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Décisions

CA Paris, Pôle 1 - ch. 11, 18 octobre 2024, n° 24/04805

PARIS

Ordonnance

Autre

CA Paris n° 24/04805

18 octobre 2024

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D'APPEL DE PARIS

L. 552-1 et suivants du Code de l'entrée et du séjour

des étrangers et du droit d'asile

ORDONNANCE DU 18 octobre 2024

(1 pages)

Numéro d'inscription au répertoire général et de décision : B N° RG 24/04805 - N° Portalis 35L7-V-B7I-CKF3L

Décision déférée : ordonnance rendue le 16 octobre 2024, à 14h22, par le magistrat du siège du tribunal judiciaire de Meaux

Nous, Pascal Latournald, président de chambre à la cour d'appel de Paris, agissant par délégation du premier président de cette cour, assisté de Caroline Gautier, greffier aux débats et au prononcé de l'ordonnance,

APPELANT

LE PREFET DE L'ESSONNE

représenté par Me Nicolas Rannou, du cabinet Centaure, avocat au barreau de Paris

INTIMÉ

M. [L] [U]

né le 22 juin 1992 à [Localité 2], de nationalité algérienne

demeurant [Adresse 1]

Ayant pour conseil choisi par Me Alice Battaglia, avocat au barreau de Hauts-de-Seine,

LIBRE, non comparant, non représenté, convoqué par le commissariat territorialement compétent à l'adresse ci-dessus indiquée ;

MINISTÈRE PUBLIC, avisé de la date et de l'heure de l'audience,

ORDONNANCE :

- réputée contradictoire,

- prononcée en audience publique,

- Vu l'ordonnance du 16 octobre 2024 du magistrat du siège tribunal judiciaire de Meaux déclarant irrecevable la requête du préfet de l'Essonne, disant n'y avoir lieu à statuer sur la prolongation de la rétention de M. [L] [U] et rappelant à M. [L] [U] qu'il a l'obligation de quitter la France ;

- Vu l'appel motivé interjeté le 17 octobre 2024, à 13h35, par le conseil du préfet de l'Essonne ;

- Vu l'avis d'audience, donné le 17 octobre 2024 à 15h55 à Me Alice Battaglia, avocat au barreau de Hauts-de-Seine, conseil choisi, qui ne se présente pas ;

- Vu les observations transmises par le conseil de l'intéressé au greffe le 18 octobre 2024 à 09h27 ;

- Après avoir entendu les observations du conseil le préfet de l'Essonne tendant à l'infirmation de l'ordonnance ;

SUR QUOI,

L'article R. 743-2 du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que :

A peine d'irrecevabilité, la requête est motivée, datée et signée, selon le cas, par l'étranger ou son représentant ou par l'autorité administrative qui a ordonné le placement en rétention.

Lorsque la requête est formée par l'autorité administrative, elle est accompagnée de toutes pièces justificatives utiles, notamment une copie du registre prévu à l'article L. 744-2.

Lorsque la requête est formée par l'étranger ou son représentant, la décision attaquée est produite par l'administration. Il en est de même, sur la demande du juge des libertés et de la détention, de la copie du registre.

Il importe de rappeler que le législateur ne donne pas de définition des pièces justificatives utiles. Il est toutefois considéré qu'il s'agit des pièces nécessaires à l'appréciation par le juge des libertés et de la détention des éléments de fait et de droit dont l'examen lui permet d'exercer pleinement ses pouvoirs.

L'intimé soutient qu'il ne peut être suppléé à l'absence du dépôt des pièces justificatives utiles par leur seule communication à l'audience, sauf s'il est justifié de l'impossibilité de joindre les pièces à la requête. A ce titre le conseil de [L] [U] se fonde sans la citer sur une jurisprudence de la Cour de cassation rendue le 6 juin 2012 (Cass. 1ère Civ 6 juin 2012, pourvoi n°11-30.185, Cass.1ère Civ 13 février 2019, pourvoi n°18-11.655).

Or, depuis cette jurisprudence le législateur est venu ériger le principe de la nécessité d'une atteinte substantielle aux droits. A l'instar de la jurisprudence de l'ordre administratif qui par arrêt d'assemblée du 23 décembre 2011, le Conseil d'État rendait l'arrêt [P] énonçant qu'un vice de procédure n'entraîne l'illégalité d'une décision administrative qu'en deux situations :

1. soit s'il a été susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise,

2. soit s'il a privé les intéressés d'une garantie.

Cette exigence du vice substantiel développé par l'arrêt du CE assemblée 23 décembre 2011 [P] : suppose que seuls les vices de procédure ayant eu une influence sur le contenu de la décision ou ayant privé l'administré d'une garantie entraîne une irrégularité de la décision.

Il faut donc une atteinte aux droits de la personne. Etant précisé que les irrégularités portant ou non atteinte aux droits de la personne relèvent de l'appréciation souveraine des juges du fond.

Sur ce,

C'est à tort que le premier juge a mis fin à la rétention dès lors que l'article L743-12 du CESEDA, dispose qu'en cas de violation des formes prescrites par la loi à peine de nullité ou d'inobservation des formalités substantielles, le magistrat du siège du tribunal judiciaire saisi d'une demande sur ce motif ou qui relève d'office une telle irrégularité ne peut prononcer la mainlevée du placement ou du maintien en rétention que lorsque celle-ci a eu pour effet de porter substantiellement atteinte aux droits de l'étranger dont l'effectivité n'a pu être rétablie par une régularisation intervenue avant la clôture des débats.

Aucune atteinte aux droits n'est caractérisée, l'OQTF existait avant le placement en CRA et sa validité n'est pas contestée.

Au cas d'espèce la pièce litigieuse, l'arrêté portant obligation de quitter le territoire a été communiqué contradictoirement pour les besoins de l'audience.

La requête préfectorale était donc recevable et la décision de première instance sera infirmée.

PAR CES MOTIFS

INFIRMONS l'ordonnance,

STATUANT À NOUVEAU,

REJETONS le moyen d'irrecevabilité

DÉCLARONS la requête du préfet recevable,

ORDONNONS la prolongation de la rétention de M. [L] [U] dans les locaux ne dépendant pas de l'administration pénitentiaire, pour une durée de vingt-six jours,

ORDONNONS la remise immédiate au procureur général d'une expédition de la présente ordonnance.

Fait à Paris le 18 octobre 2024 à

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

REÇU NOTIFICATION DE L'ORDONNANCE ET DE L'EXERCICE DES VOIES DE RECOURS:

Pour information:

L'ordonnance n'est pas susceptible d'opposition.

Le pourvoi en cassation est ouvert à l'étranger, à l'autorité administrative qui a prononcé le maintien en zone d'attente ou la rétention et au ministère public.

Le délai de pourvoi en cassation est de deux mois à compter de la notification.

Le pourvoi est formé par déclaration écrite remise au secrétariat greffe de la Cour de cassation par l'avocat au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation constitué par le demandeur.

Le préfet ou son représentant