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Décisions

CA Aix-en-Provence, ch. 3-1, 9 octobre 2024, n° 24/00454

AIX-EN-PROVENCE

Arrêt

Autre

CA Aix-en-Provence n° 24/00454

9 octobre 2024

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1

ARRÊT AU FOND

DU 09 OCTOBRE 2024

N° 2024/ 200

Rôle N° RG 24/00454 - N° Portalis DBVB-V-B7I-BMMZ2

S.A.R.L. CUBA

C/

Société SOLEIL MANAGEMENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Sophie MORREEL-WEBER

Me Anaïs GARAY

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de FREJUS en date du 18 Décembre 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2023003982.

APPELANTE

S.A.R.L. CUBA,

représentée par son gérant en exercice,

dont le siège social est sis [Adresse 1]

représentée par Me Sophie MORREEL-WEBER de la SELARL LEX&CO AVOCATS, avocat au barreau de NICE, substituée par Me Alain-David POTHET, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

INTIMEE

Société SOLEIL MANAGEMENT,

prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis

Chez SCI SOLEIL AETIUS - [Adresse 2]

représentée par Me Anaïs GARAY de la SELAS ROBIN LAWYERS, avocat au barreau de DRAGUIGNAN

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 27 Juin 2024 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Valérie GERARD, Président de chambre

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère

Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Marielle JAMET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 09 Octobre 2024,

Signé par Madame Valérie GERARD, Président de chambre et Monsieur Achille TAMPREAU, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSE DU LITIGE

Par courrier du 24 novembre 2020 la société Soleil Management a formé opposition sur le prix de vente du fonds de commerce de la société Cuba à la société QLL au visa des articles L.141-12 et suivants du code de commerce, pour avoir garantie et paiement de la somme de 67 423,08 euros en invoquant sa qualité de créancière de la société Cuba.

Par assignation en date du 27 septembre 2023 la société Cuba a saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus d'une contestation de l'opposition pratiquée par la société Soleil Management.

Par ordonnance en date du 18 décembre 2023 le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus a :

débouté la société Cuba de l'ensemble de ses demandes,

condamné la société Cuba à payer à la société Soleil Management la somme de 1 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens

--------

Par acte du 12 janvier 2024 la société Cuba a interjeté appel de l'ordonnance.

--------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 14 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Cuba (Sarl) demande à la cour de :

Vu l'article L 141-14 du code de commerce;

Vu l'article L 141-12 du code de commerce;

Vu l'article L 141-14 du code de commerce;

Vu l'article L.141-16 du Code de Commerce;

Vu l'article R 141-1-1 du code de commerce;

Vu l'opposition du 8 décembre 2020;

Vu l'article 700 du code de procédure civile;

Vu les articles 378 et suivants du code de procédure civile;

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu la jurisprudence;

Infirmer l'ordonnance de référé rendue le 18 décembre 2023 par le Tribunal de Commerce de Fréjus (RG n° 2023 003982) en toute ses dispositions en ce qu'il a été jugé:

condamnons la société Cuba à payer à la société Soleil Management la somme de 7.000 € au titre de l'article 700 du cpc ;

Condamnons la société Cuba aux entiers dépens dont ceux de recouvrer par le greffe liquides de la somme de 40,66 € TTIC dont 6, 78 € de TVA. »

Et, statuant de nouveau :

I- In limine litis:

Juger que conformément à l'article L 141-14 du code de commerce, l'opposition faite par la SARL Soleil Management suivant courrier du 24.11.2020 est nulle en ce qu'elle ne contient aucune élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds et qu'elle n'énonce pas les causes de la créance;

II- A titre subsidiaire :

Juger que conformément aux articles L 141-12 et L 141-14 du code de commerce qui exigent que toute opposition soit faite dans le délai de dix jours à compter de la publicité BODACC, l'opposition sur le prix de cession délivrée par la SARL Soleil Management par courrier du 24 novembre 2020 et non à compter de la publication BODACC, est inopposable à la SARL Cuba;

III- A titre infiniment subsidiaire :

Juger qu'aucune procédure n'est de nature à faire obstacle à la libération du prix de vente;

Juger que l'opposition faite par la SARL Soleil Management est sans titre et sans cause à défaut de procédure ;

En conséquence,

Ordonner la mainlevée de l'opposition pratiquée par la SARL Soleil Management à l'encontre de la société Cuba par courrier du 24 novembre 2020 pour la somme de 67.423,08 euros ;

Ordonner la libération du prix de vente entre les mains de la requérante;

Autoriser la société Cuba à toucher le prix de cession du fonds de commerce;

Condamner la SARL Soleil Management au paiement de la somme de 5.000,00 € au titre des frais irrépétibles, outre les entiers dépens engages dans la présente procédure.

