Décisions
CA Chambéry, 2e ch., 24 octobre 2024, n° 22/01624
CHAMBÉRY
Autre
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COUR D'APPEL de CHAMBÉRY
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 24 Octobre 2024
N° RG 22/01624 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HCV3
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 07 Avril 2022, RG 16/01224
Appelante
Mme [I] [F]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 9] - COREE DU SUD, demeurant [Adresse 4]
Représentée par la SELARL CABINET PASCAL SOUDAN CONSEIL, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimés
M. [N] [P]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6], demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me Margot CAVAGNA-CRESTANI, avocat au barreau de CHAMBERY
S.A.S. FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA - intervenante volontaire - ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION, dont le siège social est [Adresse 5] et représenté par la société MCS ET ASSOCIES, ayant son siège social [Adresse 3], venant aux droits de la SOCIETE GENERALE SA
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY
S.A. SOCIETE GENERALE, dont le siège social est sis [Adresse 8]
sans avocat constitué
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COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 25 juin 2024 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
- Madame Elsa LAVERGNE, Conseillère, Secrétaire Générale,
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EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [I] [F] et son mari, M. [N] [P], ont accepté le 30 avril 2010, une offre de prêt immobilier émise par la SA Société Générale le 16 avril 2010 pour un montant de 21 590 euros, remboursables en 132 mensualités. Ce prêt était destiné à financer des travaux dans un bien immobilier appartenant à une SCI dont ils étaient les associés et qui constituait le domicile conjugal.
Le 29 octobre 2014, Mme [I] [F] a déposé une requête en divorce. A compter du 7 avril 2015, les échéances du prêt n'ont plus été honorées. Un nouvel échéancier a été accordé sans être davantage respecté.
Par acte d'huissier du 4 juillet 2016, la SA Société Générale a fait assigner en paiement M. [N] [P] et Mme [I] [F] devant le tribunal de grande instance de Chambéry.
La SA Société Générale a ensuite cédé la créance détenue contre M. [N] [P] et Mme [I] [F] au Fonds commun de titrisation Castanéa lequel est intervenu à l'audience aux droits de la SA Société Générale.
Par jugement contradictoire du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry a :
- constaté l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa,
- débouté M. [N] [P] de sa demande tendant à la nullité du contrat conclu le 30 avril 2010,
- dit que le litige est régi par le code de la consommation dans sa version en vigueur au moment de la conclusion du contrat,
- dit que les dispositions du code de la consommation ont été respectées par la SA Société Générale, notamment son devoir de conseil,
- débouté Mme [I] [F] de sa demande tendant à l'engagement de la responsabilité de la SA Société Générale et de M. [N] [P],
- condamné Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa :
- 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 euros à compter du 12 mai 2016 au titre du contrat de prêt,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- débouté Mme [I] [F] de sa demande de délais de paiement,
- débouté le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande de capitalisation des intérêts,
- condamné in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [I] [F] et M. [N] [P] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] aux dépens de l'instance,
- accordé à maître Gaudin le bénéfices des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Par jugement rectificatif en date du 30 juin 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry a remplacé le paragraphe : 'condamne Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion représentée par la SAS MCS et associés les sommes de :
- 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 euros à compter du 12 mai 2016 au titre du contrat de prêt conclu le 30 avril 2010,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement',
par le paragraphe : 'condamne Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion représentée par la SAS MCS et associés les sommes de :
- 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 % à compter du 12 mai 2016 au titre du contrat de prêt conclu le 30 avril 2010,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
Par déclaration du 8 septembre 2022 Mme [I] [F] a interjeté appel de la décision. Son appel était dirigé contre la SA Société Générale et contre M. [N] [P].
Dans la mesure où l'appel n'a pas été dirigé contre le Fonds commun de titrisation Castanéa qui intervient aux droits de la SA Société Générale, celui-ci est intervenu volontairement en appel par acte du 29 mars 2023.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [I] [F] demande à la cour de :
- déclarer recevable et dans tous les cas bien fondé son appel interjeté,
- réformer ledit jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence, statuant à nouveau,
- déclarer le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droit de la SA Société Générale irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et y faire droit,
A titre principal,
- dire et juger que la SA Société Générale a commis une faute dans l'exécution du contrat du 16 avril 2010 signé le 30 avril 2020,
- déclarer le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale responsable du préjudice subi par elle,
En conséquence,
- condamner le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale à lui verser des dommages et intérêts équivalents à l'intégralité des sommes qu'il requiert, en réparation du préjudice subi,
- ordonner la compensation entre les sommes,
Vu l'article 1240 du Code civil,
- dire et juger que M. [N] [P] a commis une faute lui causant un dommage et justifiant l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi,
En conséquence,
- condamner M. [N] [P] à lui verser des dommages et intérêts équivalents à l'intégralité des sommes requises par Fonds commun de titrisation Castanéa,
A titre subsidiaire, si elle devait être condamnée au paiement d'une somme d'argent à l'encontre du Fonds commun de titrisation Castanéa,
- dire et juger qu'elle bénéficiera d'un échelonnement pour son règlement sur deux années,
Dans tous les cas,
- débouter M. [N] [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter le Fonds commun de titrisation Castanéa de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [N] [P] à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais de l'article 700 du code de procédure civile et dépens, qui viendraient à être prononcées contre elle à la demande du Fonds commun de titrisation Castanéa, - condamner solidairement à défaut in solidum Fonds commun de titrisation Castanéa et M. [N] [P] à lui payer la somme de 2500 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement à défaut in solidum Fonds commun de titrisation Castanéa et M. [N] [P] aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la Selarl Cabinet Pascal Soudan Conseil, pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 5 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [N] [P] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- a constaté l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa,
- l'a débouté de sa demande tendant au prononcé de la nullité du contrat conclu le 30 avril 2010,
- a débouté Mme [I] [F] de sa demande tendant à ce que sa responsabilité soit engagée,
- a condamné Mme [I] [F] à payer Fonds commun de titrisation Castanéa les sommes de 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 euros, à compter du 12 mai 2016, au titre du contrat de prêt conclu le 30 avril 2010 et de 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- a débouté Mme [I] [F] de sa demande de délais de paiement,
- a débouté le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
- a dit que les dispositions du code de la consommation ont été respectées et notamment le devoir de conseil de la SA Société Générale,
- a débouté Mme [I] [F] de sa demande tendant à ce que la responsabilité de la SA Société Générale soit engagée,
- l'a condamné in solidum avec Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a débouté ainsi que Mme [I] [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamné in solidum avec Mme [I] [F] aux entiers dépens de l'instance, En conséquence, statuant de nouveau,
A titre principal :
- juger que sa dette à l'égard de la SA Société Générale a été effacée,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a condamné que Mme [I] [F] à payer des sommes à la SA Société Générale au titre du prêt du 30 avril 2010,
