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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 16 octobre 2024, n° 24/03338

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/03338

16 octobre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 16 OCTOBRE 2024

N° 2024/ 215

Rôle N° RG 24/03338 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMXKB

[B] [L]

Société CIVILE LIACE

Société INNOVANCE CONSEIL

Société P.R.

C/

S.A.S. LES MANDATAIRES

SELARL ANASTA

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Isabelle FICI

Me PORTEU DE LA MORANDIERE

Me Roselyne SIMON-THIBAUD,

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce d'AIX-EN-PROVENCE en date du 04 Mars 2024 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023009480.

APPELANTS

Monsieur [B] [L]

né le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 8]

de nationalité Française,

demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Maxence AUDEGOND de la SELARL MARIGNY AVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

La Société CIVILE LIACE,

prise en la personne de son gérant, M. [Z] [F], domicilié es qualité au siège social sis [Adresse 6]

représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Maxence AUDEGOND de la SELARL MARIGNY AVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

La Société INNOVANCE CONSEIL,

SAS, prise en la personne de son représentant légal, M. [V] [W], gérant, domicilié ès qualités au siège social sis [Adresse 4]

représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Maxence AUDEGOND de la SELARL MARIGNY AVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

La Société P.R., S.A.R.L.,

représentée par M. [V] [W], gérant, domicilié ès qualités au siège social sis

[Adresse 4]

représenté par Me Isabelle FICI de la SELARL CABINET LIBERAS-FICI & ASSOCIÉS, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE substituée par Me Magatte DIOP, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me Maxence AUDEGOND de la SELARL MARIGNY AVOCATS & PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, plaidant

INTIMEES

La S.A.S. LES MANDATAIRES,

prise en la personne de Me [A] [H], es qualité de liquidateur judiciaire de la société IMAGE INN

dont le siège social est sis [Adresse 5]

rerpésenté par Me Benoît PORTEU DE LA MORANDIERE de la SCP PORTEU DE LA MORANDIERE, avocat au barreau d'AIX EN PROVENCE, plaidant

La SELARL ANASTA (Anciennement SELARL [S] & ASSOCIES), prise en la personne de Maître [A] [S], ès qualité de mandataire ad hoc de la Société IMAGE INN,

dont le siège social sis [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, avocat au barreau D'AIX EN PROVENCE, assistée de Me Rémy GOMEZ de la SCP BBLM, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 04 Juillet 2024 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.

La Cour était composée de :

Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Elodie BAYLE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Mme Elodie BAYLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par jugement en date du 12 juillet 2022, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a ouvert une procédure de redressement judiciaire au profit de la Sarl Image Inn, laquelle exploite un fonds de commerce d'hôtellerie sous l'enseigne [7], dont M. [B] [L] est le gérant et dont les actionnaires sont notamment la Sci Liace, la Sas Innovance Conseil, la Sarl PR et M. [B] [L]. La Selarl [S] et Associés, en la personne de Maître [A] [S], était désigné administrateur judiciaire, et la Sas Les Mandataires, en la personne de Me [A] [H], était désigné mandataire judiciaire.

Par requête du 24 août 2022, Me [A] [S] a sollicité la désignation d'un technicien chargé d'effectuer un audit sur l'exploitation, la gestion et la comptabilité de l'hôtel exploité par la Sarl Image Inn, puis par requête du 3 octobre 2022, la modification de sa mission pour une mission de représentation du débiteur.

Par jugement du 15 novembre 2022, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a fait droit à ces requêtes, et a confié à Me [A] [S] la mission de représentation de la Sarl Image Inn.

La Sarl Image Inn a interjeté appel de cette décision le 24 novembre 2022 et cette déclaration d'appel a été frappée de caducité par ordonnance du 16 février 2023.

Par une assemblée des associés de la Sarl Image Inn du 31 janvier 2023, a été actée la démission de M. [B] [L] de ses fonctions de gérant depuis le 3 janvier 2023 et la nomination de M. [X] [J] en qualité de nouveau gérant.

Par jugement du 23 mai 2023, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence arrêtait le plan de cession de la Sarl Image Inn au profit de la Sas Atypio Invest.

Par jugement du 18 juillet 2023, le tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a converti la procédure de redressement en liquidation judiciaire de la Sarl Image Inn, et a désigné Me [A] [H] en qualité de liquidateur judiciaire.

