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Décisions

CA Paris, Pôle 4 - ch. 2, 23 octobre 2024, n° 20/04785

PARIS

Arrêt

Autre

CA Paris n° 20/04785

23 octobre 2024

Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 2

ARRET DU 23 OCTOBRE 2024

(n° , 15 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/04785 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBUFG

Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Mars 2020 -Tribunal de Grande Instance de BOBIGNY - RG n° 19/14222

APPELANTE

Société LE PHOENIX

SARL immatriculée au RCS de Bobigny sous le numéro 851 618 074

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me Jacques-Alexandre BOUBOUTOU et plaidant par Me Solène LEPLAT substituant Me Jacques-Alexandre BOUBOUTOU - SELEURL JACQUES-ALEXANDRE BOUBOUTOU - avocat au barreau de PARIS, toque : E1587

INTIMES

Monsieur [P] [M]

né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 15]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0517

Madame [R] [M]

née le [Date naissance 1] 1954 à [Localité 14]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représentée par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0517

Monsieur [O] [U]

né le [Date naissance 4] 1975 à [Localité 13]

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0517

Monsieur [B] [E]

né le [Date naissance 5] 1959 à [Localité 12] (90)

[Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0517

Société FONCIERE VOG

SAS immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 824 739 791

[Adresse 3]

[Localité 10]

Représentée par Me Catherine DAUMAS de la SCP d'Avocats BOUYEURE - BAUDOUIN - DAUMAS - CHAMARD BENSAHE L - GOMEZ-REY - BESNARD, avocat au barreau de PARIS, toque : P0056

SYNDICAT DES COPROPRIÉTAIRES DU [Adresse 6] représenté par son syndic bénévole, Madame [M]

demeurant : [Adresse 6]

[Localité 11]

Représenté par Me René DE LAGARDE, avocat au barreau de PARIS, toque : C0517

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Perrine VERMONT, Conseillère, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

M. Jean-Loup CARRIERE, Président de Chambre

Madame Perrine VERMONT, Conseillère

Madame Caroline BIANCONI-DULIN, Conseillère

Greffier, lors des débats :

ARRET :

- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Madame Mme Perrine VERMONT, Conseillère, faisant fonction de président pour le président empêché en vertu de l'article R 312-3 du code de l'organisation judiciaire, et par Madame Dominique CARMENT, greffière présente lors de la mise à disposition.

* * * * * * * * * *

FAITS & PROCÉDURE

L'immeuble situé au [Adresse 6] est régi par la loi du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis.

L'état descriptif de division inséré dans le règlement de copropriété mentionne que les lots constituant l'immeuble sont à usage de local d'habitation hormis les lots 61, 71 et 81, qui sont à usage de bureaux.

Les lots à usage d'habitation sont la propriété de M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E].

Les trois lots à usage de bureaux sont la propriété de la société à actions simplifiée Foncière Vog.

Courant avril, mai et juin 2019, les consorts [M] ont adressé des courriers au commissariat de police d'[Localité 11] et au maire de la commune pour se plaindre du fait que l'occupant des locaux de la société Foncière Vog se livrait depuis le 19 avril 2019 à une activité de discothèque et occasionnait de ce fait d'importantes nuisances sonores.

Parallèlement, le 22 avril 2019, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic bénévole Mme [R] [M], a écrit à la société Foncière Vog pour lui demander de communiquer sans délai le nom de son locataire et sa date d'entrée dans les lieux, conformément aux stipulations du règlement de copropriété. Par ailleurs, il était rappelé à la société Foncière Vog que ses locaux étaient à usage de bureaux et ne pouvaient être utilisés pour une activité de discothèque, non couverte de surcroît par l'assurance multirisques de l'immeuble. Ce courrier est resté sans suite malgré une lettre de relance du 27 mai 2019.

Courant avril, septembre et octobre 2019, Mme [R] [M] a adressé plusieurs SMS au gérant de la société Foncière Vog afin de lui demander d'intervenir sans délai auprès de sa locataire pour faire cesser le tapage nocturne. Par ailleurs, elle s'est plainte du fait que des représentants de l'exploitant de la discothèque s'étaient présentés à son domicile pour effectuer une étude d'impact de bruit, qu'elle a refusée.

Le 16 novembre 2019, le syndicat des copropriétaires a fait procéder à un constat d'huissier dans les locaux de la société Foncière Vog après y avoir été autorisé par ordonnance du président de ce tribunal en date du 1er octobre 2019. À cette occasion, l'huissier a rencontré sur les lieux M. [V], gérant de la société à responsabilité limitée Le Phoenix, qui lui a présenté, sur son téléphone portable, le texte d'un bail conclu le 28 mars 2019 avec la société Foncière Vog pour l'exercice de l'activité suivante : 'organiser des événements et soirées, exploiter une piste de danse, location de salle'.

Le 21 novembre 2019, la société Foncière Vog a adressé aux consorts [M], M. [O] [U] et M. [B] [E] une offre d'achat de leurs lots, à laquelle il n'a pas été donné suite.

Le 6 décembre 2019, M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U], M. [B] [E] et le syndicat des copropriétaires ont fait assigner à jour fixe la société Foncière Vog et la société Le Phoenix devant le tribunal de grande instance de Bobigny après y avoir été autorisés par ordonnance du président du 4 décembre 2019.

