON, conseiller.
Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La SCI Sacaim constituée le 29 juillet 2016 par M. [G] [B], gérant, et son épouse Mme [H] [I] [M], associés à parts égales, a pour objet l'acquisition, la construction et l'aménagement des biens immobiliers. Elle détenait deux biens immobiliers, une maison d'habitation à usage de résidence principale du couple et un appartement situé à [Localité 7] (77).
Les époux se sont séparés, les relations entre les associés se sont dégradées et Mme [H] [I] [M] a saisi le tribunal judiciaire de Melun afin qu'il désigne un administrateur provisoire de la SCI Sacaim.
Par ordonnance de référé du 4 novembre 2022, la présidente du tribunal judiciaire de Melun a notamment désigné Me [S] [P] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Sacaim pour une durée d'un an, en lieu et place de M. [G] [B], gérant, avec pour mission :
- d'accomplir tout acte administratif et de gestion courante ;
- de se faire remettre les fonds et l'ensemble des documents et archives de la SCI dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;
- de convoquer l'assemblée générale en vue de l'approbation des comptes, la désignation du gérant et la vente d'un bien immobilier sis [Adresse 5] à Brie-Comte-Robert (77) et si besoin, la liquidation et la dissolution amiables de la SCI.
Me [P] ès qualités d'administrateur provisoire de la SCI Sacaim a déposé le 4 mai 2023 une déclaration de cessation des paiements depuis le 31 décembre 2022 et a sollicité en conséquence l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. La SCP Angel-Hazane-[U] nommée le 8 septembre 2023 aux fins d'enquête a déposé son rapport le 27 décembre 2023.
Par jugement contradictoire du 8 mars 2024, le tribunal judiciaire de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI Sacaim, fixé au 8 septembre 2023 la date provisoire de cessation des paiements, fixé à six mois la période d'observation, désigné Me [U] de la SCP Angel-Hazane-[U] en qualité de mandataire judiciaire et désigné Me [Y] [N] en qualité d'administrateur judiciaire de la SCI avec mission d'assurer seul et entièrement l'administration de l'entreprise et de la représenter.
Par déclaration du 18 mars 2024, Mme [H] [I] [M] a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été fixée en circuit court le 8 avril 2024.
Par ses dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 mai 2024, Mme [H] [I] [M] demande à la cour :
- de déclarer recevable son appel-nullité ;
- de prononcer la nullité du jugement pour excès de pouvoir ;
- statuant à nouveau, de rejeter la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, pour défaut de droit d'agir, pour défaut d'action régulière, pour défaut d'action recevable, pour défaut d'état de cessation des paiements ;
- de déclarer irrecevable à titre principal, ou de rejeter à titre subsidiaire, la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par dernières conclusions (n°1) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 mai 2024, la SCP Angel-Hazane-[U], prise en la personne de Me [U] agissant en qualité de mandataire judiciaire, et la SCI Sacaim, représentée par Me [Y] [N] agissant en qualité d'administrateur judiciaire, demandent à la cour :
- de juger irrecevable Mme [H] [I] [M] en son appel ;
- à titre subsidiaire, si la cour estime l'appel de Mme [M] recevable, d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé le redressement judiciaire ;
- statuant à nouveau, de prononcer la liquidation de la société ;
- de désigner Me [U] de la SCP Angel-Hazane-[U] ès qualités de liquidateur ;
- de maintenir Mme [V] en qualité de juge-commissaire ;
- à titre infiniment subsidiaire, de confirmer intégralement le jugement ;
- en tout état de cause, de condamner Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le ministère public, auquel l'affaire a été communiquée le 5 avril 2024, n'a pas fait connaître son avis.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 juin 2024, sans que M. [G] [B], auquel la déclaration d'appel et les conclusions d'appelants ont été signifiées par remise à l'étude le 8 avril 2024, n'ait constitué avocat.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel-nullité
Mme [M] fait valoir qu'en qualité d'associée de la SCI Sacaim, elle est recevable à former un appel-nullité en ce qu'elle reste tenue aux dettes de la société lorsque celle-ci est sous l'effet d'une procédure collective et qu'à défaut, elle serait privée de son droit à un recours effectif. Elle soutient que les premiers juges ont commis un excès de pouvoir en ce qu'ils ont considéré recevable la demande d'ouverture d'une procédure collective de l'administrateur provisoire ' sur déclaration de cessation des paiements ' alors que ce dernier avait pour seule mission d' « accomplir tout acte administratif et de gestion courante », que la demande d'ouverture d'une procédure collective n'est pas un acte de gestion courante et que l'administrateur provisoire a outrepassé ses pouvoirs délimités par l'ordonnance le désignant alors que l'ouverture d'une procédure collective peut avoir des conséquences irréversibles pour la société.