Débouter la SARL Soleil Management de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Au soutien de son appel, la société Cuba fait valoir que :

in limine litis, l'opposition faite par la société Soleil Management est nulle en la forme dès lors qu'elle ne contient aucune élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds, c'est-à-dire près le tribunal de commerce de Fréjus contrairement aux dispositions de l'article L.141-14 du code de commerce ; au jour de l'assignation aucune action au fond n'a été formée contre elle par la société Soleil Management,

à titre principal, l'opposition lui est inopposable dans la mesure où elle ne pouvait être formée avant même que la publicité au Bodacc n'ait été publiée au visa des articles L.141-12 et L.141-14 du code de commerce ; en l'absence d'opposition au prix de vente dans les 10 jours suivant la publication effectuée au Bodacc le 30 décembre 2020 celle-ci est inopposable ; l'opposition faite prématurément est nulle,

à titre infiniment subsidiaire, sur le fond : il n'existe aucune procédure à son encontre et la société Soleil Management ne justifie d'aucun titre authentique ni exécutoire de sorte que la mainlevée de l'opposition doit être prononcée

--------

Par conclusions enregistrées par voie dématérialisée le 28 février 2024, auxquelles il convient de se reporter pour l'exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Soleil Management (Sarl) demande à la cour de :

- Vu les articles L 141-12 et suivants du code de commerce

- Vu l'article R141-1-1 du code de commerce

' Confirmer l'ordonnance du 18 décembre 2023,

' Débouter la SARL Cuba de l'ensemble de ses demandes,

' Condamner la SARL Cuba à payer à la SARL Soleil Management, la somme de 5000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

' Condamner la SARL Cuba aux entiers dépens,

La société Soleil Management soutient en réponse que :

in limine litis : l'exigence tenant à l'élection de domicile invoquée par la société Cuba ne s'applique qu'aux oppositions signifiées par commissaire de justice, et non au créancier qui s'adresse directement au séquestre du prix de cession ; en tout état de cause, la société Cuba ne rapporte pas la preuve d'un grief ; la créance visée par l'opposition à hauteur de 67 423,08 euros résulte du contrat de prêt du 24 mai 2016 aux termes duquel la société Le Nautic (devenue la société Cuba) a contracté un engagement de caution solidaire auprès du CIC en garantie d'un emprunt de 66 146,49 euros correspondant au solde impayé du prêt contracté par la société Nico en liquidation judiciaire ; la créance est donc parfaitement causée,

à titre subsidiaire : aucun texte ne sanctionne une opposition prématurée, seul le dépassement d'un délai peut être sanctionné ;

à titre subsidiaire : elle a dû engager des recours judiciaires pour être indemnisée des engagements contractuels inexécutés par la société Cuba et la société La Plage, sa créance étant parfaitement causée

MOTIFS

Sur l'opposition :

Il résulte de l'article L.141-14 du code de commerce qu'en cas de vente d'un fonds de commerce, tout créancier du vendeur peut former opposition au paiement du prix de vente. L'opposition, à peine de nullité, énonce le chiffre et les causes de la créance et contient une élection de domicile dans le ressort de la situation du fonds.

Conformément à l'article L.141-16 du code de commerce si l'opposition a été faite sans titre et sans cause ou est nulle en la forme et s'il n'y a pas d'instance engagée au principal, le vendeur peut se pourvoir en référé devant le président du tribunal, à l'effet d'obtenir l'autorisation de toucher son prix, malgré l'opposition.

En l'espèce, a été publiée le 30 décembre 2020 au bulletin officiel des annonces civiles et commerciales (Bodacc) la vente par la société Cuba de son fonds de commerce situé [Adresse 1] à [Localité 4] (Var) à la société Q.L.L. Le cabinet SEJF de Maître [U], avocat, a été désigné au titre de l'élection de domicile.

Par courrier du 24 novembre 2020 la société Soleil Management a formé opposition au paiement du prix entre les mains de la Selarl SEJF.

Si la société Soleil Management n'a pas expressément mentionné, aux termes de son courrier, qu'elle effectuait élection de domicile pour les besoins de l'opposition, il n'en demeure pas moins qu'elle a mentionné l'adresse de son siège social qui se trouve dans le ressort du fonds de commerce ([Localité 3]). Aucune disposition ne réserve l'élection de domicile aux seules oppositions faites par commissaire de justice. De même, la circonstance que l'opposition ait été formée avant la publication de la vente au Bodacc est indifférente et ne rend pas pour autant l'opposition irrecevable.

En outre, quelle que soit la gravité des irrégularités alléguées, seuls affectent la validité d'un acte de procédure, soit les vices de forme faisant grief, soit les irrégularités de fond limitativement énumérées par l'article 117 du code de procédure civile. Il s'ensuit que la société Cuba n'ayant pas justifié d'un grief, elle n'est pas fondée à invoquer la nullité de l'opposition de ce chef.

En revanche, ne peut être considérée comme une créance dont la cause est définie, la mention de la société Soleil Management telle qu'elle ressort de son opposition, à savoir « la Sarl Le Nautic n'a pas respecté son engagement de régler la dette contractée auprès du CIC ou la Brasserie Karlsbrau. De ce fait, cette dernière a appelé au paiement de la somme de 67 423,08 euros (..) en vertu d'un engagement de caution ».

En effet, la créance dont se prévaut la société Soleil Management ne peut être déduite des termes de ce courrier, dès lors que l'engagement contracté l'a été par la société Le Nautic, que le créancier principal n'est pas identifié, (le CIC ou la Brasserie Karlsbrau étant désignés), et que l'engagement de caution est imprécis.

Les parties ont justifié a posteriori devant le premier juge d'un contrat de prêt pour lequel la Sarl Le Nautic (devenue la société Cuba) s'est portée caution solidaire auprès du CIC d'un emprunt contracté par la société Nico le 24 mai 2016, ainsi que d'un protocole transactionnel du 2 septembre 2016, d'un acte de cession de parts du 18 mai 2016, d'un avenant du 4 avril 2017 et d'un procès-verbal d'assemblée générale du 28 décembre 2016. Elles ont rappelé par ailleurs l'historique des procédures engagées devant le tribunal de commerce de Fréjus, tel que rappelé par le juge des référés, dont il ne résulte pas à ce jour de condamnation à l'encontre de la société Cuba.

Pour autant, il apparaît que ces documents et les procédures qui s'y rapportent, mettent en cause diverses parties, notamment la société Nico, qui serait en liquidation judiciaire, la société Le Nautic (devenue la société Cuba), M. [M] [O] et la société Karlsbrau, outre la société Soleil Management, de sorte que la créance dont se prévaut cette dernière, au regard des interprétations et des recours qu'ils impliquent, n'apparaît pas causée et résulterait en réalité d'un recours entre cautions solidaires, lequel suppose en tout état de cause une créance principale.

Dès lors, les conditions de l'article L.141-16 du code de commerce telles que rappelées ci-dessus ne sont pas réunies, ni à la date de l'opposition en 2020, ni à la date du recours, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer la décision déférée et d'autoriser la société Cuba à percevoir le prix de la vente du fonds de commerce.

Sur les frais et dépens :

La société Soleil Management, partie succombante, conservera les dépens de l'instance et sera tenue de payer à la société Cuba la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme l'ordonnance rendue le 18 décembre 2023 par le juge des référés du tribunal de commerce de Fréjus,

Statuant à nouveau, et y ajoutant,

Autorise la société Cuba à percevoir le prix de la vente du fonds de commerce sis [Adresse 1] à [Localité 4] (Var) en dépit de l'opposition formée par la société Soleil Management le 24 novembre 2020,

Condamne la société Soleil Management aux entiers dépens,

Condamne la société Soleil Management à payer à la société Cuba la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, La Présidente,