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Décisions

CA Angers, ch. civ. A, 22 octobre 2024, n° 20/00090

ANGERS

Arrêt

Confirmation

PARTIES

Demandeur :

Luc Durand (SAS)

Défendeur :

Ogec Sacré Coeur (Sté)

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Muller

Conseillers :

M. Wolff, Mme Elyahyioui

Avocats :

Me Lefèvre, Me Hugel

TGI Angers, du 2 déc. 2019, n° 16/00294

2 décembre 2019

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Exposé du litige

Dans le cadre des travaux de réfection du revêtement de la cour du secteur primaire du lycée [4] à [Localité 3], l'association Organisme de gestion de l'établissement catholique d'enseignement [4] dite OGEC [4] (ci-après l'association) a confié, d'une part, à la SA Luc Durand (ci-après l'entreprise de travaux publics) le rabotage du revêtement existant et la réalisation d'un revêtement en enrobé à chaud sur 950 m² pour un montant de 36 167,04 euros TTC facturé le 26 août 2011 et sur lequel resterait due une somme de 18 083,52 euros qui fait débat, d'autre part, à la SAS Levêque (ci-après l'entreprise d'étanchéité) la réfection partielle des relevés d'étanchéité sur 79 ml ainsi qu'une reprise de l'étanchéité d'origine en asphalte arrachée sur 15 m² lors du rabotage, pour un montant global de 4 587,25 euros TTC facturé le 13 juillet 2011 et intégralement acquitté.

Aucun procès-verbal de réception des travaux n'a été établi.

Ayant constaté un phénomène de gravillonnage du revêtement après la rentrée scolaire de septembre 2011, l'association a obtenu que l'entreprise de travaux publics effectue en avril 2012 des travaux de reprise de l'enrobé sur 500 m² pour un coût de 16 630 euros HT qui ne lui a pas été facturé.

Ces travaux ne lui ayant pas donné satisfaction, elle a saisi son assureur de protection juridique, lequel a fait diligenter une expertise par la société Eurisk qui a conclu, dans son rapport n°2 en date du 13 décembre 2012, à une quasigénéralisation des dommages affectant l'enrobé (désagrégation du squelette minéral en surface du revêtement provoquant une perte de compacité du matériau et une perte d'adhérence totale de certains granulats, défauts de planéité, fissurations avec bosses et flashes), à la seule responsabilité de l'entreprise de travaux publics pour défaut de mise en oeuvre des matériaux et à la nécessité de refaire le revêtement sur 450 m² à l'identique ou en résine noire après amélioration préalable, financée par l'association, du drainage des eaux pluviales et de l'étanchéité en pied des jardinières pour éviter toute nouvelle pénétration d'eau.

Par courrier en date du 13 juin 2013, l'entreprise de travaux publics a confirmé son intervention de reprise de l'enrobé, à programmer après le constat de l'efficacité des reprises d'étanchéité qui ont été réalisées par l'entreprise d'étanchéité en juillet 2013.

Le 7 janvier 2014, un protocole d'accord a été régularisé entre l'association et les deux entreprises qu'elle avait fait assigner en référé expertise le 12 Juillet 2013, prévoyant que l'entreprise de travaux publics interviendrait durant les vacances scolaires de Pâques ou d'été pour la reprise des boursouflures de l'enrobé, le rechargement de l'enrobé en zone sud et à proximité de la descente d'eau pluviale - jardinière et l'application d'une résine granuleuse, sous réserve de l'efficience des travaux de l'entreprise d'étanchéité et de l'absence d'humidité sur le feutre disposé sous l'enrobé, et qu'en cas d'humidité constatée sur le feutre à l'ouverture de l'enrobé, les entreprises participeraient aux opérations d'expertise et investigations complémentaires afin de solutionner le dommage définitivement.

L'application de résine sous-traitée à un tiers pour un coût de 6 500 euros HT pris en charge par l'entreprise de travaux publics a été réalisée en octobre 2014.

M. [R], désigné en qualité d'expert par ordonnance de référé en date du 11 décembre 2014 suite à la réapparition de boursouflures du revêtement de la cour basse, a déposé son rapport d'expertise définitif le 20 août 2015.

Par actes d'huissier en date des 20 et 22 janvier 2016, l'association a fait assigner les deux entreprises devant le tribunal de grande instance d'Angers afin d'obtenir leur condamnation in solidum au paiement du coût des travaux de remise en état.

L'entreprise d'étanchéité ayant été placée en redressement judiciaire le 11 mai 2016, puis en liquidation judiciaire le 12 avril 2017, l'association a appelé en cause ses mandataire et administrateur judiciaires par actes d'huissier en date des 13 et 14 juin 2016, puis son liquidateur judiciaire par acte d'huissier en date du 22 mai 2017.

L'entreprise de travaux publics a appelé en garantie les Mutuelles du Mans Assurances dites MMA iard en qualité d'assureur de responsabilité décennale de l'entreprise d'étanchéité par acte d'huissier en date du 24 mai 2017.

Les instances ont été jointes.

Par jugement en date du 2 décembre 2019, le tribunal a :

- condamné in solidum la SA Luc Durand et les MMA iard à payer à l'association OGEC [4] une somme de 52 569,64 euros

TTC avec indexation sur l'indice BT 01 à compter du 20 août 2015 puis intérêts au taux légal à compter du 20 août 2015 et capitalisation des intérêts dans les conditions de l'article 1154 du code civil (devenu 1343-2),

- fixé la créance de l'association OGEC [4] au passif de la liquidation judiciaire de la SAS Levêque à la même somme, outre indexation et intérêts au taux légal jusqu'au 10 mai 2016,

- dit que dans les rapports entre les parties condamnées, cette condamnation sera supportée par moitié,

- déclaré irrecevable la SA Luc Durand en sa demande reconventionnelle en paiement du solde de la facture du 26 août 2011 formée à l'encontre de l'association OGEC [4],

- débouté la SA Luc Durand de sa demande reconventionnelle tendant au paiement des travaux de reprise réalisés dans le cadre amiable formée à l'encontre de l'association OGEC [4] et des MMA iard,

- condamné in solidum la SA Luc Durand, les MMA iard et le liquidateur de la SAS Levêque à payer à l'association OGEC [4] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté la SA Luc Durand et les MMA iard de leurs demandes formées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné in solidum la SA Luc Durand, les MMA iard et le liquidateur de la SAS Levêque aux entiers dépens, comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement.

Pour déclarer l'entreprise de travaux publics irrecevable en sa demande de règlement du solde de chantier, il a considéré que l'association qui est une personne morale et non physique invoque à tort le bénéfice de la prescription biennale de l'article L. 137-2 du code de la consommation, que l'action en paiement du solde de la facture du 26 août 2011, qui est donc soumise à la prescription quinquennale de l'article L. 110-4 du code de commerce et qui n'a été exercée par l'entreprise de travaux publics à l'encontre de l'association qu'aux termes d'écritures signifiées le 16 mai 2017, est prescrite depuis le 26 août 2016, que l'action en référé ou même au fond engagée par l'association n'a pas eu pour effet d'interrompre la prescription car l'action en indemnisation du coût des travaux de reprise et celle tendant au paiement d'une facture sont distinctes par leur objet et leur cause, que les dires de l'entreprise de travaux publics en date des 9 mars et 15 mai 2015 ne constituent pas des causes interruptives de prescription et qu'aucune reconnaissance par le débiteur de son obligation, qui aurait interrompu la prescription, ne ressort du courriel adressé le 9 mars 2015 par le conseil de l'association à l'expert judiciaire et aux parties en réponse au dire du même jour de l'entreprise de travaux publics.

Pour rejeter sa demande de règlement des travaux de reprise réalisés formée à l'encontre de l'association, il a considéré que, l'intervention de l'entreprise de travaux publics s'étant inscrite dans le cadre d'un règlement amiable, il n'était aucunement convenu de faire supporter le coût de ces travaux à l'association, quelle que soit l'issue du litige, d'autant qu'ils n'ont pas permis de mettre un terme aux désordres.

Suivant déclaration en date du 17 janvier 2020, l'entreprise de travaux publics a relevé appel de ce jugement en ce qu'il l'a déclarée irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement du solde de la facture du 26 août 2011 formée à l'encontre de l'association et déboutée de sa demande reconventionnelle en paiement des travaux de reprise réalisés dans le cadre amiable formée à l'encontre de l'association et des MMA iard, intimant uniquement l'association.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 octobre 2023 et l'audience de plaidoirie fixée au 14 novembre 2023 conformément aux prévisions d'un avis du 9 juin 2023.

Dans ses dernières conclusions récapitulatives n°2 en date du 13 janvier 2021, la SAS Luc Durand demande à la cour de :

- réformer le jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée de ses demandes de condamnation de l'association à lui verser la somme de 18 083,52 euros TTC au titre du solde de son chantier et celle de 23 130 euros au titre des travaux de reprise réalisés dans le cadre amiable,

- subsidiairement, réformer le jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser diverses sommes au profit de l'association sachant qu'elle serait fondée à opposer une exception d'inexécution,

- condamner l'association à lui verser la somme de 3 000 euros conformément à l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Invité sur l'audience à présenter ses observations sur l'étendue du litige dévolu à la cour d'appel, son conseil a, d'une part, convenu qu'il n'a été relevé appel d'aucune des dispositions du jugement ayant condamné l'entreprise de travaux publics à payer diverses sommes à l'association alors qu'il en est demandé subsidiairement la réformation dans ses conclusions, d'autre part, pris acte qu'aucune prétention sur le fond n'est énoncée au dispositif de ses conclusions.

Dans ses dernières conclusions d'intimée n°3 en date du 27 mai 2021, l'association OGEC [4] demande à la cour de :

- confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

en conséquence,

- rejeter l'ensemble des demandes de l'entreprise de travaux publics,

- condamner l'entreprise de travaux publics à lui payer la somme de 6 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- la condamner in solidum (sic) aux entiers dépens d'appel.

Sur ce,

Sur le litige dévolu à la cour d'appel

L'article 562 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n°2017-891 du 6 mai 2017 et applicable à la présente instance d'appel introduite le 17 janvier 2020, dispose que l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent et que la dévolution ne s'opère pour le tout que lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

En application de l'article 954 alinéas 1 à 3 du même code, les conclusions d'appel doivent formuler expressément les prétentions des parties et comprendre un dispositif récapitulant ces prétentions et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif.

Selon l'article 901 4° du même code, dans sa rédaction antérieure à l'entrée en vigueur du décret n°2023-1391 du 29 décembre 2023, la déclaration d'appel est faite par acte contenant, à peine de nullité, les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Il résulte de la combinaison des deux premiers textes susvisés que la partie qui entend voir infirmer un chef de jugement l'ayant déboutée d'une prétention ou déclarée irrecevable en une prétention de réitérer cette prétention en l'énonçant au dispositif de ses conclusions d'appel.

Il résulte de la combinaison du premier et du troisième textes susvisés que l'acte d'appel fixe l'étendue de la dévolution à l'égard des parties intimées et que cette saisine initiale ne peut être élargie que par un appel incident ou un appel provoqué.

En l'espèce, l'entreprise de travaux publics se contente, au dispositif de ses conclusions d'appelante, de solliciter la réformation du jugement déféré en ce qu'il l'a déboutée (sic) de ses demandes de condamnation de l'association à lui verser les sommes de 18 083,52 euros TTC au titre du solde de son chantier et de 23 130 euros au titre des travaux de reprise réalisés dans le cadre amiable, sans y réitérer ces prétentions sur le fond, et, bien qu'ayant également relevé appel du jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande reconventionnelle tendant à la condamnation des MMA iard au paiement des travaux de reprise réalisés dans le cadre amiable, elle ne réitère pas davantage cette prétention à l'encontre de cet assureur qu'elle n'a d'ailleurs pas intimé, ni ne sollicite la réformation du jugement sur ce point.

La cour d'appel ne peut, dès lors, que confirmer les dispositions du jugement qui l'ont, d'une part, déclarée irrecevable en sa demande reconventionnelle en paiement du solde de la facture du 26 août 2011 formée à l'encontre de l'association, d'autre part, déboutée de sa demande reconventionnelle tendant au paiement des travaux de reprise réalisés dans le cadre amiable formée à l'encontre de l'association et des MMA iard.

Par ailleurs, l'entreprise de travaux publics sollicite subsidiairement la réformation du jugement en ce qu'il l'a condamnée à verser diverses sommes au profit de l'association, sans plus de précisions, alors qu'elle n'a visé aucune des dispositions correspondantes dans sa déclaration d'appel qui ne tend pas à l'annulation du jugement, qu'elle ne fait état et ne justifie d'aucune indivisibilité entre ces dispositions et celles critiquées dans son acte d'appel et qu'elle ne peut étendre la dévolution par voie de conclusions en l'absence de tout appel incident de l'intimée.

La cour d'appel ne peut, dès lors, que déclarer irrecevable sa demande de réformation du jugement sur ce point.

Sur les frais et dépens

Partie perdante, l'entreprise de travaux publics supportera les entiers dépens d'appel et, en considération de l'équité et de la situation respective des parties, sera tenue de verser à l'association la somme complémentaire de 3 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens d'appel exposés par celle-ci sur le fondement de l'article 700 1° du code de procédure civile, sans pouvoir bénéficier du même texte.

PAR CES MOTIFS :

La cour,

Confirme dans les limites de sa saisine le jugement dont appel,

Déclare la SAS Luc Durand irrecevable en sa demande subsidiaire de réformation des dispositions du jugement qui l'ont condamnée à verser diverses sommes au profit de l'association OGEC [4], mais dont il n'a pas été relevé appel,

Y ajoutant,

Condamne la SAS Luc Durand à payer à l'association OGEC [4] la somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de sa demande au même titre,

La condamne aux entiers dépens d'appel.