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Décisions

TUE, 7e ch., 6 novembre 2024, n° T-827/22

TRIBUNAL DE L'UNION EUROPÉENNE

Arrêt

Rejet

PARTIES

Demandeur :

Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.)

Défendeur :

Commission européenne

COMPOSITION DE LA JURIDICTION

Président :

Mme Kowalik Bańczyk

Juges :

M. Hesse (rapporteur), Mme Ricziová

Avocats :

Me Vahida, Me Rating, Me Metaxas-Maranghidis

TUE n° T-827/22

5 novembre 2024

LE TRIBUNAL (septième chambre),

1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.), demande l’annulation de la décision C(2020) 2934 final de la Commission, du 29 avril 2022, relative à l’aide d’État SA.63360 (2021/N) – Roumanie COVID-19 – Aide en faveur de TAROM – Réparation du préjudice II (ci-après la « décision attaquée »).

I. Antécédents du litige

2 Compania Nationala de Transporturi Aeriene Romane « TAROM SA » (ci-après « TAROM ») est une compagnie aérienne roumaine opérant à partir d’une plate-forme aéroportuaire unique, située à l’aéroport international OTP Henri-Coandă de Bucarest (Roumanie), détenue à 97,22 % par l’État roumain.

3 Le 24 février 2020, par sa décision C(2020) 1160 final, concernant l’aide d’État SA.56244 (2020/N) – Roumanie – Aide au sauvetage de TAROM (ci-après la « décision relative à l’aide au sauvetage de TAROM »), la Commission européenne a autorisé une aide au sauvetage en faveur de TAROM constituée d’un prêt remboursable à la fin d’une période de six mois.

4 Le 2 octobre 2020, par sa décision C(2020) 6910 final, relative à l’aide d’État SA.56810 (2020/N) – Roumanie – COVID-19 : Aide en faveur de TAROM, la Commission a autorisé une aide en faveur de TAROM, fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, visant à indemniser cette dernière pour le dommage directement subi, pendant la période allant du 16 mars au 30 juin 2020, en raison des restrictions en matière de déplacement et des autres mesures de confinement visant à endiguer la pandémie de COVID-19.

5 Le 5 juillet 2021, à la suite de la notification par les autorités roumaines d’un plan de restructuration, la Commission a décidé d’ouvrir une procédure formelle concernant l’aide d’État SA.59344 (2021/C, ex 2021/N) – Roumanie – Aide à la restructuration en faveur de TAROM.

6 Le 3 février 2022, la Roumanie a notifié à la Commission, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, une mesure d’aide individuelle en faveur de TAROM, d’un montant de 1 908 872 euros, accordée sous la forme d’une augmentation de capital et financée par le budget général de la Roumanie (ci-après la « mesure en cause »).

7 La mesure en cause est fondée sur l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et vise à indemniser TAROM pour les dommages directement subis sur quatorze liaisons internationales précisément désignées (ci-après les « liaisons éligibles »), pendant des périodes spécifiques (ci-après les « périodes de compensation ») au cours de la période pertinente, à savoir celle comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 2020, en raison des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID 19.

8 Le 29 avril 2022, la Commission, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, a adopté la décision attaquée, par laquelle elle a considéré que la mesure en cause était constitutive d’une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et qu’elle était compatible avec le marché intérieur en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

II. Conclusions des parties

9 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– annuler la décision attaquée ;

– condamner la Commission aux dépens.

10 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

– rejeter le recours comme étant non fondé ;

– condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

11 À l’appui du recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, de ce que la Commission aurait fait une application erronée de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et aurait commis des erreurs « manifestes » d’appréciation dans son examen de la proportionnalité de la mesure en cause, le deuxième, d’une violation des principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de la liberté d’établissement, le troisième, de ce que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen et, le quatrième, d’une violation de l’obligation de motivation.

12 Le 9 novembre 2023, par mesure d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à présenter par écrit leurs observations sur les conséquences à tirer, pour la présente affaire, des arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission (C 320/21 P, EU:C:2023:712), et du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission (C 321/21 P, EU:C:2023:713). En réponse à cette mesure d’organisation de la procédure, la requérante a indiqué qu’elle renonçait à l’un des arguments avancés dans le cadre du premier moyen, tiré de l’absence d’évaluation des dommages causés par la pandémie de COVID-19 à des compagnies aériennes autres que TAROM (voir point 104 ci-après). Pour le reste, elle a maintenu ses moyens et arguments.

A. Sur la recevabilité

13 En premier lieu, la requérante fait valoir qu’elle est une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE et de l’article 1er, sous h), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 248, p. 9), et que, dès lors, elle a qualité pour agir afin de défendre ses droits procéduraux. En second lieu, elle fait valoir que sa position concurrentielle sur le marché a été substantiellement affectée par la mesure en cause, qu’elle est directement concernée par celle-ci et que, dès lors, elle est recevable pour contester également le bien-fondé de la décision attaquée.

14 La Commission ne conteste pas la recevabilité du recours.

15 Il convient de rappeler que, lorsque la Commission adopte une décision de ne pas soulever d’objections sur le fondement de l’article 4, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, comme en l’espèce, non seulement elle déclare les mesures concernées compatibles avec le marché intérieur, mais elle refuse également implicitement d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement (voir arrêt du 27 octobre 2011, Autriche/Scheucher-Fleisch e.a., C 47/10 P, EU:C:2011:698, point 42 et jurisprudence citée). Si la Commission constate, après l’examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle est tenue d’adopter, sur le fondement de l’article 4, paragraphe 4, du règlement 2015/1589, une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE et à l’article 6, paragraphe 1, dudit règlement. Aux termes de cette dernière disposition, une telle décision invite l’État membre concerné et les autres parties intéressées à présenter leurs observations dans un délai déterminé, qui ne dépasse normalement pas un mois (arrêt du 24 mai 2011, Commission/Kronoply et Kronotex, C 83/09 P, EU:C:2011:341, point 46).

16 En l’espèce, la Commission a décidé, à l’issue d’un examen préliminaire, de ne pas soulever d’objections à l’encontre de la mesure en cause, au motif qu’elle était compatible avec le marché intérieur, en vertu de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE. Dans la mesure où la procédure formelle d’examen n’a pas été ouverte, les parties intéressées, qui auraient pu déposer des observations durant cette phase, ont été privées de cette possibilité. Pour y remédier, il leur est reconnu le droit de contester, devant le juge de l’Union européenne, la décision prise par la Commission de ne pas ouvrir la procédure formelle d’examen. Ainsi, un recours introduit par une partie intéressée au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE qui viserait à l’annulation de la décision de ne pas soulever d’objections serait recevable dès lors que l’auteur de ce recours tendrait à faire sauvegarder les droits procéduraux qu’il tire de cette dernière disposition (voir arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C 322/09 P, EU:C:2010:701, point 56 et jurisprudence citée).

17 Au regard de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, une entreprise concurrente de l’entreprise bénéficiaire d’une mesure d’aide figure parmi les « parties intéressées », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE (arrêt du 3 septembre 2020, Vereniging tot Behoud van Natuurmonumenten in Nederland e.a./Commission, C 817/18 P, EU:C:2020:637, point 50 ; voir également, en ce sens, arrêt du 18 novembre 2010, NDSHT/Commission, C 322/09 P, EU:C:2010:701, point 59).

18 En l’espèce, il n’est pas contesté que la requérante est une concurrente de TAROM et que, dès lors, elle est une partie intéressée au sens de l’article 1er, sous h), du règlement 2015/1589, ayant qualité pour agir afin de sauvegarder les droits procéduraux qu’elle tire de l’article 108, paragraphe 2, TFUE.

19 Quant à la qualité de la requérante pour contester le bien-fondé de la décision attaquée, il importe de rappeler que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas la destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (arrêts du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C 33/14 P, EU:C:2015:609, points 59 et 91, et du 13 mars 2018, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C 244/16 P, EU:C:2018:177, point 39).

20 La décision attaquée, qui a été adressée à la Roumanie, ne constituant pas un acte réglementaire aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, dès lors qu’elle n’est pas un acte de portée générale (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2013, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Parlement et Conseil, C 583/11 P, EU:C:2013:625, point 56), il appartient au Tribunal de vérifier si la requérante est directement et individuellement concernée par cette décision, au sens de cette disposition.

21 À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que les sujets autres que les destinataires d’une décision ne sauraient prétendre être individuellement concernés que si cette décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire (arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223 ; du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 22, et du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C 260/05 P, EU:C:2007:700, point 53).

22 Ainsi, lorsqu’une partie requérante met en cause le bien fondé d’une décision d’appréciation d’une aide prise sur le fondement de l’article 108, paragraphe 3, TFUE ou à l’issue de la procédure formelle d’examen, le simple fait qu’elle puisse être considérée comme un « intéressé », au sens de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, ne saurait suffire pour admettre la recevabilité du recours. Elle doit alors démontrer qu’elle a un statut particulier au sens de la jurisprudence citée au point 19 ci-dessus. Il en va notamment ainsi lorsque la position de la partie requérante sur le marché concerné est substantiellement affectée par l’aide faisant l’objet de la décision en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 37 et jurisprudence citée).

23 À cet égard, la Cour a jugé que la démonstration, par la partie requérante, d’une atteinte substantielle à sa position sur le marché n’impliquait pas de se prononcer de façon définitive sur les rapports de concurrence entre cette partie et les entreprises bénéficiaires, mais nécessitait seulement de la part de ladite partie qu’elle indique de façon pertinente les raisons pour lesquelles la décision de la Commission était susceptible de léser ses intérêts légitimes en affectant substantiellement sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 57 et jurisprudence citée).

24 Il ressort ainsi de la jurisprudence de la Cour que l’atteinte substantielle à la position concurrentielle de la partie requérante sur le marché en cause résulte non pas d’une analyse approfondie des différents rapports de concurrence sur ce marché, permettant d’établir avec précision l’étendue de l’atteinte à sa position concurrentielle, mais, en principe, d’un constat prima facie que l’octroi de la mesure visée par la décision de la Commission conduit à porter substantiellement atteinte à cette position (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 58 et jurisprudence citée).

25 Il en découle que cette condition peut être satisfaite si la partie requérante apporte des éléments permettant de démontrer que la mesure concernée est susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché en cause (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 59 et jurisprudence citée).

26 S’agissant des éléments admis par la jurisprudence pour établir une telle atteinte substantielle, il convient de rappeler que la seule circonstance selon laquelle un acte est susceptible d’exercer une certaine influence sur les rapports de concurrence existant sur le marché pertinent et l’entreprise concernée se trouve dans une quelconque relation de concurrence avec le bénéficiaire de cet acte ne saurait suffire pour que ladite entreprise puisse être considérée comme étant individuellement concernée par ledit acte. Dès lors, une entreprise ne saurait se prévaloir uniquement de sa qualité de concurrente par rapport à l’entreprise bénéficiaire (voir arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 60 et jurisprudence citée).

27 La démonstration d’une atteinte substantielle portée à la position d’un concurrent sur le marché ne saurait être limitée à la présence de certains éléments indiquant une dégradation des performances commerciales ou financières de la partie requérante, tels qu’une importante baisse du chiffre d’affaires, des pertes financières non négligeables ou encore une diminution significative des parts de marché à la suite de l’octroi de l’aide en question. L’octroi d’une aide d’État peut également porter atteinte à la situation concurrentielle d’un opérateur d’autres manières, notamment en provoquant un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle aide (arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 61).

28 En outre, la jurisprudence n’exige pas que la partie requérante apporte des éléments quant à la taille ou à l’étendue géographique des marchés en cause, ou encore quant à ses parts de marché ou à celles du bénéficiaire de la mesure en cause ou d’éventuels concurrents sur ces marchés (voir, en ce sens, arrêt du 15 juillet 2021, Deutsche Lufthansa/Commission, C 453/19 P, EU:C:2021:608, point 65).

29 C’est à l’aune de ces principes qu’il convient d’examiner si la requérante a apporté des éléments permettant de démontrer que la mesure en cause était susceptible de porter substantiellement atteinte à sa position sur le marché concerné.

30 En l’espèce, la requérante soutient, en substance, qu’elle était la première compagnie aérienne sur le marché roumain compte tenu de ses parts de marché en 2019. Elle serait la concurrente la plus proche, la plus directe et la plus importante de TAROM sur ce marché.

31 À cet égard, premièrement, la requérante fait valoir que sa part de capacité en sièges sur le marché roumain était de 40,8 % en 2019, tandis que la part de TAROM était de 15,3 % cette même année.

32 Deuxièmement, la requérante fait valoir qu’elle était en concurrence directe avec TAROM sur un certain nombre de lignes aériennes entre des paires de villes identifiées comme des « point[s] d’origine/point[s] de destination » (ci-après « O&D »), à savoir au total huit paires de villes en 2020 et onze en 2022, ces lignes étant en moyenne exploitées par une seule autre compagnie aérienne et étant particulièrement importantes d’un point de vue économique. De plus, elle fait valoir que les lignes sur lesquelles elle était en concurrence directe avec TAROM étaient plus importantes économiquement que celles que TAROM partageait avec d’autres compagnies aériennes.

33 La Commission ne conteste pas ces données.

34 Troisièmement, la requérante soutient que, avant la survenance de la pandémie de COVID-19 et l’octroi de la mesure en cause, elle avait entrepris une expansion considérable sur le marché roumain, ce qui n’est pas contesté par la Commission. À cet égard, la requérante fait valoir qu’elle exploitait 159 lignes à destination ou au départ de la Roumanie en 2019 et qu’elle en exploite désormais 224. De plus, sa croissance aurait été constante au cours des dix dernières années et sensiblement supérieure à celle de TAROM. En effet, entre 2010 et 2019, le volume du trafic de TAROM en Roumanie a augmenté en moyenne de 4,5 millions de sièges supplémentaires à l’arrivée et au départ, alors que l’augmentation du nombre de sièges de la requérante a été de 5,6 millions en moyenne à l’arrivée et au départ, soit 1,24 fois plus que le volume de TAROM. En outre, la requérante avance qu’elle dispose d’une flotte de 175 appareils Airbus de la famille A320 et qu’elle avait prévu la livraison d’un nombre conséquent d’appareils jusqu’à la fin de l’année 2029 afin d’augmenter sa flotte, laquelle lui permettrait d’ouvrir de nouvelles lignes aériennes et de nouvelles bases, notamment en Roumanie.

35 En conséquence de l’octroi de la mesure en cause, la requérante se trouverait dans une situation désavantageuse par rapport à TAROM, dans la mesure où, contrairement à cette dernière, elle n’aurait pas bénéficié d’une aide qui aurait contribué à lui permettre d’atténuer l’impact de la pandémie de COVID-19 et de reprendre ses activités en Roumanie. Selon la requérante, la mesure en cause permettait à TAROM de se maintenir sur le marché en tant que concurrente subventionnée en échappant aux conséquences négatives de la pandémie de COVID-19.

36 Les éléments relevés aux points 30 à 35 ci-dessus, pris ensemble, permettent de constater que la requérante a démontré qu’elle était la principale concurrente de TAROM sur un certain nombre de lignes O&D sur le marché roumain, qu’elle était en concurrence directe avec TAROM sur un certain nombre de lignes O&D et qu’elle avait entrepris une expansion considérable sur le marché roumain. En l’absence de la mesure en cause, la situation financière défavorable de TAROM se serait aggravée et sa position sur le marché se serait détériorée davantage. Cela aurait placé la requérante dans une position susceptible de lui permettre, en l’absence de cette mesure, de gagner des parts de marché au détriment de TAROM.

37 L’ensemble de ces éléments démontre que l’octroi de la mesure en cause était susceptible prima facie de porter substantiellement atteinte à la position concurrentielle de la requérante sur le marché, en provoquant notamment un manque à gagner ou une évolution moins favorable que celle qui aurait été enregistrée en l’absence d’une telle mesure.

38 Partant, il convient de conclure que la requérante a démontré à suffisance de droit que la mesure en cause était susceptible d’affecter de façon substantielle sa position concurrentielle sur le marché et que, dès lors, elle était individuellement concernée par la décision attaquée.

39 Quant à la question de savoir si la requérante est directement concernée par la décision attaquée, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un concurrent du bénéficiaire d’une aide est directement concerné par une décision de la Commission autorisant un État membre à verser celle-ci lorsque la volonté dudit État d’y procéder ne fait nul doute (voir, en ce sens, arrêts du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C 386/96 P, EU:C:1998:193, points 43 et 44, et du 15 septembre 2016, Ferracci/Commission, T 219/13, EU:T:2016:485, point 44 et jurisprudence citée), comme c’est le cas en l’espèce.

40 Dès lors, la requérante est recevable à contester le bien-fondé de la décision attaquée.

B. Sur le fond

1. Sur le premier moyen, tiré de ce que la Commission aurait fait une application erronée de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE et aurait commis des erreurs « manifestes » d’appréciation dans son examen de la proportionnalité de la mesure en cause

41 À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, sont compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à remédier aux dommages causés par les calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires. À cet égard, il ressort de la jurisprudence que seuls peuvent être compensés, au titre de cette disposition, les désavantages économiques causés directement par des calamités naturelles ou par d’autres événements extraordinaires (arrêt du 23 février 2006, Atzeni e.a., C 346/03 et C 529/03, EU:C:2006:130, point 79).

42 En l’espèce, la requérante ne conteste ni l’appréciation de la Commission, retenue dans la décision attaquée, selon laquelle la pandémie de COVID-19 devait être regardée comme étant un « événement extraordinaire » au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, ni la considération selon laquelle les restrictions de déplacement ayant affecté les liaisons éligibles, pendant la période pertinente, ont pu directement causer un dommage à TAROM.

43 En revanche, la requérante fait valoir, en substance, que la décision attaquée méconnait l’article 107, paragraphe 2, TFUE au motif, d’une part, que l’évaluation du dommage subi par TAROM est erronée à plusieurs égards et, d’autre part, que la mesure en cause est à l’origine d’une surcompensation.

44 La Commission conteste cette argumentation.

a) Sur la première branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission aurait commis des erreurs « manifestes » d’appréciation quant au dommage indemnisable

45 La première branche du premier moyen, tirée de ce que la Commission aurait commis des erreurs « manifestes » d’appréciation quant au dommage indemnisable, est articulée en deux griefs, tirés, le premier, de ce que la Commission se serait fondée à tort sur un scénario contrefactuel selon lequel TAROM aurait été en mesure, en l’absence des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19, d’enregistrer les mêmes résultats financiers qu’en 2019 et, le second, de ce que l’engagement de la Roumanie de procéder à une analyse ex post mettrait en doute la précision de l’évaluation du dommage.

1) Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission se serait fondée à tort sur un scénario contrefactuel selon lequel TAROM aurait été en mesure, en l’absence des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19, d’enregistrer les mêmes résultats financiers qu’en 2019

46 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, dans la décision attaquée, pour calculer le montant du dommage subi par TAROM sur les liaisons éligibles pendant la période pertinente en raison des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19, la Commission a comparé, sur chacune des liaisons concernées, d’une part, les résultats réels de TAROM pendant la période pertinente et, d’autre part, les résultats de TAROM dans un scénario contrefactuel, sans restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19. Le montant total du dommage subi par TAROM correspondrait à la différence entre ces deux résultats, calculés sur la base des recettes et des coûts, fixes et variables, de TAROM sur chacune des liaisons concernées.

47 Dans le cadre de la requête, la requérante met en exergue huit erreurs qui entacheraient le scénario contrefactuel en cause, qui sont successivement examinées ci-après.

48 En premier lieu, la requérante fait valoir que, dans l’élaboration du scénario contrefactuel, la Commission a utilisé à tort les résultats financiers de TAROM de 2019 au lieu des données prospectives à sa disposition. Selon la requérante, le scénario contrefactuel sur lequel s’est fondée la Commission dans sa décision partait du principe que, en l’absence des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19, la rentabilité de TAROM sur chacune des liaisons éligibles au cours de la période pertinente aurait été identique à sa rentabilité sur chacune des liaisons concernées pendant la période allant de juillet à décembre 2019. Toutefois, les pertes récurrentes de TAROM et les difficultés financières de cette compagnie depuis des décennies montreraient que cette hypothèse n’était pas réaliste. La requérante souligne notamment que TAROM a été déficitaire chaque année depuis 2008 et qu’elle a vu ses pertes sensiblement augmenter au cours de la période allant de 2017 à 2019.

49 La requérante renvoie à plusieurs éléments de preuve à cet égard. D’abord, la requérante soutient que, au regard des états financiers de TAROM, tant ses coûts de dépréciation et d’amortissement que ses charges d’intérêts avaient augmenté entre 2019 et 2020. Ensuite, la requérante estime que, compte tenu des difficultés préexistantes de TAROM, la Commission devait distinguer les pertes de cette compagnie imputables à la pandémie de COVID 19 des pertes imputables à son modèle commercial. Enfin, la requérante fait valoir que, compte tenu des divers plans de restructuration concernant TAROM dont la Roumanie avait fait état durant les dix années précédentes, la Commission disposait des prévisions à court et à moyen termes des recettes et des dépenses de cette compagnie. Ces prévisions financières étaient, selon la requérante, plus appropriées que les résultats financiers de 2019 de TAROM. Un graphique produit par la requérante montrerait que, en prenant en compte les résultats financiers de TAROM en 2019 plutôt que les prévisions financières de celle-ci réalisées avant le début de la pandémie de COVID-19, la Commission aurait surestimé le dommage subi par cette compagnie.

50 À cet égard, comme le fait valoir à juste titre la Commission dans son mémoire en défense, les résultats réels de TAROM pendant la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019 sur les liaisons éligibles, qu’elle a pris en compte dans l’élaboration du scénario contrefactuel, constituaient les données historiques les plus récentes enregistrées avant la survenance de la pandémie de COVID-19. En règle générale, la prise en compte des données historiques les plus récentes est appropriée, à moins que la partie requérante ne démontre, sur la base d’éléments objectifs et concordants, que ces données ne sont pas fiables [arrêt du 18 octobre 2023, Ryanair/Commission (Alitalia II ; COVID-19), T 333/21, non publié, EU:T:2023:646, point 54].

51 En l’espèce, les résultats enregistrés par TAROM au cours de la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019 reflétaient une période d’activité normale pour cette compagnie, dans la mesure où il n’y avait pas eu de circonstance extraordinaire, telle qu’une pandémie ou un changement de son modèle commercial [arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 48].

52 À l’inverse, les références faites par la requérante aux états financiers globaux de TAROM ne démontrent pas que les données prises en compte par la Commission n’étaient pas fiables. En effet, les données utilisées par la Commission dans la décision attaquée concernaient spécifiquement les résultats enregistrés par TAROM sur les liaisons concernées au cours de la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019, ce qui se justifie par le fait que la mesure en cause visait à indemniser cette compagnie spécifiquement pour le dommage subi sur ces liaisons et pendant la période pertinente en raison des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19. Or, comme le fait valoir la Commission, la rentabilité d’une seule liaison assurée par une compagnie aérienne peut différer sensiblement du niveau global de rentabilité de cette compagnie.

53 En outre, et en tout état de cause, en ce qui concerne les années 2017 à 2019, les données tirées de la décision relative à l’aide au sauvetage de TAROM auxquelles la requérante fait référence montrent, comme le souligne la Commission dans ses écritures, que, malgré les résultats négatifs persistants de cette compagnie, ses résultats annuels sont restés relativement constants entre 2017 et 2019.

54 En ce qui concerne plus particulièrement les coûts de dépréciation et d’amortissement ainsi que les charges d’intérêts qui auraient augmenté entre 2019 et 2020, quand bien même les données produites à cet égard par la requérante seraient correctes, elles ne pourraient pas établir une tendance claire dans l’évolution des résultats financiers de TAROM de nature à mettre en doute la fiabilité des données historiques les plus récentes pour l’élaboration du scénario contrefactuel.

55 Par ailleurs, en ce qui concerne l’allégation de la requérante selon laquelle la Commission aurait insuffisamment examiné les pertes de TAROM imputables à la pandémie de COVID 19 pour les distinguer des pertes imputables au modèle commercial de cette compagnie, il ressort de la décision attaquée que la méthodologie utilisée par les autorités roumaines pour calculer le dommage subi par TAROM, décrite au point 46 ci-dessus, ne prend en considération que les recettes et les coûts de cette compagnie directement liés à ses activités de transport aérien de passagers. Ces recettes et ces coûts avaient ainsi été directement affectés par les restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19 sur les liaisons concernées.

56 Or, dans ses écritures, la requérante se limite à reprocher à la Commission, de manière très générale, de ne pas avoir fait un examen plus approfondi à ce sujet, mais n’identifie aucun poste de coûts spécifique qui, selon elle, aurait dû être exclu du calcul du dommage subi par TAROM, ou traité différemment, du fait que ce coût aurait été causé par les difficultés préexistantes de cette compagnie. Cette allégation de la requérante n’est donc pas de nature à mettre en cause l’utilisation des données historiques les plus récentes pour l’élaboration du scénario contrefactuel [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, points 84 à 86].

57 Enfin, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’utilisation des prévisions financières élaborées dans le cadre des plans de restructuration concernant TAROM était plus appropriée pour l’élaboration du scénario contrefactuel, il suffit de constater que, en l’absence d’éléments de preuve démontrant que l’utilisation des données historiques les plus récentes concernant la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019 n’était pas fiable pour le calcul du dommage subi par TAROM sur les liaisons concernées pendant la période pertinente, lesdites données historiques doivent être considérées comme une base de référence plus appropriée pour l’examen du scénario contrefactuel que des estimations prévisionnelles des résultats futurs de TAROM sur ces liaisons [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 61].

58 Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas établi que c’était à tort que la Commission avait pris en considération les résultats réels de TAROM sur les liaisons concernées pendant la période comprise entre le 1er juillet et le 31 décembre 2019 dans le cadre de son examen du scénario contrefactuel ni qu’une telle méthodologie avait entraîné une surestimation du dommage subi par TAROM sur les liaisons concernées. La décision attaquée n’est, dès lors, pas entachée d’erreur d’appréciation à cet égard.

59 En deuxième lieu, la requérante fait valoir que, lors de l’élaboration du scénario contrefactuel, le choix de la méthode de répartition des coûts fixes pouvait sensiblement influencer l’évaluation du dommage subi par TAROM. Selon la requérante, la Commission a accepté, dans le cas de TAROM, que la répartition des coûts fixes repose sur la part du chiffre d’affaires réalisé par cette compagnie sur chaque liaison par rapport au chiffre d’affaires total. Toutefois, la requérante estime que, afin de veiller à ce que TAROM ne soit pas surcompensée, la Commission aurait dû vérifier si la répartition des coûts fixes sur la base d’autres méthodes – tenant compte, par exemple, du nombre de passagers, des mouvements d’appareils ou des sièges-kilomètres disponibles – aboutissait à une évaluation différente.

60 Ainsi que la Commission le soutient dans ses écritures, elle a précisé au paragraphe 113 de la décision attaquée que les dommages subis par TAROM en raison de la cessation ou de la réduction drastique des services de transport aérien fournis devraient inclure une portion des coûts fixes engagés par cette compagnie au cours des périodes de compensation correspondantes pendant la période pertinente, auxquels les services sur les liaisons en question auraient contribué en l’absence de l’événement extraordinaire qui a provoqué les restrictions de déplacement. Selon le même paragraphe, les coûts fixes peuvent fluctuer dans le cas de variations importantes de la production, à savoir du nombre de passagers, comme c’est le cas pour TAROM, même si toute fluctuation de ce type sera probablement moins que proportionnelle à la production. La Commission a alors considéré que l’ajustement linéaire des coûts fixes présenté par TAROM était cohérent avec les preuves de la relation entre les coûts fixes et les nombres de passagers propres à TAROM, sur la base de l’observation des coûts fixes et des passagers réels en 2019 et en 2020. Cet ajustement tiendrait compte de la fluctuation moins que proportionnelle des coûts fixes en réponse à une importante réduction des volumes de passagers et des économies d’échelle connexes qui caractérisent le modèle commercial de TAROM, ainsi que de la répartition des coûts fixes sur la base des données de 2019 liaison par liaison.

61 À cet égard, il n’est pas contesté que chaque ligne, indépendamment de la question de savoir si elle a été exploitée pendant la période pertinente, occasionne des coûts fixes, tels que les coûts de maintenance des aéronefs ou le paiement des salaires, raison pour laquelle ces coûts sont inclus dans le calcul des dommages [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, points 97 et 98].

62 En l’espèce, la requérante se limite, en substance, à reprocher à la Commission de ne pas avoir comparé le résultat de la méthode de répartition des coûts fixes choisie par la Roumanie qu’elle a retenue dans la décision attaquée avec le résultat d’autres méthodes. Toutefois, contrairement à ce que la requérante fait valoir, la Commission pouvait apprécier la méthode de répartition des coûts fixes proposée par la Roumanie, au regard des données empiriques dont elle disposait, ainsi qu’elle l’a fait, sans qu’il soit nécessaire qu’elle confronte le résultat de cette méthode avec celui d’éventuelles autres méthodes. En effet, la requérante n’apporte aucun élément permettant de penser que la méthode retenue par la Commission n’était pas fiable. Ce reproche de la requérante à l’encontre de la Commission est ainsi trop général et trop peu étayé pour prospérer.

63 Il en résulte que l’argument de la requérante relatif au choix de la méthode de répartition des coûts fixes lors de l’élaboration du scénario contrefactuel doit être écarté, si bien que la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur d’appréciation à cet égard.

64 En troisième lieu, la requérante fait valoir que trois principales sources de coûts étaient susceptibles de dégrader la situation financière de TAROM pendant la période pertinente par rapport à 2019, à savoir la flotte de cette compagnie, les prix de l’énergie et la concurrence des compagnies à bas coûts. Pourtant, cette dégradation de la situation financière de TAROM ne serait pas reflétée dans le scénario contrefactuel. La requérante estime que, compte tenu, notamment, des éléments dont elle disposait dans le cadre de l’aide au sauvetage en faveur de TAROM, la Commission ne pouvait pas considérer que les résultats financiers de cette compagnie resteraient stables entre 2019 et 2020 et aurait dû, à tout le moins, étayer ce point.

65 À cet égard, il convient de relever que, dans le cadre de son examen du scénario contrefactuel sans restrictions de déplacement, la Commission a pris comme point de départ les résultats réels de TAROM pendant la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019 sur les liaisons éligibles, lesquels ont ensuite fait l’objet d’un ajustement. La Commission a examiné les coûts supportés par TAROM sur chacune des liaisons éligibles et a pris comme point de départ les coûts réels de maintenance de la flotte de cette compagnie et ses coûts réels de carburant pendant la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019.

66 Premièrement, la requérante fait valoir que, dans la décision relative à l’aide au sauvetage de TAROM (voir point 3 ci-dessus), la Commission reconnait que cette compagnie dispose d’une flotte vieillissante et peu homogène contribuant à la détérioration de sa situation financière. TAROM posséderait en particulier 25 appareils de six types différents. L’âge moyen de sa flotte serait de quinze ans, ce qui serait plus de trois fois plus élevé que l’âge moyen de la flotte de la requérante. Partant, en l’absence de la pandémie de COVID-19 en 2020, TAROM aurait fait face à des coûts de maintenance élevés au cours de la période pertinente. La requérante invoque également des documents indiquant que les coûts de maintenance des appareils plus anciens sont généralement plus élevés.

67 À cet égard, il n’est pas contesté que les coûts de maintenance de la flotte de TAROM auraient pu varier entre 2019 et 2020. Il ne ressort, en revanche, pas des éléments produits à ce sujet que, dans le cas d’aéronefs âgés d’environ quinze ans, les coûts de maintenance augmenteraient significativement pendant chaque année additionnelle de leur vie utile. Par conséquent, quand bien même les coûts de maintenance de la flotte de TAROM auraient varié entre 2019 et 2020, il n’est pas démontré que ces coûts auraient changé de manière significative.

68 Par ailleurs, dans sa réplique, la requérante ajoute que, selon des données de l’Association du transport aérien international (IATA) de décembre 2019, les frais d’exploitation (operating expenses) des aéronefs auraient augmenté de 3,8 % en 2019 et étaient censés augmenter de 3,5 % en 2020. Toutefois, il convient de relever, à cet égard, que la notion de « frais d’exploitation » des aéronefs est plus large que celle de « coûts de maintenance » et que la requérante reste en défaut de préciser la corrélation entre ces données et son argument relatif aux coûts de maintenance [arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 69].

69 Par ailleurs, le fait, soulevé par la requérante dans la réplique, que, dans la décision C(2020) 5830 final de la Commission, du 20 août 2020, relative à l’aide d’État SA.57026 (2020/N) – Roumanie – COVID-19 : Aide en faveur de Blue Air, la Commission avait pris en compte, pour calculer les dommages subis par la compagnie aérienne Blue Air, la circonstance selon laquelle la réorganisation de la flotte de cette compagnie aurait entraîné, notamment, une augmentation importante des coûts de maintenance en 2020 par rapport à 2019, est dénué de pertinence en l’espèce. En effet, comme le soutient à juste titre la Commission, TAROM n’a pas effectué, en 2019, une réorganisation de sa flotte semblable à celle effectuée par Blue Air la même année [arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 70].

70 Deuxièmement, selon la requérante, les coûts de carburant varient de manière significative d’une année à l’autre et, partant, la Commission ne pouvait pas présumer que ceux-ci resteraient stables entre 2019 et 2020.

71 À cet égard, la requérante renvoie à des données montrant l’évolution des prix du carburant pour avion et de l’huile brute pendant la période allant de juin 2014 à juin 2021, dont il ressort, d’une part, que les prix du carburant ont fluctué de manière très significative pendant cette période, en connaissant des baisses et des hausses abruptes à de courts intervalles de temps et, d’autre part, que lesdits prix étaient significativement plus élevés en 2019 qu’en 2020.

72 La requérante invoque également son rapport annuel, dans lequel l’augmentation des prix du kérosène était estimée à 7 % en 2020 par rapport à 2019, ainsi que des prévisions de l’Energy Information Administration (EIA, Agence d’information sur l’énergie, États-Unis) de janvier 2020, selon lesquelles les prix du carburant allaient augmenter de 4,2 % en 2020 par rapport à 2019.

73 Dans son mémoire en défense, la Commission a cité, quant à elle, un extrait d’un communiqué de presse de l’IATA de décembre 2019 selon lequel, à cette date, cette association avait prévu une baisse des prix du carburant pour avion en 2020 par rapport à 2019.

74 Il ressort des éléments de preuve relevés aux points 71 à 73 ci-dessus que les prévisions faites avant la survenance de la pandémie de COVID 19 en ce qui concernait l’évolution des prix du carburant pour avion pendant l’année 2020 n’étaient pas toutes concordantes, certaines prévisions escomptant une hausse desdits prix, d’autres prévoyant une baisse de ceux-ci. En réalité, ces divergences tendent plutôt à démontrer qu’il n’existait aucune certitude quant à l’évolution des prix du carburant pour avion pendant la période pertinente. En outre, compte tenu de la nature hautement volatile desdits prix, comme le démontrent les données présentées par la requérante elle-même, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir omis d’anticiper leur évolution [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 75].

75 Partant, la requérante n’a pas présenté d’éléments susceptibles de démontrer que, en l’absence de restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19, les coûts de maintenance de la flotte de TAROM et les coûts de carburant de celle-ci auraient été plus élevés pendant la période en cause en 2020 que pendant cette même période en 2019. Il s’ensuit que la requérante n’a pas démontré que la Commission s’était fondée à tort sur les coûts de maintenance de la flotte de TAROM et sur les coûts de carburant de celle-ci pendant la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019 dans son calcul du dommage subi par cette compagnie.

76 Troisièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû tenir compte, dans son examen du scénario contrefactuel, de l’intensification de la concurrence entre les compagnies aériennes à bas coûts, il convient de constater, à l’instar de la Commission, que la requérante n’a pas quantifié les pertes de TAROM qui seraient dues à ce prétendu accroissement de la concurrence entre les compagnies aériennes à bas coûts. Partant, cet argument est trop peu étayé et trop spéculatif pour prospérer [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, points 77 et 78].

77 Il en résulte que l’argument de la requérante relatif aux trois principales sources de coûts susceptibles de dégrader la situation financière de TAROM pendant la période pertinente par rapport à 2019 doit être écarté, si bien que la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur d’appréciation à cet égard.

78 En quatrième lieu, la requérante fait valoir que les difficultés les plus récentes de TAROM à l’origine de l’aide au sauvetage n’ont pas été prises en considération dans le scénario contrefactuel retenu par la Commission. En particulier, la requérante soutient que l’aide au sauvetage, autorisée par la Commission au début de l’année 2020, ne pouvait pas couvrir les besoins de liquidité de TAROM au-delà du mois d’août 2020. Ainsi, selon la requérante, après cette date, la situation financière de TAROM se serait détériorée, de sorte que la Commission ne pouvait pas mécaniquement considérer ses résultats financiers de 2019 comme le référentiel le plus approprié pour évaluer le dommage subi par cette compagnie. En outre, dans la mesure où cette aide au sauvetage ne permettait pas de résoudre les difficultés de TAROM, la requérante estime que, en l’absence de la pandémie de COVID-19, cette compagnie aurait dû soit réduire l’ampleur de ses opérations, soit changer de modèle économique. L’un ou l’autre de ces cas aurait entrainé un scénario contrefactuel plus pessimiste, ce qui aurait considérablement réduit l’estimation du dommage subi par TAROM.

79 Par cet argument, la requérante conteste en réalité de nouveau l’utilisation des résultats financiers de TAROM en 2019 pour l’élaboration du scénario contrefactuel. Toutefois, l’affirmation de la requérante selon laquelle, après le mois d’août 2020, en l’absence de la pandémie de COVID-19, TAROM aurait dû soit réduire l’ampleur de ses opérations, soit changer de modèle économique repose uniquement sur le fait que l’aide au sauvetage ne couvrait pas la période postérieure à cette date. Cet argument revêt donc un caractère spéculatif.

80 Par ailleurs, rien dans la décision relative à l’aide au sauvetage de TAROM ni dans la décision attaquée ne laisse penser que, au moment où ces décisions ont été prises, cette compagnie allait réduire l’ampleur de ses opérations ou changer de modèle économique après août 2020. La Commission confirme d’ailleurs dans ses écritures que ni le plan de liquidité ni les autres informations à sa disposition n’indiquaient que TAROM avait l’intention d’entreprendre un changement complet de son modèle commercial ou de restructurer considérablement ses opérations en 2020. En outre, comme la Commission le souligne et ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, TAROM avait l’intention d’exploiter les liaisons éligibles pendant toute la période pertinente, lesdites liaisons ayant été annulées uniquement en raison des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID 19.

81 Il en résulte que l’argument de la requérante concernant la prétendue absence de prise en compte des difficultés de TAROM à l’origine de l’aide au sauvetage dans le scénario contrefactuel doit être écarté, si bien que la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur d’appréciation à cet égard.

82 En cinquième lieu, la requérante fait valoir, en substance, que la Commission a omis de vérifier si TAROM avait pris des mesures raisonnables pour réduire le dommage subi. Les mesures prises par TAROM mentionnées dans la décision attaquée ne seraient pas aussi profondes et structurelles que celles que d’autres compagnies aériennes auraient été contraintes de prendre durant la crise causée par la pandémie de COVID-19. Rien ne prouverait que les coûts supportés par TAROM durant cette période correspondaient à une réduction maximale des coûts par cette compagnie. Selon la requérante, les « coûts évités » définis dans la décision attaquée ne reflètent pas tous les coûts qui auraient pu être évités par TAROM.

83 Comme la requérante le reconnaît, le paragraphe 56 de la décision attaquée précise que, pour réduire les coûts et donc minimiser les pertes, TAROM a décidé d’annuler des vols concernant des lignes pour lesquelles la demande était insuffisante pour couvrir ses pertes et dont elle estimait que leur annulation engendrerait des pertes moins importantes que leur exploitation. La compagnie aurait ainsi réduit ses pertes de 6,73 millions d’euros environ. En outre, TAROM aurait décidé de supprimer les services de restauration à bord et privilégié les vols de fret afin d’engendrer des recettes (pour un montant d’environ 15,16 millions d’euros au cours de la période pertinente). La compagnie aurait également eu recours au chômage partiel, réduit ses horaires de travail pour restreindre les dépenses de personnel pendant la période pertinente (ce qui aurait engendré une économie d’environ 7,8 millions d’euros) et fermé les billetteries.

84 Il ressort ainsi du paragraphe 56 de la décision attaquée que TAROM a effectivement pris des mesures pour réduire les coûts et minimiser les pertes. Le fait, s’il était avéré, que, comme l’indique la requérante, d’autres compagnies aériennes aient dû ou aient choisi de prendre d’autres mesures, parfois plus profondes ou structurelles, pour réduire leurs coûts et minimiser leurs pertes ne permettrait pas d’établir que la Commission a surestimé le dommage subi par TAROM.

85 À cet égard, il convient de rappeler que seules les aides supérieures aux dommages encourus par les bénéficiaires de ces aides ne relèvent pas de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 80]. Si la mesure en cause ne doit pas apporter une amélioration de la situation financière de TAROM qui irait au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre le but prévu par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE, cette disposition n’exige pas une « réduction maximale des coûts » de la bénéficiaire.

86 Il convient de rappeler que la mesure en cause vise à indemniser TAROM uniquement pour les dommages qu’elle a subis sur les liaisons concernées pendant la période pertinente en raison des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19. À cet effet, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué que l’analyse liaison par liaison avait permis de s’assurer que la mesure en cause ne visait que les liaisons spécifiques affectées par des restrictions de déplacement et excluait les liaisons où aucune restriction ne s’appliquait ainsi que les liaisons annulées pour des raisons commerciales. En outre, la mesure en cause distingue la perte de passagers due aux restrictions de déplacement liées à la COVID-19 du nombre de passagers qui auraient été perdus indépendamment de ces restrictions. Par ailleurs, pour évaluer le dommage, l’incidence tant négative que positive des restrictions de déplacement sur les coûts fixes et variables de TAROM a été prise en compte. La Commission a également pris acte des mesures prises par TAROM pour réduire ses coûts et limiter ses pertes.

87 Afin de s’assurer de la proportionnalité de la mesure en cause, la Commission a notamment examiné les facteurs mentionnés au point 86 ci-dessus et a vérifié les données et les calculs présentés par les autorités roumaines. Elle a conclu que la méthode présentée par la Roumanie permettait de calculer le plus précisément possible les dommages subis par TAROM directement causés par les restrictions de déplacement sur les liaisons éligibles au cours des périodes de compensation.

88 Au demeurant, la Commission s’est assurée que la Roumanie mettrait en place un certain nombre de garanties pour éviter toute surcompensation. Le bénéfice de l’aide serait ainsi exclu dans l’hypothèse où TAROM serait responsable des dommages subis ou n’aurait pas mené ses activités avec la diligence requise ou conformément à la législation applicable ou n’aurait pas pris les mesures appropriées pour atténuer ses dommages.

89 Dans ces conditions, la Commission ayant dûment pris en compte les mesures prises par TAROM pour réduire ses coûts dans l’examen de la proportionnalité de la mesure en cause et s’étant assurée que le dommage avait été calculé le plus précisément possible, il ne saurait être affirmé qu’elle a omis de vérifier si cette compagnie aérienne avait pris toutes les mesures raisonnables pour réduire le dommage qu’elle subissait.

90 La requérante ne saurait d’ailleurs utilement invoquer l’arrêt du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission (C 104/89 et C 37/90, EU:C:1992:217), en se limitant, en substance, à douter que TAROM ait spontanément entrepris d’atténuer le dommage qu’elle subissait. Son argumentation reste générale et elle ne fournit aucun élément concret indiquant que cette compagnie aurait fait preuve d’un manque de diligence.

91 Il résulte de ce qui précède que l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait omis de vérifier si TAROM avait pris des mesures raisonnables pour réduire le dommage qu’elle subissait doit être écarté, si bien que la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur d’appréciation à cet égard.

92 En sixième lieu, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû vérifier si les coûts de TAROM au cours de la période pertinente tenaient compte de « coûts exceptionnels ou extraordinaires ». Ainsi, la décision attaquée ne permettrait pas de savoir si les coûts de TAROM pris en compte dans l’évaluation du dommage étaient directement imputables à la pandémie de COVID-19. La requérante prend l’exemple de la décision C(2020) 4684 final de la Commission, du 6 juillet 2020, relative à l’aide d’État SA.57539 (2020/N) – Autriche – COVID 19 – Aide en faveur d’Austrian Airlines, dans laquelle la Commission aurait constaté l’absence de lien direct entre la pandémie de COVID-19 et un élément ponctuel concernant cette compagnie aérienne. Dans cette affaire, la Commission aurait exclu cet élément exceptionnel de l’évaluation du dommage, alors qu’elle n’aurait rien fait de tel dans la présente affaire.

93 Ainsi qu’il ressort du paragraphe 55 de la décision attaquée et comme le souligne la Commission, le dommage a été calculé en tenant compte, pour chaque liaison concernée, des pertes de recettes, des coûts variables et des coûts fixes qui variaient en raison des restrictions de déplacement ainsi que d’un « taux de rétention ».

94 La Commission a donc dûment vérifié que le dommage subi par TAROM était directement lié aux restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19. La requérante ne présente, en outre, aucun élément visant à étayer son argument. Rien n’indique que TAROM aurait supporté des coûts exceptionnels ou extraordinaires au cours de la période pertinente et que la Commission aurait omis d’examiner si ces coûts étaient directement liés aux restrictions en cause. Le seul fait que la décision attaquée ne mentionne pas explicitement que TAROM n’a pas supporté de coûts exceptionnels ou extraordinaires pendant la période pertinente n’est pas de nature à étayer l’argument de la requérante.

95 Il en résulte que l’argument de la requérante relatif aux coûts exceptionnels ou extraordinaires que la Commission n’aurait prétendument pas examinés doit être écarté, si bien que la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur d’appréciation à cet égard.

96 En septième lieu, la requérante relève que, dans le cadre de l’élaboration du scénario contrefactuel, la Commission a accepté un ajustement à la baisse des résultats réels de TAROM pendant la période allant du 1er juillet au 31 décembre 2019 sur les liaisons concernées, afin d’exclure les passagers qui, en 2020, n’auraient pas voyagé sur les liaisons éligibles même en l’absence de restrictions de déplacement. Pour cet ajustement, la Commission aurait calculé ce qu’elle a appelé le « taux de rétention », à savoir le nombre de passagers que TAROM aurait conservé dans le scénario contrefactuel, sur la base du nombre de passagers ayant pris un vol intérieur ne faisant pas l’objet de restrictions de déplacement en 2020, exprimé en pourcentage du nombre de passagers sur les vols intérieurs en 2019. Toutefois, en acceptant cette méthodologie qui privilégiait les liaisons intérieures sur lesquelles les passagers étaient moins réticents à voyager durant la pandémie de COVID-19, la Commission aurait surestimé le dommage. Ainsi, au lieu de se fonder sur le nombre de passagers ayant voyagé sur les liaisons intérieures exploitées par TAROM pendant la période pertinente, la Commission aurait dû prendre comme point de référence le nombre de passagers ayant voyagé sur des liaisons internationales exemptes de restrictions de déplacement pendant cette période, par exemple sur les lignes exploitées par TAROM au départ ou à destination de Bucarest (Roumanie) vers ou au départ d’Amsterdam (Pays-Bas), Barcelone (Espagne), Madrid (Espagne), Bruxelles (Belgique), Nice (France), Paris-Charles-de-Gaulle (France) et Rome-Fiumicino (Italie). Dans la mesure où ces dernières lignes étaient, à l’instar des liaisons éligibles, des liaisons internationales, elles étaient, selon la requérante, plus appropriées.

97 En l’espèce, pour effectuer l’ajustement en cause, les autorités roumaines ont calculé que 28 % des passagers qui avaient voyagé entre le 1er juillet et le 31 décembre 2019 sur l’ensemble des liaisons intérieures exploitées par TAROM avaient également voyagé sur ces liaisons pendant la période pertinente en 2020. Il n’est pas contesté que l’ensemble des liaisons intérieures n’a pas été affecté par des restrictions de déplacement au cours de la période pertinente. La Commission a ainsi considéré, pour l’élaboration du scénario contrefactuel, que TAROM n’aurait transporté sur les liaisons éligibles que 28 % des passagers qu’elle avait transportés sur ces liaisons pendant cette même période en 2019.

98 Il ressort du paragraphe 61 de la décision attaquée que le calcul du nombre de passagers que TAROM aurait conservé a été fondé sur un ensemble de liaisons exemptes de toute restriction de déplacement pendant l’intégralité de la période pertinente, à savoir toutes les liaisons intérieures, à l’exclusion de celles qui ont été annulées pour des raisons commerciales. Selon ce même paragraphe, les liaisons intérieures constituaient une bonne référence pour observer le comportement des passagers sur des liaisons sans restriction de déplacement. À cet égard, la Commission a expliqué, dans la décision attaquée, que, à titre de comparaison, les liaisons internationales avaient été concernées par des restrictions de déplacement au cours de la période pertinente et que, par conséquent, ces liaisons ne constituaient pas une bonne référence pour calculer le « taux de rétention », à savoir le nombre de passagers que TAROM aurait conservé.

99 À cet égard, d’une part, la requérante reste en défaut de démontrer que les liaisons internationales qu’elle estime plus appropriées constituent des données fiables et suffisamment représentatives. En effet, si la requérante fait référence à des lignes exploitées par TAROM reliant la Roumanie aux Pays-Bas, à l’Espagne, à la Belgique, à la France et à l’Italie, force est de constater, ainsi que la Commission l’a indiqué aux paragraphes 10 à 12, 14, 15, 17, 19 et 20 de la décision attaquée, que ces liaisons étaient couvertes, durant une grande partie de la période pertinente, par des restrictions de déplacement.

100 Quand bien même certaines liaisons internationales exploitées par TAROM n’ont été que partiellement couvertes par des restrictions de déplacement durant la période pertinente, il s’agit nécessairement d’un échantillon moins stable et fiable pour déterminer le « taux de rétention » que les liaisons intérieures qui, quant à elles, étaient opérationnelles pendant toute la période pertinente.

101 D’autre part, si la requérante mentionne des articles et des rapports pour étayer son argument selon lequel les passagers seraient moins réticents à voyager sur les liaisons intérieures, ces documents ne démontrent en aucun cas que le « taux de rétention » utilisé par la Commission dans la décision attaquée était trop élevé et qu’il a mené à une surcompensation de TAROM. En effet, ces documents analysent le comportement des passagers soit pendant la pandémie de COVID-19, en présence de restrictions, soit après cette pandémie. Partant, aucun de ces cas n’est pertinent pour élaborer un scénario contrefactuel sans restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19 pendant la période pertinente.

102 De même, si la requérante renvoie à une annexe qui contiendrait des exemples de liaisons exploitées par elle et d’autres compagnies aériennes reliant Bucarest aux Pays-Bas, à l’Espagne, à la Belgique, à la France, à l’Italie, au Royaume-Uni, à la Turquie, à l’Égypte, à la Serbie, au Liban et à la Moldavie, elle n’explique pas en quoi ces exemples mettent en cause le caractère approprié du « taux de rétention » appliqué dans la décision attaquée. Cette annexe ne fournit notamment pas d’information sur le nombre de passagers retenu par les compagnies aériennes sur ces liaisons au cours des périodes de compensation.

103 Il s’ensuit que, pour effectuer l’ajustement en cause, la Commission a pu se fonder, à juste titre, sur les lignes intérieures en tant que point de référence fiable et suffisamment représentatif de lignes exemptes de restrictions de déplacement pendant l’ensemble de la période pertinente [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Ryanair/Commission (Alitalia II ; COVID-19), T 333/21, non publié, EU:T:2023:646, point 80], si bien que la décision attaquée n’est pas entachée d’erreur d’appréciation à cet égard.

104 En huitième lieu, la requérante soutenait que la Commission avait commis une erreur en ce qu’elle n’avait pas évalué les dommages causés par la pandémie de COVID-19 à des compagnies aériennes autres que TAROM. Toutefois, en réponse à une question écrite du Tribunal, la requérante a indiqué qu’elle renonçait à cet argument (voir point 12 ci-dessus).

105 Par conséquent, le premier grief de la première branche du premier moyen doit être écarté.

2) Sur le second grief, tiré de ce que l’engagement de la Roumanie de procéder à une analyse ex post mettrait en doute la précision de l’évaluation du dommage

106 La requérante fait valoir que l’engagement de la Roumanie, mentionné au paragraphe 75 de la décision attaquée, de communiquer à la Commission les résultats de l’analyse ex post menée sur la base des comptes rendus vérifiés du dommage subi par TAROM pendant les périodes de compensation met en doute la précision du calcul dudit dommage. Elle soutient que, contrairement à d’autres affaires, dans le cas d’espèce, le dommage s’est matérialisé bien avant l’adoption de la décision attaquée. La Commission aurait donc dû pouvoir évaluer ce dommage avec précision avant l’adoption de sa décision. En outre, à l’instar de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19) (T 665/20, EU:T:2021:344), cette analyse ex post n’aborderait pas la question de savoir si les recettes et les coûts du scénario contrefactuel utilisé par la Commission pour déterminer les résultats financiers de TAROM en l’absence de la pandémie, et donc le dommage subi par cette compagnie, étaient adéquats.

107 La Commission conteste les arguments de la requérante.

108 Ainsi que le souligne la requérante, il ressort du paragraphe 75 de la décision attaquée que les autorités roumaines se sont engagées à communiquer à la Commission, au plus tard le 30 juin 2022, les résultats de l’analyse ex post menée sur la base de comptes rendus vérifiés des dommages subis par TAROM au cours des périodes de compensation. Selon le même paragraphe de la décision attaquée, si cette analyse ex post montre que TAROM a été surcompensée, les autorités roumaines s’engagent à veiller à ce que cette compagnie aérienne rembourse toute surcompensation augmentée des intérêts.

109 Contrairement à ce que soutient la requérante, l’engagement de la Roumanie ne met pas en doute la précision de l’évaluation du dommage subi par TAROM, mais révèle seulement que les montants en question ont été calculés sur la base d’informations qui peuvent éventuellement faire l’objet de retraitements ou de révisions. L’analyse ex post permet ainsi de vérifier qu’aucune surcompensation n’a été versée à TAROM. Le fait que le dommage subi par cette compagnie ait eu lieu avant l’adoption de la décision attaquée ne prive pas d’utilité une telle analyse ex post.

110 Par ailleurs, la requérante ne peut utilement invoquer l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 juin 2021, Ryanair/Commission (Condor ; Covid-19) (T 665/20, EU:T:2021:344, point 62), dès lors que le point qu’elle mentionne portait sur les coûts liés à la prolongation d’une procédure d’insolvabilité devant être ajoutés aux dommages à indemniser. L’affaire invoquée et la présente affaire se caractérisent ainsi par des circonstances différentes.

111 En outre, s’agissant du reproche de la requérante selon lequel l’analyse ex post n’abordera pas le caractère approprié du choix du scénario contrefactuel, il suffit de constater que l’objectif de cette analyse visée au paragraphe 75 de la décision attaquée est de vérifier le montant des dommages subis par TAROM au cours des périodes de compensation sur la base de ses comptes audités, et non de remettre en cause le caractère approprié du choix du scénario contrefactuel [arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 93].

112 Par conséquent, le second grief de la première branche du premier moyen et, dès lors, la première branche du premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.

b) Sur la seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la mesure en cause serait à l’origine d’une surcompensation

113 La seconde branche du premier moyen, tirée de ce que la mesure en cause serait à l’origine d’une surcompensation, est articulée en deux griefs, tirés, le premier, de ce que la Commission n’aurait pas correctement pris en considération l’aide accordée précédemment à TAROM au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE dans l’évaluation du dommage subi par cette compagnie et, le second, de ce que la Commission aurait méconnu l’avantage concurrentiel obtenu par TAROM.

1) Sur le premier grief, tiré de ce que la Commission n’aurait pas correctement pris en considération l’aide accordée précédemment à TAROM au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE dans l’évaluation du dommage subi par cette compagnie

114 La requérante fait valoir que l’aide au sauvetage accordée précédemment à TAROM et la mesure en cause se chevauchent pour les mois de juillet et d’août 2020. Selon la requérante, ce chevauchement signifie que les coûts couverts par l’aide au sauvetage sont également inclus dans l’évaluation du dommage subi par TAROM, étant donné que ces coûts réduiraient la rentabilité de cette compagnie au cours de la période pertinente. Ainsi, la double couverture des mêmes coûts entrainerait une surcompensation. La requérante ajoute que le fait que les autorités roumaines aient assuré que tout cumul de la compensation du dommage subi par TAROM avec d’autres aides serait exclu ne peut pas remplacer une motivation adéquate concernant la proportionnalité de la mesure en cause.

115 La Commission conteste les arguments de la requérante.

116 Il importe de rappeler d’emblée que rien ne s’oppose à ce que la bénéficiaire d’une aide au titre de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE soit une entreprise bénéficiant concomitamment d’une aide au sauvetage sur le fondement de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, pour autant que les conditions de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE soient réunies (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, points 50 et 52).

117 Dans la décision attaquée, la Commission a abordé, aux paragraphes 120 et 121, la question de l’aide au sauvetage précédemment accordée à TAROM et a conclu qu’il n’y avait pas de risque de cumul avec cette aide.

118 À cet égard, il y a lieu de rappeler que la mesure en cause consiste en une injection de capital et vise à indemniser TAROM pour les dommages qu’elle a subis directement sur les liaisons éligibles au cours des périodes de compensation correspondantes pendant la période pertinente en raison des restrictions de déplacement dues à la pandémie de COVID 19.

119 L’aide au sauvetage, quant à elle, consiste en un prêt accordé en février 2020, remboursable à la fin d’une période de six mois, et vise à fournir un soutien de trésorerie pour des éléments déjà déterminés au préalable (par exemple les coûts dus au personnel et aux fournisseurs) dans le plan de liquidité présenté à la Commission avant la pandémie de COVID-19, dont les coûts ont été évalués au moment de la décision relative à l’aide au sauvetage de TAROM. En particulier, les autorités roumaines devaient, d’une part, veiller à ce que tous les paiements prévus par TAROM pour un mois donné, effectués au titre de l’aide au sauvetage, correspondent aux dépenses prévues dans le plan de liquidité sur la base duquel la Commission avait approuvé cette aide et, d’autre part, vérifier que les liquidités existantes et attendues de TAROM au cours du mois en question ne permettaient pas à cette compagnie aérienne d’effectuer lesdits paiements sur ses ressources propres.

120 Ces paiements effectués au titre de l’aide au sauvetage ne sont pas des compensations. Le montant de ces paiements constitue une dette pour TAROM et est refinancé dans le plan de restructuration.

121 À l’inverse, la compensation des dommages subis par TAROM, autorisée par la décision attaquée, couvre les pertes imprévues de recettes subies au cours de la période pertinente en conséquence des restrictions de déplacement dues à la pandémie de COVID 19, qui ne sont pas prises en considération dans la décision relative à l’aide au sauvetage de TAROM ni dans le plan de liquidité. Le montant de l’aide octroyée en vertu de la mesure en cause constitue une recette, et non une dette.

122 Comme l’a constaté la Commission au paragraphe 120 de la décision attaquée, le versement de la compensation à TAROM au titre de la mesure en cause constituait un afflux de trésorerie qui réduirait les coûts de restructuration de TAROM, de sorte que cette compensation ne serait pas incluse dans le plan de restructuration et que les dommages causés par les restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19 ne seraient pas couverts deux fois par une aide.

123 Il s’ensuit que la Commission a constaté à juste titre, au paragraphe 121 de la décision attaquée, que les objectifs poursuivis et les bases juridiques de la compatibilité de la mesure d’aide au sauvetage et de la mesure en cause étaient distincts, de même que les coûts couverts par chaque mesure d’aide. De la même manière, c’est à juste titre que la Commission a considéré que l’aide au sauvetage accordée à TAROM au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE ne compenserait pas une partie des dommages subis par cette compagnie aérienne en raison des restrictions de déplacement liées à la COVID-19.

124 Le graphique produit par la requérante, sur la base de chiffres uniquement présentés à titre d’illustration, ne remet pas en cause cette conclusion.

125 Au demeurant, ainsi qu’il ressort des paragraphes 74, 75 et 119 à 123 de la décision attaquée, tout cumul de la mesure en cause avec d’autres aides est exclu.

126 Contrairement à ce que soutient la requérante, la lecture des paragraphes 105 à 124 de la décision attaquée permet de constater que la Commission a motivé l’appréciation qu’elle a portée sur la proportionnalité de la mesure en cause.

127 Il résulte de ce qui précède que le premier grief de la seconde branche du premier moyen doit être écarté.

2) Sur le deuxième grief, tiré de ce que la Commission aurait méconnu l’avantage concurrentiel obtenu par TAROM

128 La requérante soutient, en substance, que la Commission a commis une erreur d’appréciation et une erreur de droit, car, dans son appréciation de la proportionnalité de la mesure en cause, elle a sous-estimé la valeur de l’avantage octroyé à TAROM en ne prenant en compte que le montant nominal de la trésorerie accordée à celle-ci par le biais de la mesure en cause, et non l’avantage concurrentiel que cette compagnie a obtenu grâce à cette mesure, lequel se traduirait par un renforcement de sa position sur le marché.

129 La Commission conteste les arguments de la requérante.

130 À cet égard, il convient de relever que, aux fins de l’appréciation de la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur, l’avantage procuré par cette aide à sa bénéficiaire n’inclut pas l’éventuel bénéfice économique réalisé par celle-ci par l’exploitation de cet avantage (voir arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 84 et jurisprudence citée).

131 Ainsi, dans le cas de la mesure en cause, à savoir une aide sous la forme d’une augmentation de capital, le montant de l’aide octroyée à TAROM, qu’il convient, pour la Commission, de prendre en compte afin de déterminer l’existence d’une éventuelle surcompensation des dommages subis par cette compagnie en raison de l’événement extraordinaire en cause correspond, en principe, à l’injection de 1 908 872 euros de capital. En revanche, aux fins de cette détermination, la Commission ne doit pas avoir égard à un éventuel avantage que TAROM aurait indirectement retiré de la mesure en cause, tel que l’avantage concurrentiel allégué par la requérante (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 85).

132 Dans ces conditions, la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir tenu compte d’un éventuel avantage concurrentiel obtenu par TAROM grâce à la mesure en cause.

133 Il résulte de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen et, dès lors, le premier moyen dans son ensemble doivent être écartés.

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de la liberté d’établissement

134 La requérante soutient, en substance, que la Commission a violé le principe de non-discrimination ainsi que les principes de libre prestation des services et de la liberté d’établissement, au motif que la mesure en cause ne profite qu’à TAROM.

135 La Commission conteste les arguments de la requérante.

136 Il convient de rappeler qu’une aide d’État qui viole des dispositions du traité ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêt du 22 septembre 2020, Autriche/Commission, C 594/18 P, EU:C:2020:742, point 44 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, points 50 et 51).

a) Sur la violation du principe de non-discrimination

137 Le principe de non-discrimination requiert que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 66 ; voir également, en ce sens, arrêt du 5 juin 2018, Montero Mateos, C 677/16, EU:C:2018:393, point 49).

138 Les éléments qui caractérisent différentes situations et ainsi leur caractère comparable doivent, notamment, être déterminés et appréciés à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction en cause. Doivent en outre être pris en considération les principes et les objectifs du domaine dont relève l’acte en cause (arrêt du 16 décembre 2008, Arcelor Atlantique et Lorraine e.a., C 127/07, EU:C:2008:728, point 26).

139 Par ailleurs, il convient de rappeler que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union, exige que les actes des institutions de l’Union ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire à la réalisation des objectifs légitimes poursuivis par la réglementation en cause (arrêt du 17 mai 1984, Denkavit Nederland, 15/83, EU:C:1984:183, point 25), étant entendu que, lorsqu’un choix s’offre entre plusieurs mesures appropriées, il convient de recourir à la moins contraignante et que les inconvénients causés ne doivent pas être démesurés par rapport aux buts visés [arrêt du 30 avril 2019, Italie/Conseil (Quota de pêche de l’espadon méditerranéen), C 611/17, EU:C:2019:332, point 55].

140 La requérante soutient, en substance, que la décision attaquée autorise un traitement discriminatoire qui n’est ni approprié ni nécessaire pour atteindre l’objectif de la mesure en cause, à savoir réparer les dommages causés par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19. La requérante constate qu’elle détient 40,8 % du marché roumain des services de transport aérien de passagers et qu’elle a donc subi environ 40,8 % des dommages causés par les restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19 dans cet État membre. Si la mesure en cause était accordée à toutes les compagnies aériennes présentes en Roumanie, son objectif serait atteint sans discrimination. À cet égard, la décision attaquée n’expliquerait pas la raison pour laquelle la mesure en cause a été octroyée seulement à TAROM, alors même que les autres compagnies aériennes présentes en Roumanie auraient également subi des dommages résultant des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19. Selon la requérante, la mesure en cause serait une mesure de « nationalisme économique évident ».

141 À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que la qualification d’une mesure nationale d’« aide d’État », au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, requiert, notamment, que cette mesure accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire en faussant ou en menaçant de fausser le jeu de la concurrence (arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 101, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C 210/21 P, EU:C:2023:908, point 32). En particulier, l’exigence de sélectivité découlant de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose que la Commission établisse que l’avantage économique, pris au sens large, découlant directement ou indirectement d’une mesure donnée profite spécifiquement à une ou à plusieurs entreprises. Il lui incombe, pour ce faire, de démontrer, en particulier, que la mesure concernée introduit des différenciations entre les entreprises se trouvant, au regard de l’objectif poursuivi, dans une situation comparable. Il faut donc que l’avantage soit octroyé de façon sélective et qu’il soit susceptible de placer certaines entreprises dans une situation plus favorable que d’autres (arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 103, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C 210/21 P, EU:C:2023:908, point 34).

142 Pour autant, sont compatibles avec le marché intérieur les aides d’État octroyées aux fins et dans les conditions prévues par l’article 107, paragraphe 2, TFUE. Il s’ensuit que, sauf à priver cette disposition de tout effet utile, des aides d’État qui sont octroyées aux fins d’un objectif qui y est reconnu et dans les limites de ce qui est nécessaire et proportionné à la réalisation de cet objectif ne sauraient être jugées incompatibles avec le marché intérieur pour des effets qui sont inhérents à toute aide d’État, à savoir, notamment, pour des raisons liées à ce que l’aide est sélective ou à ce qu’elle fausserait la concurrence (arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, points 106 et 107, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C 210/21 P, EU:C:2023:908, points 35 et 36).

143 Une aide ne peut donc pas être considérée comme étant incompatible avec le marché intérieur pour des raisons qui sont uniquement liées à ce qu’elle est sélective ou à ce qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 108, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C 210/21 P, EU:C:2023:908, point 37).

144 Certes, la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité FUE. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 109, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C 210/21 P, EU:C:2023:908, point 38).

145 Toutefois, en ce qui concerne spécifiquement l’article 18 TFUE, il est de jurisprudence constante que cet article n’a vocation à s’appliquer de manière autonome que dans des situations régies par le droit de l’Union pour lesquelles le traité FUE ne prévoit pas de règles spécifiques de non-discrimination (arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 110, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C 210/21 P, EU:C:2023:908, point 39).

146 Dès lors que l’article 107, paragraphe 2, TFUE prévoit des dérogations au principe, énoncé au paragraphe 1 de cet article, d’incompatibilité des aides d’État avec le marché intérieur et admet ainsi, en particulier, des différences de traitement entre entreprises, sous réserve que les exigences prévues par ces dérogations soient remplies, ces dernières doivent être considérées comme des « dispositions particulières » prévues par les traités, au sens de l’article 18, premier alinéa, TFUE (arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 111, et du 23 novembre 2023, Ryanair/Commission, C 210/21 P, EU:C:2023:908, point 40).

147 Il s’ensuit que, en l’espèce, il convient seulement d’examiner si la différence de traitement induite par la mesure en cause est permise au titre de l’article 107, paragraphe 2, TFUE.

148 À cet égard, s’agissant, en premier lieu, de l’objectif de la mesure en cause, la requérante ne conteste pas que l’indemnisation des dommages subis par une compagnie aérienne sur les lignes concernées pendant la période pertinente, en raison des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19, permet de remédier, ne serait-ce qu’en partie, aux dommages causés par cette pandémie. La requérante ne conteste pas non plus que la pandémie de COVID-19 constitue un événement extraordinaire au sens de l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

149 S’agissant, en second lieu, des modalités d’octroi de la mesure en cause, d’une part, il importe d’observer que cette mesure visait à indemniser les dommages subis par TAROM en raison des restrictions de voyage liées à la pandémie de COVID-19, seulement sur des lignes concrètement désignées reliant notamment la Roumanie à d’autres États et seulement pendant une période déterminée.

150 Ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, ces modalités s’expliquent par le fait que des mesures générales de confinement et des fermetures de frontières adoptées par les États membres ont été partiellement levées au niveau national et au niveau de l’Union au cours du mois de juin 2020, mais que de nombreuses restrictions de voyage demeuraient en vigueur pendant la période pertinente. Selon la décision attaquée, pendant toute la période pertinente, la Roumanie a été en état d’alerte, des mesures de prévention et de lutte contre le virus, y compris des restrictions de déplacement, étant alors appliquées.

151 Or, il résulte de la décision attaquée que TAROM a été fortement affectée par les restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19 imposées sur les liaisons éligibles pendant la période pertinente.

152 D’autre part, ainsi qu’il ressort de la décision attaquée, TAROM est une compagnie qui assure la connectivité de la Roumanie depuis 1954. Elle est active dans le transport aérien de passagers, mais également dans le transport aérien de fret et de courrier. Transporteur à plate-forme unique, TAROM opère à partir et depuis l’aéroport international OTP Henri-Coandă de Bucarest et employait environ 1 800 personnes au début de 2020. Avant la survenance de la pandémie de COVID-19, la connectivité régionale à l’intérieur de la Roumanie et la connectivité internationale du pays étaient assurées en grande partie grâce au rôle important joué par cette compagnie. En effet, il ressort de la décision attaquée, et notamment de ses paragraphes 11 à 16, 22, 23 et 60 à 63, que TAROM exploitait un grand nombre de lignes aériennes.

153 S’agissant de la question de savoir si la mesure en cause va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé, il convient de constater que le montant de celle-ci ne dépasse pas celui du dommage subi par TAROM sur les liaisons éligibles pendant la période pertinente en raison des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19, ainsi qu’il ressort notamment des paragraphes 73 et 124 de la décision attaquée. Partant, la mesure en cause ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif légitime qu’elle poursuit.

154 Par conséquent, il y a lieu de constater que la différence de traitement en faveur de TAROM est appropriée afin de remédier aux dommages résultant des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID-19 et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif.

155 Au demeurant, la requérante n’établit pas que le fait de répartir le montant de l’aide en cause entre toutes les compagnies aériennes présentes en Roumanie n’aurait pas privé d’effet utile ladite mesure.

156 Il s’ensuit que la mesure en cause ne viole pas le principe de non-discrimination.

b) Sur la violation de la liberté d’établissement et de la libre prestation des services

157 La requérante soutient, en substance, que la mesure en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services du fait de son caractère discriminatoire.

158 À cet égard, ainsi qu’il est rappelé au point 144 ci-dessus, la procédure prévue à l’article 108 TFUE ne doit jamais aboutir à un résultat qui serait contraire aux dispositions spécifiques du traité. Ainsi, une aide qui, en tant que telle ou par certaines de ses modalités, viole des dispositions ou des principes généraux du droit de l’Union ne peut être déclarée compatible avec le marché intérieur (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 131).

159 Toutefois, d’une part, il convient de relever que les effets restrictifs qu’une mesure d’aide déploierait sur la libre prestation des services ou sur la liberté d’établissement ne constituent pas pour autant une restriction interdite par le traité, dans la mesure où il peut s’agir d’un effet inhérent à la nature même d’une aide d’État, tel que son caractère sélectif (arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 132).

160 D’autre part, lorsque les modalités d’une aide sont à ce point indissolublement liées à l’objet de l’aide qu’il ne serait pas possible de les apprécier isolément, leur effet sur la compatibilité ou l’incompatibilité de l’aide dans son ensemble avec le marché intérieur doit nécessairement être apprécié par le biais de la procédure prévue à l’article 108 TFUE (arrêt du 22 mars 1977, Iannelli & Volpi, 74/76, EU:C:1977:51, point 14 ; voir, également, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 133 et jurisprudence citée).

161 Or, en l’occurrence, ainsi qu’il ressort du paragraphe 5 de la décision attaquée, le choix de TAROM comme bénéficiaire de la mesure en cause fait partie de l’objet de celle-ci et, quand bien même ce choix devait être considéré comme une modalité de ladite mesure, une telle modalité serait indissolublement liée audit objet, qui est d’indemniser cette compagnie aérienne du dommage résultant des restrictions de déplacement liées à la pandémie de COVID 19. Il s’ensuit que l’effet résultant du choix de TAROM comme bénéficiaire de la mesure en cause sur le marché intérieur ne peut pas faire l’objet d’un examen séparé de celui de la compatibilité de cette mesure d’aide dans son ensemble avec le marché intérieur par le biais de la procédure prévue à l’article 108 TFUE.

162 Si la requérante soutient que la mesure en cause constitue une entrave à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services du fait de son caractère discriminatoire, elle ne démontre pas, en l’espèce, que ladite mesure produisait des effets restrictifs qui allaient au-delà de ceux qui sont inhérents à une aide d’État octroyée conformément aux exigences prévues par l’article 107, paragraphe 2, sous b), TFUE.

163 Par ailleurs, la requérante n’établit pas non plus en quoi ce caractère exclusif est de nature à la dissuader d’effectuer des prestations de services depuis la Roumanie et à destination de la Roumanie ou d’exercer sa liberté d’établissement dans cet État membre.

164 Par conséquent, la mesure en cause ne saurait constituer une entrave à la liberté d’établissement ou à la libre prestation des services. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à reprocher à la Commission de ne pas avoir examiné la compatibilité de cette mesure avec la liberté d’établissement et la libre prestation des services.

165 Eu égard à ce qui précède, le deuxième moyen doit être écarté.

3. Sur le troisième moyen, tiré de ce que la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen

166 La requérante soutient, en substance, que l’examen mené par la Commission était incomplet et insuffisant, comme le démontreraient notamment ses arguments avancés au soutien des premier et deuxième moyens. Or, cela témoignerait de l’existence de difficultés sérieuses qui auraient dû conduire la Commission à ouvrir la procédure formelle d’examen et à permettre à la requérante de présenter ses observations.

167 La Commission conteste les arguments de la requérante.

168 Lorsqu’une partie requérante demande l’annulation d’une décision de la Commission de ne pas soulever d’objections à l’égard d’une aide d’État, elle met en cause essentiellement le fait que cette décision a été adoptée sans que cette institution ouvre la procédure formelle d’examen, violant ce faisant ses droits procéduraux. Afin qu’il soit fait droit à sa demande d’annulation, la partie requérante peut invoquer tout moyen de nature à démontrer que l’appréciation des informations et des éléments dont la Commission disposait, lors de la phase préliminaire d’examen de la mesure notifiée, aurait dû susciter des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur. L’utilisation de tels arguments ne saurait pour autant avoir pour conséquence de transformer l’objet du recours ni d’en modifier les conditions de recevabilité. Au contraire, l’existence de doutes sur cette compatibilité est précisément la preuve qui doit être apportée pour démontrer que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 1, du règlement 2015/1589 (voir arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 143 et jurisprudence citée).

169 Il appartient à l’auteur d’une telle demande de démontrer que des doutes sur la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur existaient, de telle sorte que la Commission était tenue d’ouvrir la procédure formelle d’examen visée à l’article 108, paragraphe 2, TFUE. Une telle preuve doit être recherchée tant dans les circonstances de l’adoption de cette décision que dans son contenu, à partir d’un faisceau d’indices concordants (voir arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 144 et jurisprudence citée).

170 En particulier, le caractère insuffisant ou incomplet de l’examen mené par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire constitue un indice de ce que cette institution a rencontré de sérieuses difficultés pour apprécier la compatibilité de la mesure notifiée avec le marché intérieur, ce qui aurait dû la conduire à ouvrir la procédure formelle d’examen (voir arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 145 et jurisprudence citée).

171 En l’espèce, il est vrai que, comme le fait valoir la requérante, si elle parvenait à démontrer que la Commission avait rencontré de sérieuses difficultés pour apprécier la compatibilité de la mesure en cause, la décision attaquée devrait être annulée pour ce seul motif, quand bien même la requérante n’aurait pas établi, par ailleurs, que les appréciations portées sur le fond par cette institution étaient erronées en droit ou en fait (voir arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 146 et jurisprudence citée).

172 La requérante fait également valoir à juste titre que, pour démontrer que la Commission a rencontré de telles difficultés, elle peut s’appuyer sur les appréciations sur lesquelles s’est fondée cette institution et, partant, avancer des arguments concernant le bien-fondé de la décision attaquée, quand bien même l’examen de ces arguments n’aboutirait pas à la conclusion selon laquelle les appréciations portées sur le fond par la Commission étaient erronées en fait ou en droit (voir arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 147 et jurisprudence citée).

173 Toutefois, force est de constater que le présent moyen est tiré, en substance, du caractère incomplet et insuffisant de l’examen effectué par la Commission lors de la procédure d’examen préliminaire et de l’appréciation différente de la compatibilité de la mesure en cause à laquelle cette institution serait parvenue à l’issue d’une procédure formelle d’examen. Or, il ressort des écritures de la requérante devant le Tribunal que, à l’appui de ce moyen, celle-ci a, pour l’essentiel, soit repris de manière condensée des arguments développés dans le cadre des deux premiers moyens du recours, relatifs au bien-fondé de la décision attaquée, soit directement renvoyé à ces arguments.

174 Dans ces conditions, le Tribunal ayant examiné au fond les premier et deuxième moyens, y compris les arguments tirés du caractère incomplet et insuffisant de l’examen mené par la Commission, il n’est pas tenu d’apprécier le bien-fondé du présent moyen de manière séparée, dès lors que, par ce moyen, la requérante n’a pas mis en évidence d’éléments spécifiques susceptibles de démontrer que la Commission avait rencontré des difficultés sérieuses pour apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur (voir, en ce sens, arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 149).

175 Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen doit être écarté.

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

176 La requérante soutient que la Commission a violé l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, dans la mesure où, premièrement, elle ne s’est pas demandé s’il était approprié d’utiliser les données de TAROM de 2019 comme scénario contrefactuel en dépit des éléments de preuve montrant que la situation financière de cette compagnie se serait détériorée en 2020 par rapport à 2019 sans la pandémie de COVID-19, deuxièmement, elle a omis de vérifier si TAROM avait réduit le dommage subi pendant la période pertinente et, plus généralement, de préciser si cette compagnie était tenue à une obligation de réduction du dommage, troisièmement, elle a omis d’analyser, même de manière succincte, la valeur de l’avantage concurrentiel conféré à TAROM, quatrièmement, elle a omis d’expliquer de façon intelligible comment l’aide au sauvetage précédemment accordée à cette compagnie avait été prise en compte pour écarter toute surcompensation, cinquièmement, elle n’a pas expliqué comment faire en sorte que l’aide en faveur de TAROM ne s’étende pas aux « filiales de la compagnie aérienne » et, sixièmement, elle n’a pas examiné si la mesure en cause n’était pas discriminatoire et si elle était compatible avec le règlement (CE) no 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), et les principes de libre prestation des services et de la liberté d’établissement.

177 La Commission conteste les arguments de la requérante.

178 À cet égard, il convient de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle et qu’elle doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteure de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. Ainsi, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences prévues par l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée [arrêts du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 156, et du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 179].

179 En l’espèce, s’agissant de la nature de l’acte en cause, il convient de relever que la décision attaquée a été adoptée au terme de la phase préliminaire d’examen des aides instituée par l’article 108, paragraphe 3, TFUE, qui a seulement pour objet de permettre à la Commission de se former une première opinion sur la compatibilité partielle ou totale de l’aide concernée, sans que soit ouverte la procédure formelle d’examen prévue au paragraphe 2 dudit article, qui, quant à elle, est destinée à permettre à la Commission d’avoir une information complète sur l’ensemble des données relatives à cette aide.

180 Or, une telle décision, qui est prise dans des délais brefs, doit uniquement contenir les raisons pour lesquelles la Commission estime ne pas être en présence de difficultés sérieuses d’appréciation de la compatibilité de l’aide concernée avec le marché intérieur [arrêt du 28 septembre 2023, Ryanair/Commission, C 320/21 P, EU:C:2023:712, point 157 ; voir, également, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 181 et jurisprudence citée].

181 À cet égard, premièrement, s’agissant des arguments relatifs au scénario contrefactuel et à la réduction du dommage, la requérante confond le bien-fondé des éléments de fait et de droit se trouvant à la base de la décision attaquée avec le défaut ou l’insuffisance de motivation de cet acte, de sorte que de tels arguments doivent être considérés comme étant inopérants (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C 367/95 P, EU:C:1998:154, points 65 à 67). Le bien-fondé de ces arguments a par ailleurs été apprécié dans le cadre de l’examen du premier grief de la première branche du premier moyen.

182 Deuxièmement, s’agissant de la motivation de la décision attaquée quant à la valeur de l’avantage concurrentiel accordé à TAROM, il suffit de constater que, ainsi qu’il résulte des points 130 et 131 ci-dessus, la Commission n’avait pas à prendre en considération un tel avantage afin d’apprécier la compatibilité de la mesure en cause avec le marché intérieur, de sorte qu’elle n’avait pas non plus à le mentionner dans la décision attaquée [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 182].

183 Troisièmement, s’agissant de la motivation de la décision attaquée quant à l’aide au sauvetage précédemment accordée à TAROM, la lecture des paragraphes 120 et 121 de cette décision permet de constater que la Commission a exposé de manière claire les raisons pour lesquelles elle considérait que cette aide au sauvetage et la mesure en cause ne couvraient pas les mêmes coûts. Par ailleurs, ces paragraphes de la décision attaquée ont permis, d’une part, à la requérante de contester le bien-fondé de cette appréciation et, d’autre part, au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision attaquée (voir points 114 à 126 ci-dessus).

184 Quatrièmement, s’agissant de l’argument relatif à la motivation de la décision attaquée concernant les « filiales de la compagnie aérienne », en l’absence d’identification des filiales en question dans la décision attaquée, force est de conclure qu’un tel argument est inopérant. En effet, aucune filiale de TAROM n’est mentionnée dans la décision attaquée et la requérante ne fournit pas d’argument expliquant pourquoi la Commission aurait dû examiner un éventuel transfert de l’aide octroyée à TAROM au titre de la mesure en cause vers une filiale.

185 Cinquièmement, s’agissant des principes de non-discrimination, de libre prestation des services et de la liberté d’établissement, il convient, certes, de rappeler que, selon la jurisprudence, lorsque les bénéficiaires de l’acte, d’une part, et d’autres opérateurs exclus, d’autre part, se trouvent placés dans une situation comparable, l’institution de l’Union, auteure de l’acte, est tenue d’exposer, dans le cadre d’une motivation spécifique, en quoi la différence de traitement ainsi instaurée est objectivement justifiée (arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast, C 390/06, EU:C:2008:224, point 82). Toutefois, à la différence de la mesure concernée dans l’arrêt du 15 avril 2008, Nuova Agricast (C 390/06, EU:C:2008:224), laquelle constituait un régime d’aides, la mesure en cause en l’espèce est une mesure d’aide individuelle et, par conséquent, la Commission n’était pas obligée d’apporter, dans la décision attaquée, de motivation spécifique en ce qui concernait la compatibilité de ladite mesure avec ces principes [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2023, Wizz Air Hungary/Commission (TAROM ; COVID-19), T 332/21, non publié, EU:T:2023:645, point 185].

186 Il résulte de ce qui précède que la décision attaquée est suffisamment motivée et que, par conséquent, le quatrième moyen doit être écarté.

187 Partant, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

IV. Sur les dépens

188 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux de la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1) Le recours est rejeté.

2) Wizz Air Hungary Légiközlekedési Zrt. (Wizz Air Hungary Zrt.) est condamnée aux dépens.