Décisions
CA Pau, 1re ch., 15 octobre 2024, n° 23/00039
PAU
Arrêt
Autre
SF/LCC
Numéro 24/03107
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 15/10/2024
Dossier : N° RG 23/00039 - N° Portalis DBVV-V-B7H-INEJ
Nature affaire :
Demande en nullité d'une assemblée générale ou d'une délibération de cette assemblée
Affaire :
[N] [U]
[Y] [R] épouse [U]
[J] [U] épouse [C]
C/
S.D.C. DE LA RESIDENCE [9]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 10 Septembre 2024, devant :
Madame FAURE, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries en présence de Madame BLANCHARD,
assistée de Madame DEBON, remplissant les fonctions de Greffière, présente à l'appel des causes,
et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [N] [U]
né le 17 Avril 1947 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Sabine LEMUET de la SELARL BALESPOUEY LEMUET TOUJAS-LEBOURGEOIS - BLTL, avocat au barreau de TARBES et assisté par Me Eglantine ROUGIER-CHEVIGNARD de L'AARPI APHEA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [Y] [R] épouse [U]
née le 05 Septembre 1951 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Sabine LEMUET de la SELARL BALESPOUEY LEMUET TOUJAS-LEBOURGEOIS - BLTL, avocat au barreau de TARBES et assistée par Me Eglantine ROUGIER-CHEVIGNARD de L'AARPI APHEA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [J] [U] épouse [C]
née le 22 Février 1948 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sabine LEMUET de la SELARL BALESPOUEY LEMUET TOUJAS-LEBOURGEOIS - BLTL, avocat au barreau de TARBES et assistée par Me Eglantine ROUGIER-CHEVIGNARD de L'AARPI APHEA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE :
S.D.C. DE LA RESIDENCE [9] prise en la personne de son Syndic en exercice, la SASU PG IMMO exerçant sous l'enseigne SQUARE HABITAT.
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée et assistée de Me Romain GIRAL de la SELARL BAQUE-GIRAL, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 08 DECEMBRE 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES
RG numéro : 21/00077
EXPOSE DU LITIGE
M. [N] [U] et son épouse, Mme [Y] [R] sont usufruitiers, et leur fille Mme [J] [U] épouse [C] est nue-propriétaire du lot n°42, constituant un appartement avec jouissance privative d'une terrasse, et du lot n°14, constituant un casier à skis, au sein de la résidence [9] située à [Localité 6] (65).
Par assemblée générale du 16 mars 2019, les copropriétaires de la résidence [9] ont voté des travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse couvrante située au 2ème étage de la résidence, dont les consorts [U] ont la jouissance privative.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 06 avril 2019, le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] a, par l'intermédiaire de son syndic, informé Mme [C], suite à la visite de l'entreprise en charge des travaux d'étanchéité de la terrasse, de faire procéder, en même temps que les travaux de réfection de la terrasse et à ses frais, au remplacement du garde-corps de ladite terrasse, constituant une partie privative, compte tenu de son état de vétusté avancé.
Suite à plusieurs échanges entre les parties, les consorts [U] ont, par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 juillet 2020, sollicité que soit porté à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale des copropriétaires la question de l'intégration du coût de la réfection du garde-corps aux travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse, la réfection de ce garde-corps étant selon eux indissociable de la réfection de la terrasse.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale tenue le 10 octobre 2020, les copropriétaires de la résidence [9] ont :
- adopté la résolution n°8 validant le fait que le remplacement du garde-corps devait incomber à titre définitif au seul propriétaire du lot n°42,
- rejeté la résolution n°9 visant à intégrer le coût de réfection du garde-corps aux travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse,
- adopté la résolution n°10 autorisant Syndicat des copropriétaires à faire procéder aux travaux de réfection du garde-corps de la terrasse attenante au lot n°42 aux frais des propriétaires de ce lot, dans la limite d'un budget de 7.919 € TTC, conformément au devis de la SARL BARTHE.
Par acte du 04 janvier 2021, les consorts [U] ont fait assigner le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] devant le tribunal judiciaire de Tarbes aux fins d'annulation des résolutions 8, 9 et 10 prises lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 10 octobre 2020, et des appels de fonds correspondants.
Suivant jugement contradictoire du 08 décembre 2022 (RG n°21/00077), le tribunal a :
- débouté les consorts [U] de leur demande d'annulation des résolutions n°8, 9 et 10 de l'assemblée générale du 10 octobre 2020,
- débouté les consorts [U] de leur demande d'annulation des appels de provisions adressés directement au propriétaire du lot n°42 en ce qui concerne la dépense de remplacement du garde-corps à hauteur de 33% au 1er janvier 2021, 33% au 1er avril 2021 et 34% au 1er juillet 2021,
- condamné in solidum les consorts [U] à payer au Syndicat des copropriétaires de la résidence [9], représenté par son syndic en exercice, la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les consorts [U] aux dépens.
Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :
- que les travaux de réfection de la terrasse, partie commune, ne peuvent être effectués sans déposer les gardes-corps fixés dessus, qui constituent une partie privative,
- que les gardes-corps situés sur la terrasse présentent un caractère de vétusté tel qu'il convient de procéder à leur remplacement pur et simple afin d'assurer la sécurité des occupants de l'appartement,
- que le fait que les prestations spécifiques aux gardes-corps aient lieu à l'occasion de travaux plus globaux de réfection de la terrasse ne leur enlève pas leur caractère privatif, de sorte que les prestations afférentes aux gardes-corps demeurent distinctes et n'ont pas à être supportées par la copropriété mais par les copropriétaires concernés.
M. [N] [U] et son épouse, Mme [Y] [R], et Mme [J] [U] ont relevé appel par déclaration du 03 janvier 2023 (RG n°23/00039), critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 06 novembre 2023, M. [N] [U] et son épouse, Mme [Y] [R], et Mme [J] [U], appelants, entendent voir la cour :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- prononcer l'annulation des résolutions n°8, 9 et 10 de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [9] du 10 octobre 2020,
- prononcer en conséquence l'annulation des appels de provisions adressés directement au propriétaire du lot n°42 en ce qui concerne la dépense de remplacement du garde-corps à hauteur de 33% au 1er janvier 2021, 33% au 1er avril 2021 et 34% au 1er juillet 2021,
- débouter le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] de l'intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] à leur verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile,
- condamner le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir, au visa des articles 10 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, 1103 et 1104 du code civil et des articles 4 et 20 du règlement de copropriété du 25 juillet 1978 :
- que la terrasse jouxtant leur appartement est une partie commune dont ils ont la jouissance exclusive en vertu du règlement de copropriété et de leur titre de propriété,
- que les travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse constituent des charges communes générales et doivent être supportés par tous les copropriétaires, même s'ils en ont la jouissance exclusive ; qu'ils ne contestent pas le vote de ces travaux,
- que leur carence dans l'entretien du garde-corps n'a jamais été constatée contradictoirement, et que sa vétusté ou le risque pour la sécurité des occupants justifiant de procéder à son remplacement ne sont pas établis,
- que les frais de remplacement du garde-corps doivent être supportés par la copropriété au vu de la nature des travaux projetés dans leur globalité, qui nécessitent la dépose du garde-corps aux fins de réfection totale du revêtement d'étanchéité de la terrasse, de sorte que les travaux de réfection de la terrasse et de dépose du garde-corps sont intimement liés, et constituent une opération unique et indivisible, celui-ci étant incorporé au gros-oeuvre de la terrasse commune,
- que même si le garde-corps est une partie privative, les frais de son remplacement ne sont rendus nécessaires que par l'exécution de travaux sur les parties communes, et doivent donc être pris en charge par le Syndicat des copropriétaires, au titre de dépenses accessoires,
- que la résolution n°10 de l'assemblée générale litigieuse qui décide de l'exécution de travaux sur leur partie privative, à leurs frais, sur le fondement de l'article 14 alinéa 3 du règlement de copropriété, est manifestement illégale, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'ils ont endommagé la terrasse partie commune, que les travaux résultent de la vétusté normale de la terrasse, et que les travaux litigieux ne concernent pas une partie commune mais le garde-corps qui est une partie privative.
Par conclusions notifiées le 28 juin 2023, le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9], pris en la personne de son syndic en exercice la SASU PG IMMO, intimé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner les consorts [U] in solidum au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir :
- que le garde-corps est une partie privative, et qu'à ce titre, son entretien incombe aux consorts [U], ce dont ils ont connaissance puisqu'ils ont fait installer des renforts pour le stabiliser et ce dont il résulte qu'ils ont failli à leur obligation d'entretien,
- qu'il a été contraint de soumettre au vote des copropriétaires la question de la réfection du garde-corps en raison du refus des consorts [U] d'y procéder,
- que la copropriété n'a jamais autorisé les propriétaires successifs du lot n°42 à jouir personnellement de la terrasse, de sorte qu'ils occupent sans droit ni titre une terrasse qualifiée de partie commune, tout en refusant de prendre en charge la réfection du garde-corps qu'ils reconnaissent être leur propriété exclusive,
- que le Syndicat des copropriétaires n'a eu d'autre choix que de faire adopter la résolution n°10 sur le fondement de l'article 14 du règlement de copropriété qui prévoit la possibilité de commander des travaux à la charge des copropriétaires manquant à leurs obligations.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur'la demande d'annulation des résolutions 8, 9 et 10 de l'assemblée générale du 10 octobre 2020:
Il résulte des articles 4 et 7 du règlement de copropriété que :
- toutes les terrasses accessibles ou non accessibles font partie des parties communes
- les parties privatives comprennent l'appui des fenêtres, les gardes corps, balustrades et balcons.
L'article 14 du même règlement stipule que :
Les copropriétaires qui bénéficient de la jouissance exclusive des terrasses ou balcons, devront les maintenir en parfait état d'entretien [...] ils supporteront en conséquence tous les frais de remise en état qui s'avéreraient nécessaires. Seuls les gros travaux des terrasses résultant de la vétusté normale sont à la charge du syndicat des copropriétaires.
Les parties ne contestent pas que l'état de la terrasse du 2e étage devant l'appartement des consorts [U] nécessite sa réfection qui relève des charges communes.
Figure dans les pièces du syndicat de copropriété (pièce 3) le rappel que cette terrasse avait fait l'objet d'une précédente réfection en 1983 au titre de son étanchéité, à l'occasion de laquelle le garde corps avait été déposé, et remplacé et reposé aux frais du propriétaire de l'époque.
Mais cet antécédent, faute d'éléments sur l'état du garde corps en question, ne peut constituer un motif légitime pour imputer le coût d'une nouvelle balustrade aux consorts [U].
S'agissant des présents travaux consistant à nouveau à refaire l'étanchéité de la terrasse, le courrier du syndic adressé le 06 avril 2019 à Mme [C] indique :
« lors de la visite sur site avec l'artisan chargé de l'exécution des travaux, j'ai pu constater l'état de vétusté avancée du garde corps qui à ce jour n'assure plus correctement la sécurité de cette terrasse.[...]
le projet de rénovation de la terrasse comprend la mise en place d'un acrotère (petit muret) en bordure, qui permettra la fixation du garde corps une fois les travaux réalisés. Les points d'ancrage pour la fixation du garde corps devront faire l'objet d'une étanchéité afin d'éviter toute pénétration d'eau, cette étanchéité devra être réalisée par l'étancheur chargé de la rénovation de la terrasse. Pour effectuer les travaux de rénovation, l'étancheur va devoir déposer le garde corps actuel ».
Il est donc établi que la réfection de la terrasse nécessite de modifier les points d'ancrage de la balustrade en bois qui sera fixée sur l'acrotère et non plus dans la dalle de la terrasse.
Il est de jurisprudence constante que la copropriété a l'obligation de remettre le garde corps déposé pour les besoins de la réfection de la terrasse, et qu'il assume le coût de remplacement de ce garde corps s'il décide d'en poser un neuf, dès lors que l'ancien ne présentait pas de caractère de vétusté par manque d'entretien le rendant dangereux pour la sécurité des personnes ou du bâtiment.
Il est versé aux débats par les deux parties des photographies de la terrasse et de la balustrade en bois,paraissant datées approximativement de la même époque :
- celles du syndicat des copropriétaires (pièce 2) montrent des poteaux en bois à la lasure écaillée et des planches légèrement gondolées, l'une étant renforçée à un endroit par une seconde planche. Il est par contre manifeste que la terrasse est dégradée, la dalle fendue autour des poteaux d'ancrage laissant pousser de l'herbe, ce qui confirme la nécessité de refaire cette terrasse.
- celles des consorts [U] montrent également cette même balustrade en bois dont la lasure s'écaille, notamment sur les planches supérieures, exposées au soleil et à la pluie, mais ne révèlent ni pourriture, ni affaissement, ou fragilité.
La cour considère que si cette balustrade présente des signes d'usure liés aux intempéries, les photos produites ne suffisent pas à démontrer qu'elle présente un danger pour la sécurité des personnes, que le bois serait pourri, non entretenu et exigerait son remplacement.
Aucun constat contradictoire n'a été effectué entre les parties sur l'état de cette balustrade.
Il apparaît ainsi que la nécessité de remplacer le garde corps résulte uniquement de la nécessité de refaire l'étanchéité de la terrasse et d'en modifier la configuration puisqu'elle disposera désormais d'un acrotère où devront s'ancrer les poteaux soutenant la balustrade.
Pour des raisons de responsabilité, les entreprises consultées ne pouvaient que refuser de remonter l'ancienne balustrade sur le nouvel ouvrage au regard du nouvel ancrage des poteaux du garde corps.
Pour autant, ces travaux de remplacement du garde corps étant l'accessoire de la réfection de la terrasse, ils doivent être imputés à l'ensemble de la copropriété au titre des charges communes et non au propriétaire au droit de la terrasse au titre de ses charges privatives.
Il convient donc d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau sur les mesures accessoires':
Le Syndicat des copropriétaires devra supporter les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu en équité de faire droit aux demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 08 décembre 2022
Statuant à nouveau et y ajoutant,
PRONONCE l'annulation des résolutions n°8, 9 et 10 de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [9] du 10 octobre 2020,
PRONONCE en conséquence l'annulation des appels de provisions adressés directement au propriétaire du lot n°42 en ce qui concerne la dépense de remplacement du garde-corps à hauteur de 33% au 1er janvier 2021, 33% au 1er avril 2021 et 34% au 1er juillet 2021,
DEBOUTE les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Ludovic CHARRASSIER-CAHOURS Caroline FAURE
Numéro 24/03107
COUR D'APPEL DE PAU
1ère Chambre
ARRÊT DU 15/10/2024
Dossier : N° RG 23/00039 - N° Portalis DBVV-V-B7H-INEJ
Nature affaire :
Demande en nullité d'une assemblée générale ou d'une délibération de cette assemblée
Affaire :
[N] [U]
[Y] [R] épouse [U]
[J] [U] épouse [C]
C/
S.D.C. DE LA RESIDENCE [9]
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R E T
prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 15 Octobre 2024, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.
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APRES DÉBATS
à l'audience publique tenue le 10 Septembre 2024, devant :
Madame FAURE, en application des articles 786 et 907 du code de procédure civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries en présence de Madame BLANCHARD,
assistée de Madame DEBON, remplissant les fonctions de Greffière, présente à l'appel des causes,
et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame FAURE, Présidente
Madame de FRAMOND, Conseillère
Madame BLANCHARD, Conseillère
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l'affaire opposant :
APPELANTS :
Monsieur [N] [U]
né le 17 Avril 1947 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
représenté par Me Sabine LEMUET de la SELARL BALESPOUEY LEMUET TOUJAS-LEBOURGEOIS - BLTL, avocat au barreau de TARBES et assisté par Me Eglantine ROUGIER-CHEVIGNARD de L'AARPI APHEA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [Y] [R] épouse [U]
née le 05 Septembre 1951 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Localité 7]
représentée par Me Sabine LEMUET de la SELARL BALESPOUEY LEMUET TOUJAS-LEBOURGEOIS - BLTL, avocat au barreau de TARBES et assistée par Me Eglantine ROUGIER-CHEVIGNARD de L'AARPI APHEA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
Madame [J] [U] épouse [C]
née le 22 Février 1948 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Sabine LEMUET de la SELARL BALESPOUEY LEMUET TOUJAS-LEBOURGEOIS - BLTL, avocat au barreau de TARBES et assistée par Me Eglantine ROUGIER-CHEVIGNARD de L'AARPI APHEA AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
INTIMEE :
S.D.C. DE LA RESIDENCE [9] prise en la personne de son Syndic en exercice, la SASU PG IMMO exerçant sous l'enseigne SQUARE HABITAT.
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée et assistée de Me Romain GIRAL de la SELARL BAQUE-GIRAL, avocat au barreau de TARBES
sur appel de la décision
en date du 08 DECEMBRE 2022
rendue par le TRIBUNAL JUDICIAIRE DE TARBES
RG numéro : 21/00077
EXPOSE DU LITIGE
M. [N] [U] et son épouse, Mme [Y] [R] sont usufruitiers, et leur fille Mme [J] [U] épouse [C] est nue-propriétaire du lot n°42, constituant un appartement avec jouissance privative d'une terrasse, et du lot n°14, constituant un casier à skis, au sein de la résidence [9] située à [Localité 6] (65).
Par assemblée générale du 16 mars 2019, les copropriétaires de la résidence [9] ont voté des travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse couvrante située au 2ème étage de la résidence, dont les consorts [U] ont la jouissance privative.
Par courrier recommandé avec accusé de réception du 06 avril 2019, le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] a, par l'intermédiaire de son syndic, informé Mme [C], suite à la visite de l'entreprise en charge des travaux d'étanchéité de la terrasse, de faire procéder, en même temps que les travaux de réfection de la terrasse et à ses frais, au remplacement du garde-corps de ladite terrasse, constituant une partie privative, compte tenu de son état de vétusté avancé.
Suite à plusieurs échanges entre les parties, les consorts [U] ont, par courrier recommandé avec accusé de réception du 25 juillet 2020, sollicité que soit porté à l'ordre du jour de la prochaine assemblée générale des copropriétaires la question de l'intégration du coût de la réfection du garde-corps aux travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse, la réfection de ce garde-corps étant selon eux indissociable de la réfection de la terrasse.
Suivant procès-verbal d'assemblée générale tenue le 10 octobre 2020, les copropriétaires de la résidence [9] ont :
- adopté la résolution n°8 validant le fait que le remplacement du garde-corps devait incomber à titre définitif au seul propriétaire du lot n°42,
- rejeté la résolution n°9 visant à intégrer le coût de réfection du garde-corps aux travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse,
- adopté la résolution n°10 autorisant Syndicat des copropriétaires à faire procéder aux travaux de réfection du garde-corps de la terrasse attenante au lot n°42 aux frais des propriétaires de ce lot, dans la limite d'un budget de 7.919 € TTC, conformément au devis de la SARL BARTHE.
Par acte du 04 janvier 2021, les consorts [U] ont fait assigner le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] devant le tribunal judiciaire de Tarbes aux fins d'annulation des résolutions 8, 9 et 10 prises lors de l'assemblée générale des copropriétaires du 10 octobre 2020, et des appels de fonds correspondants.
Suivant jugement contradictoire du 08 décembre 2022 (RG n°21/00077), le tribunal a :
- débouté les consorts [U] de leur demande d'annulation des résolutions n°8, 9 et 10 de l'assemblée générale du 10 octobre 2020,
- débouté les consorts [U] de leur demande d'annulation des appels de provisions adressés directement au propriétaire du lot n°42 en ce qui concerne la dépense de remplacement du garde-corps à hauteur de 33% au 1er janvier 2021, 33% au 1er avril 2021 et 34% au 1er juillet 2021,
- condamné in solidum les consorts [U] à payer au Syndicat des copropriétaires de la résidence [9], représenté par son syndic en exercice, la somme de 1.500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum les consorts [U] aux dépens.
Pour motiver sa décision, le tribunal a retenu :
- que les travaux de réfection de la terrasse, partie commune, ne peuvent être effectués sans déposer les gardes-corps fixés dessus, qui constituent une partie privative,
- que les gardes-corps situés sur la terrasse présentent un caractère de vétusté tel qu'il convient de procéder à leur remplacement pur et simple afin d'assurer la sécurité des occupants de l'appartement,
- que le fait que les prestations spécifiques aux gardes-corps aient lieu à l'occasion de travaux plus globaux de réfection de la terrasse ne leur enlève pas leur caractère privatif, de sorte que les prestations afférentes aux gardes-corps demeurent distinctes et n'ont pas à être supportées par la copropriété mais par les copropriétaires concernés.
M. [N] [U] et son épouse, Mme [Y] [R], et Mme [J] [U] ont relevé appel par déclaration du 03 janvier 2023 (RG n°23/00039), critiquant le jugement dans l'ensemble de ses dispositions.
Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées le 06 novembre 2023, M. [N] [U] et son épouse, Mme [Y] [R], et Mme [J] [U], appelants, entendent voir la cour :
- infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau :
- prononcer l'annulation des résolutions n°8, 9 et 10 de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [9] du 10 octobre 2020,
- prononcer en conséquence l'annulation des appels de provisions adressés directement au propriétaire du lot n°42 en ce qui concerne la dépense de remplacement du garde-corps à hauteur de 33% au 1er janvier 2021, 33% au 1er avril 2021 et 34% au 1er juillet 2021,
- débouter le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] de l'intégralité de ses demandes,
En tout état de cause,
- condamner le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] à leur verser la somme de 4.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile du code de procédure civile,
- condamner le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de leurs prétentions, ils font valoir, au visa des articles 10 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1965, 1103 et 1104 du code civil et des articles 4 et 20 du règlement de copropriété du 25 juillet 1978 :
- que la terrasse jouxtant leur appartement est une partie commune dont ils ont la jouissance exclusive en vertu du règlement de copropriété et de leur titre de propriété,
- que les travaux de réfection de l'étanchéité de la terrasse constituent des charges communes générales et doivent être supportés par tous les copropriétaires, même s'ils en ont la jouissance exclusive ; qu'ils ne contestent pas le vote de ces travaux,
- que leur carence dans l'entretien du garde-corps n'a jamais été constatée contradictoirement, et que sa vétusté ou le risque pour la sécurité des occupants justifiant de procéder à son remplacement ne sont pas établis,
- que les frais de remplacement du garde-corps doivent être supportés par la copropriété au vu de la nature des travaux projetés dans leur globalité, qui nécessitent la dépose du garde-corps aux fins de réfection totale du revêtement d'étanchéité de la terrasse, de sorte que les travaux de réfection de la terrasse et de dépose du garde-corps sont intimement liés, et constituent une opération unique et indivisible, celui-ci étant incorporé au gros-oeuvre de la terrasse commune,
- que même si le garde-corps est une partie privative, les frais de son remplacement ne sont rendus nécessaires que par l'exécution de travaux sur les parties communes, et doivent donc être pris en charge par le Syndicat des copropriétaires, au titre de dépenses accessoires,
- que la résolution n°10 de l'assemblée générale litigieuse qui décide de l'exécution de travaux sur leur partie privative, à leurs frais, sur le fondement de l'article 14 alinéa 3 du règlement de copropriété, est manifestement illégale, dès lors qu'il n'est pas démontré qu'ils ont endommagé la terrasse partie commune, que les travaux résultent de la vétusté normale de la terrasse, et que les travaux litigieux ne concernent pas une partie commune mais le garde-corps qui est une partie privative.
Par conclusions notifiées le 28 juin 2023, le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9], pris en la personne de son syndic en exercice la SASU PG IMMO, intimé, demande à la cour de :
- confirmer le jugement en toutes ses dispositions,
- condamner les consorts [U] in solidum au paiement de la somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
Au soutien de ses demandes, il fait valoir :
- que le garde-corps est une partie privative, et qu'à ce titre, son entretien incombe aux consorts [U], ce dont ils ont connaissance puisqu'ils ont fait installer des renforts pour le stabiliser et ce dont il résulte qu'ils ont failli à leur obligation d'entretien,
- qu'il a été contraint de soumettre au vote des copropriétaires la question de la réfection du garde-corps en raison du refus des consorts [U] d'y procéder,
- que la copropriété n'a jamais autorisé les propriétaires successifs du lot n°42 à jouir personnellement de la terrasse, de sorte qu'ils occupent sans droit ni titre une terrasse qualifiée de partie commune, tout en refusant de prendre en charge la réfection du garde-corps qu'ils reconnaissent être leur propriété exclusive,
- que le Syndicat des copropriétaires n'a eu d'autre choix que de faire adopter la résolution n°10 sur le fondement de l'article 14 du règlement de copropriété qui prévoit la possibilité de commander des travaux à la charge des copropriétaires manquant à leurs obligations.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 31 juillet 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur'la demande d'annulation des résolutions 8, 9 et 10 de l'assemblée générale du 10 octobre 2020:
Il résulte des articles 4 et 7 du règlement de copropriété que :
- toutes les terrasses accessibles ou non accessibles font partie des parties communes
- les parties privatives comprennent l'appui des fenêtres, les gardes corps, balustrades et balcons.
L'article 14 du même règlement stipule que :
Les copropriétaires qui bénéficient de la jouissance exclusive des terrasses ou balcons, devront les maintenir en parfait état d'entretien [...] ils supporteront en conséquence tous les frais de remise en état qui s'avéreraient nécessaires. Seuls les gros travaux des terrasses résultant de la vétusté normale sont à la charge du syndicat des copropriétaires.
Les parties ne contestent pas que l'état de la terrasse du 2e étage devant l'appartement des consorts [U] nécessite sa réfection qui relève des charges communes.
Figure dans les pièces du syndicat de copropriété (pièce 3) le rappel que cette terrasse avait fait l'objet d'une précédente réfection en 1983 au titre de son étanchéité, à l'occasion de laquelle le garde corps avait été déposé, et remplacé et reposé aux frais du propriétaire de l'époque.
Mais cet antécédent, faute d'éléments sur l'état du garde corps en question, ne peut constituer un motif légitime pour imputer le coût d'une nouvelle balustrade aux consorts [U].
S'agissant des présents travaux consistant à nouveau à refaire l'étanchéité de la terrasse, le courrier du syndic adressé le 06 avril 2019 à Mme [C] indique :
« lors de la visite sur site avec l'artisan chargé de l'exécution des travaux, j'ai pu constater l'état de vétusté avancée du garde corps qui à ce jour n'assure plus correctement la sécurité de cette terrasse.[...]
le projet de rénovation de la terrasse comprend la mise en place d'un acrotère (petit muret) en bordure, qui permettra la fixation du garde corps une fois les travaux réalisés. Les points d'ancrage pour la fixation du garde corps devront faire l'objet d'une étanchéité afin d'éviter toute pénétration d'eau, cette étanchéité devra être réalisée par l'étancheur chargé de la rénovation de la terrasse. Pour effectuer les travaux de rénovation, l'étancheur va devoir déposer le garde corps actuel ».
Il est donc établi que la réfection de la terrasse nécessite de modifier les points d'ancrage de la balustrade en bois qui sera fixée sur l'acrotère et non plus dans la dalle de la terrasse.
Il est de jurisprudence constante que la copropriété a l'obligation de remettre le garde corps déposé pour les besoins de la réfection de la terrasse, et qu'il assume le coût de remplacement de ce garde corps s'il décide d'en poser un neuf, dès lors que l'ancien ne présentait pas de caractère de vétusté par manque d'entretien le rendant dangereux pour la sécurité des personnes ou du bâtiment.
Il est versé aux débats par les deux parties des photographies de la terrasse et de la balustrade en bois,paraissant datées approximativement de la même époque :
- celles du syndicat des copropriétaires (pièce 2) montrent des poteaux en bois à la lasure écaillée et des planches légèrement gondolées, l'une étant renforçée à un endroit par une seconde planche. Il est par contre manifeste que la terrasse est dégradée, la dalle fendue autour des poteaux d'ancrage laissant pousser de l'herbe, ce qui confirme la nécessité de refaire cette terrasse.
- celles des consorts [U] montrent également cette même balustrade en bois dont la lasure s'écaille, notamment sur les planches supérieures, exposées au soleil et à la pluie, mais ne révèlent ni pourriture, ni affaissement, ou fragilité.
La cour considère que si cette balustrade présente des signes d'usure liés aux intempéries, les photos produites ne suffisent pas à démontrer qu'elle présente un danger pour la sécurité des personnes, que le bois serait pourri, non entretenu et exigerait son remplacement.
Aucun constat contradictoire n'a été effectué entre les parties sur l'état de cette balustrade.
Il apparaît ainsi que la nécessité de remplacer le garde corps résulte uniquement de la nécessité de refaire l'étanchéité de la terrasse et d'en modifier la configuration puisqu'elle disposera désormais d'un acrotère où devront s'ancrer les poteaux soutenant la balustrade.
Pour des raisons de responsabilité, les entreprises consultées ne pouvaient que refuser de remonter l'ancienne balustrade sur le nouvel ouvrage au regard du nouvel ancrage des poteaux du garde corps.
Pour autant, ces travaux de remplacement du garde corps étant l'accessoire de la réfection de la terrasse, ils doivent être imputés à l'ensemble de la copropriété au titre des charges communes et non au propriétaire au droit de la terrasse au titre de ses charges privatives.
Il convient donc d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau sur les mesures accessoires':
Le Syndicat des copropriétaires devra supporter les dépens de première instance et d'appel.
Il n'y a pas lieu en équité de faire droit aux demandes des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
INFIRME le jugement rendu le 08 décembre 2022
Statuant à nouveau et y ajoutant,
PRONONCE l'annulation des résolutions n°8, 9 et 10 de l'assemblée générale des copropriétaires de la résidence [9] du 10 octobre 2020,
PRONONCE en conséquence l'annulation des appels de provisions adressés directement au propriétaire du lot n°42 en ce qui concerne la dépense de remplacement du garde-corps à hauteur de 33% au 1er janvier 2021, 33% au 1er avril 2021 et 34% au 1er juillet 2021,
DEBOUTE les parties de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE le Syndicat des copropriétaires de la résidence [9] aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Le présent arrêt a été signé par Mme FAURE, Présidente, et par M. CHARRASSIER-CAHOURS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par la magistrate signataire.
LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,
Ludovic CHARRASSIER-CAHOURS Caroline FAURE