A la suite de la signification de cette assignation, la société Foncière Vog a fait délivrer à la société Le Phoenix, le 11 décembre 2019, une sommation visant la clause résolutoire d'avoir à cesser la violation des clauses du bail relatives à la destination contractuelle des lieux et à la tranquillité de l'immeuble.

Par jugement du 3 mars 2020 le tribunal de grande instance de Bobigny a :

- débouté la société Le Phoenix de sa demande d'annulation de l'assignation du 6 décembre 2019,

- rejeté ses fins de non-recevoir,

- ordonné à la société Le Phoenix de cesser d'exercer dans des lots 61, 71 et 81 de l'immeuble situé au [Adresse 6] toute activité autre que celle de 'bureaux' autorisée par le règlement de copropriété, et, par voie de conséquence, lui a enjoint de mettre sans délai un terme à ses activités de salle de concert et de vente de boissons alcoolisées, et ce sous astreinte de 5.000 euros par infraction constatée par huissier de justice après la signification du jugement,

- condamné in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog à payer à M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E] la somme de 3.000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- condamné in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog à payer au syndicat des copropriétaires, à M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté le syndicat des copropriétaires, M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E] du surplus de leurs demandes,

- constaté l'acquisition de la clause résolutoire du bail du 28 mars 2019 conclu entre la société Foncière Vog et la société Le Phoenix portant sur des locaux situés au rez-de-chaussée de l'immeuble situé au [Adresse 6], avec effet au 12 janvier 2020,

en conséquence,

- ordonné à la société Le Phoenix de libérer les lieux susvisés,

- dit qu'à défaut de départ volontaire, elle pourra être expulsée à la requête de la société Foncière Vog, ainsi que tous occupants de son chef, au besoin avec le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier,

- dit que ses meubles et objets mobiliers trouvés dans les lieux lors de l'expulsion pourront être déposés par la société Foncière Vog dans tout garde-meuble de son choix, au frais et risques de la société Le Phoenix,

- dit que le sort des meubles sera régi conformément aux articles L433-1 et R433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

- condamne la société Le Phoenix à payer à la société Foncière Vog, à compter du 12 janvier 2020 et jusqu'à la complète libération des lieux une indemnité d'occupation d'un montant égal au montant du dernier loyer, outre toutes taxes et charges locatives précédemment exigibles,

- condamné la société Le Phoenix à payer à la société Foncière Vog la somme de 1 euros à titre de clause pénale,

- condamné la société Le Phoenix à garantir et relever indemne la société Foncière Vog de toutes les condamnations prononcées à son encontre aux termes du présent jugement,

- débouté la société Foncière Vog du surplus de ses demandes,

- débouté la société Le Phoenix de l'ensemble de ses demandes,

- condamné in solidum la société Foncière Vog et la société Le Phoenix aux entiers dépens de l'instance, en ce compris le coût du constat d'huissier réalisé le 16 novembre 2016 sur ordonnance du président de ce tribunal,

- ordonné l'exécution provisoire de la présente décision en toutes ses dispositions.

La société Le Phoenix a relevé appel de ce jugement par déclaration remise au greffe le 6 mars 2020.

La procédure devant la cour a été clôturée le 6 mars 2024.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Vu les conclusions notifiées le 21 mai 2020 par lesquelles la société Le Phoenix, appelante, invite la cour à :

- infirmer le jugement en ce :

qu'il a débouté la société Le Phoenix de l'ensemble de ses demandes dont sa demande d'annulation de l'assignation adverse,

qu'il rejette ses fins de non-recevoir,

qu'il a ordonné à cette dernière de cesser toute activité autre que de bureaux autorisée par le règlement de copropriété et par voie de conséquence lui a enjoint de mettre sans délai un terme à ses activités de salle de concert et de vente de boissons alcoolisées,

qu'il prononce une astreinte de 5 000 euros par infraction constatée par huissier de justice,

qu'il condamne la société à indemniser les intimés à hauteur de 3 000 euros chacun,

qu'il condamne la société à payer aux intimés une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la condamne aux dépens,

qu'il constate l'acquisition de la clause résolutoire du bail conclu entre la société Foncière Vog et la société Le Phoenix,

qu'il ordonne à la société Le Phoenix de libérer les lieux en ordonnant son expulsion avec le concours de la force publique en cas de maintien dans les lieux,

qu'il fixe une indemnité d'occupation à compter du 12 janvier 2020,

qu'il condamne la société Le Phoenix à payer à la société Foncière Vog la somme de 1 euro au titre de la clause pénale de non restitution du dépôt de garantie,

qu'il condamne la société Le Phoenix à garantir et relever indemne de toutes condamnations la société Foncière Vog,

qu'il ordonne l'exécution provisoire du jugement,

à titre subsidiaire,

- infirmer le jugement en ce :

qu'il a retenu un préjudice de 3 000 euros chacun pour les intimés étant demandé que ce montant soit réduit à 1 euro symbolique,

qu'il a accordé l'exécution provisoire, et ce, sans subordonner cette décision à la constitution d'une garantie,

en tout état de cause,

- condamner in solidum le syndicat des copropriétaires, M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E] ainsi que la société Foncière Vog à verser la somme de 3 000 euros à la société Le Phoenix, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et les mêmes aux dépens,

- ordonner l'exécution provisoire ;

Vu les conclusions notifiées le 21 août 2020 par lesquelles le syndicat des copropriétaires du [Adresse 6], M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E], intimés, invitent la cour, au visa des article 9 de la loi du 10 juillet 1965, 55 du décret du 17 mars 1967, 544 et 651 du code civil, et R1336-5 du code de la santé publique, à :

- confirmer le jugement en ce qu'il a :

débouté la société Le Phoenix de sa demande d'annulation de l'assignation du 6 décembre 2019,

rejeté ses fins de non-recevoir,

ordonné à la société Le Phoenix de cesser d'exercer dans les lots 61, 71 et 81 de l'immeuble situé au [Adresse 6] toute activité autre que celle de 'bureaux' autorisée par le règlement de copropriété, et, par voie de conséquence, lui a enjoint de mettre sans délai un terme à ses activités de salle de concert et de vente de boissons alcoolisées, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée par huissier de justice après la signification du jugement,

condamné in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog à payer à M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de première instance,

condamné in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog aux dépens de l'instance, en ce compris le coût du constat d'huissier réalisé le 16 novembre 2016 sur ordonnance du président du tribunal,

- infirmer le jugement en ce qu'il a limité leur indemnisation à la somme de 3 000 euros au titre de leur préjudice de jouissance,

statuant à nouveau,

- condamné in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog à leur payer la somme de 9 000 euros à chacun à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi lié au trouble de jouissance,

- condamné in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog à verser au syndicat des copropriétaires, à M. et Mme [M], M. [O] [U] et M. [B] [E] la somme de 3 000 euros chacun au titre des frais irrépétibles exposés en cause d'appel,

- condamner in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog aux dépens d'appel ;

Vu les conclusions notifiées le 29 février 2024 par lesquelles la société Foncière Vog, intimée, invite la cour, au visa des articles 70 et 122, 564 du code de procédure civile et 1103 et 1224, 1225, 1227 et 1231-1 du code civil, à :

- confirmer le jugement,

- le réformant uniquement sur les points ci-après,

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée in solidum avec la société Le Phoenix à payer à M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E], une somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts, outre les intérêts au taux légal à compter du présent jugement,

- condamner in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog à payer au syndicat des copropriétaires, à M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E], la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

statuant à nouveau de ce chef,

- débouter le syndicat des copropriétaires, M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E], de toutes leurs demandes fins et conclusions à son encontre,

- dire que les condamnations ci-dessus devront être prononcées uniquement à l'encontre de la société Le Phoenix,

- infirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Le Phoenix à lui payer une somme de 1 euro à titre de clause pénale,

statuant à nouveau de ce chef,

- condamner la société Le Phoenix à lui payer une indemnité équivalente à 44 028 euros, sauf à parfaire, à titre de dommages et intérêts,

- dire que le dépôt de garantie lui restera acquis conformément aux termes du bail,

en tout état de cause,

- confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,

- débouter toute partie de toutes leurs demandes, fins et conclusions de quelque nature qu'elles soient,

- condamner tous succombants à lui payer une indemnité de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens en application de l'article 699 du même code ;

SUR CE,

La cour se réfère, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens échangés et des prétentions des parties, à la décision déférée et aux dernières conclusions échangées en appel.

En application de l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions.

Il est constaté que la demande de la société Le Phoenix de condamner la société Foncière Vog à la garantir de toutes les condamnations retenues contre elle n'est pas reprise dans le dispositif de ses écritures.

Sur la demande d'annulation de l'assignation

La société Le Phoenix allègue que l'assignation est nulle en application de l'article 117 du code de procédure civile au motif que le syndic ne disposait pas d'une autorisation suffisamment claire et précise pour engager la présente procédure.

Aux termes de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, le syndic ne peut agir en justice au nom du syndicat sans y avoir été autorisé par une décision de l'assemblée générale.

Comme l'a rappelé le tribunal, la résolution 14 adoptée lors de l'assemblée générale du 25 juillet 2019 est libellée comme suit : « Le règlement de copropriété prévoit que l'immeuble est destiné principalement à l'usage de bureaux et d'habitation (l'exercice d'une activité libérale étant tolérée dans les locaux à usage d'habitation). Le règlement prévoit également que les occupants devront veiller à ne jamais troubler la tranquillité de l'immeuble. Depuis maintenant deux mois, les copropriétaires ont constaté de graves nuisances nocturnes (principalement les nuits de vendredi, samedi et dimanche) dans les bâtiments G, H et L de la copropriété dont la société Foncière Vog est propriétaire : musique très forte, nombreuses allées et venues de personnes bruyantes et de véhicules dans la rue (boîte de nuit clandestine). Bien que le syndic ait sollicité de la société Foncière Vog qu'elle respecte et fasse respecter le règlement par son locataire, lui ait rappelé l'interdiction d'une telle activité dans la copropriété et ait sollicité la communication du nom du locataire et de ses coordonnées, il n'a obtenu ni réponse, ni cessation des troubles occasionnés par le locataire de la société Foncière Vog.

En conséquence, l'assemblée générale, après en avoir débattu, autorise et mandate le syndic aux fins d'intenter toute action en justice et d'exercer toute voies de recours à l'encontre du propriétaire des bâtiments G, H et I (actuellement la société Foncière Vog) et de son locataire afin de faire définitivement cesser l'activité illicite et causant un trouble aux copropriétaires ainsi que d'obtenir réparation du préjudice subi. L'assemblée générale autorise le syndic à se faire assister de Maître René de Lagarde, avocat au Barreau de Paris »

La société Le Phoenix ne démontre pas en quoi le fait que cette résolution ne mentionne pas son nom rend cette habilitation insuffisamment univoque, quand bien même elle a, comme elle le démontre, adressé un mois avant l'assemblée générale un courrier à son en-tête à certains des copropriétaires.