A la suite de la démission en janvier 2023 de M. [X] [J] de ses fonctions de gérant, Me [A] [H] a saisi le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence par requête en date du 24 juillet 2023 aux fins de voir désigner un mandataire ad'hoc, ayant pour mission de garantir les droits propres de la Sarl Image Inn.

Par ordonnance du 1er août 2023, le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a désigné la Selarl Anasta, prise en la personne de Me [A] [S] en qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, aux fins de la représenter dans la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet.

Par exploits délivrés les 9 et 17 novembre 2023, M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR, ont fait assigner la Sas Les Mandataires, et la Selarl Anasta devant le juge de la rétraction du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence.

Par ordonnance du 4 mars 2024, le président du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence a :

- débouté M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR de leur demande principale de voir rétracter l'ordonnance du 1er août 2023 désignant Me [A] [S] en qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn et de voir nommer Me [P] [E], mandataire judiciaire à [Localité 9] en qualité de mandataire ad'hoc de la socété ;

- ordonné à Me [A] [S], pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, de convoquer et tenir une assemblée générale des associés dans un délai d'un mois à compter de la date de signification qui lui sera faite de la présente décision, à l'effet de désigner un nouveau gérant, les frais de publicité et formalité associés restant à la charge de la collectivité des associés, pris solidairement ;

- condamné solidairement M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR à payer à la Sas Les Mandataires, prise en la personne de Me [A] [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Image Inn, la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné solidairement M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR aux entiers dépens de l'instance.

Par acte du 14 mars 2024, M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR ont interjeté appel de cette ordonnance.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 6 juin 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR soutiennent que :

- l'appel n'est pas dépourvu d'objet dans la mesure où il n'existe aucune contradiction entre participer à une assemblée générale convoquée par Me [A] [S] en application de l'ordonnance et solliciter la nullité de l'ordonnance ou la rétractation de la désignation de Me [A] [S] ;

- l'ordonnance entreprise est nulle en ce qu'elle manque d'impartialité et qu'elle n'a pas répondu à l'ensemble des demandes et moyens ; alors que la rétractation était sollicité au motif que le mandataire désigné n'était pas à même de représenter les intérêts propres de la société, ayant été précédemment désigné en qualité d'administrateur judiciaire, l'ordonnance ne s'est pas prononcée sur ce moyen, tout comme sur celui tenant à l'absence d'impartialité objective ; a contrario, alors qu'il était manifestement incompétent pour en connaître, l'ordonnance entreprise s'est prononcée sur les fautes reprochées à Me [A] [S] ;

- subsidiairement, la rétractation de l'ordonnance est fondée au regard des diverses fautes imputables à Me [A] [S] et de l'absence d'une impartialité objective dans l'exercice de ses mandats successifs ; à ce titre, le cumul des mandats d'administrateur pour représenter la société dans la gestion et de mandataire ad hoc pour la représenter dans ses droits propres, a porté atteinte à la mise en 'uvre effective de ces rôles séparés ; Me [A] [S] a interdit à la déclaration d'appel du jugement du 15 novembre 2022 de prospérer, faute d'avoir réglé les honoraires de l'avocat agissant pour les droits propres de la société, et a mal géré le dossier d'indemnisation avec Groupama dans le cadre de la pandémie de Covid 19, refusant toute négociation avec l'assureur qui aurait permis de percevoir une somme complémentaire de 500.000 € et pouvoir présenter un plan de continuation sans difficulté.

Au visa de l'article L641-9 du code de commerce, ils demandent à la cour de :

- déclarer bien fondés et recevables les appelants en toutes leurs demandes et prétentions ;

- à titre principal, déclarer nulle l'ordonnance en date du 4 mars 2024 en ce qu'elle est dénuée de toute objectivité et qu'il n'a pas été statué sur les demandes des demandeurs ;

- à titre subsidiaire : infirmer l'ordonnance en date du 4 mars 2024 en ce qu'elle a :

- ordonné à Me [A] [S], pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, de convoquer et tenir une assemblée générale des associés dans un délai d'un mois à compter de la date de signification qui lui sera faite de la présente décision, à l'effet de désigner un nouveau gérant, les frais de publicité et formalité associés restant à la charge de la collectivité des associés, pris solidairement ;

- condamné solidairement M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR à payer à la Sas Les Mandataires, prise en la personne de Me [A] [H] ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Image Inn, la somme de 1.000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes,

- condamné solidairement M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR aux entiers dépens de l'instance.

