Décisions
CA Versailles, ch. civ. 1-1, 8 octobre 2024, n° 22/06046
VERSAILLES
Arrêt
Autre
COUR D'APPEL
DE
VERSAILLES
Chambre civile 1-1
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 28A
DU 08 OCTOBRE 2024
N° RG 22/06046
N° Portalis DBV3-V-B7G-VODO
AFFAIRE :
[P], [L], [V] [C]
E.A.R.L. [C]
C/
[O], [K], [M] [C]
Décision déférée à la cour : Décision renduele 07 Septembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de CHARTRES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 15/01443
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- la SCP IMAGINE BROSSOLETTE,
- la SCP OPSOMER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [P], [L], [V] [C]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 18]
[Localité 6]
E.A.R.L. [C]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 8]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentés par Me Marc MONTI de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034
APPELANTS
****************
Madame [O], [K], [M] [C]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 2]
représentée par Me Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 481 - N° du dossier 23/23
Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat - barreau d'AUBE
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseillère chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Sixtine DU CREST, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
[T] et [E] [C] ont exercé la profession d'agriculteurs.
En 1997, [E] [C] a créé une Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL), dont elle était l'unique associée au capital de 800 000 francs.
M. [P] [C], le fils du couple, a repris l'exploitation agricole en 1999.
Dans ce cadre, [E] [C] lui a cédé les parts sociales de l'EARL par acte du 10 février 1999, moyennant la somme de 800 000 francs (800 parts de 1 000 francs). Cette cession a été financée au moyen pour moitié d'un prêt jeune agriculteur et pour l'autre moitié au moyen d'un prêt sans intérêt consenti par la cédante.
[E] [C] disposait dans cette EARL d'un compte courant d'associé créditeur, représentant une créance contre l'EARL, créance qu'elle a cédée à son fils moyennant la somme de 560 000 francs. Cette somme a été financée également par un prêt sans intérêt consenti par l'intéressée.
Par ailleurs, en décembre 1995, [T] et [E] [C] ont consenti à leurs deux enfants, [P] [C] et [O] [C], une donation-partage portant sur les parcelles de terre dont ils étaient propriétaires. La parcelle sise [Adresse 12] à [Localité 6] a été attribuée à Mme [O] [C]. Sur cette parcelle, à l'origine inconstructible et devenue constructible, [E] et [T] [C] ont fait édifier une maison d'habitation en 1999.
Enfin, M. [P] [C] était titulaire d'un bail rural consenti par ses parents en mars 1999 portant sur le corps de ferme sis [Adresse 3] à [Localité 6].
[T] [C] est décédé le [Date décès 5] 2009, laissant pour lui succéder sa veuve [E] [C] et ses deux enfants, Mme [O] [C] et M. [P] [C].
[E] [C] est décédée à son tour le [Date décès 20] 2013.
Mme [O] [C] et M. [P] [C] ne sont pas parvenus à un accord pour le partage des deux successions et de liquidation de la communauté ayant existé entre les époux.
Par exploit d'huissier de justice délivré le 19 mai 2015, M. [P] [C] a fait assigner Mme [O] [C] devant le tribunal de grande instance de Chartres en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions et de la communauté.
L'EARL [C] est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement contradictoire rendu le 7 Septembre 2022, le tribunal judiciaire de Chartres a :
- Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [T] [C] et [E] [W] et de leur communauté,
- Ordonné en conséquence le partage de l'indivision existant entre M. [P] [C] et Mme [O] [C].
- Désigné M. [A], notaire à [Localité 19], [Adresse 9], pour procéder aux dites opérations.
- Désigné la présidente de la première chambre de ce tribunal ou le juge de la mise en état pour suivre les opérations de partage et faire rapport sur son homologation en cas de difficultés.
- Dit que Mme [O] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 120 000 euros au titre du bien immobilier situé [Adresse 12] à [Localité 6], soit 65 000 euros au titre de la construction et 55 000 euros au titre du terrain nu.
- Dit que le corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6] est évalué au 17 décembre 2013 à 134 000 euros avant abattement éventuel pour occupation.
- Dit que M. [P] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 103 665,32 euros et dit que cette somme produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 60 979,61 euros).
- Fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à 10 968,99 euros et celle due à l'EARL [C] à 37 073,77 euros au titre des travaux réalisés par leurs soins dans le corps de ferme et dans le cadre de l'exécution des baux ruraux.
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance au titre des fermages.
- Fixé la somme due à l'indivision par Mme [O] [C] à 782 euros au titre des taxes foncières 2014 et débouté M. [P] [C] de sa demande de créance à l'égard de Mme [O] [C] au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur le bien situé [Adresse 12] à [Localité 6].
- Fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à 23 626,80 euros au titre des travaux de réfection de la toiture du corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6], sur présentation par ses soins du justificatif de paiement,
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance de la somme de 291,26 euros au titre de sa quote-part dans la vente des parcelles cadastrées section ZB n°[Cadastre 7] et ZA n°[Cadastre 10] situées à [Localité 15] suivant acte établi le 24 juin 1998,
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de rapport par son frère de la somme de 9 909,17 euros à la communauté ayant existé entre ses parents,
- Débouté M. [P] [C] de sa demande de condamnation sous astreinte de sa s'ur à justifier de l'origine de fonds pour le financement des éléments suivants : Renault Super 5 achetée en 1987-1988 (plus ou moins 2 ans), entretien et carburant des véhicules de 1987 à 1991, voyage aux États-Unis en 1989 (plus ou moins 2 ans), études à Techoma ainsi que logement (hors prêt étudiant), et de communication de la copie intégrale de tous les livres de comptes des époux [C] pour les années de 1984 à 2013, ainsi que tous les relevés des comptes [16], livrets A et comptes [13] pour la même période,
- Dit que M. [P] [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant,
- Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage et répartis entre les parties à proportion de leur part, avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. [P] [C] et l'EARL [C] ont interjeté appel de ce jugement le 3 octobre 2022 à l'encontre de Mme [O] [C].
Par dernières conclusions notifiées le 6 mars 2024, ils demandent à la cour de :
Vu les articles 815 et suivants du code civil,
Vu les articles 1078 et suivants du code civil
Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chartres le 7 septembre 2022 en ce qu'il a :
- Dit que M. [C] est redevable à l'égard de l'indivision de la somme de 103 665,32 euros,
- Dit que cette somme produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 60 979,61 euros),
- Débouté M. [C] de sa demande de créance à l'égard de Mme [O] [C] au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur le bien situé [Adresse 12] à [Localité 6],
- Fixé la somme due par l'indivision à M. [C] à 23 626,80 euros au titre des travaux de réfection de toiture du corps de ferme situé [Adresse 3] [Localité 6] sur présentation par ses soins de justificatifs de paiement,
- Dit que M. [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant.
