CA Saint-Denis de la Réunion, ch. civ. tgi, 24 octobre 2023, n° 21/01571
SAINT-DENIS DE LA RÉUNION
Ordonnance
Autre
PARTIES
Demandeur :
Kalam (SCI)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
M. Chevrier
Avocats :
Me Vaillant, Me Nativel
Par acte sous seing privé en date du 02 avril 1987 Monsieur [S] [M] [Y] aux droits duquel vient la SCI KALAM, a donné à bail commercial un immeuble mixte à usage d'habitation à Monsieur [F] [P]. Par acte sous seing privé en date du 31 décembre 1996, ce bail a été expressément renouvelé avec prise d'effet le même jour.
Par contrat signé le 24 janvier 2005, Monsieur [F] [P] a donné à bail à la société PUBLICOLOR l'exploitation exclusive du mur de l'immeuble dont il est locataire a'n d'y installer deux caissons lumineux, destinés à recevoir des affiches publicitaires.
Par acte du 28 juillet 2006, la SCI KALAM a fait délivrer un congé avec offre de paiement d'une indemnité d'éviction de 15.000 euros à Monsieur [P].
Suivant acte d'huissier du 8 novembre 2006, Monsieur [F] [P] a assigné la SCI KALAM devant le tribunal de grande instance de Saint-Denis aux fins d'obtenir la nullité du congé et subsidiairement de solliciter une mesure d'expertise pour évaluer l'indemnité d'éviction.
Par jugement en date du 25 novembre 2009, le tribunal de grande instance de Saint-Denis a statué en ces termes :
- DEBOUTE la SCI KALAM de sa demande tendant à la constatation de la clause résolutoire contenue dans le bail commercial du 31/12/1996,
- CONDAMNE la SCI KALAM à payer à Mr [F] [P] les sommes de :
- 104.078,73 € à titre d'indemnité d'éviction, avec intérêts légaux à compter de ce jour,
- 3.000 € du chef de l'article 700 du Code de Procédure civile,
- DEBOUTE Mr [P] de sa demande de dommages et intérêts complémentaires,
- DIT qu'en cas de rétractation de la SCI KALAM, le bail se renouvellera pour une durée de 9 ans, à la date de notification du droit de repentir, aux mêmes conditions,
- DEBOUTE la SCI KALAM de sa demande de désignation d'un séquestre,
- REJETTE le surplus des demandes,
- CONDAMNE la société défenderesse aux dépens distraits au profit des avocats de la cause pour ceux dont ils ont fait l'avance sans avoir reçu provision,
Par arrêt en date du 28 octobre 2011, la cour d'appel de Saint-Denis a statué en ces termes:
- INFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions.
Statuant à nouveau
- CONSTATE la résiliation de plein droit dudit bail à compter du 18 juillet 2008 aux torts du locataire pour sous-location prohibée.
- DEBOUTE M. [F] [P] de toutes ses demandes.
- ORDONNE son expulsion de l'immeuble loué situé au [Adresse 5] et celle de tous occupants de son chef avec le concours de la force publique si nécessaire à défaut de libération volontaire des lieux dans les trois mois de la signification du présent arrêt.
- DIT n'y avoir lieu de prononcer une astreinte.
- DIT que M. [F] [P] sera redevable d'une indemnité d'occupation d'un montant correspondant à celui du loyer qui aurait été exigible si le bail s'était poursuivi.
- DIT et juge non fondée la demande de dommages et intérêts formée par la SCI KALAM et l'en déboute.
- DIT n'y avoir lieu de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile.
- CONDAMNE M. [F] [P] aux entiers dépens de première instance et d'appel à l'exclusion du coût du constat d'huissier du 18/07/2008 qui ne constitue pas un acte de procédure taxable et des frais d'expertise qui seront supportés par la SCI KALAM.
- Accorde la distraction des dépens au profit de la Selarl AMODE/ANDRE ROBERT/RAFFI pour ceux dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision.
Par arrêt en date du 2 juillet 2013, la troisième chambre civile de la cour de cassation a statué en ces termes :
- CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 28 octobre 2011, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
- CONDAMNE la SCI Kalam aux dépens
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, condamne SCI Kalam à payer la somme de 3 000 euros à M. [P] ; rejette la demande de la SCI KALAM.