- en tout état de cause, rétracter l'ordonnance du 1er août 2023 désignant Me [A] [S] en qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn ;

- mettre fin à la mission de Me [A] [S] en qualité de mandataire Ad'hoc de la Sarl Image Inn ;

- juger que M. [B] [L] et M. [Z] [F] représentent désormais les droits propres de la Sarl Image Inn en leurs qualités de gérant ;

- en tout état de cause, dire que les dépens de la présente instance seront employés en frais privilégiés de la procédure ;

- condamner la liquidation judiciaire de la Sarl Image Inn à la somme de 3.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 22 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Selarl Anasta, prise en la personne de Me [A] [S], ès qualité de mandataire ad hoc de la Sarl Image Inn, réplique que :

- l'appel est désormais dépourvu d'objet, la demande de désignation d'un autre mandataire que Me [A] [S] ayant été satisfaite par l'assemblée générale du 17 avril 2024, aux termes de laquelle M. [B] [L] et M. [Z] [F] ont été désignés en qualité de gérants de la Sarl Image Inn en remplacement du gérant démissionnaire ;

- la décision attaquée ne souffre d'aucune cause de nullité, ayant tranché ce qui lui était demandé et ne s'étant pas prononcée sur ce qui ne lui était pas ;

- aucune partialité objective tirée du cumul de fonctions ne saurait lui être reprochée, n'étant pas à l'origine de sa propre désignation en qualité de mandataire ad'hoc et le mandat nouveau consistant à assurer la représentation des droits propres ayant succédé de plusieurs mois à sa précédente mission d'administrateur judiciaire ; en outre, seul le liquidateur judiciaire et non le mandataire ad hoc est légalement habilité, s'il estime que des fautes de dirigeants de droit ou de fait successifs ont contribué à la création ou à l'aggravation de l'insuffisance d'actifs, à engager une action en responsabilité ou en sanction ; il ne peut être reproché à Me [A] [S] une caducité de l'appel, alors que le dirigeant de l'époque de la Sarl Image Inn, M. [X] [J] n'a pas entendue poursuivre l'instance engagée par son prédécesseur.

Elle sollicite de la cour de :

- prendre acte de ce que la Sarl Image Inn est représentée par des co-gérants en la personne de M. [B] [L] et M. [Z] [F], désignés à cette fonction par décision des associés de la Sarl Image Inn suivant assemblée générale du 17 avril 2024 ;

- juger en conséquence de l'appel n'a plus d'objet ;

- en conséquence, débouter les appelants de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- subsidiairement, débouter les appelants de leur demande de nullité de l'ordonnance entreprise ;

- donner acte aux concluant de ses observations ;

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- en tout état de cause, débouter les appelants de leurs demandes ;

- condamner solidairement les appelants au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

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Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 21 mai 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la Sas Les Mandataires, prise en la personne de Me [A] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Image Inn, fait valoir que :

- non seulement la juridiction de première instance a rempli son office en répondant à l'ensemble des demandes qui étaient formulées, mais de surcroît, elle l'a fait en motivant sa décision au regard des arguments avancés, de sorte que l'ordonnance entreprise n'encourt aucune nullité ;

- le défaut d'impartialité de Me [A] [S] n'est pas démontré ; la désignation de Me [E] affecterait l'efficacité de la mesure, celui-ci n'étant pas au fait des difficultés de la société, et l'organisation d'une assemblée générale reviendrait de facto à laisser les associés majoritaires, en conflit avec les autres associés, décider seuls des actions à engager pour le compte de la société.

Elle demande à la cour de :

- confirmer l'ordonnance en toutes ses dispositions ;

- débouter les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions ;

- les condamner solidairement au paiement de la somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

MOTIFS

- Sur l'objet de l'appel

Aux termes de l'article 493 du code de procédure civile, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire, rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.

L'article 497 de ce même code prévoit que le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l'affaire.

La Selarl Anasta soutient que l'appel est désormais dépourvu d'objet, la demande de désignation d'un autre mandataire que Me [A] [S] ayant été satisfaite par l'assemblée générale du 17 avril 2024, aux termes de laquelle M. [B] [L] et M. [Z] [F] ont été désignés en qualité de gérants de la Sarl Image Inn en remplacement du gérant démissionnaire.

Il est toutefois à rappeler que l'instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à la vérification d'un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées et que la saisine du juge doit être nécessairement définie dans les limites de cet objet. Ainsi, le juge, saisi d'une demande en rétractation d'une ordonnance sur requête, ne peut se fonder sur des circonstances postérieures à la requête ou à l'ordonnance.

L'objet de la demande, y compris en cause d'appel, devant être apprécié au jour où le juge de la rétractation a statué, la désignation d'un autre mandataire que Me [A] [S], circonstance postérieure à l'ordonnance entreprise, ne saurait être prise en compte. En outre, la demande principale des appelants consistant dans la rétractation de l'ordonnance du 1er août 2023, demande dont ils ont été déboutés par l'ordonnance entreprise, l'appel ne saurait être déclaré sans objet.

- Sur la nullité de l'ordonnance

Aux termes de l'article 455 du code de procédure civile, le jugement doit exposer succinctement les prétentions respectives des parties et leurs moyens. Cet exposé peut revêtir la forme d'un visa des conclusions des parties avec l'indication de leur date. Le jugement doit être motivé. Il énonce la décision sous forme de dispositif.

L'article 458 de ce même code précise que ce qui est prescrit par les dispositions de l'article 455 du code de procédure civile doit être observé à peine de nullité.

En l'espèce, les appelants soutiennent que la décision entreprise serait nulle, en ce qu'elle révèle un manquement à l'objectivité et à l'impartialité au regard de Me [A] [S], et qu'elle n'a pas répondu à l'ensemble de l'argumentation qui lui était soumise.

Il est toutefois à observer que l'ordonnance critiquée a répondu à l'ensemble des demandes formulées, en motivant sa décision, et qu'il ne peut être reproché au juge de la rétractation de ne pas s'être prononcé sur l'existence ou non d'une impartialité et sur la capacité de Me [A] [S] à défendre correctement les intérêts propres de la société alors qu'elle mentionne expressément, à l'issue de l'examen des moyens soulevés, que « à aucun moment, Me [A] [S] n'a eu à cumuler les fonctions d'administrateur judiciaire et de mandataire ad'hoc et donc, comme le soutiennent les demandeurs, à voir affectée son impartialité objective ».

Il ne peut davantage être reproché à l'ordonnance critiquée de se prononcer sur les fautes reprochées à Me [A] [S], sans demande de la part des appelants, alors que ladite ordonnance est motivée au regard des moyens avancés par les demandeurs, lesquels s'appuyaient pourtant sur les fautes alléguées de celui-ci.

L'ordonnance ayant tranché l'ensemble des prétentions qui lui étaient soumises, de manière motivée, et sans s'être prononcée sur ce qui ne lui était pas demandé, elle n'est entachée d'aucune cause de nullité. Les appelants seront dès lors déboutés de leur demande à ce titre.

- Sur la rétractation de l'ordonnance

Aux termes de l'article 641-9 du code de commerce, lorsqu'un administrateur judiciaire a été désigné avec mission de représentation, le débiteur, dessaisi de l'administration et de la disposition de ses biens, conserve, dans le cadre de la procédure, des droits propres lui permettant de participer à la procédure collective, et pour l'essentiel, d'être entendu au cours de la procédure collective et d'exercer un recours à l'encontre de certaines décisions prises soit par le juge commissaire, ou le tribunal, et ce indépendamment de l'administrateur judiciaire désigné pour assurer la gestion de ses biens.

Dans le cas d'un débiteur personne morale, les droits propres sont exercés par le dirigeant de la société.

Dans le cas d'une société pour laquelle un administrateur provisoire a été désigné, du fait de l'empêchement du dirigeant préalablement à l'ouverture de la procédure collective, c'est l'administrateur provisoire qui exerce les droits propres du débiteur.

Au cas présent, les appelants soutiennent, à l'appui de leur demande de rétractation, que le cumul des mandats d'administrateur pour représenter la société dans la gestion, et de mandataire ad'hoc pour la représenter dans ses droits propres, a porté atteinte à la mise en 'uvre effective de ces rôles séparés, et a affecté l'impartialité objective dont doit faire preuve tout administrateur judiciaire.

Ainsi que justement relevé par le premier juge, la mission d'administrateur judiciaire de Me [A] [S] a pris fin par le jugement ayant arrêté le plan de cession, adopté le 23 mai 2023, tandis qu'il a été nommé en qualité de mandataire ad hoc de la société par ordonnance du 1er août 2023, la liquidation judiciaire ayant été prononcée le 18 juillet 2023, de sorte que le moyen selon lequel le cumul de fonctions aurait affecté l'impartialité objective à laquelle Me [A] [S] se devait de souscrire dans l'exercice de chacun de ces mandats, ne saurait prospérer, ce dernier n'ayant pas exercé de façon concomitante des mandats dont les intérêts peuvent s'opposer.

S'agissant des griefs tirés du fait que Me [A] [S] aurait interdit à la déclaration d'appel formée à l'encontre du jugement du 15 novembre 2022 de prospérer, faute d'avoir réglé les honoraires de l'avocat, et d'une mauvaise gestion du sinistre Covid avec l'assureur, empêchant la perception d'une indemnisation complémentaire, ils ne sauraient davantage fonder la rétractation de l'ordonnance ayant désigné Me [A] [S] ès qualité de mandataire ad'hoc, s'agissant de griefs imputables à ce dernier en sa qualité d'administrateur judiciaire uniquement, et non de mandataire ad'hoc, lequel n'a comme attribution que celle de représenter les droits propres de l'entreprise. Au surplus, ces griefs reposent sur des décisions judicaires pourtant devenues définitives, et bénéficiant de l'autorité de la chose jugée.

C'est dès lors à bon droit, et par motifs adoptés, que le premier juge a débouté M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR de leur demande de rétractation de l'ordonnance du 1er août 2023.

Si conformément à l'article 497 du code de procédure civile, le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, il est à constater qu'en ordonnant à Me [A] [S] de convoquer la tenue d'une assemblée générale à bref délai pour procéder à la désignation d'un nouveau gérant, le juge de la rétractation a excédé ses pouvoirs, statuant au-delà de sa saisine, l'ordonnance du 1er août 2023 dont la rétractation était sollicitée ayant uniquement désigné la Selarl Anasta, prise en la personne de Me [A] [S], en qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn aux fins de la représenter dans la procédure de liquidation judiciaire dont elle fait l'objet.

L'ordonnance entreprise ayant rajouté à l'occasion de la demande en rétractation qui lui était soumise, ordonnant de convoquer une assemblée générale des associés dans un délai d'un mois, elle sera infirmée de ce chef.

- Sur les demandes accessoires

M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR, parties succombantes, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l'appel.

Ils seront tenus en outre de payer in solidum à la Selarl Anasta, prise en la personne de Me [A] [S], ès qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, la somme de 1.500 €, et à la Sas Les Mandataires, prise en la personne de Me [A] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Image Inn, la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Déboute la Selarl Anasta, prise en la personne de Me [A] [S], ès qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, de sa demande tendant à voir déclarer l'appel sans objet,

Déboute M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR de leur demande de nullité de l'ordonnance rendue le 4 mars 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence,

Infirme l'ordonnance rendue le 4 mars 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence en ce qu'elle a ordonné à Me [A] [S], pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, de convoquer et tenir une assemblée générale des associés dans un délai d'un mois à compter de la date de signification qui lui sera faite de la décision,

Et statuant à nouveau,

Dit n'y avoir lieu d'ordonner à Me [A] [S], pris en sa qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, de convoquer et tenir une assemblée générale des associés,

Confirme l'ordonnance rendue le 4 mars 2024 par le juge des référés du tribunal de commerce d'Aix-en-Provence pour le surplus,

Y ajoutant,

Condamne in solidum M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR, aux entiers dépens de la procédure d'appel,

Condamne in solidum M. [B] [L], la Société Civile Liace, la Sas Innovance Conseil et la Sarl PR, à payer à la Selarl Anasta, prise en la personne de Me [A] [S], ès qualité de mandataire ad'hoc de la Sarl Image Inn, la somme de 1.500 €, et à la Sas Les Mandataires, prise en la personne de Me [A] [H], ès qualité de liquidateur judiciaire de la Sarl Image Inn, la somme de 1.500 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles de l'appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE