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Décisions

CA Grenoble, service des référés, 9 octobre 2024, n° 24/00074

GRENOBLE

Ordonnance

Autre

CA Grenoble n° 24/00074

9 octobre 2024

N° RG 24/00074 - N° Portalis DBVM-V-B7I-MKF5

N° Minute :

Copies délivrées le

Copie exécutoire

délivrée le

à

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

C O U R D ' A P P E L D E G R E N O B L E

JURIDICTION DU PREMIER PRESIDENT

ORDONNANCE DE REFERE DU 09 OCTOBRE 2024

ENTRE :

DEMANDERESSE suivant assignation du 25 juin 2024

Madame [T] [V]

née le 18 février 1969 à [Localité 5] (Hongrie)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Delphine POTUS, avocat au barreau de LYON substituant Me Jean-paul SANTA-CRUZ de la SCP D'AVOCATS JURI-EUROP, avocat au barreau de LYON

ET :

DEFENDEUR

LE SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE L'IMMEUBLE [Adresse 4] représenté par son syndic en exercice, la société PATRIMOINE AVENUE ADMINISTRATEUR DE BIENS, ayant pour nom commercial PATRIMOINE AVENUE ADB, SASU au capital de 8.000 € immatriculée au RCS de LYON sous le numéro 885.399.949, dont le siège social est situé [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Adresse 2]

non représenté

DEBATS : A l'audience publique du 04 septembre 2024 tenue par Christophe COURTALON, premier président, assisté de Frédéric STICKER, greffier

ORDONNANCE : réputée contradictoire

prononcée publiquement, après prorogation du délibéré, le 02 OCTOBRE 2024 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile

signée par Christophe COURTALON, premier président et par Marie-Ange BARTHALAY, greffier présent lors de la mise à disposition, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Mme [V] est propriétaire d'un appartement avec deux parcelles de jardin au sein de la copropriété [Adresse 4] du [Adresse 3].

Constatant l'existence de fissures affectant un mur de soutènement du jardin, elle a assigné en référé son vendeur aux fins d'expertise. Il a été fait droit à cette demande par ordonnance du 22/11/2018.

Dans son rapport du 25/07/2019, l'expert aboutit aux conclusions suivantes :

- le mur de soutènement en pierres de 2,87 m de haut et d'une largeur de 0,7 m, très ancien, est affecté d'une fissure horizontale de l'ordre d'un centimètre, et s'est déformé ;

- la solidité de l'ouvrage est compromise ;

- il ne peut être réparé et le coût de sa démolition et de son remplacement par un mur en béton armé peut être évalué à 64 991,18 euros ;

- en raison du risque d'effondrement, l'accès aux jardins doit être interdit.

Le 06/03/2018, la commune de [Localité 6] a pris un arrêté interdisant le passage sous le mur en cause et a enjoint au syndic le 22/11/2010 de procéder à tous travaux utiles.

Par délibération du 03/02/2021, l'assemblée générale du syndicat des copropriétaires a pris la délibération suivante : 'l'assemblée générale, après avoir pris connaissance du devis de la société Feyzin Bâtiment d'un montant de 21.398,30 euros, autorise la réalisation des travaux de consolidation du mur de soutènement du lot n°34. Les travaux seront financés intégralement par le montant récupéré de l'opération de vente expliqué en point n°2. L'assemblée générale autorise le syndic à verser ce montant à la société Feyzin Bâtiment. Le syndic précise qu'il conviendra d'établir un devis complémentaire pour comparaison et envisager l'intervention d'un expert structure qui pourra suivre les travaux de consolidation'.

Par délibération, lors de l'assemblée générale du 04/06/2021, il a été décidé que M. [R] est autorisé 'à engager les bureaux d'études Esiris et Eba Forez pour faire réaliser les études géotechniques et de génie civil, à ses frais exclusifs. Les études doivent être réalisées au plus tôt possible, compte tenu de l'aggravation récente de l'ouvrage et l'insécurité qui pèse sur le logement de Mme [V]' et à se voir attribuer la pleine propriété des parcelles du terrain de la partie commune se situant à côte de son garage en bas à l'entrée de la copropriété.

Le 04/02/2022, dans une résolution n° 24, l'assemblée générale a décidé d'autoriser 'le syndic à ester en justice à l'encontre de Mme [V] pour les raisons suivantes : mise en demeure d'effectuer les travaux de remise en état du mur de soutènement sous arrêté de péril (..)'.

Par jugement du 14/03/2024, le tribunal judiciaire de Grenoble a :

- débouté le syndicat de sa demande d'irrecevabilité ;

- débouté Mme [V] de sa demande de nullité de la résolution n° 24 de l'assemblée générale du 04/02/2022 ;

- condamné Mme [V] à justifier dans les six mois de la signification du jugement de l'engagement des travaux de base utiles à la confortation du mur sur le fondement du devis produit par la société Feyzin Bâtiment pour un montant estimé à 21 398,30 euros ;

- condamné Mme [V] au paiement de la somme de 1500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par déclaration du 22/04/2024, Mme [V] a relevé appel de cette décision.

Par acte du 25/06/2024, elle a assigné le syndicat des copropriétaires en référé devant le premier président de la cour d'appel de Grenoble aux fins d'arrêt de l'exécution provisoire attachée au jugement déféré et en paiement de la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le syndicat des copropriétaires n'a pas comparu.

MOTIFS DE LA DECISION

Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile, 'en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives. La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance'.

* l'existence de moyens sérieux de réformation

S'il est loisible aux copropriétaires de remettre en cause par un nouveau vote une décision adoptée lors d'une précédente assemblée générale, ayant pour effet d'annuler une précédente délibération, c'est sous une double condition :

- l'ancienne délibération ne doit pas avoir encore été exécutée et ne doit en conséquence pas avoir déjà conféré un droit acquis au profit d'un ou plusieurs copropriétaires ;

- la nouvelle délibération doit être dictée par l'intérêt collectif des copropriétaires, notamment en cas de circonstances nouvelles, survenues depuis le vote de la précédente délibération.

En l'espèce, les travaux d'édification d'un nouveau mur n'ont pas été effectués. Par ailleurs, le règlement de copropriété prévoit, page 45, que 'les murs de soutènement supportant des jardins en jouissance privative seront considérés comme privatifs au copropriétaire concerné et entretenus par celui-ci exclusivement'.

S'il appartiendra à la cour statuant au fond de se prononcer sur le sens à donner à cette clause, (la requérante considérant que le mur litigieux est une partie commune), cette stipulation du règlement ne pouvait être ignorée du syndicat des copropriétaires lors de la délibération initiale. Il n'y a ainsi pas d'élément nouveau. La délibération attaquée porte ainsi atteinte à un droit reconnu en assemblée générale à Mme [V], qui justifie ainsi d'un moyen sérieux de réformation.

* le risque de conséquences manifestement excessives

Mme [V] n'a certes pas formé d'observations quant à l'exécution provisoire devant le premier juge. Néanmoins, elle justifie de difficultés d'exécution apparues postérieurement au jugement, à savoir que l'étude du bureau Esiris préconise la mise en place d'un drainage périphérique à la base des ouvrages, relié à un exutoire efficace, ce que la société Feyzin Bâtiment, dans sa lettre du 28/03/2024, estime impossible à réaliser, sauf importants travaux de blindage avec soutien du mur dans la butte et mise en place d'un engin mécanique par levage, sous peine d'effondrement.

Il en résulte que les travaux initialement prévus se heurtent à des contraintes techniques non envisagées initialement. Faute d'une définition précise des travaux à effectuer, la décision déférée s'avère imprécise dans son exécution.

La requérante justifie donc de l'existence d'un risque de conséquences manifestement excessives, survenu après la décision déférée.

Il sera donc fait droit à sa demande d'arrêt de l'éxécution provisoire.

En revanche, au stade de la présente procédure, il n'y a pas lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS :

Nous, premier président de la cour d'appel de Grenoble, statuant en référé, publiquement, par ordonnance réputée contradictoire, mise à disposition au greffe :

Arrêtons l'exécution provisoire attachée au jugement du tribunal judiciaire de Grenoble du 14/03/2024 ;

Disons n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamnons le syndicat des copropriétaires [Adresse 4] aux dépens.

Le greffier, Le premier président,

M.A. BARTHALAY C. COURTALON