Statuant à nouveau,
- Juger que la créance que M. [P] [C] doit à l'indivision successorale s'élève à 87 505,73 euros,
- Condamner Mme [O] [C] à verser à la succession la somme de 4 518,10 euros,
- Condamner Mme [C] à verser à M. [C] la somme de 11 813,4 euros au titre de la moitié de ces frais de travaux de couverture de l'immeuble indivis,
- Débouter Mme [O] [C] de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Y ajoutant,
- Fixer la valeur du corps de ferme sis [Adresse 3], [Adresse 18], [Localité 6] à la somme de 122 985,20 euros après décote pour occupation,
- Condamner Mme [O] [C] aux entiers dépens qui seront passés en frais privilégiés de partage et que la SCP [17] sera autorisée à recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 1er mars 2024, Mme [O] [C] demande à la cour de :
Vu les articles 815 et suivants du code civil, 853, 860, 865, 866 notamment du code civil,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Chartres en date du 7 septembre 2022,
Vu l'appel interjeté par M. [P] [C] et l'EARL [C],
- Les déclarer recevables mais mal fondés,
- Débouter M. [P] [C] et l'EARL [C] de l'intégralité de leurs demandes de réformation de la décision déférée,
- L'accueillant en son appel incident,
- Infirmer la décision déférée sur les moyens contestés,
Et statuant à nouveau,
- Juger qu'elle ne doit pas rapport à la succession pour la valorisation du bien immobilier sur sa parcelle [Adresse 12] à [Localité 6] donnée en nue-propriété par M. et Mme [C] lors de la donation-partage,
A titre subsidiaire,
- Dire qu'elle est uniquement redevable à l'égard de l'indivision de la somme de 55 000 euros au titre de la construction pour le bien immobilier situé [Adresse 12] à [Localité 6],
- Infirmer la décision en ce qu'elle a dit qu'elle était redevable de la somme de 55 000 euros au titre du terrain nu,
- Fixer la valorisation du corps de ferme sis [Adresse 3] à [Localité 6] à la somme de 180 000 euros.
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que Maître [A], notaire à [Localité 19], désigné par le tribunal judiciaire de Chartres pour liquider la succession, précédera à l'évaluation contradictoire du bien du corps de ferme,
- Infirmer la décision en ce qu'elle a fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à 10 968,99 euros et à l'EARL [C] à 37 073,77 euros au titre des travaux réalisés par leurs soins dans le corps de ferme et dans le cadre de l'exécution des baux ruraux,
- Infirmer la décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de rapport de l'écart de valorisation de comptes courants,
- Dire en conséquence que M. [P] [C] devra rapporter la somme de 42 985,83 euros,
- Confirmer la décision déférée pour le surplus en son intégralité,
- Dire n'y avoir lieu à article 700,
- Ordonner les dépens d'appel en frais privilégiés de partage.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 25 avril 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :
- Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [T] [C] et [E] [W] et de leur communauté,
- Ordonné en conséquence le partage de l'indivision existant entre M. [P] [C] et Mme [O] [C].
- Désigné M. [A], notaire à [Localité 19], [Adresse 9], pour procéder aux dites opérations.
- Désigné la présidente de la première chambre de ce tribunal ou le juge de la mise en état pour suivre les opérations de partage et faire rapport sur son homologation en cas de difficultés.
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance au titre des fermages.
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance de la somme de 291,26 euros au titre de sa quote-part dans la vente des parcelles cadastrées section ZB n°[Cadastre 7] et ZA n°[Cadastre 10] situées à [Localité 15] suivant acte établi le 24 juin 1998,
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de rapport par son frère de la somme de 9 909,17 euros à la communauté ayant existé entre ses parents,
- Débouté M. [P] [C] de sa demande de condamnation sous astreinte de sa s'ur à justifier de l'origine de fonds pour le financement des éléments suivants : Renault Super 5 achetée en 1987-1988 (plus ou moins 2 ans), entretien et carburant des véhicules de 1987 à 1991, voyage aux États-Unis en 1989 (plus ou moins 2 ans), études à Techoma ainsi que logement (hors prêt étudiant), et de communication de la copie intégrale de tous les livres de comptes des époux [C] pour les années de 1984 à 2013, ainsi que tous les relevés des comptes [16], livrets A et comptes [13] pour la même période,
Ces dispositions sont par conséquent irrévocables.
Sur la valorisation des biens immobiliers
1) S'agissant du terrain donné à Mme [O] [C]
Le tribunal a jugé que Mme [O] [C] devait rapporter la valeur du terrain reçu au terme de la donation partage du 9 décembre 1995 à hauteur de 55 000 euros mais devait également rapporter la valeur de la construction édifiée sur ce terrain par ses parents en 1999 à hauteur de 65 000 euros au motif que cette construction constitue pour la donataire un avantage indirect.
Moyens des parties
Mme [O] [C] fait tout d'abord valoir que la maison lui a été léguée par sa mère au terme d'un testament du 30 novembre 1999 et n'est donc pas rapportable. Subsidiairement, elle soutient que compte tenu de la dégradation du bien en raison d'un manque d'entretien, la valeur de 65 000 euros ne saurait être retenue.
M. [P] [C] réplique que par testament olographe du 26 avril 2010, leur mère a révoqué toute disposition testamentaire antérieure. Il ajoute que la non prise en compte de la construction aurait pour conséquence d'enrichir sa soeur au préjudice de l'indivision successorale.
Appréciation de cour
En application de l'article 843 du code civil, ' Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale'.
Par ailleurs, en application de l'article 860 du même code, ' Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation'.
Il sera tout d'abord constaté que la révocation du testament par lequel [E] [W] léguait la maison construite sur le terrain litigieux conduit à faire application des dispositions des articles 843 et suivants du code civil.
Par ailleurs, les améliorations apportées à l'immeuble donné, ici un terrain nu, doivent être prises en compte dans le calcul du rapport à hauteur du profit subsistant à l'époque du partage, dès lors qu'elles ont été financées par le donateur.
Tel est bien le cas en l'espèce, puisqu'il n'est pas contesté que la construction a été édifiée et financée par les époux [C].
La plus-value découlant de la construction étant étrangère à la gratifiée, Mme [O] [C], elle doit être rapportée pour sa valeur au jour du partage.
Mme [O] [C], à titre subsidiaire, soutient qu'en tout état de cause il ne saurait être retenu une valeur de 65 000 euros au titre de la construction.
Elle ne propose cependant aucune autre valeur, ni d'élément probant permettant de conclure que cette valeur serait excessive et d'en fixer une valeur moindre.
Au contraire, M. [P] [C] fait pertinemment valoir que la déclaration de succession, signée par Mme [O] [C], a chiffré la maison à la somme de 65 000 euros.
Dans ces conditions, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a décidé que Mme [O] [C] devait rapporter à la succession la somme de 65 000 euros au titre de la construction et de 55 000 euros au titre du terrain reçu à l'occasion de la donation-partage, cette dernière n'étant pas contestée.
2) S'agissant du corps de ferme donné à M. [P] [C]
Le tribunal, se fondant sur l'estimation de valeur réalisée par M. [F], notaire, qu'il a estimé étayée et justifiée par l'état du corps de ferme et sa situation, a fixé la valeur du rapport à 134 000 euros avant minoration éventuelle pour occupation.
Moyens des parties
M. [P] [C] soutient que Mme [C] n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause l'estimation réalisée par M. [F], les documents produits pour démontrer une sous évaluation du bien étant constitués de simples annonces immobilières non corroborées par l'appréciation d'un agent immobilier.
Il souligne que le bien étant loué à l'EURL [C], il convient d'appliquer une décote et de fixer la valeur du rapport à 122 985,20 euros.
Mme [O] [C] renouvelle sa demande d'évaluation du corps de ferme à 180 000 euros en s'appuyant sur un certain nombre d'annonces immobilières.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu une valeur de rapport à la succession de 134 000 euros avant décote éventuelle liée à l'occupation.
Les éléments fournis par Mme [C], qui effectivement ne sont que de simples annonces de ventes immobilières sans aucun caractère probant quant à la valeur réelle du bien mis en vente, le prix de vente réel étant inconnu, ne sont pas de nature à remettre en cause l'estimation réalisée par M. [F] et qui, à juste titre, a été retenue par le tribunal.
Cependant, étant établi que le bien donné est loué par l'EURL [C], il convient d'appliquer une décote au titre de l'occupation et de fixer la valeur de rapport, après abattement de 8%, à 123 280 euros.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les créances
1) Sur les sommes dues par M. [C] à l'indivision au titre des prêts
Le tribunal a estimé que la somme de 103 665,33 euros que M. [C] reconnaît devoir à l'indivision au titre des deux prêts qui lui avaient été consentis par ses parents, porte intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL et à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant.
Moyens des parties
M. [P] [C] soutient qu'une partie des sommes rapportables est prescrite et qu'il ne doit rapporter que la somme de 87 505,73 euros. Il fait valoir que les deux actes de prêt ont expressément mentionné qu'aucun intérêt ne serait dû et que le jugement doit être infirmé en ce qu' il assorti les sommes rapportables d'un intérêt au taux légal.
Mme [O] [C] conclut à la confirmation du jugement. Elle ne répond pas à la prescription soulevée par l'appelant mais rappelle, s'agissant des intérêts, que les dispositions de l'article 866 du code civil ont vocation à s'appliquer.
Appréciation de la cour
Sur la prescription : Pour être rapportable à la succession, encore faut-il que le dette existe au jour du décès, ce qui n'est pas le cas si la dette est éteinte à l'ouverture de la succession par le jeu d'une prescription déjà acquise.
[E] [C] étant décédée le [Date décès 20] 2013, les échéances des prêts consentis non remboursées antérieures au 30 septembre 2008 sont irrecevables en raison de la prescription quinquennale.
La cour validera le calcul proposé par M. [P] [C], non contesté par Mme [O] [C], duquel il ressort qu'il doit rapporter à la succession la somme de :
- 36 587,76 euros au titre des annuités de la cession de créance/compte courant (somme prêtée déduction faite des sommes prescrites)
- 50 917,97 euros au titre des annuités de la cession des parts sociales (somme prêtée déduction faite des sommes prescrites)
soit un total de 87 505,73 euros.
Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a dit que M. [P] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 103 665,32 euros, cette somme étant ramenée à 87 505,73 euros.
Sur les intérêts : En application de l'article 866 du code civil, 'Les sommes rapportables produisent intérêt au taux légal, sauf stipulation contraire.
Ces intérêts courent depuis l'ouverture de la succession lorsque l'héritier en était débiteur envers le défunt et à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l'indivision'.
Les intérêts dont il est question sont les intérêts afférents à la dette rapportable, donc à la dette du débiteur envers l'indivision successorale et non à la dette contractée auprès du de cujus. Ces intérêts sont dus même si la dette soumise au rapport n'était pas elle-même productive d'intérêts à l'égard de cujus, sauf stipulation contraire entre les indivisaires.
Il importe donc peu que les deux prêts accordés à M. [P] [C] par [E] [C] aient été stipulés sans intérêts.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la somme due à l'indivision par M. [P] [C] produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre de la cession de créance (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 60 979,61 euros).
La somme rapportable produira intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2014, date à laquelle la somme due au titre du compte courant (soit 36 587,76 euros) est devenue exigible et à compter du 1er juillet 2017, date à laquelle la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 50 917,97 euros) est devenue exigible.
2) Sur les sommes dues au titre des travaux exécutés par M. [P] [C] et l'EARL [C]
Le tribunal, au visa de l'article 1719 du code civil qui oblige le bailleur à entretenir la chose louée, a fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à la somme de 10 968,99 euros et celle de l'EARL [C] à 37 073,77 euros.
Moyens des parties
Mme [O] [C] conclut à l'infirmation du jugement estimant, en substance, que les travaux en cause sont pour l'essentiel des travaux d'entretien et qu'en outre M. [P] [C] bénéficiait indirectement d'un avantage en raison d'un loyer plus que modique.
M. [P] [C] conclut à la confirmation du jugement en soulignant qu'il apporte toutes les pièces justificatives pour les dépenses dont il réclame le remboursement. Il ajoute qu'il a fait l'avance de frais de réparation indispensables en raison de la dégradation rapide du bien indivis.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à la somme de 10 968,99 euros et celle de l'EARL [C] à 37 073,77 euros.
Les moyens avancés par Mme [C] ne sont pas de nature à remettre en cause la juste appréciation du tribunal, notamment s'agissant du moyen tiré de la modicité du loyer versé par son frère. Outre le fait que cette modicité n'est pas démontrée, elle ne pourrait pas en tout état de cause avoir pour conséquence de priver son frère du droit au remboursement des frais, en principe à la charge du propriétaire, qu'il a engagés en tant que locataire.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
3) Sur les sommes dues au titre de factures d'eau et d'électricité
Le tribunal a considéré qu'il n'était pas démontré que Mme [O] [C] ait occupé la maison de leurs parents entre octobre 2013 et le printemps 2014 et débouté en conséquence M. [C] de sa demande de créance à l'égard de sa soeur au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur ce bien et pour cette période, réglées par l'indivision. Il a en revanche retenu que l'indivision avait réglé la somme de 782 euros au titre de la taxe foncière 2014 et dit en conséquence que Mme [C] était redevable de cette somme envers l'indivision.
Moyens des parties
M. [P] [C] conclut à l'infirmation du jugement au titre des factures d'électricité et d'eau en affirmant que l'intéressée aurait occupé ce bien très rapidement après le décès de leur mère en [Date décès 20] 2013. Il soutient que compte tenu de son lieu de travail, Mme [C] ne pouvait pas habiter ailleurs et qu'elle ne justifie pas d'un autre domicile.
Mme [O] [C] conclut à la confirmation du jugement et maintient n'être entrée dans les lieux qu'en avril 2014.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté cette prétention.
Il sera ajouté que Mme [C] n'a pas à justifier de son lieu de vie entre l'automne 2013 et le printemps 2014, ceci relevant de sa vie privée qui doit être protégée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé la somme due à l'indivision par Mme [O] [C] à 782 euros au titre de la taxe foncière de 2014 et débouté M. [P] [C] de sa demande de créance à l'égard de Mme [O] [C] au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur le bien situé [Adresse 12] à [Localité 6].
4) Sur les travaux du corps de ferme
Le tribunal a décidé de fixer à la somme de 23 626,80 euros la créance de M. [C] sur l'indivision au titre des travaux sur la toiture du corps de ferme dès qu'il justifiera l'avoir engagée.
Moyens des parties
M. [C], craignant que sa soeur, une fois les travaux réalisés, ne conteste leur nécessité et leur paiement sur les fonds détenus par le notaire pour le compte de l'indivision, demande à la cour de condamner l'intimée au paiement de la moitié du coût des travaux, aux lieu et place de son inscription au passif de la succession.
Mme [C] conclut au rejet de cette prétention en affirmant ne pas s'opposer à la réalisation des travaux de réfection de la toiture et en soulignant que l'indivision dispose des fonds suffisants pour régler ces travaux, les fermages étant consignés entre les mains du notaire.
Appréciation de la cour
M. [C] n'avance aucun moyen d'ordre juridique à l'appui de sa demande de condamnation en paiement à l'encontre de sa soeur.
De plus, il ne justifie pas avoir d'ores et déjà fait réaliser les travaux, de sorte qu'il n'est pas fondé à solliciter le remboursement immédiat de sommes qu'il n'a pas encore exposées.
Enfin, les parties s'accordent pour dire que le notaire dispose des fonds suffisants pour régler le montant des travaux. Il n'est pas fait état de la moindre difficulté pour que la facture, une fois les travaux réalisés, soit réglée directement par le notaire à l'aide des fonds qu'il détient pour le compte de l'indivision, Mme [C] ne manifestant aucune opposition à leur réalisation.
La crainte exprimée par M. [C] est en tout état de cause insuffisante pour remettre en cause la décision des premiers juges.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur le rapport à la succession au titre des avantages indirects et de la valorisation des apports lors de la constitution de l'EARL
Le tribunal a considéré que les prêts sans intérêts consentis à M. [P] [C] constituent un avantage indirect et ordonné le rapport à ce titre de la somme de 21 123,24 euros au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales et de la somme de 31 971,18 euros au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant.
Il a en revanche rejeté la demande fondée sur la minoration de la valorisation du compte courant, au motif que cette valorisation était fondée sur le rapport d'un commissaire aux comptes.
Moyens des parties
Mme [O] [C] conteste le rejet au titre de la valorisation du compte courant en faisant valoir que son frère n'explique toujours pas pourquoi le compte courant de leur mère, qui s'élevait à 771 053 francs au 31 août 1998, n'était plus que de 573 471,34 francs 4 mois plus tard au jour de la date d'arrêté des comptes, sur la base desquels le compte courant a été valorisé pour la création de l'EARL.
M. [P] [C] souligne que la valorisation des apports à l'EARL a été validée par un commissaire aux comptes, en ce compris la valorisation du compte-courant. S'agissant de l'avantage indirect résultant des deux prêts sans intérêts, il soutient qu'au terme de plusieurs arrêts de la Cour de cassation du 18 janvier 2012, seule une libéralité est rapportable et que les avantages indirects sont devenus des donations à part entière. Il reproche donc au tribunal de ne pas avoir caractérisé l'intention libérale de sa mère à l'occasion de l'octroi des prêts.
Appréciation de la cour
En application de l'article 853 du code civil, ne doivent pas être rapportés les profits que l'héritier a pu retirer des conventions passées avec le défunt, si ces conventions ne présentaient aucun avantage indirect, lorsqu'elles ont été faites.
Ainsi que le relève fort pertinemment M. [C], depuis 4 arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 janvier 2012, les avantages indirects ne sont rapportables que si l'intention libérale du de cujus est établie. La jurisprudence la plus récente confirme cette exigence ( Cass. 1re civ., 10 févr. 2021, n° 19-20.026 ; Cass. 1re civ., 12 juin 2024, n° 22-19.569, JurisData n° 2024-009193).
Le tribunal n'a effectivement pas caractérisée l'intention libérale de [E] [C] et Mme [O] [C], qui n'a pas répondu au moyen développé par son frère dans ses conclusions d'appel, n'apporte aucun élément qui permettrait se retenir une telle intention.
Dès lors le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que M. [P] [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant,
La cour déboutera Mme [O] [C] de ce chef de prétention.
S'agissant d'un écart de valorisation du compte courant, c'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal, constatant que cette valorisation avait été validée par un commissaire aux apports, a débouté Mme [O] [C] de sa demande.
Au surplus, la cour observe que dans ses conclusions d'appel, Mme [O] [S] ne justifie d'aucune manière la somme de 42 985,83 euros qui devrait selon, elle être rapportée par son frère à la succession.
Le jugement sera confirmé sur ce dernier point.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Chaque partie succombant pour partie, il n' y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant dans le limites de l'appel, par arrêt contradictoire et mis à disposition,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- dit que le corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6] est évalué au 17 décembre 2013 à 134 000 euros avant abattement éventuel pour occupation,
- dit que M. [P] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 103 665,32 euros et dit que cette somme produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] ( soit 60 979,61 euros ),
- dit que M. [P] [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant,
Le CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant,
DIT que le corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6] est évalué au 17 décembre 2013 à 123 280 euros après abattement de 8%,
DIT que M. [P] [C] est redevable envers la succession de la somme de 87 505,73 euros au titre des prêts consentis par [E] [C],
DIT que cette somme produira intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 36 587,76 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 50 917,97 euros),
DÉBOUTE Mme [O] [C] de ses demandes au titre des avantages indirects résultant des prêts sans intérêts,
ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage,
DIT qu'ils pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,
DE
VERSAILLES
Chambre civile 1-1
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
Code nac : 28A
DU 08 OCTOBRE 2024
N° RG 22/06046
N° Portalis DBV3-V-B7G-VODO
AFFAIRE :
[P], [L], [V] [C]
E.A.R.L. [C]
C/
[O], [K], [M] [C]
Décision déférée à la cour : Décision renduele 07 Septembre 2022 par le Tribunal Judiciaire de CHARTRES
N° Chambre :
N° Section :
N° RG : 15/01443
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
- la SCP IMAGINE BROSSOLETTE,
- la SCP OPSOMER
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE HUIT OCTOBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE,
La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :
Monsieur [P], [L], [V] [C]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Adresse 18]
[Localité 6]
E.A.R.L. [C]
agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité au siège social
N° SIRET : [N° SIREN/SIRET 8]
[Adresse 3]
[Localité 6]
représentés par Me Marc MONTI de la SCP IMAGINE BROSSOLETTE, avocat - barreau de CHARTRES, vestiaire : 000034
APPELANTS
****************
Madame [O], [K], [M] [C]
née le [Date naissance 4] 1969 à [Localité 14]
de nationalité Française
[Adresse 11]
[Localité 2]
représentée par Me Alexandre OPSOMER de la SCP OPSOMER, avocat postulant - barreau de VERSAILLES, vestiaire : 481 - N° du dossier 23/23
Me Didier LEMOULT de la SCP LR AVOCATS & ASSOCIES, avocat - barreau d'AUBE
INTIMÉE
****************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 17 Juin 2024 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Pascale CARIOU, Conseillère chargée du rapport et Madame Sixtine DU CREST, Conseillère.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Anna MANES, Présidente,
Madame Pascale CARIOU, Conseillère,
Madame Sixtine DU CREST, Conseillère,
Greffier, lors des débats : Madame Natacha BOURGUEIL,
FAITS ET PROCÉDURE
[T] et [E] [C] ont exercé la profession d'agriculteurs.
En 1997, [E] [C] a créé une Exploitation Agricole à Responsabilité Limitée (EARL), dont elle était l'unique associée au capital de 800 000 francs.
M. [P] [C], le fils du couple, a repris l'exploitation agricole en 1999.
Dans ce cadre, [E] [C] lui a cédé les parts sociales de l'EARL par acte du 10 février 1999, moyennant la somme de 800 000 francs (800 parts de 1 000 francs). Cette cession a été financée au moyen pour moitié d'un prêt jeune agriculteur et pour l'autre moitié au moyen d'un prêt sans intérêt consenti par la cédante.
[E] [C] disposait dans cette EARL d'un compte courant d'associé créditeur, représentant une créance contre l'EARL, créance qu'elle a cédée à son fils moyennant la somme de 560 000 francs. Cette somme a été financée également par un prêt sans intérêt consenti par l'intéressée.
Par ailleurs, en décembre 1995, [T] et [E] [C] ont consenti à leurs deux enfants, [P] [C] et [O] [C], une donation-partage portant sur les parcelles de terre dont ils étaient propriétaires. La parcelle sise [Adresse 12] à [Localité 6] a été attribuée à Mme [O] [C]. Sur cette parcelle, à l'origine inconstructible et devenue constructible, [E] et [T] [C] ont fait édifier une maison d'habitation en 1999.
Enfin, M. [P] [C] était titulaire d'un bail rural consenti par ses parents en mars 1999 portant sur le corps de ferme sis [Adresse 3] à [Localité 6].
[T] [C] est décédé le [Date décès 5] 2009, laissant pour lui succéder sa veuve [E] [C] et ses deux enfants, Mme [O] [C] et M. [P] [C].
[E] [C] est décédée à son tour le [Date décès 20] 2013.
Mme [O] [C] et M. [P] [C] ne sont pas parvenus à un accord pour le partage des deux successions et de liquidation de la communauté ayant existé entre les époux.
Par exploit d'huissier de justice délivré le 19 mai 2015, M. [P] [C] a fait assigner Mme [O] [C] devant le tribunal de grande instance de Chartres en ouverture des opérations de compte, liquidation et partage des successions et de la communauté.
L'EARL [C] est intervenue volontairement à la procédure.
Par jugement contradictoire rendu le 7 Septembre 2022, le tribunal judiciaire de Chartres a :
- Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [T] [C] et [E] [W] et de leur communauté,
- Ordonné en conséquence le partage de l'indivision existant entre M. [P] [C] et Mme [O] [C].
- Désigné M. [A], notaire à [Localité 19], [Adresse 9], pour procéder aux dites opérations.
- Désigné la présidente de la première chambre de ce tribunal ou le juge de la mise en état pour suivre les opérations de partage et faire rapport sur son homologation en cas de difficultés.
- Dit que Mme [O] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 120 000 euros au titre du bien immobilier situé [Adresse 12] à [Localité 6], soit 65 000 euros au titre de la construction et 55 000 euros au titre du terrain nu.
- Dit que le corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6] est évalué au 17 décembre 2013 à 134 000 euros avant abattement éventuel pour occupation.
- Dit que M. [P] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 103 665,32 euros et dit que cette somme produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 60 979,61 euros).
- Fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à 10 968,99 euros et celle due à l'EARL [C] à 37 073,77 euros au titre des travaux réalisés par leurs soins dans le corps de ferme et dans le cadre de l'exécution des baux ruraux.
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance au titre des fermages.
- Fixé la somme due à l'indivision par Mme [O] [C] à 782 euros au titre des taxes foncières 2014 et débouté M. [P] [C] de sa demande de créance à l'égard de Mme [O] [C] au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur le bien situé [Adresse 12] à [Localité 6].
- Fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à 23 626,80 euros au titre des travaux de réfection de la toiture du corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6], sur présentation par ses soins du justificatif de paiement,
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance de la somme de 291,26 euros au titre de sa quote-part dans la vente des parcelles cadastrées section ZB n°[Cadastre 7] et ZA n°[Cadastre 10] situées à [Localité 15] suivant acte établi le 24 juin 1998,
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de rapport par son frère de la somme de 9 909,17 euros à la communauté ayant existé entre ses parents,
- Débouté M. [P] [C] de sa demande de condamnation sous astreinte de sa s'ur à justifier de l'origine de fonds pour le financement des éléments suivants : Renault Super 5 achetée en 1987-1988 (plus ou moins 2 ans), entretien et carburant des véhicules de 1987 à 1991, voyage aux États-Unis en 1989 (plus ou moins 2 ans), études à Techoma ainsi que logement (hors prêt étudiant), et de communication de la copie intégrale de tous les livres de comptes des époux [C] pour les années de 1984 à 2013, ainsi que tous les relevés des comptes [16], livrets A et comptes [13] pour la même période,
- Dit que M. [P] [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant,
- Débouté les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,
- Ordonné l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage et répartis entre les parties à proportion de leur part, avec recouvrement conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
- Ordonné l'exécution provisoire du jugement.
M. [P] [C] et l'EARL [C] ont interjeté appel de ce jugement le 3 octobre 2022 à l'encontre de Mme [O] [C].
Par dernières conclusions notifiées le 6 mars 2024, ils demandent à la cour de :
Vu les articles 815 et suivants du code civil,
Vu les articles 1078 et suivants du code civil
Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Chartres le 7 septembre 2022 en ce qu'il a :
- Dit que M. [C] est redevable à l'égard de l'indivision de la somme de 103 665,32 euros,
- Dit que cette somme produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 60 979,61 euros),
- Débouté M. [C] de sa demande de créance à l'égard de Mme [O] [C] au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur le bien situé [Adresse 12] à [Localité 6],
- Fixé la somme due par l'indivision à M. [C] à 23 626,80 euros au titre des travaux de réfection de toiture du corps de ferme situé [Adresse 3] [Localité 6] sur présentation par ses soins de justificatifs de paiement,
- Dit que M. [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant.
Statuant à nouveau,
- Juger que la créance que M. [P] [C] doit à l'indivision successorale s'élève à 87 505,73 euros,
- Condamner Mme [O] [C] à verser à la succession la somme de 4 518,10 euros,
- Condamner Mme [C] à verser à M. [C] la somme de 11 813,4 euros au titre de la moitié de ces frais de travaux de couverture de l'immeuble indivis,
- Débouter Mme [O] [C] de toutes autres demandes plus amples ou contraires,
- Confirmer le jugement entrepris pour le surplus.
Y ajoutant,
- Fixer la valeur du corps de ferme sis [Adresse 3], [Adresse 18], [Localité 6] à la somme de 122 985,20 euros après décote pour occupation,
- Condamner Mme [O] [C] aux entiers dépens qui seront passés en frais privilégiés de partage et que la SCP [17] sera autorisée à recouvrer directement conformément à l'article 699 du code de procédure civile ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Par dernières conclusions notifiées le 1er mars 2024, Mme [O] [C] demande à la cour de :
Vu les articles 815 et suivants du code civil, 853, 860, 865, 866 notamment du code civil,
Vu le jugement du tribunal judiciaire de Chartres en date du 7 septembre 2022,
Vu l'appel interjeté par M. [P] [C] et l'EARL [C],
- Les déclarer recevables mais mal fondés,
- Débouter M. [P] [C] et l'EARL [C] de l'intégralité de leurs demandes de réformation de la décision déférée,
- L'accueillant en son appel incident,
- Infirmer la décision déférée sur les moyens contestés,
Et statuant à nouveau,
- Juger qu'elle ne doit pas rapport à la succession pour la valorisation du bien immobilier sur sa parcelle [Adresse 12] à [Localité 6] donnée en nue-propriété par M. et Mme [C] lors de la donation-partage,
A titre subsidiaire,
- Dire qu'elle est uniquement redevable à l'égard de l'indivision de la somme de 55 000 euros au titre de la construction pour le bien immobilier situé [Adresse 12] à [Localité 6],
- Infirmer la décision en ce qu'elle a dit qu'elle était redevable de la somme de 55 000 euros au titre du terrain nu,
- Fixer la valorisation du corps de ferme sis [Adresse 3] à [Localité 6] à la somme de 180 000 euros.
A titre subsidiaire,
- Dire et juger que Maître [A], notaire à [Localité 19], désigné par le tribunal judiciaire de Chartres pour liquider la succession, précédera à l'évaluation contradictoire du bien du corps de ferme,
- Infirmer la décision en ce qu'elle a fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à 10 968,99 euros et à l'EARL [C] à 37 073,77 euros au titre des travaux réalisés par leurs soins dans le corps de ferme et dans le cadre de l'exécution des baux ruraux,
- Infirmer la décision en ce qu'elle l'a déboutée de sa demande de rapport de l'écart de valorisation de comptes courants,
- Dire en conséquence que M. [P] [C] devra rapporter la somme de 42 985,83 euros,
- Confirmer la décision déférée pour le surplus en son intégralité,
- Dire n'y avoir lieu à article 700,
- Ordonner les dépens d'appel en frais privilégiés de partage.
La clôture de l'instruction a été ordonnée le 25 avril 2024.
SUR CE, LA COUR,
Sur les limites de l'appel
Le jugement n'est pas contesté en ce qu'il a :
- Ordonné l'ouverture des opérations de compte, liquidation et partage de la succession de [T] [C] et [E] [W] et de leur communauté,
- Ordonné en conséquence le partage de l'indivision existant entre M. [P] [C] et Mme [O] [C].
- Désigné M. [A], notaire à [Localité 19], [Adresse 9], pour procéder aux dites opérations.
- Désigné la présidente de la première chambre de ce tribunal ou le juge de la mise en état pour suivre les opérations de partage et faire rapport sur son homologation en cas de difficultés.
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance au titre des fermages.
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de créance de la somme de 291,26 euros au titre de sa quote-part dans la vente des parcelles cadastrées section ZB n°[Cadastre 7] et ZA n°[Cadastre 10] situées à [Localité 15] suivant acte établi le 24 juin 1998,
- Débouté Mme [O] [C] de sa demande de rapport par son frère de la somme de 9 909,17 euros à la communauté ayant existé entre ses parents,
- Débouté M. [P] [C] de sa demande de condamnation sous astreinte de sa s'ur à justifier de l'origine de fonds pour le financement des éléments suivants : Renault Super 5 achetée en 1987-1988 (plus ou moins 2 ans), entretien et carburant des véhicules de 1987 à 1991, voyage aux États-Unis en 1989 (plus ou moins 2 ans), études à Techoma ainsi que logement (hors prêt étudiant), et de communication de la copie intégrale de tous les livres de comptes des époux [C] pour les années de 1984 à 2013, ainsi que tous les relevés des comptes [16], livrets A et comptes [13] pour la même période,
Ces dispositions sont par conséquent irrévocables.
Sur la valorisation des biens immobiliers
1) S'agissant du terrain donné à Mme [O] [C]
Le tribunal a jugé que Mme [O] [C] devait rapporter la valeur du terrain reçu au terme de la donation partage du 9 décembre 1995 à hauteur de 55 000 euros mais devait également rapporter la valeur de la construction édifiée sur ce terrain par ses parents en 1999 à hauteur de 65 000 euros au motif que cette construction constitue pour la donataire un avantage indirect.
Moyens des parties
Mme [O] [C] fait tout d'abord valoir que la maison lui a été léguée par sa mère au terme d'un testament du 30 novembre 1999 et n'est donc pas rapportable. Subsidiairement, elle soutient que compte tenu de la dégradation du bien en raison d'un manque d'entretien, la valeur de 65 000 euros ne saurait être retenue.
M. [P] [C] réplique que par testament olographe du 26 avril 2010, leur mère a révoqué toute disposition testamentaire antérieure. Il ajoute que la non prise en compte de la construction aurait pour conséquence d'enrichir sa soeur au préjudice de l'indivision successorale.
Appréciation de cour
En application de l'article 843 du code civil, ' Tout héritier, même ayant accepté à concurrence de l'actif, venant à une succession, doit rapporter à ses cohéritiers tout ce qu'il a reçu du défunt, par donations entre vifs, directement ou indirectement ; il ne peut retenir les dons à lui faits par le défunt, à moins qu'ils ne lui aient été faits expressément hors part successorale'.
Par ailleurs, en application de l'article 860 du même code, ' Le rapport est dû de la valeur du bien donné à l'époque du partage, d'après son état à l'époque de la donation'.
Il sera tout d'abord constaté que la révocation du testament par lequel [E] [W] léguait la maison construite sur le terrain litigieux conduit à faire application des dispositions des articles 843 et suivants du code civil.
Par ailleurs, les améliorations apportées à l'immeuble donné, ici un terrain nu, doivent être prises en compte dans le calcul du rapport à hauteur du profit subsistant à l'époque du partage, dès lors qu'elles ont été financées par le donateur.
Tel est bien le cas en l'espèce, puisqu'il n'est pas contesté que la construction a été édifiée et financée par les époux [C].
La plus-value découlant de la construction étant étrangère à la gratifiée, Mme [O] [C], elle doit être rapportée pour sa valeur au jour du partage.
Mme [O] [C], à titre subsidiaire, soutient qu'en tout état de cause il ne saurait être retenu une valeur de 65 000 euros au titre de la construction.
Elle ne propose cependant aucune autre valeur, ni d'élément probant permettant de conclure que cette valeur serait excessive et d'en fixer une valeur moindre.
Au contraire, M. [P] [C] fait pertinemment valoir que la déclaration de succession, signée par Mme [O] [C], a chiffré la maison à la somme de 65 000 euros.
Dans ces conditions, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a décidé que Mme [O] [C] devait rapporter à la succession la somme de 65 000 euros au titre de la construction et de 55 000 euros au titre du terrain reçu à l'occasion de la donation-partage, cette dernière n'étant pas contestée.
2) S'agissant du corps de ferme donné à M. [P] [C]
Le tribunal, se fondant sur l'estimation de valeur réalisée par M. [F], notaire, qu'il a estimé étayée et justifiée par l'état du corps de ferme et sa situation, a fixé la valeur du rapport à 134 000 euros avant minoration éventuelle pour occupation.
Moyens des parties
M. [P] [C] soutient que Mme [C] n'apporte aucun élément probant permettant de remettre en cause l'estimation réalisée par M. [F], les documents produits pour démontrer une sous évaluation du bien étant constitués de simples annonces immobilières non corroborées par l'appréciation d'un agent immobilier.
Il souligne que le bien étant loué à l'EURL [C], il convient d'appliquer une décote et de fixer la valeur du rapport à 122 985,20 euros.
Mme [O] [C] renouvelle sa demande d'évaluation du corps de ferme à 180 000 euros en s'appuyant sur un certain nombre d'annonces immobilières.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a retenu une valeur de rapport à la succession de 134 000 euros avant décote éventuelle liée à l'occupation.
Les éléments fournis par Mme [C], qui effectivement ne sont que de simples annonces de ventes immobilières sans aucun caractère probant quant à la valeur réelle du bien mis en vente, le prix de vente réel étant inconnu, ne sont pas de nature à remettre en cause l'estimation réalisée par M. [F] et qui, à juste titre, a été retenue par le tribunal.
Cependant, étant établi que le bien donné est loué par l'EURL [C], il convient d'appliquer une décote au titre de l'occupation et de fixer la valeur de rapport, après abattement de 8%, à 123 280 euros.
Le jugement sera infirmé sur ce point.
Sur les créances
1) Sur les sommes dues par M. [C] à l'indivision au titre des prêts
Le tribunal a estimé que la somme de 103 665,33 euros que M. [C] reconnaît devoir à l'indivision au titre des deux prêts qui lui avaient été consentis par ses parents, porte intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL et à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant.
Moyens des parties
M. [P] [C] soutient qu'une partie des sommes rapportables est prescrite et qu'il ne doit rapporter que la somme de 87 505,73 euros. Il fait valoir que les deux actes de prêt ont expressément mentionné qu'aucun intérêt ne serait dû et que le jugement doit être infirmé en ce qu' il assorti les sommes rapportables d'un intérêt au taux légal.
Mme [O] [C] conclut à la confirmation du jugement. Elle ne répond pas à la prescription soulevée par l'appelant mais rappelle, s'agissant des intérêts, que les dispositions de l'article 866 du code civil ont vocation à s'appliquer.
Appréciation de la cour
Sur la prescription : Pour être rapportable à la succession, encore faut-il que le dette existe au jour du décès, ce qui n'est pas le cas si la dette est éteinte à l'ouverture de la succession par le jeu d'une prescription déjà acquise.
[E] [C] étant décédée le [Date décès 20] 2013, les échéances des prêts consentis non remboursées antérieures au 30 septembre 2008 sont irrecevables en raison de la prescription quinquennale.
La cour validera le calcul proposé par M. [P] [C], non contesté par Mme [O] [C], duquel il ressort qu'il doit rapporter à la succession la somme de :
- 36 587,76 euros au titre des annuités de la cession de créance/compte courant (somme prêtée déduction faite des sommes prescrites)
- 50 917,97 euros au titre des annuités de la cession des parts sociales (somme prêtée déduction faite des sommes prescrites)
soit un total de 87 505,73 euros.
Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu'il a dit que M. [P] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 103 665,32 euros, cette somme étant ramenée à 87 505,73 euros.
Sur les intérêts : En application de l'article 866 du code civil, 'Les sommes rapportables produisent intérêt au taux légal, sauf stipulation contraire.
Ces intérêts courent depuis l'ouverture de la succession lorsque l'héritier en était débiteur envers le défunt et à compter du jour où la dette est exigible, lorsque celle-ci est survenue durant l'indivision'.
Les intérêts dont il est question sont les intérêts afférents à la dette rapportable, donc à la dette du débiteur envers l'indivision successorale et non à la dette contractée auprès du de cujus. Ces intérêts sont dus même si la dette soumise au rapport n'était pas elle-même productive d'intérêts à l'égard de cujus, sauf stipulation contraire entre les indivisaires.
Il importe donc peu que les deux prêts accordés à M. [P] [C] par [E] [C] aient été stipulés sans intérêts.
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que la somme due à l'indivision par M. [P] [C] produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre de la cession de créance (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 60 979,61 euros).
La somme rapportable produira intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2014, date à laquelle la somme due au titre du compte courant (soit 36 587,76 euros) est devenue exigible et à compter du 1er juillet 2017, date à laquelle la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 50 917,97 euros) est devenue exigible.
2) Sur les sommes dues au titre des travaux exécutés par M. [P] [C] et l'EARL [C]
Le tribunal, au visa de l'article 1719 du code civil qui oblige le bailleur à entretenir la chose louée, a fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à la somme de 10 968,99 euros et celle de l'EARL [C] à 37 073,77 euros.
Moyens des parties
Mme [O] [C] conclut à l'infirmation du jugement estimant, en substance, que les travaux en cause sont pour l'essentiel des travaux d'entretien et qu'en outre M. [P] [C] bénéficiait indirectement d'un avantage en raison d'un loyer plus que modique.
M. [P] [C] conclut à la confirmation du jugement en soulignant qu'il apporte toutes les pièces justificatives pour les dépenses dont il réclame le remboursement. Il ajoute qu'il a fait l'avance de frais de réparation indispensables en raison de la dégradation rapide du bien indivis.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a fixé la somme due par l'indivision à M. [P] [C] à la somme de 10 968,99 euros et celle de l'EARL [C] à 37 073,77 euros.
Les moyens avancés par Mme [C] ne sont pas de nature à remettre en cause la juste appréciation du tribunal, notamment s'agissant du moyen tiré de la modicité du loyer versé par son frère. Outre le fait que cette modicité n'est pas démontrée, elle ne pourrait pas en tout état de cause avoir pour conséquence de priver son frère du droit au remboursement des frais, en principe à la charge du propriétaire, qu'il a engagés en tant que locataire.
Le jugement sera confirmé sur ce point.
3) Sur les sommes dues au titre de factures d'eau et d'électricité
Le tribunal a considéré qu'il n'était pas démontré que Mme [O] [C] ait occupé la maison de leurs parents entre octobre 2013 et le printemps 2014 et débouté en conséquence M. [C] de sa demande de créance à l'égard de sa soeur au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur ce bien et pour cette période, réglées par l'indivision. Il a en revanche retenu que l'indivision avait réglé la somme de 782 euros au titre de la taxe foncière 2014 et dit en conséquence que Mme [C] était redevable de cette somme envers l'indivision.
Moyens des parties
M. [P] [C] conclut à l'infirmation du jugement au titre des factures d'électricité et d'eau en affirmant que l'intéressée aurait occupé ce bien très rapidement après le décès de leur mère en [Date décès 20] 2013. Il soutient que compte tenu de son lieu de travail, Mme [C] ne pouvait pas habiter ailleurs et qu'elle ne justifie pas d'un autre domicile.
Mme [O] [C] conclut à la confirmation du jugement et maintient n'être entrée dans les lieux qu'en avril 2014.
Appréciation de la cour
C'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal a rejeté cette prétention.
Il sera ajouté que Mme [C] n'a pas à justifier de son lieu de vie entre l'automne 2013 et le printemps 2014, ceci relevant de sa vie privée qui doit être protégée.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a fixé la somme due à l'indivision par Mme [O] [C] à 782 euros au titre de la taxe foncière de 2014 et débouté M. [P] [C] de sa demande de créance à l'égard de Mme [O] [C] au titre des factures d'électricité, d'eau et d'assurance sur le bien situé [Adresse 12] à [Localité 6].
4) Sur les travaux du corps de ferme
Le tribunal a décidé de fixer à la somme de 23 626,80 euros la créance de M. [C] sur l'indivision au titre des travaux sur la toiture du corps de ferme dès qu'il justifiera l'avoir engagée.
Moyens des parties
M. [C], craignant que sa soeur, une fois les travaux réalisés, ne conteste leur nécessité et leur paiement sur les fonds détenus par le notaire pour le compte de l'indivision, demande à la cour de condamner l'intimée au paiement de la moitié du coût des travaux, aux lieu et place de son inscription au passif de la succession.
Mme [C] conclut au rejet de cette prétention en affirmant ne pas s'opposer à la réalisation des travaux de réfection de la toiture et en soulignant que l'indivision dispose des fonds suffisants pour régler ces travaux, les fermages étant consignés entre les mains du notaire.
Appréciation de la cour
M. [C] n'avance aucun moyen d'ordre juridique à l'appui de sa demande de condamnation en paiement à l'encontre de sa soeur.
De plus, il ne justifie pas avoir d'ores et déjà fait réaliser les travaux, de sorte qu'il n'est pas fondé à solliciter le remboursement immédiat de sommes qu'il n'a pas encore exposées.
Enfin, les parties s'accordent pour dire que le notaire dispose des fonds suffisants pour régler le montant des travaux. Il n'est pas fait état de la moindre difficulté pour que la facture, une fois les travaux réalisés, soit réglée directement par le notaire à l'aide des fonds qu'il détient pour le compte de l'indivision, Mme [C] ne manifestant aucune opposition à leur réalisation.
La crainte exprimée par M. [C] est en tout état de cause insuffisante pour remettre en cause la décision des premiers juges.
Le jugement sera donc confirmé sur ce point.
Sur le rapport à la succession au titre des avantages indirects et de la valorisation des apports lors de la constitution de l'EARL
Le tribunal a considéré que les prêts sans intérêts consentis à M. [P] [C] constituent un avantage indirect et ordonné le rapport à ce titre de la somme de 21 123,24 euros au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales et de la somme de 31 971,18 euros au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant.
Il a en revanche rejeté la demande fondée sur la minoration de la valorisation du compte courant, au motif que cette valorisation était fondée sur le rapport d'un commissaire aux comptes.
Moyens des parties
Mme [O] [C] conteste le rejet au titre de la valorisation du compte courant en faisant valoir que son frère n'explique toujours pas pourquoi le compte courant de leur mère, qui s'élevait à 771 053 francs au 31 août 1998, n'était plus que de 573 471,34 francs 4 mois plus tard au jour de la date d'arrêté des comptes, sur la base desquels le compte courant a été valorisé pour la création de l'EARL.
M. [P] [C] souligne que la valorisation des apports à l'EARL a été validée par un commissaire aux comptes, en ce compris la valorisation du compte-courant. S'agissant de l'avantage indirect résultant des deux prêts sans intérêts, il soutient qu'au terme de plusieurs arrêts de la Cour de cassation du 18 janvier 2012, seule une libéralité est rapportable et que les avantages indirects sont devenus des donations à part entière. Il reproche donc au tribunal de ne pas avoir caractérisé l'intention libérale de sa mère à l'occasion de l'octroi des prêts.
Appréciation de la cour
En application de l'article 853 du code civil, ne doivent pas être rapportés les profits que l'héritier a pu retirer des conventions passées avec le défunt, si ces conventions ne présentaient aucun avantage indirect, lorsqu'elles ont été faites.
Ainsi que le relève fort pertinemment M. [C], depuis 4 arrêts rendus par la première chambre civile de la Cour de cassation le 18 janvier 2012, les avantages indirects ne sont rapportables que si l'intention libérale du de cujus est établie. La jurisprudence la plus récente confirme cette exigence ( Cass. 1re civ., 10 févr. 2021, n° 19-20.026 ; Cass. 1re civ., 12 juin 2024, n° 22-19.569, JurisData n° 2024-009193).
Le tribunal n'a effectivement pas caractérisée l'intention libérale de [E] [C] et Mme [O] [C], qui n'a pas répondu au moyen développé par son frère dans ses conclusions d'appel, n'apporte aucun élément qui permettrait se retenir une telle intention.
Dès lors le jugement sera infirmé en ce qu'il a dit que M. [P] [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant,
La cour déboutera Mme [O] [C] de ce chef de prétention.
S'agissant d'un écart de valorisation du compte courant, c'est par des motifs exacts, adoptés par la cour, que le tribunal, constatant que cette valorisation avait été validée par un commissaire aux apports, a débouté Mme [O] [C] de sa demande.
Au surplus, la cour observe que dans ses conclusions d'appel, Mme [O] [S] ne justifie d'aucune manière la somme de 42 985,83 euros qui devrait selon, elle être rapportée par son frère à la succession.
Le jugement sera confirmé sur ce dernier point.
Sur les demandes accessoires
Le sens du présent arrêt commande de confirmer les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.
Les dépens de la procédure d'appel seront employés en frais privilégiés de partage et pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
Chaque partie succombant pour partie, il n' y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les demandes à ce titre seront rejetées.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant dans le limites de l'appel, par arrêt contradictoire et mis à disposition,
INFIRME le jugement en ce qu'il a :
- dit que le corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6] est évalué au 17 décembre 2013 à 134 000 euros avant abattement éventuel pour occupation,
- dit que M. [P] [C] est redevable, à l'égard de l'indivision, de la somme de 103 665,32 euros et dit que cette somme produira intérêts au taux légal, à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 42 685,72 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] ( soit 60 979,61 euros ),
- dit que M. [P] [C] doit rapporter la somme de 21 123,24 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 400 000 francs relatif aux parts sociales de l'EARL [C] ainsi que la somme de 31 971,18 euros au titre de l'avantage indirect tiré par lui au titre du prêt de 573 471,34 francs relatif au compte courant,
Le CONFIRME pour le surplus,
Statuant à nouveau et ajoutant,
DIT que le corps de ferme situé [Adresse 3], [Localité 6] est évalué au 17 décembre 2013 à 123 280 euros après abattement de 8%,
DIT que M. [P] [C] est redevable envers la succession de la somme de 87 505,73 euros au titre des prêts consentis par [E] [C],
DIT que cette somme produira intérêt au taux légal à compter du 1er juillet 2014 pour la somme due au titre du compte courant (soit 36 587,76 euros) et à compter du 1er juillet 2017 pour la somme due au titre de la cession des parts de l'EARL [C] (soit 50 917,97 euros),
DÉBOUTE Mme [O] [C] de ses demandes au titre des avantages indirects résultant des prêts sans intérêts,
ORDONNE l'emploi des dépens en frais privilégiés de partage,
DIT qu'ils pourront être recouvrés directement en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.
REJETTE les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute autre demande.
- prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,
- signé par Madame Anna MANES, présidente, et par Madame Natacha BOURGUEIL, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, La Présidente,