Cass. 2e civ., 7 mars 2024, n° 22-19.157
COUR DE CASSATION
Arrêt
Cassation
COMPOSITION DE LA JURIDICTION
Président :
Mme. MARTINEL
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Paris,18 mai 2022), par déclaration du 10 décembre 2019, l'association Ceraf-solidarités (l'association) a relevé appel du jugement d'un conseil de prud'hommes dans un litige l'opposant à sa salariée, Mme [D].
Examen du moyen
Sur le moyen, pris en sa seconde branche Enoncé du moyen
2. L'association fait grief à l'arrêt de dire n'y avoir lieu à statuer sur ses demandes en l'absence d'effet dévolutif de l'appel principal et, statuant sur les seuls chefs du jugement critiqués par l'appel incident de Mme [D], de requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée et de la condamner à lui payer diverses sommes au titre de l'indemnité de requalification et de la rupture du contrat de travail, alors « qu'en tout état de cause une déclaration d'appel, à laquelle est jointe une annexe comportant les chefs de dispositif du jugement critiqués, constitue l'acte d'appel conforme aux exigences de l'article 901 du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022 ; qu'en jugeant que la déclaration d'appel de l'association Ceraf Solidarités était privée d'effet dévolutif au motif que l'absence de toute mention dans la déclaration d'appel de l'annexe comportant les chefs du jugement critiqués excluait que cette dernière ait pu faire corps avec l'acte d'appel, la cour d'appel a violé les articles 562 et 901 du code de procédure civile, ce dernier dans sa rédaction issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, applicable au litige. »
Réponse de la Cour
Vu l'article 6,§1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 901 du code de procédure civile, dans sa version issue du décret n° 2022-245 du 25 février 2022, les articles 748-1, 748-6, 930-1, alinéas 1 et 5, du code de procédure civile et l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020 relatif à la communication par voie électronique en matière civile devant les cours d'appel, modifié par l'article 2 de l'arrêté du 25 février 2022 :
3. Selon le deuxième de ces textes, la déclaration d'appel est faite par acte, comportant le cas échéant une annexe, contenant, outre les mentions prescrites par les 2° et 3° de l'article 54 et par le cinquième alinéa de l'article 57, et à peine de nullité :
1° La constitution de l'avocat de l'appelant ;
2° L'indication de la décision attaquée ;
3° L'indication de la cour devant laquelle l'appel est porté ;
4° Les chefs du jugement expressément critiqués auxquels l'appel est limité, sauf si l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.
Elle est signée par l'avocat constitué. Elle est accompagnée d'une copie de la décision. Elle est remise au greffe et vaut demande d'inscription au rôle.
4. Selon le troisième, les envois, remises et notifications des actes de procédure, des pièces, avis, avertissements ou convocations, des rapports, des procès-verbaux ainsi que des copies et expéditions revêtues de la formule exécutoire des décisions juridictionnelles peuvent être effectués par voie électronique dans les conditions et selon les modalités fixées par le titre XXI du livre 1er du code de procédure civile, sans préjudice des dispositions spéciales imposant l'usage de ce mode de communication.
5. Il résulte du quatrième que les procédés techniques utilisés doivent garantir, dans des conditions fixées par arrêté du garde des Sceaux, ministre de la justice, la fiabilité de l'identification des parties à la communication électronique, l'intégrité des documents adressés, la sécurité et la confidentialité des échanges, la conservation des transmissions opérées et permettre d'établir de manière certaine la date d'envoi et, celle de la mise à disposition ou celle de la réception par le destinataire. Vaut signature, pour l'application des dispositions du code de procédure civile aux actes que les parties, le ministère public ou les auxiliaires de justice assistant ou représentant les parties notifient ou remettent à l'occasion des procédures suivies devant les juridictions des premier et second degrés, l'identification réalisée, lors de la transmission par voie électronique, selon les modalités prévues au premier alinéa.
6. En matière de procédure avec représentation obligatoire, selon le cinquième, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les actes de procédure sont remis à la juridiction par voie électronique. Un arrêté du garde des Sceaux définit les modalités des échanges par voie électronique.
7. Il résulte du dernier que, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document. Ce document est communiqué sous la forme d'un fichier séparé du fichier visé à l'article 3. Ce document est un fichier au format PDF, produit soit au moyen d'un dispositif de numérisation par scanner si le document à communiquer est établi sur support papier, soit par enregistrement direct au format PDF au moyen de l'outil informatique utilisé pour créer et conserver le document original sous forme numérique.
8. Il en découle que, si en application de l'article 4 de l'arrêté précité, lorsqu'un document doit être joint à l'acte, ledit acte renvoie expressément à ce document, une telle prescription est propre aux dispositions relatives aux procédés techniques utilisés en matière de communication électronique et ne constitue pas une formalité substantielle ou d'ordre public, au sens de l'article 114 du code de procédure civile, dont l'inobservation affecterait l'acte en lui-même.
9. Aussi, la circonstance que la déclaration d'appel ne renvoie pas expressément à une annexe comportant les chefs de jugement critiqués ne peut donner lieu à nullité de l'acte en application de l'article 114 précité.
10. Par ailleurs, cette circonstance ne saurait davantage priver la déclaration d'appel de son effet dévolutif, une telle conséquence étant disproportionnée au regard du but poursuivi.
11. Pour dire que la cour d'appel n'avait pas à statuer sur les demandes de l'association en l'absence d'effet dévolutif de son appel principal, l'arrêt énonce qu'en application de l'article 4 de l'arrêté du 20 mai 2020, tel que modifié par l'article 2 du décret du 25 février 2022, lorsqu'un document doit être joint à un acte, ledit acte renvoie expressément à ce document.
12. L'arrêt relève ensuite que la déclaration d'appel ne précise pas les chefs du jugement critiqués qui sont seulement mentionnés dans une annexe à laquelle elle ne renvoie pas expressément et retient que la régularité du recours à une annexe est subordonnée à ce que l'acte d'appel renvoie expressément à ce document pour faire corps avec lui.
13. En statuant ainsi, la cour d'appel a violé, par fausse application, les textes susvisés.
Portée et conséquences de la cassation
14. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation de la disposition disant n'y avoir lieu à statuer sur les demandes de l'association en l'absence d'effet dévolutif de l'appel principal entraîne la cassation des autres chefs de dispositif, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 18 mai 2022, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne Mme [D] aux dépens ;
En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept mars deux mille vingt-quatre.