Par arrêt en date du 10 avril 2015, la cour d'appel de Saint-Denis a statué en ces termes:
- REÇOIT les conclusions de la S.C.I. KALAM du 30 septembre 2014
- CONFIRME le jugement du tribunal de grande instance de SAINT-DENIS en date du 25 novembre 2009 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté la S.C.I. KALAM de sa demande de séquestre,
Statuant à nouveau de ce dernier chef,
- DÉSIGNE Monsieur le Bâtonnier de l'Ordre des Avocats du Barreau de SAINT-DENIS, en tant que séquestre de l'indemnité d'éviction,
- DIT que faute par [F] [P] de remettre les clés du local vide, à l'expiration d'un délai de trois mois suivant ta date de notification à celui-ci du versement de l'indemnité audit séquestre, et/ou de satisfaire aux obligations lui incombant (paiement des impôts, de l'indemnité d'occupation égale au loyer résilié, réparations locatives) le séquestre retiendra 1 % par jour de retard, sur l'indemnité d'éviction, et ce, jusqu'à parfaite libération des lieux
Y ajoutant,
- FIXE l'indemnité d'occupation due par [F] [P] à la somme de 1.112,43 € (mille cent douze euros et quarante-trois centimes) par mois jusqu'au départ définitif des lieux,
- DÉBOUTE la S.C.I. KALAM de sa demande de dommages et intérêts,
- CONDAMNE la S.C.I. KALAM à payer à [F] [P] la somme de 2.000,00€ (deux mille euros) en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,
- CONDAMNE la S.C.I. KALAM aux dépens, en ce compris les frais de l'arrêt cassé.
Par arrêt en date du 5 octobre 2017, la troisième chambre civile de la cour de cassation a statué en ces termes :
- CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 10 avril 2015, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis, autrement composée ;
- CONDAMNE M. [P] aux dépens ;
- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de M. [P] et le condamne à payer à la SCI KALAM la somme de 3 000 euros.
Par arrêt en date du 4 octobre 2019, la cour d'appel de Saint-Denis a statué en ces termes:
- DECLARE irrecevable la déclaration de saisine remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par le conseil de la SCI Kalam
- DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile
- CONDAMNE la SCI Kalam aux dépens
Par arrêt en date du 10 juin 2021, la deuxième chambre civile de la cour de cassation a statué en ces termes :
- CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 4 octobre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
- Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée ;
- Condamne M. [P] aux dépens ;
- En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [P] et le condamne à payer à la société KALAM la somme de 3 000 euros
Par arrêt avant dire droit en date du 18 novembre 2022, la cour d'appel statuant sur le renvoi de la Cour de cassation a statué en ces termes avant dire droit :
ORDONNE la révocation de l'ordonnance de clôture ;
RENVOIE l'examen de l'affaire à l'audience du mardi 21 février 2023 à 9 h 00 ;
INVITE les parties à présenter leurs observations sur la recevabilité de la fin de non-recevoir élevée par M. [P] à l'encontre de la déclaration de saisine du 30 mars 2018 et sur le périmètre de l'appel en résultant ;
INVITE la SCI KALAM à conclure avant cette date à peine de nouvelle clôture ;
RESERVE toutes les demandes.
Par conclusions sur incident N° 1, remises par RPVA le 16 août 2023, la SCI KALAM demande au président de la chambre saisie de :
JUGER recevable la déclaration de saisine remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par le conseil de la SCI KALAM ;
DÉBOUTER M. [F] [P] de sa demande de fin de non-recevoir tendant à l'irrecevabilité de la déclaration de saisine remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par le conseil de la SCI KALAM ;
CONDAMNER Monsieur [F] [P] au paiement de la somme de 25.000 euros à la SCI KALAM au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNER Monsieur [F] [P] au paiement des dépens.
Par conclusions d'incident déposées le 14 avril 2023 par le RPVA, Monsieur [F] [P] demande au président de la chambre saisie de :
JUGER irrecevable la déclaration de saisine remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 par le conseil de la SCI KALAM pour absence de cause étrangère.
- DEBOUTER la SCI KALAM de toutes ses demandes, fins et prétentions.
L'incident a été examiné à l'audience du 19 septembre 2023.
***
Pour plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il convient de se reporter à leurs écritures ci-dessus visées figurant au dossier de la procédure en application de l'article 455 du code de procédure civile.
SUR CE
Sur la recevabilité de l'acte de saisine de la cour d'appel :
L'intimé soutient que la déclaration de saisine remise le 22 mars 2018 par la SCI KALAM est irrégulière, comme étant déposée sur support papier sans que l'appelante ne justifie d'une cause étrangère l'ayant empêchée de procéder selon les prescriptions de l'article 930-1 du code de procédure civile.
Il prétend que l'arrêt du 4 octobre 2019 n'était pas assez motivé pour permettre le contrôle par la Cour de cassation de la bonne application de l'article 930-1 du code de procédure civile.
Monsieur [P] considère que l'arrêt de cassation du 10 juin 2021 ne remet pas en cause l'absence de cause étrangère qui doit être caractérisée.
En réplique, la SCI KALAM expose qu'il ressort expressément de l'attestation établie par la SARL XTRONIQUE MICRO SUD en date du 12 octobre 2018 qu'une panne touchant le matériel informatique du conseil de la SCI KALAM durant trois jours, du 19 au 23 mars 2018, rendant impossible la navigation sur internet et ayant pour origine la défectuosité du câble RJ11 de la live box, avait rendu impossible le dépôt d'une déclaration de saisine de la cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION par voie électronique. Ainsi, il est manifeste qu'une cause étrangère, indépendante de la volonté ou du fait du conseil de la SCI KALAM, a fait obstacle au dépôt de la déclaration d'appel par voie électronique, de sorte que ce dernier a été contraint de l'établir et le remettre au greffe sur support papier, conformément à ce qui est prévu à l'article 930-1 du code de procédure civile suscité.
Or, il est constant que l'irrecevabilité d'un acte de procédure non remis à la juridiction par voie électronique est écartée lorsque cet acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, l'acte étant en ce cas remis au greffe sur support papier.
Saisie de cette question de la recevabilité de la déclaration d'appel datée du 22 mars 2018, la Cour de Cassation a validé ce raisonnement et, par arrêt en date du 10 Juin 2021, a cassé et annulé dans toutes ses dispositions l'arrêt rendu le 04 octobre 2019 par la Cour d'appel de SAINT-DENIS DE LA RÉUNION pour les motifs suivants : " Pour déclarer irrecevable la déclaration de saisine après renvoi de la Cour de cassation, l'arrêt retient qu`elle e été remise au greffe sur support papier le 22 mars 2018 sans qu'il ne soit établi que le conseil de la société Kalam ait été dans l'impossibilité d'avoir accès au réseau professionnel virtuel des avocats dès lors qu'il n'est fait état d'aucune panne affectant sa clé RPVA, laquelle pouvait être utilisée sur tout autre poste informatique disposant d'un accès internet, notamment à l'ordre des avocats ou dans un cabinet d'un de ses confrères qu'il ne prétend pas même avoir sollicités.
En statuant ainsi, alors qu'elle constatait que le conseil de la société Kalam justifiait que la société Xtronique Micro Sud était intervenue durant trois jours du 19 au 23 mars 201 aux fins de rechercher la panne touchant son matériel informatique, laquelle rendait impossible la navigation sur internet et avait pour origine la défectuosité du câble RJ 11 de la live box, la cour d'appel a violé le texte susvisé. "
Ainsi, la Cour de cassation casse au visa du seul article 930-1 du code de procédure civile, et considère que la cour d'appel a violé le texte en refusant d'admettre l'existence d'une cause étrangère alors qu'elle a constaté l'intervention d'un informaticien pendant trois jours au cabinet de l'avocat.
Ceci étant exposé,
Aux termes de l'article 905-2 du code de procédure civile, les ordonnances du président ou du magistrat désigné par le premier président de la chambre saisie statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application du présent article et de l'article 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.
Selon l'article 930-1 du même code, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique.
Lorsqu'un acte ne peut être transmis par voie électronique pour une cause étrangère à celui qui l'accomplit, il est établi sur support papier et remis au greffe ou lui est adressé par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. En ce cas, la déclaration d'appel est remise ou adressée au greffe en autant d'exemplaires qu'il y a de parties destinataires, plus deux. La remise est constatée par la mention de sa date et le visa du greffier sur chaque exemplaire, dont l'un est immédiatement restitué.
Lorsque la déclaration d'appel est faite par voie postale, le greffe enregistre l'acte à la date figurant sur le cachet du bureau d'émission et adresse à l'appelant un récépissé par tout moyen.
En l'espèce, le dossier de la procédure contient une déclaration de saisine déposée au greffe de la cour par RPVA le 7 septembre 2021 à la suite de l'arrêt de la Cour de cassation du 10 juin 2021.
Or, le dispositif de cet arrêt casse et annule, en toutes ses dispositions, l`arrêt rendu le 4 octobre 2019 et remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion autrement composée.
La question posée par la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur [P] [F] porte donc bien sur l'étendue et l'effet de la cassation rendue au visa de l'article 930-1 du code de procédure civile, en réponse au pourvoi de la SCI KALAM qui reprochait à la cour d'appel d'avoir déclaré irrecevable sa saisine sous forme de papier remise au greffe de la cour d'appel le 22 mars 2018.
L'arrêt du 10 juin 2021 vise aussi l'article 631 du code de procédure civile, énonçant que, devant la juridiction de renvoi, l'instruction est reprise en l'état de la procédure non atteinte par la cassation.
Il est donc nécessaire de rechercher si la saisine en document papier du 22 mars 2018 est régulière et justifiée par une cause extérieure à l'avocat de la SCI KALAM.
Pour soutenir la recevabilité de la saisine, la SCI KALAM verse aux débats une attestation de la société XTRONIQUE MICRO SUD en date du 12 octobre 2018.
Cette attestation, annexée aux conclusions N° 3 de la SCI KALAM et communiquée sous le N° 25, est ainsi rédigée :
" Pour donner suite à mon intervention, au cabinet de Maître [E] [H], sur trois jours de recherche de panne : Nous avons constaté finalement que le câble RJ11 de la LIVEBOX était défectueux, ce qui rendait impossible la navigation sur internet au sein du cabinet.
Panne constatée le 19 mars 2018 à 15 heures 00 - Panne résolue le 23 mars à 8 heures 00.
L'acte de saisine a été déposé au greffe de la cour d'appel le 22 mars 2018 à 9 heures 20, soit pendant la période de la panne informatique du cabinet de l'avocate de l'appelante.
Cet acte de saisine faisait suite à un arrêt de cassation redu le 5 octobre 2017 (N° 994-F-D - Pourvoi N° D 15-25-018.
Ainsi, la SCI KALAM établit qu'elle s'est trouvée dans l'impossibilité technique et matérielle de déposer l'acte de saisine par le RPVA le 22 mars 2018, son accès à internet étant paralysé par l'effet d'une panne extérieure au cabinet de son avocate qui ne pouvait prévoir l'origine à cette date mais qui a mis en 'uvre les moyens de restaurer son accès au réseau le plus rapidement possible.
En conséquence, la saisine sous forme de papier, remise au greffe de la cour d'appel le 22 mars 2018 doit être déclarée recevable.
Sur les autres demandes :
Les parties supporteront leurs frais irrépétibles au titre de l 'incident tandis que les dépens suivront le sort de l'instance au fond.
L'affaire sera rappelée à l'audience de circuit court du 24 février 2024 à 9H00 pour éventuelle clôture.
PAR CES MOTIFS
Le président de la chambre civile, par décision non susceptible de déféré ;
Vu l'article 930-1 du code de procédure civile ;
DECLARE RECEVABLE la saisine sous forme papier du 22 mars 2018 ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile pour l'incident ;
RENVOIE l'examen de l'affaire à l'audience du 24 février 2024 à 9 heures 00 pour éventuelle clôture ;
DIT que les dépens de l'incident suivront le sort de l'instance au fond.