CA Grenoble, ch. soc. A, 12 décembre 2023, n° 22/01531
GRENOBLE
Ordonnance
Autre
PARTIES
Défendeur :
Main Sécurité (SAS)
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Conseiller :
Mme Blondeau-Patissier
Avocats :
Me Bataray, Me Ronk, Me Roumeas
EXPOSE DU LITIGE
La société par actions simplifiées (SAS) Main sécurité exerce une activité spécialisée dans le gardiennage et la surveillance de sites industriels et commerciaux.
M. [E] [U] a été embauché par la société ATM Group sécurité le 22 juillet 2009 en qualité d'agent d'exploitation.
A la suite d'un appel d'offre de la société EDF pour le gardiennage et la sécurité des locaux de la CNPE de Saint-Vulbas, la SAS Main sécurité s'est vue attribuer à compter du 12 janvier 2011 le contrat de gardiennage et de sécurité desdits locaux en lieu et place de la société ATM Group Sécurité.
En application de l'accord professionnel du 5 mars 2002 relatif à la reprise du personnel, le contrat de travail de M. [U] a été transféré à la SAS Main sécurité et un avenant au contrat de travail a été régularisé entre M. [U] et la SAS Main sécurité le 12 janvier 2011.
Le 26 juin 2020, M. [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Vienne, afin d'obtenir la condamnation de la SAS Main sécurité à lui verser la prime de fin d'année versée aux salariés de la société, à l'exclusion des salariés ayant fait l'objet d'un transfert de leur contrat de travail le 12 janvier 2011.
Par jugement du 16 mars 2022, le conseil de prud'hommes de Vienne a :
- Dit et jugé M. [U] mal fondé en ses demandes,
- Dit et jugé qu'il n'existe aucune rupture d'égalité de traitement au préjudice de M. [U],
- Dit et jugé qu'il n'existe aucun manquement de la SAS Main sécurité à ses obligations,
- Débouté M. [U] de sa demande de dommages et intérêts pour inégalité de traitement, exécution déloyale et résistance abusive,
- Condamné M. [U] à payer à la SAS Main sécurité la somme de 1,00 euro sur le fondement des dispositions de l'article
700 du code de procédure civile,
- Condamné M. [U] aux entiers dépens.
La décision ainsi rendue a été notifiée aux parties par lettre recommandée avec avis de réception.
M. [E] [U] en a relevé appel par déclaration de son conseil au greffe de la présente juridiction le 14 avril 2022.
M. [E] [U], appelant, a transmis ses conclusions par voie électronique le 11 juillet 2022.
La SAS Main sécurité, intimée, a transmis ses conclusions transmises par voie électronique le 14 avril 2023.
Par conclusions d'incident transmises par voie électronique le 5 octobre 2023, M. [E] [U] demande au conseiller de la mise en état de :
« Déclarer irrecevables les conclusions d'intimé de la SAS Main sécurité,
Débouter la SAS Main sécurité visant à solliciter du conseiller de la mise en état le transfert d'une question préjudicielle au tribunal administratif et de surseoir à statuer dans l'attente,
Débouter la SAS Main sécurité visant à solliciter du conseiller de la mise en état de sa demande tendant à écarter l'article 909 du code de procédure civile, juger recevable les conclusions d'intimé de la SAS Main sécurité et fixer, le cas échéant, un nouveau délai à l'appelant pour conclure en réponse,
Débouter la SAS Main sécurité de l'intégralité de ses demandes,
Condamner la SAS Main sécurité à verser à M. [U] la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ».
Par conclusions en réponse sur incident transmises par voie électronique le 31 août 2023, la SAS Main sécurité demande au conseiller de la mise en état de :
« In limine litis,
Soumettre au tribunal administratif de Grenoble une question préjudicielle relative à la légalité et à la constitutionnalité des décrets n° 2010-1647 du 28 décembre 2010 et n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile, dit décret Magendie,
Ordonner le sursis à statuer dans l'attente de la décision qui sera rendue par la juridiction administrative,
Au fond,
Ecarter l'application de l'article 909 du code de procédure civile,
Juger recevable les conclusions notifiées par RPVA le 11 juillet 2022 par la SAS Main sécurité,
Fixer, le cas échéant, un nouveau délai à l'appelant pour conclure en réponse ».
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens des parties, la cour se réfère à la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DECISION :
Sur la fin de non-recevoir des conclusions d'intimé tirée de l'application de l'article 909 du code de procédure civile :
Moyens des parties,
M. [U] demande au conseiller de la mise en état à ce que les conclusions d'intimé de la SAS Main sécurité du 14 avril 2023 soient déclarées irrecevables en application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile.
M. [U] fait valoir que :
- Il a fait parvenir ses conclusions d'appelant le 11 juillet 2022 et la SAS Main sécurité avait en conséquence, en application de l'article 909 du code de procédure civile, jusqu'au 11 octobre 2022 pour lui faire parvenir, ainsi qu'à la cour, ses conclusions d'intimé,
- La SAS Main sécurité n'a conclu que le 14 avril 2023, soit après l'écoulement du délai de trois mois qui commencent à courir à compter de la notification des conclusions d'appelant,
- Il n'y a pas lieu de surseoir à statuer et de transmettre au juge administratif la question préjudicielle tendant à l'inconstitutionnalité de l'article 909 du code de procédure civile, cette question n'étant pas sérieuse, dès lors qu'il s'agit d'une règle procédure qui ne touche pas aux droits civiques et aux garanties fondamentales du citoyen et que cette règle prévue par l'article 909 du code de procédure civile relève du domaine du règlement et non de la loi,
- La sanction de l'irrecevabilité des conclusions d'intimé prévue par cet article ne fait qu'encadrer les conditions d'exercice du droit d'ester en justice et n'a pas pour effet de porter atteinte à la substance même d'un droit fondamental,
- Le dispositif mis en place par l'article 909 du code de procédure civile ne prive pas l'intimé de son droit d'accès au juge et à un procès équitable ou à un recours effectif et n'est pas une sanction contraire aux exigences de l'article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que le dispositif ne limite pas le droit d'accès au juge, mais seulement les conditions d'exercice de ce droit,
- Le dispositif prévu par l'article 909 permet de garantir l'exigence de célérité de la justice, qui est un objectif légitime, le délai de trois mois n'étant pas une limite à l'exercice du droit d'ester en justice manifestement disproportionné par rapport à l'objet de célérité de la justice,
- La procédure civile a prévu des tempéraments en cas de force majeure (article 910-3 du code de procédure civile) et de cause étrangère (article 930-1 du code de procédure civile),
- Ce dispositif n'institue aucune rupture avec le principe d'égalité des armes, dès lors que le délai fixé pour conclure pour l'appelant et l'intimé et le même, et que la sanction prévue (caducité de la déclaration d'appel pour l'appelant et irrecevabilité des conclusions pour l'intimé) aboutit à la même conséquence pour chacune des parties, à savoir l'irrecevabilité de son droit d'agir,
- Il n'y a donc pas lieu d'écarter l'application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile, en ce qu'il serait contraire au droit de la convention européenne des droits de l'homme.
La SAS Main sécurité demande, à titre principal, au conseiller de la mise en état de surseoir à statuer et de poser une question préjudicielle au juge administratif, et à titre subsidiaire, de déclarer, dans le cas d'espèce, les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile contraires aux dispositions de l'article 6 §1 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de les écarter.
A titre principal, la SAS Main sécurité fait valoir que :
- La sanction prévue à l'article 909 du code de procédure civile, qui a pour effet, d'une part, de limiter l'accès au juge d'appel (aucun nouveau moyen de fait ou de droit ne pouvant être soumis à ce dernier), et d'autre part, d'évincer le principe du contradictoire (l'appelant peut à loisir développer de nouveaux moyens sans être contredit), constitue une atteinte au droit au procès équitable,
- Il relève de l'office du juge d'opérer un contrôle de proportionnalité et de rechercher si la règle dont il doit être fait application est proportionnée au but poursuivi,
- Le caractère automatique et irréversible de la sanction prévue à l'article 909 du code de procédure civile porte assurément atteinte à des garanties fondamentales au sens de l'article 34 de la constitution, sauf à considérer que le principe du contradictoire et le droit à un procès équitable ne constituent pas de des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques,
- Le juge judiciaire a l'obligation de poser une question préjudicielle au juge administratif lorsque la solution du litige qui lui est soumise dépend du règlement d'une question portant sur la validité d'un acte administratif,
- Le juge judiciaire doit surseoir à statuer et poser une question préjudicielle, dès lors que le problème posé par l'acte administratif est sérieux, que la réponse préjudicielle est nécessaire à la solution du litige,
- L'irrecevabilité des conclusions sanctionnant l'intimé a été insérée à l'article 909 du code de procédure civile par le décret n° 2009-1524 du 9 décembre 2009 « relatif à la procédure d'appel avec représentation obligatoire en matière civile » dit décret Magendie, modifié par le décret n° 2010-1647 du 28 décembre 2010,
- Le pouvoir réglementaire a porté atteinte au droit à un recours juridictionnel effectif, garanti par la Constitution de 1958, sans habilitation du législateur, alors que l'article 34 de ladite constitution réserve à la loi la détermination des règles concernant les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques,
- A supposer que le pouvoir réglementaire n'ait pas empiété sur le pouvoir du législateur, les restrictions posées par les articles 908 et 909 du code de procédure civile portent atteinte à des droits protégés par la constitution (principe du contradictoire et principe de l'égalité des armes),
- L'article 909 du code de procédure civile doit donc être soumis au juge administratif afin qu'il se prononce sur sa validité au regard des principes garantis par la constitution.
A titre subsidiaire, la SAS Main sécurité fait valoir que :
- La sanction prévue par l'article 909 du code de procédure civile, porte atteinte aux dispositions garanties par la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales,
- Le dispositif prive l'intimé, par un encadrement trop radical de la mise en état de l'affaire, de l'accès au juge d'appel,
- Le dispositif prive le justiciable du droit de voir sa cause entendue devant la juridiction d'appel devant laquelle il sera pourtant jugé et rompt le principe d'égalité des armes, pendant du principe du contradictoire et composant du droit au procès équitable,
- Il appartient ainsi au conseiller de la mise en état de se prononcer sur le point de savoir, d'une part, si le motif avancé pour justifier de telles atteintes, à savoir l'exigence de célérité de la justice, est légitime, d'autre part, si lesdites atteintes constituent des moyens proportionnés pour atteindre ledit but, l'exigence de proportionnalité devant s'apprécier in concreto,
- L'exigence de célérité, qui n'est pas un droit fondamental, mais une composante du droit à un procès équitable, est un motif légitime,
- Toutefois, depuis l'entrée en vigueur des articles 908 et 909 du code de procédure civile, la durée des affaires devant les chambres civiles des cours d'appel n'a pas été réduite,
- Ainsi, il n'existe pas de rapport raisonnable de proportionnalité entre la gravité de l'atteinte portée aux droits fondamentaux et l'efficacité de la mesure,
- Les sanctions du défaut de diligence des parties à hauteur d'appel appliquées avant l'entrée en vigueur du décret Magendie étaient moins sévères et tout autant efficaces, donc nécessairement plus proportionnées,
Dans le cas d'espèce, le fait que la SAS Main sécurité ait conclu au-delà du délai de trois mois n'a pas fait obstacle à ce que la procédure se poursuivre dans un délai raisonnable, puisqu'un délai de douze mois seulement a séparé l'acte d'appel (avril 2022) de l'ordonnance de fixation à plaider (avril 2023), ce dont il résulte que l'exigence de célérité a été respectée, et que la sanction est disproportionnée,
Par ailleurs, cette sanction porte atteinte au principe du contradictoire, puisque l'argumentation et les pièces de l'intimé seront retirées du débat,
Il est donc demandé au conseiller de la mise en état d'écarter l'application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile comme portant atteintes à des principes conventionnement garantis et de juger les conclusions de la SAS Main sécurité recevables, à charge pour le conseiller de la mise en état de fixer le cas échéant un nouveau à l'appelant pour conclure.
Sur ce,
Sur l'exception d'illégalité de l'article 909 du code de procédure civile soulevée par la SAS Main sécurité :
Selon l'article 908 du code de procédure civile, dans sa version modifiée par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, à peine de caducité de la déclaration d'appel, relevée d'office, l'appelant dispose d'un délai de trois mois à compter de la déclaration d'appel pour remettre ses conclusions au greffe.
Selon l'article 909 du code de procédure civile, dans sa version modifiée par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, l'intimé dispose, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, d'un délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant prévues à l'article 908 pour remettre ses conclusions au greffe et former, le cas échéant, appel incident ou appel provoqué.
Selon l'article 910-3 du même code, édictée par le décret n° 2017-891 du 6 mai 2017 relatif aux exceptions d'incompétence et à l'appel en matière civile, en cas de force majeure, le président de la chambre ou le conseiller de la mise en état peut écarter l'application des sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 911.
Selon l'article 911 du même code, sous les sanctions prévues aux articles 905-2 et 908 à 910, les conclusions sont notifiées aux avocats des parties dans le délai de leur remise au greffe de la cour. Sous les mêmes sanctions, elles sont signifiées au plus tard dans le mois suivant l'expiration des délais prévus à ces articles aux parties qui n'ont pas constitué avocat ; cependant, si, entre-temps, celles-ci ont constitué avocat avant la signification des conclusions, il est procédé par voie de notification à leur avocat.
La notification de conclusions au sens de l'article 910-1 faite à une partie dans le délai prévu aux articles 905-2 et 908 à 910 ainsi qu'à l'alinéa premier du présent article constitue le point de départ du délai dont cette partie dispose pour remettre ses conclusions au greffe.
Selon l'article 911-1 du même code, le conseiller de la mise en état peut d'office, par ordonnance et en raison de la nature de l'affaire, impartir des délais plus courts que ceux prévus aux articles 908 à 910.
La caducité de la déclaration d'appel en application des articles 902 et 908 ou l'irrecevabilité des conclusions en application des articles 909 et 910 sont prononcées par ordonnance du conseiller de la mise en état qui statue après avoir sollicité les observations écrites des parties. L'ordonnance qui prononce la caducité ne peut être rapportée.
La partie dont la déclaration d'appel a été frappée de caducité en application des articles 902,905-1, 905-2 ou 908 ou dont l'appel a été déclaré irrecevable n'est plus recevable à former un appel principal contre le même jugement et à l'égard de la même partie.
De même, n'est plus recevable à former appel principal l'intimé auquel ont été régulièrement notifiées les conclusions de l'appelant et qui n'a pas formé un appel incident ou provoqué contre le jugement attaqué dans les délais impartis aux articles 905-2 et 909 ou dont l'appel incident ou provoqué a été déclaré irrecevable.
Selon l'article 914 du même code, les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu'à la clôture de l'instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à :
- prononcer la caducité de l'appel ;
- déclarer l'appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l'appel ; les moyens tendant à l'irrecevabilité de l'appel doivent être invoqués simultanément à peine d'irrecevabilité de ceux qui ne l'auraient pas été ;
- déclarer les conclusions irrecevables en application des articles 909 et 910 ;
- déclarer les actes de procédure irrecevables en application de l'article 930-1.
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d'appel la caducité ou l'irrecevabilité après la clôture de l'instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement.
Néanmoins, sans préjudice du dernier alinéa du présent article, la cour d'appel peut, d'office, relever la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel ou la caducité de celui-ci.
Les ordonnances du conseiller de la mise en état statuant sur la fin de non-recevoir tirée de l'irrecevabilité de l'appel, sur la caducité de celui-ci ou sur l'irrecevabilité des conclusions et des actes de procédure en application des articles 909,910, et 930-1 ont autorité de la chose jugée au principal.
Selon l'article 34 de la Constitution du 4 octobre 1958, la loi est votée par le Parlement.
La loi fixe les règles concernant :
- les droits civiques et les garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques ;
- les sujétions imposées par la défense nationale aux citoyens en leur personne et en leurs biens ;
- la nationalité, l'état et la capacité des personnes, les régimes matrimoniaux, les successions et libéralités ;
- la détermination des crimes et délits ainsi que les peines qui leur sont applicables ; la procédure pénale ; l'amnistie ; la création de nouveaux ordres de juridiction et le statut des magistrats ;
- l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement des impositions de toutes natures ; le régime d'émission de la monnaie.
La loi fixe également les règles concernant :
- le régime électoral des assemblées parlementaires et des assemblées locales ;
- la création de catégories d'établissements publics ;
- les garanties fondamentales accordées aux fonctionnaires civils et militaires de l'Etat ;
- les nationalisations d'entreprises et les transferts de propriété d'entreprises du secteur public au secteur privé.
La loi détermine les principes fondamentaux :
- de l'organisation générale de la défense nationale ;
- de la libre administration des collectivités locales, de leurs compétences et de leurs ressources ;
- de l'enseignement ;
- du régime de la propriété, des droits réels et des obligations civiles et commerciales ;
- du droit du travail, du droit syndical et de la sécurité sociale.
Les lois de finances déterminent les ressources et les charges de l'Etat dans les conditions et sous les réserves prévues par une loi organique.
Des lois de programme déterminent les objectifs de l'action économique et sociale de l'Etat.
Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique.
Selon l'article 37 de la Constitution du 4 octobre 1958, les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire.
Les textes de forme législative intervenus en ces matières peuvent être modifiés par décrets pris après avis du Conseil d'État. Ceux de ces textes qui interviendraient après l'entrée en vigueur de la présente Constitution ne pourront être modifiés par décret que si le Conseil constitutionnel a déclaré qu'ils ont un caractère réglementaire en vertu de l'alinéa précédent.
Il résulte des articles 34 et 37 de la Constitution que les dispositions de la procédure à suivre devant les juridictions relèvent de la compétence réglementaire dès lors qu'elles ne concernent pas la procédure pénale et qu'elles ne mettent en cause aucune règle, ni aucun des principes fondamentaux placés par la constitution dans le domaine de la loi.
(Décision n° 88-153 L du 23 février 1988)
En outre, selon l'article 37 de la Constitution, selon lequel les matières autres que celles qui sont du domaine de la loi ont un caractère réglementaire, n'a pas pour effet de dispenser le pouvoir réglementaire du respect des exigences constitutionnelles. (Décision n° 2006-545 DC du 28 décembre 2006)
Lorsque la solution du litige soumis à une juridiction de l'ordre judiciaire dépend du règlement d'une question relative à la légalité, la régularité ou la validité d'un acte administratif, le juge judiciaire est tenu de poser une question préjudicielle et de surseoir à statuer dans l'attente de la réponse que doit donner la juridiction administrative.
Toutefois, le juge judiciaire ne peut accueillir une exception préjudicielle que si elle présente un caractère sérieux et porte sur une question dont la solution est nécessaire au règlement au fond du litige.
Les articles 909 et 910-3 du code de procédure civile, qui prévoient que, sauf cas de force majeure, les conclusions de l'intimé non transmises au greffe dans le délai de trois mois à compter de la notification des conclusions de l'appelant sont déclarées irrecevables, y compris d'office par le conseiller de la mise en état, ne privent pas, contrairement à ce que soutient la SAS Main sécurité, l'intimé de l'accès au juge d'appel, ni ne l'empêchent de faire appel incident ou provoqué, et ainsi ne le privent d'aucune voie de recours qui constitue pour les justiciables une garantie fondamentale dont, en vertu de l'article 34 de la Constitution, il appartient seulement à la loi de fixer les règles.
En outre, si, comme l'allègue la SAS Main sécurité, dans l'hypothèse où l'intimé n'aurait pas conclu et transmis ses conclusions dans le délai imparti par l'article 909 du code de procédure civile, celui-ci n'a pas la possibilité de développer de nouveaux moyens et de produire de nouvelles pièces, cette éventualité ne porte pas atteinte au principe fondamental d'égalité des armes, pendant du principe du contradictoire et composant du droit au procès équitable, dès lors qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés.
Enfin, les articles 909 et suivants du code de procédure civile susvisées sont dénués de toute ambiguïté ou indétermination et ne sont ainsi à l'origine d'aucune incertitude ou imprévisibilité quant aux modalités d'exercice de la voie de recours concernée, de sorte qu'ils ne portent pas atteinte au droit d'exercer un recours effectif devant une juridiction, garanti par l'article 16 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789.
En conséquence, il ne peut être sérieusement soutenu, ni que cette sanction procédurale affectant le droit d'accès à un juge en qualité d'intimé porterait atteinte à plusieurs des droits constitutionnellement garanties, ni qu'elle mettrait en cause une règle concernant l'une des garanties fondamentales accordées aux citoyens pour l'exercice des libertés publiques, et qu'elle relèverait à ce titre de la compétence du pouvoir législatif conformément aux dispositions susvisées de l'article 34 de la Constitution ; qu'ainsi, l'article 909 du code de procédure civile serait illégal pour ces motifs.
En l'absence de contestation sérieuse de la légalité de la disposition et des décrets critiqués par la SAS Main sécurité, il n'y a pas lieu de saisir la juridiction administrative par voie de question préjudicielle.
Sur l'exception d'inconventionnalité de l'article 909 du code de procédure civile soulevée par la SAS Main sécurité :
Selon l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bienfondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Le jugement doit être rendu publiquement, mais l'accès de la salle d'audience peut être interdit à la presse et au public pendant la totalité ou une partie du procès dans l'intérêt de la moralité, de l'ordre public ou de la sécurité nationale dans une société démocratique, lorsque les intérêts des mineurs ou la protection de la vie privée des parties au procès l'exigent, ou dans la mesure jugée strictement nécessaire par le tribunal, lorsque dans des circonstances spéciales la publicité serait de nature à porter atteinte aux intérêts de la justice.
Selon l'article 55 de la Constitution du 4 octobre 1958, les traités ou accords régulièrement ratifiés ou approuvés ont, dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque accord ou traité, de son application par l'autre partie.
La méconnaissance d'un traité international peut être invoqué à l'appui d'un recours pour excès de pouvoir dirigé contre un acte administratif devant le juge administratif.
En vertu du principe de séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, sous réserve des matières réservées par nature à l'autorité judiciaire et sauf dispositions législatives contraires, il n'appartient qu'à la juridiction administrative de connaître des recours tendant à l'annulation ou à la réformation des décisions prises par l'administration dans l'exercice de ses prérogatives de puissance publique ; que de même, le juge administratif est en principe seul compétent pour statuer, le cas échéant par voie de question préjudicielle, sur toute contestation de la légalité de telles décisions, soulevée à l'occasion d'un litige relevant à titre principal de l'autorité judiciaire.
Les dispositions de l'article 55 de la Constitution conférant aux traités, dans les conditions qu'elles définissent, une autorité supérieure à celle des lois ne prescrivent ni n'impliquent aucune dérogation aux principes, rappelés ci-dessus, régissant la répartition des compétences entre ces juridictions, lorsque est en cause la légalité d'une disposition réglementaire, alors même que la contestation porterait sur la compatibilité d'une telle disposition avec les engagements internationaux.
Toutefois, ces principes doivent être conciliés tant avec l'exigence de bonne administration de la justice qu'avec les principes généraux qui gouvernent le fonctionnement des juridictions, en vertu desquels tout justiciable a droit à ce que sa demande soit jugée dans un délai raisonnable ; qu'il suit de là que si, en cas de contestation sérieuse portant sur la légalité d'un acte administratif, les tribunaux de l'ordre judiciaire statuant en matière civile doivent surseoir à statuer jusqu'à ce que la question préjudicielle de la légalité de cet acte soit tranchée par la juridiction administrative, il en va autrement lorsqu'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par le juge saisi au principal.
Il ressort des conclusions d'incident déposées par la SAS Main sécurité que celles-ci demandent sur le fond d'écarter l'application de l'article 909 du code de procédure civile au motif que le mécanisme procédural qu'il prévoit porte atteinte à plusieurs des droits fondamentaux garanties par la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et plus particulièrement ceux prévus par l'article 6 §1 de cette convention.
Il s'ensuit, qu'à travers sa demande, la SAS Main sécurité soumet à la présente cour d'appel un nouveau moyen visant à contester la légalité de l'article 909 du code de procédure civile, dont l'appréciation relève, par principe, compte tenu de sa nature réglementaire, de la compétence du juge administratif.
Dès lors, il y a lieu de donner à cette demande son exacte qualification et de se prononcer sur le point de savoir si le moyen soulevé par la SAS Main sécurité constitue une contestation sérieuse à l'encontre de la légalité de l'article 909 du code de procédure civile justifiant qu'il soit sursis à statuer et qu'une question préjudicielle soit transmise au juge administratif, ou s'il apparaît manifestement, au vu d'une jurisprudence établie, que la contestation peut être accueillie par la présente cour d'appel.
Il n'est pas contestable que l'article 909 du code de procédure civile instaure un mécanisme procédural visant à encadrer dans un délai strict, en l'occurrence trois mois, l'exercice par l'intimé de sa faculté de répondre aux demandes et moyens formulés par l'appelant, et, éventuellement, de faire appel incident ou provoqué, afin d'obliger l'intimé à faire connaître rapidement et efficacement à l'appelant ses moyens, ce mécanisme visant ainsi à répondre aux objectifs de célérité et de bonne administration de la justice.
Si, comme cela a été relevé précédemment, l'article 909 prévoit en cas de non-respect de ce délai, sauf cas de force majeure, l'application d'une sanction automatique, le cas échéant relevée d'office, l'irrecevabilité de ses conclusions, empêchant en pratique l'intimé de répondre aux conclusions de l'appelant, et, éventuellement, de développer de nouveaux moyens en cause d'appel, ce mécanisme ne restreint pas l'accès de l'intimé au juge d'appel d'une manière ou à un point tels que le droit d'accès au juge et à un recours effectif, ainsi que le respect du caractère équitable du procès, lequel implique que l'intimé puisse répondre aux conclusions de l'appelant, s'en trouvent atteints dans leur substance même.
Les buts poursuivis par l'article 909 du code de procédure civile, à savoir la mise en état rapide des affaires, en vue de donner aux juridictions les moyens de connaître des affaires en appel dans un délai raisonnable, visent à répondre aux objectifs légitimes de célérité et de bonne administration de la justice.
Il est de jurisprudence constante que les limitations au droit d'accès au juge d'appel doivent, pour être conformes à l'article 6 §1 de la Convention européenne des droits de l'homme, être proportionnées aux buts poursuivis.
Ainsi, il y a lieu de procéder à un contrôle de proportionnalité, afin de s'assurer que le mécanisme procédural prévu par l'article 909 du code de procédure civile répond à l'équilibre visé par la Convention entre, d'une part, les objectifs légitimes de bonne administration de la justice et de célérité de la procédure, d'autre part, les exigences du droit d'accès au juge.
Eu égard au caractère dénué de toute ambiguïté de l'article 909 du code de procédure civile, lequel fait peser, en appel, sur des professionnels du droit avertis une sanction procédurale dénuée de toute incertitude, et compte tenu de la durée du délai prévu par ledit article, à savoir trois mois, il ne peut qu'être retenu, compte tenu de la jurisprudence établie de la Cour européenne des droits de l'homme s'agissant des limitations instituées par les Etats au droit d'accès à un juge, que le mécanisme procédural institué par l'article 909 du code de procédure civile est conforme à l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
En outre, dès lors qu'en appel, si l'intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l'appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés, l'atteinte au droit à un recours effectif ne peut non plus être regardée comme disproportionnée au regard des objectifs légitimes poursuivis par cet article.
Il n'y a pas lieu de procéder à un contrôle de proportionnalité in concreto, comme le demande la SAS Main sécurité, la prise en compte des circonstances de l'espèce dans l'appréciation de la proportionnalité entre les objectifs poursuivis par la disposition litigieuse et l'atteinte au droit d'accès à un juge étant susceptible de porter atteinte au principe de sécurité juridique.
Eu égard à ces constatations, le moyen soulevé par la SAS Main sécurité à l'encontre de la légalité de l'article 909 du code de procédure civile ne constitue pas une contestation sérieuse, justifiant qu'il soit sursis à statuer et qu'une question préjudicielle soit soumise au juge administratif.
L'exception d'illégalité soulevée par la SAS Main sécurité tirée de l'inconventionnalité de l'article 909 du code de procédure civile au regard de l'article 6 §1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est rejetée.
Au vu de ce qui précède, il n'y a pas lieu d'écarter l'application des dispositions de l'article 909 du code de procédure civile.
Sur l'application de l'article 909 du code de procédure civile au cas d'espèce :
La SAS Main sécurité ne conteste pas qu'elle a transmis ses premières conclusions d'intimé par la voie du RPVA le 14 avril 2023, soit au-delà du délai de trois mois prévu par ledit article, lequel a commencé à courir à compter du jour de la transmission des conclusions de l'appelant transmises par le RPVA, soit le 11 juillet 2022.
En conséquence, il y a lieu de déclarer les conclusions de la SAS Main sécurité du 14 avril 2023 et ses pièces irrecevables.
Sur les demandes accessoires :
Il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.
Les demandes des parties à ce titre sont rejetées.
Les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance sur le fond.
PAR CES MOTIFS,
Nous, Hélène BLONDEAU-PATISSIER, Conseillère chargée de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire rendue publiquement,
DISONS qu'il n'y a pas lieu de saisir la juridiction administrative par voie de question préjudicielle,
REJETONS la demande de sursis à statuer,
REJETONS l'exception d'illégalité soulevée par la SAS Main sécurité,
REJETONS la demande qui tend à voir écarter les dispositions de l'article 909 du code de procédure civile,
DÉCLARONS irrecevables les conclusions d'intimé transmises par voie électronique le 14 avril 2023,
DISONS n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
DISONS que les dépens de l'incident suivront le sort de ceux de l'instance sur le fond,
FIXONS l'affaire au fond pour être plaidée à l'audience de plaidoiries du lundi 6 mai 2024 à 13H30 en salle 8 du palais de justice - Place Firmin Gautier - 38019 GRENOBLE,
FIXONS la clôture au 9 avril 2024,
INDIQUONS que la présente ordonnance vaut convocation.