Décisions
CA Rennes, 5e ch., 16 octobre 2024, n° 22/05028
RENNES
Arrêt
Autre
5ème Chambre
ARRÊT N°-335
N° RG 22/05028 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TA2N
(Réf 1ère instance : 21/00276)
FONDATION [Z] [S]
C/
Association L'OLIVIER
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame OMNES, lors des débats, et Madame Catherine VILLENEUVE, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Septembre 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
FONDATION [Z] [S] Etablissement privé reconnu d'utilité publique par Décret de Monsieur le Premier ministre du 10 août 2005, publié au JO du 13 août 2005, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Association L'OLIVIER
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
L'association L'Olivier, ayant son siège [Adresse 1] à [Localité 3], est locataire à cette adresse d'un ensemble immobilier appartenant à la fondation [Z]-[S], servant à l'accueil de personnes âgées handicapées.
Par courrier recommandé du 29 octobre 2020, la fondation [Z]-[S] a notifié à l'association L'Olivier sa décision de mettre un terme au bail des 31 janvier et 13 février 2007 et lui a donné congé pour le 31 décembre 2022, à l'issue d'un préavis de 26 mois.
Par assignation du 8 janvier 2021, l'association L'Olivier a fait citer sa bailleresse devant le tribunal judiciaire de Rennes aux fins de voir :
- prononcer la nullité du congé notifié le 29 octobre 2020,
- condamner la fondation [Z]-[S], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement, à engager les travaux de sécurité incendie résultant du rapport de la Socotec, ainsi qu'au changement de l'ensemble des menuiseries des bâtiments afin de leur assurer le clos et le couvert permettant d'améliorer la qualité thermique des bâtiments, ainsi que la création d'une salle de bains aux normes PMR dans chacun des bâtiments à savoir [8] et [9],
- dire que l'astreinte courra dans le délai d'un mois à l'expiration duquel il pourra être à nouveau fait droit,
- désigner tel expert en bâtiment qu'il plaira au tribunal afin de contrôler la bonne exécution des travaux qui seront ordonnés par le jugement à intervenir et établir un rapport de bonne foi,
- réduire le loyer de 50 % à compter du jugement à intervenir jusqu'à la réception des travaux ordonnés,
- condamner la fondation [Z]-[S] à payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 4 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Rennes a :
- annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 par la fondation [Z]-[S] à l'association L'Olivier pour le 31 décembre 2022,
Avant-dire droit,
- ordonné une mesure d'expertise,
- désigné pour y procéder M. [K] [J], expert en génie civil bâtiment, inscrit sur la liste de la cour d'appel de Rennes, avec pour mission de :
* se faire communiquer le bail des 21 janvier et 13 février 2007, le rapport Socotec, l'étude de diagnostic et de faisabilité du cabinet Desmondts, l'audit énergétique Thalem, la notice descriptive estimative sommaire des travaux de l'agence Clenet Brosset, les plans des bâtiments,
* convoquer les parties, se rendre sur les lieux, les visiter,
* décrire l'état contemporain des bâtiments et les désordres observés,
* déterminer dans la mesure du possible leur état d'entretien début 2007,
* donner son avis sur l'origine des désordres relevés et préciser s'ils proviennent d'un défaut d'entretien courant imputable au locataire, ou d'un manquement du bailleur à l'obligation d'effectuer toutes réparations nécessaires autres que locatives résultant de l'article 606 du code civil,
* décrire l'état des menuiseries extérieures et des toitures et donner son avis technique sur leur aptitude à assurer dans des conditions normales un confort suffisant aux pensionnaires hébergés, en tenant compte notamment des performances énergétiques mesurées,
* décrire et chiffrer le coût des travaux de remise à niveau ou de remplacement à engager le cas échéant,
* décrire et chiffrer le coût des travaux nécessaires devant être accomplis dans les bâtiments afin de satisfaire au respect de la réglementation relative à la sécurité contre les risques d'incendie applicable dans les établissements recevant du public,
* donner son avis sur l'opportunité de créer dans les bâtiments [8] et [9] des salles de bains aux normes PMR,
* chiffrer la part du coût rattachable à cette mise aux normes,
- dit que l'expert devra convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple,
- dit que l'expert pourra recueillir des informations orales ou écrites de toute personne susceptible de l'éclairer,
- dit que l'expert devra :
* définir en concertation avec les parties un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise et qu'il devra l'actualiser en tant que de besoin en informant les parties de la date à laquelle il prévoit de leur adresser un document de synthèse ou un projet de rapport,
* faire connaître dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération qu'il actualisera s'il y a lieu, en procédant parallèlement le cas échéant à une demande de provision complémentaire,
* adresser aux parties un document de synthèse dont il s'expliquera dans son rapport, et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations, fixant sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,
- dit que l'expert répondra de façon précise et circonstanciée aux dernières observations qui devront être annexées à son rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement la liste exhaustive des pièces consultées, le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise, le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise, la date de chacune des réunions tenues, les déclarations des tiers entendus, en mentionnant leur identité complète, leurs qualités et leurs éventuels liens avec les parties,
- dit que l'expert déposera l'original du rapport définitif en un seul exemplaire au greffe de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Rennes au plus tard le 20 décembre 2022, sauf prorogation expresse, et que dans le même temps, il en adressera distinctement copie à chacune des parties et à leurs conseils,
- fixé à 5 000 euros la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par moitié par chacune des parties au plus tard le 1er septembre 2022, entre les mains du régisseur d'avances et recettes du tribunal judiciaire de Rennes,
- désigné le juge de la mise en état pour contrôler les opérations d'expertise et en régler les incidents,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 2 février 2023,
- tardé à statuer sur les frais irrépétibles,
- réservé les dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Le 5 août 2022, la fondation [Z]-[S] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 novembre 2022, elle demande à la cour de :
- réformer la décision rendue le 4 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'elle a :
* annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 à l'association L'Olivier pour le 31 décembre 2022,
Statuant à nouveau,
- débouter l'association L'Olivier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- condamner l'association L'Olivier à payer à la fondation [Z]-[S] une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer comme de droit s'agissant des dépens d'instance.
Par dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2022, l'association L'Olivier demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 par la fondation [Z]-[S] à l'association L'Olivier pour le 31 décembre 2022,
- condamner la fondation [Z]-[S] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La fondation [Z]-[S] explique que :
- [V] et [P] [S] ont décidé de créer une fondation dont l'objet est l'aide et le soutien aux personnes handicapées,
- cette création est réalisée initialement sous l'égide de la Fondation de France,
- le 16 septembre 1987, une convention valant statuts de la donation [Z] est régularisée,
- la dotation faite à la fondation sera constituée d'un actif immobilier situé à [Localité 3] et d'un portefeuille de valeurs mobilières et de liquidités,
- après la construction d'une maison d'accueil, un bail a été conclu le 18 septembre 1989 avec l'association L'Olivier pour une durée de 18 années, à compter du 14 janvier 1989,
- après la construction d'un second bâtiment en 1993, un bail modificatif a été dressé le 6 juin 1993,
- de manière récurrente, l'association L'Olivier a sollicité la donation du bien immobilier,
- la fondation [Z]-[S] sera reconnue d'utilité publique par décret du 10 août 2005,
- un nouveau bail est signé le 31 janvier 2007 pour une durée de 9 années,
- après le décès de M. [S], l'association L'Olivier a multiplié les revendications.
Elle signale que par courrier du 1er décembre 2015, l'association L'Olivier a envisagé deux solutions : soit le transfert des actifs immobiliers à son profit, soit la construction de nouveaux foyers sur de nouveaux terrains.
Elle fait part de la réunion de son conseil d'administration au cours de laquelle il est rappelé qu'elle ne souhaite pas la destruction des bâtiments, et que la donation/legs est impossible, et qu'elle acceptait que l'association L'Olivier quitte le site sous un délai de deux ans.
La fondation [Z]-[S] précise qu'à la suite des revendications persistantes de l'association L'Olivier, elle a proposé un audit réalisé par M. [X] qui devait être pris en charge par les deux parties mais que l'association n'a pas honoré sa quote-part.
Elle signale que lors de son assemblée générale du 3 juin 2018, l'association L'Olivier a évoqué le projet de construction de nouveaux bâtiments sur le site loué.
Elle fait état du rapport de M. [X] qui a été contesté par l'association L'Olivier.
La fondation indique que, devant l'échec de la médiation initiée par elle, elle a donné congé à l'association.
Elle rappelle les dispositions de l'article 18 de la loi du 23 juillet 1987 sur la définition d'une fondation.
Elle considère que l'association L'Olivier déforme la lettre des actes du 16 septembre 1987, du 18 septembre 1989 et du 16 mai 2006.
Elle indique que la convention valant statuts du 16 septembre 1987 ne fixe aucune priorité dans le choix des bénéficiaires et ne fonde aucune exclusivité au profit de l'association L'Olivier, exclusivité qui serait contraire aux dispositions publiques applicables aux fondations en ce que l'objet d'une fondation ne peut bénéficier à un intérêt privé.
Concernant la donation du 18 septembre 1989, la fondation [Z]-[S] explique qu'elle prévoit la location des bâtiments à l'association dans le cadre d'un bail d'une durée minimum de 18 années. Elle considère que la donation n'a pas voulu intégrer une condition tenant à un droit perpétuel à location par l'association.
Elle signale qu'un nouveau bail a été conclu le 31 janvier 2007 évoquant clairement la faculté de résiliation par chacune des parties.
S'agissant de l'acte de rétrocession d'actifs du 16 mai 2006, elle entend invoquer la mauvaise foi de l'association L'Olivier puisque cet acte ne fait que rappeler synthétiquement les actes antérieurement passés.
Elle rappelle que son but est d'apporter aux personnes handicapées et aux personnes qui les assistent, l'aide nécessaire non prise en charge par les pouvoirs publics et que ses statuts ne mentionnent pas que son oeuvre doive bénéficier exclusivement à l'association L'Olivier.
La fondation [Z]-[S] évoque la prohibition des engagements perpétuels. Elle expose que les motifs de nullité du congé indiqués par l'association tendent à reconnaître à cette dernière un droit perpétuel à occuper le site et les bâtiments objets du bail.
Elle précise que la notion de contrat perpétuel ne doit pas s'examiner au regard de la donation, mais au regard du lien contractuel entre elle et l'association.
Elle conteste toute mauvaise foi et écrit que :
- le désaccord entre elle et l'association est né tout de suite après la création de la fondation et la souscription du bail,
- les premières revendications de l'association datent de 1995,
- l'association a de manière récurrente considéré que son aide était insuffisante malgré les donations régulières sous forme de liquidités,
- l'association a exercé des pressions sur la fondation pour que le bien lui soit donné ou pour que la fondation soit dissoute.
Elle indique que l'association a fait construire de nouveaux bâtiments à côté du site de la fondation.
En réponse, l'association L'Olivier explique qu'elle est membre de la fédération de l'Arche et qu'elle est en charge, dans son centre de [Localité 3], de 46 personnes handicapées sur 5 foyers dont 2 foyers loués par la fondation [Z]-[S], hébergeant 13 personnes handicapées.
Elle déclare que cette structure a été créée grâce à des dons de M. [S] et son épouse, Mme [Z].
Elle se réfère à l'acte du 18 septembre 1989 sur la donation à la Fondation de France, au bail du même jour et du bail du 6 juin 1993 ainsi qu'aux actes postérieurs.
Elle affirme que la fondation est infidèle au projet d'origine de ses fondateurs et que le but de la fondation est de lui apporter son aide en premier lieu et que cette aide est aujourd'hui inexistante.
Elle écrit que les personnes handicapées vivent dans des locaux vétustes et non conformes aux normes de sécurité.
Elle avance que l'ensemble des membres de la famille [S] a démissionné du conseil d'administration de la fondation et que ces membres souhaitaient la démission de la fondation.
Elle souligne que l'immeuble donné au terme de l'acte de donation du 18 septembre 1989 est un don de Mme [S] qui souhaitait soutenir l'oeuvre de M. [Y] à travers elle.
L'association L'Olivier précise que deux ans après avoir obtenu la reconnaissance d'utilité publique, la fondation a imposé un nouveau bail les 31 janvier et 13 février 2002, entraînant d'importantes modifications des conditions de location, notamment en augmentant le montant du loyer qui a été multiplié par 10.
Elle fait état de la vétusté et de l'inadaptation des locaux et rappelle qu'elle avait accepté le principe d'un bail emphytéotique suggéré par le préfet. Elle signale le refus de la fondation de faire réaliser un audit par la société Socotec.
Elle discute le rapport de M. [X] et indique avoir fait réaliser un audit énergétique ainsi qu'un audit par le cabinet d'architecture Clenet Brosset BNR.
Elle affirme que la fondation a mis un terme à la médiation sans en expliciter la raison.
Elle soutient que l'acte de donation du 18 septembre 1989 prévoit que la fondation [Z]-[S] s'oblige à lui louer l'immeuble situé à [Localité 3].
Pour elle, le donataire est obligé d'exécuter les charges dont est grevée la donation et qu'en qualité de tiers, elle est en droit de contraindre le donataire à exécuter les charges de la donation.
L'association précise qu'en donnant congé, la fondation [Z]-[S] a violé les conditions et causes de la donation.
Elle discute le principe de la prohibition des engagements perpétuels invoqué par la fondation et fait état des dispositions des articles 1780, 1804 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Elle affirme que ce principe concerne les contrats à exécution successive et non pas une donation, comme dans le cas présent.
L'association L'Olivier indique revendiquer le caractère perpétuel des effets de la donation qui stipule au titre des charges une mise à disposition du terrain de [Localité 3] dans le cadre d'un bail.
Elle soutient que :
- une fondation a une vocation perpétuelle à exister pour remplir une mission,
- une donation avec charge n'est pas limitée dans le temps.
Elle expose que la charge voulue par Mme [S] d'une mise à disposition par la fondation du terrain et des bâtiments de [Localité 3] est au coeur du litige.
L'association L'Olivier fait état de la violation du principe de spécialité de la fondation et avance que cette dernière ne peut agir que dans le cadre de son objet. Elle considère que la donation initiale de Mme [S] du terrain et du bâtiment l'a été pour les mettre à sa disposition et que l'objet de la fondation est de lui apporter son soutien.
Elle estime que l'ordre des bénéficiaires de cette donation tel que mentionné dans la convention valant statuts démontre que l'aide de la fondation doit lui bénéficier, puis doit bénéficier à toute communauté de l'Arche puis à toute association apportant un soutien aux personnes handicapées. Selon elle, en lui retirant l'élément central de la donation, la fondation viole son objet et donc le principe de spécialité qui gouverne sa capacité.
Elle argue de la mauvaise foi de la fondation [Z]-[S] qui a donné congé pour ne pas financer les travaux de remise en état du bâtiment.
L'ancien article 894 du code civil énonce que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte.
Comme définie à l'article 18 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, la fondation constitue 'l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une 'uvre d'intérêt général et à but non lucratif '.
A l'origine, la convention valant statuts de la donation [Z] du 16 septembre 1987, conclue entre la Fondation de France et les époux [S], stipule en son article 2 : 'la donation [Z] a pour but d'apporter aux personnes handicapées ainsi qu'aux personnes non handicapées partageant avec elles dans le cadre de foyers une vie de type familial, l'aide nécessaire non prise en charge par les Pouvoirs Publics et la Sécurité Sociale.
Cette aide bénéficiera conformément à son objet :
(1) à l'association L'Olivier
(2) à toute communauté de l'Arche
(3) à toute autre association dont l'objet est d'apporter un soutien aux personnes handicapées'.
Il est précisé que l'ajout des numéros 1, 2 et 3 a été fait de manière manuscrite.
Aucun élément ne permettant de déterminer l'auteur de cette rectification ni si cette rectification a été convenue entre les parties, il n'en sera pas tenu compte. Au demeurant, cet ajout n'apporte rien.
L'ordre de ces bénéficiaires ne peut constituer un ordre prioritaire à défaut d'élément supplémentaire probant sur ce point. Il peut encore moins constituer une possibilité d'exclusivité pour l'association L'Olivier.
Cet acte fondateur ne caractérise pas une volonté de la part de la fondation [Z]-[S] de privilégier obligatoirement l'association L'Olivier ou une communauté de l'Arche.
Il convient de rappeler qu'une fondation ne peut légalement bénéficier à un intérêt privé ou particulier, et qu'elle doit bénéficier à un intérêt général tel que l'aide à toute association respectant l'objet de la fondation tel prévu par l'article 3 de cette convention prévoyant que :
'les moyens d'actions du fonds consistent notamment dans l'octroi aux organismes visés à l'article 2 de subventions ou aides de toute nature devant leur permettre :
- d'offrir aux personnes handicapées qui sont dans le besoin un cadre de vie familial, (....)
- de créer et d'entretenir les lieux de repos, de détente, de loisirs répondant aux besoins de ces derniers et des personnes non handicapées qui leur apportent leur assistance ou ont accompli avec dévouement une telle tâche antérieurement.
Par acte du 18 septembre 1989, Mme [V] [Z] épouse [S] a fait donation à la Fondation de France une maison communautaire destinée à l'accueil et au suivi des personnes handicapées.
'Cette donation a été consentie sous les conditions suivantes, que la Fondation de France s'engage à respecter, savoir :
- l'immeuble (...) devra être affecté à l'accueil et au suivi des personnes handicapées tel que prévu dans la convention entre la Fondation de France et M. et Mme [S], conclue le 16 septembre 1987 à [Localité 6], contenant la création d'un fonds dénommé donation [Z].
- la Fondation de France s'engage à louer l'immeuble présentement donné à l'association dite L'Olivier, association de type 1901, créée aux termes de ses statuts en date à [Localité 7] du 11 mars 1987.
Et ce, par bail d'une durée de 18 ans'.
Il ne peut être contesté que cette donation d'une maison est irrévocable.
Par acte du 18 septembre 1989, la Fondation de France a loué à l'association L'Olivier une maison communautaire destinée à l'accueil et au suivi des personnes handicapées pour une durée de 18 ans à compter du 1er janvier 1989 (moyennant un loyer de 43 000 francs), et ce conformément à l'acte de donation précité.
Ainsi les conditions prévues à l'acte du 18 septembre 1989 sont réunies.
Le 6 juin 1993, un bail modificatif a été conclu entre les mêmes parties pour tenir compte de la construction à l'initiative de la fondation [Z]-[S] d'un nouveau bâtiment pour l'accueil et le suivi des personnes handicapées (moyennant un loyer de 90 000 francs).
La rétrocession d'actifs par la Fondation de France à la fondation [Z]-[S], le 16 mai 2006, rappelle les dons manuels des époux [S] et la donation de Mme [Z] de l'immeuble et ne modifie pas la situation juridique de l'association L'Olivier.
Les 31 janvier et 13 février 2007, la fondation [Z]-[S], reconnue d'utilité publique, a loué à l'association L'Olivier les biens 'destinés à l'accueil et au suivi de personnes handicapées adultes et aux personnes faisant partie des effectifs de l'établissement' (moyennent un loyer de 62 500 euros).
Ces différents contrats de bail démontrent, par leur existence même, que l'association L'Olivier ne dispose pas d'un droit perpétuel sur les biens loués.
S'il tel avait été le cas, il était inutile de préciser la durée du bail de 18 ans au minimum et il n'était pas utile de préciser la faculté de dénonciation du bail ou de résiliation dans les contrats.
De plus, le caractère perpétuel de l'occupation revendiqué par l'association L'Olivier n'est pas conforme au principe général de prohibition des contrats perpétuels.
En notifiant un congé à l'association L'Olivier, la fondation [Z]-[S] ne modifie pas son objet social, contrairement aux affirmations de l'association L'Olivier, qui est d'apporter son soutien aux personnes handicapées, objet social d'intérêt général.
Si la cour retient l'hypothèse de l'intimée selon laquelle, la volonté de la famille [Z]-[S] était de la privilégier uniquement, il aurait été inutile de créer une fondation ; il suffisait à la famille [Z]-[S] de faire une donation directement à l'association.
Le tableau récapitulatif des aides versées par la fondation à d'autres associations telles que Loisirs Pluriel, Centre d'éducation motrice, ou encore l'Arche [Localité 5] démontre, si besoin est, la volonté de la fondation [Z]-[S] d'apporter leur aide à toutes associations dont l'activité correspond à son objet.
En privant la fondation de pouvoir mettre un terme à un bail dans le respect des règles contractuellement prévues, le premier juge a reconnu à l'association L'Olivier un droit perpétuel d'occupation, qui ne peut être admis.
Les arguments de l'association L'Olivier sur la démission des consorts [S] ou leur intention de dissoudre la fondation n'apportent rien aux débats, sauf à colorer l'ambiance de tension existant entre l'association et la fondation.
Quant à la mauvaise foi invoquée par l'association L'Olivier au regard du congé délivré prétendument pour échapper à la réalisation des travaux, cette mauvaise foi relève de l'affirmation de l'intimée à défaut de document objectif justifiant un manquement de la fondation [Z]-[S] à ses obligations.
En conséquence, il convient de valider le congé et de débouter l'association L'Olivier de ses demandes.
Succombant en cause d'appel, l'association L'Olivier est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à la fondation [Z]-[S] la somme de 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 par la fondation [Z]-[S] à l'association L'Olivier ;
Statuant à nouveau,
Déboute l'association L'Olivier de sa demande relative au congé ;
Y ajoutant,
Déboute l'association L'Olivier de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne l'association L'Olivier à payer à la fondation [Z]-[S] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne l'association L'Olivier aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,
ARRÊT N°-335
N° RG 22/05028 - N° Portalis DBVL-V-B7G-TA2N
(Réf 1ère instance : 21/00276)
FONDATION [Z] [S]
C/
Association L'OLIVIER
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D'APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 OCTOBRE 2024
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Madame Pascale LE CHAMPION, Présidente,
Assesseur : Madame Virginie PARENT, Présidente de chambre,
Assesseur : Madame Virginie HAUET, Conseiller,
GREFFIER :
Madame OMNES, lors des débats, et Madame Catherine VILLENEUVE, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l'audience publique du 04 Septembre 2024
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Octobre 2024 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats
****
APPELANTE :
FONDATION [Z] [S] Etablissement privé reconnu d'utilité publique par Décret de Monsieur le Premier ministre du 10 août 2005, publié au JO du 13 août 2005, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,
[Adresse 4]
[Localité 2]
Représentée par Me Carine CHATELLIER de la SCP VIA AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
INTIMÉE :
Association L'OLIVIER
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Dominique TOUSSAINT de la SELARL TOUSSAINT DOMINIQUE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
L'association L'Olivier, ayant son siège [Adresse 1] à [Localité 3], est locataire à cette adresse d'un ensemble immobilier appartenant à la fondation [Z]-[S], servant à l'accueil de personnes âgées handicapées.