- débouter Mme [I] [F] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
- condamner Mme [I] [F] à lui payer une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance d'appel,
A titre subsidiaire (si la cour jugeait que sa dette n'est pas effacée):
- juger, que la SA Société Générale n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation,
En conséquence,
- juger que le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale est déchu de son droit aux intérêts,
- juger que les paiements intervenus s'imputeront sur le capital,
- juger que la SA Société Générale n'a pas respecté son obligation de mise en garde,
En conséquence,
- juger que la SA Société Générale a perdu son droit de percevoir les intérêts contractuels,
- juger que les sommes dues se cantonnent au montant du capital du prêt,
- juger que la SA Société Générale lui a causé un préjudice en ne respectant pas son obligation de mise en garde,
- condamner le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale à lui payer une somme de 13 972,52 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation entre les sommes dues par lui et celles due par le Fonds commun de titrisation Castanéa,
- débouter Mme [I] [F] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire (si la cour le condamne au paiement d'une somme quelconque) :
- juger que sa situation financière demeure précaire,
En conséquence,
- lui octroyer un différé de paiement de deux ans pour s'acquitter des sommes dues,
- à tout le moins, lui octroyer un délai de paiement de deux ans,
- débouter Mme [I] [F] et le Fonds commun de titrisation Castanéa de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 31 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le Fonds commun de titrisation Castanéa demande à la cour de :
Sur l'appel principal de Mme [I] [F]
- confirmer le jugement rendu a débouté Mme [I] [F] de ses demandes formées au titre de la responsabilité de la SA Société Générale, créancier cédant,
- juger que Mme [I] [F] ne démontre pas l'existence d'une faute imputable à la SA Société Générale, créancier cédant,
- débouter Mme [I] [F] de sa demande de le voir déclarer responsable de son préjudice,
- juger que la SA Société Générale aux droits de laquelle il vient n'est l'auteur d'aucune faute qui aurait pu engendrer une perte de chance pour Mme [I] [F] ou un gain manqué,
- débouter Mme [I] [F] de sa demande de condamnation à lui payer des dommages et intérêts,
- débouter Mme [I] [F] de sa demande d'ordonner la compensation entre le montant
de sa dette et les dommages et intérêts non chiffrés qu'elle réclame,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [I] [F] de sa demande de report ou de délai de paiement faute de démontrer que les conditions prescrites par l'article 1343-5 du code civil sont remplies,
Puis,
- déclarer recevable et bien fondé son appel incident,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de Mme [I] [F] de la somme totale de 16 483, 40 euros,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,
Et statuant à nouveau sur ces chefs,
- condamner Mme [I] [F] à lui payer en exécution du prêt consenti, la somme totale de 19 943,13 euros,
- condamner Mme [I] [F] à lui payer les intérêts des intérêts échus pour une année entière en application de l'article 1154 du Code Civil et ce, à compter de l'assignation qui en a formé la demande le 4 juillet 2016.
À titre très subsidiaire,
- juger que le délai de paiement accordé à Mme [I] [F] prendra la forme d'un échelonnement du paiement de la dette,
- juger que le défaut de paiement d'une seule échéance entraînera la déchéance du bénéfice de l'échelonnement de paiement accordé sur le fondement de l'article 1343-5 du Code civil et l'exigibilité immédiate de la dette restant due,
Sur l'appel incident de M. [N] [P],
- confirmer le jugement déféré,
- juger que l'offre de prêt signée porte sur un prêt ayant pour objet des travaux immobiliers au sens de l'article L. 312-2 1° c) du code de la consommation alors applicable en avril 2010,
- juger que cette offre de prêt respecte les conditions de l'ancien article L. 312-8 du code de la
consommation, applicable en avril 2010,
- juger que par leur acceptation de l'offre de prêt, le contrat de prêt a été valablement formé et respecté par chacune des parties jusqu'à l'arrêt du paiement des échéances,
- juger que M. [N] [P] n'était pas un emprunteur profane,
- débouter M. [N] [P] de sa demande de déchéance du droit aux intérêts,
- débouter M. [N] [P] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouter M. [N] [P] de sa demande de compensation judiciaire,
- déclarer irrecevable M. [N] [P] en sa demande de dommages et intérêts formulée contre la SA Société Générale en ce que cette dernière n'est plus créancière,
En tout état de cause,
- condamner in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] à lui payer en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros.
- condamner in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Laëtitia Gaudin de la SCP Cabinet Denarie Buttin Perrier Gaudin, avocat, sur son affirmation de droit et en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel a été signifiée à la SA Société Générale le 18 novembre 2022 par acte délivré à personne habilitée. Les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées par acte délivré à personne habilitée le 6 janvier 2023. La SA Société Générale n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa en appel
L'article 325 du code de procédure civile dispose que 'l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.
L'article 327 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que : 'l'intervention en première instance ou en cause d'appel est volontaire ou forcée'.
L'article 329 du code de procédure civile ajoute que : 'l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention'.
En l'espèce, alors que le Fonds commun de titrisation Castanéa était valablement intervenu volontairement en première instance aux droit de la SA Société Générale laquelle lui a cédé sa créance, Mme [I] [F] a interjeté appel uniquement contre M. [N] [P] et contre la SA Société Générale. Partie principale en première instance, le Fonds commun de titrisation Castanéa a naturellement le droit d'agir s'agissant des prétentions qu'il entend soulever en appel. Par conséquent, son intervention volontaire à hauteur d'appel sera déclarée recevable.
2. Sur l'extinction de la dette à l'égard de M. [N] [P] au titre du prêt du 30 avril 2010
M. [N] [P] justifie (pièce n°2) avoir été déclaré recevable en sa procédure de surendettement laquelle a abouti à une décision, rendue le 19 mars 2019, de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cette décision conduit à l'effacement des dettes déclarées, dont fait partie celle issue du prêt litigieux conformément aux dispositions de l'article L. 741-2 du code de la consommation.
Il convient en conséquence de constater que la créance, aujourd'hui détenue par le Fonds commun de titrisation Castanéa, issue du prêt en date du 30 avril 2010, est éteinte à l'endroit de M. [N] [P]. Au demeurant, le Fonds commun de titrisation Castanéa ne formait aucune demande de condamnation en paiement contre lui.
3. Sur la demande en paiement contre Mme [I] [F]
Le Fonds commun de titrisation Castanéa sollicite la condamnation de Mme [I] [F] à lui payer une somme totale de 19 943,13 euros, outre capitalisation des intérêts au titre de l'exécution du prêt litigieux. Il ne développe pas, autrement que par renvoi à sa pièce n°25, le décompte de ces sommes. Mme [I] [F] se contente pour sa part de solliciter des délais de paiement ainsi qu'une compensation de sa dette avec la condamnation à lui verser des dommages et intérêts qu'elle souhaite obtenir de la part du Fonds commun de titrisation Castanéa. Elle demande encore, sans le motiver davantage, le débouté du fonds commun en toutes ses demandes.
Sur ce :
La cour observe que Mme [I] [F] ne conteste ni l'existence du prêt, ni les impayés ayant conduit à la déchéance du terme.
Aux termes d'un tableau de décompte produit par le Fonds commun de titrisation Castanéa (pièce n°24), au moment de la déchéance du terme, le montant total des échéances échues impayées duquel est déduit les paiements partiels intervenus en août, octobre, novembre et décembre 2015 s'élevait à la somme de 1 650,44 euros [2 940,47 euros (13 x 226,19) - 1 290,03]. Le capital restant dû était pour sa part égal à la somme de 12 248,58 euros, soit un total en principal de 13 899,02 euros. Or dans sa demande devant la cour, le Fonds commun de titrisation Castanéa inclut dans son calcul, outre la somme de 3 470,05 euros au titre des intérêts, celles de 1 500 euros au titre de 'article 700", de 143,16 euros au titre des frais de signification du jugement et de 857,40 euros au titre de la clause pénale.
Il convient d'écarter du calcul de la dette le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des frais de signification du jugement qui ne font pas partie de la créance issue du prêt. Quant à la somme de 3 470 euros au titre des intérêts, elle se trouve calculée sur le montant du principal retenu par le premier juge et doit être également écartée du calcul principal, la cour étant sollicitée à nouveau pour se prononcer sur le montant et pouvant assortir, par ailleurs, une éventuelle condamnation d'intérêts à partir des périodes et au taux qu'elle définira.
Il résulte de ce qui précède que Mme [I] [F] est redevable d'une somme de 12 248,58 euros au titre du capital restant dû, de 1 650,44 euros au titre des échéances échues impayées et de 857,40 euros au titre de la clause pénale.
Par conséquent elle sera condamnée à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa les sommes de :
- 13 899,02 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61% à compter du 12 mai 2016 date de la mise en demeure au moment de la déchéance du terme,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2022, date du jugement déféré,
soit un total de 14 756,42 euros
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point, sauf à porter le montant de la somme due au titre des impayés et du capital restant dû à 13 899,02 euros.
4. Sur la demande d'anatocisme
L'article 1154 ancien du code civil, applicable au présent litige, dispose que, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
L'article L. 312-23 du code de la consommation concernant les prêt immobiliers, dans sa rédaction applicable au contrat, prévoit qu'aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles.
Or ces textes, dans leurs versions applicables au présent litige ne visent pas la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 ancien du Code civil.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande au titre de l'anatocisme.
5. Sur les demandes d'indemnisation et de garantie présentée par Mme [I] [F] contre M. [N] [P]
Mme [I] [F] prétend que M. [N] [P] aurait eu à son encontre un comportement fautif en :
- ne prenant pas à sa charge le prêt après le prononcé de l'ordonnance de non conciliation ;
- ne faisant aucune démarche auprès de la vente du bien immobilier et de la perception du prix afin de rembourser la banque ;
- en ne lui transmettant pas les avis de passage concernant les lettres de la banque,
- en lui dissimulant des informations essentielles à la résolution du litige avec la banque.
Elle dit encore que M. [N] [P] n'a pas respecté son engagement d'apurer les dettes incluant le prêt litigieux. A ce sujet elle fait état d'un accord sous seings privés du mois de mars 2016 et des résolutions prises lors de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI en juin 2016. Elle prétend qu'elle n'aurait pas accepté de donner quitus pour la gestion à M. [N] [P] si elle avait eu connaissance des lettres de la banque concernant le prêt. Elle dit que, quand bien même l'ordonnance de non conciliation ne mettait pas à la charge de M. [N] [P] le remboursement du prêt, les circonstances démontrent qu'il était chargé d'apurer le passif du couple.
M. [N] [P] expose pour sa part que Mme [I] [F] n'apporte aucun élément objectif de nature à soutenir ses allégations et ne démontre ni l'existence d'une faute, ni l'existence d'une intention malveillante. Il sollicite de la cour qu'elle confirme le raisonnement tenu par le tribunal.
Sur ce :
La cour constate qu'à hauteur d'appel Mme [I] [F] reconnaît ce que le tribunal avait noté : l'ordonnance de non conciliation ne met pas à la charge de M. [N] [P] le remboursement du prêt litigieux (pièce appelant n°4).
En ce qui concerne l'acte sous seings privé du 29 mars 2016 (pièce appelante n°7), la cour observe qu'il ne concerne pas le remboursement du prêt litigieux : il s'agit d'un accord entre les associés de la SCI Des Ecoles sur l'utilisation des fonds provenant de la vente d'un bien immobilier prévoyant le remboursement du prêt immobilier contracté par la SCI pour l'achat du bien (160 000 euros), l'attribution de 12 000 à M. [N] [P], de 12 000 euros à Mme [I] [F] et du solde à la troisième associée. M. [N] [P] s'engageait par ailleurs à supporter les frais de dissolution de la société et à faire donation de 2 000 euros à son épouse.
Pour le reste des reproches adressés à M. [N] [P] force est de constater qu'il ne s'agit que d'allégations non démontrées, notamment s'agissant de rétention fautive de courrier ou de dissimulation d'informations essentielles. Par ailleurs, le fait de ne pas honorer lui-même les remboursements du prêt après la vente ne peut pas s'analyser en faute volontaire et dommageable à l'encontre de Mme [I] [F], co-obligée à la dette. Seule la banque se trouve ainsi victime d'une faute contractuelle de la part de l'intéressé.
C'est donc par des motifs pertinents et par une exacte analyse du dossier que le tribunal a débouté Mme [I] [F] de sa demande de dommages et intérêts contre M. [N] [P]. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Mme [I] [F] sera en outre, et pour les mêmes motifs tirés de l'absence de faute démontrée de M. [N] [P] à son encontre, déboutée de sa demande tendant à être relevée et garantie par lui des condamnations prononcées contre elle.
6. Sur la demande d'indemnisation présentée par Mme [I] [F] contre le Fonds commun de titrisation Castanéa
Mme [I] [F] expose que la banque engage sa responsabilité contractuelle en cas de mauvaise exécution de ses obligations nées du prêt. Elle expose que la SA Société Générale avait pris une garantie, en l'occurrence une promesse d'hypothèque sur le bien immobilier. Elle lui reproche de ne pas avoir demandé l'exécution de cette promesse après les incidents de paiement de 2015 et alors qu'elle était informée d'une vente à venir du bien immobilier concerné. Elle ajoute que la banque a manqué à son devoir de conseil à raison du fait que l'hypothèque ne peut être consentie que par le propriétaire du bien et donc du peu de sérieux du montage proposé. Elle dit qu'elle n'avait pas compris que l'hypothèque n'était pas immédiatement prise. Elle dit encore que ce défaut de conseil démontre la mauvaise exécution du contrat par la banque.
La cour relève que la promesse d'hypothèque litigieuse n'est, selon les termes du contrat de prêt, que l'engagement des emprunteurs à, sur simple réquisitions écrites de la banque, passer un acte notarié aux termes duquel il lui est conféré une hypothèque en garantie de remboursement. Dès lors la banque ne s'est nullement engagée à requérir la mise en place de la garantie. Par conséquent, le fait de ne l'avoir pas effectué ne saurait être constitutif d'une faute quand bien même la banque aurait été informée d'une vente prochaine du bien. En outre, le bien objet de l'hypothèque n'était pas la propriété de Mme [I] [F] et de M. [N] [P] mais de la SCI Des Ecoles, laquelle comptait 3 associés, de sorte que seule la personne morale pouvait en réalité valablement s'engager à promettre une prise d'hypothèque, comme Mme [I] [F] le reconnaît d'ailleurs elle-même dans ses écritures. Il convient encore de noter que la prise d'une hypothèque n'a pas pour vocation première de protéger l'emprunteur mais plutôt de protéger le prêteur contre les risques d'impayés. L'obligation principale d'un emprunteur consiste en effet à rembourser les échéances aux termes prévus et au montant convenu. Dès lors, si la promesse d'hypothèque souffrait d'une difficulté d'exécution comme non consentie par le propriétaire du bien, cela ne pouvait que nuire à la banque et non à Mme [I] [F]. La cour relève également, qu'à la suite de la vente et de la répartition du prix, c'est par choix délibéré des intéressés et donc de Mme [I] [F], qu'aucune somme n'a été affectée au paiement du crédit litigieux alors que cela aurait permis d'éteindre la dette. Ainsi en se plaignant d'une faute dans l'exécution du contrat, Mme [I] [F] inverse le sens des responsabilités.
Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté Mme [I] [F] de sa demande de dommages et intérêts contre le Fonds commun de titrisation Castanéa. Par conséquent, la demande de compensation formée par Mme [I] [F] devient sans objet.
7. Sur la demande en délai de paiement formée par Mme [I] [F]
Mme [I] [F] expose qu'elle est une débitrice malheureuse et de bonne foi notamment en ce qu'elle a été victime de difficultés du fait de circonstances indépendantes de sa volonté qui ne lui ont pas permis de se libérer immédiatement. Elle vise le caractère modeste de ses revenus et dit qu'elle a tout mis en oeuvre pour se libérer effectivement. Elle dit se trouver actuellement au bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité pour un montant de 16,89 euros par jour, ayant épuisé ses droits au chômage. Elle perçoit en outre une allocation mensuelle de la CAF de 131 euros, élevant seule et sans pension ses deux enfants mineurs.
Sur ce :
L'article 1244-1 ancien du code civil, applicable au présent litige dispose que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
La cour rappelle que Mme [I] [F] a décidé en conscience et avec les autres associés de la SCI Des Ecoles de ne pas affecter une partie du prix de vente de l'immeuble au remboursement du prêt litigieux. Elle a également choisi de ne pas se servir des 12 000 euros reçus à ce titre au remboursement du prêt litigieux. Elle ne peut donc pas soutenir efficacement qu'elle est une débitrice malheureuse.
Par ailleurs, selon ses propres déclarations Mme [I] [F] ne perçoit qu'une somme d'environ 637 euros par mois comprenant une allocation spécifique de solidarité et une allocation de la CAF. Or au regard de ce qui a été jugé ci-dessus elle est redevable d'une somme totale de 14 756,42 euros, hors intérêts, ce qui l'obligerait, en cas d'échéancier sur deux années à régler une somme de plus de 614 euros par mois. Mme [I] [F] n'est donc pas en mesure de supporter un plan sur 24 mois. De la même manière, un moratoire serait illusoire dans la mesure où Mme [I] [F] ne démontre pas en quoi elle serait susceptible de pouvoir payer l'intégralité des sommes dues dans deux ans.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] [F] de sa demande de délai de grâce.
8. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [I] [F] qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de maître Laetitia Gaudin, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera, dans le même temps, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
Aucune considération d'équité ne permet de faire supporter par Mme [I] [F] tout ou partie des frais irrépétibles exposés par M. [N] [P] et par le Fonds commun de titrisation Castanéa. Ils seront donc déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile contre elle.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,
Dit recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa en appel,
Constate que la créance issue du prêt en date du 30 avril 2010 est éteinte à l'endroit de M. [N] [P] par l'effet d'une décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il :
- a fixé la somme due par Mme [I] [F] au titre des échéances échues et du capital restant dû à 13 972,52 euros,
- a condamné in solidum M. [N] [P] et Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum M. [N] [P] et Mme [I] [F] aux dépens de l'instance
Réformant et statuant à nouveau sur ces points :
Fixe à la somme de 13 899,02 euros la somme due par Mme [I] [F] au titre des échéances échues et du capital restant dû,
Condamne Mme [I] [F] aux dépens de première instance, maître Laetitia Gaudin étant autorisée à recouvrer directement contre elle ceux dont elle a faut l'avance sans avoir reçu provision,
Déboute le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
Y ajoutant,
Dit sans objet la demande de compensation formée par Mme [I] [F],
Déboute Mme [I] [F] de sa demande tendant à être relevée et garantie par M. [N] [P] des condamnations prononcées contre elle,
Condamne Mme [I] [F] aux dépens d'appel, maître Laetitia Gaudin étant autorisée à recouvrer directement contre elle ceux dont elle a faut l'avance sans avoir reçu provision,
Déboute Mme [I] [F], M. [N] [P] et le Fonds commun de titrisation Castanéa de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
Ainsi prononcé publiquement le 24 octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente
Copies le 24/10/2024
SCP Cabinet PASCAL SOUDAN
Me Margot CAVAGNA CRESTANI
+ grosse
SCP Cabinet DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
+ grosse
2ème Chambre
Arrêt du Jeudi 24 Octobre 2024
N° RG 22/01624 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HCV3
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de CHAMBERY en date du 07 Avril 2022, RG 16/01224
Appelante
Mme [I] [F]
née le [Date naissance 1] 1973 à [Localité 9] - COREE DU SUD, demeurant [Adresse 4]
Représentée par la SELARL CABINET PASCAL SOUDAN CONSEIL, avocat au barreau de CHAMBERY
Intimés
M. [N] [P]
né le [Date naissance 2] 1973 à [Localité 6], demeurant [Adresse 7]
Représenté par Me Margot CAVAGNA-CRESTANI, avocat au barreau de CHAMBERY
S.A.S. FONDS COMMUN DE TITRISATION CASTANEA - intervenante volontaire - ayant pour société de gestion, la société EQUITIS GESTION, dont le siège social est [Adresse 5] et représenté par la société MCS ET ASSOCIES, ayant son siège social [Adresse 3], venant aux droits de la SOCIETE GENERALE SA
Représentée par la SCP CABINET DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN, avocat au barreau de CHAMBERY
S.A. SOCIETE GENERALE, dont le siège social est sis [Adresse 8]
sans avocat constitué
-=-=-=-=-=-=-=-=-
COMPOSITION DE LA COUR :
Lors de l'audience publique des débats, tenue en double rapporteur, sans opposition des avocats, le 25 juin 2024 par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, à ces fins désignée par ordonnance de Madame la Première Présidente, qui a entendu les plaidoiries, en présence de Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller, avec l'assistance de Madame Sylvie DURAND, Greffière présente à l'appel des causes et dépôt des dossiers et de fixation de la date du délibéré,
Et lors du délibéré, par :
- Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente, qui a rendu compte des plaidoiries
- Monsieur Fabrice GAUVIN, Conseiller,
- Madame Elsa LAVERGNE, Conseillère, Secrétaire Générale,
-=-=-=-=-=-=-=-=-=-
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [I] [F] et son mari, M. [N] [P], ont accepté le 30 avril 2010, une offre de prêt immobilier émise par la SA Société Générale le 16 avril 2010 pour un montant de 21 590 euros, remboursables en 132 mensualités. Ce prêt était destiné à financer des travaux dans un bien immobilier appartenant à une SCI dont ils étaient les associés et qui constituait le domicile conjugal.
Le 29 octobre 2014, Mme [I] [F] a déposé une requête en divorce. A compter du 7 avril 2015, les échéances du prêt n'ont plus été honorées. Un nouvel échéancier a été accordé sans être davantage respecté.
Par acte d'huissier du 4 juillet 2016, la SA Société Générale a fait assigner en paiement M. [N] [P] et Mme [I] [F] devant le tribunal de grande instance de Chambéry.
La SA Société Générale a ensuite cédé la créance détenue contre M. [N] [P] et Mme [I] [F] au Fonds commun de titrisation Castanéa lequel est intervenu à l'audience aux droits de la SA Société Générale.
Par jugement contradictoire du 7 avril 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry a :
- constaté l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa,
- débouté M. [N] [P] de sa demande tendant à la nullité du contrat conclu le 30 avril 2010,
- dit que le litige est régi par le code de la consommation dans sa version en vigueur au moment de la conclusion du contrat,
- dit que les dispositions du code de la consommation ont été respectées par la SA Société Générale, notamment son devoir de conseil,
- débouté Mme [I] [F] de sa demande tendant à l'engagement de la responsabilité de la SA Société Générale et de M. [N] [P],
- condamné Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa :
- 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 euros à compter du 12 mai 2016 au titre du contrat de prêt,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
- débouté Mme [I] [F] de sa demande de délais de paiement,
- débouté le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande de capitalisation des intérêts,
- condamné in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- débouté Mme [I] [F] et M. [N] [P] de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] aux dépens de l'instance,
- accordé à maître Gaudin le bénéfices des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,
- ordonné l'exécution provisoire,
- rejeté toutes demandes plus amples ou contraires formées par les parties.
Par jugement rectificatif en date du 30 juin 2022, le tribunal judiciaire de Chambéry a remplacé le paragraphe : 'condamne Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion représentée par la SAS MCS et associés les sommes de :
- 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 euros à compter du 12 mai 2016 au titre du contrat de prêt conclu le 30 avril 2010,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement',
par le paragraphe : 'condamne Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa ayant pour société de gestion la SAS Equitis Gestion représentée par la SAS MCS et associés les sommes de :
- 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 % à compter du 12 mai 2016 au titre du contrat de prêt conclu le 30 avril 2010,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification du jugement,
Par déclaration du 8 septembre 2022 Mme [I] [F] a interjeté appel de la décision. Son appel était dirigé contre la SA Société Générale et contre M. [N] [P].
Dans la mesure où l'appel n'a pas été dirigé contre le Fonds commun de titrisation Castanéa qui intervient aux droits de la SA Société Générale, celui-ci est intervenu volontairement en appel par acte du 29 mars 2023.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique le 12 décembre 2022, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, Mme [I] [F] demande à la cour de :
- déclarer recevable et dans tous les cas bien fondé son appel interjeté,
- réformer ledit jugement en toutes ses dispositions,
En conséquence, statuant à nouveau,
- déclarer le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droit de la SA Société Générale irrecevable et mal fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions et l'en débouter,
- la déclarer recevable et bien fondée en toutes ses demandes, fins et conclusions et y faire droit,
A titre principal,
- dire et juger que la SA Société Générale a commis une faute dans l'exécution du contrat du 16 avril 2010 signé le 30 avril 2020,
- déclarer le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale responsable du préjudice subi par elle,
En conséquence,
- condamner le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale à lui verser des dommages et intérêts équivalents à l'intégralité des sommes qu'il requiert, en réparation du préjudice subi,
- ordonner la compensation entre les sommes,
Vu l'article 1240 du Code civil,
- dire et juger que M. [N] [P] a commis une faute lui causant un dommage et justifiant l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi,
En conséquence,
- condamner M. [N] [P] à lui verser des dommages et intérêts équivalents à l'intégralité des sommes requises par Fonds commun de titrisation Castanéa,
A titre subsidiaire, si elle devait être condamnée au paiement d'une somme d'argent à l'encontre du Fonds commun de titrisation Castanéa,
- dire et juger qu'elle bénéficiera d'un échelonnement pour son règlement sur deux années,
Dans tous les cas,
- débouter M. [N] [P] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
- débouter le Fonds commun de titrisation Castanéa de toutes ses demandes, fins et conclusions,
- condamner M. [N] [P] à la relever et garantir de toutes condamnations en principal, intérêts, dommages et intérêts, frais de l'article 700 du code de procédure civile et dépens, qui viendraient à être prononcées contre elle à la demande du Fonds commun de titrisation Castanéa, - condamner solidairement à défaut in solidum Fonds commun de titrisation Castanéa et M. [N] [P] à lui payer la somme de 2500 euros chacun en application de l'article 700 du Code de procédure civile,
- condamner solidairement à défaut in solidum Fonds commun de titrisation Castanéa et M. [N] [P] aux entiers dépens et dire que, conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile, la Selarl Cabinet Pascal Soudan Conseil, pourra recouvrer directement les frais dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 5 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, M. [N] [P] demande à la cour de :
- confirmer le jugement rendu en ce qu'il :
- a constaté l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa,
- l'a débouté de sa demande tendant au prononcé de la nullité du contrat conclu le 30 avril 2010,
- a débouté Mme [I] [F] de sa demande tendant à ce que sa responsabilité soit engagée,
- a condamné Mme [I] [F] à payer Fonds commun de titrisation Castanéa les sommes de 13 972,52 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61 euros, à compter du 12 mai 2016, au titre du contrat de prêt conclu le 30 avril 2010 et de 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter de la signification de la décision,
- a débouté Mme [I] [F] de sa demande de délais de paiement,
- a débouté le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il :
- a dit que les dispositions du code de la consommation ont été respectées et notamment le devoir de conseil de la SA Société Générale,
- a débouté Mme [I] [F] de sa demande tendant à ce que la responsabilité de la SA Société Générale soit engagée,
- l'a condamné in solidum avec Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a débouté ainsi que Mme [I] [F] de leur demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- l'a condamné in solidum avec Mme [I] [F] aux entiers dépens de l'instance, En conséquence, statuant de nouveau,
A titre principal :
- juger que sa dette à l'égard de la SA Société Générale a été effacée,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il n'a condamné que Mme [I] [F] à payer des sommes à la SA Société Générale au titre du prêt du 30 avril 2010,
- débouter Mme [I] [F] de l'ensemble de ses demandes formulées à son encontre,
- condamner Mme [I] [F] à lui payer une somme de 2 500 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner la même aux entiers dépens de l'instance d'appel,
A titre subsidiaire (si la cour jugeait que sa dette n'est pas effacée):
- juger, que la SA Société Générale n'a pas respecté les dispositions de l'article L. 312-8 du code de la consommation,
En conséquence,
- juger que le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale est déchu de son droit aux intérêts,
- juger que les paiements intervenus s'imputeront sur le capital,
- juger que la SA Société Générale n'a pas respecté son obligation de mise en garde,
En conséquence,
- juger que la SA Société Générale a perdu son droit de percevoir les intérêts contractuels,
- juger que les sommes dues se cantonnent au montant du capital du prêt,
- juger que la SA Société Générale lui a causé un préjudice en ne respectant pas son obligation de mise en garde,
- condamner le Fonds commun de titrisation Castanéa venant aux droits de la SA Société Générale à lui payer une somme de 13 972,52 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonner la compensation entre les sommes dues par lui et celles due par le Fonds commun de titrisation Castanéa,
- débouter Mme [I] [F] de l'ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire (si la cour le condamne au paiement d'une somme quelconque) :
- juger que sa situation financière demeure précaire,
En conséquence,
- lui octroyer un différé de paiement de deux ans pour s'acquitter des sommes dues,
- à tout le moins, lui octroyer un délai de paiement de deux ans,
- débouter Mme [I] [F] et le Fonds commun de titrisation Castanéa de leurs demandes au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile.
Dans ses conclusions adressées par voie électronique le 31 mars 2023, auxquelles il convient de se référer pour un plus ample exposé des moyens, le Fonds commun de titrisation Castanéa demande à la cour de :
Sur l'appel principal de Mme [I] [F]
- confirmer le jugement rendu a débouté Mme [I] [F] de ses demandes formées au titre de la responsabilité de la SA Société Générale, créancier cédant,
- juger que Mme [I] [F] ne démontre pas l'existence d'une faute imputable à la SA Société Générale, créancier cédant,
- débouter Mme [I] [F] de sa demande de le voir déclarer responsable de son préjudice,
- juger que la SA Société Générale aux droits de laquelle il vient n'est l'auteur d'aucune faute qui aurait pu engendrer une perte de chance pour Mme [I] [F] ou un gain manqué,
- débouter Mme [I] [F] de sa demande de condamnation à lui payer des dommages et intérêts,
- débouter Mme [I] [F] de sa demande d'ordonner la compensation entre le montant
de sa dette et les dommages et intérêts non chiffrés qu'elle réclame,
- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté Mme [I] [F] de sa demande de report ou de délai de paiement faute de démontrer que les conditions prescrites par l'article 1343-5 du code civil sont remplies,
Puis,
- déclarer recevable et bien fondé son appel incident,
- infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande de condamnation de Mme [I] [F] de la somme totale de 16 483, 40 euros,
- Infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de sa demande au titre de la capitalisation des intérêts,
Et statuant à nouveau sur ces chefs,
- condamner Mme [I] [F] à lui payer en exécution du prêt consenti, la somme totale de 19 943,13 euros,
- condamner Mme [I] [F] à lui payer les intérêts des intérêts échus pour une année entière en application de l'article 1154 du Code Civil et ce, à compter de l'assignation qui en a formé la demande le 4 juillet 2016.
À titre très subsidiaire,
- juger que le délai de paiement accordé à Mme [I] [F] prendra la forme d'un échelonnement du paiement de la dette,
- juger que le défaut de paiement d'une seule échéance entraînera la déchéance du bénéfice de l'échelonnement de paiement accordé sur le fondement de l'article 1343-5 du Code civil et l'exigibilité immédiate de la dette restant due,
Sur l'appel incident de M. [N] [P],
- confirmer le jugement déféré,
- juger que l'offre de prêt signée porte sur un prêt ayant pour objet des travaux immobiliers au sens de l'article L. 312-2 1° c) du code de la consommation alors applicable en avril 2010,
- juger que cette offre de prêt respecte les conditions de l'ancien article L. 312-8 du code de la
consommation, applicable en avril 2010,
- juger que par leur acceptation de l'offre de prêt, le contrat de prêt a été valablement formé et respecté par chacune des parties jusqu'à l'arrêt du paiement des échéances,
- juger que M. [N] [P] n'était pas un emprunteur profane,
- débouter M. [N] [P] de sa demande de déchéance du droit aux intérêts,
- débouter M. [N] [P] de sa demande de dommages et intérêts,
- débouter M. [N] [P] de sa demande de compensation judiciaire,
- déclarer irrecevable M. [N] [P] en sa demande de dommages et intérêts formulée contre la SA Société Générale en ce que cette dernière n'est plus créancière,
En tout état de cause,
- condamner in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] à lui payer en application de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 3 000 euros.
- condamner in solidum Mme [I] [F] et M. [N] [P] aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Laëtitia Gaudin de la SCP Cabinet Denarie Buttin Perrier Gaudin, avocat, sur son affirmation de droit et en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
La déclaration d'appel a été signifiée à la SA Société Générale le 18 novembre 2022 par acte délivré à personne habilitée. Les conclusions de l'appelante lui ont été signifiées par acte délivré à personne habilitée le 6 janvier 2023. La SA Société Générale n'a pas constitué avocat.
L'ordonnance de clôture a été rendue le 29 avril 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
1. Sur l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa en appel
L'article 325 du code de procédure civile dispose que 'l'intervention n'est recevable que si elle se rattache aux prétentions des parties par un lien suffisant'.
L'article 327 alinéa 1 du code de procédure civile prévoit que : 'l'intervention en première instance ou en cause d'appel est volontaire ou forcée'.
L'article 329 du code de procédure civile ajoute que : 'l'intervention est principale lorsqu'elle élève une prétention au profit de celui qui la forme.
Elle n'est recevable que si son auteur a le droit d'agir relativement à cette prétention'.
En l'espèce, alors que le Fonds commun de titrisation Castanéa était valablement intervenu volontairement en première instance aux droit de la SA Société Générale laquelle lui a cédé sa créance, Mme [I] [F] a interjeté appel uniquement contre M. [N] [P] et contre la SA Société Générale. Partie principale en première instance, le Fonds commun de titrisation Castanéa a naturellement le droit d'agir s'agissant des prétentions qu'il entend soulever en appel. Par conséquent, son intervention volontaire à hauteur d'appel sera déclarée recevable.
2. Sur l'extinction de la dette à l'égard de M. [N] [P] au titre du prêt du 30 avril 2010
M. [N] [P] justifie (pièce n°2) avoir été déclaré recevable en sa procédure de surendettement laquelle a abouti à une décision, rendue le 19 mars 2019, de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire. Cette décision conduit à l'effacement des dettes déclarées, dont fait partie celle issue du prêt litigieux conformément aux dispositions de l'article L. 741-2 du code de la consommation.
Il convient en conséquence de constater que la créance, aujourd'hui détenue par le Fonds commun de titrisation Castanéa, issue du prêt en date du 30 avril 2010, est éteinte à l'endroit de M. [N] [P]. Au demeurant, le Fonds commun de titrisation Castanéa ne formait aucune demande de condamnation en paiement contre lui.
3. Sur la demande en paiement contre Mme [I] [F]
Le Fonds commun de titrisation Castanéa sollicite la condamnation de Mme [I] [F] à lui payer une somme totale de 19 943,13 euros, outre capitalisation des intérêts au titre de l'exécution du prêt litigieux. Il ne développe pas, autrement que par renvoi à sa pièce n°25, le décompte de ces sommes. Mme [I] [F] se contente pour sa part de solliciter des délais de paiement ainsi qu'une compensation de sa dette avec la condamnation à lui verser des dommages et intérêts qu'elle souhaite obtenir de la part du Fonds commun de titrisation Castanéa. Elle demande encore, sans le motiver davantage, le débouté du fonds commun en toutes ses demandes.
Sur ce :
La cour observe que Mme [I] [F] ne conteste ni l'existence du prêt, ni les impayés ayant conduit à la déchéance du terme.
Aux termes d'un tableau de décompte produit par le Fonds commun de titrisation Castanéa (pièce n°24), au moment de la déchéance du terme, le montant total des échéances échues impayées duquel est déduit les paiements partiels intervenus en août, octobre, novembre et décembre 2015 s'élevait à la somme de 1 650,44 euros [2 940,47 euros (13 x 226,19) - 1 290,03]. Le capital restant dû était pour sa part égal à la somme de 12 248,58 euros, soit un total en principal de 13 899,02 euros. Or dans sa demande devant la cour, le Fonds commun de titrisation Castanéa inclut dans son calcul, outre la somme de 3 470,05 euros au titre des intérêts, celles de 1 500 euros au titre de 'article 700", de 143,16 euros au titre des frais de signification du jugement et de 857,40 euros au titre de la clause pénale.
Il convient d'écarter du calcul de la dette le montant de la condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile et des frais de signification du jugement qui ne font pas partie de la créance issue du prêt. Quant à la somme de 3 470 euros au titre des intérêts, elle se trouve calculée sur le montant du principal retenu par le premier juge et doit être également écartée du calcul principal, la cour étant sollicitée à nouveau pour se prononcer sur le montant et pouvant assortir, par ailleurs, une éventuelle condamnation d'intérêts à partir des périodes et au taux qu'elle définira.
Il résulte de ce qui précède que Mme [I] [F] est redevable d'une somme de 12 248,58 euros au titre du capital restant dû, de 1 650,44 euros au titre des échéances échues impayées et de 857,40 euros au titre de la clause pénale.
Par conséquent elle sera condamnée à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa les sommes de :
- 13 899,02 euros, outre intérêts au taux contractuel de 3,61% à compter du 12 mai 2016 date de la mise en demeure au moment de la déchéance du terme,
- 857,40 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 7 avril 2022, date du jugement déféré,
soit un total de 14 756,42 euros
Le jugement déféré sera donc confirmé sur ce point, sauf à porter le montant de la somme due au titre des impayés et du capital restant dû à 13 899,02 euros.
4. Sur la demande d'anatocisme
L'article 1154 ancien du code civil, applicable au présent litige, dispose que, les intérêts échus des capitaux peuvent produire des intérêts, ou par une demande judiciaire, ou par une convention spéciale, pourvu que, soit dans la demande, soit dans la convention, il s'agisse d'intérêts dus au moins pour une année entière.
L'article L. 312-23 du code de la consommation concernant les prêt immobiliers, dans sa rédaction applicable au contrat, prévoit qu'aucune indemnité ni aucun coût autres que ceux qui sont mentionnés aux articles L. 312-21 et L. 312-22 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de remboursement par anticipation ou de défaillance prévus par ces articles.
Or ces textes, dans leurs versions applicables au présent litige ne visent pas la capitalisation des intérêts prévue par l'article 1154 ancien du Code civil.
Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu'il a débouté le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande au titre de l'anatocisme.
5. Sur les demandes d'indemnisation et de garantie présentée par Mme [I] [F] contre M. [N] [P]
Mme [I] [F] prétend que M. [N] [P] aurait eu à son encontre un comportement fautif en :
- ne prenant pas à sa charge le prêt après le prononcé de l'ordonnance de non conciliation ;
- ne faisant aucune démarche auprès de la vente du bien immobilier et de la perception du prix afin de rembourser la banque ;
- en ne lui transmettant pas les avis de passage concernant les lettres de la banque,
- en lui dissimulant des informations essentielles à la résolution du litige avec la banque.
Elle dit encore que M. [N] [P] n'a pas respecté son engagement d'apurer les dettes incluant le prêt litigieux. A ce sujet elle fait état d'un accord sous seings privés du mois de mars 2016 et des résolutions prises lors de l'assemblée générale extraordinaire de la SCI en juin 2016. Elle prétend qu'elle n'aurait pas accepté de donner quitus pour la gestion à M. [N] [P] si elle avait eu connaissance des lettres de la banque concernant le prêt. Elle dit que, quand bien même l'ordonnance de non conciliation ne mettait pas à la charge de M. [N] [P] le remboursement du prêt, les circonstances démontrent qu'il était chargé d'apurer le passif du couple.
M. [N] [P] expose pour sa part que Mme [I] [F] n'apporte aucun élément objectif de nature à soutenir ses allégations et ne démontre ni l'existence d'une faute, ni l'existence d'une intention malveillante. Il sollicite de la cour qu'elle confirme le raisonnement tenu par le tribunal.
Sur ce :
La cour constate qu'à hauteur d'appel Mme [I] [F] reconnaît ce que le tribunal avait noté : l'ordonnance de non conciliation ne met pas à la charge de M. [N] [P] le remboursement du prêt litigieux (pièce appelant n°4).
En ce qui concerne l'acte sous seings privé du 29 mars 2016 (pièce appelante n°7), la cour observe qu'il ne concerne pas le remboursement du prêt litigieux : il s'agit d'un accord entre les associés de la SCI Des Ecoles sur l'utilisation des fonds provenant de la vente d'un bien immobilier prévoyant le remboursement du prêt immobilier contracté par la SCI pour l'achat du bien (160 000 euros), l'attribution de 12 000 à M. [N] [P], de 12 000 euros à Mme [I] [F] et du solde à la troisième associée. M. [N] [P] s'engageait par ailleurs à supporter les frais de dissolution de la société et à faire donation de 2 000 euros à son épouse.
Pour le reste des reproches adressés à M. [N] [P] force est de constater qu'il ne s'agit que d'allégations non démontrées, notamment s'agissant de rétention fautive de courrier ou de dissimulation d'informations essentielles. Par ailleurs, le fait de ne pas honorer lui-même les remboursements du prêt après la vente ne peut pas s'analyser en faute volontaire et dommageable à l'encontre de Mme [I] [F], co-obligée à la dette. Seule la banque se trouve ainsi victime d'une faute contractuelle de la part de l'intéressé.
C'est donc par des motifs pertinents et par une exacte analyse du dossier que le tribunal a débouté Mme [I] [F] de sa demande de dommages et intérêts contre M. [N] [P]. Le jugement déféré sera confirmé sur ce point. Mme [I] [F] sera en outre, et pour les mêmes motifs tirés de l'absence de faute démontrée de M. [N] [P] à son encontre, déboutée de sa demande tendant à être relevée et garantie par lui des condamnations prononcées contre elle.
6. Sur la demande d'indemnisation présentée par Mme [I] [F] contre le Fonds commun de titrisation Castanéa
Mme [I] [F] expose que la banque engage sa responsabilité contractuelle en cas de mauvaise exécution de ses obligations nées du prêt. Elle expose que la SA Société Générale avait pris une garantie, en l'occurrence une promesse d'hypothèque sur le bien immobilier. Elle lui reproche de ne pas avoir demandé l'exécution de cette promesse après les incidents de paiement de 2015 et alors qu'elle était informée d'une vente à venir du bien immobilier concerné. Elle ajoute que la banque a manqué à son devoir de conseil à raison du fait que l'hypothèque ne peut être consentie que par le propriétaire du bien et donc du peu de sérieux du montage proposé. Elle dit qu'elle n'avait pas compris que l'hypothèque n'était pas immédiatement prise. Elle dit encore que ce défaut de conseil démontre la mauvaise exécution du contrat par la banque.
La cour relève que la promesse d'hypothèque litigieuse n'est, selon les termes du contrat de prêt, que l'engagement des emprunteurs à, sur simple réquisitions écrites de la banque, passer un acte notarié aux termes duquel il lui est conféré une hypothèque en garantie de remboursement. Dès lors la banque ne s'est nullement engagée à requérir la mise en place de la garantie. Par conséquent, le fait de ne l'avoir pas effectué ne saurait être constitutif d'une faute quand bien même la banque aurait été informée d'une vente prochaine du bien. En outre, le bien objet de l'hypothèque n'était pas la propriété de Mme [I] [F] et de M. [N] [P] mais de la SCI Des Ecoles, laquelle comptait 3 associés, de sorte que seule la personne morale pouvait en réalité valablement s'engager à promettre une prise d'hypothèque, comme Mme [I] [F] le reconnaît d'ailleurs elle-même dans ses écritures. Il convient encore de noter que la prise d'une hypothèque n'a pas pour vocation première de protéger l'emprunteur mais plutôt de protéger le prêteur contre les risques d'impayés. L'obligation principale d'un emprunteur consiste en effet à rembourser les échéances aux termes prévus et au montant convenu. Dès lors, si la promesse d'hypothèque souffrait d'une difficulté d'exécution comme non consentie par le propriétaire du bien, cela ne pouvait que nuire à la banque et non à Mme [I] [F]. La cour relève également, qu'à la suite de la vente et de la répartition du prix, c'est par choix délibéré des intéressés et donc de Mme [I] [F], qu'aucune somme n'a été affectée au paiement du crédit litigieux alors que cela aurait permis d'éteindre la dette. Ainsi en se plaignant d'une faute dans l'exécution du contrat, Mme [I] [F] inverse le sens des responsabilités.
Il résulte de ce qui précède que le jugement déféré sera confirmé, par substitution de motifs, en ce qu'il a débouté Mme [I] [F] de sa demande de dommages et intérêts contre le Fonds commun de titrisation Castanéa. Par conséquent, la demande de compensation formée par Mme [I] [F] devient sans objet.
7. Sur la demande en délai de paiement formée par Mme [I] [F]
Mme [I] [F] expose qu'elle est une débitrice malheureuse et de bonne foi notamment en ce qu'elle a été victime de difficultés du fait de circonstances indépendantes de sa volonté qui ne lui ont pas permis de se libérer immédiatement. Elle vise le caractère modeste de ses revenus et dit qu'elle a tout mis en oeuvre pour se libérer effectivement. Elle dit se trouver actuellement au bénéfice de l'allocation spécifique de solidarité pour un montant de 16,89 euros par jour, ayant épuisé ses droits au chômage. Elle perçoit en outre une allocation mensuelle de la CAF de 131 euros, élevant seule et sans pension ses deux enfants mineurs.
Sur ce :
L'article 1244-1 ancien du code civil, applicable au présent litige dispose que, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues. Par décision spéciale et motivée, le juge peut prescrire que les sommes correspondant aux échéances reportées porteront intérêt à un taux réduit qui ne peut être inférieur au taux légal ou que les paiements s'imputeront d'abord sur le capital.
La cour rappelle que Mme [I] [F] a décidé en conscience et avec les autres associés de la SCI Des Ecoles de ne pas affecter une partie du prix de vente de l'immeuble au remboursement du prêt litigieux. Elle a également choisi de ne pas se servir des 12 000 euros reçus à ce titre au remboursement du prêt litigieux. Elle ne peut donc pas soutenir efficacement qu'elle est une débitrice malheureuse.
Par ailleurs, selon ses propres déclarations Mme [I] [F] ne perçoit qu'une somme d'environ 637 euros par mois comprenant une allocation spécifique de solidarité et une allocation de la CAF. Or au regard de ce qui a été jugé ci-dessus elle est redevable d'une somme totale de 14 756,42 euros, hors intérêts, ce qui l'obligerait, en cas d'échéancier sur deux années à régler une somme de plus de 614 euros par mois. Mme [I] [F] n'est donc pas en mesure de supporter un plan sur 24 mois. De la même manière, un moratoire serait illusoire dans la mesure où Mme [I] [F] ne démontre pas en quoi elle serait susceptible de pouvoir payer l'intégralité des sommes dues dans deux ans.
Par conséquent, le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [I] [F] de sa demande de délai de grâce.
8. Sur les dépens et les demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Conformément à l'article 696 du code de procédure civile, Mme [I] [F] qui succombe sera tenue aux dépens de première instance et d'appel, avec distraction au profit de maître Laetitia Gaudin, avocate, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. Elle sera, dans le même temps, déboutée de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile comme n'en remplissant pas les conditions d'octroi.
Aucune considération d'équité ne permet de faire supporter par Mme [I] [F] tout ou partie des frais irrépétibles exposés par M. [N] [P] et par le Fonds commun de titrisation Castanéa. Ils seront donc déboutés de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile contre elle.
PAR CES MOTIFS
La cour, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant publiquement, par décision réputée contradictoire,
Dit recevable l'intervention volontaire du Fonds commun de titrisation Castanéa en appel,
Constate que la créance issue du prêt en date du 30 avril 2010 est éteinte à l'endroit de M. [N] [P] par l'effet d'une décision de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire,
Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il :
- a fixé la somme due par Mme [I] [F] au titre des échéances échues et du capital restant dû à 13 972,52 euros,
- a condamné in solidum M. [N] [P] et Mme [I] [F] à payer au Fonds commun de titrisation Castanéa une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné in solidum M. [N] [P] et Mme [I] [F] aux dépens de l'instance
Réformant et statuant à nouveau sur ces points :
Fixe à la somme de 13 899,02 euros la somme due par Mme [I] [F] au titre des échéances échues et du capital restant dû,
Condamne Mme [I] [F] aux dépens de première instance, maître Laetitia Gaudin étant autorisée à recouvrer directement contre elle ceux dont elle a faut l'avance sans avoir reçu provision,
Déboute le Fonds commun de titrisation Castanéa de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile en première instance,
Y ajoutant,
Dit sans objet la demande de compensation formée par Mme [I] [F],
Déboute Mme [I] [F] de sa demande tendant à être relevée et garantie par M. [N] [P] des condamnations prononcées contre elle,
Condamne Mme [I] [F] aux dépens d'appel, maître Laetitia Gaudin étant autorisée à recouvrer directement contre elle ceux dont elle a faut l'avance sans avoir reçu provision,
Déboute Mme [I] [F], M. [N] [P] et le Fonds commun de titrisation Castanéa de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
Ainsi prononcé publiquement le 24 octobre 2024 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile, et signé par Madame Alyette FOUCHARD, Conseillère faisant fonction de Présidente et Madame Sylvie DURAND, Greffière.
La Greffière La Présidente
Copies le 24/10/2024
SCP Cabinet PASCAL SOUDAN
Me Margot CAVAGNA CRESTANI
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SCP Cabinet DENARIE BUTTIN PERRIER GAUDIN
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