Il doit d'ailleurs être souligné que la totalité des copropriétaires ont assigné la société Foncière Vog et la société Le Phoenix aux côtés du syndicat des copropriétaires.

Dès lors, pour ces motifs et ceux pertinents et circonstanciés des premiers juges que la cour adopte, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation soulevée par la société Le Phoenix

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de justification de la qualité de copropriétaire ou d'occupant des demandeurs

La société Le Phoenix soutient que M. et Mme [M], M. [U] et M. [E] ne démontrent pas qu'ils seraient propriétaires et occupants de lots dans l'immeuble situé [Adresse 6]. Elle en déduit qu'ils sont dépourvus d'intérêt à agir en vue de solliciter des dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.

Le syndicat des copropriétaires, M. et Mme [M], M. [U] et M. [E] allèguent que les pièces qu'ils versent aux débats démontrent qu'ils sont propriétaires et occupants, et que l'huissier qui leur a délivré les assignations de la société Le Phoenix a bien constaté que leurs domiciles étaient bien au [Adresse 6].

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel notamment le défaut de qualité ou le défaut d'intérêt.

En l'espèce, comme l'a à juste titre relevé le tribunal, «le procès-verbal de l'assemblée générale du 25 juillet 2019 mentionne, en première page, chacune des personnes susvisées en qualité de copropriétaires. La société Foncière Vog, également copropriétaire, ne s'y est d'ailleurs pas trompée en leur destinant son offre de vente du 21 novembre 2019.»

Par ailleurs, l'éventuel défaut de qualité d'occupant d'un copropriétaire n'a pas pour effet de le priver d'intérêt à agir, le bien fondé d'une demande de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance relevant d'une appréciation de fond.

Au vu de ces éléments, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la fin de non-recevoir soulevée par la société Le Phoenix.

Sur la recevabilité des demandes de la société Foncière Vog à l'encontre de la société Le Phoenix

La société Le Phoenix fait valoir que les demandes de la société Foncière Vog à son encontre sont irrecevables dès lors qu'elle-même ne formule aucune demande contre cette dernière, les demandes de la société Foncière Vog ne pouvant être qualifiées de reconventionnelles et soulevant en réalité un litige distinct.

La société Foncière Vog soutient que le tribunal a justement retenu qu'il existait un lien suffisant au sens de l'article 70 du code de procédure civile entre la demande de dommages et intérêts formulée par les copropriétaires à l'encontre de la société Phoenix et sa demande de résiliation du bail.

Selon l'article 64 du code de procédure civile, constitue une demande reconventionnelle la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.

Le tribunal a justement retenu, sans méconnaître les dispositions des articles 4 et 5 du code de procédure civile contrairement à ce que prétend la société le Phoenix, que le seul fait que la société Foncière Vog ait qualifié ses demandes de reconventionnelles, bien que la société Le Phoenix n'ait formulé préalablement aucune demande à son encontre, ne suffit pas à priver ses prétentions de recevabilité.

En effet, la société Vog n'est pas dépourvue de qualité à agir en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire à l'encontre de son locataire.

Par ailleurs, il existe un lien suffisant entre, d'une part, la demande de dommages et intérêts formée par les copropriétaires à l'encontre de deux défenderesses en leur qualité de copropriétaire-bailleur et de preneur, et, d'autre part les demandes de résiliation du bail et de garantie de la société Foncière Vog à l'encontre de la société Le Phoenix fondées sur les mêmes faits que ceux invoqués par les demandeurs à l'appui de leur demande indemnitaire.

Le jugement est donc confirmé en ce qu'il a dit la société Foncière Vog recevable en ses demandes à l'encontre de la société Le Phoenix.

Sur la demande aux fins de voir enjoindre à la société Le Phoenix et à toute autre société de cesser les activités contraires au règlement de copropriété dans les lots 61,71 et 81

A l'appui de leurs demandes, le syndicat des copropriétaires, M. et Mme [M], M. [U] et M. [E] exposent que la société Le Phoenix exploite dans les lots 61, 71 et 81, sous la dénomination 'Tapis Rouge', une activité de discothèque qui est contraire à la destination de l'immeuble et des lots, telle qu'elle résulte des stipulations du règlement de copropriété prévoyant qu'ils sont à usage de bureaux. Ils ajoutent que la cessation de cette activité est d'autant plus justifiée que le contrat d'assurance multirisques de la copropriété stipule que les locaux de l'immeuble ne sont pas destinés aux activités de discothèque ou établissement de cette nature.

La société Le Phoenix allègue qu'elle n'exploite pas une discothèque mais une salle accueillant divers événements musicaux de type concert notamment. Elle soutient qu'elle est fondée à exercer cette activité dès lors que celle-ci n'est pas expressément interdite par le règlement de copropriété.

L'article 9 de la loi du 10 juillet 1965 énonce que chaque copropriétaire use et jouit librement des parties privatives et des parties communes sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l'immeuble.

Le tribunal a, à juste titre, développé les motifs suivants :

«En cas de location d'un lot, le preneur, bien que sans lien de droit avec le syndicat des copropriétaires, est néanmoins tenu de se conformer aux stipulations du règlement de copropriété relatives à l'usage de ce lot. Cet acte lui est en effet opposable de plein droit.

En l'espèce, l'article «destination de l'immeuble» du règlement de copropriété stipule que l'immeuble est destiné principalement à l'usage de bureaux et d'habitation. L'état descriptif de division inséré dans le règlement précise à cet égard que les lots 61, 71 et 81 appartenant à la société Foncière Vog sont à usage exclusif de bureaux.

Par ailleurs, l'article 7 du règlement, faisant écho aux dispositions précitées de la loi du 10 juillet 1965, rappelle que 'chaque copropriétaire a le droit de jouir et de disposer des choses qui constituent sa propriété particulière, à la condition de ne pas nuire aux droits particuliers ou communs des autres propriétaires et de se conformer aux prescriptions formulées ci-après. Aucune modification ne pouvant compromettre la destination de l'immeuble ne pourra être faite sans le consentement à l'unanimité des propriétaires et l'obtention des autorisations administratives nécessaires'.

Ainsi que cela a été exposé ci-dessus, les stipulations du règlement de copropriété sont opposables de plein droit à la société Le Phoenix. Elles le sont d'autant plus qu'aux termes du bail qu'elle a conclu avec la société Foncière Vog le 28 mars 2019, la société Le Phoenix a expressément reconnu avoir reçu du bailleur une copie du règlement de copropriété, qui a été annexée à l'acte (cf. article 'Charges et condition').

Lors de son déplacement sur les lieux le 16 novembre 2019, l'huissier de justice mandaté par le syndicat des copropriétaires a rencontré le gérant de la société Le Phoenix, M. [V], qui lui a déclaré que 'le nom Tapis Rouge est le nom donné à la boîte par les clients du fait de la couleur du revêtement rouge de la salle principale'. Il a par ailleurs précisé 'ouvrir au public du vendredi au dimanche, de 23 heures jusqu'à environ 7 heures le lendemain matin'.

L'huissier de justice a constaté la présence dans les locaux des matériels suivants :

- une estrade sur laquelle est installé du matériel de sonorisation et de musique tel qu'une batterie, une table de mixage, des micros, des enceintes et un piano synthétiseur,

- une affichette 'Licence III',

- un réfrigérateur et d'un congélateur contenant des bouteilles de champagne, de bière, de vin et de sodas,

- une affiche comportant le tarif des consommations.

Les équipements de sonorisation installés dans les lieux ont été décrits dans l'étude d'impact acoustique que la société Le Phoenix a fait réaliser le 2 juillet 2019 : 'l'établissement possède 8 enceintes réparties 2 par 2 aux quatre coins de la salle. Le niveau sonore est contrôlé via une table de mixage'.

La présence de ces divers matériels démontre que les lieux sont utilisés pour l'organisation de concerts et la vente de boissons alcoolisées. Cette activité correspond d'ailleurs à celle mentionnée sur l'extrait Kbis de la société Le Phoenix pour l'établissement exploité [Adresse 6] : 'organisation des événements et soirées, exploitation de piste de danse, location de salle, service traiteur'.

La société avec la société Le Phoenix ne conteste pas que les photographies de chanteurs et de musiciens produites par les demandeurs (captures d'écran Facebook, pièces 25 et 27) ont été prises lors de concerts qu'elle a organisés dans les lieux.

Par ailleurs, une recherche effectuée sur le moteur de recherche Google par les demandeurs avec l'entrée 'tapis rouge aubervilliers' conduit à la page d'un établissement situé [Adresse 8], dont l'activité référencée est celle de 'Discothèque'.

La diffusion de musique à destination d'un public extérieur est confirmée par les attestations de M. [T] qui, dans ses deux témoignages des 30 septembre et 20 novembre 2019 qui seront plus amplement cités ci-après, indique subir des nuisances répétées en raison de la présence d'une 'boîte de nuit' située près de son logement, accueillant une clientèle bruyante.

En outre, aux termes du second procès-verbal que le syndicat des copropriétaires a fait dresser le dimanche 26 janvier 2020 à 1h59, l'huissier a relevé qu''en approche du 40-46 de la rue, je constate devant la porte d'accès aux locaux du numéro 46 de la rue, loués par la société Le Phoenix (précédemment constaté par acte de mon ministère en date du 16 novembre 2019), trois véhicules arrêtés en file indienne, desquels sortent plusieurs personnes en tenue de soirée. (...) A 2h10, je constate dans la rue la présence d'un groupe de six personnes, hommes et femmes, habillées en tenue de soirée (robe à paillette, costume, etc.), qui entre dans les locaux du [Adresse 9]. (...)'.

Les activités de salle de concert et de vente de boissons alcoolisées sont incompatibles avec la destination de bureaux et méconnaissent les stipulations précitées du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble et des lots de la société Foncière Vog. Elles contreviennent par conséquent à l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965.

Il convient donc d'ordonner à la société Le Phoenix de cesser d'exercer dans les lots 61, 71 et 81 toute autre activité que celle de 'bureaux' autorisée par le règlement de copropriété, et par voie de conséquence, de mettre sans délai un terme à ses activités de salle de concert et de vente de boissons alcoolisées.

La poursuite de ces activités en dépit des réclamations des occupants de l'immeuble et du syndicat des copropriétaires caractérise, de la part de la société Le Phoenix, une inertie qui justifie le prononcé d'une astreinte de 5.000 euros par infraction constatée par huissier de justice après la signification de la présente décision.

Il est de principe que l'astreinte est une mesure à caractère personnel qui ne peut concerner que le seul débiteur de l'obligation à laquelle elle est attachée. Par conséquent, la demande de prononcé d'une astreinte in solidum à l'égard de la société Foncière Vog sera rejetée.

Il n'apparaît pas justifié de réserver au tribunal la liquidation de l'astreinte. Cette demande sera donc rejetée. »

Dès lors, pour ces motifs pertinents et circonstanciés que la cour adopte, le jugement sera confirmé en ce qu'il a ordonné à la société Le Phoenix de cesser d'exercer dans des lots 61, 71 et 81 toute activité autre que celle de 'bureaux' autorisée par le règlement de copropriété, et, par voie de conséquence, lui a enjoint de mettre sans délai un terme à ses activités de salle de concert et de vente de boissons alcoolisées, et ce sous astreinte de 5 000 euros par infraction constatée par huissier de justice après la signification du jugement.

Sur les demandes de condamnation de la société Foncière Vog et de la société Le Phoenix au paiement de dommages et intérêts

Le syndicat des copropriétaires, M. et Mme [M], M. [U] et M. [E] exposent que l'activité de discothèque exercée par la société Le Phoenix tous les vendredis, samedis et dimanches pendant douze mois constitue, par les nuisances notamment sonores qu'elle engendre, un trouble anormal de voisinage au sens des articles 544 et 651 du code civil. Ils font valoir que le rapport de l'acousticien produit par la société Le Phoenix démontre que les basses fréquences sont clairement audibles dans les immeubles voisins et que les mesures sur le système de sonorisation de la salle de réception révèlent des dépassements des émergences maximales admissibles.

Au soutien de leur demande de condamnation in solidum de la société Foncière Vog, ils font valoir qu'elle a consenti un bail autorisant dans les lieux une activité interdite par le règlement de copropriété et n'a rien entrepris pour faire cesser les nuisances en dépit de leurs demandes.

Ils allèguent que le bail produit par la société Foncière Vog est suspect car la société Le Phoenix n'avait pas encore été constituée à la date du 28 mars 2019 à laquelle le bail est censé avoir été conclu. Ils affirment qu'il existe une collusion entre la société Foncière Vog et la société Le Phoenix pour contraindre les copropriétaires à vendre leurs lots à la société Foncière Vog afin de lui permettre de réaliser une opération immobilière.

La société Foncière Vog s'oppose à la demande indemnitaire formée à son encontre au motif qu'elle n'a personnellement manqué à aucune obligation du règlement de copropriété. Elle soutient qu'aux termes d'un acte sous seing privé du 28 mars 2019 dénommé 'bail précaire de 35 mois', elle a donné en location ses lots à la société Le Phoenix pour une durée de 35 mois à compter du 1er avril 2019, en l'autorisant à exercer dans les lieux uniquement l'activité de 'séminaires, congrès conférences, bureaux'. Elle explique désormais qu'un premier bail avait été signé pour les mêmes locaux par une société Top Ambassade mais qu'il s'est avéré après vérification que la destination envisagée ne pouvait être retenue compte tenu du règlement de copropriété.

La société Le Phoenix s'oppose également à la demande des copropriétaires et du syndicat. Elle soutient que les demandeurs ne rapportent pas la preuve des nuisances sonores dont ils font état. Elle explique avoir fait poser un limiteur de son dans les locaux et allègue qu'il n'est pas démontré que les locaux seraient inadaptés en termes d'isolation phonique. En outre, elle conteste l'existence du préjudice invoqué par les demandeurs.

Elle allègue par ailleurs que son contrat de bail l'autorise à organiser dans les lieux des manifestations festives, et ce sans préciser que ces évènements devraient revêtir un caractère accessoire, et qu'en tout état de cause elle a circonscrit ces évènements à la fin de semaine.

Aux termes de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, chaque copropriétaire dispose des parties privatives comprises dans son lot. Il en use et en jouit librement sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires ni à la destination de l'immeuble ;

En application de l'article 544 du code de procédure civile, le dommage causé à un voisin qui excède les inconvénients normaux du voisinage oblige l'auteur du trouble à le réparer, quand bien même aucune faute ne pourrait être reprochée à celui qui le cause.

Le tribunal a justement relevé les éléments suivants :

«En l'espèce, il résulte des différentes pièces susvisées que la société Le Phoenix exploite trois nuits par semaine, depuis le mois d'avril 2019, des activités de salle de concert et de vente de boissons alcoolisées dans un local qu'elle sait inadapté puisque dédié à l'usage de bureaux. A cet égard, il ne peut être reproché aux demandeurs d'avoir refusé la réalisation, dans leurs lots, d'une étude acoustique dont l'objet était de permettre l'exercice d'activités interdites par le règlement de copropriété.

Ces activités ont généré d'importantes nuisances sonores compte tenu de leur caractère nocturne.

Ainsi, les demandeurs versent aux débats les SMS que Mme [R] [M] a été contrainte d'échanger à plusieurs reprises courant 2019 avec gérant de la société Foncière Vog, en pleine nuit ou très tôt le matin (3h11, 2h13, 4h13, 6h31), pour se plaindre de la musique diffusée par sa locataire.

L'importance et la récurrence de ces nuisances sont confirmées par les deux attestations que M. [T], occupant d'un logement situé [Adresse 7], a établies. Contrairement à ce qu'affirme la société Le Phoenix, une photocopie de la carte d'identité de l'intéressé est bien jointe à son témoignage.

Dans sa première attestation du 30 septembre 2019, M. [T] déclare que 'ce week-end du vendredi 27 septembre au soir, le samedi 28 et dimanche 29 septembre 2019, j'ai de nouveau subi des nuisances dues à la présence d'une boîte de nuit juste à côté de mon domicile. Cela dure depuis plusieurs mois. J'ai plusieurs fois passé la tête par la fenêtre pour demander aux clients éméchés, bruyants, violents de circuler (...). Ce sont des va et vient incessants à partir de minuit le vendredi, samedi et dimanche jusqu'au petit matin, c'est-à-dire cinq ou six heures du matin. Il est tout simplement impossible de dormir le fenêtre ouverte ou fermée ! Les passagers de voitures, les bagarres, les chants, les entrées et sorties en continu rendent les nuits et week-ends insupportables'.

Dans son second témoignage rédigé le 20 novembre 2019, M. [T] indique que 'le week-end du 9 au 10 novembre 2019 ainsi que le week-end du 16 au 17 novembre 2019, j'ai de nouveau subi des nuisances pendant une bonne partie de la nuit. Ces faits sont toujours commis par la présence d'une boîte de nuit tout près de mon domicile. (...). Le défilé de voitures de personnes alcoolisées, bruyantes quasiment chaque week-end [Adresse 16] (...) entre 2 heures et 6 heures du matin, cela commence à nuire gravement à la tranquillité de la rue. Au risque de me répéter, il est impossible de dormir les week-ends et cela commence à jouer sur notre santé ainsi que notre tranquillité. (...)'.

Les nuisances sonores ont également été constatées par l'huissier de justice lors de son second constat du 26 janvier 2020, à 1h59 : (...). Me tenant dans le pavillon de M. et Mme [M], toutes portes et fenêtres fermées, je constate une musique perceptible par l'oreille. Je me rends dans le salon et la salle d'eau situés au rez-de-chaussée du pavillon, côté mitoyen au 46 de la rue. Je constate une musique encore plus audible. (...). J'arrive devant le numéro 50 de la rue. Un homme m'ouvre et me fait entrer dans son pavillon (.). L'homme me déclare être M. [L] (...). Il me déclare que sa chambre et son salon sont situés à côté des locaux de la société Le Phoenix. M. [L] me déclare que la musique commence vers une heure du matin et se termine vers cinq heures trente du matin, les vendredis, samedis et dimanches de chaque semaine. Il me précise avoir déposé une main courante et écrit à M. le Préfet, dénonçant des nuisances sonores nocturnes venant des locaux voisins'. »

Ces éléments démontrent suffisamment le trouble anormal de voisinage causé par la société Le Phoenix et le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu sa responsabilité.

En ce qui concerne la société Foncière Vog, en application de l'article 544 du code de procédure civile, elle doit répondre même sans faute du préjudice subi par le voisinage, en sa qualité de propriétaire des lieux.

Par ailleurs, il ressort des pièces versées aux débats qu'elle a adressé à la société Le Phoenix une sommation d'avoir à respecter les clauses du contrat le 11 décembre 2019, postérieurement à l'assignation délivrée le 6 décembre 2019 par le syndicat des copropriétaires et les copropriétaires et ne justifie d'aucune démarche auprès de son locataire avant cette date pour faire cesser les nuisances alors qu'il est démontré qu'elle a été informée dès l'origine de celle-ci par Mme [M], agissant en qualité de syndic bénévole de la copropriété et en son nom personnel.

Le tribunal a justement évalué le préjudice causé à chacun des copropriétaires et le jugement doit donc être confirmé en ce qu'il a condamné in solidum la société Le Phoenix et la société Foncière Vog au paiement de la somme de 3 000 euros de dommages et intérêts à chacun soit 12 000 euros en tout.

Sur la demande de garantie de la société Foncière Vog à l'encontre de la société Le Phoenix

La société Foncière Vog demande au tribunal de condamner la société Le Phoenix à la garantir de toutes condamnations prononcées à son encontre, en application de l'article 'charges et conditions' du bail, qui stipule ce qui suit :

'En cas de contestation concernant les modalités de son activité dans les locaux, il devra en faire son affaire personnelle, le BAILLEUR ne pouvant en aucun cas être inquiété du chef de l'activité exercée.

Ainsi, en cas de procédure pour trouble de voisinage ou assimilés, et ce, quel que soit le trouble causé par l'activité du PRENEUR, ce dernier devra garantir et relever indemne le BAILLEUR de toute condamnation éventuelle, sans préjudice de tout autre dommages et intérêts supplémentaires qui pourraient être réclamés par le BAILLEUR'.

La société Le Phoenix invoque la faute du bailleur, soutenant que la société Foncière Vog a signé deux contrats de bail le même jour en raison du fait que la société Le Phoenix n'était pas encore immatriculée, l'un avec la société Top Ambassade avec pour activité «organiser des évènements et soirées» et l'autre avec la société Le Phoenix pour l'activité « séminaires, congrès, conférences, bureaux », les sociétés Top Ambassade et Le Phoenix ayant le même gérant. Elle prétend que la bailleresse est ainsi parvenue à tromper le gérant de la société Le Phoenix en lui faisant signer un deuxième bail qu'elle pensait être identique et qui se substituerait au premier, une fois la société immatriculée.

Il ressort du jugement et des conclusions des parties que les écritures de la société Foncière Vog et de la société Le Phoenix ont été évolutives sur la réalité des différents contrats de bail ayant pu les lier, et ce y compris lors de l'audience devant le tribunal judiciaire de Paris. Il doit être relevé par ailleurs qu'aucune des deux parties ne donne aucune raison valable à la signature le même jour de deux contrats au nom de deux sociétés différentes, quoique dirigées par le même gérant, et portant sur des activités différentes.

Force est de constater que l'huissier diligenté le 16 novembre 2019 s'est fait présenter un contrat signé le 28 mars 2019 entre la société Foncière Vog et la société le Phoenix, prévoyant comme activité «organiser des évènements et soirées, exploiter une piste de danse, location de salle».

En tout état de cause, toutes les versions du bail versées aux débats autorisent le preneur à «organiser dans les locaux des manifestations festives en conformité avec les autorisations administratives qui lui ont été délivrées».

Comme l'a relevé le tribunal, la société Foncière Vog a donc autorisé sa locataire à se livrer à une activité potentiellement génératrice de nuisances sonores et inconciliable en tout état de cause avec la destination de 'bureaux' prévue par le règlement de copropriété, ce qu'elle ne pouvait ignorer en sa qualité de copropriétaire.

Il résulte de ces éléments qu'il n'y a pas lieu d'appliquer la clause de garantie et la société Foncière Vog doit être déboutée de sa demande. Le jugement sera infirmé sur ce point.

Sur la demande de la société Foncière Vog de constat de l'acquisition de la clause résolutoire ou de résiliation judiciaire du bail

La société Foncière Vog fait valoir que la société Le Phoenix a continué à contrevenir aux stipulations du bail malgré la sommation du 11 décembre 2019. À titre subsidiaire, elle demande au tribunal de résilier le bail aux motifs que le preneur n'a pas respecté la destination contractuelle des lieux loués en se livrant à une activité de discothèque.

La société Le Phoenix s'oppose à ces demandes au motif qu'elle n'a pas manqué au règlement de copropriété et n'a pas causé de trouble anormal de voisinage.

Il y a lieu d'adopter les moyens développés par les premiers juges et de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté l'acquisition de la clause résolutoire à la date du 12 janvier 2020, ordonné l'expulsion de la société Le Phoenix et de tous occupants de son chef à défaut de départ volontaire et fixé le montant de l'indemnité d'occupation due par la société Le Phoenix à compter du 12 janvier 2020 au montant du loyer dû en vertu du bail résilié, outre toutes taxes et charges exigibles en vertu dudit bail.

Sur les demandes de la société Foncière Vog de condamnation de la société Le Phoenix au paiement d'une indemnité de 44 028 euros outre les remboursements des taxes et charges et de conservation du dépôt de garantie versé par la société Le Phoenix

La société Foncière Vog sollicite la condamnation de sa locataire à lui payer une indemnité correspondant au terme mensuel de 7.338 euros TTC jusqu'à la relocation des locaux le 25 mai 2020, soit pendant six mois, outre le remboursement des taxes et charges. Elle sollicite également que le dépôt de garantie lui reste acquis.

L'article 'dépôt de garantie' du bail du 28 mars 2019 stipule qu'en cas d'inexécution par le preneur d'une de ses obligations et notamment en cas de mise en 'uvre de la clause résolutoire, le bailleur pourra conserver le dépôt de garantie d'un montant de 36.000 euros, sans préjudice de son droit au paiement des loyers courus ou à courir, y compris le terme commencé au moment de la sortie des lieux, du prix des réparations locatives et sans préjudice de tous autres actions et droits.

C'est à juste titre que les premiers juges ont retenu que cette stipulation s'analyse en une clause pénale, soumise par conséquent au pouvoir modérateur du juge en vertu de l'article 1231-5 du code civil.

Or le paiement de six mois de loyers et d'une pénalité de 36 000 euros apparaît manifestement excessive compte tenu du comportement fautif de la société bailleresse.

Le montant de cette pénalité, comportant à la fois les loyers dus et le dépôt de garantie, doit être réduit à la somme de 1 euro. Le jugement doit être confirmé sur ce point.

Sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile

Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens et l'application qui y a été équitablement faite de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Foncière Vog, partie perdante, doit être condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires et aux copropriétaires, ensemble, la somme supplémentaire de 4 000 euros et à la société Le Phoenix la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter la demande par application de l'article 700 du code de procédure civile formulée par la société Foncière Vog.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant par mise à disposition au greffe, contradictoirement,

Confirme le jugement en ses dispositions frappées d'appel, sauf en ce qu'il a condamné la société Le Phoenix à garantir et relever indemne la société Foncière Vog de toutes les condamnations prononcées à son encontre aux termes du présent jugement,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déboute la société Foncière Vog de sa demande de condamnation de la société Le Phoenix à la garantir de toutes les condamnations prononcées contre elle ;

Condamne la société Foncière Vog aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires et à M. [P] [M], Mme [R] [M], M. [O] [U] et M. [B] [E], ensemble, la somme supplémentaire de 4 000 euros et à la société Le Phoenix la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du même code en cause d'appel ;

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE P/ LE PRESIDENT EMPECHE