Décisions
CA Nîmes, 5e ch. Pôle soc., 10 octobre 2024, n° 23/01875
NÎMES
Arrêt
Autre
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01875 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I22L
CRL/DO
POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON
11 mai 2023
RG :19/00858
[A]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE
Grosse délivrée le 10 OCTOBRE 2024 à :
- Me BREUILLOT
- CPAM VAUCLUSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 11 Mai 2023, N°19/00858
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Juillet 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Octobre 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [B] [A]
née le 09 Août 1962 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne-france BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par M. [K] en vertu d'un pouvoir spécial
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [B] [A], co-gérante d'un hôtel-restaurant exploité par la SARL [6], a été placée en arrêt de travail pour maladie du 10 avril au 30 septembre 2017 puis du 4 janvier au 28 février 2018 puis du 30 juin au 09 novembre 2018 et a perçu pendant toutes ses périodes des indemnités journalières.
Le 19 décembre 2018, la Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse a notifié à Mme [B] [A] une demande de remboursement de la somme de 9 499,82 euros représentant le montant des indemnités journalières versées pendant ses arrêts de travail, au motif qu'elle avait exercé une activité rémunérée pendant ses arrêts de travail et qu'elle avait effectué des sorties hors circonscription sans autorisation préalable de la Caisse Primaire d'assurance maladie de quitter le département.
Par lettre du 20 février 2019, Mme [B] [A] a saisi la Commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie en contestation de cet indu.
Elle a saisi le tribunal de grande instance d'Avignon d'un recours contre la décision implicite de rejet par requête en date du 5 juillet 2019 ( RG 19/858)
Dans sa séance du 10 octobre 2019, la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse a confirmé le montant de l'indu et Mme [B] [A] a contesté cette décision en saisissant le tribunal de grande instance d'Avignon d'un deuxième recours ( RG 21/00821).
Parallèlement, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse a mis en oeuvre la procédure de pénalités financières et a notifié le 17 mai 2019 à Mme [B] [A] une pénalité financière d'un montant de 3 000 euros.
Mme [B] [A] a contesté cette décision en saisissant le tribunal de grande instance d'Avignon d'un recours par requête adressée le 17 juillet 2019 ( RG 19/944).
Par jugement du 11 mai 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon :
- a ordonné la jonction des procédures 19/00858, 19/00944 et 21/00821 sous le RG 19/00858,
- a déclaré irrecevable le moyen tiré de la nullité de la procédure de contrôle et des notifications subséquentes d'un indu d'indemnités journalière et d'une pénalité financière,
- a condamné Mme [B] [A] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 9 499,82 euros au titre de l'indu d'indemnités journalières,
- l'a condamnée à payer à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 3 000 euros au titre de la pénalité financière,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné Mme [B] [A] aux dépens (article 696 du code de procédure civile).
Par acte du 06 juin 2023, Mme [B] [A] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 23 01875, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 02 juillet 2024.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [B] [A] demande à la cour de :
- annuler le jugement en toutes ses dispositions pour violation du principe du contradictoire,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté son recours à l'encontre de l'indu de 9.499,82 euros et la pénalité financière 3000 euros.
- annuler la notification d'indu de 9.499,82 euros par la CPAM de Vaucluse ;
- annuler la pénalité financière de 3 000 euros infligée à Mme [B] [A] par M. le Directeur de la CPAM de Vaucluse :
- voir condamner la CPAM de Vaucluse au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles
- la condamner aux dépens
Au soutien de ses demandes, Mme [B] [A] fait valoir que :
- le tribunal a soulevé d'office et sans débat contradictoire la question de la recevabilité de son moyen tiré du non-respect de la procédure de contrôle, et de la nullité subséquente de la procédure,
- cette violation du principe du contradictoire entraîne la nullité du jugement déféré,
- il est de jurisprudence constante qu'elle peut soulever des moyens qui n'ont pas été soulevés devant la Commission de Recours Amiable dès lors qu'ils visent la même contestation, et ces moyens de nullité sont par suite recevables,
- la procédure de contrôle est entachée de nullité parce que les conditions légales du contrôle n'ont pas été respectées, notamment sur le droit au secret bancaire
- l'obligation d'information est une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle, et la Caisse Primaire d'assurance maladie ne fait dans sa notification d'indu aucune référence à l'exercice de son droit de communication, ni à l'organisme bancaire concerné, ni aux chèques concernés, et ne fait pas mention de son droit à obtenir communication des pièces sur lesquelles elle fonde son indu,
- les chèques visés par la Caisse Primaire d'assurance maladie comme étant constitutifs de paiement de salaires alors qu'il s'agit de chèques émis dans le cadre familial, pour lui éviter d'être à découvert en fin de mois, et lui permettre de faire son dépôt de garantie lors de son déménagement,
- les chèques émanant de la SARL [6] correspondent à des arriérés de salaire, et au remboursement d'un achat qu'elle avait accepté de faire pour le compte de la société dont elle est associée minoritaire,
- elle n'a en aucun cas travaillé pour cette SARL pendant son arrêt de travail, la société appartenant à son ancien compagnon qui y hébergeait à cette époque sa maîtresse,
- elle n'était pas sur la période concernée en capacité d'exercer une quelconque activité ainsi qu'en atteste les éléments médicaux qu'elle produit mais également M. [E] gérant de la SARL,
- au surplus, la Caisse Primaire d'assurance maladie considère qu'elle a été en arrêt de travail du 4 janvier au 9 novembre 2018 alors qu'elle a été en fait arrêtée du 4 janvier au 28 février 2018 puis du 30 juin au 9 novembre 2018,
- dans le cadre de son dernier arrêt de travail pour burn-out, le médecin ayant prescrit l'arrêt de travail lui avait autorisé les sorties, et il est difficile de lui reprocher de ne pas avoir respecté les horaires de sorties,
- les déplacements hors départements s'expliquent par le fait que pendant sa dépression consécutive à sa séparation elle pouvait difficilement supporter de rester à proximité de ce qui avait été leur domicile commun, et elle avait besoin du soutien de sa famille qui vit pour l'essentiel en Drôme-Ardèche, et elle a d'ailleurs déménagé à [Localité 8] fin 2018,
- le déplacement dans les Alpes Maritimes se justifie par le fait qu'elle a accompagné son fils à l'enterrement d'un ami d'enfance,
- elle ignorait en raison du fait que son arrêt de travail indiquait ' sorties libres' qu'elle ne pouvait pas se déplacer hors département,
- au surplus le seul fait d'avoir quitté la circonscription de la caisse dont elle dépend sans autorisation préalable n'est pas sanctionné par la restitution des indemnités journalières, mais par leur retenue qui ne peut être décidée que par le conseil d'administration de l'organisme social, et seuls les jours d'absence non autorisée doivent être décomptés du paiement des indemnités journalières,
- aucune intention frauduleuse ne peut lui être reprochée, ses déplacements hors département étant motivés par le besoin de se rapprocher de sa famille, et par suite aucune pénalité financière ne devait lui être appliquée.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse demande à la cour de :
- débouter Mme [B] [A] de l'intégralité de ses demandes ;
- confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon le 11 mai 2023.
Au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse fait valoir que :
- la procédure de contrôle et la notification d'indu subséquentes sont régulières, la seule obligation d'information à sa charge est de mentionner le recours au droit de communication bancaire et de lui notifier avec l'indu la possibilité d'émettre des observations, ce qui suppose qu'elle soit informée de la teneur et de l'origine des documents sur lesquels l'indu est fondé,
- le droit aux indemnités journalières est soumis à plusieurs conditions dont le fait de ne pas exercer d'activité rémunérée pendant la même période, et le fait de ne pas quitter la circonscription de la caisse,
- l'assuré est donc tenu de solliciter une autorisation de sa caisse lorsqu'il veut se déplacer hors circonscription, même pour un motif personnel légitime, et le non-respect de cette obligation est sanctionné par la restitution des indemnités journalières,
- en cas d'exercice d'une activité pendant la période d'arrêt de travail, la jurisprudence considère que c'est à l'assuré de démontrer que cette activité était autorisée, qu'elle soit rémunérée ou bénévole, l'interdiction portant sur une quelconque activité,
- les relevés bancaires de Mme [B] [A] établissent qu'elle a séjourné hors département pendant ses arrêts de travail et les sommes versées sur son compte bancaire pendant cette même période laissent supposer des versements de salaire,
- les arguments soutenus par Mme [B] [A] ne remettent pas en cause le fait qu'elle a séjourné hors département pendant ses arrêts de travail,
- concernant les sommes perçues, les attestations sur l'honneur qu'elle verse aux débats sont contradictoires entre elles et ne sont étayées par aucun élément,
- la pénalité administrative est une sanction administrative autonome, sans que soit exigée une fraude ou un comportement pénalement répréhensible, tout manquement à une obligation de code de la sécurité sociale pouvant en faire l'objet,
- la pénalité prononcée à l'encontre de Mme [B] [A] l'a été à l'unanimité de la commission des pénalités financières, après avoir pris connaissance des explications et justificatifs fournis par l'assurée.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
* sur la demande d'annulation du jugement déféré
Mme [B] [A] demande la nullité du jugement entrepris pour violation du principe du contradictoire prévu par l'article 16 du code de procédure civile aux motifs que le premier juge a déclaré irrecevable sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure de contrôle et qu'il a soulevé d'office ce moyen sans que les parties n'aient été invitées au préalable à présenter leurs observations.
Conformément à l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à son infirmation ou à son annulation par la cour d'appel.
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, il ressort du jugement entrepris que le premier juge a soulevé, en effet, d'office l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la procédure de contrôle, les conclusions développées par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse devant le premier juge ne faisant pas apparaître qu'elle ait fait valoir cette fin de non-recevoir et il ne ressort ni des termes du jugement entrepris, ni des conclusions des parties en cause d'appel que cette fin de non-recevoir ait été débattue de manière contradictoire devant le premier juge qui n'a pas mis en mesure les parties de s'expliquer sur ce point lors de son audience.
La Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse ne formule aucune observation particulière sur ce non-respect par le premier juge du principe du contradictoire.
Ainsi, le premier juge ayant soulevé d'office la fin de non-recevoir en cause sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations à ce titre, il y a lieu d'annuler le jugement entrepris pour violation du principe du contradictoire.
En application de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, la présente Cour, du fait de l'effet dévolutif de l'appel, et alors que la nullité du jugement est prononcée pour un motif autre que le défaut de validité de l'exploit introductif d'instance, est tenue de statuer sur l'entier litige dont elle est saisie, étant précisé que l'affaire est en état d'être jugée devant elle, les parties ayant conclu au fond.
* sur la régularité de la procédure de contrôle
L'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'engagement du contrôle, prévoit que « le droit de communication permet d'obtenir, sans que s'y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires aux agents des
organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes (...) ».
L'article L. 114-20 définit, par référence au livre des procédures fiscales, les personnes auprès desquelles le droit de communication s'exerce.
Aux termes de l'article L. 114-21, « l'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande. »
Par une décision n 2019-789 QPC du 14 juin 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 114-21 conforme à la Constitution, précisant que « l'objet d'une telle disposition étant de permettre à la personne contrôlée de prendre connaissance des documents communiqués afin de pouvoir contester utilement les conclusions qui en ont été tirées par l'organisme de sécurité sociale, l'absence d'information de la personne visée par l'exercice du droit de communication ne méconnaît pas, en elle-même, le droit au respect de la vie privée. »
Il en résulte que l'organisme ayant usé du droit de communication est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision.
Cette obligation d'information constitue une formalité substantielle dont le non respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle. Il doit y être satisfait avec une précision suffisante pour mettre la personne contrôlée en mesure de disposer d'un accès effectif, avant la mise en recouvrement de l'indu, à ces informations et documents.
L'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale précise que l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé.
En l'espèce, la mise en recouvrement est intervenue par l'envoi à Mme [B] [A] de la notification de l'indu le 19 décembre 2018, le courrier de notification mentionnant ' les investigations menées et l'analyse de vos comptes bancaires font apparaître d'une part l'exercice d'une activité rémunérée pendant vos arrêts de travail d'autre part des sorties hors circonscription sans avoir au préalable demandé l'autorisation à votre Caisse Primaire d'assurance maladie de quitter le département', avant de préciser les périodes concernées et le montant de l'indu. A ce courrier de notification est joint un tableau reprenant chronologiquement les anomalies constatées, les référence du compte bancaire, et les lieux concernés ainsi que le montant de l'indu pour chaque période litigieuse.
Il résulte de ces mentions que Mme [B] [A] a eu connaissance des documents sur lesquels la Caisse Primaire d'assurance maladie s'est fondée pour déterminer le montant de l'indu ' analyse de vos comptes bancaires', sans qu'il soit nécessaire de préciser comme le soutient l'assurée le nom de l'établissement bancaire, cette dernière étant en capacité de se reporter à ses propres comptes bancaires pour avoir connaissance des informations dont l'organisme social a eu connaissance sans qu'il soit nécessaire au surplus que soient détaillées les lignes de compte concernées, dès lors que sont mentionnées les périodes litigieuses.
Par suite, la procédure de recouvrement n'est entachée d'aucune nullité.
* sur le montant de l'indu
L'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :
1) D'observer les prescriptions du praticien ;
2) De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;
3) De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;
4) De s'abstenir de toute activité non autorisée ;
5) D'informer sans délai la caisse de toute reprise d'activité intervenant avant l'écoulement du délai de l'arrêt de travail.
En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes, dans les conditions prévues à l'article L. 133-4-1.
En outre, si l'activité mentionnée au 4) a donné lieu à des revenus d'activité, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L 114-17-1. »
Ainsi, l'assuré ne peut exercer pendant l'arrêt de travail aucune activité, de quelle que nature qu'elle soit. Cette interdiction s'entend de toute activité, quelle soit rémunérée ou bénévole, domestique ou ludique, et ce même pendant les heures de sortie autorisées, sans qu'il soit nécessaire d'établir la volonté de fraude de l'assuré.
Par exception, le médecin prescripteur de l'arrêt de travail peut autoriser l'assuré à exercer certaines activités compatibles avec son état de santé. Cette autorisation doit néanmoins être expresse et préalable. Elle ne peut par exemple se déduire d'une invitation du médecin à la poursuite par le patient de ses activités sportives, au motif que l'activité physique participait à l'action thérapeutique de l'assuré.
Il appartient à l'assuré d'apporter la preuve qu'il bénéficie d'une autorisation expresse et préalable du médecin prescripteur pour exercer une activité particulière.
L'article R. 323-11-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige précise que le praticien indique sur l'arrêt de travail :
- soit que les sorties ne sont pas autorisées ;
- soit qu'elles le sont. Dans ce cas, l'assuré doit rester présent à son domicile de 9 h à 11 h et de 14 h à 16 h, sauf en cas de soins ou d'examens médicaux. Toutefois, le praticien peut, par dérogation à cette disposition, autoriser les sorties libres. Dans ce cas, il porte sur l'arrêt de travail les éléments d'ordre médical le justifiant.
L'article 37 du règlement intérieur modèle des caisses primaires d'assurance maladie pour le service des prestations, annexé à l'arrêté du 19 juin 1947 modifié, précise notamment que ' Durant la maladie, le malade ne doit pas quitter la circonscription de la section ou du correspondant de la caisse à laquelle il est rattaché, sans autorisation préalable de la caisse. La caisse peut autoriser le déplacement du malade, pour une durée indéterminée, si le médecin traitant l'ordonne dans un but thérapeutique ou par convenance personnelle justifiée du malade et après avis du médecin conseil. '
Et l'article 41 du même texte ajoute: 'Aucun bénéficiaire de l'assurance maladie ne peut se soustraire aux divers contrôles. En cas de refus, les prestations, tant en argent qu'en nature, sont suspendues pour la période pendant laquelle le contrôle aura été rendu impossible et notification en est donnée à l'assuré.
A l'assuré qui aurait volontairement enfreint le règlement des malades ou les prescriptions du médecin traitant, le conseil d'administration de la caisse ou un comité délégué par lui et composé d'administrateurs de la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues.
Dans tous les cas d'abus, la caisse poursuit le remboursement des frais inutiles.'
Les caisses primaires imposent sur le fondement de l'article 37 du règlement intérieur précité, à imposer aux assurés, bénéficiant d'indemnités journalières, une obligation ne doit pas quitter la circonscription de la caisse à laquelle il est affilié, sans avoir demandé et obtenu l'autorisation préalable de cette dernière. Elles n'ont pas choisi l'option consistant à se fonder exclusivement sur la disposition législative, en sanctionnant le fait de quitter la circonscription de la caisse, et plus particulièrement le territoire national, sous l'angle de l'activité non autorisée.
La Cour de cassation a approuvé cette mise en oeuvre des textes par les caisses en jugeant, sur le fondement combiné des articles L. 323-6 du code de la sécurité sociale et 37 du règlement intérieur des caisses, que, durant l'arrêt de travail, l'assuré ne peut quitter la circonscription de la caisse sans autorisation préalable de celle-ci, de sorte la caisse, qui n'a pas donné son autorisation préalable, est fondée à suspendre le versement des indemnités journalières durant la période au cours de laquelle l'assuré s'est absenté de la circonscription (2e Civ. 7 avril 2022, n° 20-22.874 )
Enfin, la Cour de cassation juge de manière constante que :'l'attribution et le service des indemnités journalières à l'assuré ou à la victime d'un accident du travail se trouvant dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant de poursuivre ou de reprendre le travail sont subordonnés au respect par l'intéressé des obligations limitativement énumérées à l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale'.
En l'espèce, la Caisse Primaire d'assurance maladie reproche à Mme [B] [A] deux manquements : des sorties hors circonscription de la caisse de rattachement, soit hors département de Vaucluse et la perception de ressources étant analysée comme une perception de rémunération d'une activité.
- concernant les déplacements hors département :
La Caisse Primaire d'assurance maladie se prévaut de retraits d'espèces hors département, et pour certains en dehors des horaires de sorties autorisées, entre avril et septembre 2017, en janvier et février 2018 et entre juin et novembre 2018.
Sur la base de ce constat, la Caisse Primaire d'assurance maladie reproche à Mme [B] [A] des sorties hors département au cours desquelles elle s'est rendue dans la Drôme, l'Ardèche, les Alpes Maritimes et le Vaucluse, lesquelles ne sont pas contestées par l'assurée qui excipe de sa bonne foi au motif que ses arrêts de travail portaient mention de 'sorties libres'.
Elle explique sans que cela ne puisse justifier l'absence de demandes d'autorisation préalable, qu'en raison de son état dépressif elle a eu besoin de se rendre auprès de membres de sa famille proche, ou qu'elle a dû se rendre à des obsèques.
Si elle invoque le fait que d'autres personnes qu'elle-même aient pu utiliser sa carte bancaire, force est de constater qu'elle ne produit aucun justificatif utile, la seule affirmation par son fils qu'elle ait pu lui prêter sa carte bancaire étant insuffisante à remettre en cause les autres attestations produites de membres de sa famille proche qui indiquent qu'elle s'est rendue à leur domicile, tel son père domicilié en Ardèche ou sa fille dans les Alpes Maritimes.
Ainsi, la Caisse Primaire d'assurance maladie en a justement déduit que Mme [B] [A] n'avait pas respecté l'interdiction qui lui était faite de quitter le département de Vaucluse pendant ses arrêts de travail, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une quelconque mauvaise foi de sa part.
Le manquement est caractérisé et suffit à lui seul à justifier l'indu pour les indemnités journalières versées sur les périodes litigieuses.
- concernant l'exercice d'une activité :
La Caisse Primaire d'assurance maladie se prévaut du versement de 6 chèques sur le compte bancaire de Mme [B] [A] :
- 400 euros en date du 17/08/2018 émis au nom de M. [V] [E],
- 340 euros en date du 19/09/2018 émis au nom de M. [V] [E],
- 1.000 euros en date du 04/10/2018 émis au nom de la SARL [6],
- 72,71 euros en date du 25/10/2018 émis au nom de la SARL [6],
- 1.252,72 euros en date du 06/11/2018 émis au nom de la SARL [6],
- 700 euros en date du 06/11/2018 émis au nom de Melle [G] [J].
La Caisse Primaire d'assurance maladie observe que M. [V] [E] est le père du fils de l'assurée et le gérant de la SARL [6] dont est associée et pour laquelle elle a travaillé, et que Melle [G] [J] est la compagne d'un fils de l'assurée, le couple étant co-gérant d'une société à [Localité 7].
Pour justifier du fait que ces revenus ne sont pas le fruit d'une activité rémunérée, Mme [B] [A] explique que suite à sa séparation avec M. [V] [E] elle a été en situation financière particulièrement délicate et a bénéficié de l'aide de ses proches.
Elle produit en ce sens :
- une attestation de Melle [J], qui indique lui avoir prêté une somme de 700 euros,
- une attestation de M. [V] [E] qui explique que les chèques émis par la SARL correspondent au paiement de salaires et de congés non pris avant le burn out dont elle a été victime, et que la somme de 72,71 euros est un remboursement de courses effectuées par l'assurée pour le compte de la société, et précise que les chèques émis depuis son compte personnel étaient sa participation aux ' paiement d'électricité, de loyer et de gaz et d'eau car nous avons une maison ensemble et de plus un fils en commun, [W] [E] vivant avec sa mère sans aucun revenu',
- une facture de 72,71 euros émise par le magasin [5] de [Localité 9] au nom de la SARL [6] le 20 octobre 2018.
La Caisse Primaire d'assurance maladie observe à juste titre qu'il n'est produit aucun bulletin de salaire mentionnant le paiement d'un salaire restant dû d'un montant de 1.252,72 ou le paiement de congés payés pour 1.000 euros, les bulletins de salaire des périodes d'arrêts de travail mentionnant au contraire un salaire de 0 euro. Au surplus, dans ses observations destinées à la commission des pénalités, Mme [B] [A] a expliqué ces versements comme étant des avances sur son compte courant d'associé, ce qui interroge sur la sincérité des explications données.
Elle fait valoir que le fait d'avoir effectué des achats, qui plus est hors département, pour la SARL dont elle est associée et salariée constitue une activité prohibée au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Si la solidarité familiale peut expliquer les versements d'argent depuis les comptes bancaires de ses proches, force est de constater que Mme [B] [A] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les versements d'argent par la SARL [6] pendant les périodes où elle était en arrêt de travail correspondent à des paiements d'arriérés de salaire sur des périodes antérieures aux dits arrêts. Les attestations très générales produites par Mme [B] [A] selon lesquelles elle n'aurait pas travaillé au restaurant géré par la société pendant ses périodes d'arrêt de travail ne permettent pas de remettre en cause ces constatations.
Ainsi, la Caisse Primaire d'assurance maladie a pu déduire des investigations menées sur les comptes bancaires de l'appelante que celle-ci a perçu des revenus d'activité pendant la période où elle était en arrêt de travail.
- sur le montant de l'indu :
Mme [B] [A] conteste le montant de l'indu qui lui a été notifié au double motif que le règlement intérieur des caisses primaires d'assurance maladie dont se prévaut l'intimée prévoit en son article 41 la rétention des indemnités journalières dues et non la restitution des indemnités d'ores et déjà versées et qu'elle n'avait aucune intention frauduleuse lors de ses déplacements hors département étant au contraire convaincue de pouvoir le faire puisque ses horaires de sortie étaient libres.
Ceci étant, l'indu est fondé sur le double motif des sorties hors département et de l'exercice d'une activité pendant l'arrêt de travail et le premier motif invoqué par Mme [B] [A] ne saurait prospérer.
Et par ailleurs, aucune intention frauduleuse n'est exigée pour pouvoir mettre en oeuvre la procédure de restitution des prestations indûment versées.
Mme [B] [A] sollicite également que le montant de l'indu soit diminué en tenant compte des seules journées passées hors département que la Caisse Primaire d'assurance maladie a pu caractériser, soit 22 jours en 2017 et 48 jours en 2018.
Pour le même motif de double manquement aux obligations de l'assuré bénéficiant de prestations en espèce, cet argument ne peut remettre en cause le montant de l'indu mis à la charge de Mme [B] [A].
L'indu d'un montant de 9.499,82 euros mis à la charge de Mme [B] [A] par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse sera en conséquence validé
* sur la pénalité financière
Il résulte des dispositions législatives et jurisprudentielles précédemment rappelées que dès lors que l'existence d'une activité rémunérée pendant une période d'arrêt de travail est caractérisée, la Caisse Primaire d'assurance maladie peut mettre en oeuvre la procédure de pénalités financières de l'article L 114-17-1 du code de la sécurité sociale.
Mme [B] [A] conclut à l'annulation de la pénalité financière décidée par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse au motif qu'elle est de bonne foi dans ses déplacements hors département et qu'elle n'a exercé aucune activité rémunérée pendant ses arrêts de travail.
Ceci étant, outre que la mise en oeuvre de la procédure des pénalités financières n'exige pas que soit caractérisée la mauvaise de l'assuré, il a été jugé que Mme [B] [A] ne rapportait pas la preuve qu'elle n'avait exercé aucune activité rémunérée pendant son arrêt de travail.
La Caisse Primaire d'assurance maladie rappelle que cette pénalité a été prononcée à l'unanimité des membres de la commission des pénalités financières devant laquelle Mme [B] [A] ne s'est présentée, au motif que la réalité des faits était établie, de même que la responsabilité de l'assurée et en raison de la gravité des faits reprochés.
Le montant de la pénalité retenue par la commission qui représente moins d'un tiers du montant de l'indu sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Annule le jugement rendu le 11 mai 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon - Contentieux de la protection sociale,
et statuant sur le fond,
Condamne Mme [B] [A] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse la somme de 9 499,82 euros au titre d'un indu d'indemnités journalières pour ses arrêts de travail intervenus du 10 avril au 30 septembre 2017 puis du 4 janvier au 28 février 2018 puis du 30 juin au 09 novembre 2018,
Condamne Mme [B] [A] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de de Vaucluse la somme de 3 000 euros au titre de la pénalité financière mise à sa charge,
Juge n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [B] [A] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 23/01875 - N° Portalis DBVH-V-B7H-I22L
CRL/DO
POLE SOCIAL DU TJ D'AVIGNON
11 mai 2023
RG :19/00858
[A]
C/
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE
Grosse délivrée le 10 OCTOBRE 2024 à :
- Me BREUILLOT
- CPAM VAUCLUSE
COUR D'APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5e chambre Pole social
ARRÊT DU 10 OCTOBRE 2024
Décision déférée à la Cour : Jugement du Pole social du TJ d'AVIGNON en date du 11 Mai 2023, N°19/00858
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l'article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Evelyne MARTIN, Conseillère
Mme Catherine REYTER LEVIS, Conseillère
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et du prononcé de la décision.
DÉBATS :
A l'audience publique du 02 Juillet 2024, où l'affaire a été mise en délibéré au 10 Octobre 2024.
Les parties ont été avisées que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d'appel.
APPELANTE :
Madame [B] [A]
née le 09 Août 1962 à [Localité 10]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Anne-france BREUILLOT de la SELARL BREUILLOT & AVOCATS, avocat au barreau de CARPENTRAS
INTIMÉE :
CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DE VAUCLUSE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par M. [K] en vertu d'un pouvoir spécial
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par M. Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 10 Octobre 2024, par mise à disposition au greffe de la cour.
FAITS, PROCÉDURE, MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Mme [B] [A], co-gérante d'un hôtel-restaurant exploité par la SARL [6], a été placée en arrêt de travail pour maladie du 10 avril au 30 septembre 2017 puis du 4 janvier au 28 février 2018 puis du 30 juin au 09 novembre 2018 et a perçu pendant toutes ses périodes des indemnités journalières.
Le 19 décembre 2018, la Caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse a notifié à Mme [B] [A] une demande de remboursement de la somme de 9 499,82 euros représentant le montant des indemnités journalières versées pendant ses arrêts de travail, au motif qu'elle avait exercé une activité rémunérée pendant ses arrêts de travail et qu'elle avait effectué des sorties hors circonscription sans autorisation préalable de la Caisse Primaire d'assurance maladie de quitter le département.
Par lettre du 20 février 2019, Mme [B] [A] a saisi la Commission de recours amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie en contestation de cet indu.
Elle a saisi le tribunal de grande instance d'Avignon d'un recours contre la décision implicite de rejet par requête en date du 5 juillet 2019 ( RG 19/858)
Dans sa séance du 10 octobre 2019, la Commission de Recours Amiable de la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse a confirmé le montant de l'indu et Mme [B] [A] a contesté cette décision en saisissant le tribunal de grande instance d'Avignon d'un deuxième recours ( RG 21/00821).
Parallèlement, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse a mis en oeuvre la procédure de pénalités financières et a notifié le 17 mai 2019 à Mme [B] [A] une pénalité financière d'un montant de 3 000 euros.
Mme [B] [A] a contesté cette décision en saisissant le tribunal de grande instance d'Avignon d'un recours par requête adressée le 17 juillet 2019 ( RG 19/944).
Par jugement du 11 mai 2023, le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon :
- a ordonné la jonction des procédures 19/00858, 19/00944 et 21/00821 sous le RG 19/00858,
- a déclaré irrecevable le moyen tiré de la nullité de la procédure de contrôle et des notifications subséquentes d'un indu d'indemnités journalière et d'une pénalité financière,
- a condamné Mme [B] [A] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 9 499,82 euros au titre de l'indu d'indemnités journalières,
- l'a condamnée à payer à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de 3 000 euros au titre de la pénalité financière,
- a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
- a condamné Mme [B] [A] aux dépens (article 696 du code de procédure civile).
Par acte du 06 juin 2023, Mme [B] [A] a régulièrement interjeté appel de cette décision. Enregistrée sous le numéro RG 23 01875, l'examen de cette affaire a été appelé à l'audience du 02 juillet 2024.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, Mme [B] [A] demande à la cour de :
- annuler le jugement en toutes ses dispositions pour violation du principe du contradictoire,
- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a rejeté son recours à l'encontre de l'indu de 9.499,82 euros et la pénalité financière 3000 euros.
- annuler la notification d'indu de 9.499,82 euros par la CPAM de Vaucluse ;
- annuler la pénalité financière de 3 000 euros infligée à Mme [B] [A] par M. le Directeur de la CPAM de Vaucluse :
- voir condamner la CPAM de Vaucluse au paiement d'une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles
- la condamner aux dépens
Au soutien de ses demandes, Mme [B] [A] fait valoir que :
- le tribunal a soulevé d'office et sans débat contradictoire la question de la recevabilité de son moyen tiré du non-respect de la procédure de contrôle, et de la nullité subséquente de la procédure,
- cette violation du principe du contradictoire entraîne la nullité du jugement déféré,
- il est de jurisprudence constante qu'elle peut soulever des moyens qui n'ont pas été soulevés devant la Commission de Recours Amiable dès lors qu'ils visent la même contestation, et ces moyens de nullité sont par suite recevables,
- la procédure de contrôle est entachée de nullité parce que les conditions légales du contrôle n'ont pas été respectées, notamment sur le droit au secret bancaire
- l'obligation d'information est une formalité substantielle dont le non-respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle, et la Caisse Primaire d'assurance maladie ne fait dans sa notification d'indu aucune référence à l'exercice de son droit de communication, ni à l'organisme bancaire concerné, ni aux chèques concernés, et ne fait pas mention de son droit à obtenir communication des pièces sur lesquelles elle fonde son indu,
- les chèques visés par la Caisse Primaire d'assurance maladie comme étant constitutifs de paiement de salaires alors qu'il s'agit de chèques émis dans le cadre familial, pour lui éviter d'être à découvert en fin de mois, et lui permettre de faire son dépôt de garantie lors de son déménagement,
- les chèques émanant de la SARL [6] correspondent à des arriérés de salaire, et au remboursement d'un achat qu'elle avait accepté de faire pour le compte de la société dont elle est associée minoritaire,
- elle n'a en aucun cas travaillé pour cette SARL pendant son arrêt de travail, la société appartenant à son ancien compagnon qui y hébergeait à cette époque sa maîtresse,
- elle n'était pas sur la période concernée en capacité d'exercer une quelconque activité ainsi qu'en atteste les éléments médicaux qu'elle produit mais également M. [E] gérant de la SARL,
- au surplus, la Caisse Primaire d'assurance maladie considère qu'elle a été en arrêt de travail du 4 janvier au 9 novembre 2018 alors qu'elle a été en fait arrêtée du 4 janvier au 28 février 2018 puis du 30 juin au 9 novembre 2018,
- dans le cadre de son dernier arrêt de travail pour burn-out, le médecin ayant prescrit l'arrêt de travail lui avait autorisé les sorties, et il est difficile de lui reprocher de ne pas avoir respecté les horaires de sorties,
- les déplacements hors départements s'expliquent par le fait que pendant sa dépression consécutive à sa séparation elle pouvait difficilement supporter de rester à proximité de ce qui avait été leur domicile commun, et elle avait besoin du soutien de sa famille qui vit pour l'essentiel en Drôme-Ardèche, et elle a d'ailleurs déménagé à [Localité 8] fin 2018,
- le déplacement dans les Alpes Maritimes se justifie par le fait qu'elle a accompagné son fils à l'enterrement d'un ami d'enfance,
- elle ignorait en raison du fait que son arrêt de travail indiquait ' sorties libres' qu'elle ne pouvait pas se déplacer hors département,
- au surplus le seul fait d'avoir quitté la circonscription de la caisse dont elle dépend sans autorisation préalable n'est pas sanctionné par la restitution des indemnités journalières, mais par leur retenue qui ne peut être décidée que par le conseil d'administration de l'organisme social, et seuls les jours d'absence non autorisée doivent être décomptés du paiement des indemnités journalières,
- aucune intention frauduleuse ne peut lui être reprochée, ses déplacements hors département étant motivés par le besoin de se rapprocher de sa famille, et par suite aucune pénalité financière ne devait lui être appliquée.
Au terme de ses conclusions écrites, déposées et soutenues oralement lors de l'audience, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse demande à la cour de :
- débouter Mme [B] [A] de l'intégralité de ses demandes ;
- confirmer en toutes ses dispositions la décision rendue par le pôle social du tribunal judiciaire d'Avignon le 11 mai 2023.
Au soutien de ses demandes, la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse fait valoir que :
- la procédure de contrôle et la notification d'indu subséquentes sont régulières, la seule obligation d'information à sa charge est de mentionner le recours au droit de communication bancaire et de lui notifier avec l'indu la possibilité d'émettre des observations, ce qui suppose qu'elle soit informée de la teneur et de l'origine des documents sur lesquels l'indu est fondé,
- le droit aux indemnités journalières est soumis à plusieurs conditions dont le fait de ne pas exercer d'activité rémunérée pendant la même période, et le fait de ne pas quitter la circonscription de la caisse,
- l'assuré est donc tenu de solliciter une autorisation de sa caisse lorsqu'il veut se déplacer hors circonscription, même pour un motif personnel légitime, et le non-respect de cette obligation est sanctionné par la restitution des indemnités journalières,
- en cas d'exercice d'une activité pendant la période d'arrêt de travail, la jurisprudence considère que c'est à l'assuré de démontrer que cette activité était autorisée, qu'elle soit rémunérée ou bénévole, l'interdiction portant sur une quelconque activité,
- les relevés bancaires de Mme [B] [A] établissent qu'elle a séjourné hors département pendant ses arrêts de travail et les sommes versées sur son compte bancaire pendant cette même période laissent supposer des versements de salaire,
- les arguments soutenus par Mme [B] [A] ne remettent pas en cause le fait qu'elle a séjourné hors département pendant ses arrêts de travail,
- concernant les sommes perçues, les attestations sur l'honneur qu'elle verse aux débats sont contradictoires entre elles et ne sont étayées par aucun élément,
- la pénalité administrative est une sanction administrative autonome, sans que soit exigée une fraude ou un comportement pénalement répréhensible, tout manquement à une obligation de code de la sécurité sociale pouvant en faire l'objet,
- la pénalité prononcée à l'encontre de Mme [B] [A] l'a été à l'unanimité de la commission des pénalités financières, après avoir pris connaissance des explications et justificatifs fournis par l'assurée.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des prétentions et moyens des parties, il convient de se référer à leurs écritures déposées et soutenues à l'audience.
MOTIFS
* sur la demande d'annulation du jugement déféré
Mme [B] [A] demande la nullité du jugement entrepris pour violation du principe du contradictoire prévu par l'article 16 du code de procédure civile aux motifs que le premier juge a déclaré irrecevable sa demande tendant à voir prononcer la nullité de la procédure de contrôle et qu'il a soulevé d'office ce moyen sans que les parties n'aient été invitées au préalable à présenter leurs observations.
Conformément à l'article 542 du code de procédure civile, l'appel tend, par la critique du jugement rendu par une juridiction de premier degré, à son infirmation ou à son annulation par la cour d'appel.
Aux termes de l'article 16 du code de procédure civile, le juge doit, en toutes circonstances, faire observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans sa décision, les moyens, les explications et les documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement.
En l'espèce, il ressort du jugement entrepris que le premier juge a soulevé, en effet, d'office l'irrecevabilité de la demande d'annulation de la procédure de contrôle, les conclusions développées par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse devant le premier juge ne faisant pas apparaître qu'elle ait fait valoir cette fin de non-recevoir et il ne ressort ni des termes du jugement entrepris, ni des conclusions des parties en cause d'appel que cette fin de non-recevoir ait été débattue de manière contradictoire devant le premier juge qui n'a pas mis en mesure les parties de s'expliquer sur ce point lors de son audience.
La Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse ne formule aucune observation particulière sur ce non-respect par le premier juge du principe du contradictoire.
Ainsi, le premier juge ayant soulevé d'office la fin de non-recevoir en cause sans inviter préalablement les parties à présenter leurs observations à ce titre, il y a lieu d'annuler le jugement entrepris pour violation du principe du contradictoire.
En application de l'article 562 alinéa 2 du code de procédure civile, la présente Cour, du fait de l'effet dévolutif de l'appel, et alors que la nullité du jugement est prononcée pour un motif autre que le défaut de validité de l'exploit introductif d'instance, est tenue de statuer sur l'entier litige dont elle est saisie, étant précisé que l'affaire est en état d'être jugée devant elle, les parties ayant conclu au fond.
* sur la régularité de la procédure de contrôle
L'article L. 114-19 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable à la date d'engagement du contrôle, prévoit que « le droit de communication permet d'obtenir, sans que s'y oppose le secret professionnel, les documents et informations nécessaires aux agents des
organismes chargés de la gestion d'un régime obligatoire de sécurité sociale pour contrôler la sincérité et l'exactitude des déclarations souscrites ou l'authenticité des pièces produites en vue de l'attribution et du paiement des prestations servies par lesdits organismes (...) ».
L'article L. 114-20 définit, par référence au livre des procédures fiscales, les personnes auprès desquelles le droit de communication s'exerce.
Aux termes de l'article L. 114-21, « l'organisme ayant usé du droit de communication en application de l'article L. 114-19 est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision. Il communique, avant la mise en recouvrement ou la suppression du service de la prestation, une copie des documents susmentionnés à la personne qui en fait la demande. »
Par une décision n 2019-789 QPC du 14 juin 2019, le Conseil constitutionnel a déclaré l'article L. 114-21 conforme à la Constitution, précisant que « l'objet d'une telle disposition étant de permettre à la personne contrôlée de prendre connaissance des documents communiqués afin de pouvoir contester utilement les conclusions qui en ont été tirées par l'organisme de sécurité sociale, l'absence d'information de la personne visée par l'exercice du droit de communication ne méconnaît pas, en elle-même, le droit au respect de la vie privée. »
Il en résulte que l'organisme ayant usé du droit de communication est tenu d'informer la personne physique ou morale à l'encontre de laquelle est prise la décision de supprimer le service d'une prestation ou de mettre des sommes en recouvrement, de la teneur et de l'origine des informations et documents obtenus auprès de tiers sur lesquels il s'est fondé pour prendre cette décision.
Cette obligation d'information constitue une formalité substantielle dont le non respect entraîne la nullité de la procédure de contrôle. Il doit y être satisfait avec une précision suffisante pour mettre la personne contrôlée en mesure de disposer d'un accès effectif, avant la mise en recouvrement de l'indu, à ces informations et documents.
L'article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale précise que l'action en recouvrement de prestations indues s'ouvre par l'envoi au débiteur par le directeur de l'organisme compétent d'une notification de payer le montant réclamé.
En l'espèce, la mise en recouvrement est intervenue par l'envoi à Mme [B] [A] de la notification de l'indu le 19 décembre 2018, le courrier de notification mentionnant ' les investigations menées et l'analyse de vos comptes bancaires font apparaître d'une part l'exercice d'une activité rémunérée pendant vos arrêts de travail d'autre part des sorties hors circonscription sans avoir au préalable demandé l'autorisation à votre Caisse Primaire d'assurance maladie de quitter le département', avant de préciser les périodes concernées et le montant de l'indu. A ce courrier de notification est joint un tableau reprenant chronologiquement les anomalies constatées, les référence du compte bancaire, et les lieux concernés ainsi que le montant de l'indu pour chaque période litigieuse.
Il résulte de ces mentions que Mme [B] [A] a eu connaissance des documents sur lesquels la Caisse Primaire d'assurance maladie s'est fondée pour déterminer le montant de l'indu ' analyse de vos comptes bancaires', sans qu'il soit nécessaire de préciser comme le soutient l'assurée le nom de l'établissement bancaire, cette dernière étant en capacité de se reporter à ses propres comptes bancaires pour avoir connaissance des informations dont l'organisme social a eu connaissance sans qu'il soit nécessaire au surplus que soient détaillées les lignes de compte concernées, dès lors que sont mentionnées les périodes litigieuses.
Par suite, la procédure de recouvrement n'est entachée d'aucune nullité.
* sur le montant de l'indu
L'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que « Le service de l'indemnité journalière est subordonné à l'obligation pour le bénéficiaire :
1) D'observer les prescriptions du praticien ;
2) De se soumettre aux contrôles organisés par le service du contrôle médical prévus à l'article L. 315-2 ;
3) De respecter les heures de sorties autorisées par le praticien selon des règles et des modalités prévues par décret en Conseil d'Etat après avis de la Haute Autorité de santé ;
4) De s'abstenir de toute activité non autorisée ;
5) D'informer sans délai la caisse de toute reprise d'activité intervenant avant l'écoulement du délai de l'arrêt de travail.
En cas d'inobservation volontaire de ces obligations, le bénéficiaire restitue à la caisse les indemnités versées correspondantes, dans les conditions prévues à l'article L. 133-4-1.
En outre, si l'activité mentionnée au 4) a donné lieu à des revenus d'activité, il peut être prononcé une sanction financière dans les conditions prévues à l'article L 114-17-1. »
Ainsi, l'assuré ne peut exercer pendant l'arrêt de travail aucune activité, de quelle que nature qu'elle soit. Cette interdiction s'entend de toute activité, quelle soit rémunérée ou bénévole, domestique ou ludique, et ce même pendant les heures de sortie autorisées, sans qu'il soit nécessaire d'établir la volonté de fraude de l'assuré.
Par exception, le médecin prescripteur de l'arrêt de travail peut autoriser l'assuré à exercer certaines activités compatibles avec son état de santé. Cette autorisation doit néanmoins être expresse et préalable. Elle ne peut par exemple se déduire d'une invitation du médecin à la poursuite par le patient de ses activités sportives, au motif que l'activité physique participait à l'action thérapeutique de l'assuré.
Il appartient à l'assuré d'apporter la preuve qu'il bénéficie d'une autorisation expresse et préalable du médecin prescripteur pour exercer une activité particulière.
L'article R. 323-11-1 du code de la sécurité sociale dans sa version applicable au litige précise que le praticien indique sur l'arrêt de travail :
- soit que les sorties ne sont pas autorisées ;
- soit qu'elles le sont. Dans ce cas, l'assuré doit rester présent à son domicile de 9 h à 11 h et de 14 h à 16 h, sauf en cas de soins ou d'examens médicaux. Toutefois, le praticien peut, par dérogation à cette disposition, autoriser les sorties libres. Dans ce cas, il porte sur l'arrêt de travail les éléments d'ordre médical le justifiant.
L'article 37 du règlement intérieur modèle des caisses primaires d'assurance maladie pour le service des prestations, annexé à l'arrêté du 19 juin 1947 modifié, précise notamment que ' Durant la maladie, le malade ne doit pas quitter la circonscription de la section ou du correspondant de la caisse à laquelle il est rattaché, sans autorisation préalable de la caisse. La caisse peut autoriser le déplacement du malade, pour une durée indéterminée, si le médecin traitant l'ordonne dans un but thérapeutique ou par convenance personnelle justifiée du malade et après avis du médecin conseil. '
Et l'article 41 du même texte ajoute: 'Aucun bénéficiaire de l'assurance maladie ne peut se soustraire aux divers contrôles. En cas de refus, les prestations, tant en argent qu'en nature, sont suspendues pour la période pendant laquelle le contrôle aura été rendu impossible et notification en est donnée à l'assuré.
A l'assuré qui aurait volontairement enfreint le règlement des malades ou les prescriptions du médecin traitant, le conseil d'administration de la caisse ou un comité délégué par lui et composé d'administrateurs de la caisse peut retenir, à titre de pénalité, tout ou partie des indemnités journalières dues.
Dans tous les cas d'abus, la caisse poursuit le remboursement des frais inutiles.'
Les caisses primaires imposent sur le fondement de l'article 37 du règlement intérieur précité, à imposer aux assurés, bénéficiant d'indemnités journalières, une obligation ne doit pas quitter la circonscription de la caisse à laquelle il est affilié, sans avoir demandé et obtenu l'autorisation préalable de cette dernière. Elles n'ont pas choisi l'option consistant à se fonder exclusivement sur la disposition législative, en sanctionnant le fait de quitter la circonscription de la caisse, et plus particulièrement le territoire national, sous l'angle de l'activité non autorisée.
La Cour de cassation a approuvé cette mise en oeuvre des textes par les caisses en jugeant, sur le fondement combiné des articles L. 323-6 du code de la sécurité sociale et 37 du règlement intérieur des caisses, que, durant l'arrêt de travail, l'assuré ne peut quitter la circonscription de la caisse sans autorisation préalable de celle-ci, de sorte la caisse, qui n'a pas donné son autorisation préalable, est fondée à suspendre le versement des indemnités journalières durant la période au cours de laquelle l'assuré s'est absenté de la circonscription (2e Civ. 7 avril 2022, n° 20-22.874 )
Enfin, la Cour de cassation juge de manière constante que :'l'attribution et le service des indemnités journalières à l'assuré ou à la victime d'un accident du travail se trouvant dans l'incapacité physique constatée par le médecin traitant de poursuivre ou de reprendre le travail sont subordonnés au respect par l'intéressé des obligations limitativement énumérées à l'article L. 323-6 du code de la sécurité sociale'.
En l'espèce, la Caisse Primaire d'assurance maladie reproche à Mme [B] [A] deux manquements : des sorties hors circonscription de la caisse de rattachement, soit hors département de Vaucluse et la perception de ressources étant analysée comme une perception de rémunération d'une activité.
- concernant les déplacements hors département :
La Caisse Primaire d'assurance maladie se prévaut de retraits d'espèces hors département, et pour certains en dehors des horaires de sorties autorisées, entre avril et septembre 2017, en janvier et février 2018 et entre juin et novembre 2018.
Sur la base de ce constat, la Caisse Primaire d'assurance maladie reproche à Mme [B] [A] des sorties hors département au cours desquelles elle s'est rendue dans la Drôme, l'Ardèche, les Alpes Maritimes et le Vaucluse, lesquelles ne sont pas contestées par l'assurée qui excipe de sa bonne foi au motif que ses arrêts de travail portaient mention de 'sorties libres'.
Elle explique sans que cela ne puisse justifier l'absence de demandes d'autorisation préalable, qu'en raison de son état dépressif elle a eu besoin de se rendre auprès de membres de sa famille proche, ou qu'elle a dû se rendre à des obsèques.
Si elle invoque le fait que d'autres personnes qu'elle-même aient pu utiliser sa carte bancaire, force est de constater qu'elle ne produit aucun justificatif utile, la seule affirmation par son fils qu'elle ait pu lui prêter sa carte bancaire étant insuffisante à remettre en cause les autres attestations produites de membres de sa famille proche qui indiquent qu'elle s'est rendue à leur domicile, tel son père domicilié en Ardèche ou sa fille dans les Alpes Maritimes.
Ainsi, la Caisse Primaire d'assurance maladie en a justement déduit que Mme [B] [A] n'avait pas respecté l'interdiction qui lui était faite de quitter le département de Vaucluse pendant ses arrêts de travail, sans qu'il soit nécessaire de caractériser une quelconque mauvaise foi de sa part.
Le manquement est caractérisé et suffit à lui seul à justifier l'indu pour les indemnités journalières versées sur les périodes litigieuses.
- concernant l'exercice d'une activité :
La Caisse Primaire d'assurance maladie se prévaut du versement de 6 chèques sur le compte bancaire de Mme [B] [A] :
- 400 euros en date du 17/08/2018 émis au nom de M. [V] [E],
- 340 euros en date du 19/09/2018 émis au nom de M. [V] [E],
- 1.000 euros en date du 04/10/2018 émis au nom de la SARL [6],
- 72,71 euros en date du 25/10/2018 émis au nom de la SARL [6],
- 1.252,72 euros en date du 06/11/2018 émis au nom de la SARL [6],
- 700 euros en date du 06/11/2018 émis au nom de Melle [G] [J].
La Caisse Primaire d'assurance maladie observe que M. [V] [E] est le père du fils de l'assurée et le gérant de la SARL [6] dont est associée et pour laquelle elle a travaillé, et que Melle [G] [J] est la compagne d'un fils de l'assurée, le couple étant co-gérant d'une société à [Localité 7].
Pour justifier du fait que ces revenus ne sont pas le fruit d'une activité rémunérée, Mme [B] [A] explique que suite à sa séparation avec M. [V] [E] elle a été en situation financière particulièrement délicate et a bénéficié de l'aide de ses proches.
Elle produit en ce sens :
- une attestation de Melle [J], qui indique lui avoir prêté une somme de 700 euros,
- une attestation de M. [V] [E] qui explique que les chèques émis par la SARL correspondent au paiement de salaires et de congés non pris avant le burn out dont elle a été victime, et que la somme de 72,71 euros est un remboursement de courses effectuées par l'assurée pour le compte de la société, et précise que les chèques émis depuis son compte personnel étaient sa participation aux ' paiement d'électricité, de loyer et de gaz et d'eau car nous avons une maison ensemble et de plus un fils en commun, [W] [E] vivant avec sa mère sans aucun revenu',
- une facture de 72,71 euros émise par le magasin [5] de [Localité 9] au nom de la SARL [6] le 20 octobre 2018.
La Caisse Primaire d'assurance maladie observe à juste titre qu'il n'est produit aucun bulletin de salaire mentionnant le paiement d'un salaire restant dû d'un montant de 1.252,72 ou le paiement de congés payés pour 1.000 euros, les bulletins de salaire des périodes d'arrêts de travail mentionnant au contraire un salaire de 0 euro. Au surplus, dans ses observations destinées à la commission des pénalités, Mme [B] [A] a expliqué ces versements comme étant des avances sur son compte courant d'associé, ce qui interroge sur la sincérité des explications données.
Elle fait valoir que le fait d'avoir effectué des achats, qui plus est hors département, pour la SARL dont elle est associée et salariée constitue une activité prohibée au sens de la jurisprudence de la Cour de cassation.
Si la solidarité familiale peut expliquer les versements d'argent depuis les comptes bancaires de ses proches, force est de constater que Mme [B] [A] ne rapporte pas la preuve qui lui incombe que les versements d'argent par la SARL [6] pendant les périodes où elle était en arrêt de travail correspondent à des paiements d'arriérés de salaire sur des périodes antérieures aux dits arrêts. Les attestations très générales produites par Mme [B] [A] selon lesquelles elle n'aurait pas travaillé au restaurant géré par la société pendant ses périodes d'arrêt de travail ne permettent pas de remettre en cause ces constatations.
Ainsi, la Caisse Primaire d'assurance maladie a pu déduire des investigations menées sur les comptes bancaires de l'appelante que celle-ci a perçu des revenus d'activité pendant la période où elle était en arrêt de travail.
- sur le montant de l'indu :
Mme [B] [A] conteste le montant de l'indu qui lui a été notifié au double motif que le règlement intérieur des caisses primaires d'assurance maladie dont se prévaut l'intimée prévoit en son article 41 la rétention des indemnités journalières dues et non la restitution des indemnités d'ores et déjà versées et qu'elle n'avait aucune intention frauduleuse lors de ses déplacements hors département étant au contraire convaincue de pouvoir le faire puisque ses horaires de sortie étaient libres.
Ceci étant, l'indu est fondé sur le double motif des sorties hors département et de l'exercice d'une activité pendant l'arrêt de travail et le premier motif invoqué par Mme [B] [A] ne saurait prospérer.
Et par ailleurs, aucune intention frauduleuse n'est exigée pour pouvoir mettre en oeuvre la procédure de restitution des prestations indûment versées.
Mme [B] [A] sollicite également que le montant de l'indu soit diminué en tenant compte des seules journées passées hors département que la Caisse Primaire d'assurance maladie a pu caractériser, soit 22 jours en 2017 et 48 jours en 2018.
Pour le même motif de double manquement aux obligations de l'assuré bénéficiant de prestations en espèce, cet argument ne peut remettre en cause le montant de l'indu mis à la charge de Mme [B] [A].
L'indu d'un montant de 9.499,82 euros mis à la charge de Mme [B] [A] par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse sera en conséquence validé
* sur la pénalité financière
Il résulte des dispositions législatives et jurisprudentielles précédemment rappelées que dès lors que l'existence d'une activité rémunérée pendant une période d'arrêt de travail est caractérisée, la Caisse Primaire d'assurance maladie peut mettre en oeuvre la procédure de pénalités financières de l'article L 114-17-1 du code de la sécurité sociale.
Mme [B] [A] conclut à l'annulation de la pénalité financière décidée par la Caisse Primaire d'assurance maladie de Vaucluse au motif qu'elle est de bonne foi dans ses déplacements hors département et qu'elle n'a exercé aucune activité rémunérée pendant ses arrêts de travail.
Ceci étant, outre que la mise en oeuvre de la procédure des pénalités financières n'exige pas que soit caractérisée la mauvaise de l'assuré, il a été jugé que Mme [B] [A] ne rapportait pas la preuve qu'elle n'avait exercé aucune activité rémunérée pendant son arrêt de travail.
La Caisse Primaire d'assurance maladie rappelle que cette pénalité a été prononcée à l'unanimité des membres de la commission des pénalités financières devant laquelle Mme [B] [A] ne s'est présentée, au motif que la réalité des faits était établie, de même que la responsabilité de l'assurée et en raison de la gravité des faits reprochés.
Le montant de la pénalité retenue par la commission qui représente moins d'un tiers du montant de l'indu sera confirmé.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, en matière de sécurité sociale, par arrêt contradictoire et en dernier ressort ;
Annule le jugement rendu le 11 mai 2023 par le tribunal judiciaire d'Avignon - Contentieux de la protection sociale,
et statuant sur le fond,
Condamne Mme [B] [A] à rembourser à la caisse primaire d'assurance maladie de Vaucluse la somme de 9 499,82 euros au titre d'un indu d'indemnités journalières pour ses arrêts de travail intervenus du 10 avril au 30 septembre 2017 puis du 4 janvier au 28 février 2018 puis du 30 juin au 09 novembre 2018,
Condamne Mme [B] [A] à payer à la caisse primaire d'assurance maladie de de Vaucluse la somme de 3 000 euros au titre de la pénalité financière mise à sa charge,
Juge n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile,
Rejette les demandes plus amples ou contraires,
Condamne Mme [B] [A] aux dépens de la procédure de première instance et d'appel.
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,