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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 16 octobre 2024, n° 21/17805

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 21/17805

16 octobre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 OCTOBRE 2024

N° 2024/ 411

N° RG 21/17805

N° Portalis DBVB-V-B7F-BIRZY

[U] [M]

[C] [P] épouse [M]

C/

Syndicat des copropriétaires

LE NEVADA

Copie exécutoire délivrée le :

à :

Me Michael MOUHRIZ

Me Claude LAUGA

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal Judiciaire de NICE en date du 28 Octobre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 18/03123.

APPELANTS

Monsieur [U] [M]

né le 08 Septembre 1950 à [Localité 7] (HAUTE GARONNE), demeurant [Adresse 1]

Madame [C] [P] épouse [M]

née le 17 Avril 1952 à [Localité 5] (06), demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Michael MOUHRIZ, avocat au barreau de NICE substitué par Me Alexandra BOISRAME, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE

INTIMÉE

Syndicat des copropriétaires LE NEVADA sis à [Adresse 3])

représenté par son syndic en exercice la SAS FONCIA AD IMMOBILIER, ayant son siège social à l'adresse suivante [Adresse 2], pris en son établissement secondaire à l'enseigne FONCIA MARINA SERVICE situé [Adresse 6], pris par lui-même en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité au siège, demeurant [Adresse 4]

représenté par Me Claude LAUGA, membre de la SELARL LAUGA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée et plaidant par Me Thomas JEAN, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Madame Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M.et Mme [M] sont propriétaires de plusieurs lots au sein de la copropriété le Nevada sise à [Adresse 3] dont le lot 250 correspondant à un parking extérieur, le lot 284 correspondant à un local en sous-sol, le lot 286 correspondant à une pièce en sous-sol et le lot numéro 360 correspondant à un local à usage de lingerie .

Les époux [M] ont fait inscrire à l'ordre du jour de l'assemblée générale du 23 mars 2018 la résolution numéro 45 suivante :

A la demande de M. et Mme [M] : suite à nos dernières acquisitions dans la copropriété afin de se mettre en règle vis-à-vis des installations actuellement branchées sur les parties communes, nous vous demandons de bien vouloir inscrire à l'ordre du jour de la prochaine assemblée de la copropriété Nevada la résolution ci-dessous:

L'assemblée générale autorise la désolídarísatíon des actuels branchements sur les parties communes électricité et eau relatifs à nos lots privatifs : installation et pose de compteurs individuels.

Cette résolution a été rejetée à la majorité des voix, 9 copropriétaires ont voté pour et l3 ont voté contre.

Par acte du 15 juin 2018, les époux [M] ont fait assigner le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE NEVADA pour voir annuler cette dernière résolution.

Considérant que cette résolution est contraire au règlement de copropriété et que son rejet ne peut constituer un abus de majorité, par jugement rendu le 28 octobre 2021, le Tribunal:

- déboute les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes ;

- déboute le SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DE L'IMMEUBLE LE NEVADA de sa demande en dommages-intérêts;

- condamne les consorts [M] à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LE NEVADA la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamne les consorts [M] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Par déclaration au greffe en date du 16 décembre 2021, les époux [M] ont interjeté appel de cette décision.

Ils sollicitent:

DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, et notamment de son appel incident contenu dans ses écritures notifiées le 14 juin 2022.

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de NICE le 28 octobre 2021, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts du syndic pour procédure abusive.

EN STATUANT DE NOUVEAU :

A titre principal,

CONSTATER l'existence d'un abus de majorité manifeste lors du vote de la résolution n°45 à l'occasion de l'assemblée générale des copropriétaires qui s'est tenue le 23 mars 2018.

En conséquence,

ANNULER la résolution n°45 de l'assemblée générale des copropriétaires du 23 mars 2018.

AUTORISER, au visa de l'article 30 Loi n° 65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, M.et Mme [M] à procéder à la coupure des branchements actuels en eau et électricité sur la copropriété le NEVADA, afin que cette copropriété n'ait pas à subir les dépenses personnelles de ces derniers à ce titre.

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice à la somme de 3.000 € à titre de dommages et intérêts en l'état du préjudice de jouissance subi par les demandeurs.

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires représenté par son syndic en exercice à la somme de 2.500 € au visa de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens par application de l'article 699 du Code de procédure civile en ce compris le coût du constat d'huissier dressé le 10 mars 2020.

DISPENSER les demandeurs de toute participation à leur quote part de charges afférentes à la présente procédure.

Subsidiairement,

Si par extraordinaire la demande de nullité formulée par les époux [M] devait être rejetée dans le cadre de la présente procédure, dire n'y avoir lieu à condamnation de ces derniers à une amende civile, à une condamnation à une somme de 1.500 € à titre de dommages et intérêts dont l'allocation est sollicitée par le syndicat des copropriétaires, à l'application de l'article 700 du Code de procédure civile pour l'instance d'appel comme pour la première instance.