Par courrier recommandé du 29 octobre 2020, la fondation [Z]-[S] a notifié à l'association L'Olivier sa décision de mettre un terme au bail des 31 janvier et 13 février 2007 et lui a donné congé pour le 31 décembre 2022, à l'issue d'un préavis de 26 mois.
Par assignation du 8 janvier 2021, l'association L'Olivier a fait citer sa bailleresse devant le tribunal judiciaire de Rennes aux fins de voir :
- prononcer la nullité du congé notifié le 29 octobre 2020,
- condamner la fondation [Z]-[S], sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter du 30ème jour suivant la signification du jugement, à engager les travaux de sécurité incendie résultant du rapport de la Socotec, ainsi qu'au changement de l'ensemble des menuiseries des bâtiments afin de leur assurer le clos et le couvert permettant d'améliorer la qualité thermique des bâtiments, ainsi que la création d'une salle de bains aux normes PMR dans chacun des bâtiments à savoir [8] et [9],
- dire que l'astreinte courra dans le délai d'un mois à l'expiration duquel il pourra être à nouveau fait droit,
- désigner tel expert en bâtiment qu'il plaira au tribunal afin de contrôler la bonne exécution des travaux qui seront ordonnés par le jugement à intervenir et établir un rapport de bonne foi,
- réduire le loyer de 50 % à compter du jugement à intervenir jusqu'à la réception des travaux ordonnés,
- condamner la fondation [Z]-[S] à payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.
Par jugement du 4 juillet 2022, le tribunal judiciaire de Rennes a :
- annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 par la fondation [Z]-[S] à l'association L'Olivier pour le 31 décembre 2022,
Avant-dire droit,
- ordonné une mesure d'expertise,
- désigné pour y procéder M. [K] [J], expert en génie civil bâtiment, inscrit sur la liste de la cour d'appel de Rennes, avec pour mission de :
* se faire communiquer le bail des 21 janvier et 13 février 2007, le rapport Socotec, l'étude de diagnostic et de faisabilité du cabinet Desmondts, l'audit énergétique Thalem, la notice descriptive estimative sommaire des travaux de l'agence Clenet Brosset, les plans des bâtiments,
* convoquer les parties, se rendre sur les lieux, les visiter,
* décrire l'état contemporain des bâtiments et les désordres observés,
* déterminer dans la mesure du possible leur état d'entretien début 2007,
* donner son avis sur l'origine des désordres relevés et préciser s'ils proviennent d'un défaut d'entretien courant imputable au locataire, ou d'un manquement du bailleur à l'obligation d'effectuer toutes réparations nécessaires autres que locatives résultant de l'article 606 du code civil,
* décrire l'état des menuiseries extérieures et des toitures et donner son avis technique sur leur aptitude à assurer dans des conditions normales un confort suffisant aux pensionnaires hébergés, en tenant compte notamment des performances énergétiques mesurées,
* décrire et chiffrer le coût des travaux de remise à niveau ou de remplacement à engager le cas échéant,
* décrire et chiffrer le coût des travaux nécessaires devant être accomplis dans les bâtiments afin de satisfaire au respect de la réglementation relative à la sécurité contre les risques d'incendie applicable dans les établissements recevant du public,
* donner son avis sur l'opportunité de créer dans les bâtiments [8] et [9] des salles de bains aux normes PMR,
* chiffrer la part du coût rattachable à cette mise aux normes,
- dit que l'expert devra convoquer les parties par lettre recommandée avec accusé de réception et leur avocat par lettre simple,
- dit que l'expert pourra recueillir des informations orales ou écrites de toute personne susceptible de l'éclairer,
- dit que l'expert devra :
* définir en concertation avec les parties un calendrier prévisionnel de ses opérations à l'issue de la première réunion d'expertise et qu'il devra l'actualiser en tant que de besoin en informant les parties de la date à laquelle il prévoit de leur adresser un document de synthèse ou un projet de rapport,
* faire connaître dans le même temps le montant prévisible de sa rémunération qu'il actualisera s'il y a lieu, en procédant parallèlement le cas échéant à une demande de provision complémentaire,
* adresser aux parties un document de synthèse dont il s'expliquera dans son rapport, et arrêter le calendrier de la phase conclusive de ses opérations, fixant sauf circonstances particulières, la date ultime de dépôt des dernières observations des parties sur le document de synthèse,
- dit que l'expert répondra de façon précise et circonstanciée aux dernières observations qui devront être annexées à son rapport définitif dans lequel devront figurer impérativement la liste exhaustive des pièces consultées, le nom des personnes convoquées aux opérations d'expertise, le nom des personnes présentes à chacune des réunions d'expertise, la date de chacune des réunions tenues, les déclarations des tiers entendus, en mentionnant leur identité complète, leurs qualités et leurs éventuels liens avec les parties,
- dit que l'expert déposera l'original du rapport définitif en un seul exemplaire au greffe de la 2ème chambre du tribunal judiciaire de Rennes au plus tard le 20 décembre 2022, sauf prorogation expresse, et que dans le même temps, il en adressera distinctement copie à chacune des parties et à leurs conseils,
- fixé à 5 000 euros la provision à valoir sur les frais d'expertise qui devra être consignée par moitié par chacune des parties au plus tard le 1er septembre 2022, entre les mains du régisseur d'avances et recettes du tribunal judiciaire de Rennes,
- désigné le juge de la mise en état pour contrôler les opérations d'expertise et en régler les incidents,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 2 février 2023,
- tardé à statuer sur les frais irrépétibles,
- réservé les dépens,
- rappelé que l'exécution provisoire est de droit.
Le 5 août 2022, la fondation [Z]-[S] a interjeté appel de cette décision et aux termes de ses dernières écritures notifiées le 7 novembre 2022, elle demande à la cour de :
- réformer la décision rendue le 4 juillet 2022 par le tribunal judiciaire de Rennes en ce qu'elle a :
* annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 à l'association L'Olivier pour le 31 décembre 2022,
Statuant à nouveau,
- débouter l'association L'Olivier de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions
- condamner l'association L'Olivier à payer à la fondation [Z]-[S] une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- statuer comme de droit s'agissant des dépens d'instance.
Par dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2022, l'association L'Olivier demande à la cour de :
- confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 par la fondation [Z]-[S] à l'association L'Olivier pour le 31 décembre 2022,
- condamner la fondation [Z]-[S] à lui payer la somme de 20 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 6 juin 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La fondation [Z]-[S] explique que :
- [V] et [P] [S] ont décidé de créer une fondation dont l'objet est l'aide et le soutien aux personnes handicapées,
- cette création est réalisée initialement sous l'égide de la Fondation de France,
- le 16 septembre 1987, une convention valant statuts de la donation [Z] est régularisée,
- la dotation faite à la fondation sera constituée d'un actif immobilier situé à [Localité 3] et d'un portefeuille de valeurs mobilières et de liquidités,
- après la construction d'une maison d'accueil, un bail a été conclu le 18 septembre 1989 avec l'association L'Olivier pour une durée de 18 années, à compter du 14 janvier 1989,
- après la construction d'un second bâtiment en 1993, un bail modificatif a été dressé le 6 juin 1993,
- de manière récurrente, l'association L'Olivier a sollicité la donation du bien immobilier,
- la fondation [Z]-[S] sera reconnue d'utilité publique par décret du 10 août 2005,
- un nouveau bail est signé le 31 janvier 2007 pour une durée de 9 années,
- après le décès de M. [S], l'association L'Olivier a multiplié les revendications.
Elle signale que par courrier du 1er décembre 2015, l'association L'Olivier a envisagé deux solutions : soit le transfert des actifs immobiliers à son profit, soit la construction de nouveaux foyers sur de nouveaux terrains.
Elle fait part de la réunion de son conseil d'administration au cours de laquelle il est rappelé qu'elle ne souhaite pas la destruction des bâtiments, et que la donation/legs est impossible, et qu'elle acceptait que l'association L'Olivier quitte le site sous un délai de deux ans.
La fondation [Z]-[S] précise qu'à la suite des revendications persistantes de l'association L'Olivier, elle a proposé un audit réalisé par M. [X] qui devait être pris en charge par les deux parties mais que l'association n'a pas honoré sa quote-part.
Elle signale que lors de son assemblée générale du 3 juin 2018, l'association L'Olivier a évoqué le projet de construction de nouveaux bâtiments sur le site loué.
Elle fait état du rapport de M. [X] qui a été contesté par l'association L'Olivier.
La fondation indique que, devant l'échec de la médiation initiée par elle, elle a donné congé à l'association.
Elle rappelle les dispositions de l'article 18 de la loi du 23 juillet 1987 sur la définition d'une fondation.
Elle considère que l'association L'Olivier déforme la lettre des actes du 16 septembre 1987, du 18 septembre 1989 et du 16 mai 2006.
Elle indique que la convention valant statuts du 16 septembre 1987 ne fixe aucune priorité dans le choix des bénéficiaires et ne fonde aucune exclusivité au profit de l'association L'Olivier, exclusivité qui serait contraire aux dispositions publiques applicables aux fondations en ce que l'objet d'une fondation ne peut bénéficier à un intérêt privé.
Concernant la donation du 18 septembre 1989, la fondation [Z]-[S] explique qu'elle prévoit la location des bâtiments à l'association dans le cadre d'un bail d'une durée minimum de 18 années. Elle considère que la donation n'a pas voulu intégrer une condition tenant à un droit perpétuel à location par l'association.
Elle signale qu'un nouveau bail a été conclu le 31 janvier 2007 évoquant clairement la faculté de résiliation par chacune des parties.
S'agissant de l'acte de rétrocession d'actifs du 16 mai 2006, elle entend invoquer la mauvaise foi de l'association L'Olivier puisque cet acte ne fait que rappeler synthétiquement les actes antérieurement passés.
Elle rappelle que son but est d'apporter aux personnes handicapées et aux personnes qui les assistent, l'aide nécessaire non prise en charge par les pouvoirs publics et que ses statuts ne mentionnent pas que son oeuvre doive bénéficier exclusivement à l'association L'Olivier.
La fondation [Z]-[S] évoque la prohibition des engagements perpétuels. Elle expose que les motifs de nullité du congé indiqués par l'association tendent à reconnaître à cette dernière un droit perpétuel à occuper le site et les bâtiments objets du bail.
Elle précise que la notion de contrat perpétuel ne doit pas s'examiner au regard de la donation, mais au regard du lien contractuel entre elle et l'association.
Elle conteste toute mauvaise foi et écrit que :
- le désaccord entre elle et l'association est né tout de suite après la création de la fondation et la souscription du bail,
- les premières revendications de l'association datent de 1995,
- l'association a de manière récurrente considéré que son aide était insuffisante malgré les donations régulières sous forme de liquidités,
- l'association a exercé des pressions sur la fondation pour que le bien lui soit donné ou pour que la fondation soit dissoute.
Elle indique que l'association a fait construire de nouveaux bâtiments à côté du site de la fondation.
En réponse, l'association L'Olivier explique qu'elle est membre de la fédération de l'Arche et qu'elle est en charge, dans son centre de [Localité 3], de 46 personnes handicapées sur 5 foyers dont 2 foyers loués par la fondation [Z]-[S], hébergeant 13 personnes handicapées.
Elle déclare que cette structure a été créée grâce à des dons de M. [S] et son épouse, Mme [Z].
Elle se réfère à l'acte du 18 septembre 1989 sur la donation à la Fondation de France, au bail du même jour et du bail du 6 juin 1993 ainsi qu'aux actes postérieurs.
Elle affirme que la fondation est infidèle au projet d'origine de ses fondateurs et que le but de la fondation est de lui apporter son aide en premier lieu et que cette aide est aujourd'hui inexistante.
Elle écrit que les personnes handicapées vivent dans des locaux vétustes et non conformes aux normes de sécurité.
Elle avance que l'ensemble des membres de la famille [S] a démissionné du conseil d'administration de la fondation et que ces membres souhaitaient la démission de la fondation.
Elle souligne que l'immeuble donné au terme de l'acte de donation du 18 septembre 1989 est un don de Mme [S] qui souhaitait soutenir l'oeuvre de M. [Y] à travers elle.
L'association L'Olivier précise que deux ans après avoir obtenu la reconnaissance d'utilité publique, la fondation a imposé un nouveau bail les 31 janvier et 13 février 2002, entraînant d'importantes modifications des conditions de location, notamment en augmentant le montant du loyer qui a été multiplié par 10.
Elle fait état de la vétusté et de l'inadaptation des locaux et rappelle qu'elle avait accepté le principe d'un bail emphytéotique suggéré par le préfet. Elle signale le refus de la fondation de faire réaliser un audit par la société Socotec.
Elle discute le rapport de M. [X] et indique avoir fait réaliser un audit énergétique ainsi qu'un audit par le cabinet d'architecture Clenet Brosset BNR.
Elle affirme que la fondation a mis un terme à la médiation sans en expliciter la raison.
Elle soutient que l'acte de donation du 18 septembre 1989 prévoit que la fondation [Z]-[S] s'oblige à lui louer l'immeuble situé à [Localité 3].
Pour elle, le donataire est obligé d'exécuter les charges dont est grevée la donation et qu'en qualité de tiers, elle est en droit de contraindre le donataire à exécuter les charges de la donation.
L'association précise qu'en donnant congé, la fondation [Z]-[S] a violé les conditions et causes de la donation.
Elle discute le principe de la prohibition des engagements perpétuels invoqué par la fondation et fait état des dispositions des articles 1780, 1804 du code civil dans leur rédaction antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016.
Elle affirme que ce principe concerne les contrats à exécution successive et non pas une donation, comme dans le cas présent.
L'association L'Olivier indique revendiquer le caractère perpétuel des effets de la donation qui stipule au titre des charges une mise à disposition du terrain de [Localité 3] dans le cadre d'un bail.
Elle soutient que :
- une fondation a une vocation perpétuelle à exister pour remplir une mission,
- une donation avec charge n'est pas limitée dans le temps.
Elle expose que la charge voulue par Mme [S] d'une mise à disposition par la fondation du terrain et des bâtiments de [Localité 3] est au coeur du litige.
L'association L'Olivier fait état de la violation du principe de spécialité de la fondation et avance que cette dernière ne peut agir que dans le cadre de son objet. Elle considère que la donation initiale de Mme [S] du terrain et du bâtiment l'a été pour les mettre à sa disposition et que l'objet de la fondation est de lui apporter son soutien.
Elle estime que l'ordre des bénéficiaires de cette donation tel que mentionné dans la convention valant statuts démontre que l'aide de la fondation doit lui bénéficier, puis doit bénéficier à toute communauté de l'Arche puis à toute association apportant un soutien aux personnes handicapées. Selon elle, en lui retirant l'élément central de la donation, la fondation viole son objet et donc le principe de spécialité qui gouverne sa capacité.
Elle argue de la mauvaise foi de la fondation [Z]-[S] qui a donné congé pour ne pas financer les travaux de remise en état du bâtiment.
L'ancien article 894 du code civil énonce que la donation entre vifs est un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l'accepte.
Comme définie à l'article 18 de la loi n°87-571 du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat, la fondation constitue 'l'acte par lequel une ou plusieurs personnes physiques ou morales décident l'affectation irrévocable de biens, droits ou ressources à la réalisation d'une 'uvre d'intérêt général et à but non lucratif '.
A l'origine, la convention valant statuts de la donation [Z] du 16 septembre 1987, conclue entre la Fondation de France et les époux [S], stipule en son article 2 : 'la donation [Z] a pour but d'apporter aux personnes handicapées ainsi qu'aux personnes non handicapées partageant avec elles dans le cadre de foyers une vie de type familial, l'aide nécessaire non prise en charge par les Pouvoirs Publics et la Sécurité Sociale.
Cette aide bénéficiera conformément à son objet :
(1) à l'association L'Olivier
(2) à toute communauté de l'Arche
(3) à toute autre association dont l'objet est d'apporter un soutien aux personnes handicapées'.
Il est précisé que l'ajout des numéros 1, 2 et 3 a été fait de manière manuscrite.
Aucun élément ne permettant de déterminer l'auteur de cette rectification ni si cette rectification a été convenue entre les parties, il n'en sera pas tenu compte. Au demeurant, cet ajout n'apporte rien.
L'ordre de ces bénéficiaires ne peut constituer un ordre prioritaire à défaut d'élément supplémentaire probant sur ce point. Il peut encore moins constituer une possibilité d'exclusivité pour l'association L'Olivier.
Cet acte fondateur ne caractérise pas une volonté de la part de la fondation [Z]-[S] de privilégier obligatoirement l'association L'Olivier ou une communauté de l'Arche.
Il convient de rappeler qu'une fondation ne peut légalement bénéficier à un intérêt privé ou particulier, et qu'elle doit bénéficier à un intérêt général tel que l'aide à toute association respectant l'objet de la fondation tel prévu par l'article 3 de cette convention prévoyant que :
'les moyens d'actions du fonds consistent notamment dans l'octroi aux organismes visés à l'article 2 de subventions ou aides de toute nature devant leur permettre :
- d'offrir aux personnes handicapées qui sont dans le besoin un cadre de vie familial, (....)
- de créer et d'entretenir les lieux de repos, de détente, de loisirs répondant aux besoins de ces derniers et des personnes non handicapées qui leur apportent leur assistance ou ont accompli avec dévouement une telle tâche antérieurement.
Par acte du 18 septembre 1989, Mme [V] [Z] épouse [S] a fait donation à la Fondation de France une maison communautaire destinée à l'accueil et au suivi des personnes handicapées.
'Cette donation a été consentie sous les conditions suivantes, que la Fondation de France s'engage à respecter, savoir :
- l'immeuble (...) devra être affecté à l'accueil et au suivi des personnes handicapées tel que prévu dans la convention entre la Fondation de France et M. et Mme [S], conclue le 16 septembre 1987 à [Localité 6], contenant la création d'un fonds dénommé donation [Z].
- la Fondation de France s'engage à louer l'immeuble présentement donné à l'association dite L'Olivier, association de type 1901, créée aux termes de ses statuts en date à [Localité 7] du 11 mars 1987.
Et ce, par bail d'une durée de 18 ans'.
Il ne peut être contesté que cette donation d'une maison est irrévocable.
Par acte du 18 septembre 1989, la Fondation de France a loué à l'association L'Olivier une maison communautaire destinée à l'accueil et au suivi des personnes handicapées pour une durée de 18 ans à compter du 1er janvier 1989 (moyennant un loyer de 43 000 francs), et ce conformément à l'acte de donation précité.
Ainsi les conditions prévues à l'acte du 18 septembre 1989 sont réunies.
Le 6 juin 1993, un bail modificatif a été conclu entre les mêmes parties pour tenir compte de la construction à l'initiative de la fondation [Z]-[S] d'un nouveau bâtiment pour l'accueil et le suivi des personnes handicapées (moyennant un loyer de 90 000 francs).
La rétrocession d'actifs par la Fondation de France à la fondation [Z]-[S], le 16 mai 2006, rappelle les dons manuels des époux [S] et la donation de Mme [Z] de l'immeuble et ne modifie pas la situation juridique de l'association L'Olivier.
Les 31 janvier et 13 février 2007, la fondation [Z]-[S], reconnue d'utilité publique, a loué à l'association L'Olivier les biens 'destinés à l'accueil et au suivi de personnes handicapées adultes et aux personnes faisant partie des effectifs de l'établissement' (moyennent un loyer de 62 500 euros).
Ces différents contrats de bail démontrent, par leur existence même, que l'association L'Olivier ne dispose pas d'un droit perpétuel sur les biens loués.
S'il tel avait été le cas, il était inutile de préciser la durée du bail de 18 ans au minimum et il n'était pas utile de préciser la faculté de dénonciation du bail ou de résiliation dans les contrats.
De plus, le caractère perpétuel de l'occupation revendiqué par l'association L'Olivier n'est pas conforme au principe général de prohibition des contrats perpétuels.
En notifiant un congé à l'association L'Olivier, la fondation [Z]-[S] ne modifie pas son objet social, contrairement aux affirmations de l'association L'Olivier, qui est d'apporter son soutien aux personnes handicapées, objet social d'intérêt général.
Si la cour retient l'hypothèse de l'intimée selon laquelle, la volonté de la famille [Z]-[S] était de la privilégier uniquement, il aurait été inutile de créer une fondation ; il suffisait à la famille [Z]-[S] de faire une donation directement à l'association.
Le tableau récapitulatif des aides versées par la fondation à d'autres associations telles que Loisirs Pluriel, Centre d'éducation motrice, ou encore l'Arche [Localité 5] démontre, si besoin est, la volonté de la fondation [Z]-[S] d'apporter leur aide à toutes associations dont l'activité correspond à son objet.
En privant la fondation de pouvoir mettre un terme à un bail dans le respect des règles contractuellement prévues, le premier juge a reconnu à l'association L'Olivier un droit perpétuel d'occupation, qui ne peut être admis.
Les arguments de l'association L'Olivier sur la démission des consorts [S] ou leur intention de dissoudre la fondation n'apportent rien aux débats, sauf à colorer l'ambiance de tension existant entre l'association et la fondation.
Quant à la mauvaise foi invoquée par l'association L'Olivier au regard du congé délivré prétendument pour échapper à la réalisation des travaux, cette mauvaise foi relève de l'affirmation de l'intimée à défaut de document objectif justifiant un manquement de la fondation [Z]-[S] à ses obligations.
En conséquence, il convient de valider le congé et de débouter l'association L'Olivier de ses demandes.
Succombant en cause d'appel, l'association L'Olivier est déboutée de sa demande en frais irrépétibles et est condamnée à payer à la fondation [Z]-[S] la somme de 5 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, étant par ailleurs précisé que les dispositions du jugement sur les frais irrépétibles et les dépens sont confirmées.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe :
Dans les limites de l'appel,
Infirme le jugement entrepris en ce qu'il a annulé et dit de nul effet le congé délivré le 29 octobre 2020 par la fondation [Z]-[S] à l'association L'Olivier ;
Statuant à nouveau,
Déboute l'association L'Olivier de sa demande relative au congé ;
Y ajoutant,
Déboute l'association L'Olivier de sa demande en frais irrépétibles ;
Condamne l'association L'Olivier à payer à la fondation [Z]-[S] la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile;
Condamne l'association L'Olivier aux dépens d'appel.
Le greffier, La présidente,