La SCP Angel-Hazane-[U] ès qualités et la SCI Sacaim répliquent que l'associée d'une SCI à l'égard de laquelle une procédure de redressement judiciaire a été ouverte ne peut interjeter appel du jugement d'ouverture, quand bien même intervient-elle volontairement, que les moyens développés par l'appelante ne constituent aucun vice grave ou excès de pouvoir susceptible de justifier un appel-nullité, que la violation des règles de fond n'ouvre pas la voie de l'appel-nullité et que le tribunal n'a agi que dans le cadre de sa mission en déterminant que la SCI Sacaim était en état de cessation des paiements et a en conséquence ouvert une procédure de redressement judiciaire.
Selon l'article L. 661-1, I, 1° du code de commerce, les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire sont susceptibles d'appel de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public.
La voie de l'appel contre le jugement ouvrant le redressement judiciaire d'une société est donc fermée à tous ses associés, qu'il s'agisse d'une société de personnes ou d'une société de capitaux, la circonstance qu'ils aient le cas échéant intérêt à agir étant inopérante.
L'objectif de célérité et de sécurité juridique devant être apportées au traitement d'une procédure collective exclut qu'une atteinte substantielle, illégitime et disproportionnée puisse être portée au droit d'accès au juge et au droit au recours par cette voie de recours dérogatoire, étant au demeurant observé que si l'associé n'a pas le droit d'appel, il dispose du droit de former opposition au jugement auquel il n'est pas partie.
Seule la voie de l'appel-nullité demeure ouverte à l'associé partie au litige en première instance, sous réserve de caractériser un excès de pouvoir commis par les premiers juges.
L'excès de pouvoir consiste pour le juge à méconnaître l'étendue de son pouvoir de juger.
En l'espèce, il est constant que le tribunal judiciaire de Melun a été saisi par une déclaration de cessation des paiements déposée par Me [P] agissant en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Sacaim désigné par ordonnance du 4 novembre 2022.
Le jugement déféré a statué sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme [M] tenant au défaut de qualité à agir de l'administrateur provisoire de la SCI, il l'a rejetée, puis il a statué sur le fond sur la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire qu'il a écartée au profit d'un redressement judiciaire.
Saisi d'une demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire, il n'a pas commis d'excès de pouvoir en ouvrant une procédure de redressement judiciaire en ce qu'il ne s'est pas saisi d'office et a fait application des critères légaux en la matière en tenant compte de la situation particulière de la société permettant d'envisager un redressement de la société.
S'agissant du défaut de qualité à agir, le tribunal a notamment considéré que l'administrateur provisoire avait l'obligation légale et le pouvoir propre de déclarer la situation de cessation des paiements et de solliciter l'ouverture d'une procédure collective. Il a de surcroît constaté que l'administrateur provisoire désigné pour une année à compter du 22 novembre 2022 avait informé les associés à l'occasion de l'assemblée générale du 18 avril 2023 qu'à défaut d'offre sérieuse d'acquisition de l'immeuble avec justificatif de financement dans le délai d'un mois, il avait l'intention de déposer une déclaration de cessation des paiements après avoir constaté l'échec de sa mission d'administrateur provisoire confiée par le juge des référés, l'absence de proposition des associés et l'augmentation du passif.
La cour observe que la mission de l'administrateur judiciaire ne se limitait pas à « accomplir tout acte administratif et de gestion courante » comme le prétend Mme [M], mais consistait en outre à « convoquer l'assemblée générale en vue de l'approbation des comptes, la désignation du gérant et la vente d'un bien immobilier sis [Adresse 5] à Brie-Comte-Robert (77) et si besoin, la liquidation et la dissolution amiables de la SCI », si bien que la viabilité de la société à défaut de la vente de ce bien posait déjà question au moment de la désignation de l'administrateur judiciaire provisoire.
Il en résulte que le tribunal judiciaire saisi sur déclaration de cessation des paiements et statuant sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir de l'administrateur provisoire régulièrement soulevée n'a pas méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel et que les motifs de sa décision n'affectent en aucun cas le jugement d'un vice grave de procédure.
Il s'ensuit que l'excès de pouvoir du tribunal n'est pas avéré. Mme [M] qui a déjà invoqué en première instance le moyen tiré du défaut de pouvoir de Me [P] qu'elle qualifiait de défaut de qualité à agir, ne peut valablement, sous couvert d'un appel-nullité et d'un excès de pouvoir du tribunal, faire appel du jugement d'ouverture du redressement judiciaire.
Faute pour Mme [M] d'avoir qualité pour relever appel du jugement du 27 janvier 2022 et de démontrer un excès de pouvoir de la part du tribunal l'ayant prononcé, son appel est irrecevable.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [M], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et ce faisant ne peut prétendre au paiement d'une indemnité procédurale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [M] sera condamnée à payer à la SCI Sacaim et à la SCP Angel-Hazane-[U] ès qualités une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'appel, d'un montant de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et par défaut,
Déclare l'appel-nullité irrecevable ;
Condamne Mme [H] [I] [M] à payer à la SCI Sacaim et à la SCP Angel-Hazane-[U], prise en la personne de Me [U] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SCI Sacaim, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [H] [I] [M] aux dépens d'appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HEBERT-PAGEOT
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 5 - Chambre 8
ARRÊT DU 15 OCTOBRE 2024
(n° / 2024, 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 24/05099 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CJDD3
Décision déférée à la Cour : Jugement du 8 mars 2024 -Tribunal Judiciaire de MELUN - RG n° 23/02445
APPELANTE
Madame [H]-[I] [M] épouse [B], en qualité d'associé indéfiniment responsable de la SCI SACAIM,
Née le [Date naissance 3] 1980 à [Localité 11] (ROUMANIE)
De nationalité roumaine
Demeurant [Adresse 9]
[Localité 10]
Représentée et assistée de Me Daniela SABAU de la SELAS BDD AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : R46,
INTIMÉS
S.C.P. ANGEL HAZANE DVUAL, en qualité de mandataire judiciaire de la SCI SACAIM, désignée en cette qualité par jugement du Tribunal Judiciaire de MELUN du 8 mars 2024,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MELUN sous le numéro 500 966 999,
Dont le siège social est situé [Adresse 13]
[Adresse 8]
[Localité 6]
S.C.I. SACAIM, représentée par Maître [Y] [N], administrateur judiciaire, demeurant [Adresse 4],
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés de MELUN sous le numéro 821 800 976,
Dont le siège social est situé [Adresse 5]
[Localité 7]
Représentées et assistées de Me Jean-Charles NEGREVERGNE de la SELAS NEGREVERGNE-FONTAINE-DESENLIS, avocat au barreau de MEAUX, toque 10,
Monsieur [G] [B], en qualité d'associé de la SCI SACAIM,
Né le [Date naissance 2] 1982 à [Localité 12] (ROUMANIE)
De nationalité roumaine
Demeurant [Adresse 1]
[Localité 10]
Non constitué
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre, et de Mme Constance LACHEZE, conseillère.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Mme Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre,
Mme Constance LACHEZE, conseillère, M. François VARICHON, conseiller.
Un rapport a été présenté à l'audience par Mme Constance LACHEZE dans le respect des conditions prévues à l'article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
- rendu par défaut
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
- signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
***
FAITS CONSTANTS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS
La SCI Sacaim constituée le 29 juillet 2016 par M. [G] [B], gérant, et son épouse Mme [H] [I] [M], associés à parts égales, a pour objet l'acquisition, la construction et l'aménagement des biens immobiliers. Elle détenait deux biens immobiliers, une maison d'habitation à usage de résidence principale du couple et un appartement situé à [Localité 7] (77).
Les époux se sont séparés, les relations entre les associés se sont dégradées et Mme [H] [I] [M] a saisi le tribunal judiciaire de Melun afin qu'il désigne un administrateur provisoire de la SCI Sacaim.
Par ordonnance de référé du 4 novembre 2022, la présidente du tribunal judiciaire de Melun a notamment désigné Me [S] [P] en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Sacaim pour une durée d'un an, en lieu et place de M. [G] [B], gérant, avec pour mission :
- d'accomplir tout acte administratif et de gestion courante ;
- de se faire remettre les fonds et l'ensemble des documents et archives de la SCI dans le délai d'un mois à compter de la notification de la présente ordonnance ;
- de convoquer l'assemblée générale en vue de l'approbation des comptes, la désignation du gérant et la vente d'un bien immobilier sis [Adresse 5] à Brie-Comte-Robert (77) et si besoin, la liquidation et la dissolution amiables de la SCI.
Me [P] ès qualités d'administrateur provisoire de la SCI Sacaim a déposé le 4 mai 2023 une déclaration de cessation des paiements depuis le 31 décembre 2022 et a sollicité en conséquence l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire. La SCP Angel-Hazane-[U] nommée le 8 septembre 2023 aux fins d'enquête a déposé son rapport le 27 décembre 2023.
Par jugement contradictoire du 8 mars 2024, le tribunal judiciaire de Melun a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'égard de la SCI Sacaim, fixé au 8 septembre 2023 la date provisoire de cessation des paiements, fixé à six mois la période d'observation, désigné Me [U] de la SCP Angel-Hazane-[U] en qualité de mandataire judiciaire et désigné Me [Y] [N] en qualité d'administrateur judiciaire de la SCI avec mission d'assurer seul et entièrement l'administration de l'entreprise et de la représenter.
Par déclaration du 18 mars 2024, Mme [H] [I] [M] a relevé appel de ce jugement.
L'affaire a été fixée en circuit court le 8 avril 2024.
Par ses dernières conclusions (n°2) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 24 mai 2024, Mme [H] [I] [M] demande à la cour :
- de déclarer recevable son appel-nullité ;
- de prononcer la nullité du jugement pour excès de pouvoir ;
- statuant à nouveau, de rejeter la demande d'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire, pour défaut de droit d'agir, pour défaut d'action régulière, pour défaut d'action recevable, pour défaut d'état de cessation des paiements ;
- de déclarer irrecevable à titre principal, ou de rejeter à titre subsidiaire, la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire.
Par dernières conclusions (n°1) remises au greffe et notifiées par voie électronique le 7 mai 2024, la SCP Angel-Hazane-[U], prise en la personne de Me [U] agissant en qualité de mandataire judiciaire, et la SCI Sacaim, représentée par Me [Y] [N] agissant en qualité d'administrateur judiciaire, demandent à la cour :
- de juger irrecevable Mme [H] [I] [M] en son appel ;
- à titre subsidiaire, si la cour estime l'appel de Mme [M] recevable, d'infirmer le jugement en ce qu'il a prononcé le redressement judiciaire ;
- statuant à nouveau, de prononcer la liquidation de la société ;
- de désigner Me [U] de la SCP Angel-Hazane-[U] ès qualités de liquidateur ;
- de maintenir Mme [V] en qualité de juge-commissaire ;
- à titre infiniment subsidiaire, de confirmer intégralement le jugement ;
- en tout état de cause, de condamner Mme [M] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Le ministère public, auquel l'affaire a été communiquée le 5 avril 2024, n'a pas fait connaître son avis.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 juin 2024, sans que M. [G] [B], auquel la déclaration d'appel et les conclusions d'appelants ont été signifiées par remise à l'étude le 8 avril 2024, n'ait constitué avocat.
SUR CE,
Sur la recevabilité de l'appel-nullité
Mme [M] fait valoir qu'en qualité d'associée de la SCI Sacaim, elle est recevable à former un appel-nullité en ce qu'elle reste tenue aux dettes de la société lorsque celle-ci est sous l'effet d'une procédure collective et qu'à défaut, elle serait privée de son droit à un recours effectif. Elle soutient que les premiers juges ont commis un excès de pouvoir en ce qu'ils ont considéré recevable la demande d'ouverture d'une procédure collective de l'administrateur provisoire ' sur déclaration de cessation des paiements ' alors que ce dernier avait pour seule mission d' « accomplir tout acte administratif et de gestion courante », que la demande d'ouverture d'une procédure collective n'est pas un acte de gestion courante et que l'administrateur provisoire a outrepassé ses pouvoirs délimités par l'ordonnance le désignant alors que l'ouverture d'une procédure collective peut avoir des conséquences irréversibles pour la société.
La SCP Angel-Hazane-[U] ès qualités et la SCI Sacaim répliquent que l'associée d'une SCI à l'égard de laquelle une procédure de redressement judiciaire a été ouverte ne peut interjeter appel du jugement d'ouverture, quand bien même intervient-elle volontairement, que les moyens développés par l'appelante ne constituent aucun vice grave ou excès de pouvoir susceptible de justifier un appel-nullité, que la violation des règles de fond n'ouvre pas la voie de l'appel-nullité et que le tribunal n'a agi que dans le cadre de sa mission en déterminant que la SCI Sacaim était en état de cessation des paiements et a en conséquence ouvert une procédure de redressement judiciaire.
Selon l'article L. 661-1, I, 1° du code de commerce, les décisions statuant sur l'ouverture de la liquidation judiciaire sont susceptibles d'appel de la part du débiteur, du créancier poursuivant et du ministère public.
La voie de l'appel contre le jugement ouvrant le redressement judiciaire d'une société est donc fermée à tous ses associés, qu'il s'agisse d'une société de personnes ou d'une société de capitaux, la circonstance qu'ils aient le cas échéant intérêt à agir étant inopérante.
L'objectif de célérité et de sécurité juridique devant être apportées au traitement d'une procédure collective exclut qu'une atteinte substantielle, illégitime et disproportionnée puisse être portée au droit d'accès au juge et au droit au recours par cette voie de recours dérogatoire, étant au demeurant observé que si l'associé n'a pas le droit d'appel, il dispose du droit de former opposition au jugement auquel il n'est pas partie.
Seule la voie de l'appel-nullité demeure ouverte à l'associé partie au litige en première instance, sous réserve de caractériser un excès de pouvoir commis par les premiers juges.
L'excès de pouvoir consiste pour le juge à méconnaître l'étendue de son pouvoir de juger.
En l'espèce, il est constant que le tribunal judiciaire de Melun a été saisi par une déclaration de cessation des paiements déposée par Me [P] agissant en qualité d'administrateur provisoire de la SCI Sacaim désigné par ordonnance du 4 novembre 2022.
Le jugement déféré a statué sur la fin de non-recevoir soulevée par Mme [M] tenant au défaut de qualité à agir de l'administrateur provisoire de la SCI, il l'a rejetée, puis il a statué sur le fond sur la demande d'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire qu'il a écartée au profit d'un redressement judiciaire.
Saisi d'une demande d'ouverture d'une liquidation judiciaire, il n'a pas commis d'excès de pouvoir en ouvrant une procédure de redressement judiciaire en ce qu'il ne s'est pas saisi d'office et a fait application des critères légaux en la matière en tenant compte de la situation particulière de la société permettant d'envisager un redressement de la société.
S'agissant du défaut de qualité à agir, le tribunal a notamment considéré que l'administrateur provisoire avait l'obligation légale et le pouvoir propre de déclarer la situation de cessation des paiements et de solliciter l'ouverture d'une procédure collective. Il a de surcroît constaté que l'administrateur provisoire désigné pour une année à compter du 22 novembre 2022 avait informé les associés à l'occasion de l'assemblée générale du 18 avril 2023 qu'à défaut d'offre sérieuse d'acquisition de l'immeuble avec justificatif de financement dans le délai d'un mois, il avait l'intention de déposer une déclaration de cessation des paiements après avoir constaté l'échec de sa mission d'administrateur provisoire confiée par le juge des référés, l'absence de proposition des associés et l'augmentation du passif.
La cour observe que la mission de l'administrateur judiciaire ne se limitait pas à « accomplir tout acte administratif et de gestion courante » comme le prétend Mme [M], mais consistait en outre à « convoquer l'assemblée générale en vue de l'approbation des comptes, la désignation du gérant et la vente d'un bien immobilier sis [Adresse 5] à Brie-Comte-Robert (77) et si besoin, la liquidation et la dissolution amiables de la SCI », si bien que la viabilité de la société à défaut de la vente de ce bien posait déjà question au moment de la désignation de l'administrateur judiciaire provisoire.
Il en résulte que le tribunal judiciaire saisi sur déclaration de cessation des paiements et statuant sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de pouvoir de l'administrateur provisoire régulièrement soulevée n'a pas méconnu l'étendue de son pouvoir juridictionnel et que les motifs de sa décision n'affectent en aucun cas le jugement d'un vice grave de procédure.
Il s'ensuit que l'excès de pouvoir du tribunal n'est pas avéré. Mme [M] qui a déjà invoqué en première instance le moyen tiré du défaut de pouvoir de Me [P] qu'elle qualifiait de défaut de qualité à agir, ne peut valablement, sous couvert d'un appel-nullité et d'un excès de pouvoir du tribunal, faire appel du jugement d'ouverture du redressement judiciaire.
Faute pour Mme [M] d'avoir qualité pour relever appel du jugement du 27 janvier 2022 et de démontrer un excès de pouvoir de la part du tribunal l'ayant prononcé, son appel est irrecevable.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Mme [M], partie perdante, sera condamnée aux dépens d'appel et ce faisant ne peut prétendre au paiement d'une indemnité procédurale sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Mme [M] sera condamnée à payer à la SCI Sacaim et à la SCP Angel-Hazane-[U] ès qualités une indemnité au titre des frais irrépétibles exposés dans le cadre de l'appel, d'un montant de 2 000 euros.
PAR CES MOTIFS,
Statuant publiquement et par défaut,
Déclare l'appel-nullité irrecevable ;
Condamne Mme [H] [I] [M] à payer à la SCI Sacaim et à la SCP Angel-Hazane-[U], prise en la personne de Me [U] agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SCI Sacaim, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamne Mme [H] [I] [M] aux dépens d'appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La présidente,
Marie-Christine HEBERT-PAGEOT