A l'appui de leur recours, ils font valoir:

- que le rejet de la résolution est incompréhensible puisqu'elle avait pour objet de mettre fin à un branchement en électricité et en eau sur les parties communes,

- que le refus de la résolution n'a pas été dicté par l'intérêt collectif et constitue une rupture d'égalité entre copropriétaires puisqu'ils peuvent faire prendre en charge par la copropriété leurs dépenses en eau et électricité alors que les autres copropriétaires doivent en assumer le coût sur leurs deniers personnels,

- que cela leur occasionne un préjudice de jouissance indemnisable,

- qu'ils établissent que dans les faits les compteurs individuels d'eau et d'électricité existent déjà au sein de la copropriété.

Le syndicat des copropriétaires conclut:

CONFIRMER le jugement du 28 octobre 2021 en ce qu'il :

- DEBOUTE les consorts [M] de l'ensemble de leurs demandes.

- CONDAMNE les consorts [M] à payer au SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LE NEVADA la somme de 1 500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- CONDAMNE les consorts [M] aux dépens qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

REFORMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de NICE le 28 octobre 2021 en ce qu'il:

- DEBOUTE le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE LE NEVADA de sa demande en dommages-intérêts.

EN STATUANT DE NOUVEAU :

CONDAMNER Mme [C] [M] et M. [U] [M], au vu de la mauvaise foi patente qui soutient leurs prétentions, au paiement d'une somme de 1500 € au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE NEVADA pour procédure abusive.

CONDAMNER Mme [C] [M] et M. [U] [M] à payer telle amende civile qu'il plaira à la Cour.

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

CONDAMNER Mme [C] [M] et M. [U] [M] à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier LE NEVADA la somme de 6 000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

CONDAMNER Mme [C] [M] et M. [U] [M] aux entiers dépens.

Et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, Maître Claude LAUGA pourra recouvrer directement les frais dont il a fait l'avance sans en avoir reçu provision.

Il soutient:

- que les époux [M] qui prétendent que le branchement effectué au sein de leurs lots n'est pas privatif mais est intégré dans les charges communes générales ne l'établissent pas,

- que leur demande viole le règlement de copropriété qui prévoit deux cas de figure:

- soit il n'y a pas de pose de compteurs divisionnaires et dans ce cas les charges d'eau restent des charges communes générales,

- soit il y a pose obligatoire de compteurs divisionnaires dans chaque appartement suite à une décision de l'AG auquel cas les charges d'eau deviennent des charges communes spéciales,

- qu'en l'espèce, l'AG n'a jamais décidé de la pose obligatoire de compteurs individuels dans chaque appartement de sorte que les charges d'eau froide demeurent des charges communes générales,

- que la demande de leur individualisation présentée par les époux [M] ne pouvait être adoptée,

- qu'en outre, le règlement de copropriété n'autorise aucune désolidarisation (un copropriétaire substitue le contrat collectif de fourniture d'eau par un contrat individuel), différente d'une individualisation (le syndic facture la consommation effective d'eau à chaque copropriétaires sans que le contrat collectif de fourniture d'eau ne soit remis en cause),

- que les appelants ne justifient pas du préjudice de jouissance qu'ils allèguent,

- que leur mauvaise foi ne fait nul doute et doit être sanctionnée.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Il résulte du règlement de copropriété s'agissant des charges d'eau froide qu'elles ne peuvent être considérées comme des charges spéciales que si la pose obligatoire de compteurs individuels dans chaque appartement est décidée par l'AG statuant à la majorité prévue, ces charges étant, à défaut d'installation de compteurs dans tous les appartements, réparties entre les copropriétaires dans la même proportion que les charges générales.

La proposition des époux [M] soumise à l'approbation de l'AG vise tout autant les charges d'électricité que les charges d'eau froide et celles d'eau chaude sollicitant la mise en place de compteurs individuels, elle ne pouvait du fait de son caractère indifférencié être adoptée par l'AG sauf à contrevenir au règlement de copropriété concernant les charges d'eau froide qui doivent être réparties entre copropriétaires dans la même proportion que les charges générales.

En conséquence, c'est valablement que le premier juge a retenu que les époux [M] ne justifient ni d'une rupture d'égalité entre copropriétaires ni d'un abus de majorité et les a déboutés de leur demande.

Par ailleurs, l'exercice d'une action en justice de même que la défense à une telle action constitue un droit et ne dégénère en abus pouvant donner lieu à dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi ou erreur grossière équipollente au dol, insuffisamment caractérisé en l'espèce, de sorte que le jugement est confirmé en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires de sa demande indemnitaire.

Les époux [M] sont condamnés à 1500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile en appel outre aux dépens de l'appel.

PAR CES MOTIFS,

La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, en dernier ressort,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 28 octobre 2021 par le Tribunal judiciaire de NICE

Y ajoutant

CONDAMNE M.et Mme [M] à régler au syndicat des copropriétaires de l'immeuble LE NEVADA représenté par son syndic en exercice le cabinet FIT IMMOBILIER la somme de 1500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure Civile,

CONDAMNE M.et Mme [M] aux entiers dépens de l'appel avec distraction au profit de Me LAUGA.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT