Décisions
CA Aix-en-Provence, ch. 1-8, 9 octobre 2024, n° 21/18349
AIX-EN-PROVENCE
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 404
N° RG 21/18349
N° Portalis DBVB-V-B7F-BITHV
S.C.I. SADFLEUR
C/
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier
[6]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Laurence PARENT - MUSARRA
Me Claude LAUGA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 22 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/03521.
APPELANTE
S.C.I. SADFLEUR
agissant par son gérant Monsieur [J] [R], domicilié ès qualités au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Me Laurence PARENT-MUSARRA, membre de la SELARL CABINET LPM AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉE
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [6]
représenté par son syndic en exercice la SAS FONCIA AD IMMOBILIER, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2] / [Adresse 4] [Localité 5]
représentée par Me Claude LAUGA, membre de la SELARL LAUGA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Thomas JEAN, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Alice BISIOU, faisant fonction
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
La société civile immobilière SADFLEUR a acquis le 26 mars 2018 un appartement de type 3 constituant le lot n° 118 d'un ensemble immobilier en copropriété dénommé [6], sis [Adresse 7] à [Localité 5].
Elle a soumis à l'assemblée générale des copropriétaires une demande d'autorisation de travaux afin de fermer le balcon situé côté ouest par un châssis métallique et des baies vitrées coulissantes, afin d'améliorer l'isolation phonique du logement.
Sa demande a été rejetée une première fois par une résolution votée le 22 juin 2018, laquelle a été annulée par un jugement du tribunal judiciaire de Grasse rendu le 10 décembre 2021 dont le syndicat des copropriétaires a relevé appel, l'instance étant toujours pendante devant la cour de céans.
L'assemblée générale s'est à nouveau prononcée dans le même sens aux termes d'une nouvelle résolution votée le 2 avril 2019, laquelle a été cette fois validée par un jugement du 22 novembre 2021, contre lequel la SCI SADFLEUR a introduit le présent recours.
Il doit être précisé que l'appelante a passé outre le refus qui lui était opposé en réalisant les travaux.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 8 juillet 2022, la SCI SADFLEUR, agissant par son gérant Monsieur [J] [R], soutient que la résolution litigieuse procède d'un abus de majorité animé par une intention de lui nuire et constitue une rupture d'égalité entre les copropriétaires.
Elle fait valoir à cet effet que les nuisances sonores sont avérées, et que l'immeuble comporte déjà plusieurs 'vérandas' similaires et de nombreux aménagements susceptibles de porter atteinte à l'harmonie des façades, ainsi qu'il résulte de deux constats d'huissier produits aux débats.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'annuler la résolution n°22 votée le 2 avril 2019 par l'assemblée générale et de condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 2 juin 2022, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice la société FONCIA AD IMMOBILIER, soutient pour sa part :
- que les balcons constituent des parties communes,
- que l'article 5 du règlement de copropriété interdit qu'il soit porté atteinte à l'harmonie générale de l'immeuble,
- et que si plusieurs 'vérandas' ont été effectivement aménagées sur d'autres façades, il existerait un 'consensus' afin de préserver l'harmonie du pignon sud-ouest, le seul visible de la rue.
Il conclut à la confirmation du jugement déféré, et réclame en sus paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, outre ses dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 juin 2024.
DISCUSSION
En vertu de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, l'assemblée générale, statuant à la majorité des voix de tous les copropriétaires, peut autoriser l'un d'eux à effectuer à ses frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, à la condition qu'ils soient conformes à sa destination.
En l'espèce, la convocation à l'assemblée générale du 2 avril 2019 comportait en annexe un descriptif précis des travaux envisagés par la SCI SADFLEUR, consistant dans la fermeture du balcon de son appartement donnant sur le [Adresse 4] au moyen d'un châssis en aluminium et de baies vitrées coulissantes ayant une fonction d'isolation à la fois phonique et thermique. Il ne s'agit pas cependant d'une 'véranda' au sens architectural du terme.
Si le règlement de copropriété interdit de manière générale qu'il soit porté atteinte à l'harmonie de l'immeuble, il ne prohibe pas expressément de tels ouvrages.
Il résulte d'autre part de deux procès-verbaux de constat successivement dressés le 19 juillet 2018 par Maître [G] [K], et le 14 avril 2020 par Maître [B] [M], tous deux huissiers de justice, que de nombreux aménagements similaires ont été précédemment réalisés par d'autres copropriétaires, sans qu'il soit précisé aux débats s'ils ont été ou non autorisés en bonne et due forme. Dans les deux cas de figure cependant, il s'agit d'ouvrages dont l'existence n'est pas remise en cause par le syndicat.
Enfin, ce dernier ne démontre pas qu'il existerait un 'consensus' au sein de la collectivité des copropriétaires pour prohiber de telles réalisations sur le seul pignon sud-ouest, et en tout état de cause aucune circonstance particulière ne justifie de réserver un traitement spécial à cette partie de l'immeuble. Les photographies produites aux débats montrent au contraire que la façade concernée ne présente aucune particularité architecturale qui nécessiterait une protection renforcée.
Il convient en conséquence de considérer qu'en refusant d'autoriser la SCI SADFLEUR à réaliser des travaux conformes à la destination de l'immeuble, alors que l'immeuble comporte de nombreux aménagements similaires autorisés ou tolérés par le syndicat, l'assemblée générale a pris une décision discriminatoire rompant l'égalité de traitement entre copropriétaires et inspirée par un autre but que l'intérêt collectif, ce qui caractérise un abus de majorité.
Le jugement entrepris sera donc infirmé, et la cour prononcera la nullité de la résolution litigieuse.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Annule la résolution n° 22 votée le 2 avril 2019 par l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier [6],
Condamne le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Le condamne en outre à verser à la SCI SADFLEUR une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 09 OCTOBRE 2024
N° 2024/ 404
N° RG 21/18349
N° Portalis DBVB-V-B7F-BITHV
S.C.I. SADFLEUR
C/
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier
[6]
Copie exécutoire délivrée le :
à :
Me Laurence PARENT - MUSARRA
Me Claude LAUGA
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal Judiciaire de GRASSE en date du 22 Novembre 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 19/03521.
APPELANTE
S.C.I. SADFLEUR
agissant par son gérant Monsieur [J] [R], domicilié ès qualités au siège social sis [Adresse 3]
représentée par Me Laurence PARENT-MUSARRA, membre de la SELARL CABINET LPM AVOCATS, avocat au barreau de GRASSE
INTIMÉE
Syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier [6]
représenté par son syndic en exercice la SAS FONCIA AD IMMOBILIER, dont le siège social est [Adresse 1], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 2] / [Adresse 4] [Localité 5]
représentée par Me Claude LAUGA, membre de la SELARL LAUGA & ASSOCIES, avocat au barreau de GRASSE substituée par Me Thomas JEAN, avocat au barreau de GRASSE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 18 Juin 2024, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
Greffier lors des débats : Mme Alice BISIOU, faisant fonction
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024.
ARRÊT
Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
La société civile immobilière SADFLEUR a acquis le 26 mars 2018 un appartement de type 3 constituant le lot n° 118 d'un ensemble immobilier en copropriété dénommé [6], sis [Adresse 7] à [Localité 5].
Elle a soumis à l'assemblée générale des copropriétaires une demande d'autorisation de travaux afin de fermer le balcon situé côté ouest par un châssis métallique et des baies vitrées coulissantes, afin d'améliorer l'isolation phonique du logement.
Sa demande a été rejetée une première fois par une résolution votée le 22 juin 2018, laquelle a été annulée par un jugement du tribunal judiciaire de Grasse rendu le 10 décembre 2021 dont le syndicat des copropriétaires a relevé appel, l'instance étant toujours pendante devant la cour de céans.
L'assemblée générale s'est à nouveau prononcée dans le même sens aux termes d'une nouvelle résolution votée le 2 avril 2019, laquelle a été cette fois validée par un jugement du 22 novembre 2021, contre lequel la SCI SADFLEUR a introduit le présent recours.
Il doit être précisé que l'appelante a passé outre le refus qui lui était opposé en réalisant les travaux.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses conclusions récapitulatives du 8 juillet 2022, la SCI SADFLEUR, agissant par son gérant Monsieur [J] [R], soutient que la résolution litigieuse procède d'un abus de majorité animé par une intention de lui nuire et constitue une rupture d'égalité entre les copropriétaires.
Elle fait valoir à cet effet que les nuisances sonores sont avérées, et que l'immeuble comporte déjà plusieurs 'vérandas' similaires et de nombreux aménagements susceptibles de porter atteinte à l'harmonie des façades, ainsi qu'il résulte de deux constats d'huissier produits aux débats.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau, d'annuler la résolution n°22 votée le 2 avril 2019 par l'assemblée générale et de condamner le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 4.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions notifiées le 2 juin 2022, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic en exercice la société FONCIA AD IMMOBILIER, soutient pour sa part :
- que les balcons constituent des parties communes,
- que l'article 5 du règlement de copropriété interdit qu'il soit porté atteinte à l'harmonie générale de l'immeuble,
- et que si plusieurs 'vérandas' ont été effectivement aménagées sur d'autres façades, il existerait un 'consensus' afin de préserver l'harmonie du pignon sud-ouest, le seul visible de la rue.
Il conclut à la confirmation du jugement déféré, et réclame en sus paiement d'une somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel, outre ses dépens.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 4 juin 2024.
DISCUSSION
En vertu de l'article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, l'assemblée générale, statuant à la majorité des voix de tous les copropriétaires, peut autoriser l'un d'eux à effectuer à ses frais des travaux affectant les parties communes ou l'aspect extérieur de l'immeuble, à la condition qu'ils soient conformes à sa destination.
En l'espèce, la convocation à l'assemblée générale du 2 avril 2019 comportait en annexe un descriptif précis des travaux envisagés par la SCI SADFLEUR, consistant dans la fermeture du balcon de son appartement donnant sur le [Adresse 4] au moyen d'un châssis en aluminium et de baies vitrées coulissantes ayant une fonction d'isolation à la fois phonique et thermique. Il ne s'agit pas cependant d'une 'véranda' au sens architectural du terme.
Si le règlement de copropriété interdit de manière générale qu'il soit porté atteinte à l'harmonie de l'immeuble, il ne prohibe pas expressément de tels ouvrages.
Il résulte d'autre part de deux procès-verbaux de constat successivement dressés le 19 juillet 2018 par Maître [G] [K], et le 14 avril 2020 par Maître [B] [M], tous deux huissiers de justice, que de nombreux aménagements similaires ont été précédemment réalisés par d'autres copropriétaires, sans qu'il soit précisé aux débats s'ils ont été ou non autorisés en bonne et due forme. Dans les deux cas de figure cependant, il s'agit d'ouvrages dont l'existence n'est pas remise en cause par le syndicat.
Enfin, ce dernier ne démontre pas qu'il existerait un 'consensus' au sein de la collectivité des copropriétaires pour prohiber de telles réalisations sur le seul pignon sud-ouest, et en tout état de cause aucune circonstance particulière ne justifie de réserver un traitement spécial à cette partie de l'immeuble. Les photographies produites aux débats montrent au contraire que la façade concernée ne présente aucune particularité architecturale qui nécessiterait une protection renforcée.
Il convient en conséquence de considérer qu'en refusant d'autoriser la SCI SADFLEUR à réaliser des travaux conformes à la destination de l'immeuble, alors que l'immeuble comporte de nombreux aménagements similaires autorisés ou tolérés par le syndicat, l'assemblée générale a pris une décision discriminatoire rompant l'égalité de traitement entre copropriétaires et inspirée par un autre but que l'intérêt collectif, ce qui caractérise un abus de majorité.
Le jugement entrepris sera donc infirmé, et la cour prononcera la nullité de la résolution litigieuse.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Infirme le jugement déféré, et statuant à nouveau :
Annule la résolution n° 22 votée le 2 avril 2019 par l'assemblée générale des copropriétaires de l'ensemble immobilier [6],
Condamne le syndicat des copropriétaires aux entiers dépens de première instance et d'appel,
Le condamne en outre à verser à la SCI SADFLEUR une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT