Décisions
CA Douai, 3e ch., 10 octobre 2024, n° 23/03891
DOUAI
Arrêt
Autre
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE : 24/299
N° RG 23/03891 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCFT
Jugement (N° 21/04410) rendu le 06 Juin 2023 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer
APPELANTE
Madame [W], [X] [Y]
née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Elodie Altazin, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022023005291 du 08/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉES
CNP Assurance venant aux droits de MF Prevoyance
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean Aubron, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué,
Mutuelle Générale de l'Economie des Finances et de l'Industrie (MGEFI) Mutuelle régie par les disposition du livre II du code de la mutualité agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué, assistée de Me Malaury Ripert, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 06 juin 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2024
****
[V] [Y], agent des douanes, bénéficiait d'une garantie décès au titre du contrat collectif de prévoyance dénommé Premuo M022 souscrit par la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (la Mgefi) auprès de la société MFPrévoyance.
Ce contrat comportait deux garanties statutaires, la garantie Vita Santé 2 et la garantie prévoyance incluant le versement d'un capital en cas de décès.
Le 3 février 2020, [V] [Y] a notifié à la Mgefi son placement à la retraite à compter du 1er novembre 2019.
Il est décédé le [Date décès 3] 2020.
Le 12 juin 2020, sa fille, [W] [Y], se prévalant de sa qualité de bénéficiaire de la garantie décès, a sollicité le versement du capital décès correspondant à la somme de 33'020 euros qui a été refusé par la Mgefi par courrier du 6 octobre 2020 et par MFPrévoyance par courrier du 22 janvier 2021 au motif que son père n'était pas couvert par cette garantie dans la mesure où il était à la retraite depuis le 1er novembre 2019.
Par acte du 23 novembre 2021, Mme [Y] a donc fait assigner la Mgefi et MFPrévoyance devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en responsabilité et réparation en invoquant un manquement des défenderesses à leur obligation d'information annuelle.
Par jugement du 6 juin 2023, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a':
1. débouté Mme [W] [Y] de l'intégralité de ses demandes
2. condamné Mme [W] [Y] à verser à la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
3. condamné Mme [W] [Y] aux dépens
4. rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire par provision
Par déclaration du 22 août 2023, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 1 et 2 ci-dessus.
Dans ses conclusions notifiées le 20 novembre 2023, Mme [W] [Y] demande à la cour, au visa de l'article L. 511-1 du code des assurances, de':
- réformer le jugement dont appel
- statuer comme aurait dû le faire le premier juge
- constater qu'elle agit en sa qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance Premuo n°M022 n°140248 68
- dire et juger que cette qualité lui confère un droit direct sur l'exécution de la prestation promise
- dire et juger que ce droit, né du contrat, lui permet d'opposer à la Mgefi et MFPrévoyance leurs manquements contractuels
- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes
- dire et juger que le manquement par la Mgefi et MFPrévoyance à leur obligation d'information annuelle à l'égard d'[V] [Y] constitue une faute caractérisée entraînant un préjudice direct pour elle
- condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance à lui verser la somme de 33'020 euros à titre de dommages et intérêts
- condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance au paiement des intérêts au taux légal en application de l'article 1231-6 du code civil
- dire et juger que chacune des parties conservera la charge des frais qu'elle a dû exposer pour se défendre en première instance
- condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance à lui verser la somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile «'dont distraction au profit de la Selarl Altazin Avocat
condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que':
- la Mgefi et MFPrévoyance engagent leur responsabilité dès lors qu'elles ont manqué à leur obligation d'information annuelle prévue par l'article L. 132-22 du code des assurances en n'informant pas [V] [Y] sur une modification de garantie consécutivement à son passage à la retraite
- en effet, avant son décès, elles ne lui ont adressé aucun avenant au contrat modifiant les garanties alors qu'elles avaient été informées de son placement à la retraite depuis le 1er novembre 2019
- or, le placement en retraite a modifié le contrat primitif et en particulier la connaissance qu'a l'assuré de l'étendue réelle de ses garanties
- en outre, l'âge de départ en retraite étant connu des assureurs, ils doivent informer l'assuré avant la réalisation de l'évènement de l'évolution des garanties afin de permettre à celui-ci de modifier ces garanties en fonction de ses besoins
- or, malgré la connaissance de cette circonstance nouvelle, étant rappelé que l'adhésion date de 1999, aucun avenant modificatif (article L. 112-3 alinéa 5 du code des assurances) ni aucune estimation du montant probable de la rente viagère (article L. 132-22 du même code) n'ont été adressés à l'adhérent
- cette erreur d'information sur l'étendue des garanties a empêché le défunt de le garantir contre le risque de son décès et de souscrire au besoin un autre contrat
- ce défaut d'information s'apparente à un manquement au devoir de conseil auquel l'assureur est également tenu selon l'article L. 521-4 du code des assurances
- en outre, la Mgefi s'est abstenue d'actualiser le montant des cotisations au regard de la modification du risque résultant du placement en retraite
- or, les primes étant payées, la garantie décès est due
- son préjudice correspond au montant du capital décès
Dans ses conclusions notifiées le 16 février 2024, la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (Mgefi), demande à la cour, au visa de
- l'article 1240 et suivants du code civil, de':
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions
- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner Mme [Y] aux entiers dépens de la présente instance.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que':
- aucun manquement ne lui est imputable dès lors que':
' contrairement à ce que soutient Mme [Y], elle n'était pas tenue d'établir un avenant au contrat puisqu'aucune modification du contrat ou des garanties n'est intervenue et que l'absence de versement du capital décès ne résulte pas d'une modification de garantie mais n'est que l'application des conditions contractuelles prévues dans la notice d'information du contrat Premuo M022 et en particulier de son article 3-1
' elle n'a pas failli à son obligation annuelle d'information, précisant à cet égard que l'information sur la perte des garanties décès à la suite du passage à la retraite ne figure pas parmi les informations listées à l'article L. 332-22 du code des assurances et alors que le certificat annuel de garantie 2020 a été établi le 8 novembre 2019 sur la base des éléments connus à cette date. Or, [V] [Y] l'a informée de son départ à la retraite le 3 février 2020
' elle était en droit de réclamer à Mme [Y], en sa qualité d'héritière, le paiement des cotisations impayées pour les années 2018, 2019 et 2020 au titre de la garantie santé et de la garantie prévoyance sans que cette dernière, après paiement, ne puisse se prévaloir d'un droit au versement du capital décès
' dès lors en l'absence de faute, sa responsabilité ne peut être engagée
- s'agissant du préjudice, il n'est pas démontré qu'[V] [Y] ignorait que sa garantie décès cessait le 31 décembre de l'année de l'entrée en jouissance effective de ses droits à la retraite et qu'il aurait souscrit un autre contrat d'assurance décès au profit de sa fille alors qu'il résulte de la liste des bénéficiaires des contrats de prévoyance d'[V] [Y] que celle-ci n'était pas bénéficiaire du capital décès.
Dans ses conclusions notifiées le 5 janvier 2024, la société Cnp Assurances, venant aux droits de MFPrévoyance, demande à la cour, par confirmation du jugement dont appel, considérant qu'elle a rempli son obligation d'information et en l'absence de toute faute et préjudice, de
- débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes
- confirmer le jugement rendu en que Mme [Y] a été condamnée au versement de la somme de 1'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ainsi qu'aux dépens
y ajoutant':
- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 2'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
- la condamner en tous les dépens.
Elle soutient que':
- elle n'a pas commis de faute résultant d'un manquement à son obligation d'information alors que':
' la notice définissant la garantie décès a bien été remise à [V] [Y] conformément aux dispositions de l'article L. 141-4 du code des assurances
' en vertu de l'article 3.1 de ladite notice, le versement d'un capital décès n'était prévu qu'en cas de décès avant le 31 décembre 2019
' dans le cadre d'une assurance de groupe, il n'est pas possible de régulariser un avenant en fonction de la situation de l'adhérent
' le certificat annuel de garanties pour l'année 2020 a été établi sur la base des informations connues au 8 novembre 2019, Or, à cette date, elle n'avait pas connaissance du départ en retraite de celui-ci et en application de l'article L. 113-2 du code des assurances, l'assuré est tenu de déclarer toute circonstance nouvelle pouvant avoir un impact sur sa couverture au titre du contrat d'assurance
' dans ces conditions et alors son obligation d'information est annuelle, elle ne pouvait informer l'adhérent de la cessation de la garantie décès dans la mesure où le placement à la retraite de ce dernier lui a été notifié en février 2020
- le préjudice de Mme [Y], à le supposer établi, s'analyse en une perte de chance de bénéficier d'un capital décès au titre d'un autre contrat. En l'espèce, ce préjudice n'est ni réel ni certain dès lors qu'il n'est pas démontré qu'informé de la cessation de la garantie décès à la date du 31 décembre 2019 de son placement en retraite, son père aurait souscrit un autre contrat ni que son état de santé aurait permis une telle souscription. En outre le délai de carence du nouveau contrat n'aurait pas permis le versement d'un capital décès compte tenu de la proximité de la date de décès et en l'absence de délai de carence, le montant du capital décès aurait été faible.
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la responsabilité
Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil
En application de l'article 1240 du code civil, le souscripteur d'assurance encourt une responsabilité délictuelle vis-à-vis des tiers. Le tiers à un contrat peut en effet invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage direct.
Il est tenu à une obligation d'information et de conseil tant au moment de la conclusion du contrat qu'au cours de son exécution.
Selon les dispositions communes de la notice d'information, le contrat Premuo M022 est régi par le code des assurances.
Il s'agit d'un contrat collectif à adhésion obligatoire souscrit par la Mgefi auprès de Mfprévoyance, assureur.
Il est rappelé que Mme [Y] recherche la responsabilité délictuelle de la Mgefi et de CNP assurance à raison d'un manquement contractuel à leur obligation annuelle d'information à l'égard de l'adhérent ainsi qu'à leur obligation de conseil.
Toutefois, seul le souscripteur du contrat d'assurance de groupe, et non l'assureur, supporte une obligation d'information et de conseil envers ceux qui adhèrent à ce contrat par son intermédiaire de sorte que les manquements allégués ne peuvent être reprochés qu'à la Mgefi et que les demandes indemnitaires formées à ce titre à l'encontre de CNP assurance ne sauraient prospérer.
Sur le manquement à l'obligation d'information
L'article L. 132-22 du code des assurances, dans sa version applicable au contrat litigieux, prévoit que «'pour les contrats dont la provision mathématique est égale ou supérieure à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, l'entreprise d'assurance ou de capitalisation communique chaque année au contractant :
- le montant de la valeur de rachat ou, pour les contrats liés à la cessation d'activité professionnelle, de transfert ;
- le cas échéant, le montant de la valeur de réduction de son contrat ;
- le montant des capitaux garantis ;
- la prime du contrat.
Pour ces mêmes contrats, elle communique également chaque année au contractant dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l'économie :
- le rendement garanti et la participation aux bénéfices techniques et financiers de son contrat ;
- le taux moyen de rendement des actifs détenus en représentation des engagements au titre des contrats de même catégorie ;
- et, pour les contrats dont les garanties sont exprimées en unités de compte, les valeurs de ces unités de compte, leur évolution annuelle à compter de la souscription du contrat et les modifications significatives affectant chaque unité de compte.
Ces montants ne peuvent tenir compte de participations bénéficiaires qui ne seraient pas attribuées à titre définitif.
L'entreprise d'assurance ou de capitalisation indique en termes précis et clairs dans cette communication ce que signifient les opérations de rachat, de transfert et de réduction et quelles sont leurs conséquences légales et contractuelles.
Pour les contrats dont la provision mathématique est inférieure au montant défini au premier alinéa et pour les contrats ou bons de capitalisation au porteur, les informations définies au présent article sont communiquées pour une année donnée au contractant qui en fait la demande.
Le contrat fait référence à l'obligation d'information prévue aux alinéas précédents.'»
Ainsi, au cours de l'exécution du contrat, l'assureur n'est tenu qu'à la communication des informations prévues par ces dispositions.
Il est constant que l'assuré était à la retraite à compter du 1er novembre 2019 et qu'il est décédé le [Date décès 3] 2020, soit après le 31 décembre 2019, année d'entrée en jouissance effective de ses droits à la retraite de sorte que la garantie décès telle que prévue par le contrat souscrit n'avait pas vocation à être mise en oeuvre.
En effet, l'article 3.1 de la notice d'information du contrat Premuo M022 à effet au 1er janvier 2008 stipule que «'l'assureur garantit l'adhérent, si son décès survient avant le 31 décembre de l'année de l'entrée en jouissance effective de ses droits à la retraite, le versement d'un capital exprimé en pourcentage de l'assiette de cotisation aux bénéficiaires désignés'».
Il ne saurait valablement être reproché à la Mgefi un manquement à son obligation annuelle d'information alors que, d'une part, l'article L. 132-22 du code des assurances ne met nullement à la charge du souscripteur une obligation d'information portant sur la modification éventuelle du contrat à la suite du départ de l'adhérent à la retraite.
D'autre part, si le certificat annuel de garantie établi par la Mgefi couvre la période du 1er janvier au 31 décembre 2020 alors que l'assuré a fait valoir ses droits à la retraite le 1er novembre 2019, il a été établi sur la base des données connues au 8 novembre 2019. Or, [V] [Y] n'a informé la Mgefi de son changement de situation, résultant de son passage à la retraite à compter du 1er novembre 2019, que le 3 février 2020.
Quand bien même il n'aurait reçu notification de son titre de pension qu'en février 2020, comme Mme [Y] le prétend, il appartenait à [V] [Y], qui entendait faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er novembre 2019, d'en informer la mutuelle ce qu'il n'a pas fait.
Contrairement à ce que soutient Mme [Y], les termes du courrier de la Mgefi du 6 octobre 2020 ne constituent pas une reconnaissance par celle-ci de son manquement à son obligation d'information puisque celle-ci précise que «'le courrier d'information notifiant l'absence de capital décès n'est pas parvenu à la famille en raison d'un dysfonctionnement de notre système d'édition'» de sorte que ce courrier intervenait en réponse à la demande des héritiers tendant au versement du capital décès.
Par ailleurs, le versement du capital décès au bénéficiaire désigné est subordonné à la démonstration de la réunion des conditions de mise en oeuvre de la clause précitée 3.1 du contrat et ne saurait résulter de la seule régularisation par Mme [Y] des cotisations impayées au titre du contrat Premuo M022 pour les années 2019 et 2020 dont il est lui loisible de demander le remboursement en cas de paiement indu.
Mme [Y] ne peut davantage reprocher à la Mgefi l'absence de proposition de régularisation d'un avenant au contrat à [V] [Y] qui a fait valoir ses droits à la retraite alors que la garantie décès s'appliquait aux seuls adhérents en activité.
Sur le manquement à l'obligation de conseil
Néanmoins, dès lors que la Mgefi avait connaissance du départ en retraite d'[V] [Y] à la date du 3 février 2020, il lui appartenait d'appeler l'attention de ce dernier sur la cessation de la garantie décès au titre du contrat Premuo M022 devenu caduc et de lui conseiller de souscrire, le cas échéant, un autre contrat de prévoyance, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait.
Ce manquement à son obligation d'information et de conseil caractérise une faute imputable à la Mgefi.
Sur le préjudice
Le préjudice résultant du manquement de Mgefi à ses obligations d'information et de conseil s'analyse en une perte de chance ouvrant droit à réparation laquelle doit être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée,'et son indemnisation doit nécessairement correspondre à une fraction du préjudice final à partir d'un taux de probabilité de survenance du risque finalement constaté.
Ainsi, ce préjudice ne peut être équivalent au montant de la garantie décès prévue par le contrat Premuo M022 comme le demande Mme [Y].
La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable.
En l'espèce, la perte de chance de souscrire un nouveau contrat et de percevoir un capital décès n'est pas établie.
En effet, eu égard aux conditions de mise en 'uvre de la garantie décès du contrat Premuo M22 et du décès d'[V] [Y] qui avait alors fait valoir ses droits à la retraite, ce contrat a été souscrit à fonds perdus.
Or, Mme [Y] ne démontre pas, qu'informé de la cessation de la garantie décès suite à son passage en retraite, son père aurait souscrit un nouveau contrat de prévoyance la désignant en qualité de bénéficiaire alors que celui-ci était âgé de 64 ans à la date de la caducité du contrat en cause et qu'elle ne justifie aucunement des ressources et du patrimoine de celui-ci permettant de vérifier s'il était en mesure de s'acquitter du coût de la mensualité d'assurance pour un capital équivalent à celui garanti par le contrat Prémuo M 022, étant observé que le montant de la cotisation mensuelle au titre de la garantie prévoyance du contrat s'élevait à 8,47 euros en 2020 et que le montant de la prime aurait nécessairement été plus élevée compte tenu de l'âge du défunt et de l'augmentation du risque au moment de l'avenant.
En outre, il n'est pas davantage établi que le défunt avait conclu d'autres contrats couvrant la garantie décès de sorte que sa volonté de maintenir cette garantie au-delà de sa retraite n'est pas établie.
Par suite et dès lors que le préjudice n'est pas démontré, il ne sera pas fait à sa demande indemnitaire et le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit':
- d'une part, à confirmer le jugement critiqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
et, d'autre part, à condamner Mme [Y], outre aux entiers dépens d'appel, à payer à chacune des intimées la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
Condamne Mme [W] [Y] aux dépens d'appel
Condamne Mme [W] [Y] à payer à la société CNP assurance venant aux droits de MFPrévoyance et à la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (la Mgefi), chacune la somme de 1'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Guillaume SALOMON
Au nom du Peuple Français
COUR D'APPEL DE DOUAI
TROISIEME CHAMBRE
ARRÊT DU 10/10/2024
****
N° de MINUTE : 24/299
N° RG 23/03891 - N° Portalis DBVT-V-B7H-VCFT
Jugement (N° 21/04410) rendu le 06 Juin 2023 par le tribunal judiciaire de Boulogne sur Mer
APPELANTE
Madame [W], [X] [Y]
née le [Date naissance 1] 1988 à [Localité 6]
de nationalité Française
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Localité 6]
Représentée par Me Elodie Altazin, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué
(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 591780022023005291 du 08/08/2023 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de Douai)
INTIMÉES
CNP Assurance venant aux droits de MF Prevoyance
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentée par Me Jean Aubron, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué,
Mutuelle Générale de l'Economie des Finances et de l'Industrie (MGEFI) Mutuelle régie par les disposition du livre II du code de la mutualité agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés audit siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
Représentée par Me Anne-Sophie Cadart, avocat au barreau de Boulogne-sur-mer, avocat constitué, assistée de Me Malaury Ripert, avocat au barreau de Paris
DÉBATS à l'audience publique du 06 juin 2024 tenue par Yasmina Belkaid magistrat chargé d'instruire le dossier qui, a entendu seul(e) les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 805 du code de procédure civile).
Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe
GREFFIER LORS DES DÉBATS :Harmony Poyteau
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Guillaume Salomon, président de chambre
Claire Bertin, conseiller
Yasmina Belkaid, conseiller
ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 10 octobre 2024 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 13 mai 2024
****
[V] [Y], agent des douanes, bénéficiait d'une garantie décès au titre du contrat collectif de prévoyance dénommé Premuo M022 souscrit par la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (la Mgefi) auprès de la société MFPrévoyance.
Ce contrat comportait deux garanties statutaires, la garantie Vita Santé 2 et la garantie prévoyance incluant le versement d'un capital en cas de décès.
Le 3 février 2020, [V] [Y] a notifié à la Mgefi son placement à la retraite à compter du 1er novembre 2019.
Il est décédé le [Date décès 3] 2020.
Le 12 juin 2020, sa fille, [W] [Y], se prévalant de sa qualité de bénéficiaire de la garantie décès, a sollicité le versement du capital décès correspondant à la somme de 33'020 euros qui a été refusé par la Mgefi par courrier du 6 octobre 2020 et par MFPrévoyance par courrier du 22 janvier 2021 au motif que son père n'était pas couvert par cette garantie dans la mesure où il était à la retraite depuis le 1er novembre 2019.
Par acte du 23 novembre 2021, Mme [Y] a donc fait assigner la Mgefi et MFPrévoyance devant le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en responsabilité et réparation en invoquant un manquement des défenderesses à leur obligation d'information annuelle.
Par jugement du 6 juin 2023, le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer a':
1. débouté Mme [W] [Y] de l'intégralité de ses demandes
2. condamné Mme [W] [Y] à verser à la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie la somme de 1'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
3. condamné Mme [W] [Y] aux dépens
4. rappelé que le présent jugement est de droit exécutoire par provision
Par déclaration du 22 août 2023, Mme [Y] a interjeté appel de ce jugement en limitant sa contestation aux chefs du dispositif numérotés 1 et 2 ci-dessus.
Dans ses conclusions notifiées le 20 novembre 2023, Mme [W] [Y] demande à la cour, au visa de l'article L. 511-1 du code des assurances, de':
- réformer le jugement dont appel
- statuer comme aurait dû le faire le premier juge
- constater qu'elle agit en sa qualité de bénéficiaire du contrat d'assurance Premuo n°M022 n°140248 68
- dire et juger que cette qualité lui confère un droit direct sur l'exécution de la prestation promise
- dire et juger que ce droit, né du contrat, lui permet d'opposer à la Mgefi et MFPrévoyance leurs manquements contractuels
- dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes
- dire et juger que le manquement par la Mgefi et MFPrévoyance à leur obligation d'information annuelle à l'égard d'[V] [Y] constitue une faute caractérisée entraînant un préjudice direct pour elle
- condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance à lui verser la somme de 33'020 euros à titre de dommages et intérêts
- condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance au paiement des intérêts au taux légal en application de l'article 1231-6 du code civil
- dire et juger que chacune des parties conservera la charge des frais qu'elle a dû exposer pour se défendre en première instance
- condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance à lui verser la somme de 3'000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile «'dont distraction au profit de la Selarl Altazin Avocat
condamner solidairement la Mgefi et MFPrévoyance aux dépens.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que':
- la Mgefi et MFPrévoyance engagent leur responsabilité dès lors qu'elles ont manqué à leur obligation d'information annuelle prévue par l'article L. 132-22 du code des assurances en n'informant pas [V] [Y] sur une modification de garantie consécutivement à son passage à la retraite
- en effet, avant son décès, elles ne lui ont adressé aucun avenant au contrat modifiant les garanties alors qu'elles avaient été informées de son placement à la retraite depuis le 1er novembre 2019
- or, le placement en retraite a modifié le contrat primitif et en particulier la connaissance qu'a l'assuré de l'étendue réelle de ses garanties
- en outre, l'âge de départ en retraite étant connu des assureurs, ils doivent informer l'assuré avant la réalisation de l'évènement de l'évolution des garanties afin de permettre à celui-ci de modifier ces garanties en fonction de ses besoins
- or, malgré la connaissance de cette circonstance nouvelle, étant rappelé que l'adhésion date de 1999, aucun avenant modificatif (article L. 112-3 alinéa 5 du code des assurances) ni aucune estimation du montant probable de la rente viagère (article L. 132-22 du même code) n'ont été adressés à l'adhérent
- cette erreur d'information sur l'étendue des garanties a empêché le défunt de le garantir contre le risque de son décès et de souscrire au besoin un autre contrat
- ce défaut d'information s'apparente à un manquement au devoir de conseil auquel l'assureur est également tenu selon l'article L. 521-4 du code des assurances
- en outre, la Mgefi s'est abstenue d'actualiser le montant des cotisations au regard de la modification du risque résultant du placement en retraite
- or, les primes étant payées, la garantie décès est due
- son préjudice correspond au montant du capital décès
Dans ses conclusions notifiées le 16 février 2024, la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (Mgefi), demande à la cour, au visa de
- l'article 1240 et suivants du code civil, de':
- confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions
- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 2'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamner Mme [Y] aux entiers dépens de la présente instance.
Au soutien de ses prétentions, elle fait valoir que':
- aucun manquement ne lui est imputable dès lors que':
' contrairement à ce que soutient Mme [Y], elle n'était pas tenue d'établir un avenant au contrat puisqu'aucune modification du contrat ou des garanties n'est intervenue et que l'absence de versement du capital décès ne résulte pas d'une modification de garantie mais n'est que l'application des conditions contractuelles prévues dans la notice d'information du contrat Premuo M022 et en particulier de son article 3-1
' elle n'a pas failli à son obligation annuelle d'information, précisant à cet égard que l'information sur la perte des garanties décès à la suite du passage à la retraite ne figure pas parmi les informations listées à l'article L. 332-22 du code des assurances et alors que le certificat annuel de garantie 2020 a été établi le 8 novembre 2019 sur la base des éléments connus à cette date. Or, [V] [Y] l'a informée de son départ à la retraite le 3 février 2020
' elle était en droit de réclamer à Mme [Y], en sa qualité d'héritière, le paiement des cotisations impayées pour les années 2018, 2019 et 2020 au titre de la garantie santé et de la garantie prévoyance sans que cette dernière, après paiement, ne puisse se prévaloir d'un droit au versement du capital décès
' dès lors en l'absence de faute, sa responsabilité ne peut être engagée
- s'agissant du préjudice, il n'est pas démontré qu'[V] [Y] ignorait que sa garantie décès cessait le 31 décembre de l'année de l'entrée en jouissance effective de ses droits à la retraite et qu'il aurait souscrit un autre contrat d'assurance décès au profit de sa fille alors qu'il résulte de la liste des bénéficiaires des contrats de prévoyance d'[V] [Y] que celle-ci n'était pas bénéficiaire du capital décès.
Dans ses conclusions notifiées le 5 janvier 2024, la société Cnp Assurances, venant aux droits de MFPrévoyance, demande à la cour, par confirmation du jugement dont appel, considérant qu'elle a rempli son obligation d'information et en l'absence de toute faute et préjudice, de
- débouter Mme [Y] de l'intégralité de ses demandes
- confirmer le jugement rendu en que Mme [Y] a été condamnée au versement de la somme de 1'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en première instance ainsi qu'aux dépens
y ajoutant':
- condamner Mme [Y] à lui payer la somme de 2'000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel
- la condamner en tous les dépens.
Elle soutient que':
- elle n'a pas commis de faute résultant d'un manquement à son obligation d'information alors que':
' la notice définissant la garantie décès a bien été remise à [V] [Y] conformément aux dispositions de l'article L. 141-4 du code des assurances
' en vertu de l'article 3.1 de ladite notice, le versement d'un capital décès n'était prévu qu'en cas de décès avant le 31 décembre 2019
' dans le cadre d'une assurance de groupe, il n'est pas possible de régulariser un avenant en fonction de la situation de l'adhérent
' le certificat annuel de garanties pour l'année 2020 a été établi sur la base des informations connues au 8 novembre 2019, Or, à cette date, elle n'avait pas connaissance du départ en retraite de celui-ci et en application de l'article L. 113-2 du code des assurances, l'assuré est tenu de déclarer toute circonstance nouvelle pouvant avoir un impact sur sa couverture au titre du contrat d'assurance
' dans ces conditions et alors son obligation d'information est annuelle, elle ne pouvait informer l'adhérent de la cessation de la garantie décès dans la mesure où le placement à la retraite de ce dernier lui a été notifié en février 2020
- le préjudice de Mme [Y], à le supposer établi, s'analyse en une perte de chance de bénéficier d'un capital décès au titre d'un autre contrat. En l'espèce, ce préjudice n'est ni réel ni certain dès lors qu'il n'est pas démontré qu'informé de la cessation de la garantie décès à la date du 31 décembre 2019 de son placement en retraite, son père aurait souscrit un autre contrat ni que son état de santé aurait permis une telle souscription. En outre le délai de carence du nouveau contrat n'aurait pas permis le versement d'un capital décès compte tenu de la proximité de la date de décès et en l'absence de délai de carence, le montant du capital décès aurait été faible.
Pour un plus ample exposé des moyens de chacune des parties, il y a lieu de se référer aux conclusions précitées en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS
Sur la responsabilité
Sur le manquement à l'obligation d'information et de conseil
En application de l'article 1240 du code civil, le souscripteur d'assurance encourt une responsabilité délictuelle vis-à-vis des tiers. Le tiers à un contrat peut en effet invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage direct.
Il est tenu à une obligation d'information et de conseil tant au moment de la conclusion du contrat qu'au cours de son exécution.
Selon les dispositions communes de la notice d'information, le contrat Premuo M022 est régi par le code des assurances.
Il s'agit d'un contrat collectif à adhésion obligatoire souscrit par la Mgefi auprès de Mfprévoyance, assureur.
Il est rappelé que Mme [Y] recherche la responsabilité délictuelle de la Mgefi et de CNP assurance à raison d'un manquement contractuel à leur obligation annuelle d'information à l'égard de l'adhérent ainsi qu'à leur obligation de conseil.
Toutefois, seul le souscripteur du contrat d'assurance de groupe, et non l'assureur, supporte une obligation d'information et de conseil envers ceux qui adhèrent à ce contrat par son intermédiaire de sorte que les manquements allégués ne peuvent être reprochés qu'à la Mgefi et que les demandes indemnitaires formées à ce titre à l'encontre de CNP assurance ne sauraient prospérer.
Sur le manquement à l'obligation d'information
L'article L. 132-22 du code des assurances, dans sa version applicable au contrat litigieux, prévoit que «'pour les contrats dont la provision mathématique est égale ou supérieure à un montant fixé par arrêté du ministre chargé de l'économie, l'entreprise d'assurance ou de capitalisation communique chaque année au contractant :
- le montant de la valeur de rachat ou, pour les contrats liés à la cessation d'activité professionnelle, de transfert ;
- le cas échéant, le montant de la valeur de réduction de son contrat ;
- le montant des capitaux garantis ;
- la prime du contrat.
Pour ces mêmes contrats, elle communique également chaque année au contractant dans des conditions précisées par arrêté du ministre chargé de l'économie :
- le rendement garanti et la participation aux bénéfices techniques et financiers de son contrat ;
- le taux moyen de rendement des actifs détenus en représentation des engagements au titre des contrats de même catégorie ;
- et, pour les contrats dont les garanties sont exprimées en unités de compte, les valeurs de ces unités de compte, leur évolution annuelle à compter de la souscription du contrat et les modifications significatives affectant chaque unité de compte.
Ces montants ne peuvent tenir compte de participations bénéficiaires qui ne seraient pas attribuées à titre définitif.
L'entreprise d'assurance ou de capitalisation indique en termes précis et clairs dans cette communication ce que signifient les opérations de rachat, de transfert et de réduction et quelles sont leurs conséquences légales et contractuelles.
Pour les contrats dont la provision mathématique est inférieure au montant défini au premier alinéa et pour les contrats ou bons de capitalisation au porteur, les informations définies au présent article sont communiquées pour une année donnée au contractant qui en fait la demande.
Le contrat fait référence à l'obligation d'information prévue aux alinéas précédents.'»
Ainsi, au cours de l'exécution du contrat, l'assureur n'est tenu qu'à la communication des informations prévues par ces dispositions.
Il est constant que l'assuré était à la retraite à compter du 1er novembre 2019 et qu'il est décédé le [Date décès 3] 2020, soit après le 31 décembre 2019, année d'entrée en jouissance effective de ses droits à la retraite de sorte que la garantie décès telle que prévue par le contrat souscrit n'avait pas vocation à être mise en oeuvre.
En effet, l'article 3.1 de la notice d'information du contrat Premuo M022 à effet au 1er janvier 2008 stipule que «'l'assureur garantit l'adhérent, si son décès survient avant le 31 décembre de l'année de l'entrée en jouissance effective de ses droits à la retraite, le versement d'un capital exprimé en pourcentage de l'assiette de cotisation aux bénéficiaires désignés'».
Il ne saurait valablement être reproché à la Mgefi un manquement à son obligation annuelle d'information alors que, d'une part, l'article L. 132-22 du code des assurances ne met nullement à la charge du souscripteur une obligation d'information portant sur la modification éventuelle du contrat à la suite du départ de l'adhérent à la retraite.
D'autre part, si le certificat annuel de garantie établi par la Mgefi couvre la période du 1er janvier au 31 décembre 2020 alors que l'assuré a fait valoir ses droits à la retraite le 1er novembre 2019, il a été établi sur la base des données connues au 8 novembre 2019. Or, [V] [Y] n'a informé la Mgefi de son changement de situation, résultant de son passage à la retraite à compter du 1er novembre 2019, que le 3 février 2020.
Quand bien même il n'aurait reçu notification de son titre de pension qu'en février 2020, comme Mme [Y] le prétend, il appartenait à [V] [Y], qui entendait faire valoir ses droits à la retraite à compter du 1er novembre 2019, d'en informer la mutuelle ce qu'il n'a pas fait.
Contrairement à ce que soutient Mme [Y], les termes du courrier de la Mgefi du 6 octobre 2020 ne constituent pas une reconnaissance par celle-ci de son manquement à son obligation d'information puisque celle-ci précise que «'le courrier d'information notifiant l'absence de capital décès n'est pas parvenu à la famille en raison d'un dysfonctionnement de notre système d'édition'» de sorte que ce courrier intervenait en réponse à la demande des héritiers tendant au versement du capital décès.
Par ailleurs, le versement du capital décès au bénéficiaire désigné est subordonné à la démonstration de la réunion des conditions de mise en oeuvre de la clause précitée 3.1 du contrat et ne saurait résulter de la seule régularisation par Mme [Y] des cotisations impayées au titre du contrat Premuo M022 pour les années 2019 et 2020 dont il est lui loisible de demander le remboursement en cas de paiement indu.
Mme [Y] ne peut davantage reprocher à la Mgefi l'absence de proposition de régularisation d'un avenant au contrat à [V] [Y] qui a fait valoir ses droits à la retraite alors que la garantie décès s'appliquait aux seuls adhérents en activité.
Sur le manquement à l'obligation de conseil
Néanmoins, dès lors que la Mgefi avait connaissance du départ en retraite d'[V] [Y] à la date du 3 février 2020, il lui appartenait d'appeler l'attention de ce dernier sur la cessation de la garantie décès au titre du contrat Premuo M022 devenu caduc et de lui conseiller de souscrire, le cas échéant, un autre contrat de prévoyance, ce qu'elle ne justifie pas avoir fait.
Ce manquement à son obligation d'information et de conseil caractérise une faute imputable à la Mgefi.
Sur le préjudice
Le préjudice résultant du manquement de Mgefi à ses obligations d'information et de conseil s'analyse en une perte de chance ouvrant droit à réparation laquelle doit être mesurée à la chance perdue sans pouvoir être égal à l'avantage qu'aurait procuré cette chance si elle s'était réalisée,'et son indemnisation doit nécessairement correspondre à une fraction du préjudice final à partir d'un taux de probabilité de survenance du risque finalement constaté.
Ainsi, ce préjudice ne peut être équivalent au montant de la garantie décès prévue par le contrat Premuo M022 comme le demande Mme [Y].
La perte de chance présente un caractère direct et certain chaque fois qu'est constatée la disparition d'une éventualité favorable.
En l'espèce, la perte de chance de souscrire un nouveau contrat et de percevoir un capital décès n'est pas établie.
En effet, eu égard aux conditions de mise en 'uvre de la garantie décès du contrat Premuo M22 et du décès d'[V] [Y] qui avait alors fait valoir ses droits à la retraite, ce contrat a été souscrit à fonds perdus.
Or, Mme [Y] ne démontre pas, qu'informé de la cessation de la garantie décès suite à son passage en retraite, son père aurait souscrit un nouveau contrat de prévoyance la désignant en qualité de bénéficiaire alors que celui-ci était âgé de 64 ans à la date de la caducité du contrat en cause et qu'elle ne justifie aucunement des ressources et du patrimoine de celui-ci permettant de vérifier s'il était en mesure de s'acquitter du coût de la mensualité d'assurance pour un capital équivalent à celui garanti par le contrat Prémuo M 022, étant observé que le montant de la cotisation mensuelle au titre de la garantie prévoyance du contrat s'élevait à 8,47 euros en 2020 et que le montant de la prime aurait nécessairement été plus élevée compte tenu de l'âge du défunt et de l'augmentation du risque au moment de l'avenant.
En outre, il n'est pas davantage établi que le défunt avait conclu d'autres contrats couvrant la garantie décès de sorte que sa volonté de maintenir cette garantie au-delà de sa retraite n'est pas établie.
Par suite et dès lors que le préjudice n'est pas démontré, il ne sera pas fait à sa demande indemnitaire et le jugement critiqué sera confirmé de ce chef.
Sur les dépens et les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Le sens du présent arrêt conduit':
- d'une part, à confirmer le jugement critiqué sur ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,
et, d'autre part, à condamner Mme [Y], outre aux entiers dépens d'appel, à payer à chacune des intimées la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement rendu le 6 juin 2023 par le tribunal judiciaire de Boulogne-sur-Mer en toutes ses dispositions';
Y ajoutant,
Condamne Mme [W] [Y] aux dépens d'appel
Condamne Mme [W] [Y] à payer à la société CNP assurance venant aux droits de MFPrévoyance et à la Mutuelle générale de l'économie, des finances et de l'industrie (la Mgefi), chacune la somme de 1'000 euros à titre d'indemnité de procédure d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier
Harmony POYTEAU
Le président
Guillaume SALOMON